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La Perche

Vivre avec un TCA : causes, impacts et voies de rétablissement

Vivre avec un TCA : causes, impacts et voies de rétablissement

52min |02/06/2025|

1180

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Description

Dans cet épisode, on donne la parole à Anne, Anna et Caroline qui partagent leur expérience des troubles du comportement alimentaire (TCA). À travers leurs témoignages, on explore les réalités de ces troubles complexes, leur impact sur la vie personnelle et leur lien avec l'image du corps et les stéréotypes sociétaux. On aborde ensemble les différentes formes de TCA (les témoignages portant principalement sur la boulimie), les signes d'alerte, les choses à ne pas dire ou encore les ressources pour aider les personnes concernées et leur proches.


Même si le chemin du rétablissement peut être long, le rétablissement est possible et il existe des personnes prêtes à vous écouter sans jugement.


Si vous cherchez de l'aide ou plus d'informations, voici quelques ressources essentielles :

  • En cas d'urgence : Appelez le 3114 (numéro national de prévention du suicide)

  • Associations et soutien :

    FFAB - Fédération Française Anorexie Boulimie

    Enfine - Association d'information et de prévention des TCA

    Le GROS - Le Groupe de Réflexion sur l'Obésité et le Surpoids


Un podcast écrit et réalisé par Anna Klarsfeld et Sylvain Pinot

Musique originale composée par Blasé en collaboration avec Mickaël

Produit par La Maison Perchée


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Mon corps est le produit de la violence qu'il a reçue. Mes troubles du comportement alimentaire sont liés à une souffrance qui n'est pas celle de mon corps, parce que je n'ai jamais eu l'impression de souffrir de mon corps, mais de souffrir de ce qu'on faisait à mon corps.

  • Speaker #1

    Nous sommes une association fondée sur l'entraide entre jeunes adultes vivant avec des troubles psychiques ainsi que leurs proches.

  • Speaker #2

    Nous sommes convaincus que tout le monde gagnerait à apprendre de celles et ceux qui vivent avec et au contact des maladies psychiques.

  • Speaker #1

    Ici, on aborde des sujets parfois sensibles, sans détour ni tabou. Et on vous invite à écouter le podcast à votre rythme.

  • Speaker #2

    Si vous traversez un moment difficile, ne restez pas seul. En cas d'urgence, appelez le 3114.

  • Speaker #1

    Je suis Sylvain Pinault, réalisateur de podcast et père aidant à la Maison Percher.

  • Speaker #2

    Je suis Anna Klarsfeld, créatrice de podcast et prof de personnes concernées. Et aujourd'hui, on va parler de troubles du comportement alimentaire avec Anne, Anna et Caroline. Et bien bonsoir à toutes et merci d'être là avec nous aujourd'hui pour parler d'un sujet qu'on n'a pas encore trop abordé dans les précédents épisodes de La Perche, qui est un peu... en marge des sujets dont on parle à la Maison Perchée, parce qu'à la Maison Perchée, il n'y a pas d'accompagnement à proprement parler autour des sujets de troubles du comportement alimentaire, mais il se trouve que c'est un thème dont pas mal de gens nous parlent. Donc est-ce que, pour commencer, je voudrais bien vous présenter et nous parler peut-être juste en quelques mots pour commencer de votre rapport à l'alimentation et notamment avec quels troubles du comportement alimentaire vous... connaissez ou vous avez connue ?

  • Speaker #3

    Voilà. Anna ? Alors, je m'appelle Anna, j'ai 30 ans, je suis professeure des écoles, passionnée, créatrice de contenu, j'ai une page Instagram sur laquelle je raconte ma vie d'enseignante, et tout fraîchement autrice, puisque j'ai écrit mon premier roman jeunesse qui s'appelle Les Mondes d'Elie. Et j'ai un rapport à l'alimentation aujourd'hui assez apaisé. J'ai un rapport à mon corps beaucoup plus difficile. Parce que j'ai connu la boulimie à l'adolescence. J'ai été boulimique entre 13 et 21 ans. Et ça a vraiment évidemment bouleversé mon rapport à l'alimentation, à mon corps, à la confiance que j'avais en moi. Mais grâce à l'aide de psy. Vraiment entièrement grâce à l'aide de psy et grâce à un long voyage, j'ai réussi à arrêter de me faire vomir et à arrêter la boulimie, même si on ne ressort pas de ce genre de troubles sans séquelles.

  • Speaker #2

    Voilà, merci beaucoup. On va en reparler de tout ça justement, de ce qui peut aider, de ce qui reste comme vestige parfois ou comme trace de ces troubles. Merci beaucoup en tout cas. Anne, tu veux te présenter ?

  • Speaker #0

    Ouais, donc moi c'est Anne, j'ai 44 ans. Je travaille à la Maison Percher. Je souffre de troubles du comportement alimentaire depuis mon enfance, ma petite enfance. Je ne crois pas que je souffre d'un seul trouble alimentaire, je crois que je souffre de tout le spectre des troubles alimentaires qui passent par des périodes d'anorexie, à des périodes de binge, à des périodes de boulimie. Moi je vis mes troubles alimentaires un peu comme... J'imagine qu'on vit quand on a une addiction par exemple à l'alcool et qu'on est abstinent. J'ai l'impression d'être abstinente la plupart du temps, mais que parfois je tombe du wagon, comme on dit. Et moi, je ne compare pas vraiment ça. Ce n'est pas que je compare ça, c'est que c'est un rétablissement dans le sens où, dans le rétablissement, parfois on se fasse la gueule. Donc j'ai l'impression d'être en rétablissement de mes troubles, mais mes troubles sont toujours là, toujours actifs. Et quelque part, on aura l'occasion peut-être d'en parler, mais je trouve assez rassurant qu'ils restent là. Moi j'ai appris à faire la paix avec eux et c'est presque des amis et ennemis comme dirait une belle chanson.

  • Speaker #3

    C'est longtemps que je n'avais pas pensé à celle-là.

  • Speaker #1

    C'est quoi la... j'ai pas la ref.

  • Speaker #0

    Non, non, non. À une vie de rue.

  • Speaker #1

    À une vie de rue. Et Caroline qui est en visio depuis

  • Speaker #4

    Lyon. Alors moi je suis maman. En ce moment je travaille à l'aide à rédaction d'un recueil de poésie. J'ai 40 ans, je souffre de bipolarité type 1 et depuis la puberté je me bats contre DTCA. Je me suis beaucoup reconnue dans le témoignage d'Anne. Et en fait, j'ai fait l'expérience de la boulimie, de l'hyperphagie, de l'orthorexie et d'une forme modérée d'anorexie.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux décliner justement les différents types de TCA ? Parce que tu l'avais mentionné, mais pour les gens qui ne connaissent pas...

  • Speaker #0

    Le TCA, c'est vraiment un rapport biaisé, chelou, je ne sais pas comment on dit, vrillé à l'alimentation. Donc ça va du spectre de la privation à l'over... consommation et donc il y a de l'anorexie, de la boulimie, de la boulimie voluptive, de l'hyperphagie, du binge eating disorder.

  • Speaker #2

    C'est quoi la différence entre les trois derniers que tu viens de dire parce que anorexie donc c'est quand on mange pas ?

  • Speaker #0

    Ouais c'est quand on se prive etc. A côté de l'anorexie si on faisait une espèce de ligne il y a l'orthorexie aussi qui est quand on se met à voir ah oui mais cet aliment il est meilleur nutritionnellement et il a moins de calories et on se met à regarder Yuka frénétiquement pour savoir si c'est vert dans Yuka et si ça a moins de... tant de calories au 100 grammes et combien de fibres, etc. Et qu'en fait, on se crée un trouble avec ces recommandations pseudo santé. Et en fait, ça crée juste de la restriction alimentaire, etc. Après, les définitions ont un peu bougé sur hyperphagie, boulimie. Moi, je suis vieux, donc je dis boulimie vomitive et boulimie tout court pour différencier le moment où on fait une crise de consommation excessive de nourriture et on se fait vomir ou pas. Ou alors, il y a plein de gens qui ne se font pas vomir, mais qui, comme toi, peuvent développer des comportements compensatoires, comme faire du... Pore, prendre des diurétiques, prendre des cachets pour avoir la diarrhée, se vider, etc. Et maintenant, au lieu de boulimie non vomitive, on dit hyperphagie.

  • Speaker #3

    Hyperphagie, c'est ça. Moi, c'est ce que j'ai découvert aussi après, qu'on disait hyperphagie. Mais en fait, hyperphagie, c'est juste le moment. Ça pourrait être le moment où... La crise d'hyperphagie. La crise d'hyperphagie.

  • Speaker #0

    La crise d'hyperphagie. Ce qui dit bien souvent hyperphagie, c'est-à-dire manger vraiment beaucoup trop. Et voilà.

  • Speaker #2

    Et le binge eating disorder ?

  • Speaker #0

    Généralement, c'est la nuit. C'est vraiment genre tu te réveilles et tu es à second et tu fais une crise de bouffe.

  • Speaker #3

    En fait, c'est un peu une hyperphagie, mais nocturne.

  • Speaker #0

    Et en anglais. C'est ça. Mais c'est un peu comme dire entre se mettre une cuite et faire du binge drinking. Je ne sais pas si tu vois le truc. Dans les deux cas, tu vas consommer beaucoup d'alcool. Mais si tu te mets une cuite, tu peux boire tranquillement toute la soirée. Mais si tu fais du binge drinking, tu vas consommer beaucoup en très peu de temps.

  • Speaker #2

    Et hyperfagie, c'est pas forcément beaucoup en très peu de temps, ça peut être étalé dans le temps.

  • Speaker #0

    Chacun a ses petits trucs, mais les crises peuvent durer plus ou moins longtemps selon tes rituels, c'est très ritualisé.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que tu veux dire par le fait que c'est très ritualisé ?

  • Speaker #0

    Je vais pas arrêter de parler, peut-être un moment, mais souvent c'est très ritualisé, tu vas consommer les mêmes aliments, dans le même ordre, ou alors la même famille d'aliments.

  • Speaker #3

    Ouais, c'est ce qu'on disait tout à l'heure, c'est-à-dire tes petits trucs, des trucs où tu t'autorises, et que pour une fois tu t'autorises.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pouvez nous raconter un peu l'impact que ça a eu dans votre quotidien ?

  • Speaker #3

    Ça veut dire par exemple se mettre les doigts dans la bouche jusqu'au fond de la gorge, se faire vomir pendant des heures, ça veut dire vider la moitié de son frigo. C'est vraiment, c'est un peu, c'est des scènes quand même qui sont assez troublantes je trouve. Et quand on dit TCA, même le fait de le mettre dans un acronyme et de dire trouble du comportement alimentaire, ça nous éloigne de la réalité très difficile et violente. que représente un trouble. Moi, j'ai commencé à me faire vomir, je me souviens très bien. Je me suis toujours considérée comme grosse. Et maintenant, je regarde les photos de moi à 13 ans et j'étais vraiment mince. Je n'étais pas la plus mince, mais j'étais vraiment mince pour une fille de 13 ans. Mais je me voyais, j'avais déjà une vision de mon corps totalement déformée parce que je pense qu'autour de moi, c'était déjà totalement normal dans la société que pour être belle, il fallait être mince. quand on était une fille, il fallait être belle. Donc ça allait ensemble. Il fallait que je sois belle et donc que je sois mince. Et puis j'ai toujours vu ma mère lutter avec son poids, se trouver toujours trop grosse, alors qu'elle faisait genre un 36-38. Et donc ça m'a beaucoup marquée. Et un jour, j'ai pris une énorme cuite et j'ai vomi. Et ce jour-là, je me suis dit mais c'est génial. Enfin, ça veut dire que ce que je mange et que je bois, je peux... le ressortir de mon corps, en fait, je peux annuler cet effet. Et à partir de ce jour-là, j'ai commencé à me faire vomir dans des moments de grande solitude où j'avais besoin de me remplir, mais ça, je l'ai compris bien plus tard. Au début, c'était dès que je mangeais trop, et après, je mangeais pour pouvoir me faire vomir et ressentir cette sensation-là à la fois de grande souffrance et puis après, il y a aussi ce cercle dans lequel on rentre, je ne sais pas, vous allez peut-être pouvoir en parler aussi, mais ce cercle de... au bout d'un moment, on ne peut plus se faire vomir, c'est-à-dire que ça ne fonctionne plus, le corps ne veut plus. et c'est horrible parce qu'on mange en se disant Je vais manger une tonne et après, je vais pouvoir me faire vomir, mais mon corps, il ne veut plus. Et c'est vraiment, moi, je me souviens des moments de détresse terrible. Je me disais comment je vais faire ? Donc, du coup, je commençais à faire du sport pour pouvoir compenser. C'est un cercle vicieux terrible. Et une grande solitude aussi, parce que c'est tellement honteux qu'on n'en parle pas. Moi, je n'en parlais pas du tout, je n'en parlais à personne.

  • Speaker #4

    La honte est très présente. Moi, tu vois, la première chose que j'ai demandé, c'est mais est-ce que le témanage va être filmé ? que mes proches, il y en a beaucoup qui ne sont même pas au courant dans ma famille. Et pourtant, j'en souffre encore. Mon psy, j'ai mis des mois à lui en parler. Donc, la honte est très très présente autour du TCA. J'ai une seule de mes amies qui est au courant. C'est quelque chose... Moi, le fait d'être là avec vous ce soir, en fait, c'est un grand pas dans mon processus de rétablissement. Parce que c'est assumer qui je suis. ce dont je souffre, et le dire, et en parler, et me rendre compte qu'on n'est pas seul, tout simplement. Mais pour répondre à ta question, l'impact que ça a au quotidien, parce que c'était ça la question de départ, on a un peu divagué, moi, les deux sphères qui sont impactées le plus, ça sera ma sexualité et ma sociabilisation. Donc clairement, de mes 19 ans à 25 ans, j'ai été abstinente à cause des TCA. Et c'était peu importe le poids que je faisais, je n'étais jamais satisfaite. J'ai pesé entre mes 19 ans et 25 ans de 90 à 52 kilos et ça ne me convenait jamais. Mon corps n'avait pas la valeur d'avoir droit au plaisir en fait, tout simplement. Donc ça, ça a été un impact énorme. Et puis la sociabilisation, donc là, ça n'a plus d'impact sur ma sexualité aujourd'hui, heureusement, et depuis longtemps. Depuis que j'ai rencontré mon mari en fait, donc quand j'avais 25 ans. Mais ma sociabilisation, ça a encore un impact. C'est-à-dire que de nos jours, si mon corps ne me convient pas, je suis capable de me priver d'une sortie, de me priver de voir des gens qui me connaissent intimement, qui sont mes amis, en qui j'ai confiance, qui ne vont pas me juger. Mais le problème, ce n'est pas les autres. Le problème, c'est que j'ai un rapport d'amour et surtout de haine avec mon corps. Et ça, c'est quelque chose avec lequel j'ai travaillé avec des psychothérapeutes. Et que un jour j'arriverai à régler, mais ça va prendre des années. Et je sais que je serai, je vais me battre, je pense que je vais me battre toute ma vie. Je pense que c'est quelque chose qu'il va falloir que j'accepte et que j'assume que ça fait partie de moi. Et que je ne serai jamais guérie. Que ça sera une part d'ombre qu'il faut que j'assume et qu'il faut que j'arrête de subir.

  • Speaker #0

    C'est intéressant parce que vraiment moi je vis pas du tout les choses comme ça. Donc c'est toujours étonnant d'entendre la vie des autres avec qui on est, qui sont censés vous faire miroir mais qui sont en fait pas un miroir. C'est un peu bizarre comme expérience. Moi j'ai jamais eu le loisir de cacher que j'avais des troubles parce que je suis très grosse et j'ai toujours été très grosse. Donc ça a toujours été évident pour tout le monde que j'avais un problème avec la bouffe. Alors de quelle nature ? Tout le monde n'est pas renseigné et tout le monde n'est pas psy et tout le monde n'a pas de connaissances de ces choses-là. Mais en tout cas, toute ma vie, on m'a dit que j'avais un problème avec la bouffe. Alors dans des termes plus ou moins savants, dans des termes plus ou moins fleuris, mais moi, je n'ai jamais eu le loisir de cacher que j'avais un problème avec la bouffe. Donc j'avoue que peut-être que quelque part, cette grossophobie que j'ai subie, ça m'a protégée de la honte, je ne sais pas. Mais en tout cas, moi, j'ai toujours dit que oui, que j'avais clairement un problème avec la bouffe. Et puis aussi, moi, je viens d'une famille où tout le monde a des problèmes avec la bouffe, en fait. Donc pour moi, c'était assez évident que j'allais en avoir aussi. C'était un peu le destin. Après, oui, les gens ne s'imaginent pas ce que c'est d'avoir des troubles du comportement alimentaire. Je pense qu'ils ne s'imaginent pas aussi que c'est être étudiante et faire des chèques au bois en francs prix parce qu'en fait, il faut que tu payes tes crises de boulimie, que tu n'as pas une thune, mais qu'en fait, tu ne peux pas résister et que tu te mets dans la merde pour payer des tonnes de courses que tu vas gerber dix minutes après. Ça, c'est une réalité qui existe, qui a existé très fort pour moi et je me suis dans la merde très fort à cause de ça. Moi, j'ai des dents pourries. À cause des années de boulimie vomitive, j'ai des dents qui se désagrègent parce que mon émail est abîmé à cause des sucs gastriques d'avoir vomi pendant des années. Et c'est marrant parce qu'il y a plein de médecins de toutes spécialités qui ne se sont jamais intéressés à mes troubles du comportement alimentaire, qui ne m'ont jamais demandé si j'en souffrais. Et pourtant, à chaque fois que je vais chez un dentiste, une des premières choses qu'il me dit, c'est « vous avez eu des troubles du comportement alimentaire, non ? » . Ben ouais. donc je sais pas et c'est marrant parce qu'en entendant les autres témoignages parler du corps moi j'ai l'impression que mon trouble du comportement alimentaire n'a rien à voir avec la vision de mon corps donc c'est aussi assez spécifique moi mes troubles du comportement alimentaire ils sont liés à une souffrance qui n'est pas celle de mon corps parce que j'ai jamais eu l'impression de souffrir de mon corps mais de souffrir de ce qu'on faisait à mon corps donc ça c'est une différence aussi qui me frappe ce soir.

  • Speaker #3

    Je trouve ça trop intéressant que tu dises que c'est pas lié à ton corps parce que je pense qu'en fait, effectivement, c'est pas lié au corps mais c'est quand même... C'est lié, c'est pas lié. Moi, je sais aussi que ça fait plutôt suite à des traumas et une énorme solitude et un énorme besoin de combler un vide mais abyssal intérieur et à la fois, c'est aussi lié à cette espèce de besoin d'être parfaite. Le besoin d'être parfaite que... Que je puisse contrôler les moindres faits et gestes, que tout puisse être contrôlable.

  • Speaker #0

    Pour rebondir ? Et bien, tu vois, pour moi, faire une crise de boulimie, c'est exactement contrôler. C'est pas du tout me lâcher. C'est un moment où je contrôle exactement ce qui sort de mon corps, ce qui rentre de mon corps.

  • Speaker #2

    Donc ça rejoint en fait ce que tu dis. Ça va dans le même sens.

  • Speaker #3

    Et c'est vrai qu'il y a un truc de famille dans le sens où quand tu vois des gens avoir des comportements avec la nourriture complètement bizarres ou inadaptés, et finalement ça te reste. Et c'est aussi une manière, moi je pense que quand j'étais ado, j'étais très seule et j'avais besoin d'être remarquée. Et je pense que ça m'a aidée à faire signe à mes parents. Et un jour, donc en fait, c'est des crises énormes la nuit. Donc le matin, plus rien dans les placards. Et quand même, ils s'en rendaient compte au bout d'un moment. Et j'étais aussi dans une grande dépression. Et le médecin, en fait, j'allais tout le temps voir mon médecin généraliste. Et le médecin généraliste, un jour, il a appelé mes parents. Il leur a dit, voilà, là, il y a un problème. Moi, je suis obligée de vous dire que votre fils n'a vraiment pas et que je me fais du souci. Ils m'ont confrontée. Ils m'ont dit, voilà ce qu'il nous a dit. Il leur a tout dit. Donc il a brisé un peu le secret professionnel. Et mon souvenir, mais ils n'ont pas le même souvenir, mais en tout cas, moi, mon souvenir, c'est que j'ai démenti. J'ai dit mais pas du tout. En fait, il n'a pas compris ce que je lui ai dit. Vous en faites pas, tout va bien. Et eux m'ont dit OK. Et là, j'ai compris. C'est le moment. En fait, c'est ça qui m'a sauvée. C'est parce que là, j'ai compris que j'étais seule et que personne n'allait m'aider. Et donc quand je suis revenue faire mes études à Toulouse, j'ai pris tout de suite rendez-vous avec une spécialiste des TCA. Et je me suis dit, voilà, je vais m'aider toute seule. J'ai bossé à côté pour pouvoir payer les séances. Et je me souviens que le premier, c'était à la période de Noël, et le premier truc qu'elle m'a dit, c'est, maintenant, vous ne contrôlez plus rien. Donc vous n'essayez pas de contrôler votre nourriture, vous mangez ce dont vous avez envie. Je suis sortie, j'ai mangé de l'aligo. Je me souviens encore, genre, de cette sensation de me sentir libre, de manger ce que je voulais, et de ne pas culpabiliser. Et finalement quand même après quelques séances j'ai quand même réalisé que ça avait ses limites quoi de elle m'apprenait à gérer mes émotions et tout mais moi j'étais dans une souffrance enfin je ça marchait pas du tout je disais mais quand vous me dites ça mais moi je suis dans un tunnel je ne peux pas respirer et penser à autre chose et faire un tour c'est impossible et après c'est vraiment la thérapie par la parole quoi qui m'a aidé à arrêter le carnage mais

  • Speaker #2

    Je veux juste revenir sur ce que disait Anne, sur le fait que ce n'est pas un problème de rapport au corps, mais de ce qu'on fait au corps. J'ai trouvé que c'était très intéressant, ça m'a interpellée comme formule. Est-ce que tu veux développer juste ce que tu penses ?

  • Speaker #0

    Oui, moi je pense que si on m'avait foutu la paix, petite fille, petit enfant sur mon corps... Que si on ne lui avait pas dit qu'il était trop grand, trop petit, trop gros, que si je n'avais pas été agressée sexuellement dans mon enfance, que si je n'avais pas été moquée à l'école, que si je n'avais pas été appelée grosse vache, etc. Je ne pense pas que j'aurais eu des troubles du comportement alimentaire aussi forts. Je pense que si ma mère n'avait pas souffert de troubles du comportement alimentaire à cause de son histoire personnelle, elle aussi, peut-être que je n'aurais pas eu des troubles du comportement alimentaire. Je pense que si mon père était dans une famille fonctionnelle avec de l'argent, il n'aurait pas souffert de troubles du comportement alimentaire et d'autres troubles psychiques non plus. Je pense qu'il y a, comme beaucoup de troubles psychiques d'ailleurs, mais ça c'est moi qui le pense, ce n'est pas le DSM, je pense que si on avait tous plus d'argent, plus d'accès aux soins, un toit sur la tête et des moyens pour aller à l'école comme on veut, globalement on irait tous mieux. Et donc en fait, mon corps est le produit. de la violence qu'il a reçue. Et ça, vraiment, je crois pour vrai. C'est-à-dire que je pense que si on ne m'avait pas mise au régime à 4 ans, je n'en aurais pas pris 30 à l'adolescence. Je pense que si on ne m'avait pas violée, je n'aurais pas fait... Crise de boulimie pour me consoler, je pense que... enfin plein de choses comme ça quoi. Et que c'est pas du tout un discours victimaire parce que... Oui je suis victime de plein de choses mais ça va. Comme dit Virginie Despentes dans King Kong Theory, elle s'est fait violer en faisant de l'autostop. Le lendemain elle a refait de l'autostop parce qu'en fait c'est ça qu'on fait. On refait de l'autostop tous et toutes, tout le temps. Mais en fait moi j'ai jamais eu de problème moi-même avec mon corps. Alors oui, il y a des jours, je le trouve dégueulasse. Puis en fait, il y a des jours, je suis juste content qu'il soit là et on va faire notre petite promenade et on est bien tous les deux. Mais aussi parce que très vite, je crois que comme j'ai été privée très vite de l'idée que je serais belle techniquement, pour la société, du coup, j'ai développé d'autres liens avec lui. Comme j'attendais plus d'être belle parce que j'avais compris que ça ne marcherait pas, que j'étais trop éloignée de la norme. Alors du coup, j'ai dû faire d'autres alliances avec mon corps. Et ces autres alliances, elles m'ont permis de survivre, je crois.

  • Speaker #2

    Waouh, c'est hyper fort comme témoignage. Et il y a un point quand même que tu as abordé, qui est le rapport entre les agressions sexuelles, les violences sexuelles subies, et ensuite les troubles du comportement alimentaire. Je n'ai plus le chiffre exact. C'est immense. Mais c'est immense. Il me semble avoir... Il y a une corrélation qui est énorme et je trouve que ça, on n'en parle pas très très souvent.

  • Speaker #3

    Mais parce qu'on cherche toujours à régler le symptôme, c'est-à-dire qu'il y a un trouble du comportement alimentaire, on se fait vomir, on est anorexique, on va chercher à régler l'anorexie. Mais ce n'est pas l'anorexie ou la boulimie qu'il faut chercher à solutionner, à régler. Il faut se demander pourquoi un enfant a des comportements qui sont atypiques, qui nous questionnent. c'est pas Les comportements qu'il faut chercher à régler, il faut se poser la question de ce qui se passe derrière. Et il y a toujours quelque chose, effectivement, les violences sexuelles, c'est souvent l'origine des troubles du comportement alimentaire.

  • Speaker #2

    En tout cas, une des origines, un facteur très, très, très fort.

  • Speaker #0

    Il y en a beaucoup, mais souvent, c'est des troubles d'attachement, en tout cas, qui quand même reviennent très souvent.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y a eu... Un moment où vous avez eu un déclic, quelque chose ou quelqu'un qui vous a aidé à entamer un chemin de rétablissement. Anna t'en parlait tout à l'heure avec cette discussion avec tes parents. Est-ce que Anne et Caroline, vous vous souvenez d'un moment où vous vous êtes dit là... D'abord, est-ce que vous vous souvenez de... Vous vous êtes formulé qu'il fallait, que ça vous ferait du bien de chercher de l'aide. Et voilà, comment votre chemin de rétablissement a démarré ?

  • Speaker #0

    Moi, il me fallait de l'aide, mais il me fallait de l'aide sur tous les niveaux. Il me fallait de l'aide psychique, il me fallait du repos, il me fallait des amis, il me fallait de l'amour, il me fallait plein de choses. J'étais vraiment dans un état de détresse quand j'avais, au début de ma vingtaine, intense. Vraiment, c'était dur et c'était le moment où aussi mes TCA étaient le plus dur, où je pouvais vraiment... Mettre en arrêt maladie pour rester chez moi et faire des crises de boulimie. C'est-à-dire d'enchaîner cinq crises de boulimie par jour et ne faire que ça. Et être dans un cycle où tu ne sors de chez toi que pour faire des courses et tu rentres chez toi pour bouffer, te faire vomir, bouffer, te faire vomir. C'était très solitaire. Et là, je partage complètement ce sentiment immense de solitude. Et en même temps, avec ce truc un peu... C'est très bizarre de faire une crise de boulimie. Je ne sais pas si les gens peuvent comprendre ce sentiment de liberté et de plénitude qu'on ressent juste avant de se faire vomir et ce truc de... C'est un peu comme parfois quand on me raconte des états maniaques ou des hypomanies, des choses comme ça, l'impression justement, ce que tu disais, peut-être d'avoir repris le contrôle ou d'être pleine de quelque chose, enfin... Donc il y a aussi une espèce d'addiction comportementale, moi je crois vachement à cette explication-là des TCA là-dessus. Et en fait, ce truc que tu disais qu'on n'arrive plus à se faire vomir, moi, ça me fait aussi penser à ce high que tu vas rechercher quand tu as une addiction à la drogue, par contre. Et bien, la bouffe, c'est un peu pareil.

  • Speaker #3

    Oui, moi, je me souviens de trucs, de scènes totalement absurdes où je cherchais sur les forums, genre, comment se faire vomir quand ton corps ne peut pas. Et franchement, il y a plein de forums. C'est-à-dire qu'il y a des centaines et des centaines de pages. Il y avait l'eau salée, par exemple. Donc, il y avait une fille qui avait dit, il faut boire de l'eau salée, c'est tellement dégoûtant, donc je sais pas si vous avez déjà bu de l'eau salée, mais c'est immonde, genre c'est horrible, et donc je me mettais mise. À boire de l'eau salée, ça ne fonctionnait pas, donc j'avais mis plus de sel. Mais franchement, je... Et après, en m'endormant, juste avant de m'endormir, parce qu'il y a aussi cet état où après, tu vas dormir direct. En fait, il faut... Il faut oublier, quoi. Moi, j'avais quand même vraiment honte. Je me sentais culpabilisée. Enfin, même pas une honte, je culpabilisais énormément. Et je me disais, demain, j'arrête. Le demain, j'arrête, je l'ai dit dans ma tête des millions de fois. Et en fait, parfois, quand j'avais, pardon, je vais parler à première raison, quand j'avais des élans de lucidité, je me disais, mais regarde, qu'est-ce que t'es en train de faire ? C'est absurde ce que t'es en train de faire.

