- Speaker #0
Dans tous les témoignages qu'on a, ce qu'on observe, c'est qu'on doit se justifier constamment. Dès que je monte ma carte handicap, d'ailleurs je ne la monte plus dans les transports parce que je sais que les gens vont me fixer pendant plusieurs arrêts. Et c'est tous ces jugements, ces regards qu'on peut avoir, où du coup on ne se sent pas légitime à en parler.
- Speaker #1
Mais je trouve ça dur en vrai le truc de... Tu sais, le podcast en public...
- Speaker #2
Vous écoutez La Perche, un podcast produit par La Maison Perchée.
- Speaker #3
Nous sommes une association fondée sur l'entraide entre jeunes adultes vivant avec des troubles psychiques ainsi que leurs proches.
- Speaker #2
Nous sommes convaincus que tout le monde gagnerait à apprendre de celles et ceux qui vivent avec et au contact des maladies psychiques.
- Speaker #3
Ici, on aborde des sujets parfois sensibles, sans détour ni tabou, et on vous invite à écouter le podcast à votre rythme.
- Speaker #2
Si vous traversez un moment difficile, ne restez pas seul. En cas d'urgence... Appelez le 3114.
- Speaker #3
Je suis Sylvain Pinault, réalisateur de podcast et père aidant à la Maison Percher.
- Speaker #2
Je suis Anna Klarsfeld, créatrice de podcast et proche de personnes concernées.
- Speaker #3
On est très contents de faire cette troisième saison avec vous, ensemble et en très bonne compagnie.
- Speaker #2
Un épisode en effet inédit puisqu'en direct et en plus à l'occasion du vernissage d'une magnifique expo d'Hélène Massandreas sur ce corps qui échappe. Est-ce que pour commencer, pour nous mettre un peu dans l'ambiance et pour mettre surtout nos auditeurices qui ne sont pas parmi nous dans l'ambiance de ton exposition, est-ce que tu veux présenter en quelques mots ton travail ?
- Speaker #4
Je suis photographe et réalisatrice. Je travaille sur l'intime, les personnes qui ont des modes de vie décalés, le féminisme et plein d'autres questions plutôt de l'ordre des minorités. Ici, je présente une exposition qui s'appelle « Ce corps qui échappe » et c'est un travail que j'ai entamé en 2024 sur le handicap invisible. J'ai réalisé 7 portraits de personnes porteuses de handicap invisible. C'est plusieurs types de handicap. Ça peut être des troubles psy, des maladies auto-immunes, des personnes qui sont sourdes ou malentendantes, ou des personnes qui ont des troubles du neurodéveloppement. J'ai essayé d'avoir un panel un peu varié. Ce travail est présenté jusqu'au 23 octobre à Paris, à la Maison Percher. J'ai choisi de faire ce travail parce que je me suis aperçue qu'il y avait 12 millions de personnes en situation de handicap en France et que 80% des handicaps étaient invisibles. Donc c'est vraiment la majorité des handicaps qui ne se voient pas. Comme je suis moi-même concernée par un handicap invisible, je me suis dit que c'était un sujet que j'avais envie de traiter, de comprendre et de mener une investigation avec d'autres personnes concernées pour qu'on... qu'on mène une petite enquête ensemble sur nos ressentis intimes, notre vulnérabilité commune, notre fatigue, nos douleurs psychiques ou physiques. Ça a donné lieu à un travail avec plein de personnes concernées. Et il y a à la fois des témoignages écrits et des photographies.
- Speaker #3
Et on va commencer tout de suite avec notre panel d'invités. On va faire un petit tour de table. On commence par Chiara, Chiara Khan.
- Speaker #5
Bonjour à tous et à toutes. Moi, je suis journaliste et militante, anti-féministe et pas anti-féministe, je tiens à le dire. Je tiens à un podcast aussi qui s'appelle Compassion, avec un N comme con pour le jeu de mots, qui est un podcast au sein duquel je fais intervenir uniquement des personnes directement concernées par le handicap. Et voilà, j'ai pas mal milité, notamment au sein d'un collectif qui s'appelle les Dévalideuses. Et depuis peu de temps, je peux dire que je suis autrice, parce que j'ai co-écrit un livre avec une philosophe qui travaille sur un mouvement anti-validite qui s'appelle le mouvement CRIP, Charlotte Puiseux, que peut-être certains et certaines connaissent.
- Speaker #2
Et tu nous en diras plus au cours du podcast sur ce qu'est justement le mouvement CRIP. On est aussi avec Mélo Lauré. Est-ce que Mélo, tu veux te présenter ?
- Speaker #1
Oui, bonjour à tous. Ça engendrerait tous et toutes en même temps, c'est la pratique. Du coup je m'appelle Mélo Lauré, je suis comédien, performeur et auteur et chanteur. Et je travaille entre autres beaucoup sur les questions de troubles psy. En tout cas je pars de mon trouble psy dans pas mal de mon travail, que ce soit dans ma musique. J'ai sorti un album il y a deux ans qui s'appelle Le moment présent. Et je suis en train de travailler sur un spectacle. qui s'appelle Qui pour protéger les monstres des cauchemars et qui prend racine dans mon trouble psychique. Bon, j'ai toujours du mal avec les présentations comme ça, mais en gros, c'est à peu près ça.
- Speaker #2
Et enfin, on est avec Alice Devesse, cofondatrice du média Petite Mû, qui est, me semble-t-il, le premier média consacré à la question du handicap invisible, si tu veux nous en dire plus.