  • Speaker #0

    Le moment où t'as fini de te faire vomir et que... tu revois tout ce que tu as bouffé, les cadavres et tout ça, il est terrible. C'est-à-dire vraiment, tu reviens à quelque chose en toi qui est animal. Tu te sens comme un animal incontrôlable. Et moi, je sais que la crise s'arrêtait quand je ramassais et que j'allais prendre une biche. Et ce truc de se nettoyer, de vraiment se laver. Alors, on revient sur des métaphores... de l'agression sexuelle, mais il y a quand même quelque chose de ça. Tu t'es fait du mal à toi-même et tu vas te laver parce qu'il faut que tu oublies. Moi, je fumais encore des clopes à l'époque. Vraiment, je m'allumais une grosse clope à poil. Et après, ça m'arrachait la gorge que je viens de te faire vomir. Et ta clope, elle te déchire encore un peu plus. Après, tu vas prendre une douche et t'espères que vraiment, c'est la dernière et que ça part dans l'eau de la douche et que tu te fais un peu ce truc de demain, ça changera. Et c'est demain, ça ne change pas.

  • Speaker #3

    Ça ne change pas demain. Et c'est ça qui est horrible. Et cette culpabilité de se dire, mais en fait, demain, mais c'est quand demain ? C'est quand demain que ça va enfin changer ?

  • Speaker #0

    Il y a aussi un truc que je trouve qui est assez fort dans la boulimie, c'est les trucs que tu manges dans les crises. Parce que c'est des choses que tu ne manges jamais. Par exemple, je ne sais pas si c'était votre cas, moi, c'est sauce et pain. C'est-à-dire sauce, béarnaise, maillot, pain, fromage.

  • Speaker #1

    Parce que c'est un aliment interdit, le maillot aussi.

  • Speaker #0

    Interdit, maillot, pain, fromage. Après, même tartine avec le Nutella. Et par-dessus, il faut faire des trucs de fou que tu ne pourrais jamais faire. Et après, le sentiment de dire... Mais attention, vous pensiez que c'était hors de contrôle, mais je vais aller tout contrôler après, je vais aller me faire vomir. Ça, c'est aussi une jouissance, mais c'est un truc de se dire, en fait, je vais contrôler le truc quand même.

  • Speaker #1

    Mais en fait, avec des trucs vraiment, moi, j'avais fouillé. Parce qu'en fait, tout Internet est passionné par cette question de comment se faire vomir. Parce qu'en fait, le monde entier a des troubles du comportement alimentaire. Le monde entier compte ses calories, le monde entier surveille son alimentation. Et le monde dit « Ah mais non, c'est pour faire du sport et c'est pour maigrir » . Non, tout le monde a des troubles du comportement alimentaire, il faut juste arrêter de se mentir. Et trouve des tips. Moi j'avais lu une meuf et j'avais appliqué ce truc. Elle commence ses crises par des chips avec une certaine couleur, un colorant alimentaire. Comme ça, quand elle vomit, quand elle voit la couleur sortir, elle sait qu'elle a réussi sa crise. Et ça, je l'ai fait pendant des années, tu vois. Et si je n'avais pas lu ce truc sur un forum de gens aussi malades que moi, qui s'échangent, enfin c'est d'une dangerosité incroyable. Mais pour revenir à la question... Moi, ce qui m'a sauvée, c'est quand j'ai rencontré un psy qui ne m'a pas dit au bout de cinq minutes... En plus, à l'époque, je n'avais pas de sous, donc j'allais au CMP. Donc, je voyais un psy un quart d'heure toutes les deux semaines. Mais en fait, ce psy-là, il ne m'a pas dit que j'étais grosse. Je l'ai vu quelques mois, mais il n'a jamais dit que j'étais grosse. Et je me suis dit, putain, celui-là, il ne veut pas me faire maigrir. Il ne me parle pas de mon poids, comme si c'était un truc horrible qu'il fallait régler immédiatement. et genre au bout de quelques mois il m'a dit bon à l'alimentation nana bon et en fait et j'avais de la chance que j'étais dans le 14ème à l'époque et j'étais donc à côté de Saint-Anne en sectorisation et il se trouve qu'à Saint-Anne à ce moment-là il développait tout un truc de troubles du comportement alimentaire assez intéressant et il m'a eu un peu comme ça le gars il m'a jamais parlé de mon poids vraiment ça a jamais été un sujet rien à foutre vraiment jamais jamais jamais il m'a dit par contre j'organise des groupes de paroles sur les troubles du comportement alimentaire et je crois même pas qu'on avait eu la discussion est-ce que j'en ai, est-ce que j'en ai pas pour lui c'était genre évident que j'en avais Merci. Et il m'a dit tu veux venir ? J'ai dit ok. Et j'ai fait ça et c'était intelligent parce qu'en fait c'était un groupe avec tous les troubles mélangés. Donc je me retrouvais avec des meufs anorexiques qui étaient genre mes nez, mes cisse en fait dans la vraie vie parce que quand on est grosse et qu'on a des TCA, on est jalouse des anorexiques à balle parce qu'en fait tout le monde s'inquiète pour les anorexiques.

  • Speaker #0

    J'en ai hâte, mais j'arrête tellement.

  • Speaker #1

    Parce que tout le monde est là genre oh la pauvre, on va s'occuper d'elle parce qu'elle va mourir, elle va vraiment pas bien, t'es là. Et moi ? Et moi, je ne vais pas crever, en fait. Bien sûr que je vais crever, moi.

  • Speaker #0

    Moi, je me disais, pourquoi mon trouble ? Je me disais, comme ça, je me disais, mais pourquoi mon trouble, ce n'est pas la noix ?

  • Speaker #1

    Quand on est gros, on dégoûte les gens. On est là, mais ça va, elle ne sait pas se contrôler, elle est gourmande. C'est vraiment tous ces trucs de grossophobie qui s'attachent à la boulimie, aux gens qui grossissent avec les troubles. Et on est jalouse. Alors que c'est horrible d'être jalouse, parce que les gens qui s'y rendent très mal aussi, aussi mal que nous. mais il y en a ce truc de elles sont mieux traitées et on a une jalousie qui... qui renforce un espèce d'antagonisme, alors qu'en fait, nous aussi, on fait des crises d'anorexie. Mais moi, quand je suis grosse, quand je fais 130 kilos et que je fais une crise d'anorexie, le médecin me dit « Oh, c'est pas grave, vous pouvez en perdre quelques-uns quand même. » Oui, ça se fait 10 jours que j'ai pas rien mangé, frère, on fait quoi ?

  • Speaker #2

    Il y en a eu plusieurs, des déclics. Alors déjà, j'ai eu le déclic matériel, en fait, la conscience que je pouvais avoir les moyens de prendre soin de moi. grâce au travail de mon mari et à sa mutuelle. Donc j'avais le droit à deux thérapeutes par semaine, j'en voyais un pour la bipolarité et un pour mes troubles alimentaires. On a travaillé notamment sur la thérapie ACT-thérapie, si ça vous parle. Donc c'est une thérapie d'acceptation et d'engagement, ACT and Commitment Therapy en anglais. Et ça, ça a changé ma vie. Pour moi, les deux sont très liés. En fait, c'est dur de parler de déclic. En fait, je me suis rendue compte, une fois que ma bipolarité était plus sous contrôle, que je pouvais prendre soin du reste, mais il fallait que ça aille ensemble. Mais je n'ai pas réussi à faire tout en même temps. Il a fallu que j'avance petit à petit. Et en gagnant en stabilité, j'ai réussi à l'admettre déjà, que je souffrais à le dire. Et ça, c'était un grand pas. C'était juste tellement difficile d'en parler, d'en parler à ses proches. C'est une chose, mais de demander de l'aide médicale quand ça ne se voit pas forcément, quand on pèse un poids qui est estimé raisonnable, même si nous-mêmes, on n'en est pas satisfaits, quand on n'est pas hors norme et quand il n'y a pas de... de danger pour sa vie parce que je ne suis pas anorexique mortelle, mes règles ne se sont jamais arrêtées.

  • Speaker #0

    Justement, à propos du rétablissement, tu as parlé de la thérapie, act-thérapie.

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est possible de la décrire ?

  • Speaker #2

    En fait, c'est tellement... ça paraît bateau, mais c'est vraiment d'accepter notre situation, de pouvoir se détacher soi-même de ses émotions, de ses sensations, de sa souffrance, mais tout en l'acceptant, et dire je vais mettre en place un dispositif qui correspond à mes valeurs. et à celle que je suis, à celle que j'ai envie de devenir, se concentrer sur le présent, sur ce qui est en notre pouvoir, sur ce qu'on peut changer maintenant, ici, avec les outils qu'on a, et accepter, ne pas balayer la douleur.

  • Speaker #1

    Oui, ça fait partie de la grande famille des thérapies cognitives et comportementales, la thérapie ACT, c'est la thérapie de dernière génération des TCC. C'est vrai qu'en France, sur les TCC, on est quand même globalement assez frileux encore, On est encore beaucoup sur du traitement d'origine. psychanalytique ou sur de la bonne thérapie à l'ancienne en face à face moi c'est la voie que j'ai choisi j'ai pas fait de tcc par contre j'ai fait beaucoup de groupes de parole et puis j'ai beaucoup été dans la paire et danse aussi sans mettre de mots dessus et sans la définir comme ça mais comme je m'intéresse beaucoup à la lutte contre les discriminations et contre la grossophobie notamment puisqu'elle me concerne directement je fréquente beaucoup de gens gros Quand on met beaucoup de gens gros dans une pièce, c'est forcément un moment où on se met à parler de troubles du comportement alimentaire. Et en fait, j'ai très vite débloqué ma manière de parler là-dessus. Et en fait, je n'ai pas du tout tabou pour en parler grâce à ça aussi. Et ça m'a permis d'écouter beaucoup les autres, d'apprendre beaucoup les autres. Et surtout de repérer qu'en fait, on partait tous du même endroit, qu'on avait souvent subi les mêmes choses, que les choses se passaient souvent... Enfin vraiment, que c'est... En fait... Ce n'était pas possible que ce soit ma faute puisqu'on était tous pareils, qu'il y avait quelque chose de systémique dans cette souffrance et dans la manière de la vivre. Et ça, ça a été assez libérateur aussi de ne plus être seule, de partager et de me rendre compte que ce n'était pas moi toute seule qui me faisait du mal, toute seule et qui inventait un truc pour me rendre spéciale. Parfois, les gens qui ont des troubles du comportement alimentaire, on leur dit en plus ça, arrête de faire ton intéressant parce que ce n'est pas assez grave, parce que je ne sais pas quoi. Il y a un peu ce truc-là autour de l'adolescence. Arrête de faire ton intéressant comme si la souffrance de l'adolescence n'était pas terrible.

  • Speaker #0

    Pour moi, ça vient aussi de l'infantisme, c'est-à-dire cette discrimination vis-à-vis des enfants et beaucoup des adolescents finalement, parce que les enfants, ils ont au moins la chance d'être mignons. Non mais c'est vrai, pour les adultes, ils ont quand même un intérêt, mais alors les adolescents, c'est carrément plus du tout des êtres humains valables d'avoir des émotions, des sentiments. Et pour revenir sur la thérapie, moi j'ai commencé par les TCC, vraiment la première personne que je suis allée voir, c'était une spécialiste. et je trouvais que C'est vraiment mon expérience personnelle, encore une fois, mais à ce moment-là de ma vie, ces conseils étaient tellement déconnectés de l'immense souffrance que je vivais, de me dire « il faut respirer, il faut essayer d'analyser ses émotions, écrire ce que tu ressens » . Mais en fait, je n'étais plus moi-même, donc je ne pouvais pas écrire ce que je ressentais. Je pouvais juste observer ce qui se passait a posteriori. Par contre, ce qui m'a vraiment aidée, c'est d'affronter les souffrances que j'avais vécues quand j'étais petite. Et ça, c'est dur, c'est vraiment très dur, mais à la fois, c'est un soulagement énorme. de me rendre compte que ça venait de quelque part, ça s'était niché là-dedans en fait, ça s'était niché dans les failles de ma vie d'enfant.

  • Speaker #1

    Ça, c'était partie des TCC ?

  • Speaker #0

    Non, ça c'était vraiment la thérapie par la parole, un type d'inspiration psychanalytique. J'étais en face à face, j'avais 18 ans en fait. Et ma psy, je m'en souviendrai toujours, elle était une femme tellement douce, et à la fois, elle m'aidait beaucoup à accepter et à me déculpabiliser, parce qu'il y a aussi... Je trouve que quand on a des troubles du comportement alimentaire, on a le sentiment que c'est de notre faute, que c'est nous qui avons créé ça. En plus, comme c'est nous qui agissons ou n'agissons pas, on se dit « mais pourquoi je n'arrête pas ? » Je pourrais très bien arrêter. C'était un peu comme une addiction, c'est ce que tu disais tout à l'heure. Et maintenant, j'ai conscience que je ne pouvais pas du tout arrêter, que ce n'était pas du tout de ma faute. Et puis, une autre chose qui m'a aussi aidée, c'est de vivre pleinement. Parce que juste après ma thérapie de 3 ans, j'ai pris mon sac à dos. Et je suis partie voyager en backpack en Asie, en Amérique du Sud. J'avais économisé pendant six mois. Et en fait, de vivre pleinement, de ne pas avoir d'endroit pour me faire vomir. Aussi concrètement, de ne pas pouvoir mettre en place vraiment tous les rituels de boulimie et tout. Et c'est ça qui m'a permis de sortir, d'avoir un tunnel où je n'ai pas du tout eu ce genre de comportement, même si j'avais très envie, même si je pouvais faire parfois de l'hyperphagie pour le coup. Ça m'arrivait quand j'étais toute seule, je me faisais quatre restos, je commandais plein de trucs. Mais je ne passais pas à l'acte de vomir et petit à petit, comme ça, ça s'est un petit peu résorbé. Même si ça existe toujours un peu au fond de moi, mais ça s'est quand même beaucoup amélioré.

  • Speaker #1

    Je crois que dans tous les troubles où il y a de l'hyper, en fait... Il y a une question qu'on apprend à se poser une fois qu'on a retrouvé ses esprits, c'est en fait de quoi j'ai vraiment besoin ? Enfin c'est ça la question. Comme dans l'hypersexualité, comme dans la consommation de drogue, d'alcool, comme dans les troubles du comportement alimentaire, c'est en fait de quoi j'ai besoin quoi. Et je trouve que le rétablissement il commence au moment où on est capable, avant de faire ses courses de crise, que tout ça c'est encore un rituel et qu'on est dans les rayons du Franprix. Et qu'on arrive à prendre une grande bouffée d'air et qu'on se dit, en fait, de quoi j'ai capable ? Et peut-être, de quoi j'ai capable ? N'importe quoi ! De quoi je suis capable ? De quoi j'ai besoin ? Et ça peut être juste envoyer un texto et dire, meuf, on prend un verre, et juste tu vas prendre un verre avec une copine, et du coup, ta crise, elle est au fond de ta tête, mais en fait, petit à petit, tu te remplis de l'amitié, tu te remplis de la parole de l'autre. Ça peut être, j'ai besoin de voir des choses belles, et du coup, tu vas faire un truc où tu vas voir des choses belles. Ça peut être, j'ai besoin d'un câlin, et alors tu vas oser demander... J'ai besoin d'un câlin, j'ai besoin de soutien. Je crois qu'une fois que tu accèdes à quel est mon besoin profond et quel est l'endroit où je me répare, alors là tu trouves le chemin. C'est ça. Et après ça peut être un chemin physique que tu fais en marchant, en voyageant, en plein de choses, mais ça peut être aussi un chemin intérieur où j'identifie où est ma blessure et alors je la visualise et comment je la pense. Au lieu de mettre une montagne de poussière dessus pour plus qu'on la voit, comment j'écarte les choses et je la vois et je la répare. J'ai un rapport un peu ambivalent à la notion de rétablissement de mes troubles du comportement alimentaire parce que je suis persuadée que si je n'avais pas eu de troubles du comportement alimentaire, j'aurais sans doute peut-être essayé de mettre fin à mes jours de nombreuses fois et que sur un hasard, peut-être une malchance, j'y serais arrivée. Et je pense que si je n'avais pas eu la soupape, alors oui, on peut la juger dégueulasse, pas chouette, triste, des troubles du comportement alimentaire. Si je n'avais pas eu ça pour m'apporter du confort, du réconfort, si je n'avais pas eu ça pour faire descendre la pression, un peu comme les ados qui ont des comportements auto-agressifs, de la mutilation, peut-être si je n'avais pas eu ça, je ne serais pas là. Alors du coup, c'est compliqué pour moi parce que je sais que c'est un discours pour les gens qui sont en pleine souffrance de Tessa, c'est difficile à entendre, mais en fait, parfois ça protège aussi. Parfois on n'est pas accro par hasard et parfois,

  • Speaker #0

    c'est pas toujours. Et puis le TCA, comme tu l'as dit tout à l'heure, le TCA, les troubles du comportement alimentaire, c'est le type of the iceberg. C'est le symptôme, c'est le cri du corps et de l'âme. C'est ça qui vient dire, OK, là, il faut s'occuper de ce qui se passe. Et c'est jamais... C'est pas que ça. C'est pas un trouble du comportement alimentaire. Il ne surgit pas comme ça de nulle part dans la vie d'un individu. Et c'est un signal, quoi.

  • Speaker #2

    J'ai l'impression... en tout cas en ce qui me concerne je suis d'accord avec toi, je pense que ça m'a sauvé la vie ça m'a maintenue ça fait de moi celle que je suis aujourd'hui malgré tout et je m'aime aujourd'hui j'aime celle que je suis et si je n'avais pas eu ce trouble alimentaire, est-ce que je serais celle que je suis aujourd'hui ? Je ne sais pas

  • Speaker #0

    Le fait d'avoir des TCA aussi ça te fait réaliser que ça te fait apprécier des moments basiques qu'on ne se rend pas compte quand on en a pas, par exemple, la satiété. Moi, c'était un sentiment que je ne connaissais plus. Enfin, je ne savais pas ce que c'était de ne plus avoir faim, par exemple. Parce que quand on a des troubles du comportement alimentaire, notre système est déréglé. En fait, on n'a plus... La satiété fonctionne beaucoup moins bien, donc on ne sait plus ce que ça veut dire. En fait, on mange et on est en mode, ok, les gens, ils ont arrêté de manger, donc je vais arrêter de manger. Et quand on récupère un semblant de normalité dans le rapport qu'on a, moi, quand je me sens pleine, que je n'ai plus faim et qu'il reste même quelque chose dans mon assiette mais que vraiment je ne vais pas le manger parce que je n'ai plus faim et que je n'ai plus envie de le manger je suis hyper reconnaissante je me dis ah mais c'est génial ça veut dire que je vais je suis pas dans un rapport bizarre j'ai vraiment juste plus faim, plus envie et je vais pas le manger et parfois j'ai plus faim j'ai encore envie, je vais le manger et je vais quand même être bien et je ne vais pas culpabiliser et même ça Je trouve que c'est précieux. Mais on garde quand même des échecs. Moi, j'ai une obsession sur la santé. Donc, bien, je suis toujours en train de me dire, là, je dors bien. C'est bien pour... Au fond, je me dis, c'est bien pour mon corps. C'est bien que je dors bien. Là, je mange des fibres. Ça, c'est bien. Je vais manger plus de protéines. Je dis très souvent à mon mari, on va se mettre en mode full prot. Non, mais n'importe quoi. Je ne le fais pas forcément.

  • Speaker #1

    Je peux vous pousser par le compteur de mes pas.

  • Speaker #0

    C'était con,

  • Speaker #1

    mais ça c'est vraiment des trucs de gens qui ont des TCA en fait. Et c'est aussi comme ça qu'on se reconnaît entre nous, c'est que t'es là...

  • Speaker #0

    Tu vois, par exemple, toutes les nouvelles meufs qui commencent, tous les nouveaux mecs qui commencent à avoir un peu de notoriété sur la santé, tu peux être sûre que dans deux minutes après, leur livre est dans mon panier et qu'il arrive chez moi, genre trois jours plus tard, et que je suis en mode... Ah ! Et donc, la luminothérapie... Papy, très intéressant.

  • Speaker #1

    Ces gens-là, quand même, c'est assez prouvé. Tous les influenceurs santé qui disent n'importe quoi, la glucose godesse et je ne sais quoi, créent des troubles du comportement alimentaire chez les gens. On est quand même sur une meuf qui vient de faire un partenariat avec une boîte qui crée des implants pour les gens qui ont le diabète, normalement, pour gérer leur glycémie. Et elle n'a pas le diabète. Elle se met en partenariat avec cette boîte. Parce que c'est hyper important de savoir si tu vas... Ta glycémie, elle monte quand t'as mangé. Bah évidemment qu'elle monte, t'as mangé du sucre, donc tu produis de la glycémie, espèce de patate. C'est absolument normal.

  • Speaker #0

    Et par ailleurs, je trouve aussi qu'il y a un autre truc que je pourrais remonter là-dessus, qui est que, en fait, quand t'es dans des troubles comme ça, la société, enfin les gens autour de toi, te renvoient un truc en mode, ah bah ouais, hyper positif. Moi, je me souviens, j'ai eu une période vraiment d'anorexie. J'étais partie en Thaïlande avec ma mère. Et en plus, comme vous l'avez compris, ma mère a eu ses propres problèmes, qu'elle m'a d'ailleurs avoué quand moi je lui ai avoué vraiment. Et elle m'a dit... En fait, moi aussi, je me faisais vomir et elle s'en est énormément voulue. Elle m'a dit « j'ai pas vu que t'étais en souffrance, mais en fait, je pense qu'elle l'avait vue, mais ça lui rappelait trop son propre vécu. Et donc, j'étais revenue de voyager avec elle. Je mangeais tous les jours, je mangeais un quart d'ananas, c'est-à-dire que genre un quart d'une tranche d'ananas. Donc, j'avais évidemment perdu en dix jours, genre neuf kilos, enfin un truc de fou. Et je me souviens que tout le monde m'avait dit « t'es tellement… » belle comme ça, ça te va trop bien, mais comment t'as fait ? » Et moi, j'étais en mode, j'avais tellement faim. J'avais faim, quoi. J'en pouvais plus. Et tout le monde me disait que j'étais hyper belle. Donc je me disais, mais comment je vais tenir ? Parce que là, quand t'es en vacances, tu peux manger un quart d'ananas parce que tu fais rien, en fait. Je dormais tout le temps. Mais quand t'es en cours, t'as besoin d'utiliser ton cerveau, t'as besoin de bouger et tout, je savais que je n'allais pas pouvoir maintenir ce rythme et que je n'allais pas pouvoir maintenir ce poids. Et c'était horrible.

  • Speaker #1

    Ah mais ça c'est terrible, et quand t'es gros... C'est un délire aussi parce que moi, toutes mes périodes d'anorexie, je peux perdre 20 kilos en deux mois. Et tout le monde est là, mais c'est incroyable, mais enfin, tu as eu le déclic, mais c'est trop bien. Et tu es là, non, en fait, je suis en train de m'affamer, de vouloir crever. Le déclic. C'est ça le déclic qu'on attend, on est bien sûr là. Et là-dessus, les professionnels de santé sont nuls, mais nuls. Ils n'ont aucune conscience qu'une personne grosse peut être anorexique, peut être dénutrie. Enfin vraiment, ça leur passe. Parce qu'en fait, pour eux, la bonne sensée, c'est quand tu te mets à maigrir. Tu parlais du regard des autres sur votre corps, sur le corps. Est-ce qu'il y aurait des choses à ne pas dire ? Notamment des idées reçues ou des remarques qui peuvent blesser. J'imagine qu'il y en a énormément.

  • Speaker #0

    Déjà, ta maigrie, je trouve. Le ta maigrie, quoi. On ne commente pas le corps des autres.

  • Speaker #1

    On arrête ça.

  • Speaker #0

    On arrête ça à la base. Ta maigrie, en même temps, tout le monde le fait tout le temps.

  • Speaker #1

    Et t'es trop belle et ta maigrie et ta machin juste. Peut-être, oh là là, c'était trop bien ce que t'as fait. Enfin, on a d'autres qualités.

  • Speaker #0

    Ou alors des remarques sur le physique qui sont plutôt de l'ordre de ce que tu dégages. Tu vois, genre, t'as l'air heureuse, tu vois. Ouais, tu shine, tu vois. Tu shine, mais pas parce que t'es belle physiquement, parce que tu t'es make-up et que t'as maigri, mais parce que ce que tu dégages et t'as l'air épanouie dans ta vie.

  • Speaker #2

    Ne pas rappeler les bases de l'alimentation. Parce que c'est très infantilisant, en fait. Quelqu'un qui souffre d'un TCA est conscient de ce qu'il faut faire et ne pas faire. Alors, moi, quand on me dit « Mais pourquoi tu grignotes ? On va manger dans une heure. » Mais pourquoi tu... Tu sais, des règles de base, ne pas... Pourquoi tu manges du sucre alors que t'as pas encore... Avant de commencer le repas, pourquoi tu... Ne pas rappeler ces règles de base. Parce qu'on le sait. On le sait même trop, d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Et aussi, quand tu disais le fait de... Quand quelqu'un te regarde pour autre chose... que ton poids ou comment t'es parce que c'est quand même tellement plus agréable tu sens que t'as un lien avec la personne qui n'est pas lié à ton poids ou ton physique si vous voulez absolument continuer à complimenter le physique des gens déconstruisez

  • Speaker #1

    votre rapport à la beauté juste en fait exactement vous voyez qu'il y a des beautés diverses qu'on peut être très beau, très gros, très beau, très maigre très beau, très vieux Très beau, très petit. Très beau, très noir. Très beau, très jaune. Enfin, je veux dire, vraiment, c'est...

  • Speaker #0

    On est tous très beaux,

  • Speaker #1

    en fait. Les gens sont beaux, globalement. Les stéréotypes sur les corps, il y a des études nombreuses de sociologie qui montrent qu'à 4 ans déjà, quand on présente des poupées grosses ou des poupées minces, des poupées noires ou des poupées blanches, c'est des poupées minces et blanches qui ont l'air sympas et des grosses et noires qui ont l'air méchantes. Donc, vraiment, nos enfants, qu'on le veuille ou non, nous, qu'on le veuille ou non, et je m'inclus dans ce nous, On est pétri de stéréotypes sur les autres, sur nous-mêmes, etc. Et je crois qu'en fait, je ne sais pas si c'est une illusion, mais je pense que vraiment une partie de la réparation des troubles du comportement alimentaire, c'est une meilleure inclusion de tous, de toutes, d'une représentation de tous les corps.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que vous aimeriez dire à... Quelqu'un qui nous écoute peut-être et qui se reconnaît dans ce que vous vivez, ou ce que vous avez vécu. Voilà, un message ou un conseil.

  • Speaker #1

    Moi, je dirais, ça va aller mieux. Ça ne sera pas tout le temps horrible. Ça va l'être. Dur, dur, dur, dur, dur. Mais aussi, ça va Il y a plein de gens à qui tu peux parler, ça peut être juste des gens qui partagent le même trouble que toi, ça peut être des soignants, ça peut être vraiment toutes sortes de gens, il y a des mains tendues partout. C'est possible, c'est ok. C'est ok aussi de jamais guérir. En fait, on peut vivre toute sa vie avec un trouble du comportement alimentaire. L'important, c'est de vivre au mieux avec et de se faire le moins de mal possible. Je crois que ça, c'est important. Et il y a un deuxième truc que je voudrais dire, c'est que sûrement ton pire cauchemar, c'est d'être gros. C'est OK, en fait. On peut aussi vivre très heureux et très bien, gros ou grosses. Voilà.

  • Speaker #2

    Merci, Anne. Ça ressemble un peu à ce que j'avais envie de dire, du coup. J'avais écrit un petit texte, mais bon, je vais essayer de le rendre plus oral. J'avais envie de dire aux personnes qui nous écoutent, à celles qui souffrent et à celles qui n'ont pas d'oreilles, forcément, et qui aujourd'hui, elles, sont non-personnes, de ne pas oublier. Qui elles sont ? Qui elles sont au-delà de leur apparence ? C'est-à-dire quelles sont tes valeurs ? Comment est-ce que tu aimes la vie ? Comment est-ce que tu aimes les autres ? Qu'est-ce qui te fait du bien ? Comment est-ce que toi tu fais du bien aux autres ? Qui tu es vraiment ? Et ne t'attarde pas sur ton corps parce que sa beauté, elle est éphémère, subjective, changeante. Et ce qui rayonne, c'est ton sourire, tes paroles, tes gestes, ton amour. Il n'est jamais trop tard pour recommencer à aimer ta vie. Et surtout, ose. Ose demander de l'aide. À une ou à des personnes de confiance et au corps médical compétent. Il y en a, ça existe. De plus en plus. Tu n'es pas seule.

  • Speaker #0

    Magnifique. Ouais. Ça va rejoindre ce que vous avez dit. J'ai envie de dire que c'est possible. de se rétablir, de guérir. C'est possible d'avoir une vie qui ne tourne pas autour de la nourriture, autour de son addiction, et un jour de se surprendre à penser à autre chose. Et qu'il ne faut pas hésiter, vraiment pas hésiter à essayer toutes les manières possibles et inimaginables de chercher de l'aide, même si ça ne marche pas à un côté, et toquer à une autre porte. Et je trouve, ça me fait me rappeler que la première chose qui m'a vraiment aidée, c'est un témoignage que j'avais écouté sur YouTube à l'époque. d'une fille qui avait réussi à sortir des troubles du comportement alimentaire. Et ça faisait 10 ans. Et je me suis dit, c'est bon, c'est moi aussi, je vais y arriver. Donc, tu peux y arriver.

  • Speaker #1

    Merci. Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    On n'a vraiment pas du tout tenu les temps. Désolée, mais c'était trop intéressant.

  • Speaker #1

    Bisous ! La Perche est un podcast produit par La Maison Perchée, écrit et réalisé par Anna Klarsfeld et Sylvain Pinot, et avec une musique originale de Blasé.

  • Speaker #0

    La Maison Perchée vous attend en ligne sur maisonperchée.org,

  • Speaker #1

    sur les réseaux sociaux,

  • Speaker #0

    ainsi qu'à Paris dans notre café singulier, ouvert à toutes et tous. Vous aimez La Perche ? Soutenez-nous avec des étoiles ou un commentaire sur votre appli de podcast.

  • Speaker #1

    Et abonnez-vous pour ne pas manquer les prochains épisodes.

  • Speaker #0

    Et surtout, n'hésitez pas à partager ce podcast autour de vous. Parler de santé mentale,

  • Speaker #1

    ça change des vies.

Description

Dans cet épisode, on donne la parole à Anne, Anna et Caroline qui partagent leur expérience des troubles du comportement alimentaire (TCA). À travers leurs témoignages, on explore les réalités de ces troubles complexes, leur impact sur la vie personnelle et leur lien avec l'image du corps et les stéréotypes sociétaux. On aborde ensemble les différentes formes de TCA (les témoignages portant principalement sur la boulimie), les signes d'alerte, les choses à ne pas dire ou encore les ressources pour aider les personnes concernées et leur proches.


Même si le chemin du rétablissement peut être long, le rétablissement est possible et il existe des personnes prêtes à vous écouter sans jugement.


Si vous cherchez de l'aide ou plus d'informations, voici quelques ressources essentielles :

  • En cas d'urgence : Appelez le 3114 (numéro national de prévention du suicide)

  • Associations et soutien :

    FFAB - Fédération Française Anorexie Boulimie

    Enfine - Association d'information et de prévention des TCA

    Le GROS - Le Groupe de Réflexion sur l'Obésité et le Surpoids


Un podcast écrit et réalisé par Anna Klarsfeld et Sylvain Pinot

Musique originale composée par Blasé en collaboration avec Mickaël

Produit par La Maison Perchée


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Mon corps est le produit de la violence qu'il a reçue. Mes troubles du comportement alimentaire sont liés à une souffrance qui n'est pas celle de mon corps, parce que je n'ai jamais eu l'impression de souffrir de mon corps, mais de souffrir de ce qu'on faisait à mon corps.

  • Speaker #1

    Nous sommes une association fondée sur l'entraide entre jeunes adultes vivant avec des troubles psychiques ainsi que leurs proches.

  • Speaker #2

    Nous sommes convaincus que tout le monde gagnerait à apprendre de celles et ceux qui vivent avec et au contact des maladies psychiques.

  • Speaker #1

    Ici, on aborde des sujets parfois sensibles, sans détour ni tabou. Et on vous invite à écouter le podcast à votre rythme.

  • Speaker #2

    Si vous traversez un moment difficile, ne restez pas seul. En cas d'urgence, appelez le 3114.

  • Speaker #1

    Je suis Sylvain Pinault, réalisateur de podcast et père aidant à la Maison Percher.

  • Speaker #2

    Je suis Anna Klarsfeld, créatrice de podcast et prof de personnes concernées. Et aujourd'hui, on va parler de troubles du comportement alimentaire avec Anne, Anna et Caroline. Et bien bonsoir à toutes et merci d'être là avec nous aujourd'hui pour parler d'un sujet qu'on n'a pas encore trop abordé dans les précédents épisodes de La Perche, qui est un peu... en marge des sujets dont on parle à la Maison Perchée, parce qu'à la Maison Perchée, il n'y a pas d'accompagnement à proprement parler autour des sujets de troubles du comportement alimentaire, mais il se trouve que c'est un thème dont pas mal de gens nous parlent. Donc est-ce que, pour commencer, je voudrais bien vous présenter et nous parler peut-être juste en quelques mots pour commencer de votre rapport à l'alimentation et notamment avec quels troubles du comportement alimentaire vous... connaissez ou vous avez connue ?

  • Speaker #3

    Voilà. Anna ? Alors, je m'appelle Anna, j'ai 30 ans, je suis professeure des écoles, passionnée, créatrice de contenu, j'ai une page Instagram sur laquelle je raconte ma vie d'enseignante, et tout fraîchement autrice, puisque j'ai écrit mon premier roman jeunesse qui s'appelle Les Mondes d'Elie. Et j'ai un rapport à l'alimentation aujourd'hui assez apaisé. J'ai un rapport à mon corps beaucoup plus difficile. Parce que j'ai connu la boulimie à l'adolescence. J'ai été boulimique entre 13 et 21 ans. Et ça a vraiment évidemment bouleversé mon rapport à l'alimentation, à mon corps, à la confiance que j'avais en moi. Mais grâce à l'aide de psy. Vraiment entièrement grâce à l'aide de psy et grâce à un long voyage, j'ai réussi à arrêter de me faire vomir et à arrêter la boulimie, même si on ne ressort pas de ce genre de troubles sans séquelles.

  • Speaker #2

    Voilà, merci beaucoup. On va en reparler de tout ça justement, de ce qui peut aider, de ce qui reste comme vestige parfois ou comme trace de ces troubles. Merci beaucoup en tout cas. Anne, tu veux te présenter ?

  • Speaker #0

    Ouais, donc moi c'est Anne, j'ai 44 ans. Je travaille à la Maison Percher. Je souffre de troubles du comportement alimentaire depuis mon enfance, ma petite enfance. Je ne crois pas que je souffre d'un seul trouble alimentaire, je crois que je souffre de tout le spectre des troubles alimentaires qui passent par des périodes d'anorexie, à des périodes de binge, à des périodes de boulimie. Moi je vis mes troubles alimentaires un peu comme... J'imagine qu'on vit quand on a une addiction par exemple à l'alcool et qu'on est abstinent. J'ai l'impression d'être abstinente la plupart du temps, mais que parfois je tombe du wagon, comme on dit. Et moi, je ne compare pas vraiment ça. Ce n'est pas que je compare ça, c'est que c'est un rétablissement dans le sens où, dans le rétablissement, parfois on se fasse la gueule. Donc j'ai l'impression d'être en rétablissement de mes troubles, mais mes troubles sont toujours là, toujours actifs. Et quelque part, on aura l'occasion peut-être d'en parler, mais je trouve assez rassurant qu'ils restent là. Moi j'ai appris à faire la paix avec eux et c'est presque des amis et ennemis comme dirait une belle chanson.

  • Speaker #3

    C'est longtemps que je n'avais pas pensé à celle-là.

  • Speaker #1

    C'est quoi la... j'ai pas la ref.

  • Speaker #0

    Non, non, non. À une vie de rue.

  • Speaker #1

    À une vie de rue. Et Caroline qui est en visio depuis

  • Speaker #4

    Lyon. Alors moi je suis maman. En ce moment je travaille à l'aide à rédaction d'un recueil de poésie. J'ai 40 ans, je souffre de bipolarité type 1 et depuis la puberté je me bats contre DTCA. Je me suis beaucoup reconnue dans le témoignage d'Anne. Et en fait, j'ai fait l'expérience de la boulimie, de l'hyperphagie, de l'orthorexie et d'une forme modérée d'anorexie.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux décliner justement les différents types de TCA ? Parce que tu l'avais mentionné, mais pour les gens qui ne connaissent pas...

  • Speaker #0

    Le TCA, c'est vraiment un rapport biaisé, chelou, je ne sais pas comment on dit, vrillé à l'alimentation. Donc ça va du spectre de la privation à l'over... consommation et donc il y a de l'anorexie, de la boulimie, de la boulimie voluptive, de l'hyperphagie, du binge eating disorder.

  • Speaker #2

    C'est quoi la différence entre les trois derniers que tu viens de dire parce que anorexie donc c'est quand on mange pas ?

  • Speaker #0

    Ouais c'est quand on se prive etc. A côté de l'anorexie si on faisait une espèce de ligne il y a l'orthorexie aussi qui est quand on se met à voir ah oui mais cet aliment il est meilleur nutritionnellement et il a moins de calories et on se met à regarder Yuka frénétiquement pour savoir si c'est vert dans Yuka et si ça a moins de... tant de calories au 100 grammes et combien de fibres, etc. Et qu'en fait, on se crée un trouble avec ces recommandations pseudo santé. Et en fait, ça crée juste de la restriction alimentaire, etc. Après, les définitions ont un peu bougé sur hyperphagie, boulimie. Moi, je suis vieux, donc je dis boulimie vomitive et boulimie tout court pour différencier le moment où on fait une crise de consommation excessive de nourriture et on se fait vomir ou pas. Ou alors, il y a plein de gens qui ne se font pas vomir, mais qui, comme toi, peuvent développer des comportements compensatoires, comme faire du... Pore, prendre des diurétiques, prendre des cachets pour avoir la diarrhée, se vider, etc. Et maintenant, au lieu de boulimie non vomitive, on dit hyperphagie.

  • Speaker #3

    Hyperphagie, c'est ça. Moi, c'est ce que j'ai découvert aussi après, qu'on disait hyperphagie. Mais en fait, hyperphagie, c'est juste le moment. Ça pourrait être le moment où... La crise d'hyperphagie. La crise d'hyperphagie.

  • Speaker #0

    La crise d'hyperphagie. Ce qui dit bien souvent hyperphagie, c'est-à-dire manger vraiment beaucoup trop. Et voilà.

  • Speaker #2

    Et le binge eating disorder ?

  • Speaker #0

    Généralement, c'est la nuit. C'est vraiment genre tu te réveilles et tu es à second et tu fais une crise de bouffe.

  • Speaker #3

    En fait, c'est un peu une hyperphagie, mais nocturne.

  • Speaker #0

    Et en anglais. C'est ça. Mais c'est un peu comme dire entre se mettre une cuite et faire du binge drinking. Je ne sais pas si tu vois le truc. Dans les deux cas, tu vas consommer beaucoup d'alcool. Mais si tu te mets une cuite, tu peux boire tranquillement toute la soirée. Mais si tu fais du binge drinking, tu vas consommer beaucoup en très peu de temps.

  • Speaker #2

    Et hyperfagie, c'est pas forcément beaucoup en très peu de temps, ça peut être étalé dans le temps.

  • Speaker #0

    Chacun a ses petits trucs, mais les crises peuvent durer plus ou moins longtemps selon tes rituels, c'est très ritualisé.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que tu veux dire par le fait que c'est très ritualisé ?

  • Speaker #0

    Je vais pas arrêter de parler, peut-être un moment, mais souvent c'est très ritualisé, tu vas consommer les mêmes aliments, dans le même ordre, ou alors la même famille d'aliments.

  • Speaker #3

    Ouais, c'est ce qu'on disait tout à l'heure, c'est-à-dire tes petits trucs, des trucs où tu t'autorises, et que pour une fois tu t'autorises.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pouvez nous raconter un peu l'impact que ça a eu dans votre quotidien ?

  • Speaker #3

    Ça veut dire par exemple se mettre les doigts dans la bouche jusqu'au fond de la gorge, se faire vomir pendant des heures, ça veut dire vider la moitié de son frigo. C'est vraiment, c'est un peu, c'est des scènes quand même qui sont assez troublantes je trouve. Et quand on dit TCA, même le fait de le mettre dans un acronyme et de dire trouble du comportement alimentaire, ça nous éloigne de la réalité très difficile et violente. que représente un trouble. Moi, j'ai commencé à me faire vomir, je me souviens très bien. Je me suis toujours considérée comme grosse. Et maintenant, je regarde les photos de moi à 13 ans et j'étais vraiment mince. Je n'étais pas la plus mince, mais j'étais vraiment mince pour une fille de 13 ans. Mais je me voyais, j'avais déjà une vision de mon corps totalement déformée parce que je pense qu'autour de moi, c'était déjà totalement normal dans la société que pour être belle, il fallait être mince. quand on était une fille, il fallait être belle. Donc ça allait ensemble. Il fallait que je sois belle et donc que je sois mince. Et puis j'ai toujours vu ma mère lutter avec son poids, se trouver toujours trop grosse, alors qu'elle faisait genre un 36-38. Et donc ça m'a beaucoup marquée. Et un jour, j'ai pris une énorme cuite et j'ai vomi. Et ce jour-là, je me suis dit mais c'est génial. Enfin, ça veut dire que ce que je mange et que je bois, je peux... le ressortir de mon corps, en fait, je peux annuler cet effet. Et à partir de ce jour-là, j'ai commencé à me faire vomir dans des moments de grande solitude où j'avais besoin de me remplir, mais ça, je l'ai compris bien plus tard. Au début, c'était dès que je mangeais trop, et après, je mangeais pour pouvoir me faire vomir et ressentir cette sensation-là à la fois de grande souffrance et puis après, il y a aussi ce cercle dans lequel on rentre, je ne sais pas, vous allez peut-être pouvoir en parler aussi, mais ce cercle de... au bout d'un moment, on ne peut plus se faire vomir, c'est-à-dire que ça ne fonctionne plus, le corps ne veut plus. et c'est horrible parce qu'on mange en se disant Je vais manger une tonne et après, je vais pouvoir me faire vomir, mais mon corps, il ne veut plus. Et c'est vraiment, moi, je me souviens des moments de détresse terrible. Je me disais comment je vais faire ? Donc, du coup, je commençais à faire du sport pour pouvoir compenser. C'est un cercle vicieux terrible. Et une grande solitude aussi, parce que c'est tellement honteux qu'on n'en parle pas. Moi, je n'en parlais pas du tout, je n'en parlais à personne.

  • Speaker #4

    La honte est très présente. Moi, tu vois, la première chose que j'ai demandé, c'est mais est-ce que le témanage va être filmé ? que mes proches, il y en a beaucoup qui ne sont même pas au courant dans ma famille. Et pourtant, j'en souffre encore. Mon psy, j'ai mis des mois à lui en parler. Donc, la honte est très très présente autour du TCA. J'ai une seule de mes amies qui est au courant. C'est quelque chose... Moi, le fait d'être là avec vous ce soir, en fait, c'est un grand pas dans mon processus de rétablissement. Parce que c'est assumer qui je suis. ce dont je souffre, et le dire, et en parler, et me rendre compte qu'on n'est pas seul, tout simplement. Mais pour répondre à ta question, l'impact que ça a au quotidien, parce que c'était ça la question de départ, on a un peu divagué, moi, les deux sphères qui sont impactées le plus, ça sera ma sexualité et ma sociabilisation. Donc clairement, de mes 19 ans à 25 ans, j'ai été abstinente à cause des TCA. Et c'était peu importe le poids que je faisais, je n'étais jamais satisfaite. J'ai pesé entre mes 19 ans et 25 ans de 90 à 52 kilos et ça ne me convenait jamais. Mon corps n'avait pas la valeur d'avoir droit au plaisir en fait, tout simplement. Donc ça, ça a été un impact énorme. Et puis la sociabilisation, donc là, ça n'a plus d'impact sur ma sexualité aujourd'hui, heureusement, et depuis longtemps. Depuis que j'ai rencontré mon mari en fait, donc quand j'avais 25 ans. Mais ma sociabilisation, ça a encore un impact. C'est-à-dire que de nos jours, si mon corps ne me convient pas, je suis capable de me priver d'une sortie, de me priver de voir des gens qui me connaissent intimement, qui sont mes amis, en qui j'ai confiance, qui ne vont pas me juger. Mais le problème, ce n'est pas les autres. Le problème, c'est que j'ai un rapport d'amour et surtout de haine avec mon corps. Et ça, c'est quelque chose avec lequel j'ai travaillé avec des psychothérapeutes. Et que un jour j'arriverai à régler, mais ça va prendre des années. Et je sais que je serai, je vais me battre, je pense que je vais me battre toute ma vie. Je pense que c'est quelque chose qu'il va falloir que j'accepte et que j'assume que ça fait partie de moi. Et que je ne serai jamais guérie. Que ça sera une part d'ombre qu'il faut que j'assume et qu'il faut que j'arrête de subir.

  • Speaker #0

    C'est intéressant parce que vraiment moi je vis pas du tout les choses comme ça. Donc c'est toujours étonnant d'entendre la vie des autres avec qui on est, qui sont censés vous faire miroir mais qui sont en fait pas un miroir. C'est un peu bizarre comme expérience. Moi j'ai jamais eu le loisir de cacher que j'avais des troubles parce que je suis très grosse et j'ai toujours été très grosse. Donc ça a toujours été évident pour tout le monde que j'avais un problème avec la bouffe. Alors de quelle nature ? Tout le monde n'est pas renseigné et tout le monde n'est pas psy et tout le monde n'a pas de connaissances de ces choses-là. Mais en tout cas, toute ma vie, on m'a dit que j'avais un problème avec la bouffe. Alors dans des termes plus ou moins savants, dans des termes plus ou moins fleuris, mais moi, je n'ai jamais eu le loisir de cacher que j'avais un problème avec la bouffe. Donc j'avoue que peut-être que quelque part, cette grossophobie que j'ai subie, ça m'a protégée de la honte, je ne sais pas. Mais en tout cas, moi, j'ai toujours dit que oui, que j'avais clairement un problème avec la bouffe. Et puis aussi, moi, je viens d'une famille où tout le monde a des problèmes avec la bouffe, en fait. Donc pour moi, c'était assez évident que j'allais en avoir aussi. C'était un peu le destin. Après, oui, les gens ne s'imaginent pas ce que c'est d'avoir des troubles du comportement alimentaire. Je pense qu'ils ne s'imaginent pas aussi que c'est être étudiante et faire des chèques au bois en francs prix parce qu'en fait, il faut que tu payes tes crises de boulimie, que tu n'as pas une thune, mais qu'en fait, tu ne peux pas résister et que tu te mets dans la merde pour payer des tonnes de courses que tu vas gerber dix minutes après. Ça, c'est une réalité qui existe, qui a existé très fort pour moi et je me suis dans la merde très fort à cause de ça. Moi, j'ai des dents pourries. À cause des années de boulimie vomitive, j'ai des dents qui se désagrègent parce que mon émail est abîmé à cause des sucs gastriques d'avoir vomi pendant des années. Et c'est marrant parce qu'il y a plein de médecins de toutes spécialités qui ne se sont jamais intéressés à mes troubles du comportement alimentaire, qui ne m'ont jamais demandé si j'en souffrais. Et pourtant, à chaque fois que je vais chez un dentiste, une des premières choses qu'il me dit, c'est « vous avez eu des troubles du comportement alimentaire, non ? » . Ben ouais. donc je sais pas et c'est marrant parce qu'en entendant les autres témoignages parler du corps moi j'ai l'impression que mon trouble du comportement alimentaire n'a rien à voir avec la vision de mon corps donc c'est aussi assez spécifique moi mes troubles du comportement alimentaire ils sont liés à une souffrance qui n'est pas celle de mon corps parce que j'ai jamais eu l'impression de souffrir de mon corps mais de souffrir de ce qu'on faisait à mon corps donc ça c'est une différence aussi qui me frappe ce soir.

  • Speaker #3

    Je trouve ça trop intéressant que tu dises que c'est pas lié à ton corps parce que je pense qu'en fait, effectivement, c'est pas lié au corps mais c'est quand même... C'est lié, c'est pas lié. Moi, je sais aussi que ça fait plutôt suite à des traumas et une énorme solitude et un énorme besoin de combler un vide mais abyssal intérieur et à la fois, c'est aussi lié à cette espèce de besoin d'être parfaite. Le besoin d'être parfaite que... Que je puisse contrôler les moindres faits et gestes, que tout puisse être contrôlable.

  • Speaker #0

    Pour rebondir ? Et bien, tu vois, pour moi, faire une crise de boulimie, c'est exactement contrôler. C'est pas du tout me lâcher. C'est un moment où je contrôle exactement ce qui sort de mon corps, ce qui rentre de mon corps.

  • Speaker #2

    Donc ça rejoint en fait ce que tu dis. Ça va dans le même sens.

  • Speaker #3

    Et c'est vrai qu'il y a un truc de famille dans le sens où quand tu vois des gens avoir des comportements avec la nourriture complètement bizarres ou inadaptés, et finalement ça te reste. Et c'est aussi une manière, moi je pense que quand j'étais ado, j'étais très seule et j'avais besoin d'être remarquée. Et je pense que ça m'a aidée à faire signe à mes parents. Et un jour, donc en fait, c'est des crises énormes la nuit. Donc le matin, plus rien dans les placards. Et quand même, ils s'en rendaient compte au bout d'un moment. Et j'étais aussi dans une grande dépression. Et le médecin, en fait, j'allais tout le temps voir mon médecin généraliste. Et le médecin généraliste, un jour, il a appelé mes parents. Il leur a dit, voilà, là, il y a un problème. Moi, je suis obligée de vous dire que votre fils n'a vraiment pas et que je me fais du souci. Ils m'ont confrontée. Ils m'ont dit, voilà ce qu'il nous a dit. Il leur a tout dit. Donc il a brisé un peu le secret professionnel. Et mon souvenir, mais ils n'ont pas le même souvenir, mais en tout cas, moi, mon souvenir, c'est que j'ai démenti. J'ai dit mais pas du tout. En fait, il n'a pas compris ce que je lui ai dit. Vous en faites pas, tout va bien. Et eux m'ont dit OK. Et là, j'ai compris. C'est le moment. En fait, c'est ça qui m'a sauvée. C'est parce que là, j'ai compris que j'étais seule et que personne n'allait m'aider. Et donc quand je suis revenue faire mes études à Toulouse, j'ai pris tout de suite rendez-vous avec une spécialiste des TCA. Et je me suis dit, voilà, je vais m'aider toute seule. J'ai bossé à côté pour pouvoir payer les séances. Et je me souviens que le premier, c'était à la période de Noël, et le premier truc qu'elle m'a dit, c'est, maintenant, vous ne contrôlez plus rien. Donc vous n'essayez pas de contrôler votre nourriture, vous mangez ce dont vous avez envie. Je suis sortie, j'ai mangé de l'aligo. Je me souviens encore, genre, de cette sensation de me sentir libre, de manger ce que je voulais, et de ne pas culpabiliser. Et finalement quand même après quelques séances j'ai quand même réalisé que ça avait ses limites quoi de elle m'apprenait à gérer mes émotions et tout mais moi j'étais dans une souffrance enfin je ça marchait pas du tout je disais mais quand vous me dites ça mais moi je suis dans un tunnel je ne peux pas respirer et penser à autre chose et faire un tour c'est impossible et après c'est vraiment la thérapie par la parole quoi qui m'a aidé à arrêter le carnage mais

  • Speaker #2

    Je veux juste revenir sur ce que disait Anne, sur le fait que ce n'est pas un problème de rapport au corps, mais de ce qu'on fait au corps. J'ai trouvé que c'était très intéressant, ça m'a interpellée comme formule. Est-ce que tu veux développer juste ce que tu penses ?

  • Speaker #0

    Oui, moi je pense que si on m'avait foutu la paix, petite fille, petit enfant sur mon corps... Que si on ne lui avait pas dit qu'il était trop grand, trop petit, trop gros, que si je n'avais pas été agressée sexuellement dans mon enfance, que si je n'avais pas été moquée à l'école, que si je n'avais pas été appelée grosse vache, etc. Je ne pense pas que j'aurais eu des troubles du comportement alimentaire aussi forts. Je pense que si ma mère n'avait pas souffert de troubles du comportement alimentaire à cause de son histoire personnelle, elle aussi, peut-être que je n'aurais pas eu des troubles du comportement alimentaire. Je pense que si mon père était dans une famille fonctionnelle avec de l'argent, il n'aurait pas souffert de troubles du comportement alimentaire et d'autres troubles psychiques non plus. Je pense qu'il y a, comme beaucoup de troubles psychiques d'ailleurs, mais ça c'est moi qui le pense, ce n'est pas le DSM, je pense que si on avait tous plus d'argent, plus d'accès aux soins, un toit sur la tête et des moyens pour aller à l'école comme on veut, globalement on irait tous mieux. Et donc en fait, mon corps est le produit. de la violence qu'il a reçue. Et ça, vraiment, je crois pour vrai. C'est-à-dire que je pense que si on ne m'avait pas mise au régime à 4 ans, je n'en aurais pas pris 30 à l'adolescence. Je pense que si on ne m'avait pas violée, je n'aurais pas fait... Crise de boulimie pour me consoler, je pense que... enfin plein de choses comme ça quoi. Et que c'est pas du tout un discours victimaire parce que... Oui je suis victime de plein de choses mais ça va. Comme dit Virginie Despentes dans King Kong Theory, elle s'est fait violer en faisant de l'autostop. Le lendemain elle a refait de l'autostop parce qu'en fait c'est ça qu'on fait. On refait de l'autostop tous et toutes, tout le temps. Mais en fait moi j'ai jamais eu de problème moi-même avec mon corps. Alors oui, il y a des jours, je le trouve dégueulasse. Puis en fait, il y a des jours, je suis juste content qu'il soit là et on va faire notre petite promenade et on est bien tous les deux. Mais aussi parce que très vite, je crois que comme j'ai été privée très vite de l'idée que je serais belle techniquement, pour la société, du coup, j'ai développé d'autres liens avec lui. Comme j'attendais plus d'être belle parce que j'avais compris que ça ne marcherait pas, que j'étais trop éloignée de la norme. Alors du coup, j'ai dû faire d'autres alliances avec mon corps. Et ces autres alliances, elles m'ont permis de survivre, je crois.

  • Speaker #2

    Waouh, c'est hyper fort comme témoignage. Et il y a un point quand même que tu as abordé, qui est le rapport entre les agressions sexuelles, les violences sexuelles subies, et ensuite les troubles du comportement alimentaire. Je n'ai plus le chiffre exact. C'est immense. Mais c'est immense. Il me semble avoir... Il y a une corrélation qui est énorme et je trouve que ça, on n'en parle pas très très souvent.

  • Speaker #3

    Mais parce qu'on cherche toujours à régler le symptôme, c'est-à-dire qu'il y a un trouble du comportement alimentaire, on se fait vomir, on est anorexique, on va chercher à régler l'anorexie. Mais ce n'est pas l'anorexie ou la boulimie qu'il faut chercher à solutionner, à régler. Il faut se demander pourquoi un enfant a des comportements qui sont atypiques, qui nous questionnent. c'est pas Les comportements qu'il faut chercher à régler, il faut se poser la question de ce qui se passe derrière. Et il y a toujours quelque chose, effectivement, les violences sexuelles, c'est souvent l'origine des troubles du comportement alimentaire.

  • Speaker #2

    En tout cas, une des origines, un facteur très, très, très fort.

  • Speaker #0

    Il y en a beaucoup, mais souvent, c'est des troubles d'attachement, en tout cas, qui quand même reviennent très souvent.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y a eu... Un moment où vous avez eu un déclic, quelque chose ou quelqu'un qui vous a aidé à entamer un chemin de rétablissement. Anna t'en parlait tout à l'heure avec cette discussion avec tes parents. Est-ce que Anne et Caroline, vous vous souvenez d'un moment où vous vous êtes dit là... D'abord, est-ce que vous vous souvenez de... Vous vous êtes formulé qu'il fallait, que ça vous ferait du bien de chercher de l'aide. Et voilà, comment votre chemin de rétablissement a démarré ?

  • Speaker #0

    Moi, il me fallait de l'aide, mais il me fallait de l'aide sur tous les niveaux. Il me fallait de l'aide psychique, il me fallait du repos, il me fallait des amis, il me fallait de l'amour, il me fallait plein de choses. J'étais vraiment dans un état de détresse quand j'avais, au début de ma vingtaine, intense. Vraiment, c'était dur et c'était le moment où aussi mes TCA étaient le plus dur, où je pouvais vraiment... Mettre en arrêt maladie pour rester chez moi et faire des crises de boulimie. C'est-à-dire d'enchaîner cinq crises de boulimie par jour et ne faire que ça. Et être dans un cycle où tu ne sors de chez toi que pour faire des courses et tu rentres chez toi pour bouffer, te faire vomir, bouffer, te faire vomir. C'était très solitaire. Et là, je partage complètement ce sentiment immense de solitude. Et en même temps, avec ce truc un peu... C'est très bizarre de faire une crise de boulimie. Je ne sais pas si les gens peuvent comprendre ce sentiment de liberté et de plénitude qu'on ressent juste avant de se faire vomir et ce truc de... C'est un peu comme parfois quand on me raconte des états maniaques ou des hypomanies, des choses comme ça, l'impression justement, ce que tu disais, peut-être d'avoir repris le contrôle ou d'être pleine de quelque chose, enfin... Donc il y a aussi une espèce d'addiction comportementale, moi je crois vachement à cette explication-là des TCA là-dessus. Et en fait, ce truc que tu disais qu'on n'arrive plus à se faire vomir, moi, ça me fait aussi penser à ce high que tu vas rechercher quand tu as une addiction à la drogue, par contre. Et bien, la bouffe, c'est un peu pareil.