- Speaker #0
Bonjour à toutes et tous, merci pour l'invitation. Encore bravo Hélène pour cette expo. Effectivement, je suis la cofondatrice de Petite Mû. Petite Mû, c'est le premier média qui s'insiste vis-à-vis du handicap invisible. Je l'ai cofondée aussi avec Annaëlle, parce qu'on est en fait toutes les deux concernées. Et en cherchant des interviews de personnes concernées, on s'est rendu compte, il y a trois ans et demi, quatre ans, qu'il y avait peu de médias qui en parlaient. Donc on s'est dit, pourquoi pas créer le média qu'on aurait bien voulu avoir. Et l'objectif, c'est vraiment donner la parole directement aux personnes concernées. On a aussi, après des interviews de proches aidants et de professionnels de santé. Et on fait beaucoup de... Enfin, c'est Annaëlle, parce que moi, je ne sais pas dessiner, qui fait beaucoup de bandes dessinées sur le sujet. parce que ça nous permet de vulgariser certains concepts et de pouvoir sensibiliser aussi plus de monde. Et on a lancé aussi notre premier podcast depuis un mois, où Chiara était là d'ailleurs, sur le validisme.
- Speaker #3
Chiara, tu parlais de la théorie CRIF que tu défends et dans laquelle tu t'inscris. Est-ce que tu peux nous définir un peu ce que ça veut dire ?
- Speaker #5
Quand on parle de validisme, on essaie d'expliquer que la société est construite autour de la norme valide, tout comme on pourrait le concevoir par rapport aux personnes. Quand on dit que la société est une société hétéronormée, quand on parle de sexisme, qu'on parle du fait que la société est construite autour des corps masculins, etc. Et l'idée, c'est de se dire que, comme on l'a fait avec le mot queer, de reprendre ce mot, de se l'approprier et d'en faire une fierté. Et de dire, voilà, je suis une personne creep. Je pourrais, enfin je suis fière de l'être. Et ce serait facilité évidemment, si on ne vivait pas dans ce type de société, mais le but c'est d'arriver à cet idéal de fierté. Et je voulais ajouter quelque chose par rapport aux pathologies invisibles, par rapport à ce qu'on disait aussi précédemment, c'est que même parler d'antibalédisme, c'est parler de hiérarchisation des vies, donc même au sein des luttes progressistes, donc de dire que... On estime qu'il y a des vies qui valent le coup d'être vécues, d'autres qui ne valent pas le coup d'être vécues. Et souvent, la catégorie des personnes handicapées, c'est une catégorie qui est celle des personnes dont on va considérer les vies comme étant des vies tristes, misérables, etc. Donc des vies qui ne valent pas vraiment le coup d'être vécues. Et en fait, ça fait de la catégorie des personnes handicapées une catégorie dans laquelle on n'a pas du tout envie de rentrer. Et donc, quand on est une personne qui peut cacher son handicap, souvent, on va privilégier des stratégies de masking. on va... profiter un peu de ce passing pour encore une fois reprendre des concepts queer parce que parfois c'est même plus simple que d'être assigné handi. Et les hiérarchies, elles existent aussi au sein de nos... Désolée, c'est très très long ce que je dis, mais elles existent aussi au sein de nos luttes. Et il y a des personnes, je pense, avec des handicaps invisibles qui ont du mal à se dire handi et à militer avec des personnes handi par peur de ne pas l'être assez.
- Speaker #0
Nous, on a fait un peu un constat, et ce que je fais aussi au quotidien, dans tous les témoignages qu'on a, ce qu'on observe, c'est que notamment quand on a un handicap invisible, c'est qu'on doit se justifier constamment. On a tendance à ne pas nous croire. Je prends le cas, moi, dès que je monte ma carte handicap dans les transports, dans les files d'attente. D'ailleurs, je ne la monte plus dans les transports parce que je sais que les gens vont me fixer pendant plusieurs arrêts en se demandant quel peut bien être mon handicap. Et c'est tous ces jugements, ces regards qu'on peut avoir. où du coup on se sent pas légitime à en parler et il y a beaucoup de tabous en fait sur le sujet. Voilà, ce qui est le plus dur, c'est notre environnement qui est pas adapté, qui nous fait subir quand même pas mal de discrimination.
- Speaker #1
Je trouve ça intéressant que tu parles de légitimité aussi parce que moi je sais que quand Hélène m'a contactée et en me disant que le projet parlait du handicap invisible, je me suis pas du tout sentie légitime directement. Et encore maintenant, je parle et je suis très heureux d'être là et très honorée. Et en même temps, je sais que... L'intitulé handicap invisible, je me sens encore assez étrangée, justement parce que la représentation massive du handicap, ça va être justement ce qui est visible. Et évidemment que c'est plus simple de montrer ce qui se voit. En même temps, je me dis, bah oui, évidemment, au quotidien, je suis handicapée dans mon rapport au monde, dans mon rapport à moi-même. et en même temps je ne me sens pas légitime par rapport à des personnes qui vont avoir des handicaps. visibles, d'utiliser ces mots-là pour moi.
- Speaker #2
Comment, peut-être, Alice, toi, comment tu peux... Tu perçois ça à travers à la fois ton vécu et ton travail sur le handicap invisible,
- Speaker #0
le rapport avec les personnes qui ont un handicap visible. Du coup, moi, j'ai plus milité auprès de mon entourage des fois pour expliquer que j'étais bien en situation de handicap. Bien que ça n'a pas toujours été le cas au début, parce que moi, j'étais diagnostiquée d'une sclérose en plaques, donc qui est une maladie auto-immune. Et quand j'ai le diagnostic... Moi, je n'ai pas été chamboulée du tout par ce diagnostic. J'étais même contente de me dire, je comprends pourquoi ça fait deux ans que j'ai des difficultés à marcher, je suis très fatiguée, j'ai des fourmillements toujours dans tout le corps. Et du coup, l'annonce a été plutôt un soulagement de me dire, ok, je sais ce que j'ai. Et je ne comprenais pas du tout que mon entourage d'ailleurs soit mal. Parce que moi j'allais bien, donc je ne comprenais pas pourquoi ils allaient mal. et j'ai vraiment compris plus l'impact du... handicap dans ma vie les mois qui suivaient parce que pendant six mois j'arrivais, enfin, juste me déplacer c'était un enfer, j'avais des douleurs tout le temps et le jour où mon handicap est devenu invisible, parce que pour le coup au début il était visible, les gens m'ont oublié que j'étais fatiguée tout le temps et que j'avais des douleurs chroniques tout le temps et du coup quand je dis le fait de se justifier constamment c'est que forcément les gens me voient on pense que ça va bien, etc Etc. Mais en fait, intérieurement, des fois, on souffre de douleurs et on n'a pas envie de l'expliquer tout le temps aussi, parce qu'on va encore passer pour la relou qui se plaint. Donc ça, j'ai dû l'expliquer quand même plusieurs fois. Donc j'ai plus ce rapport-là de, je rappelle que oui, j'ai des difficultés au quotidien et je me considère en situation de handicap.