  • Speaker #3

    Oui, moi, je me souviens de trucs, de scènes totalement absurdes où je cherchais sur les forums, genre, comment se faire vomir quand ton corps ne peut pas. Et franchement, il y a plein de forums. C'est-à-dire qu'il y a des centaines et des centaines de pages. Il y avait l'eau salée, par exemple. Donc, il y avait une fille qui avait dit, il faut boire de l'eau salée, c'est tellement dégoûtant, donc je sais pas si vous avez déjà bu de l'eau salée, mais c'est immonde, genre c'est horrible, et donc je me mettais mise. À boire de l'eau salée, ça ne fonctionnait pas, donc j'avais mis plus de sel. Mais franchement, je... Et après, en m'endormant, juste avant de m'endormir, parce qu'il y a aussi cet état où après, tu vas dormir direct. En fait, il faut... Il faut oublier, quoi. Moi, j'avais quand même vraiment honte. Je me sentais culpabilisée. Enfin, même pas une honte, je culpabilisais énormément. Et je me disais, demain, j'arrête. Le demain, j'arrête, je l'ai dit dans ma tête des millions de fois. Et en fait, parfois, quand j'avais, pardon, je vais parler à première raison, quand j'avais des élans de lucidité, je me disais, mais regarde, qu'est-ce que t'es en train de faire ? C'est absurde ce que t'es en train de faire.

  • Speaker #0

    Le moment où t'as fini de te faire vomir et que... tu revois tout ce que tu as bouffé, les cadavres et tout ça, il est terrible. C'est-à-dire vraiment, tu reviens à quelque chose en toi qui est animal. Tu te sens comme un animal incontrôlable. Et moi, je sais que la crise s'arrêtait quand je ramassais et que j'allais prendre une biche. Et ce truc de se nettoyer, de vraiment se laver. Alors, on revient sur des métaphores... de l'agression sexuelle, mais il y a quand même quelque chose de ça. Tu t'es fait du mal à toi-même et tu vas te laver parce qu'il faut que tu oublies. Moi, je fumais encore des clopes à l'époque. Vraiment, je m'allumais une grosse clope à poil. Et après, ça m'arrachait la gorge que je viens de te faire vomir. Et ta clope, elle te déchire encore un peu plus. Après, tu vas prendre une douche et t'espères que vraiment, c'est la dernière et que ça part dans l'eau de la douche et que tu te fais un peu ce truc de demain, ça changera. Et c'est demain, ça ne change pas.

  • Speaker #3

    Ça ne change pas demain. Et c'est ça qui est horrible. Et cette culpabilité de se dire, mais en fait, demain, mais c'est quand demain ? C'est quand demain que ça va enfin changer ?

  • Speaker #0

    Il y a aussi un truc que je trouve qui est assez fort dans la boulimie, c'est les trucs que tu manges dans les crises. Parce que c'est des choses que tu ne manges jamais. Par exemple, je ne sais pas si c'était votre cas, moi, c'est sauce et pain. C'est-à-dire sauce, béarnaise, maillot, pain, fromage.

  • Speaker #1

    Parce que c'est un aliment interdit, le maillot aussi.

  • Speaker #0

    Interdit, maillot, pain, fromage. Après, même tartine avec le Nutella. Et par-dessus, il faut faire des trucs de fou que tu ne pourrais jamais faire. Et après, le sentiment de dire... Mais attention, vous pensiez que c'était hors de contrôle, mais je vais aller tout contrôler après, je vais aller me faire vomir. Ça, c'est aussi une jouissance, mais c'est un truc de se dire, en fait, je vais contrôler le truc quand même.

  • Speaker #1

    Mais en fait, avec des trucs vraiment, moi, j'avais fouillé. Parce qu'en fait, tout Internet est passionné par cette question de comment se faire vomir. Parce qu'en fait, le monde entier a des troubles du comportement alimentaire. Le monde entier compte ses calories, le monde entier surveille son alimentation. Et le monde dit « Ah mais non, c'est pour faire du sport et c'est pour maigrir » . Non, tout le monde a des troubles du comportement alimentaire, il faut juste arrêter de se mentir. Et trouve des tips. Moi j'avais lu une meuf et j'avais appliqué ce truc. Elle commence ses crises par des chips avec une certaine couleur, un colorant alimentaire. Comme ça, quand elle vomit, quand elle voit la couleur sortir, elle sait qu'elle a réussi sa crise. Et ça, je l'ai fait pendant des années, tu vois. Et si je n'avais pas lu ce truc sur un forum de gens aussi malades que moi, qui s'échangent, enfin c'est d'une dangerosité incroyable. Mais pour revenir à la question... Moi, ce qui m'a sauvée, c'est quand j'ai rencontré un psy qui ne m'a pas dit au bout de cinq minutes... En plus, à l'époque, je n'avais pas de sous, donc j'allais au CMP. Donc, je voyais un psy un quart d'heure toutes les deux semaines. Mais en fait, ce psy-là, il ne m'a pas dit que j'étais grosse. Je l'ai vu quelques mois, mais il n'a jamais dit que j'étais grosse. Et je me suis dit, putain, celui-là, il ne veut pas me faire maigrir. Il ne me parle pas de mon poids, comme si c'était un truc horrible qu'il fallait régler immédiatement. et genre au bout de quelques mois il m'a dit bon à l'alimentation nana bon et en fait et j'avais de la chance que j'étais dans le 14ème à l'époque et j'étais donc à côté de Saint-Anne en sectorisation et il se trouve qu'à Saint-Anne à ce moment-là il développait tout un truc de troubles du comportement alimentaire assez intéressant et il m'a eu un peu comme ça le gars il m'a jamais parlé de mon poids vraiment ça a jamais été un sujet rien à foutre vraiment jamais jamais jamais il m'a dit par contre j'organise des groupes de paroles sur les troubles du comportement alimentaire et je crois même pas qu'on avait eu la discussion est-ce que j'en ai, est-ce que j'en ai pas pour lui c'était genre évident que j'en avais Merci. Et il m'a dit tu veux venir ? J'ai dit ok. Et j'ai fait ça et c'était intelligent parce qu'en fait c'était un groupe avec tous les troubles mélangés. Donc je me retrouvais avec des meufs anorexiques qui étaient genre mes nez, mes cisse en fait dans la vraie vie parce que quand on est grosse et qu'on a des TCA, on est jalouse des anorexiques à balle parce qu'en fait tout le monde s'inquiète pour les anorexiques.

  • Speaker #0

    J'en ai hâte, mais j'arrête tellement.

  • Speaker #1

    Parce que tout le monde est là genre oh la pauvre, on va s'occuper d'elle parce qu'elle va mourir, elle va vraiment pas bien, t'es là. Et moi ? Et moi, je ne vais pas crever, en fait. Bien sûr que je vais crever, moi.

  • Speaker #0

    Moi, je me disais, pourquoi mon trouble ? Je me disais, comme ça, je me disais, mais pourquoi mon trouble, ce n'est pas la noix ?

  • Speaker #1

    Quand on est gros, on dégoûte les gens. On est là, mais ça va, elle ne sait pas se contrôler, elle est gourmande. C'est vraiment tous ces trucs de grossophobie qui s'attachent à la boulimie, aux gens qui grossissent avec les troubles. Et on est jalouse. Alors que c'est horrible d'être jalouse, parce que les gens qui s'y rendent très mal aussi, aussi mal que nous. mais il y en a ce truc de elles sont mieux traitées et on a une jalousie qui... qui renforce un espèce d'antagonisme, alors qu'en fait, nous aussi, on fait des crises d'anorexie. Mais moi, quand je suis grosse, quand je fais 130 kilos et que je fais une crise d'anorexie, le médecin me dit « Oh, c'est pas grave, vous pouvez en perdre quelques-uns quand même. » Oui, ça se fait 10 jours que j'ai pas rien mangé, frère, on fait quoi ?

  • Speaker #2

    Il y en a eu plusieurs, des déclics. Alors déjà, j'ai eu le déclic matériel, en fait, la conscience que je pouvais avoir les moyens de prendre soin de moi. grâce au travail de mon mari et à sa mutuelle. Donc j'avais le droit à deux thérapeutes par semaine, j'en voyais un pour la bipolarité et un pour mes troubles alimentaires. On a travaillé notamment sur la thérapie ACT-thérapie, si ça vous parle. Donc c'est une thérapie d'acceptation et d'engagement, ACT and Commitment Therapy en anglais. Et ça, ça a changé ma vie. Pour moi, les deux sont très liés. En fait, c'est dur de parler de déclic. En fait, je me suis rendue compte, une fois que ma bipolarité était plus sous contrôle, que je pouvais prendre soin du reste, mais il fallait que ça aille ensemble. Mais je n'ai pas réussi à faire tout en même temps. Il a fallu que j'avance petit à petit. Et en gagnant en stabilité, j'ai réussi à l'admettre déjà, que je souffrais à le dire. Et ça, c'était un grand pas. C'était juste tellement difficile d'en parler, d'en parler à ses proches. C'est une chose, mais de demander de l'aide médicale quand ça ne se voit pas forcément, quand on pèse un poids qui est estimé raisonnable, même si nous-mêmes, on n'en est pas satisfaits, quand on n'est pas hors norme et quand il n'y a pas de... de danger pour sa vie parce que je ne suis pas anorexique mortelle, mes règles ne se sont jamais arrêtées.

  • Speaker #0

    Justement, à propos du rétablissement, tu as parlé de la thérapie, act-thérapie.

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est possible de la décrire ?

  • Speaker #2

    En fait, c'est tellement... ça paraît bateau, mais c'est vraiment d'accepter notre situation, de pouvoir se détacher soi-même de ses émotions, de ses sensations, de sa souffrance, mais tout en l'acceptant, et dire je vais mettre en place un dispositif qui correspond à mes valeurs. et à celle que je suis, à celle que j'ai envie de devenir, se concentrer sur le présent, sur ce qui est en notre pouvoir, sur ce qu'on peut changer maintenant, ici, avec les outils qu'on a, et accepter, ne pas balayer la douleur.

  • Speaker #1

    Oui, ça fait partie de la grande famille des thérapies cognitives et comportementales, la thérapie ACT, c'est la thérapie de dernière génération des TCC. C'est vrai qu'en France, sur les TCC, on est quand même globalement assez frileux encore, On est encore beaucoup sur du traitement d'origine. psychanalytique ou sur de la bonne thérapie à l'ancienne en face à face moi c'est la voie que j'ai choisi j'ai pas fait de tcc par contre j'ai fait beaucoup de groupes de parole et puis j'ai beaucoup été dans la paire et danse aussi sans mettre de mots dessus et sans la définir comme ça mais comme je m'intéresse beaucoup à la lutte contre les discriminations et contre la grossophobie notamment puisqu'elle me concerne directement je fréquente beaucoup de gens gros Quand on met beaucoup de gens gros dans une pièce, c'est forcément un moment où on se met à parler de troubles du comportement alimentaire. Et en fait, j'ai très vite débloqué ma manière de parler là-dessus. Et en fait, je n'ai pas du tout tabou pour en parler grâce à ça aussi. Et ça m'a permis d'écouter beaucoup les autres, d'apprendre beaucoup les autres. Et surtout de repérer qu'en fait, on partait tous du même endroit, qu'on avait souvent subi les mêmes choses, que les choses se passaient souvent... Enfin vraiment, que c'est... En fait... Ce n'était pas possible que ce soit ma faute puisqu'on était tous pareils, qu'il y avait quelque chose de systémique dans cette souffrance et dans la manière de la vivre. Et ça, ça a été assez libérateur aussi de ne plus être seule, de partager et de me rendre compte que ce n'était pas moi toute seule qui me faisait du mal, toute seule et qui inventait un truc pour me rendre spéciale. Parfois, les gens qui ont des troubles du comportement alimentaire, on leur dit en plus ça, arrête de faire ton intéressant parce que ce n'est pas assez grave, parce que je ne sais pas quoi. Il y a un peu ce truc-là autour de l'adolescence. Arrête de faire ton intéressant comme si la souffrance de l'adolescence n'était pas terrible.

  • Speaker #0

    Pour moi, ça vient aussi de l'infantisme, c'est-à-dire cette discrimination vis-à-vis des enfants et beaucoup des adolescents finalement, parce que les enfants, ils ont au moins la chance d'être mignons. Non mais c'est vrai, pour les adultes, ils ont quand même un intérêt, mais alors les adolescents, c'est carrément plus du tout des êtres humains valables d'avoir des émotions, des sentiments. Et pour revenir sur la thérapie, moi j'ai commencé par les TCC, vraiment la première personne que je suis allée voir, c'était une spécialiste. et je trouvais que C'est vraiment mon expérience personnelle, encore une fois, mais à ce moment-là de ma vie, ces conseils étaient tellement déconnectés de l'immense souffrance que je vivais, de me dire « il faut respirer, il faut essayer d'analyser ses émotions, écrire ce que tu ressens » . Mais en fait, je n'étais plus moi-même, donc je ne pouvais pas écrire ce que je ressentais. Je pouvais juste observer ce qui se passait a posteriori. Par contre, ce qui m'a vraiment aidée, c'est d'affronter les souffrances que j'avais vécues quand j'étais petite. Et ça, c'est dur, c'est vraiment très dur, mais à la fois, c'est un soulagement énorme. de me rendre compte que ça venait de quelque part, ça s'était niché là-dedans en fait, ça s'était niché dans les failles de ma vie d'enfant.

  • Speaker #1

    Ça, c'était partie des TCC ?

  • Speaker #0

    Non, ça c'était vraiment la thérapie par la parole, un type d'inspiration psychanalytique. J'étais en face à face, j'avais 18 ans en fait. Et ma psy, je m'en souviendrai toujours, elle était une femme tellement douce, et à la fois, elle m'aidait beaucoup à accepter et à me déculpabiliser, parce qu'il y a aussi... Je trouve que quand on a des troubles du comportement alimentaire, on a le sentiment que c'est de notre faute, que c'est nous qui avons créé ça. En plus, comme c'est nous qui agissons ou n'agissons pas, on se dit « mais pourquoi je n'arrête pas ? » Je pourrais très bien arrêter. C'était un peu comme une addiction, c'est ce que tu disais tout à l'heure. Et maintenant, j'ai conscience que je ne pouvais pas du tout arrêter, que ce n'était pas du tout de ma faute. Et puis, une autre chose qui m'a aussi aidée, c'est de vivre pleinement. Parce que juste après ma thérapie de 3 ans, j'ai pris mon sac à dos. Et je suis partie voyager en backpack en Asie, en Amérique du Sud. J'avais économisé pendant six mois. Et en fait, de vivre pleinement, de ne pas avoir d'endroit pour me faire vomir. Aussi concrètement, de ne pas pouvoir mettre en place vraiment tous les rituels de boulimie et tout. Et c'est ça qui m'a permis de sortir, d'avoir un tunnel où je n'ai pas du tout eu ce genre de comportement, même si j'avais très envie, même si je pouvais faire parfois de l'hyperphagie pour le coup. Ça m'arrivait quand j'étais toute seule, je me faisais quatre restos, je commandais plein de trucs. Mais je ne passais pas à l'acte de vomir et petit à petit, comme ça, ça s'est un petit peu résorbé. Même si ça existe toujours un peu au fond de moi, mais ça s'est quand même beaucoup amélioré.

  • Speaker #1

    Je crois que dans tous les troubles où il y a de l'hyper, en fait... Il y a une question qu'on apprend à se poser une fois qu'on a retrouvé ses esprits, c'est en fait de quoi j'ai vraiment besoin ? Enfin c'est ça la question. Comme dans l'hypersexualité, comme dans la consommation de drogue, d'alcool, comme dans les troubles du comportement alimentaire, c'est en fait de quoi j'ai besoin quoi. Et je trouve que le rétablissement il commence au moment où on est capable, avant de faire ses courses de crise, que tout ça c'est encore un rituel et qu'on est dans les rayons du Franprix. Et qu'on arrive à prendre une grande bouffée d'air et qu'on se dit, en fait, de quoi j'ai capable ? Et peut-être, de quoi j'ai capable ? N'importe quoi ! De quoi je suis capable ? De quoi j'ai besoin ? Et ça peut être juste envoyer un texto et dire, meuf, on prend un verre, et juste tu vas prendre un verre avec une copine, et du coup, ta crise, elle est au fond de ta tête, mais en fait, petit à petit, tu te remplis de l'amitié, tu te remplis de la parole de l'autre. Ça peut être, j'ai besoin de voir des choses belles, et du coup, tu vas faire un truc où tu vas voir des choses belles. Ça peut être, j'ai besoin d'un câlin, et alors tu vas oser demander... J'ai besoin d'un câlin, j'ai besoin de soutien. Je crois qu'une fois que tu accèdes à quel est mon besoin profond et quel est l'endroit où je me répare, alors là tu trouves le chemin. C'est ça. Et après ça peut être un chemin physique que tu fais en marchant, en voyageant, en plein de choses, mais ça peut être aussi un chemin intérieur où j'identifie où est ma blessure et alors je la visualise et comment je la pense. Au lieu de mettre une montagne de poussière dessus pour plus qu'on la voit, comment j'écarte les choses et je la vois et je la répare. J'ai un rapport un peu ambivalent à la notion de rétablissement de mes troubles du comportement alimentaire parce que je suis persuadée que si je n'avais pas eu de troubles du comportement alimentaire, j'aurais sans doute peut-être essayé de mettre fin à mes jours de nombreuses fois et que sur un hasard, peut-être une malchance, j'y serais arrivée. Et je pense que si je n'avais pas eu la soupape, alors oui, on peut la juger dégueulasse, pas chouette, triste, des troubles du comportement alimentaire. Si je n'avais pas eu ça pour m'apporter du confort, du réconfort, si je n'avais pas eu ça pour faire descendre la pression, un peu comme les ados qui ont des comportements auto-agressifs, de la mutilation, peut-être si je n'avais pas eu ça, je ne serais pas là. Alors du coup, c'est compliqué pour moi parce que je sais que c'est un discours pour les gens qui sont en pleine souffrance de Tessa, c'est difficile à entendre, mais en fait, parfois ça protège aussi. Parfois on n'est pas accro par hasard et parfois,

  • Speaker #0

    c'est pas toujours. Et puis le TCA, comme tu l'as dit tout à l'heure, le TCA, les troubles du comportement alimentaire, c'est le type of the iceberg. C'est le symptôme, c'est le cri du corps et de l'âme. C'est ça qui vient dire, OK, là, il faut s'occuper de ce qui se passe. Et c'est jamais... C'est pas que ça. C'est pas un trouble du comportement alimentaire. Il ne surgit pas comme ça de nulle part dans la vie d'un individu. Et c'est un signal, quoi.

  • Speaker #2

    J'ai l'impression... en tout cas en ce qui me concerne je suis d'accord avec toi, je pense que ça m'a sauvé la vie ça m'a maintenue ça fait de moi celle que je suis aujourd'hui malgré tout et je m'aime aujourd'hui j'aime celle que je suis et si je n'avais pas eu ce trouble alimentaire, est-ce que je serais celle que je suis aujourd'hui ? Je ne sais pas

  • Speaker #0

    Le fait d'avoir des TCA aussi ça te fait réaliser que ça te fait apprécier des moments basiques qu'on ne se rend pas compte quand on en a pas, par exemple, la satiété. Moi, c'était un sentiment que je ne connaissais plus. Enfin, je ne savais pas ce que c'était de ne plus avoir faim, par exemple. Parce que quand on a des troubles du comportement alimentaire, notre système est déréglé. En fait, on n'a plus... La satiété fonctionne beaucoup moins bien, donc on ne sait plus ce que ça veut dire. En fait, on mange et on est en mode, ok, les gens, ils ont arrêté de manger, donc je vais arrêter de manger. Et quand on récupère un semblant de normalité dans le rapport qu'on a, moi, quand je me sens pleine, que je n'ai plus faim et qu'il reste même quelque chose dans mon assiette mais que vraiment je ne vais pas le manger parce que je n'ai plus faim et que je n'ai plus envie de le manger je suis hyper reconnaissante je me dis ah mais c'est génial ça veut dire que je vais je suis pas dans un rapport bizarre j'ai vraiment juste plus faim, plus envie et je vais pas le manger et parfois j'ai plus faim j'ai encore envie, je vais le manger et je vais quand même être bien et je ne vais pas culpabiliser et même ça Je trouve que c'est précieux. Mais on garde quand même des échecs. Moi, j'ai une obsession sur la santé. Donc, bien, je suis toujours en train de me dire, là, je dors bien. C'est bien pour... Au fond, je me dis, c'est bien pour mon corps. C'est bien que je dors bien. Là, je mange des fibres. Ça, c'est bien. Je vais manger plus de protéines. Je dis très souvent à mon mari, on va se mettre en mode full prot. Non, mais n'importe quoi. Je ne le fais pas forcément.

  • Speaker #1

    Je peux vous pousser par le compteur de mes pas.

  • Speaker #0

    C'était con,

  • Speaker #1

    mais ça c'est vraiment des trucs de gens qui ont des TCA en fait. Et c'est aussi comme ça qu'on se reconnaît entre nous, c'est que t'es là...

  • Speaker #0

    Tu vois, par exemple, toutes les nouvelles meufs qui commencent, tous les nouveaux mecs qui commencent à avoir un peu de notoriété sur la santé, tu peux être sûre que dans deux minutes après, leur livre est dans mon panier et qu'il arrive chez moi, genre trois jours plus tard, et que je suis en mode... Ah ! Et donc, la luminothérapie... Papy, très intéressant.

  • Speaker #1

    Ces gens-là, quand même, c'est assez prouvé. Tous les influenceurs santé qui disent n'importe quoi, la glucose godesse et je ne sais quoi, créent des troubles du comportement alimentaire chez les gens. On est quand même sur une meuf qui vient de faire un partenariat avec une boîte qui crée des implants pour les gens qui ont le diabète, normalement, pour gérer leur glycémie. Et elle n'a pas le diabète. Elle se met en partenariat avec cette boîte. Parce que c'est hyper important de savoir si tu vas... Ta glycémie, elle monte quand t'as mangé. Bah évidemment qu'elle monte, t'as mangé du sucre, donc tu produis de la glycémie, espèce de patate. C'est absolument normal.

  • Speaker #0

    Et par ailleurs, je trouve aussi qu'il y a un autre truc que je pourrais remonter là-dessus, qui est que, en fait, quand t'es dans des troubles comme ça, la société, enfin les gens autour de toi, te renvoient un truc en mode, ah bah ouais, hyper positif. Moi, je me souviens, j'ai eu une période vraiment d'anorexie. J'étais partie en Thaïlande avec ma mère. Et en plus, comme vous l'avez compris, ma mère a eu ses propres problèmes, qu'elle m'a d'ailleurs avoué quand moi je lui ai avoué vraiment. Et elle m'a dit... En fait, moi aussi, je me faisais vomir et elle s'en est énormément voulue. Elle m'a dit « j'ai pas vu que t'étais en souffrance, mais en fait, je pense qu'elle l'avait vue, mais ça lui rappelait trop son propre vécu. Et donc, j'étais revenue de voyager avec elle. Je mangeais tous les jours, je mangeais un quart d'ananas, c'est-à-dire que genre un quart d'une tranche d'ananas. Donc, j'avais évidemment perdu en dix jours, genre neuf kilos, enfin un truc de fou. Et je me souviens que tout le monde m'avait dit « t'es tellement… » belle comme ça, ça te va trop bien, mais comment t'as fait ? » Et moi, j'étais en mode, j'avais tellement faim. J'avais faim, quoi. J'en pouvais plus. Et tout le monde me disait que j'étais hyper belle. Donc je me disais, mais comment je vais tenir ? Parce que là, quand t'es en vacances, tu peux manger un quart d'ananas parce que tu fais rien, en fait. Je dormais tout le temps. Mais quand t'es en cours, t'as besoin d'utiliser ton cerveau, t'as besoin de bouger et tout, je savais que je n'allais pas pouvoir maintenir ce rythme et que je n'allais pas pouvoir maintenir ce poids. Et c'était horrible.

  • Speaker #1

    Ah mais ça c'est terrible, et quand t'es gros... C'est un délire aussi parce que moi, toutes mes périodes d'anorexie, je peux perdre 20 kilos en deux mois. Et tout le monde est là, mais c'est incroyable, mais enfin, tu as eu le déclic, mais c'est trop bien. Et tu es là, non, en fait, je suis en train de m'affamer, de vouloir crever. Le déclic. C'est ça le déclic qu'on attend, on est bien sûr là. Et là-dessus, les professionnels de santé sont nuls, mais nuls. Ils n'ont aucune conscience qu'une personne grosse peut être anorexique, peut être dénutrie. Enfin vraiment, ça leur passe. Parce qu'en fait, pour eux, la bonne sensée, c'est quand tu te mets à maigrir. Tu parlais du regard des autres sur votre corps, sur le corps. Est-ce qu'il y aurait des choses à ne pas dire ? Notamment des idées reçues ou des remarques qui peuvent blesser. J'imagine qu'il y en a énormément.

  • Speaker #0

    Déjà, ta maigrie, je trouve. Le ta maigrie, quoi. On ne commente pas le corps des autres.

  • Speaker #1

    On arrête ça.

  • Speaker #0

    On arrête ça à la base. Ta maigrie, en même temps, tout le monde le fait tout le temps.

  • Speaker #1

    Et t'es trop belle et ta maigrie et ta machin juste. Peut-être, oh là là, c'était trop bien ce que t'as fait. Enfin, on a d'autres qualités.

  • Speaker #0

    Ou alors des remarques sur le physique qui sont plutôt de l'ordre de ce que tu dégages. Tu vois, genre, t'as l'air heureuse, tu vois. Ouais, tu shine, tu vois. Tu shine, mais pas parce que t'es belle physiquement, parce que tu t'es make-up et que t'as maigri, mais parce que ce que tu dégages et t'as l'air épanouie dans ta vie.

  • Speaker #2

    Ne pas rappeler les bases de l'alimentation. Parce que c'est très infantilisant, en fait. Quelqu'un qui souffre d'un TCA est conscient de ce qu'il faut faire et ne pas faire. Alors, moi, quand on me dit « Mais pourquoi tu grignotes ? On va manger dans une heure. » Mais pourquoi tu... Tu sais, des règles de base, ne pas... Pourquoi tu manges du sucre alors que t'as pas encore... Avant de commencer le repas, pourquoi tu... Ne pas rappeler ces règles de base. Parce qu'on le sait. On le sait même trop, d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Et aussi, quand tu disais le fait de... Quand quelqu'un te regarde pour autre chose... que ton poids ou comment t'es parce que c'est quand même tellement plus agréable tu sens que t'as un lien avec la personne qui n'est pas lié à ton poids ou ton physique si vous voulez absolument continuer à complimenter le physique des gens déconstruisez

  • Speaker #1

    votre rapport à la beauté juste en fait exactement vous voyez qu'il y a des beautés diverses qu'on peut être très beau, très gros, très beau, très maigre très beau, très vieux Très beau, très petit. Très beau, très noir. Très beau, très jaune. Enfin, je veux dire, vraiment, c'est...

  • Speaker #0

    On est tous très beaux,

  • Speaker #1

    en fait. Les gens sont beaux, globalement. Les stéréotypes sur les corps, il y a des études nombreuses de sociologie qui montrent qu'à 4 ans déjà, quand on présente des poupées grosses ou des poupées minces, des poupées noires ou des poupées blanches, c'est des poupées minces et blanches qui ont l'air sympas et des grosses et noires qui ont l'air méchantes. Donc, vraiment, nos enfants, qu'on le veuille ou non, nous, qu'on le veuille ou non, et je m'inclus dans ce nous, On est pétri de stéréotypes sur les autres, sur nous-mêmes, etc. Et je crois qu'en fait, je ne sais pas si c'est une illusion, mais je pense que vraiment une partie de la réparation des troubles du comportement alimentaire, c'est une meilleure inclusion de tous, de toutes, d'une représentation de tous les corps.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que vous aimeriez dire à... Quelqu'un qui nous écoute peut-être et qui se reconnaît dans ce que vous vivez, ou ce que vous avez vécu. Voilà, un message ou un conseil.

  • Speaker #1

    Moi, je dirais, ça va aller mieux. Ça ne sera pas tout le temps horrible. Ça va l'être. Dur, dur, dur, dur, dur. Mais aussi, ça va Il y a plein de gens à qui tu peux parler, ça peut être juste des gens qui partagent le même trouble que toi, ça peut être des soignants, ça peut être vraiment toutes sortes de gens, il y a des mains tendues partout. C'est possible, c'est ok. C'est ok aussi de jamais guérir. En fait, on peut vivre toute sa vie avec un trouble du comportement alimentaire. L'important, c'est de vivre au mieux avec et de se faire le moins de mal possible. Je crois que ça, c'est important. Et il y a un deuxième truc que je voudrais dire, c'est que sûrement ton pire cauchemar, c'est d'être gros. C'est OK, en fait. On peut aussi vivre très heureux et très bien, gros ou grosses. Voilà.