- Speaker #1
C'est pour ça que moi, je ne dis pas que je suis mal à l'aise avec ce terme. C'est vraiment pas ça, c'est que... simplement il y a quelque chose dans ce que tu dis dans le rapport à la honte aussi c'est que je sens qu'il y a une forme de honte intériorisée, une forme de c'est que moi-même il faut que je puisse déjà moi-même me rendre compte que ça va pas et déjà accepter cette idée avec moi pour ensuite pouvoir la partager à d'autres et c'est une vérité aussi que parfois ça va et donc du coup c'est aussi se dire comment moi-même ne pas me condamner à quelque chose ... Et du coup, ce truc-là de devoir expliquer, en fait, c'est très vulnérabilisant. À plein d'endroits, les gens, on ne leur demande pas d'expliquer ce qui se passe tout le temps, en eux, dans leur corps, dans leur tête. Et en fait, pour pouvoir vivre aisément dans plein de situations, il faudrait que j'aie à expliquer. Et du coup, c'est ça qui rend la chose compliquée. Et c'est ça aussi qui rend le handicap d'autant plus invisible. Et c'est pour ça que quand tu parles de masking... et aussi de tentatives de passing à des endroits.
- Speaker #2
Peut-être les termes masking et passing qui sont certainement connus d'une partie du public ne le sont peut-être pas de tous.
- Speaker #1
Masking, du coup, le fait de masquer et d'essayer, avec ou malgré soi, de cacher quelque chose de soi. Et donc, c'est pour ça que le mot passing, il allait aussi avec, parce que du coup, peut-être si tu masques bien... Moi, je vais le détourner sur la question queer, par exemple. d'avoir l'air hétérosexuel et donc de passer pour hétérosexuel dans un endroit où il n'y aurait que des hétéros par exemple pour se sentir en sécurité ou pour pouvoir nous-mêmes aussi s'enlever une charge parfois parce que c'est aussi parfois un confort pour soi de se dire bon bah en fait là j'ai trop la flemme je vais juste me dire que personne saura et que je vais avoir l'air tout à fait normal et que tout va bien et puis on verra ça plus tard et du coup voilà c'est ça c'est ce truc de... en fonction des espaces, en fonction du moment, et donc ça invisibilise encore plus aussi, parce que moi j'ai l'impression que mon handicap, du coup je le vis que dans des sphères très intimes, parce que le reste du temps, je masque, j'ai mon passing, tout va bien, et par contre plus on est proche de moi, plus là en fait ça se déploie, et plus ça isole aussi.
- Speaker #3
notion un peu de symptômes fluctuants dans le cadre en tout cas des troubles psy, du handicap invisible. qu'on connaît bien ici, donc des troubles psychiques. Et donc là, parfois, ça va être difficile de se considérer en situation de handicap quand on est rétabli et qu'on va bien, alors que factuellement, ça nous a handicapés une bonne partie de notre vie. Il y a vraiment une zone un peu grise et j'ai l'impression que c'est quelque chose d'un peu complexe à adresser. Est-ce que vous avez des moyens d'occuper cette zone grise ?
- Speaker #0
On a l'image que le handicap, c'est permanent. Or, on peut être en situation de handicap un moment dans notre vie, une plus-l'être. Je prends le cas notamment des cancers. On peut être en situation de handicap, on a des douleurs chroniques, énormément de fatigue, il y a eu un impact psychologique aussi pendant plusieurs années. Ça peut être aussi le cas de l'AVC et puis notamment des maladies chroniques où, par exemple, on peut aller très bien pendant six mois, un an et après refaire une rechute, etc. Donc, Je pense qu'on a toujours eu l'image de... Le handicap, il est forcément visible et il est forcément permanent. Et donc du coup, quand on parle du handicap invisible, les gens ont du mal à comprendre. Mais en plus, il y a des jours où on va très bien. Moi, par exemple, ça m'est arrivé, je pouvais aller courir le lundi et le mercredi être en arrêt parce que je ne pouvais plus me lever. Personne ne comprenait comment c'était possible. Et on pensait que je mentais, en fait, là-dessus. Donc c'est... aussi compliqué de sensibiliser sur ces choses-là et que des fois il y a des jours où ça va pas et c'est comme ça.