  • Speaker #2

    Merci, Anne. Ça ressemble un peu à ce que j'avais envie de dire, du coup. J'avais écrit un petit texte, mais bon, je vais essayer de le rendre plus oral. J'avais envie de dire aux personnes qui nous écoutent, à celles qui souffrent et à celles qui n'ont pas d'oreilles, forcément, et qui aujourd'hui, elles, sont non-personnes, de ne pas oublier. Qui elles sont ? Qui elles sont au-delà de leur apparence ? C'est-à-dire quelles sont tes valeurs ? Comment est-ce que tu aimes la vie ? Comment est-ce que tu aimes les autres ? Qu'est-ce qui te fait du bien ? Comment est-ce que toi tu fais du bien aux autres ? Qui tu es vraiment ? Et ne t'attarde pas sur ton corps parce que sa beauté, elle est éphémère, subjective, changeante. Et ce qui rayonne, c'est ton sourire, tes paroles, tes gestes, ton amour. Il n'est jamais trop tard pour recommencer à aimer ta vie. Et surtout, ose. Ose demander de l'aide. À une ou à des personnes de confiance et au corps médical compétent. Il y en a, ça existe. De plus en plus. Tu n'es pas seule.

  • Speaker #0

    Magnifique. Ouais. Ça va rejoindre ce que vous avez dit. J'ai envie de dire que c'est possible. de se rétablir, de guérir. C'est possible d'avoir une vie qui ne tourne pas autour de la nourriture, autour de son addiction, et un jour de se surprendre à penser à autre chose. Et qu'il ne faut pas hésiter, vraiment pas hésiter à essayer toutes les manières possibles et inimaginables de chercher de l'aide, même si ça ne marche pas à un côté, et toquer à une autre porte. Et je trouve, ça me fait me rappeler que la première chose qui m'a vraiment aidée, c'est un témoignage que j'avais écouté sur YouTube à l'époque. d'une fille qui avait réussi à sortir des troubles du comportement alimentaire. Et ça faisait 10 ans. Et je me suis dit, c'est bon, c'est moi aussi, je vais y arriver. Donc, tu peux y arriver.

  • Speaker #1

    Merci. Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    On n'a vraiment pas du tout tenu les temps. Désolée, mais c'était trop intéressant.

  • Speaker #1

    Bisous ! La Perche est un podcast produit par La Maison Perchée, écrit et réalisé par Anna Klarsfeld et Sylvain Pinot, et avec une musique originale de Blasé.

  • Speaker #0

    La Maison Perchée vous attend en ligne sur maisonperchée.org,

  • Speaker #1

    sur les réseaux sociaux,

  • Speaker #0

    ainsi qu'à Paris dans notre café singulier, ouvert à toutes et tous. Vous aimez La Perche ? Soutenez-nous avec des étoiles ou un commentaire sur votre appli de podcast.

  • Speaker #1

    Et abonnez-vous pour ne pas manquer les prochains épisodes.

  • Speaker #0

    Et surtout, n'hésitez pas à partager ce podcast autour de vous. Parler de santé mentale,

  • Speaker #1

    ça change des vies.

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Description

Dans cet épisode, on donne la parole à Anne, Anna et Caroline qui partagent leur expérience des troubles du comportement alimentaire (TCA). À travers leurs témoignages, on explore les réalités de ces troubles complexes, leur impact sur la vie personnelle et leur lien avec l'image du corps et les stéréotypes sociétaux. On aborde ensemble les différentes formes de TCA (les témoignages portant principalement sur la boulimie), les signes d'alerte, les choses à ne pas dire ou encore les ressources pour aider les personnes concernées et leur proches.


Même si le chemin du rétablissement peut être long, le rétablissement est possible et il existe des personnes prêtes à vous écouter sans jugement.


Si vous cherchez de l'aide ou plus d'informations, voici quelques ressources essentielles :

  • En cas d'urgence : Appelez le 3114 (numéro national de prévention du suicide)

  • Associations et soutien :

    FFAB - Fédération Française Anorexie Boulimie

    Enfine - Association d'information et de prévention des TCA

    Le GROS - Le Groupe de Réflexion sur l'Obésité et le Surpoids


Un podcast écrit et réalisé par Anna Klarsfeld et Sylvain Pinot

Musique originale composée par Blasé en collaboration avec Mickaël

Produit par La Maison Perchée


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Mon corps est le produit de la violence qu'il a reçue. Mes troubles du comportement alimentaire sont liés à une souffrance qui n'est pas celle de mon corps, parce que je n'ai jamais eu l'impression de souffrir de mon corps, mais de souffrir de ce qu'on faisait à mon corps.

  • Speaker #1

    Nous sommes une association fondée sur l'entraide entre jeunes adultes vivant avec des troubles psychiques ainsi que leurs proches.

  • Speaker #2

    Nous sommes convaincus que tout le monde gagnerait à apprendre de celles et ceux qui vivent avec et au contact des maladies psychiques.

  • Speaker #1

    Ici, on aborde des sujets parfois sensibles, sans détour ni tabou. Et on vous invite à écouter le podcast à votre rythme.

  • Speaker #2

    Si vous traversez un moment difficile, ne restez pas seul. En cas d'urgence, appelez le 3114.

  • Speaker #1

    Je suis Sylvain Pinault, réalisateur de podcast et père aidant à la Maison Percher.

  • Speaker #2

    Je suis Anna Klarsfeld, créatrice de podcast et prof de personnes concernées. Et aujourd'hui, on va parler de troubles du comportement alimentaire avec Anne, Anna et Caroline. Et bien bonsoir à toutes et merci d'être là avec nous aujourd'hui pour parler d'un sujet qu'on n'a pas encore trop abordé dans les précédents épisodes de La Perche, qui est un peu... en marge des sujets dont on parle à la Maison Perchée, parce qu'à la Maison Perchée, il n'y a pas d'accompagnement à proprement parler autour des sujets de troubles du comportement alimentaire, mais il se trouve que c'est un thème dont pas mal de gens nous parlent. Donc est-ce que, pour commencer, je voudrais bien vous présenter et nous parler peut-être juste en quelques mots pour commencer de votre rapport à l'alimentation et notamment avec quels troubles du comportement alimentaire vous... connaissez ou vous avez connue ?

  • Speaker #3

    Voilà. Anna ? Alors, je m'appelle Anna, j'ai 30 ans, je suis professeure des écoles, passionnée, créatrice de contenu, j'ai une page Instagram sur laquelle je raconte ma vie d'enseignante, et tout fraîchement autrice, puisque j'ai écrit mon premier roman jeunesse qui s'appelle Les Mondes d'Elie. Et j'ai un rapport à l'alimentation aujourd'hui assez apaisé. J'ai un rapport à mon corps beaucoup plus difficile. Parce que j'ai connu la boulimie à l'adolescence. J'ai été boulimique entre 13 et 21 ans. Et ça a vraiment évidemment bouleversé mon rapport à l'alimentation, à mon corps, à la confiance que j'avais en moi. Mais grâce à l'aide de psy. Vraiment entièrement grâce à l'aide de psy et grâce à un long voyage, j'ai réussi à arrêter de me faire vomir et à arrêter la boulimie, même si on ne ressort pas de ce genre de troubles sans séquelles.

  • Speaker #2

    Voilà, merci beaucoup. On va en reparler de tout ça justement, de ce qui peut aider, de ce qui reste comme vestige parfois ou comme trace de ces troubles. Merci beaucoup en tout cas. Anne, tu veux te présenter ?

  • Speaker #0

    Ouais, donc moi c'est Anne, j'ai 44 ans. Je travaille à la Maison Percher. Je souffre de troubles du comportement alimentaire depuis mon enfance, ma petite enfance. Je ne crois pas que je souffre d'un seul trouble alimentaire, je crois que je souffre de tout le spectre des troubles alimentaires qui passent par des périodes d'anorexie, à des périodes de binge, à des périodes de boulimie. Moi je vis mes troubles alimentaires un peu comme... J'imagine qu'on vit quand on a une addiction par exemple à l'alcool et qu'on est abstinent. J'ai l'impression d'être abstinente la plupart du temps, mais que parfois je tombe du wagon, comme on dit. Et moi, je ne compare pas vraiment ça. Ce n'est pas que je compare ça, c'est que c'est un rétablissement dans le sens où, dans le rétablissement, parfois on se fasse la gueule. Donc j'ai l'impression d'être en rétablissement de mes troubles, mais mes troubles sont toujours là, toujours actifs. Et quelque part, on aura l'occasion peut-être d'en parler, mais je trouve assez rassurant qu'ils restent là. Moi j'ai appris à faire la paix avec eux et c'est presque des amis et ennemis comme dirait une belle chanson.

  • Speaker #3

    C'est longtemps que je n'avais pas pensé à celle-là.

  • Speaker #1

    C'est quoi la... j'ai pas la ref.

  • Speaker #0

    Non, non, non. À une vie de rue.

  • Speaker #1

    À une vie de rue. Et Caroline qui est en visio depuis

  • Speaker #4

    Lyon. Alors moi je suis maman. En ce moment je travaille à l'aide à rédaction d'un recueil de poésie. J'ai 40 ans, je souffre de bipolarité type 1 et depuis la puberté je me bats contre DTCA. Je me suis beaucoup reconnue dans le témoignage d'Anne. Et en fait, j'ai fait l'expérience de la boulimie, de l'hyperphagie, de l'orthorexie et d'une forme modérée d'anorexie.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux décliner justement les différents types de TCA ? Parce que tu l'avais mentionné, mais pour les gens qui ne connaissent pas...

  • Speaker #0

    Le TCA, c'est vraiment un rapport biaisé, chelou, je ne sais pas comment on dit, vrillé à l'alimentation. Donc ça va du spectre de la privation à l'over... consommation et donc il y a de l'anorexie, de la boulimie, de la boulimie voluptive, de l'hyperphagie, du binge eating disorder.

  • Speaker #2

    C'est quoi la différence entre les trois derniers que tu viens de dire parce que anorexie donc c'est quand on mange pas ?

  • Speaker #0

    Ouais c'est quand on se prive etc. A côté de l'anorexie si on faisait une espèce de ligne il y a l'orthorexie aussi qui est quand on se met à voir ah oui mais cet aliment il est meilleur nutritionnellement et il a moins de calories et on se met à regarder Yuka frénétiquement pour savoir si c'est vert dans Yuka et si ça a moins de... tant de calories au 100 grammes et combien de fibres, etc. Et qu'en fait, on se crée un trouble avec ces recommandations pseudo santé. Et en fait, ça crée juste de la restriction alimentaire, etc. Après, les définitions ont un peu bougé sur hyperphagie, boulimie. Moi, je suis vieux, donc je dis boulimie vomitive et boulimie tout court pour différencier le moment où on fait une crise de consommation excessive de nourriture et on se fait vomir ou pas. Ou alors, il y a plein de gens qui ne se font pas vomir, mais qui, comme toi, peuvent développer des comportements compensatoires, comme faire du... Pore, prendre des diurétiques, prendre des cachets pour avoir la diarrhée, se vider, etc. Et maintenant, au lieu de boulimie non vomitive, on dit hyperphagie.

  • Speaker #3

    Hyperphagie, c'est ça. Moi, c'est ce que j'ai découvert aussi après, qu'on disait hyperphagie. Mais en fait, hyperphagie, c'est juste le moment. Ça pourrait être le moment où... La crise d'hyperphagie. La crise d'hyperphagie.

  • Speaker #0

    La crise d'hyperphagie. Ce qui dit bien souvent hyperphagie, c'est-à-dire manger vraiment beaucoup trop. Et voilà.

  • Speaker #2

    Et le binge eating disorder ?

  • Speaker #0

    Généralement, c'est la nuit. C'est vraiment genre tu te réveilles et tu es à second et tu fais une crise de bouffe.

  • Speaker #3

    En fait, c'est un peu une hyperphagie, mais nocturne.

  • Speaker #0

    Et en anglais. C'est ça. Mais c'est un peu comme dire entre se mettre une cuite et faire du binge drinking. Je ne sais pas si tu vois le truc. Dans les deux cas, tu vas consommer beaucoup d'alcool. Mais si tu te mets une cuite, tu peux boire tranquillement toute la soirée. Mais si tu fais du binge drinking, tu vas consommer beaucoup en très peu de temps.

  • Speaker #2

    Et hyperfagie, c'est pas forcément beaucoup en très peu de temps, ça peut être étalé dans le temps.

  • Speaker #0

    Chacun a ses petits trucs, mais les crises peuvent durer plus ou moins longtemps selon tes rituels, c'est très ritualisé.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que tu veux dire par le fait que c'est très ritualisé ?

  • Speaker #0

    Je vais pas arrêter de parler, peut-être un moment, mais souvent c'est très ritualisé, tu vas consommer les mêmes aliments, dans le même ordre, ou alors la même famille d'aliments.

  • Speaker #3

    Ouais, c'est ce qu'on disait tout à l'heure, c'est-à-dire tes petits trucs, des trucs où tu t'autorises, et que pour une fois tu t'autorises.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pouvez nous raconter un peu l'impact que ça a eu dans votre quotidien ?

  • Speaker #3

    Ça veut dire par exemple se mettre les doigts dans la bouche jusqu'au fond de la gorge, se faire vomir pendant des heures, ça veut dire vider la moitié de son frigo. C'est vraiment, c'est un peu, c'est des scènes quand même qui sont assez troublantes je trouve. Et quand on dit TCA, même le fait de le mettre dans un acronyme et de dire trouble du comportement alimentaire, ça nous éloigne de la réalité très difficile et violente. que représente un trouble. Moi, j'ai commencé à me faire vomir, je me souviens très bien. Je me suis toujours considérée comme grosse. Et maintenant, je regarde les photos de moi à 13 ans et j'étais vraiment mince. Je n'étais pas la plus mince, mais j'étais vraiment mince pour une fille de 13 ans. Mais je me voyais, j'avais déjà une vision de mon corps totalement déformée parce que je pense qu'autour de moi, c'était déjà totalement normal dans la société que pour être belle, il fallait être mince. quand on était une fille, il fallait être belle. Donc ça allait ensemble. Il fallait que je sois belle et donc que je sois mince. Et puis j'ai toujours vu ma mère lutter avec son poids, se trouver toujours trop grosse, alors qu'elle faisait genre un 36-38. Et donc ça m'a beaucoup marquée. Et un jour, j'ai pris une énorme cuite et j'ai vomi. Et ce jour-là, je me suis dit mais c'est génial. Enfin, ça veut dire que ce que je mange et que je bois, je peux... le ressortir de mon corps, en fait, je peux annuler cet effet. Et à partir de ce jour-là, j'ai commencé à me faire vomir dans des moments de grande solitude où j'avais besoin de me remplir, mais ça, je l'ai compris bien plus tard. Au début, c'était dès que je mangeais trop, et après, je mangeais pour pouvoir me faire vomir et ressentir cette sensation-là à la fois de grande souffrance et puis après, il y a aussi ce cercle dans lequel on rentre, je ne sais pas, vous allez peut-être pouvoir en parler aussi, mais ce cercle de... au bout d'un moment, on ne peut plus se faire vomir, c'est-à-dire que ça ne fonctionne plus, le corps ne veut plus. et c'est horrible parce qu'on mange en se disant Je vais manger une tonne et après, je vais pouvoir me faire vomir, mais mon corps, il ne veut plus. Et c'est vraiment, moi, je me souviens des moments de détresse terrible. Je me disais comment je vais faire ? Donc, du coup, je commençais à faire du sport pour pouvoir compenser. C'est un cercle vicieux terrible. Et une grande solitude aussi, parce que c'est tellement honteux qu'on n'en parle pas. Moi, je n'en parlais pas du tout, je n'en parlais à personne.

  • Speaker #4

    La honte est très présente. Moi, tu vois, la première chose que j'ai demandé, c'est mais est-ce que le témanage va être filmé ? que mes proches, il y en a beaucoup qui ne sont même pas au courant dans ma famille. Et pourtant, j'en souffre encore. Mon psy, j'ai mis des mois à lui en parler. Donc, la honte est très très présente autour du TCA. J'ai une seule de mes amies qui est au courant. C'est quelque chose... Moi, le fait d'être là avec vous ce soir, en fait, c'est un grand pas dans mon processus de rétablissement. Parce que c'est assumer qui je suis. ce dont je souffre, et le dire, et en parler, et me rendre compte qu'on n'est pas seul, tout simplement. Mais pour répondre à ta question, l'impact que ça a au quotidien, parce que c'était ça la question de départ, on a un peu divagué, moi, les deux sphères qui sont impactées le plus, ça sera ma sexualité et ma sociabilisation. Donc clairement, de mes 19 ans à 25 ans, j'ai été abstinente à cause des TCA. Et c'était peu importe le poids que je faisais, je n'étais jamais satisfaite. J'ai pesé entre mes 19 ans et 25 ans de 90 à 52 kilos et ça ne me convenait jamais. Mon corps n'avait pas la valeur d'avoir droit au plaisir en fait, tout simplement. Donc ça, ça a été un impact énorme. Et puis la sociabilisation, donc là, ça n'a plus d'impact sur ma sexualité aujourd'hui, heureusement, et depuis longtemps. Depuis que j'ai rencontré mon mari en fait, donc quand j'avais 25 ans. Mais ma sociabilisation, ça a encore un impact. C'est-à-dire que de nos jours, si mon corps ne me convient pas, je suis capable de me priver d'une sortie, de me priver de voir des gens qui me connaissent intimement, qui sont mes amis, en qui j'ai confiance, qui ne vont pas me juger. Mais le problème, ce n'est pas les autres. Le problème, c'est que j'ai un rapport d'amour et surtout de haine avec mon corps. Et ça, c'est quelque chose avec lequel j'ai travaillé avec des psychothérapeutes. Et que un jour j'arriverai à régler, mais ça va prendre des années. Et je sais que je serai, je vais me battre, je pense que je vais me battre toute ma vie. Je pense que c'est quelque chose qu'il va falloir que j'accepte et que j'assume que ça fait partie de moi. Et que je ne serai jamais guérie. Que ça sera une part d'ombre qu'il faut que j'assume et qu'il faut que j'arrête de subir.

  • Speaker #0

    C'est intéressant parce que vraiment moi je vis pas du tout les choses comme ça. Donc c'est toujours étonnant d'entendre la vie des autres avec qui on est, qui sont censés vous faire miroir mais qui sont en fait pas un miroir. C'est un peu bizarre comme expérience. Moi j'ai jamais eu le loisir de cacher que j'avais des troubles parce que je suis très grosse et j'ai toujours été très grosse. Donc ça a toujours été évident pour tout le monde que j'avais un problème avec la bouffe. Alors de quelle nature ? Tout le monde n'est pas renseigné et tout le monde n'est pas psy et tout le monde n'a pas de connaissances de ces choses-là. Mais en tout cas, toute ma vie, on m'a dit que j'avais un problème avec la bouffe. Alors dans des termes plus ou moins savants, dans des termes plus ou moins fleuris, mais moi, je n'ai jamais eu le loisir de cacher que j'avais un problème avec la bouffe. Donc j'avoue que peut-être que quelque part, cette grossophobie que j'ai subie, ça m'a protégée de la honte, je ne sais pas. Mais en tout cas, moi, j'ai toujours dit que oui, que j'avais clairement un problème avec la bouffe. Et puis aussi, moi, je viens d'une famille où tout le monde a des problèmes avec la bouffe, en fait. Donc pour moi, c'était assez évident que j'allais en avoir aussi. C'était un peu le destin. Après, oui, les gens ne s'imaginent pas ce que c'est d'avoir des troubles du comportement alimentaire. Je pense qu'ils ne s'imaginent pas aussi que c'est être étudiante et faire des chèques au bois en francs prix parce qu'en fait, il faut que tu payes tes crises de boulimie, que tu n'as pas une thune, mais qu'en fait, tu ne peux pas résister et que tu te mets dans la merde pour payer des tonnes de courses que tu vas gerber dix minutes après. Ça, c'est une réalité qui existe, qui a existé très fort pour moi et je me suis dans la merde très fort à cause de ça. Moi, j'ai des dents pourries. À cause des années de boulimie vomitive, j'ai des dents qui se désagrègent parce que mon émail est abîmé à cause des sucs gastriques d'avoir vomi pendant des années. Et c'est marrant parce qu'il y a plein de médecins de toutes spécialités qui ne se sont jamais intéressés à mes troubles du comportement alimentaire, qui ne m'ont jamais demandé si j'en souffrais. Et pourtant, à chaque fois que je vais chez un dentiste, une des premières choses qu'il me dit, c'est « vous avez eu des troubles du comportement alimentaire, non ? » . Ben ouais. donc je sais pas et c'est marrant parce qu'en entendant les autres témoignages parler du corps moi j'ai l'impression que mon trouble du comportement alimentaire n'a rien à voir avec la vision de mon corps donc c'est aussi assez spécifique moi mes troubles du comportement alimentaire ils sont liés à une souffrance qui n'est pas celle de mon corps parce que j'ai jamais eu l'impression de souffrir de mon corps mais de souffrir de ce qu'on faisait à mon corps donc ça c'est une différence aussi qui me frappe ce soir.

  • Speaker #3

    Je trouve ça trop intéressant que tu dises que c'est pas lié à ton corps parce que je pense qu'en fait, effectivement, c'est pas lié au corps mais c'est quand même... C'est lié, c'est pas lié. Moi, je sais aussi que ça fait plutôt suite à des traumas et une énorme solitude et un énorme besoin de combler un vide mais abyssal intérieur et à la fois, c'est aussi lié à cette espèce de besoin d'être parfaite. Le besoin d'être parfaite que... Que je puisse contrôler les moindres faits et gestes, que tout puisse être contrôlable.

  • Speaker #0

    Pour rebondir ? Et bien, tu vois, pour moi, faire une crise de boulimie, c'est exactement contrôler. C'est pas du tout me lâcher. C'est un moment où je contrôle exactement ce qui sort de mon corps, ce qui rentre de mon corps.

  • Speaker #2

    Donc ça rejoint en fait ce que tu dis. Ça va dans le même sens.

  • Speaker #3

    Et c'est vrai qu'il y a un truc de famille dans le sens où quand tu vois des gens avoir des comportements avec la nourriture complètement bizarres ou inadaptés, et finalement ça te reste. Et c'est aussi une manière, moi je pense que quand j'étais ado, j'étais très seule et j'avais besoin d'être remarquée. Et je pense que ça m'a aidée à faire signe à mes parents. Et un jour, donc en fait, c'est des crises énormes la nuit. Donc le matin, plus rien dans les placards. Et quand même, ils s'en rendaient compte au bout d'un moment. Et j'étais aussi dans une grande dépression. Et le médecin, en fait, j'allais tout le temps voir mon médecin généraliste. Et le médecin généraliste, un jour, il a appelé mes parents. Il leur a dit, voilà, là, il y a un problème. Moi, je suis obligée de vous dire que votre fils n'a vraiment pas et que je me fais du souci. Ils m'ont confrontée. Ils m'ont dit, voilà ce qu'il nous a dit. Il leur a tout dit. Donc il a brisé un peu le secret professionnel. Et mon souvenir, mais ils n'ont pas le même souvenir, mais en tout cas, moi, mon souvenir, c'est que j'ai démenti. J'ai dit mais pas du tout. En fait, il n'a pas compris ce que je lui ai dit. Vous en faites pas, tout va bien. Et eux m'ont dit OK. Et là, j'ai compris. C'est le moment. En fait, c'est ça qui m'a sauvée. C'est parce que là, j'ai compris que j'étais seule et que personne n'allait m'aider. Et donc quand je suis revenue faire mes études à Toulouse, j'ai pris tout de suite rendez-vous avec une spécialiste des TCA. Et je me suis dit, voilà, je vais m'aider toute seule. J'ai bossé à côté pour pouvoir payer les séances. Et je me souviens que le premier, c'était à la période de Noël, et le premier truc qu'elle m'a dit, c'est, maintenant, vous ne contrôlez plus rien. Donc vous n'essayez pas de contrôler votre nourriture, vous mangez ce dont vous avez envie. Je suis sortie, j'ai mangé de l'aligo. Je me souviens encore, genre, de cette sensation de me sentir libre, de manger ce que je voulais, et de ne pas culpabiliser. Et finalement quand même après quelques séances j'ai quand même réalisé que ça avait ses limites quoi de elle m'apprenait à gérer mes émotions et tout mais moi j'étais dans une souffrance enfin je ça marchait pas du tout je disais mais quand vous me dites ça mais moi je suis dans un tunnel je ne peux pas respirer et penser à autre chose et faire un tour c'est impossible et après c'est vraiment la thérapie par la parole quoi qui m'a aidé à arrêter le carnage mais

  • Speaker #2

    Je veux juste revenir sur ce que disait Anne, sur le fait que ce n'est pas un problème de rapport au corps, mais de ce qu'on fait au corps. J'ai trouvé que c'était très intéressant, ça m'a interpellée comme formule. Est-ce que tu veux développer juste ce que tu penses ?

  • Speaker #0

    Oui, moi je pense que si on m'avait foutu la paix, petite fille, petit enfant sur mon corps... Que si on ne lui avait pas dit qu'il était trop grand, trop petit, trop gros, que si je n'avais pas été agressée sexuellement dans mon enfance, que si je n'avais pas été moquée à l'école, que si je n'avais pas été appelée grosse vache, etc. Je ne pense pas que j'aurais eu des troubles du comportement alimentaire aussi forts. Je pense que si ma mère n'avait pas souffert de troubles du comportement alimentaire à cause de son histoire personnelle, elle aussi, peut-être que je n'aurais pas eu des troubles du comportement alimentaire. Je pense que si mon père était dans une famille fonctionnelle avec de l'argent, il n'aurait pas souffert de troubles du comportement alimentaire et d'autres troubles psychiques non plus. Je pense qu'il y a, comme beaucoup de troubles psychiques d'ailleurs, mais ça c'est moi qui le pense, ce n'est pas le DSM, je pense que si on avait tous plus d'argent, plus d'accès aux soins, un toit sur la tête et des moyens pour aller à l'école comme on veut, globalement on irait tous mieux. Et donc en fait, mon corps est le produit. de la violence qu'il a reçue. Et ça, vraiment, je crois pour vrai. C'est-à-dire que je pense que si on ne m'avait pas mise au régime à 4 ans, je n'en aurais pas pris 30 à l'adolescence. Je pense que si on ne m'avait pas violée, je n'aurais pas fait... Crise de boulimie pour me consoler, je pense que... enfin plein de choses comme ça quoi. Et que c'est pas du tout un discours victimaire parce que... Oui je suis victime de plein de choses mais ça va. Comme dit Virginie Despentes dans King Kong Theory, elle s'est fait violer en faisant de l'autostop. Le lendemain elle a refait de l'autostop parce qu'en fait c'est ça qu'on fait. On refait de l'autostop tous et toutes, tout le temps. Mais en fait moi j'ai jamais eu de problème moi-même avec mon corps. Alors oui, il y a des jours, je le trouve dégueulasse. Puis en fait, il y a des jours, je suis juste content qu'il soit là et on va faire notre petite promenade et on est bien tous les deux. Mais aussi parce que très vite, je crois que comme j'ai été privée très vite de l'idée que je serais belle techniquement, pour la société, du coup, j'ai développé d'autres liens avec lui. Comme j'attendais plus d'être belle parce que j'avais compris que ça ne marcherait pas, que j'étais trop éloignée de la norme. Alors du coup, j'ai dû faire d'autres alliances avec mon corps. Et ces autres alliances, elles m'ont permis de survivre, je crois.

  • Speaker #2

    Waouh, c'est hyper fort comme témoignage. Et il y a un point quand même que tu as abordé, qui est le rapport entre les agressions sexuelles, les violences sexuelles subies, et ensuite les troubles du comportement alimentaire. Je n'ai plus le chiffre exact. C'est immense. Mais c'est immense. Il me semble avoir... Il y a une corrélation qui est énorme et je trouve que ça, on n'en parle pas très très souvent.

  • Speaker #3

    Mais parce qu'on cherche toujours à régler le symptôme, c'est-à-dire qu'il y a un trouble du comportement alimentaire, on se fait vomir, on est anorexique, on va chercher à régler l'anorexie. Mais ce n'est pas l'anorexie ou la boulimie qu'il faut chercher à solutionner, à régler. Il faut se demander pourquoi un enfant a des comportements qui sont atypiques, qui nous questionnent. c'est pas Les comportements qu'il faut chercher à régler, il faut se poser la question de ce qui se passe derrière. Et il y a toujours quelque chose, effectivement, les violences sexuelles, c'est souvent l'origine des troubles du comportement alimentaire.

  • Speaker #2

    En tout cas, une des origines, un facteur très, très, très fort.

  • Speaker #0

    Il y en a beaucoup, mais souvent, c'est des troubles d'attachement, en tout cas, qui quand même reviennent très souvent.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y a eu... Un moment où vous avez eu un déclic, quelque chose ou quelqu'un qui vous a aidé à entamer un chemin de rétablissement. Anna t'en parlait tout à l'heure avec cette discussion avec tes parents. Est-ce que Anne et Caroline, vous vous souvenez d'un moment où vous vous êtes dit là... D'abord, est-ce que vous vous souvenez de... Vous vous êtes formulé qu'il fallait, que ça vous ferait du bien de chercher de l'aide. Et voilà, comment votre chemin de rétablissement a démarré ?