- Speaker #5
Je pense qu'on en vient aussi à quelle est la définition du handicap en fait. Aujourd'hui en France, on a une définition qui est inscrite dans la loi de 2005 qui permet de regrouper les personnes, déjà de séparer la population en un groupe de personnes valides et un groupe de personnes handicapées et au sein du groupe de personnes handicapées de cinq catégories avec des handicaps différents. Et quand on parle, justement pour en revenir aux théories crip, c'est aussi de reprendre le concept de fluidité qu'on a avec les théories queer, et de dire qu'on n'est jamais à 100% valide, tout comme on n'est jamais à 100% handicapé. Déjà par rapport à ce que tu disais Alice sur le fait qu'on peut se sentir très handicapé un lundi matin et ne plus se sentir du tout, se sentir presque totalement valide le dimanche, et que ça fluctue. en fonction du temps, ça fluctue aussi en fonction des parties du corps. Et ça, c'est quelque chose auquel on ne pense pas forcément. Enfin, même dans cette salle, ici, potentiellement, il y a de très fortes chances pour que 100% des personnes ici aient été altérées physiquement à des moments dans leur vie, ou aient une partie du corps, je ne sais pas, une légère baisse de l'audition, un problème de vue qui nécessite de porter des lunettes, qui se sont fait mal fouler la cheville à un moment et qui ont dû porter une attelle, etc. Et en fait... Peut-être que dans la loi, on ne considère pas que ça, ça rentre dans le champ du handicap. Mais en théorie, c'est ce qu'on appelle un handicap. C'est une limitation des capacités physiques qui vont rencontrer aussi un environnement qui, du coup, soudainement, ne va plus être adapté du tout. Là, on retrouve totalement des identités qui sont fluctuantes. Et on se dit que le handicap, c'est un continuum. Et que, bon, voilà, c'est pas d'un bout... On est soit valide, soit handi, mais en fait, on est sur... Un spectre et on se déplace en fait au cours de sa vie, au cours du temps, même d'une minute à l'autre parfois. Je vais prendre mon exemple parce que du coup je ne me suis pas du tout située parce que comme il y a des personnes qui me voient, mais pour les personnes qui écoutent, moi je suis en fauteuil roulant, donc j'ai un handicap visible. Mais par exemple, je suis paraplégique donc mes jambes ne peuvent pas bouger du tout, mais je n'ai aucune affection au niveau des mains, j'ai une vision qui est à 100% et du coup quelles sont les parties de mon corps qui sont considérées handicapées, quelles sont les autres qui sont valides. Et dans des situations dans lesquelles quelqu'un qui, par exemple, va avoir un handicap sensoriel, par exemple une personne malvoyante, où moi je ne vais pas du tout être handicapée par rapport à cette personne-là. Et c'est aussi ça, en fait, c'est de se dire qu'on n'est jamais pleinement handi, tout comme on n'est, encore une fois, jamais pleinement valide.
- Speaker #2
Et comment vous faites face, justement, alors plutôt pour les personnes qui ont un handicap invisible, quand des personnes de votre entourage... notamment professionnels par exemple, peuvent remettre en question la réalité de ce que vous décrivez, de votre fatigue,
- Speaker #0
de ce dont tu parlais à Nice tout à l'heure en fait ? C'est vrai qu'on intervient beaucoup nous en entreprise et la plupart des gens d'ailleurs qu'on a interviewé sur notre média, on le met que sur Instagram parce que leur plus grande peur c'est que leur employeur voit l'interview et soit au courant qu'ils sont en situation de handicap. Il y a une énorme peur, il y a plein de freins qui sont totalement aussi légitimes à en parler parce que souvent ça peut être un frein dans notre vie professionnelle, les gens vont pas nous faire confiance si moi j'arrive à un entretien et que je dis bah mon 100% n'est pas Le 100% de quelqu'un qui n'a pas de fatigue chronique par exemple, ou n'importe quel type de handicap, je suis sûre qu'on ne va jamais m'embaucher et qu'on va se dire « moi je vais en prendre quelqu'un de valide » . Il y a beaucoup de peur je trouve autour du handicap en se disant « nous ceux qui freinent le plus, ce qu'on voit, on a fait beaucoup de questionnaires aussi là-dessus, c'est les managers, manageuses, des fois on a les meilleures politiques handicap dans une entreprise » . Les RH nous disent « ça bloque » . parce que dès qu'un manager ou une manageuse voit RQTH sur le CV, ils ne veulent pas prendre le profil. Donc il y a quand même... Voilà, c'est pour ça aussi que les gens, je pense, le cachent aujourd'hui parce que c'est plus facile et ça nous permet de pouvoir avoir un emploi. Mais du coup, je pense aussi qu'on le cache parce qu'on en a marre de se justifier constamment. On a peur d'être vu qu'à travers notre handicap aussi. Donc voilà un petit peu... En fait, c'est beaucoup de sensibilisation parce que beaucoup de gens ont énormément de méconnaissances sur le sujet. Donc il faut sensibiliser, mais il faut aussi changer toute l'organisation d'une entreprise et expliquer, je pense, qu'on ne peut jamais tous et toutes être à 100% tout le temps. Ça, ça n'existe pas. Mélo ?
- Speaker #1
Moi, je sens que si je verbalise, par exemple, mes troubles psychiques et l'impact qu'ils peuvent avoir dans ma vie, ça va faire peur. Et du coup, il va falloir que je puisse prouver ensuite que vraiment ça va pas avoir d'impact dans le travail et que vraiment je suis super fiable. Et du coup c'est une forme de je lance que je me fais à moi-même à des endroits aussi et que je sais qu'il y a eu des moments en tournée par exemple, j'étais en tournée pour un spectacle et ma psychiatre me demandait d'être en arrêt maladie et me dit en fait si vous le faites pas c'est un refus de soins et vous devez être en arrêt maladie parce que votre situation le demande. Et je lui dis mais je peux pas le faire, je peux pas le faire parce qu'en fait je peux pas juste arriver et dire voilà je suis en arrêt maladie et ils vont pas avoir de maladie. Et elle est où la maladie ?
- Speaker #0
Je me souviens, la première année, j'étais en arrêt maladie une semaine par mois. Et dès que le médecin voulait m'arrêter, je me mettais à pleurer en disant « ça va être mal vu au travail, personne va me croire, je vais être jugée, je vais revenir, je n'aurai pas les mêmes responsabilités que j'ai avant » . Et du coup, c'était mon plus gros stress, c'était de me dire « il y a un moment, ils voudront plus de moi au travail » . Alors qu'au final, je me dis « maintenant, je me serais arrêtée beaucoup » . plus longtemps et je me serais écoutée. Mais en fait, sur le moment, quand on vient d'apprendre une maladie aussi, il y a plein de choses qu'on comprend au fur et à mesure, mais quand on « rentre » dans le monde du handicap, je trouve qu'au début, on n'a pas les armes aussi, des fois, pour se défendre. On n'a pas intériorisé le validisme, par exemple, etc.
- Speaker #4
Je réagis sur ce que tu dis, Alice. J'ai l'impression qu'on a tellement intériorisé le validisme que... et c'est quand même aussi difficile de...
- Speaker #0
De trouver les accès pour s'informer aussi. C'est quand même des sujets qui sont assez niches. On doit faire aussi tout un parcours de comprendre notre handicap et s'informer sur le sujet, comprendre pourquoi on réagit comme ça, trouver une communauté, voir ce qui a été écrit ou quels travaux ont été faits dessus. Je ne sais pas si tout le monde a une démarche. de recherche ou intellectuelle vis-à-vis de ça, mais c'est toute une charge mentale aussi d'aller chercher et comprendre pourquoi on vit ça, comment on le vit et comment ça fait corps avec nous.
- Speaker #1
Tu parlais de l'intersectionnalité de la théorie CRIP. Comment vos autres identités, vos autres facettes, genre, orientation sexuelle, origine... Peuvent-elles s'articuler avec votre expérience du handicap ?
- Speaker #2
Comme je le disais, j'ai beaucoup travaillé avec les dévalideuses, qui du coup est un collectif anti-féministe, encore une fois, en nom mixité choisi. Donc en fait, c'est que des femmes handicapées. Et pour le coup, il y a des types de handicap qui sont très différents au sein du collectif. Mais voilà, on se retrouve toutes autour de cette identité qui est à l'intersection entre plusieurs systèmes d'oppression. in fine, de subir au quotidien du sexisme et du validisme. Et on se rend compte que quand on analyse un peu l'expérience des femmes handicapées, la situation malheureusement est assez alarmante. C'est les premières victimes de violences sexuelles. C'est aussi des femmes qui subissent des injonctions qui vont à rebours de celles des autres femmes. Donc par exemple, il ne va pas y avoir d'injonction à la maternité. L'objectivation du corps et la sexualisation du corps, elle va quasiment être absente. Et donc, en fait, on se rend compte que dans l'idéal, ce serait de permettre aux femmes de faire évidemment ce qu'elles veulent. Et que là, on se retrouve avec des injonctions qui sont inverses. Et donc, ça crée encore une fois une identité, des personnes qui vivent des doubles discriminations, des doubles phénomènes de stigmatisation, etc. Et donc, des conditions qui sont différentes de celles des hommes handis. Et d'ailleurs, quand on regarde l'histoire des mouvements antivalidistes, On se rend compte qu'au début, les premiers théoriciens qui ont commencé à en parler, c'était des hommes. C'était des hommes blancs, etc. Et que donc, en avançant, notamment vers la fin des années 90, il y a eu un mouvement qui s'appelle la Disability Justice. Et là, on retrouvait des personnes minorisées, qui étaient aussi des personnes queer, des personnes racisées, etc. Et qui disaient, mais nous aussi, on est handicapés, en fait. Et mon expérience, je ne me reconnais pas du tout dans ce que tu racontes, gars. J'ai besoin d'y ajouter aussi mes autres identités pour comprendre vraiment ce qui est en train de se passer. Et le mouvement Crip, pour en revenir toujours à ce mouvement Crip, qui pour le coup, je pense que comme c'est le dernier au bout de... Enfin, c'est les dernières études, c'est ce qu'on a de mieux aujourd'hui, essaye de prendre en considération justement la pluralité des identités handi.
- Speaker #3
Mélot ? Je pense qu'il y a aussi une question tout simplement d'être une personne minorisée. Donc du coup, quand on cumule, enfin moi en tant que personne... trans, en tant que personne queer de manière générale, et en tant que personne racisée, du coup, ça fait un gros mélange. Je cumule un peu des merdes, et puis en fonction des situations, il y a un truc qui me dérange plus ou moins. Et du coup, en réalité, je vis des discriminations qui vont être liées à ce que je suis, mais du coup, pas à la même chose forcément en fonction des espaces. Et du coup il s'agit de... Là c'est mon chihuahua qui vient de se secouer. En fonction des espaces, je masque plus ou moins des choses. Et donc du coup il y a plusieurs couches, il y a plusieurs couches de trucs qui m'handicapent à des endroits aussi. Par exemple, être une personne trans, dans beaucoup de milieux c'est compliqué. Je ne sais pas le sujet. du podcast, donc je ne vais pas m'étendre, mais en tout cas, c'est le truc de cumuler les minorités.
- Speaker #4
Tu as parlé des dévalideuses, Chiara, et on a parlé d'intersectionnalité. Est-ce que vous trouvez dans les communautés de personnes handies, mais peut-être aussi d'autres communautés liées à d'autres identités qui sont les vôtres, d'autres facettes de votre identité, des ressources, une ressource pour... Vous aider à affronter toutes les choses qui peuvent être difficiles dans votre quotidien et notamment de devoir expliquer en permanence à tout un tas de gens ce que vous vivez, pas forcément à des moments où vous auriez envie de le faire. Comment ça s'organise ce soutien ? On est dans un lieu de paire-aidance, alors j'ai envie d'employer ce terme de paire-aidance. Est-ce qu'il y a de la paire-aidance handi ? Est-ce qu'il y a de la paire-aidance handi spécifique au handicap invisible ?
- Speaker #5
ou qui traversent toutes les formes de handicap. Je sais que pour chaque pathologie ou handicap, il y a de plus en plus d'associations. Et ça, ça m'a fait beaucoup de bien au début de discuter avec une personne qui avait déjà eu ma maladie, où ça faisait dix ans, ce qui m'évitait d'appeler mon neurologue toutes les deux semaines, dès que j'avais de nouveau des douleurs, etc., en me disant, ça se trouve, je fais une nouvelle poussée. Ça aussi, on en parle peu, mais... Les traitements, je suis à mon quatrième différent traitement, à chaque fois c'est des effets secondaires, combien de temps vont durer les effets secondaires, ce qui m'handicap d'ailleurs beaucoup plus que des fois ma maladie en tant que telle. C'est important de pouvoir parler avec des gens qui vivent la même maladie sur ces parties plus techniques, on va dire. Et après, de toute façon, je trouve que quand on discute entre personnes concernées, c'est toujours des fois aussi plus agréable, parce qu'il y a plein de choses qu'on n'est pas obligé d'expliquer. Et ça, ça fait du bien aussi, des fois.