  • Speaker #0

    Moi, il me fallait de l'aide, mais il me fallait de l'aide sur tous les niveaux. Il me fallait de l'aide psychique, il me fallait du repos, il me fallait des amis, il me fallait de l'amour, il me fallait plein de choses. J'étais vraiment dans un état de détresse quand j'avais, au début de ma vingtaine, intense. Vraiment, c'était dur et c'était le moment où aussi mes TCA étaient le plus dur, où je pouvais vraiment... Mettre en arrêt maladie pour rester chez moi et faire des crises de boulimie. C'est-à-dire d'enchaîner cinq crises de boulimie par jour et ne faire que ça. Et être dans un cycle où tu ne sors de chez toi que pour faire des courses et tu rentres chez toi pour bouffer, te faire vomir, bouffer, te faire vomir. C'était très solitaire. Et là, je partage complètement ce sentiment immense de solitude. Et en même temps, avec ce truc un peu... C'est très bizarre de faire une crise de boulimie. Je ne sais pas si les gens peuvent comprendre ce sentiment de liberté et de plénitude qu'on ressent juste avant de se faire vomir et ce truc de... C'est un peu comme parfois quand on me raconte des états maniaques ou des hypomanies, des choses comme ça, l'impression justement, ce que tu disais, peut-être d'avoir repris le contrôle ou d'être pleine de quelque chose, enfin... Donc il y a aussi une espèce d'addiction comportementale, moi je crois vachement à cette explication-là des TCA là-dessus. Et en fait, ce truc que tu disais qu'on n'arrive plus à se faire vomir, moi, ça me fait aussi penser à ce high que tu vas rechercher quand tu as une addiction à la drogue, par contre. Et bien, la bouffe, c'est un peu pareil.

  • Speaker #3

    Oui, moi, je me souviens de trucs, de scènes totalement absurdes où je cherchais sur les forums, genre, comment se faire vomir quand ton corps ne peut pas. Et franchement, il y a plein de forums. C'est-à-dire qu'il y a des centaines et des centaines de pages. Il y avait l'eau salée, par exemple. Donc, il y avait une fille qui avait dit, il faut boire de l'eau salée, c'est tellement dégoûtant, donc je sais pas si vous avez déjà bu de l'eau salée, mais c'est immonde, genre c'est horrible, et donc je me mettais mise. À boire de l'eau salée, ça ne fonctionnait pas, donc j'avais mis plus de sel. Mais franchement, je... Et après, en m'endormant, juste avant de m'endormir, parce qu'il y a aussi cet état où après, tu vas dormir direct. En fait, il faut... Il faut oublier, quoi. Moi, j'avais quand même vraiment honte. Je me sentais culpabilisée. Enfin, même pas une honte, je culpabilisais énormément. Et je me disais, demain, j'arrête. Le demain, j'arrête, je l'ai dit dans ma tête des millions de fois. Et en fait, parfois, quand j'avais, pardon, je vais parler à première raison, quand j'avais des élans de lucidité, je me disais, mais regarde, qu'est-ce que t'es en train de faire ? C'est absurde ce que t'es en train de faire.

  • Speaker #0

    Le moment où t'as fini de te faire vomir et que... tu revois tout ce que tu as bouffé, les cadavres et tout ça, il est terrible. C'est-à-dire vraiment, tu reviens à quelque chose en toi qui est animal. Tu te sens comme un animal incontrôlable. Et moi, je sais que la crise s'arrêtait quand je ramassais et que j'allais prendre une biche. Et ce truc de se nettoyer, de vraiment se laver. Alors, on revient sur des métaphores... de l'agression sexuelle, mais il y a quand même quelque chose de ça. Tu t'es fait du mal à toi-même et tu vas te laver parce qu'il faut que tu oublies. Moi, je fumais encore des clopes à l'époque. Vraiment, je m'allumais une grosse clope à poil. Et après, ça m'arrachait la gorge que je viens de te faire vomir. Et ta clope, elle te déchire encore un peu plus. Après, tu vas prendre une douche et t'espères que vraiment, c'est la dernière et que ça part dans l'eau de la douche et que tu te fais un peu ce truc de demain, ça changera. Et c'est demain, ça ne change pas.

  • Speaker #3

    Ça ne change pas demain. Et c'est ça qui est horrible. Et cette culpabilité de se dire, mais en fait, demain, mais c'est quand demain ? C'est quand demain que ça va enfin changer ?

  • Speaker #0

    Il y a aussi un truc que je trouve qui est assez fort dans la boulimie, c'est les trucs que tu manges dans les crises. Parce que c'est des choses que tu ne manges jamais. Par exemple, je ne sais pas si c'était votre cas, moi, c'est sauce et pain. C'est-à-dire sauce, béarnaise, maillot, pain, fromage.

  • Speaker #1

    Parce que c'est un aliment interdit, le maillot aussi.

  • Speaker #0

    Interdit, maillot, pain, fromage. Après, même tartine avec le Nutella. Et par-dessus, il faut faire des trucs de fou que tu ne pourrais jamais faire. Et après, le sentiment de dire... Mais attention, vous pensiez que c'était hors de contrôle, mais je vais aller tout contrôler après, je vais aller me faire vomir. Ça, c'est aussi une jouissance, mais c'est un truc de se dire, en fait, je vais contrôler le truc quand même.

  • Speaker #1

    Mais en fait, avec des trucs vraiment, moi, j'avais fouillé. Parce qu'en fait, tout Internet est passionné par cette question de comment se faire vomir. Parce qu'en fait, le monde entier a des troubles du comportement alimentaire. Le monde entier compte ses calories, le monde entier surveille son alimentation. Et le monde dit « Ah mais non, c'est pour faire du sport et c'est pour maigrir » . Non, tout le monde a des troubles du comportement alimentaire, il faut juste arrêter de se mentir. Et trouve des tips. Moi j'avais lu une meuf et j'avais appliqué ce truc. Elle commence ses crises par des chips avec une certaine couleur, un colorant alimentaire. Comme ça, quand elle vomit, quand elle voit la couleur sortir, elle sait qu'elle a réussi sa crise. Et ça, je l'ai fait pendant des années, tu vois. Et si je n'avais pas lu ce truc sur un forum de gens aussi malades que moi, qui s'échangent, enfin c'est d'une dangerosité incroyable. Mais pour revenir à la question... Moi, ce qui m'a sauvée, c'est quand j'ai rencontré un psy qui ne m'a pas dit au bout de cinq minutes... En plus, à l'époque, je n'avais pas de sous, donc j'allais au CMP. Donc, je voyais un psy un quart d'heure toutes les deux semaines. Mais en fait, ce psy-là, il ne m'a pas dit que j'étais grosse. Je l'ai vu quelques mois, mais il n'a jamais dit que j'étais grosse. Et je me suis dit, putain, celui-là, il ne veut pas me faire maigrir. Il ne me parle pas de mon poids, comme si c'était un truc horrible qu'il fallait régler immédiatement. et genre au bout de quelques mois il m'a dit bon à l'alimentation nana bon et en fait et j'avais de la chance que j'étais dans le 14ème à l'époque et j'étais donc à côté de Saint-Anne en sectorisation et il se trouve qu'à Saint-Anne à ce moment-là il développait tout un truc de troubles du comportement alimentaire assez intéressant et il m'a eu un peu comme ça le gars il m'a jamais parlé de mon poids vraiment ça a jamais été un sujet rien à foutre vraiment jamais jamais jamais il m'a dit par contre j'organise des groupes de paroles sur les troubles du comportement alimentaire et je crois même pas qu'on avait eu la discussion est-ce que j'en ai, est-ce que j'en ai pas pour lui c'était genre évident que j'en avais Merci. Et il m'a dit tu veux venir ? J'ai dit ok. Et j'ai fait ça et c'était intelligent parce qu'en fait c'était un groupe avec tous les troubles mélangés. Donc je me retrouvais avec des meufs anorexiques qui étaient genre mes nez, mes cisse en fait dans la vraie vie parce que quand on est grosse et qu'on a des TCA, on est jalouse des anorexiques à balle parce qu'en fait tout le monde s'inquiète pour les anorexiques.

  • Speaker #0

    J'en ai hâte, mais j'arrête tellement.

  • Speaker #1

    Parce que tout le monde est là genre oh la pauvre, on va s'occuper d'elle parce qu'elle va mourir, elle va vraiment pas bien, t'es là. Et moi ? Et moi, je ne vais pas crever, en fait. Bien sûr que je vais crever, moi.

  • Speaker #0

    Moi, je me disais, pourquoi mon trouble ? Je me disais, comme ça, je me disais, mais pourquoi mon trouble, ce n'est pas la noix ?

  • Speaker #1

    Quand on est gros, on dégoûte les gens. On est là, mais ça va, elle ne sait pas se contrôler, elle est gourmande. C'est vraiment tous ces trucs de grossophobie qui s'attachent à la boulimie, aux gens qui grossissent avec les troubles. Et on est jalouse. Alors que c'est horrible d'être jalouse, parce que les gens qui s'y rendent très mal aussi, aussi mal que nous. mais il y en a ce truc de elles sont mieux traitées et on a une jalousie qui... qui renforce un espèce d'antagonisme, alors qu'en fait, nous aussi, on fait des crises d'anorexie. Mais moi, quand je suis grosse, quand je fais 130 kilos et que je fais une crise d'anorexie, le médecin me dit « Oh, c'est pas grave, vous pouvez en perdre quelques-uns quand même. » Oui, ça se fait 10 jours que j'ai pas rien mangé, frère, on fait quoi ?

  • Speaker #2

    Il y en a eu plusieurs, des déclics. Alors déjà, j'ai eu le déclic matériel, en fait, la conscience que je pouvais avoir les moyens de prendre soin de moi. grâce au travail de mon mari et à sa mutuelle. Donc j'avais le droit à deux thérapeutes par semaine, j'en voyais un pour la bipolarité et un pour mes troubles alimentaires. On a travaillé notamment sur la thérapie ACT-thérapie, si ça vous parle. Donc c'est une thérapie d'acceptation et d'engagement, ACT and Commitment Therapy en anglais. Et ça, ça a changé ma vie. Pour moi, les deux sont très liés. En fait, c'est dur de parler de déclic. En fait, je me suis rendue compte, une fois que ma bipolarité était plus sous contrôle, que je pouvais prendre soin du reste, mais il fallait que ça aille ensemble. Mais je n'ai pas réussi à faire tout en même temps. Il a fallu que j'avance petit à petit. Et en gagnant en stabilité, j'ai réussi à l'admettre déjà, que je souffrais à le dire. Et ça, c'était un grand pas. C'était juste tellement difficile d'en parler, d'en parler à ses proches. C'est une chose, mais de demander de l'aide médicale quand ça ne se voit pas forcément, quand on pèse un poids qui est estimé raisonnable, même si nous-mêmes, on n'en est pas satisfaits, quand on n'est pas hors norme et quand il n'y a pas de... de danger pour sa vie parce que je ne suis pas anorexique mortelle, mes règles ne se sont jamais arrêtées.

  • Speaker #0

    Justement, à propos du rétablissement, tu as parlé de la thérapie, act-thérapie.

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est possible de la décrire ?

  • Speaker #2

    En fait, c'est tellement... ça paraît bateau, mais c'est vraiment d'accepter notre situation, de pouvoir se détacher soi-même de ses émotions, de ses sensations, de sa souffrance, mais tout en l'acceptant, et dire je vais mettre en place un dispositif qui correspond à mes valeurs. et à celle que je suis, à celle que j'ai envie de devenir, se concentrer sur le présent, sur ce qui est en notre pouvoir, sur ce qu'on peut changer maintenant, ici, avec les outils qu'on a, et accepter, ne pas balayer la douleur.

  • Speaker #1

    Oui, ça fait partie de la grande famille des thérapies cognitives et comportementales, la thérapie ACT, c'est la thérapie de dernière génération des TCC. C'est vrai qu'en France, sur les TCC, on est quand même globalement assez frileux encore, On est encore beaucoup sur du traitement d'origine. psychanalytique ou sur de la bonne thérapie à l'ancienne en face à face moi c'est la voie que j'ai choisi j'ai pas fait de tcc par contre j'ai fait beaucoup de groupes de parole et puis j'ai beaucoup été dans la paire et danse aussi sans mettre de mots dessus et sans la définir comme ça mais comme je m'intéresse beaucoup à la lutte contre les discriminations et contre la grossophobie notamment puisqu'elle me concerne directement je fréquente beaucoup de gens gros Quand on met beaucoup de gens gros dans une pièce, c'est forcément un moment où on se met à parler de troubles du comportement alimentaire. Et en fait, j'ai très vite débloqué ma manière de parler là-dessus. Et en fait, je n'ai pas du tout tabou pour en parler grâce à ça aussi. Et ça m'a permis d'écouter beaucoup les autres, d'apprendre beaucoup les autres. Et surtout de repérer qu'en fait, on partait tous du même endroit, qu'on avait souvent subi les mêmes choses, que les choses se passaient souvent... Enfin vraiment, que c'est... En fait... Ce n'était pas possible que ce soit ma faute puisqu'on était tous pareils, qu'il y avait quelque chose de systémique dans cette souffrance et dans la manière de la vivre. Et ça, ça a été assez libérateur aussi de ne plus être seule, de partager et de me rendre compte que ce n'était pas moi toute seule qui me faisait du mal, toute seule et qui inventait un truc pour me rendre spéciale. Parfois, les gens qui ont des troubles du comportement alimentaire, on leur dit en plus ça, arrête de faire ton intéressant parce que ce n'est pas assez grave, parce que je ne sais pas quoi. Il y a un peu ce truc-là autour de l'adolescence. Arrête de faire ton intéressant comme si la souffrance de l'adolescence n'était pas terrible.

  • Speaker #0

    Pour moi, ça vient aussi de l'infantisme, c'est-à-dire cette discrimination vis-à-vis des enfants et beaucoup des adolescents finalement, parce que les enfants, ils ont au moins la chance d'être mignons. Non mais c'est vrai, pour les adultes, ils ont quand même un intérêt, mais alors les adolescents, c'est carrément plus du tout des êtres humains valables d'avoir des émotions, des sentiments. Et pour revenir sur la thérapie, moi j'ai commencé par les TCC, vraiment la première personne que je suis allée voir, c'était une spécialiste. et je trouvais que C'est vraiment mon expérience personnelle, encore une fois, mais à ce moment-là de ma vie, ces conseils étaient tellement déconnectés de l'immense souffrance que je vivais, de me dire « il faut respirer, il faut essayer d'analyser ses émotions, écrire ce que tu ressens » . Mais en fait, je n'étais plus moi-même, donc je ne pouvais pas écrire ce que je ressentais. Je pouvais juste observer ce qui se passait a posteriori. Par contre, ce qui m'a vraiment aidée, c'est d'affronter les souffrances que j'avais vécues quand j'étais petite. Et ça, c'est dur, c'est vraiment très dur, mais à la fois, c'est un soulagement énorme. de me rendre compte que ça venait de quelque part, ça s'était niché là-dedans en fait, ça s'était niché dans les failles de ma vie d'enfant.

  • Speaker #1

    Ça, c'était partie des TCC ?

  • Speaker #0

    Non, ça c'était vraiment la thérapie par la parole, un type d'inspiration psychanalytique. J'étais en face à face, j'avais 18 ans en fait. Et ma psy, je m'en souviendrai toujours, elle était une femme tellement douce, et à la fois, elle m'aidait beaucoup à accepter et à me déculpabiliser, parce qu'il y a aussi... Je trouve que quand on a des troubles du comportement alimentaire, on a le sentiment que c'est de notre faute, que c'est nous qui avons créé ça. En plus, comme c'est nous qui agissons ou n'agissons pas, on se dit « mais pourquoi je n'arrête pas ? » Je pourrais très bien arrêter. C'était un peu comme une addiction, c'est ce que tu disais tout à l'heure. Et maintenant, j'ai conscience que je ne pouvais pas du tout arrêter, que ce n'était pas du tout de ma faute. Et puis, une autre chose qui m'a aussi aidée, c'est de vivre pleinement. Parce que juste après ma thérapie de 3 ans, j'ai pris mon sac à dos. Et je suis partie voyager en backpack en Asie, en Amérique du Sud. J'avais économisé pendant six mois. Et en fait, de vivre pleinement, de ne pas avoir d'endroit pour me faire vomir. Aussi concrètement, de ne pas pouvoir mettre en place vraiment tous les rituels de boulimie et tout. Et c'est ça qui m'a permis de sortir, d'avoir un tunnel où je n'ai pas du tout eu ce genre de comportement, même si j'avais très envie, même si je pouvais faire parfois de l'hyperphagie pour le coup. Ça m'arrivait quand j'étais toute seule, je me faisais quatre restos, je commandais plein de trucs. Mais je ne passais pas à l'acte de vomir et petit à petit, comme ça, ça s'est un petit peu résorbé. Même si ça existe toujours un peu au fond de moi, mais ça s'est quand même beaucoup amélioré.

  • Speaker #1

    Je crois que dans tous les troubles où il y a de l'hyper, en fait... Il y a une question qu'on apprend à se poser une fois qu'on a retrouvé ses esprits, c'est en fait de quoi j'ai vraiment besoin ? Enfin c'est ça la question. Comme dans l'hypersexualité, comme dans la consommation de drogue, d'alcool, comme dans les troubles du comportement alimentaire, c'est en fait de quoi j'ai besoin quoi. Et je trouve que le rétablissement il commence au moment où on est capable, avant de faire ses courses de crise, que tout ça c'est encore un rituel et qu'on est dans les rayons du Franprix. Et qu'on arrive à prendre une grande bouffée d'air et qu'on se dit, en fait, de quoi j'ai capable ? Et peut-être, de quoi j'ai capable ? N'importe quoi ! De quoi je suis capable ? De quoi j'ai besoin ? Et ça peut être juste envoyer un texto et dire, meuf, on prend un verre, et juste tu vas prendre un verre avec une copine, et du coup, ta crise, elle est au fond de ta tête, mais en fait, petit à petit, tu te remplis de l'amitié, tu te remplis de la parole de l'autre. Ça peut être, j'ai besoin de voir des choses belles, et du coup, tu vas faire un truc où tu vas voir des choses belles. Ça peut être, j'ai besoin d'un câlin, et alors tu vas oser demander... J'ai besoin d'un câlin, j'ai besoin de soutien. Je crois qu'une fois que tu accèdes à quel est mon besoin profond et quel est l'endroit où je me répare, alors là tu trouves le chemin. C'est ça. Et après ça peut être un chemin physique que tu fais en marchant, en voyageant, en plein de choses, mais ça peut être aussi un chemin intérieur où j'identifie où est ma blessure et alors je la visualise et comment je la pense. Au lieu de mettre une montagne de poussière dessus pour plus qu'on la voit, comment j'écarte les choses et je la vois et je la répare. J'ai un rapport un peu ambivalent à la notion de rétablissement de mes troubles du comportement alimentaire parce que je suis persuadée que si je n'avais pas eu de troubles du comportement alimentaire, j'aurais sans doute peut-être essayé de mettre fin à mes jours de nombreuses fois et que sur un hasard, peut-être une malchance, j'y serais arrivée. Et je pense que si je n'avais pas eu la soupape, alors oui, on peut la juger dégueulasse, pas chouette, triste, des troubles du comportement alimentaire. Si je n'avais pas eu ça pour m'apporter du confort, du réconfort, si je n'avais pas eu ça pour faire descendre la pression, un peu comme les ados qui ont des comportements auto-agressifs, de la mutilation, peut-être si je n'avais pas eu ça, je ne serais pas là. Alors du coup, c'est compliqué pour moi parce que je sais que c'est un discours pour les gens qui sont en pleine souffrance de Tessa, c'est difficile à entendre, mais en fait, parfois ça protège aussi. Parfois on n'est pas accro par hasard et parfois,

  • Speaker #0

    c'est pas toujours. Et puis le TCA, comme tu l'as dit tout à l'heure, le TCA, les troubles du comportement alimentaire, c'est le type of the iceberg. C'est le symptôme, c'est le cri du corps et de l'âme. C'est ça qui vient dire, OK, là, il faut s'occuper de ce qui se passe. Et c'est jamais... C'est pas que ça. C'est pas un trouble du comportement alimentaire. Il ne surgit pas comme ça de nulle part dans la vie d'un individu. Et c'est un signal, quoi.

  • Speaker #2

    J'ai l'impression... en tout cas en ce qui me concerne je suis d'accord avec toi, je pense que ça m'a sauvé la vie ça m'a maintenue ça fait de moi celle que je suis aujourd'hui malgré tout et je m'aime aujourd'hui j'aime celle que je suis et si je n'avais pas eu ce trouble alimentaire, est-ce que je serais celle que je suis aujourd'hui ? Je ne sais pas

  • Speaker #0

    Le fait d'avoir des TCA aussi ça te fait réaliser que ça te fait apprécier des moments basiques qu'on ne se rend pas compte quand on en a pas, par exemple, la satiété. Moi, c'était un sentiment que je ne connaissais plus. Enfin, je ne savais pas ce que c'était de ne plus avoir faim, par exemple. Parce que quand on a des troubles du comportement alimentaire, notre système est déréglé. En fait, on n'a plus... La satiété fonctionne beaucoup moins bien, donc on ne sait plus ce que ça veut dire. En fait, on mange et on est en mode, ok, les gens, ils ont arrêté de manger, donc je vais arrêter de manger. Et quand on récupère un semblant de normalité dans le rapport qu'on a, moi, quand je me sens pleine, que je n'ai plus faim et qu'il reste même quelque chose dans mon assiette mais que vraiment je ne vais pas le manger parce que je n'ai plus faim et que je n'ai plus envie de le manger je suis hyper reconnaissante je me dis ah mais c'est génial ça veut dire que je vais je suis pas dans un rapport bizarre j'ai vraiment juste plus faim, plus envie et je vais pas le manger et parfois j'ai plus faim j'ai encore envie, je vais le manger et je vais quand même être bien et je ne vais pas culpabiliser et même ça Je trouve que c'est précieux. Mais on garde quand même des échecs. Moi, j'ai une obsession sur la santé. Donc, bien, je suis toujours en train de me dire, là, je dors bien. C'est bien pour... Au fond, je me dis, c'est bien pour mon corps. C'est bien que je dors bien. Là, je mange des fibres. Ça, c'est bien. Je vais manger plus de protéines. Je dis très souvent à mon mari, on va se mettre en mode full prot. Non, mais n'importe quoi. Je ne le fais pas forcément.

  • Speaker #1

    Je peux vous pousser par le compteur de mes pas.

  • Speaker #0

    C'était con,

  • Speaker #1

    mais ça c'est vraiment des trucs de gens qui ont des TCA en fait. Et c'est aussi comme ça qu'on se reconnaît entre nous, c'est que t'es là...

  • Speaker #0

    Tu vois, par exemple, toutes les nouvelles meufs qui commencent, tous les nouveaux mecs qui commencent à avoir un peu de notoriété sur la santé, tu peux être sûre que dans deux minutes après, leur livre est dans mon panier et qu'il arrive chez moi, genre trois jours plus tard, et que je suis en mode... Ah ! Et donc, la luminothérapie... Papy, très intéressant.

  • Speaker #1

    Ces gens-là, quand même, c'est assez prouvé. Tous les influenceurs santé qui disent n'importe quoi, la glucose godesse et je ne sais quoi, créent des troubles du comportement alimentaire chez les gens. On est quand même sur une meuf qui vient de faire un partenariat avec une boîte qui crée des implants pour les gens qui ont le diabète, normalement, pour gérer leur glycémie. Et elle n'a pas le diabète. Elle se met en partenariat avec cette boîte. Parce que c'est hyper important de savoir si tu vas... Ta glycémie, elle monte quand t'as mangé. Bah évidemment qu'elle monte, t'as mangé du sucre, donc tu produis de la glycémie, espèce de patate. C'est absolument normal.

  • Speaker #0

    Et par ailleurs, je trouve aussi qu'il y a un autre truc que je pourrais remonter là-dessus, qui est que, en fait, quand t'es dans des troubles comme ça, la société, enfin les gens autour de toi, te renvoient un truc en mode, ah bah ouais, hyper positif. Moi, je me souviens, j'ai eu une période vraiment d'anorexie. J'étais partie en Thaïlande avec ma mère. Et en plus, comme vous l'avez compris, ma mère a eu ses propres problèmes, qu'elle m'a d'ailleurs avoué quand moi je lui ai avoué vraiment. Et elle m'a dit... En fait, moi aussi, je me faisais vomir et elle s'en est énormément voulue. Elle m'a dit « j'ai pas vu que t'étais en souffrance, mais en fait, je pense qu'elle l'avait vue, mais ça lui rappelait trop son propre vécu. Et donc, j'étais revenue de voyager avec elle. Je mangeais tous les jours, je mangeais un quart d'ananas, c'est-à-dire que genre un quart d'une tranche d'ananas. Donc, j'avais évidemment perdu en dix jours, genre neuf kilos, enfin un truc de fou. Et je me souviens que tout le monde m'avait dit « t'es tellement… » belle comme ça, ça te va trop bien, mais comment t'as fait ? » Et moi, j'étais en mode, j'avais tellement faim. J'avais faim, quoi. J'en pouvais plus. Et tout le monde me disait que j'étais hyper belle. Donc je me disais, mais comment je vais tenir ? Parce que là, quand t'es en vacances, tu peux manger un quart d'ananas parce que tu fais rien, en fait. Je dormais tout le temps. Mais quand t'es en cours, t'as besoin d'utiliser ton cerveau, t'as besoin de bouger et tout, je savais que je n'allais pas pouvoir maintenir ce rythme et que je n'allais pas pouvoir maintenir ce poids. Et c'était horrible.

  • Speaker #1

    Ah mais ça c'est terrible, et quand t'es gros... C'est un délire aussi parce que moi, toutes mes périodes d'anorexie, je peux perdre 20 kilos en deux mois. Et tout le monde est là, mais c'est incroyable, mais enfin, tu as eu le déclic, mais c'est trop bien. Et tu es là, non, en fait, je suis en train de m'affamer, de vouloir crever. Le déclic. C'est ça le déclic qu'on attend, on est bien sûr là. Et là-dessus, les professionnels de santé sont nuls, mais nuls. Ils n'ont aucune conscience qu'une personne grosse peut être anorexique, peut être dénutrie. Enfin vraiment, ça leur passe. Parce qu'en fait, pour eux, la bonne sensée, c'est quand tu te mets à maigrir. Tu parlais du regard des autres sur votre corps, sur le corps. Est-ce qu'il y aurait des choses à ne pas dire ? Notamment des idées reçues ou des remarques qui peuvent blesser. J'imagine qu'il y en a énormément.

  • Speaker #0

    Déjà, ta maigrie, je trouve. Le ta maigrie, quoi. On ne commente pas le corps des autres.

  • Speaker #1

    On arrête ça.

  • Speaker #0

    On arrête ça à la base. Ta maigrie, en même temps, tout le monde le fait tout le temps.

  • Speaker #1

    Et t'es trop belle et ta maigrie et ta machin juste. Peut-être, oh là là, c'était trop bien ce que t'as fait. Enfin, on a d'autres qualités.

  • Speaker #0

    Ou alors des remarques sur le physique qui sont plutôt de l'ordre de ce que tu dégages. Tu vois, genre, t'as l'air heureuse, tu vois. Ouais, tu shine, tu vois. Tu shine, mais pas parce que t'es belle physiquement, parce que tu t'es make-up et que t'as maigri, mais parce que ce que tu dégages et t'as l'air épanouie dans ta vie.

  • Speaker #2

    Ne pas rappeler les bases de l'alimentation. Parce que c'est très infantilisant, en fait. Quelqu'un qui souffre d'un TCA est conscient de ce qu'il faut faire et ne pas faire. Alors, moi, quand on me dit « Mais pourquoi tu grignotes ? On va manger dans une heure. » Mais pourquoi tu... Tu sais, des règles de base, ne pas... Pourquoi tu manges du sucre alors que t'as pas encore... Avant de commencer le repas, pourquoi tu... Ne pas rappeler ces règles de base. Parce qu'on le sait. On le sait même trop, d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Et aussi, quand tu disais le fait de... Quand quelqu'un te regarde pour autre chose... que ton poids ou comment t'es parce que c'est quand même tellement plus agréable tu sens que t'as un lien avec la personne qui n'est pas lié à ton poids ou ton physique si vous voulez absolument continuer à complimenter le physique des gens déconstruisez

  • Speaker #1

    votre rapport à la beauté juste en fait exactement vous voyez qu'il y a des beautés diverses qu'on peut être très beau, très gros, très beau, très maigre très beau, très vieux Très beau, très petit. Très beau, très noir. Très beau, très jaune. Enfin, je veux dire, vraiment, c'est...

  • Speaker #0

    On est tous très beaux,

  • Speaker #1

    en fait. Les gens sont beaux, globalement. Les stéréotypes sur les corps, il y a des études nombreuses de sociologie qui montrent qu'à 4 ans déjà, quand on présente des poupées grosses ou des poupées minces, des poupées noires ou des poupées blanches, c'est des poupées minces et blanches qui ont l'air sympas et des grosses et noires qui ont l'air méchantes. Donc, vraiment, nos enfants, qu'on le veuille ou non, nous, qu'on le veuille ou non, et je m'inclus dans ce nous, On est pétri de stéréotypes sur les autres, sur nous-mêmes, etc. Et je crois qu'en fait, je ne sais pas si c'est une illusion, mais je pense que vraiment une partie de la réparation des troubles du comportement alimentaire, c'est une meilleure inclusion de tous, de toutes, d'une représentation de tous les corps.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que vous aimeriez dire à... Quelqu'un qui nous écoute peut-être et qui se reconnaît dans ce que vous vivez, ou ce que vous avez vécu. Voilà, un message ou un conseil.