- Speaker #3
Oui, et je trouve que c'est là que deviennent très précieux des lieux de non-mixité, par exemple. Parce qu'on a tendance, enfin, on n'a tendance pas nous, du coup, mais beaucoup de gens ont tendance à remettre en question la non-mixité. Et en fait, ça sauve à plein d'endroits. Aussi parce que dans des espaces de non-mixité, on peut parler d'autres choses. Et aussi penser à autre chose. Par exemple, je raconte ma vie là. Mais je viens de commencer à faire du foot dans une équipe de foot trans. Et typiquement, je crois que c'est un des premiers moments de ma vie où je ne me suis pas posé de questions sur mon genre. Et pour moi, c'est exactement ce qui se passe aussi. Par exemple, mon meilleur ami, qui est aussi une personne concernée par les troubles psychiques et par le handicap invisible, je sais que c'est un espace de sécurité parce que je peux parler de tout et souvent pas de ça. euh... Et c'est très précieux et c'est nécessaire et pour notre sécurité à soi et pour notre sécurité à plein d'endroits. Les fins de phrases, elles sont toujours un peu bangales.
- Speaker #1
It's ok, on est en podcast. Justement, on est en direct, vous pouvez peut-être l'entendre avec le son. On est devant une exposition, l'expo d'Hélène, de photos. Toi, Mélo, tu es aussi performeur. D'ailleurs, j'ai vu une de tes dernières pièces. qui était vraiment hyper touchante et très remuante, parce que tu te mets à nu autour de ta thérapie, et c'est vraiment touchant et déstabilisant de la bonne manière. Comment ces médiums artistiques, selon vous, peuvent-ils créer ce que Judith Butler nommerait des subversions de l'identité, c'est-à-dire réinventer un peu nos identités en dit, de manière à hasard ? large, quelle place est-ce que l'art occupe selon vous ?
- Speaker #0
Hélène ? Déjà, Mélo fait partie des sept personnes que j'ai photographiées. Je ne l'ai pas dit au début, mais je pense que c'est important de le préciser. Et je crois que ce que disait Chiara au début, qui écrivait des textes sur le handicap ? et que ce n'était pas forcément des personnes concernées ou issues de minorité. Je pense qu'on a la chance aujourd'hui, peut-être grâce à la libération de la parole ou l'accessibilité et plein de choses, de pouvoir aussi s'emparer de nos propres sujets. Et je pense que c'est un truc qui change beaucoup aussi de quel regard on porte quand on peut soi-même porter un regard sur notre propre situation et tout de suite ça va être moins stigmatisant, ça va être moins cliché. On va se poser d'autres questions. Et pour repondir aussi sur ce que disait Mélo, il y a un truc de... Tu vois, quand j'ai fait la série photo, j'ai abordé chaque personne en disant « Moi aussi, je suis concernée. » Et on va dire un truc ensemble sur le sujet. Du coup, il y a une autre confiance qui s'installe et on parle aussi d'autres choses parce qu'on est concerné, donc on ne se dit pas... On va faire un peu l'abécédaire du handicap. On va parler d'autres choses qui sont plus intimes, plus vulnérables sur des ressentis. Et tout de suite, ça crée un espace safe. Et je pense que déjà, c'est hyper nécessaire et c'est hyper précieux aussi d'avoir cet espace-là de création.
- Speaker #1
C'est un peu ce qu'on fait aussi avec ce podcast depuis deux saisons, créer des endroits à peu près, en tout cas le plus safe possible, et qu'ensuite ces outils soient accessibles à toutes et à tous, et que ça serve, du coup, que la parole soit la plus... véritable et puissante on va dire possible. Mello ?
- Speaker #3
Merci déjà pour ce que tu as dit sur mon spectacle, c'est trop sympa. Mais du coup, en effet, tu as vu une première version de Qui pour protéger les monstres des cauchemars dont je parlais au début, donc une version d'une demi-heure, ensuite ça va durer plus, comme un vrai spectacle. Et effectivement, pour moi, il y a quelque chose de se réapproprier mon vécu, mais il y a aussi euh euh Il y a aussi, en fait, c'est tellement en moi, c'est tellement partout en moi que parfois, je trouve même pas le sens de pas en faire quelque chose. Ça veut dire que pour moi, c'est nécessaire d'en parler et aussi c'est nécessaire parce que je me dis que la représentation, ça sauve à plein d'endroits. Et que je sais que dans la musique, j'avais déjà commencé à recevoir des messages de personnes qui me disaient, j'avais déjà reçu justement des messages de personnes qui me disaient, moi, je suis en hôpital psy et j'écoute tes chansons. Et en fait, ça me fait trop du bien. Et je me suis dit, en tant que personne qui peut avoir de la place sur un espace public, je me sens responsable de porter une parole aussi pour d'autres. Et ensuite, et c'est du coup toute la question sur le handicap invisible, c'est aussi que je me suis beaucoup posé cette question de comment je rends visible l'invisible. Et c'est pour ça que dans ce spectacle, en gros, je pars de mon modèle thérapeutique. qui est la thérapie comportementale dialectique. Et à travers ce modèle, il y a tout un protocole de compétences qui pourrait m'aider au quotidien. Et je prends ce protocole pour faire un protocole performatif et un protocole théâtral de jeu. Et c'est à l'intérieur de ce cadre-là que j'essaye de raconter le plus sincèrement et frontalement possible ce que c'est. Et essayer aussi de ne pas penser à là, je vais essayer de ne pas déranger. Là, je vais essayer d'avoir les bons mots. Là, je vais essayer d'être aimée. Parce que ce truc-là, j'ai envie qu'on m'aime. Et du coup, comment on fait pour être aimée avec tout ça ? Et voilà, pour moi, c'est que le théâtre, l'écriture et l'art de manière générale, c'est ce qui m'a sauvée avant toute autre chose et ce qui a été un modèle de soin immense pour moi. et auquel on ne pense pas forcément directement. On voit directement le soin comme quelque chose de médical, comme quelque chose d'institutionnel. Et pour moi, c'est aussi une manière de me réapproprier mon soin.