  • Speaker #1

    Moi, je dirais, ça va aller mieux. Ça ne sera pas tout le temps horrible. Ça va l'être. Dur, dur, dur, dur, dur. Mais aussi, ça va Il y a plein de gens à qui tu peux parler, ça peut être juste des gens qui partagent le même trouble que toi, ça peut être des soignants, ça peut être vraiment toutes sortes de gens, il y a des mains tendues partout. C'est possible, c'est ok. C'est ok aussi de jamais guérir. En fait, on peut vivre toute sa vie avec un trouble du comportement alimentaire. L'important, c'est de vivre au mieux avec et de se faire le moins de mal possible. Je crois que ça, c'est important. Et il y a un deuxième truc que je voudrais dire, c'est que sûrement ton pire cauchemar, c'est d'être gros. C'est OK, en fait. On peut aussi vivre très heureux et très bien, gros ou grosses. Voilà.

  • Speaker #2

    Merci, Anne. Ça ressemble un peu à ce que j'avais envie de dire, du coup. J'avais écrit un petit texte, mais bon, je vais essayer de le rendre plus oral. J'avais envie de dire aux personnes qui nous écoutent, à celles qui souffrent et à celles qui n'ont pas d'oreilles, forcément, et qui aujourd'hui, elles, sont non-personnes, de ne pas oublier. Qui elles sont ? Qui elles sont au-delà de leur apparence ? C'est-à-dire quelles sont tes valeurs ? Comment est-ce que tu aimes la vie ? Comment est-ce que tu aimes les autres ? Qu'est-ce qui te fait du bien ? Comment est-ce que toi tu fais du bien aux autres ? Qui tu es vraiment ? Et ne t'attarde pas sur ton corps parce que sa beauté, elle est éphémère, subjective, changeante. Et ce qui rayonne, c'est ton sourire, tes paroles, tes gestes, ton amour. Il n'est jamais trop tard pour recommencer à aimer ta vie. Et surtout, ose. Ose demander de l'aide. À une ou à des personnes de confiance et au corps médical compétent. Il y en a, ça existe. De plus en plus. Tu n'es pas seule.

  • Speaker #0

    Magnifique. Ouais. Ça va rejoindre ce que vous avez dit. J'ai envie de dire que c'est possible. de se rétablir, de guérir. C'est possible d'avoir une vie qui ne tourne pas autour de la nourriture, autour de son addiction, et un jour de se surprendre à penser à autre chose. Et qu'il ne faut pas hésiter, vraiment pas hésiter à essayer toutes les manières possibles et inimaginables de chercher de l'aide, même si ça ne marche pas à un côté, et toquer à une autre porte. Et je trouve, ça me fait me rappeler que la première chose qui m'a vraiment aidée, c'est un témoignage que j'avais écouté sur YouTube à l'époque. d'une fille qui avait réussi à sortir des troubles du comportement alimentaire. Et ça faisait 10 ans. Et je me suis dit, c'est bon, c'est moi aussi, je vais y arriver. Donc, tu peux y arriver.

  • Speaker #1

    Merci. Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    On n'a vraiment pas du tout tenu les temps. Désolée, mais c'était trop intéressant.

  • Speaker #1

    Bisous ! La Perche est un podcast produit par La Maison Perchée, écrit et réalisé par Anna Klarsfeld et Sylvain Pinot, et avec une musique originale de Blasé.

  • Speaker #0

    La Maison Perchée vous attend en ligne sur maisonperchée.org,

  • Speaker #1

    sur les réseaux sociaux,

  • Speaker #0

    ainsi qu'à Paris dans notre café singulier, ouvert à toutes et tous. Vous aimez La Perche ? Soutenez-nous avec des étoiles ou un commentaire sur votre appli de podcast.

  • Speaker #1

    Et abonnez-vous pour ne pas manquer les prochains épisodes.

  • Speaker #0

    Et surtout, n'hésitez pas à partager ce podcast autour de vous. Parler de santé mentale,

  • Speaker #1

    ça change des vies.

Description

Dans cet épisode, on donne la parole à Anne, Anna et Caroline qui partagent leur expérience des troubles du comportement alimentaire (TCA). À travers leurs témoignages, on explore les réalités de ces troubles complexes, leur impact sur la vie personnelle et leur lien avec l'image du corps et les stéréotypes sociétaux. On aborde ensemble les différentes formes de TCA (les témoignages portant principalement sur la boulimie), les signes d'alerte, les choses à ne pas dire ou encore les ressources pour aider les personnes concernées et leur proches.


Même si le chemin du rétablissement peut être long, le rétablissement est possible et il existe des personnes prêtes à vous écouter sans jugement.


Si vous cherchez de l'aide ou plus d'informations, voici quelques ressources essentielles :

  • En cas d'urgence : Appelez le 3114 (numéro national de prévention du suicide)

  • Associations et soutien :

    FFAB - Fédération Française Anorexie Boulimie

    Enfine - Association d'information et de prévention des TCA

    Le GROS - Le Groupe de Réflexion sur l'Obésité et le Surpoids


Un podcast écrit et réalisé par Anna Klarsfeld et Sylvain Pinot

Musique originale composée par Blasé en collaboration avec Mickaël

Produit par La Maison Perchée


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Mon corps est le produit de la violence qu'il a reçue. Mes troubles du comportement alimentaire sont liés à une souffrance qui n'est pas celle de mon corps, parce que je n'ai jamais eu l'impression de souffrir de mon corps, mais de souffrir de ce qu'on faisait à mon corps.

  • Speaker #1

    Nous sommes une association fondée sur l'entraide entre jeunes adultes vivant avec des troubles psychiques ainsi que leurs proches.

  • Speaker #2

    Nous sommes convaincus que tout le monde gagnerait à apprendre de celles et ceux qui vivent avec et au contact des maladies psychiques.

  • Speaker #1

    Ici, on aborde des sujets parfois sensibles, sans détour ni tabou. Et on vous invite à écouter le podcast à votre rythme.

  • Speaker #2

    Si vous traversez un moment difficile, ne restez pas seul. En cas d'urgence, appelez le 3114.

  • Speaker #1

    Je suis Sylvain Pinault, réalisateur de podcast et père aidant à la Maison Percher.

  • Speaker #2

    Je suis Anna Klarsfeld, créatrice de podcast et prof de personnes concernées. Et aujourd'hui, on va parler de troubles du comportement alimentaire avec Anne, Anna et Caroline. Et bien bonsoir à toutes et merci d'être là avec nous aujourd'hui pour parler d'un sujet qu'on n'a pas encore trop abordé dans les précédents épisodes de La Perche, qui est un peu... en marge des sujets dont on parle à la Maison Perchée, parce qu'à la Maison Perchée, il n'y a pas d'accompagnement à proprement parler autour des sujets de troubles du comportement alimentaire, mais il se trouve que c'est un thème dont pas mal de gens nous parlent. Donc est-ce que, pour commencer, je voudrais bien vous présenter et nous parler peut-être juste en quelques mots pour commencer de votre rapport à l'alimentation et notamment avec quels troubles du comportement alimentaire vous... connaissez ou vous avez connue ?

  • Speaker #3

    Voilà. Anna ? Alors, je m'appelle Anna, j'ai 30 ans, je suis professeure des écoles, passionnée, créatrice de contenu, j'ai une page Instagram sur laquelle je raconte ma vie d'enseignante, et tout fraîchement autrice, puisque j'ai écrit mon premier roman jeunesse qui s'appelle Les Mondes d'Elie. Et j'ai un rapport à l'alimentation aujourd'hui assez apaisé. J'ai un rapport à mon corps beaucoup plus difficile. Parce que j'ai connu la boulimie à l'adolescence. J'ai été boulimique entre 13 et 21 ans. Et ça a vraiment évidemment bouleversé mon rapport à l'alimentation, à mon corps, à la confiance que j'avais en moi. Mais grâce à l'aide de psy. Vraiment entièrement grâce à l'aide de psy et grâce à un long voyage, j'ai réussi à arrêter de me faire vomir et à arrêter la boulimie, même si on ne ressort pas de ce genre de troubles sans séquelles.

  • Speaker #2

    Voilà, merci beaucoup. On va en reparler de tout ça justement, de ce qui peut aider, de ce qui reste comme vestige parfois ou comme trace de ces troubles. Merci beaucoup en tout cas. Anne, tu veux te présenter ?

  • Speaker #0

    Ouais, donc moi c'est Anne, j'ai 44 ans. Je travaille à la Maison Percher. Je souffre de troubles du comportement alimentaire depuis mon enfance, ma petite enfance. Je ne crois pas que je souffre d'un seul trouble alimentaire, je crois que je souffre de tout le spectre des troubles alimentaires qui passent par des périodes d'anorexie, à des périodes de binge, à des périodes de boulimie. Moi je vis mes troubles alimentaires un peu comme... J'imagine qu'on vit quand on a une addiction par exemple à l'alcool et qu'on est abstinent. J'ai l'impression d'être abstinente la plupart du temps, mais que parfois je tombe du wagon, comme on dit. Et moi, je ne compare pas vraiment ça. Ce n'est pas que je compare ça, c'est que c'est un rétablissement dans le sens où, dans le rétablissement, parfois on se fasse la gueule. Donc j'ai l'impression d'être en rétablissement de mes troubles, mais mes troubles sont toujours là, toujours actifs. Et quelque part, on aura l'occasion peut-être d'en parler, mais je trouve assez rassurant qu'ils restent là. Moi j'ai appris à faire la paix avec eux et c'est presque des amis et ennemis comme dirait une belle chanson.

  • Speaker #3

    C'est longtemps que je n'avais pas pensé à celle-là.

  • Speaker #1

    C'est quoi la... j'ai pas la ref.

  • Speaker #0

    Non, non, non. À une vie de rue.

  • Speaker #1

    À une vie de rue. Et Caroline qui est en visio depuis

  • Speaker #4

    Lyon. Alors moi je suis maman. En ce moment je travaille à l'aide à rédaction d'un recueil de poésie. J'ai 40 ans, je souffre de bipolarité type 1 et depuis la puberté je me bats contre DTCA. Je me suis beaucoup reconnue dans le témoignage d'Anne. Et en fait, j'ai fait l'expérience de la boulimie, de l'hyperphagie, de l'orthorexie et d'une forme modérée d'anorexie.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux décliner justement les différents types de TCA ? Parce que tu l'avais mentionné, mais pour les gens qui ne connaissent pas...

  • Speaker #0

    Le TCA, c'est vraiment un rapport biaisé, chelou, je ne sais pas comment on dit, vrillé à l'alimentation. Donc ça va du spectre de la privation à l'over... consommation et donc il y a de l'anorexie, de la boulimie, de la boulimie voluptive, de l'hyperphagie, du binge eating disorder.

  • Speaker #2

    C'est quoi la différence entre les trois derniers que tu viens de dire parce que anorexie donc c'est quand on mange pas ?

  • Speaker #0

    Ouais c'est quand on se prive etc. A côté de l'anorexie si on faisait une espèce de ligne il y a l'orthorexie aussi qui est quand on se met à voir ah oui mais cet aliment il est meilleur nutritionnellement et il a moins de calories et on se met à regarder Yuka frénétiquement pour savoir si c'est vert dans Yuka et si ça a moins de... tant de calories au 100 grammes et combien de fibres, etc. Et qu'en fait, on se crée un trouble avec ces recommandations pseudo santé. Et en fait, ça crée juste de la restriction alimentaire, etc. Après, les définitions ont un peu bougé sur hyperphagie, boulimie. Moi, je suis vieux, donc je dis boulimie vomitive et boulimie tout court pour différencier le moment où on fait une crise de consommation excessive de nourriture et on se fait vomir ou pas. Ou alors, il y a plein de gens qui ne se font pas vomir, mais qui, comme toi, peuvent développer des comportements compensatoires, comme faire du... Pore, prendre des diurétiques, prendre des cachets pour avoir la diarrhée, se vider, etc. Et maintenant, au lieu de boulimie non vomitive, on dit hyperphagie.

  • Speaker #3

    Hyperphagie, c'est ça. Moi, c'est ce que j'ai découvert aussi après, qu'on disait hyperphagie. Mais en fait, hyperphagie, c'est juste le moment. Ça pourrait être le moment où... La crise d'hyperphagie. La crise d'hyperphagie.

  • Speaker #0

    La crise d'hyperphagie. Ce qui dit bien souvent hyperphagie, c'est-à-dire manger vraiment beaucoup trop. Et voilà.

  • Speaker #2

    Et le binge eating disorder ?

  • Speaker #0

    Généralement, c'est la nuit. C'est vraiment genre tu te réveilles et tu es à second et tu fais une crise de bouffe.

  • Speaker #3

    En fait, c'est un peu une hyperphagie, mais nocturne.

  • Speaker #0

    Et en anglais. C'est ça. Mais c'est un peu comme dire entre se mettre une cuite et faire du binge drinking. Je ne sais pas si tu vois le truc. Dans les deux cas, tu vas consommer beaucoup d'alcool. Mais si tu te mets une cuite, tu peux boire tranquillement toute la soirée. Mais si tu fais du binge drinking, tu vas consommer beaucoup en très peu de temps.

  • Speaker #2

    Et hyperfagie, c'est pas forcément beaucoup en très peu de temps, ça peut être étalé dans le temps.

  • Speaker #0

    Chacun a ses petits trucs, mais les crises peuvent durer plus ou moins longtemps selon tes rituels, c'est très ritualisé.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que tu veux dire par le fait que c'est très ritualisé ?

  • Speaker #0

    Je vais pas arrêter de parler, peut-être un moment, mais souvent c'est très ritualisé, tu vas consommer les mêmes aliments, dans le même ordre, ou alors la même famille d'aliments.

  • Speaker #3

    Ouais, c'est ce qu'on disait tout à l'heure, c'est-à-dire tes petits trucs, des trucs où tu t'autorises, et que pour une fois tu t'autorises.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pouvez nous raconter un peu l'impact que ça a eu dans votre quotidien ?

  • Speaker #3

    Ça veut dire par exemple se mettre les doigts dans la bouche jusqu'au fond de la gorge, se faire vomir pendant des heures, ça veut dire vider la moitié de son frigo. C'est vraiment, c'est un peu, c'est des scènes quand même qui sont assez troublantes je trouve. Et quand on dit TCA, même le fait de le mettre dans un acronyme et de dire trouble du comportement alimentaire, ça nous éloigne de la réalité très difficile et violente. que représente un trouble. Moi, j'ai commencé à me faire vomir, je me souviens très bien. Je me suis toujours considérée comme grosse. Et maintenant, je regarde les photos de moi à 13 ans et j'étais vraiment mince. Je n'étais pas la plus mince, mais j'étais vraiment mince pour une fille de 13 ans. Mais je me voyais, j'avais déjà une vision de mon corps totalement déformée parce que je pense qu'autour de moi, c'était déjà totalement normal dans la société que pour être belle, il fallait être mince. quand on était une fille, il fallait être belle. Donc ça allait ensemble. Il fallait que je sois belle et donc que je sois mince. Et puis j'ai toujours vu ma mère lutter avec son poids, se trouver toujours trop grosse, alors qu'elle faisait genre un 36-38. Et donc ça m'a beaucoup marquée. Et un jour, j'ai pris une énorme cuite et j'ai vomi. Et ce jour-là, je me suis dit mais c'est génial. Enfin, ça veut dire que ce que je mange et que je bois, je peux... le ressortir de mon corps, en fait, je peux annuler cet effet. Et à partir de ce jour-là, j'ai commencé à me faire vomir dans des moments de grande solitude où j'avais besoin de me remplir, mais ça, je l'ai compris bien plus tard. Au début, c'était dès que je mangeais trop, et après, je mangeais pour pouvoir me faire vomir et ressentir cette sensation-là à la fois de grande souffrance et puis après, il y a aussi ce cercle dans lequel on rentre, je ne sais pas, vous allez peut-être pouvoir en parler aussi, mais ce cercle de... au bout d'un moment, on ne peut plus se faire vomir, c'est-à-dire que ça ne fonctionne plus, le corps ne veut plus. et c'est horrible parce qu'on mange en se disant Je vais manger une tonne et après, je vais pouvoir me faire vomir, mais mon corps, il ne veut plus. Et c'est vraiment, moi, je me souviens des moments de détresse terrible. Je me disais comment je vais faire ? Donc, du coup, je commençais à faire du sport pour pouvoir compenser. C'est un cercle vicieux terrible. Et une grande solitude aussi, parce que c'est tellement honteux qu'on n'en parle pas. Moi, je n'en parlais pas du tout, je n'en parlais à personne.

  • Speaker #4

    La honte est très présente. Moi, tu vois, la première chose que j'ai demandé, c'est mais est-ce que le témanage va être filmé ? que mes proches, il y en a beaucoup qui ne sont même pas au courant dans ma famille. Et pourtant, j'en souffre encore. Mon psy, j'ai mis des mois à lui en parler. Donc, la honte est très très présente autour du TCA. J'ai une seule de mes amies qui est au courant. C'est quelque chose... Moi, le fait d'être là avec vous ce soir, en fait, c'est un grand pas dans mon processus de rétablissement. Parce que c'est assumer qui je suis. ce dont je souffre, et le dire, et en parler, et me rendre compte qu'on n'est pas seul, tout simplement. Mais pour répondre à ta question, l'impact que ça a au quotidien, parce que c'était ça la question de départ, on a un peu divagué, moi, les deux sphères qui sont impactées le plus, ça sera ma sexualité et ma sociabilisation. Donc clairement, de mes 19 ans à 25 ans, j'ai été abstinente à cause des TCA. Et c'était peu importe le poids que je faisais, je n'étais jamais satisfaite. J'ai pesé entre mes 19 ans et 25 ans de 90 à 52 kilos et ça ne me convenait jamais. Mon corps n'avait pas la valeur d'avoir droit au plaisir en fait, tout simplement. Donc ça, ça a été un impact énorme. Et puis la sociabilisation, donc là, ça n'a plus d'impact sur ma sexualité aujourd'hui, heureusement, et depuis longtemps. Depuis que j'ai rencontré mon mari en fait, donc quand j'avais 25 ans. Mais ma sociabilisation, ça a encore un impact. C'est-à-dire que de nos jours, si mon corps ne me convient pas, je suis capable de me priver d'une sortie, de me priver de voir des gens qui me connaissent intimement, qui sont mes amis, en qui j'ai confiance, qui ne vont pas me juger. Mais le problème, ce n'est pas les autres. Le problème, c'est que j'ai un rapport d'amour et surtout de haine avec mon corps. Et ça, c'est quelque chose avec lequel j'ai travaillé avec des psychothérapeutes. Et que un jour j'arriverai à régler, mais ça va prendre des années. Et je sais que je serai, je vais me battre, je pense que je vais me battre toute ma vie. Je pense que c'est quelque chose qu'il va falloir que j'accepte et que j'assume que ça fait partie de moi. Et que je ne serai jamais guérie. Que ça sera une part d'ombre qu'il faut que j'assume et qu'il faut que j'arrête de subir.

  • Speaker #0

    C'est intéressant parce que vraiment moi je vis pas du tout les choses comme ça. Donc c'est toujours étonnant d'entendre la vie des autres avec qui on est, qui sont censés vous faire miroir mais qui sont en fait pas un miroir. C'est un peu bizarre comme expérience. Moi j'ai jamais eu le loisir de cacher que j'avais des troubles parce que je suis très grosse et j'ai toujours été très grosse. Donc ça a toujours été évident pour tout le monde que j'avais un problème avec la bouffe. Alors de quelle nature ? Tout le monde n'est pas renseigné et tout le monde n'est pas psy et tout le monde n'a pas de connaissances de ces choses-là. Mais en tout cas, toute ma vie, on m'a dit que j'avais un problème avec la bouffe. Alors dans des termes plus ou moins savants, dans des termes plus ou moins fleuris, mais moi, je n'ai jamais eu le loisir de cacher que j'avais un problème avec la bouffe. Donc j'avoue que peut-être que quelque part, cette grossophobie que j'ai subie, ça m'a protégée de la honte, je ne sais pas. Mais en tout cas, moi, j'ai toujours dit que oui, que j'avais clairement un problème avec la bouffe. Et puis aussi, moi, je viens d'une famille où tout le monde a des problèmes avec la bouffe, en fait. Donc pour moi, c'était assez évident que j'allais en avoir aussi. C'était un peu le destin. Après, oui, les gens ne s'imaginent pas ce que c'est d'avoir des troubles du comportement alimentaire. Je pense qu'ils ne s'imaginent pas aussi que c'est être étudiante et faire des chèques au bois en francs prix parce qu'en fait, il faut que tu payes tes crises de boulimie, que tu n'as pas une thune, mais qu'en fait, tu ne peux pas résister et que tu te mets dans la merde pour payer des tonnes de courses que tu vas gerber dix minutes après. Ça, c'est une réalité qui existe, qui a existé très fort pour moi et je me suis dans la merde très fort à cause de ça. Moi, j'ai des dents pourries. À cause des années de boulimie vomitive, j'ai des dents qui se désagrègent parce que mon émail est abîmé à cause des sucs gastriques d'avoir vomi pendant des années. Et c'est marrant parce qu'il y a plein de médecins de toutes spécialités qui ne se sont jamais intéressés à mes troubles du comportement alimentaire, qui ne m'ont jamais demandé si j'en souffrais. Et pourtant, à chaque fois que je vais chez un dentiste, une des premières choses qu'il me dit, c'est « vous avez eu des troubles du comportement alimentaire, non ? » . Ben ouais. donc je sais pas et c'est marrant parce qu'en entendant les autres témoignages parler du corps moi j'ai l'impression que mon trouble du comportement alimentaire n'a rien à voir avec la vision de mon corps donc c'est aussi assez spécifique moi mes troubles du comportement alimentaire ils sont liés à une souffrance qui n'est pas celle de mon corps parce que j'ai jamais eu l'impression de souffrir de mon corps mais de souffrir de ce qu'on faisait à mon corps donc ça c'est une différence aussi qui me frappe ce soir.

  • Speaker #3

    Je trouve ça trop intéressant que tu dises que c'est pas lié à ton corps parce que je pense qu'en fait, effectivement, c'est pas lié au corps mais c'est quand même... C'est lié, c'est pas lié. Moi, je sais aussi que ça fait plutôt suite à des traumas et une énorme solitude et un énorme besoin de combler un vide mais abyssal intérieur et à la fois, c'est aussi lié à cette espèce de besoin d'être parfaite. Le besoin d'être parfaite que... Que je puisse contrôler les moindres faits et gestes, que tout puisse être contrôlable.

  • Speaker #0

    Pour rebondir ? Et bien, tu vois, pour moi, faire une crise de boulimie, c'est exactement contrôler. C'est pas du tout me lâcher. C'est un moment où je contrôle exactement ce qui sort de mon corps, ce qui rentre de mon corps.

  • Speaker #2

    Donc ça rejoint en fait ce que tu dis. Ça va dans le même sens.

  • Speaker #3

    Et c'est vrai qu'il y a un truc de famille dans le sens où quand tu vois des gens avoir des comportements avec la nourriture complètement bizarres ou inadaptés, et finalement ça te reste. Et c'est aussi une manière, moi je pense que quand j'étais ado, j'étais très seule et j'avais besoin d'être remarquée. Et je pense que ça m'a aidée à faire signe à mes parents. Et un jour, donc en fait, c'est des crises énormes la nuit. Donc le matin, plus rien dans les placards. Et quand même, ils s'en rendaient compte au bout d'un moment. Et j'étais aussi dans une grande dépression. Et le médecin, en fait, j'allais tout le temps voir mon médecin généraliste. Et le médecin généraliste, un jour, il a appelé mes parents. Il leur a dit, voilà, là, il y a un problème. Moi, je suis obligée de vous dire que votre fils n'a vraiment pas et que je me fais du souci. Ils m'ont confrontée. Ils m'ont dit, voilà ce qu'il nous a dit. Il leur a tout dit. Donc il a brisé un peu le secret professionnel. Et mon souvenir, mais ils n'ont pas le même souvenir, mais en tout cas, moi, mon souvenir, c'est que j'ai démenti. J'ai dit mais pas du tout. En fait, il n'a pas compris ce que je lui ai dit. Vous en faites pas, tout va bien. Et eux m'ont dit OK. Et là, j'ai compris. C'est le moment. En fait, c'est ça qui m'a sauvée. C'est parce que là, j'ai compris que j'étais seule et que personne n'allait m'aider. Et donc quand je suis revenue faire mes études à Toulouse, j'ai pris tout de suite rendez-vous avec une spécialiste des TCA. Et je me suis dit, voilà, je vais m'aider toute seule. J'ai bossé à côté pour pouvoir payer les séances. Et je me souviens que le premier, c'était à la période de Noël, et le premier truc qu'elle m'a dit, c'est, maintenant, vous ne contrôlez plus rien. Donc vous n'essayez pas de contrôler votre nourriture, vous mangez ce dont vous avez envie. Je suis sortie, j'ai mangé de l'aligo. Je me souviens encore, genre, de cette sensation de me sentir libre, de manger ce que je voulais, et de ne pas culpabiliser. Et finalement quand même après quelques séances j'ai quand même réalisé que ça avait ses limites quoi de elle m'apprenait à gérer mes émotions et tout mais moi j'étais dans une souffrance enfin je ça marchait pas du tout je disais mais quand vous me dites ça mais moi je suis dans un tunnel je ne peux pas respirer et penser à autre chose et faire un tour c'est impossible et après c'est vraiment la thérapie par la parole quoi qui m'a aidé à arrêter le carnage mais

  • Speaker #2

    Je veux juste revenir sur ce que disait Anne, sur le fait que ce n'est pas un problème de rapport au corps, mais de ce qu'on fait au corps. J'ai trouvé que c'était très intéressant, ça m'a interpellée comme formule. Est-ce que tu veux développer juste ce que tu penses ?

  • Speaker #0

    Oui, moi je pense que si on m'avait foutu la paix, petite fille, petit enfant sur mon corps... Que si on ne lui avait pas dit qu'il était trop grand, trop petit, trop gros, que si je n'avais pas été agressée sexuellement dans mon enfance, que si je n'avais pas été moquée à l'école, que si je n'avais pas été appelée grosse vache, etc. Je ne pense pas que j'aurais eu des troubles du comportement alimentaire aussi forts. Je pense que si ma mère n'avait pas souffert de troubles du comportement alimentaire à cause de son histoire personnelle, elle aussi, peut-être que je n'aurais pas eu des troubles du comportement alimentaire. Je pense que si mon père était dans une famille fonctionnelle avec de l'argent, il n'aurait pas souffert de troubles du comportement alimentaire et d'autres troubles psychiques non plus. Je pense qu'il y a, comme beaucoup de troubles psychiques d'ailleurs, mais ça c'est moi qui le pense, ce n'est pas le DSM, je pense que si on avait tous plus d'argent, plus d'accès aux soins, un toit sur la tête et des moyens pour aller à l'école comme on veut, globalement on irait tous mieux. Et donc en fait, mon corps est le produit. de la violence qu'il a reçue. Et ça, vraiment, je crois pour vrai. C'est-à-dire que je pense que si on ne m'avait pas mise au régime à 4 ans, je n'en aurais pas pris 30 à l'adolescence. Je pense que si on ne m'avait pas violée, je n'aurais pas fait... Crise de boulimie pour me consoler, je pense que... enfin plein de choses comme ça quoi. Et que c'est pas du tout un discours victimaire parce que... Oui je suis victime de plein de choses mais ça va. Comme dit Virginie Despentes dans King Kong Theory, elle s'est fait violer en faisant de l'autostop. Le lendemain elle a refait de l'autostop parce qu'en fait c'est ça qu'on fait. On refait de l'autostop tous et toutes, tout le temps. Mais en fait moi j'ai jamais eu de problème moi-même avec mon corps. Alors oui, il y a des jours, je le trouve dégueulasse. Puis en fait, il y a des jours, je suis juste content qu'il soit là et on va faire notre petite promenade et on est bien tous les deux. Mais aussi parce que très vite, je crois que comme j'ai été privée très vite de l'idée que je serais belle techniquement, pour la société, du coup, j'ai développé d'autres liens avec lui. Comme j'attendais plus d'être belle parce que j'avais compris que ça ne marcherait pas, que j'étais trop éloignée de la norme. Alors du coup, j'ai dû faire d'autres alliances avec mon corps. Et ces autres alliances, elles m'ont permis de survivre, je crois.

  • Speaker #2

    Waouh, c'est hyper fort comme témoignage. Et il y a un point quand même que tu as abordé, qui est le rapport entre les agressions sexuelles, les violences sexuelles subies, et ensuite les troubles du comportement alimentaire. Je n'ai plus le chiffre exact. C'est immense. Mais c'est immense. Il me semble avoir... Il y a une corrélation qui est énorme et je trouve que ça, on n'en parle pas très très souvent.