- Speaker #2
Pour moi, à la base, c'est un peu déjà sortir de siècles d'invisibilisation ou de mauvaise représentation, puisque en soi, le handicap visible ou invisible a été représenté, mais pas forcément de la bonne manière, et surtout pas... pas par les personnes directement concernées. Donc on a apposé un regard validiste sur des personnes handies et on a dit que c'était ça, en fait, le handicap. Et donc je pense que c'est très très important, justement, que des artistes puissent raconter leur corps, raconter aussi leurs histoires, aussi pour sortir un peu aujourd'hui de la binarité de représentation qu'on a et qui est à l'origine de l'idéologie principale du handicap. qui est une binarité d'héroïsation-misérabilisation, où soit on représente, je ne sais pas, une personne handie qui aurait transcendé sa condition et qui, malgré l'horreur qu'est sa vie, aurait réussi à s'en sortir. Soit on va montrer une personne à l'hôpital dans des conditions de vie terribles qui, potentiellement, ne s'en sortira jamais. Et au milieu de tout ça, tous les vécus, aussi banals soient-ils, des personnes handies, on ne les voit pas. et enfin tout Tout ça, en tout cas, ça a été théorisé, ça s'appelle inspiration porn. Et avant, on parlait aussi, justement, des impacts sur nos vies directement, en tant que personnes concernées avec un handicap visible ou invisible. Mais en fait, quand on est une personne handicapée et qu'on grandit avec uniquement ce type de représentation-là, on intériorise beaucoup de honte, comme tu le disais, parce qu'en fait, je crois qu'on ne se reconnaît pas trop et qu'on se dit, mais du coup, les gens, quand ils me voient, c'est ça qu'ils pensent que je suis. C'est super gênant, en fait, je ne me sens pas bien du tout avec ça. et on se dit aussi ben En fait, si je n'arrive pas à avoir un idéal de vie heureuse ou à prouver que ma vie l'est, parce qu'en fait, on peut aussi être très malheureux et malheureuse pour plein d'autres raisons, mais on n'y a pas le droit, non, non, parce que c'est la première identité qu'on va nous accoler. Donc, si on a un problème, c'est forcément lié à ça. Si je n'arrive pas à atteindre cet idéal de bonheur, en fait, je n'ai aucune valeur. Et au contraire, ce qu'on me propose sinon, c'est d'être cette personne qui a l'air... totalement misérable, démunie, qui est condamnée à vivre une tragédie individuelle atroce. Et ça fait beaucoup de mal, je pense, aux personnes concernées. Ça fait aussi du mal aux personnes valides, parce qu'elles ont hyper peur de devenir des personnes handicapées. Alors que, désolée de vous annoncer que vous allez tous vieillir, et qu'on va tous être touchés par des conditions de santé qui vont se détériorer. En fait, on a besoin de nouvelles narrations. de nouveaux récits, de nouvelles manières de représenter le handicap même invisible. Il y a toute cette question, désolé, encore une fois, j'ai l'impression que c'est hyper long ce que je dis, mais il y a toute cette question aussi de dire que, dans les médias traditionnels, il n'y a que 1% de personnes handies qui sont représentées, alors qu'elles sont 20% de la population, que souvent, elles sont mal représentées, encore une fois, et on se questionne beaucoup sur comment représenter une personne avec un handicap invisible. moi j'avais pas beaucoup de réponses et en découvrant justement tes photos je me suis dit bah voilà en fait c'est pas si compliqué que ça enfin si ça doit être extrêmement compliqué à faire c'est pas ce que je dis mais je veux dire c'est possible en fait il suffit de montrer des moments du quotidien de montrer justement la pluralité de cette identité là plusieurs facettes de la personne et on y arrive quoi donc et je pense que pour ça faut commencer par peut-être des personnes qui l'ont vécu pas Vraiment.
- Speaker #5
Et je voulais juste rebondir pour donner un exemple sur ce que tu disais un peu aussi le discours autour de la pitié. Moi, ce qui m'a fait le plus de mal quand j'étais diagnostiquée, c'est que tous mes proches, dès qu'ils avaient un problème du quotidien, me disaient non, non, mais je ne vais pas t'en parler parce que toi, ce qui t'arrive, c'est pire. Ils ne voulaient pas du tout me parler de leurs propres problèmes personnels. Et du coup, je me suis sentie hyper exclue et je me suis sentie en disant bon, je suis vraiment apparemment, j'ai le pire problème qui puisse exister. Et j'avais vexé, je me souviens, une personne parce que son copain l'avait quitté. Et elle m'a dit « Ah non, mais toi tu viens d'apprendre ta maladie, je vais pas t'en parler, je vais pas me plaindre. » Et moi j'avais dit « Bah franchement, là mon copain il me quitte, ce serait plus dur que d'apprendre ma maladie. » Et du coup ça l'a mis dans une position hyper choquée. Bon là je me suis dit « C'est peut-être un peu dur ce que j'ai dit parce que je lui ai dit que j'aimerais pas du tout être à sa place. » mais en même temps, c'est ce qu'elle m'a renvoyé juste avant. Et du coup, toutes ces petites réflexions qu'on a, forcément, ça nous impacte en se disant « Effectivement, peut-être que ce qui nous arrive, c'est le pire qui puisse nous arriver. »
- Speaker #4
Justement, alors, qu'est-ce que vous aimeriez dire à des personnes qui ne sont pas forcément concernées ou d'ailleurs à des personnes qui sont concernées, mais c'est quoi la juste place ? Que les personnes de votre entourage peuvent avoir par rapport à ça, le bon positionnement ?
- Speaker #5
C'est un peu ce qu'on dit depuis le début, mais c'est demander l'avis des personnes directement concernées. Parce qu'en plus, je pense que tout le monde est différent et que le parcours d'acceptation face à une maladie, handicap, est aussi différent. Que ce n'est pas parce qu'on connaît une personne qui voudrait ça que toutes les personnes qui ont cette maladie ont les mêmes besoins. Donc je pense que c'est surtout écouter et avoir de l'empathie, beaucoup. et être un peu plus tolérant dans cette société, je pense.
- Speaker #2
Je pense qu'il faut un peu se responsabiliser sur ces sujets-là. Et quand on voit aujourd'hui que justement, toutes les questions qui sont liées à l'antivalidisme, aux personnes handicapées, ce sont des questions qui sont encore très peu connues, même des sphères progressistes, je pense qu'il faut se dire que... Je vais donner un dernier chiffre, mais les derniers chiffres de l'IFOP, c'est une personne sur deux au cours de sa vie. donc déjà commencer ne pas arrêter de croire qu'on n'est pas concerné, parce qu'on peut l'être très facilement, et si on monte aux personnes qui sont indirectement concernées, donc qui vont côtoyer une personne en situation de handicap, ou qui vont être impactées par ce validisme, là, c'est tout le monde, en fait. Et donc, se dire que c'est important de s'informer, que c'est important d'essayer de se questionner sur les contenus qu'on nous propose. de savoir qui a présenté cette émission, qui a écrit ce texte, qui fait cette expo, etc. Et d'essayer de consommer des contenus, encore une fois, comme tu disais Alice, qui sont créés par des personnes directement touchées ou des personnes qui ont entamé des recherches auprès de personnes concernées. En tout cas, qui aient une vraie volonté de raconter la réalité, le réel, les expériences de vie des personnes touchées. Je pense que c'est déjà pas mal.
- Speaker #3
Bon, il faut quand même que je dise un truc. Non mais je suis hyper d'accord qu'il y a une question de responsabilité, et de responsabilité individuelle et collective. Et je crois aussi que, tu vois, tu parles de l'empathie, et en même temps j'ai envie de dire oui, et en même temps j'ai envie de dire, essayons d'être sincères. En fait, c'est-à-dire que, oui, parfois, il n'y a pas de pureté chez personne, et que... Il y a plein d'endroits où nous-mêmes, on peut être concernés par le handicap par un endroit et avoir des comportements validistes. On peut avoir des comportements validistes envers d'autres personnes, envers soi-même et en fait arrêter de penser qu'une pureté, je pourrais parler de pureté militante, mais même de manière générale, que ça existe. En fait, ça n'existe pas. Nous sommes tous des êtres faillibles avec des failles et qui continueront d'en avoir. Mais en tout cas, essayer au maximum d'être sincère, d'être à l'écoute. Et de se remettre en question quand c'est possible et d'être sympathique quoi.
- Speaker #4
Soyez sympa.
- Speaker #2
Et c'est presque impossible d'être fière dans une arène où on est le seul à être ou la seule à être concernée et de se retrouver au milieu de plein de gens et de dire wouhou je suis trop stylée. Enfin c'est pas envisageable alors que quand on est... Et aussi, parfois, on a tellement intériorisé le validisme, on a une estime de soi qui est tellement fébrile que c'est beaucoup plus facile de voir chez les autres des choses qu'on n'arrive pas à voir sur soi-même. Et ça sert aussi à ça, le collectif, ça sert à faire un effet miroir, en fait. Et on milite, mais en plus, c'est ce que tu disais tout à l'heure, mais on fait aussi plein de choses chouettes et on sort, on rigole, on parle de plein d'autres sujets et on est safe. C'est trop précieux, en fait.
- Speaker #1
Vive vous, et nous, vive notre public adoré, nos auditeurices.
- Speaker #4
Merci à vous quatre.
- Speaker #1
N'hésitez pas à aller écouter, vous abonner, mettre une petite étoile.
- Speaker #3
Une seule. Dites que c'est nul.
- Speaker #1
Et voilà, prenez soin de vous et de vos animaux.
- Speaker #3
Merci. J'ai jamais osé faire passer Diddle en animal d'assistance mais j'y ai pensé en vrai. Parce qu'à la base, en vrai, j'ai adopté mon chien à un moment où j'avais vraiment besoin d'aide. Et du coup, c'était un peu mon projet. Mais bon, c'est moi qui l'assiste en vrai.
- Speaker #6
Bah ouais à fond, c'était bien le talk. Je dois m'excuser à la communauté, j'ai fait un thé pendant la conférence, qui a dû s'entendre comme les chutes du Niagara, mais voilà, il y a des moments où on fait des... des bêtises c'est normal il ya des verres cassés ok y'a pas de café de son verre cassé c'est bien passé tu fais quoi la fenêtre à la carte hier pas le père collatère parle merci
- Speaker #7
va briller encore plus ça fait
- Speaker #1
La Perche est un podcast produit par La Maison Perchée, écrit et réalisé par Anna Klarsfeld et Sylvain Pinot, et avec une musique originale de Blasé.
- Speaker #4
La Maison Perchée vous attend en ligne sur maisonperchée.org, sur les réseaux sociaux, ainsi qu'à Paris dans notre café singulier, ouvert à toutes et tous.
- Speaker #0
de ce vernissage ouais c'est ouvert jusqu'au 23 octobre donc venez visiter l'expo vous venez prendre un café à la maison perchée on sort rapidement j'avais pas pensé à ça
- Speaker #1
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- Speaker #4
Et surtout, n'hésitez pas à partager ce podcast autour de vous. Parler de santé mentale, ça change des vies.