  • Speaker #3

    Mais parce qu'on cherche toujours à régler le symptôme, c'est-à-dire qu'il y a un trouble du comportement alimentaire, on se fait vomir, on est anorexique, on va chercher à régler l'anorexie. Mais ce n'est pas l'anorexie ou la boulimie qu'il faut chercher à solutionner, à régler. Il faut se demander pourquoi un enfant a des comportements qui sont atypiques, qui nous questionnent. c'est pas Les comportements qu'il faut chercher à régler, il faut se poser la question de ce qui se passe derrière. Et il y a toujours quelque chose, effectivement, les violences sexuelles, c'est souvent l'origine des troubles du comportement alimentaire.

  • Speaker #2

    En tout cas, une des origines, un facteur très, très, très fort.

  • Speaker #0

    Il y en a beaucoup, mais souvent, c'est des troubles d'attachement, en tout cas, qui quand même reviennent très souvent.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y a eu... Un moment où vous avez eu un déclic, quelque chose ou quelqu'un qui vous a aidé à entamer un chemin de rétablissement. Anna t'en parlait tout à l'heure avec cette discussion avec tes parents. Est-ce que Anne et Caroline, vous vous souvenez d'un moment où vous vous êtes dit là... D'abord, est-ce que vous vous souvenez de... Vous vous êtes formulé qu'il fallait, que ça vous ferait du bien de chercher de l'aide. Et voilà, comment votre chemin de rétablissement a démarré ?

  • Speaker #0

    Moi, il me fallait de l'aide, mais il me fallait de l'aide sur tous les niveaux. Il me fallait de l'aide psychique, il me fallait du repos, il me fallait des amis, il me fallait de l'amour, il me fallait plein de choses. J'étais vraiment dans un état de détresse quand j'avais, au début de ma vingtaine, intense. Vraiment, c'était dur et c'était le moment où aussi mes TCA étaient le plus dur, où je pouvais vraiment... Mettre en arrêt maladie pour rester chez moi et faire des crises de boulimie. C'est-à-dire d'enchaîner cinq crises de boulimie par jour et ne faire que ça. Et être dans un cycle où tu ne sors de chez toi que pour faire des courses et tu rentres chez toi pour bouffer, te faire vomir, bouffer, te faire vomir. C'était très solitaire. Et là, je partage complètement ce sentiment immense de solitude. Et en même temps, avec ce truc un peu... C'est très bizarre de faire une crise de boulimie. Je ne sais pas si les gens peuvent comprendre ce sentiment de liberté et de plénitude qu'on ressent juste avant de se faire vomir et ce truc de... C'est un peu comme parfois quand on me raconte des états maniaques ou des hypomanies, des choses comme ça, l'impression justement, ce que tu disais, peut-être d'avoir repris le contrôle ou d'être pleine de quelque chose, enfin... Donc il y a aussi une espèce d'addiction comportementale, moi je crois vachement à cette explication-là des TCA là-dessus. Et en fait, ce truc que tu disais qu'on n'arrive plus à se faire vomir, moi, ça me fait aussi penser à ce high que tu vas rechercher quand tu as une addiction à la drogue, par contre. Et bien, la bouffe, c'est un peu pareil.

  • Speaker #3

    Oui, moi, je me souviens de trucs, de scènes totalement absurdes où je cherchais sur les forums, genre, comment se faire vomir quand ton corps ne peut pas. Et franchement, il y a plein de forums. C'est-à-dire qu'il y a des centaines et des centaines de pages. Il y avait l'eau salée, par exemple. Donc, il y avait une fille qui avait dit, il faut boire de l'eau salée, c'est tellement dégoûtant, donc je sais pas si vous avez déjà bu de l'eau salée, mais c'est immonde, genre c'est horrible, et donc je me mettais mise. À boire de l'eau salée, ça ne fonctionnait pas, donc j'avais mis plus de sel. Mais franchement, je... Et après, en m'endormant, juste avant de m'endormir, parce qu'il y a aussi cet état où après, tu vas dormir direct. En fait, il faut... Il faut oublier, quoi. Moi, j'avais quand même vraiment honte. Je me sentais culpabilisée. Enfin, même pas une honte, je culpabilisais énormément. Et je me disais, demain, j'arrête. Le demain, j'arrête, je l'ai dit dans ma tête des millions de fois. Et en fait, parfois, quand j'avais, pardon, je vais parler à première raison, quand j'avais des élans de lucidité, je me disais, mais regarde, qu'est-ce que t'es en train de faire ? C'est absurde ce que t'es en train de faire.

  • Speaker #0

    Le moment où t'as fini de te faire vomir et que... tu revois tout ce que tu as bouffé, les cadavres et tout ça, il est terrible. C'est-à-dire vraiment, tu reviens à quelque chose en toi qui est animal. Tu te sens comme un animal incontrôlable. Et moi, je sais que la crise s'arrêtait quand je ramassais et que j'allais prendre une biche. Et ce truc de se nettoyer, de vraiment se laver. Alors, on revient sur des métaphores... de l'agression sexuelle, mais il y a quand même quelque chose de ça. Tu t'es fait du mal à toi-même et tu vas te laver parce qu'il faut que tu oublies. Moi, je fumais encore des clopes à l'époque. Vraiment, je m'allumais une grosse clope à poil. Et après, ça m'arrachait la gorge que je viens de te faire vomir. Et ta clope, elle te déchire encore un peu plus. Après, tu vas prendre une douche et t'espères que vraiment, c'est la dernière et que ça part dans l'eau de la douche et que tu te fais un peu ce truc de demain, ça changera. Et c'est demain, ça ne change pas.

  • Speaker #3

    Ça ne change pas demain. Et c'est ça qui est horrible. Et cette culpabilité de se dire, mais en fait, demain, mais c'est quand demain ? C'est quand demain que ça va enfin changer ?

  • Speaker #0

    Il y a aussi un truc que je trouve qui est assez fort dans la boulimie, c'est les trucs que tu manges dans les crises. Parce que c'est des choses que tu ne manges jamais. Par exemple, je ne sais pas si c'était votre cas, moi, c'est sauce et pain. C'est-à-dire sauce, béarnaise, maillot, pain, fromage.

  • Speaker #1

    Parce que c'est un aliment interdit, le maillot aussi.

  • Speaker #0

    Interdit, maillot, pain, fromage. Après, même tartine avec le Nutella. Et par-dessus, il faut faire des trucs de fou que tu ne pourrais jamais faire. Et après, le sentiment de dire... Mais attention, vous pensiez que c'était hors de contrôle, mais je vais aller tout contrôler après, je vais aller me faire vomir. Ça, c'est aussi une jouissance, mais c'est un truc de se dire, en fait, je vais contrôler le truc quand même.

  • Speaker #1

    Mais en fait, avec des trucs vraiment, moi, j'avais fouillé. Parce qu'en fait, tout Internet est passionné par cette question de comment se faire vomir. Parce qu'en fait, le monde entier a des troubles du comportement alimentaire. Le monde entier compte ses calories, le monde entier surveille son alimentation. Et le monde dit « Ah mais non, c'est pour faire du sport et c'est pour maigrir » . Non, tout le monde a des troubles du comportement alimentaire, il faut juste arrêter de se mentir. Et trouve des tips. Moi j'avais lu une meuf et j'avais appliqué ce truc. Elle commence ses crises par des chips avec une certaine couleur, un colorant alimentaire. Comme ça, quand elle vomit, quand elle voit la couleur sortir, elle sait qu'elle a réussi sa crise. Et ça, je l'ai fait pendant des années, tu vois. Et si je n'avais pas lu ce truc sur un forum de gens aussi malades que moi, qui s'échangent, enfin c'est d'une dangerosité incroyable. Mais pour revenir à la question... Moi, ce qui m'a sauvée, c'est quand j'ai rencontré un psy qui ne m'a pas dit au bout de cinq minutes... En plus, à l'époque, je n'avais pas de sous, donc j'allais au CMP. Donc, je voyais un psy un quart d'heure toutes les deux semaines. Mais en fait, ce psy-là, il ne m'a pas dit que j'étais grosse. Je l'ai vu quelques mois, mais il n'a jamais dit que j'étais grosse. Et je me suis dit, putain, celui-là, il ne veut pas me faire maigrir. Il ne me parle pas de mon poids, comme si c'était un truc horrible qu'il fallait régler immédiatement. et genre au bout de quelques mois il m'a dit bon à l'alimentation nana bon et en fait et j'avais de la chance que j'étais dans le 14ème à l'époque et j'étais donc à côté de Saint-Anne en sectorisation et il se trouve qu'à Saint-Anne à ce moment-là il développait tout un truc de troubles du comportement alimentaire assez intéressant et il m'a eu un peu comme ça le gars il m'a jamais parlé de mon poids vraiment ça a jamais été un sujet rien à foutre vraiment jamais jamais jamais il m'a dit par contre j'organise des groupes de paroles sur les troubles du comportement alimentaire et je crois même pas qu'on avait eu la discussion est-ce que j'en ai, est-ce que j'en ai pas pour lui c'était genre évident que j'en avais Merci. Et il m'a dit tu veux venir ? J'ai dit ok. Et j'ai fait ça et c'était intelligent parce qu'en fait c'était un groupe avec tous les troubles mélangés. Donc je me retrouvais avec des meufs anorexiques qui étaient genre mes nez, mes cisse en fait dans la vraie vie parce que quand on est grosse et qu'on a des TCA, on est jalouse des anorexiques à balle parce qu'en fait tout le monde s'inquiète pour les anorexiques.

  • Speaker #0

    J'en ai hâte, mais j'arrête tellement.

  • Speaker #1

    Parce que tout le monde est là genre oh la pauvre, on va s'occuper d'elle parce qu'elle va mourir, elle va vraiment pas bien, t'es là. Et moi ? Et moi, je ne vais pas crever, en fait. Bien sûr que je vais crever, moi.

  • Speaker #0

    Moi, je me disais, pourquoi mon trouble ? Je me disais, comme ça, je me disais, mais pourquoi mon trouble, ce n'est pas la noix ?

  • Speaker #1

    Quand on est gros, on dégoûte les gens. On est là, mais ça va, elle ne sait pas se contrôler, elle est gourmande. C'est vraiment tous ces trucs de grossophobie qui s'attachent à la boulimie, aux gens qui grossissent avec les troubles. Et on est jalouse. Alors que c'est horrible d'être jalouse, parce que les gens qui s'y rendent très mal aussi, aussi mal que nous. mais il y en a ce truc de elles sont mieux traitées et on a une jalousie qui... qui renforce un espèce d'antagonisme, alors qu'en fait, nous aussi, on fait des crises d'anorexie. Mais moi, quand je suis grosse, quand je fais 130 kilos et que je fais une crise d'anorexie, le médecin me dit « Oh, c'est pas grave, vous pouvez en perdre quelques-uns quand même. » Oui, ça se fait 10 jours que j'ai pas rien mangé, frère, on fait quoi ?

  • Speaker #2

    Il y en a eu plusieurs, des déclics. Alors déjà, j'ai eu le déclic matériel, en fait, la conscience que je pouvais avoir les moyens de prendre soin de moi. grâce au travail de mon mari et à sa mutuelle. Donc j'avais le droit à deux thérapeutes par semaine, j'en voyais un pour la bipolarité et un pour mes troubles alimentaires. On a travaillé notamment sur la thérapie ACT-thérapie, si ça vous parle. Donc c'est une thérapie d'acceptation et d'engagement, ACT and Commitment Therapy en anglais. Et ça, ça a changé ma vie. Pour moi, les deux sont très liés. En fait, c'est dur de parler de déclic. En fait, je me suis rendue compte, une fois que ma bipolarité était plus sous contrôle, que je pouvais prendre soin du reste, mais il fallait que ça aille ensemble. Mais je n'ai pas réussi à faire tout en même temps. Il a fallu que j'avance petit à petit. Et en gagnant en stabilité, j'ai réussi à l'admettre déjà, que je souffrais à le dire. Et ça, c'était un grand pas. C'était juste tellement difficile d'en parler, d'en parler à ses proches. C'est une chose, mais de demander de l'aide médicale quand ça ne se voit pas forcément, quand on pèse un poids qui est estimé raisonnable, même si nous-mêmes, on n'en est pas satisfaits, quand on n'est pas hors norme et quand il n'y a pas de... de danger pour sa vie parce que je ne suis pas anorexique mortelle, mes règles ne se sont jamais arrêtées.

  • Speaker #0

    Justement, à propos du rétablissement, tu as parlé de la thérapie, act-thérapie.

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est possible de la décrire ?

  • Speaker #2

    En fait, c'est tellement... ça paraît bateau, mais c'est vraiment d'accepter notre situation, de pouvoir se détacher soi-même de ses émotions, de ses sensations, de sa souffrance, mais tout en l'acceptant, et dire je vais mettre en place un dispositif qui correspond à mes valeurs. et à celle que je suis, à celle que j'ai envie de devenir, se concentrer sur le présent, sur ce qui est en notre pouvoir, sur ce qu'on peut changer maintenant, ici, avec les outils qu'on a, et accepter, ne pas balayer la douleur.

  • Speaker #1

    Oui, ça fait partie de la grande famille des thérapies cognitives et comportementales, la thérapie ACT, c'est la thérapie de dernière génération des TCC. C'est vrai qu'en France, sur les TCC, on est quand même globalement assez frileux encore, On est encore beaucoup sur du traitement d'origine. psychanalytique ou sur de la bonne thérapie à l'ancienne en face à face moi c'est la voie que j'ai choisi j'ai pas fait de tcc par contre j'ai fait beaucoup de groupes de parole et puis j'ai beaucoup été dans la paire et danse aussi sans mettre de mots dessus et sans la définir comme ça mais comme je m'intéresse beaucoup à la lutte contre les discriminations et contre la grossophobie notamment puisqu'elle me concerne directement je fréquente beaucoup de gens gros Quand on met beaucoup de gens gros dans une pièce, c'est forcément un moment où on se met à parler de troubles du comportement alimentaire. Et en fait, j'ai très vite débloqué ma manière de parler là-dessus. Et en fait, je n'ai pas du tout tabou pour en parler grâce à ça aussi. Et ça m'a permis d'écouter beaucoup les autres, d'apprendre beaucoup les autres. Et surtout de repérer qu'en fait, on partait tous du même endroit, qu'on avait souvent subi les mêmes choses, que les choses se passaient souvent... Enfin vraiment, que c'est... En fait... Ce n'était pas possible que ce soit ma faute puisqu'on était tous pareils, qu'il y avait quelque chose de systémique dans cette souffrance et dans la manière de la vivre. Et ça, ça a été assez libérateur aussi de ne plus être seule, de partager et de me rendre compte que ce n'était pas moi toute seule qui me faisait du mal, toute seule et qui inventait un truc pour me rendre spéciale. Parfois, les gens qui ont des troubles du comportement alimentaire, on leur dit en plus ça, arrête de faire ton intéressant parce que ce n'est pas assez grave, parce que je ne sais pas quoi. Il y a un peu ce truc-là autour de l'adolescence. Arrête de faire ton intéressant comme si la souffrance de l'adolescence n'était pas terrible.

  • Speaker #0

    Pour moi, ça vient aussi de l'infantisme, c'est-à-dire cette discrimination vis-à-vis des enfants et beaucoup des adolescents finalement, parce que les enfants, ils ont au moins la chance d'être mignons. Non mais c'est vrai, pour les adultes, ils ont quand même un intérêt, mais alors les adolescents, c'est carrément plus du tout des êtres humains valables d'avoir des émotions, des sentiments. Et pour revenir sur la thérapie, moi j'ai commencé par les TCC, vraiment la première personne que je suis allée voir, c'était une spécialiste. et je trouvais que C'est vraiment mon expérience personnelle, encore une fois, mais à ce moment-là de ma vie, ces conseils étaient tellement déconnectés de l'immense souffrance que je vivais, de me dire « il faut respirer, il faut essayer d'analyser ses émotions, écrire ce que tu ressens » . Mais en fait, je n'étais plus moi-même, donc je ne pouvais pas écrire ce que je ressentais. Je pouvais juste observer ce qui se passait a posteriori. Par contre, ce qui m'a vraiment aidée, c'est d'affronter les souffrances que j'avais vécues quand j'étais petite. Et ça, c'est dur, c'est vraiment très dur, mais à la fois, c'est un soulagement énorme. de me rendre compte que ça venait de quelque part, ça s'était niché là-dedans en fait, ça s'était niché dans les failles de ma vie d'enfant.

  • Speaker #1

    Ça, c'était partie des TCC ?

  • Speaker #0

    Non, ça c'était vraiment la thérapie par la parole, un type d'inspiration psychanalytique. J'étais en face à face, j'avais 18 ans en fait. Et ma psy, je m'en souviendrai toujours, elle était une femme tellement douce, et à la fois, elle m'aidait beaucoup à accepter et à me déculpabiliser, parce qu'il y a aussi... Je trouve que quand on a des troubles du comportement alimentaire, on a le sentiment que c'est de notre faute, que c'est nous qui avons créé ça. En plus, comme c'est nous qui agissons ou n'agissons pas, on se dit « mais pourquoi je n'arrête pas ? » Je pourrais très bien arrêter. C'était un peu comme une addiction, c'est ce que tu disais tout à l'heure. Et maintenant, j'ai conscience que je ne pouvais pas du tout arrêter, que ce n'était pas du tout de ma faute. Et puis, une autre chose qui m'a aussi aidée, c'est de vivre pleinement. Parce que juste après ma thérapie de 3 ans, j'ai pris mon sac à dos. Et je suis partie voyager en backpack en Asie, en Amérique du Sud. J'avais économisé pendant six mois. Et en fait, de vivre pleinement, de ne pas avoir d'endroit pour me faire vomir. Aussi concrètement, de ne pas pouvoir mettre en place vraiment tous les rituels de boulimie et tout. Et c'est ça qui m'a permis de sortir, d'avoir un tunnel où je n'ai pas du tout eu ce genre de comportement, même si j'avais très envie, même si je pouvais faire parfois de l'hyperphagie pour le coup. Ça m'arrivait quand j'étais toute seule, je me faisais quatre restos, je commandais plein de trucs. Mais je ne passais pas à l'acte de vomir et petit à petit, comme ça, ça s'est un petit peu résorbé. Même si ça existe toujours un peu au fond de moi, mais ça s'est quand même beaucoup amélioré.

  • Speaker #1

    Je crois que dans tous les troubles où il y a de l'hyper, en fait... Il y a une question qu'on apprend à se poser une fois qu'on a retrouvé ses esprits, c'est en fait de quoi j'ai vraiment besoin ? Enfin c'est ça la question. Comme dans l'hypersexualité, comme dans la consommation de drogue, d'alcool, comme dans les troubles du comportement alimentaire, c'est en fait de quoi j'ai besoin quoi. Et je trouve que le rétablissement il commence au moment où on est capable, avant de faire ses courses de crise, que tout ça c'est encore un rituel et qu'on est dans les rayons du Franprix. Et qu'on arrive à prendre une grande bouffée d'air et qu'on se dit, en fait, de quoi j'ai capable ? Et peut-être, de quoi j'ai capable ? N'importe quoi ! De quoi je suis capable ? De quoi j'ai besoin ? Et ça peut être juste envoyer un texto et dire, meuf, on prend un verre, et juste tu vas prendre un verre avec une copine, et du coup, ta crise, elle est au fond de ta tête, mais en fait, petit à petit, tu te remplis de l'amitié, tu te remplis de la parole de l'autre. Ça peut être, j'ai besoin de voir des choses belles, et du coup, tu vas faire un truc où tu vas voir des choses belles. Ça peut être, j'ai besoin d'un câlin, et alors tu vas oser demander... J'ai besoin d'un câlin, j'ai besoin de soutien. Je crois qu'une fois que tu accèdes à quel est mon besoin profond et quel est l'endroit où je me répare, alors là tu trouves le chemin. C'est ça. Et après ça peut être un chemin physique que tu fais en marchant, en voyageant, en plein de choses, mais ça peut être aussi un chemin intérieur où j'identifie où est ma blessure et alors je la visualise et comment je la pense. Au lieu de mettre une montagne de poussière dessus pour plus qu'on la voit, comment j'écarte les choses et je la vois et je la répare. J'ai un rapport un peu ambivalent à la notion de rétablissement de mes troubles du comportement alimentaire parce que je suis persuadée que si je n'avais pas eu de troubles du comportement alimentaire, j'aurais sans doute peut-être essayé de mettre fin à mes jours de nombreuses fois et que sur un hasard, peut-être une malchance, j'y serais arrivée. Et je pense que si je n'avais pas eu la soupape, alors oui, on peut la juger dégueulasse, pas chouette, triste, des troubles du comportement alimentaire. Si je n'avais pas eu ça pour m'apporter du confort, du réconfort, si je n'avais pas eu ça pour faire descendre la pression, un peu comme les ados qui ont des comportements auto-agressifs, de la mutilation, peut-être si je n'avais pas eu ça, je ne serais pas là. Alors du coup, c'est compliqué pour moi parce que je sais que c'est un discours pour les gens qui sont en pleine souffrance de Tessa, c'est difficile à entendre, mais en fait, parfois ça protège aussi. Parfois on n'est pas accro par hasard et parfois,

  • Speaker #0

    c'est pas toujours. Et puis le TCA, comme tu l'as dit tout à l'heure, le TCA, les troubles du comportement alimentaire, c'est le type of the iceberg. C'est le symptôme, c'est le cri du corps et de l'âme. C'est ça qui vient dire, OK, là, il faut s'occuper de ce qui se passe. Et c'est jamais... C'est pas que ça. C'est pas un trouble du comportement alimentaire. Il ne surgit pas comme ça de nulle part dans la vie d'un individu. Et c'est un signal, quoi.

  • Speaker #2

    J'ai l'impression... en tout cas en ce qui me concerne je suis d'accord avec toi, je pense que ça m'a sauvé la vie ça m'a maintenue ça fait de moi celle que je suis aujourd'hui malgré tout et je m'aime aujourd'hui j'aime celle que je suis et si je n'avais pas eu ce trouble alimentaire, est-ce que je serais celle que je suis aujourd'hui ? Je ne sais pas

  • Speaker #0

    Le fait d'avoir des TCA aussi ça te fait réaliser que ça te fait apprécier des moments basiques qu'on ne se rend pas compte quand on en a pas, par exemple, la satiété. Moi, c'était un sentiment que je ne connaissais plus. Enfin, je ne savais pas ce que c'était de ne plus avoir faim, par exemple. Parce que quand on a des troubles du comportement alimentaire, notre système est déréglé. En fait, on n'a plus... La satiété fonctionne beaucoup moins bien, donc on ne sait plus ce que ça veut dire. En fait, on mange et on est en mode, ok, les gens, ils ont arrêté de manger, donc je vais arrêter de manger. Et quand on récupère un semblant de normalité dans le rapport qu'on a, moi, quand je me sens pleine, que je n'ai plus faim et qu'il reste même quelque chose dans mon assiette mais que vraiment je ne vais pas le manger parce que je n'ai plus faim et que je n'ai plus envie de le manger je suis hyper reconnaissante je me dis ah mais c'est génial ça veut dire que je vais je suis pas dans un rapport bizarre j'ai vraiment juste plus faim, plus envie et je vais pas le manger et parfois j'ai plus faim j'ai encore envie, je vais le manger et je vais quand même être bien et je ne vais pas culpabiliser et même ça Je trouve que c'est précieux. Mais on garde quand même des échecs. Moi, j'ai une obsession sur la santé. Donc, bien, je suis toujours en train de me dire, là, je dors bien. C'est bien pour... Au fond, je me dis, c'est bien pour mon corps. C'est bien que je dors bien. Là, je mange des fibres. Ça, c'est bien. Je vais manger plus de protéines. Je dis très souvent à mon mari, on va se mettre en mode full prot. Non, mais n'importe quoi. Je ne le fais pas forcément.

  • Speaker #1

    Je peux vous pousser par le compteur de mes pas.

  • Speaker #0

    C'était con,

  • Speaker #1

    mais ça c'est vraiment des trucs de gens qui ont des TCA en fait. Et c'est aussi comme ça qu'on se reconnaît entre nous, c'est que t'es là...

  • Speaker #0

    Tu vois, par exemple, toutes les nouvelles meufs qui commencent, tous les nouveaux mecs qui commencent à avoir un peu de notoriété sur la santé, tu peux être sûre que dans deux minutes après, leur livre est dans mon panier et qu'il arrive chez moi, genre trois jours plus tard, et que je suis en mode... Ah ! Et donc, la luminothérapie... Papy, très intéressant.

  • Speaker #1

    Ces gens-là, quand même, c'est assez prouvé. Tous les influenceurs santé qui disent n'importe quoi, la glucose godesse et je ne sais quoi, créent des troubles du comportement alimentaire chez les gens. On est quand même sur une meuf qui vient de faire un partenariat avec une boîte qui crée des implants pour les gens qui ont le diabète, normalement, pour gérer leur glycémie. Et elle n'a pas le diabète. Elle se met en partenariat avec cette boîte. Parce que c'est hyper important de savoir si tu vas... Ta glycémie, elle monte quand t'as mangé. Bah évidemment qu'elle monte, t'as mangé du sucre, donc tu produis de la glycémie, espèce de patate. C'est absolument normal.

  • Speaker #0

    Et par ailleurs, je trouve aussi qu'il y a un autre truc que je pourrais remonter là-dessus, qui est que, en fait, quand t'es dans des troubles comme ça, la société, enfin les gens autour de toi, te renvoient un truc en mode, ah bah ouais, hyper positif. Moi, je me souviens, j'ai eu une période vraiment d'anorexie. J'étais partie en Thaïlande avec ma mère. Et en plus, comme vous l'avez compris, ma mère a eu ses propres problèmes, qu'elle m'a d'ailleurs avoué quand moi je lui ai avoué vraiment. Et elle m'a dit... En fait, moi aussi, je me faisais vomir et elle s'en est énormément voulue. Elle m'a dit « j'ai pas vu que t'étais en souffrance, mais en fait, je pense qu'elle l'avait vue, mais ça lui rappelait trop son propre vécu. Et donc, j'étais revenue de voyager avec elle. Je mangeais tous les jours, je mangeais un quart d'ananas, c'est-à-dire que genre un quart d'une tranche d'ananas. Donc, j'avais évidemment perdu en dix jours, genre neuf kilos, enfin un truc de fou. Et je me souviens que tout le monde m'avait dit « t'es tellement… » belle comme ça, ça te va trop bien, mais comment t'as fait ? » Et moi, j'étais en mode, j'avais tellement faim. J'avais faim, quoi. J'en pouvais plus. Et tout le monde me disait que j'étais hyper belle. Donc je me disais, mais comment je vais tenir ? Parce que là, quand t'es en vacances, tu peux manger un quart d'ananas parce que tu fais rien, en fait. Je dormais tout le temps. Mais quand t'es en cours, t'as besoin d'utiliser ton cerveau, t'as besoin de bouger et tout, je savais que je n'allais pas pouvoir maintenir ce rythme et que je n'allais pas pouvoir maintenir ce poids. Et c'était horrible.

  • Speaker #1

    Ah mais ça c'est terrible, et quand t'es gros... C'est un délire aussi parce que moi, toutes mes périodes d'anorexie, je peux perdre 20 kilos en deux mois. Et tout le monde est là, mais c'est incroyable, mais enfin, tu as eu le déclic, mais c'est trop bien. Et tu es là, non, en fait, je suis en train de m'affamer, de vouloir crever. Le déclic. C'est ça le déclic qu'on attend, on est bien sûr là. Et là-dessus, les professionnels de santé sont nuls, mais nuls. Ils n'ont aucune conscience qu'une personne grosse peut être anorexique, peut être dénutrie. Enfin vraiment, ça leur passe. Parce qu'en fait, pour eux, la bonne sensée, c'est quand tu te mets à maigrir. Tu parlais du regard des autres sur votre corps, sur le corps. Est-ce qu'il y aurait des choses à ne pas dire ? Notamment des idées reçues ou des remarques qui peuvent blesser. J'imagine qu'il y en a énormément.

  • Speaker #0

    Déjà, ta maigrie, je trouve. Le ta maigrie, quoi. On ne commente pas le corps des autres.

  • Speaker #1

    On arrête ça.

  • Speaker #0

    On arrête ça à la base. Ta maigrie, en même temps, tout le monde le fait tout le temps.

  • Speaker #1

    Et t'es trop belle et ta maigrie et ta machin juste. Peut-être, oh là là, c'était trop bien ce que t'as fait. Enfin, on a d'autres qualités.

  • Speaker #0

    Ou alors des remarques sur le physique qui sont plutôt de l'ordre de ce que tu dégages. Tu vois, genre, t'as l'air heureuse, tu vois. Ouais, tu shine, tu vois. Tu shine, mais pas parce que t'es belle physiquement, parce que tu t'es make-up et que t'as maigri, mais parce que ce que tu dégages et t'as l'air épanouie dans ta vie.

  • Speaker #2

    Ne pas rappeler les bases de l'alimentation. Parce que c'est très infantilisant, en fait. Quelqu'un qui souffre d'un TCA est conscient de ce qu'il faut faire et ne pas faire. Alors, moi, quand on me dit « Mais pourquoi tu grignotes ? On va manger dans une heure. » Mais pourquoi tu... Tu sais, des règles de base, ne pas... Pourquoi tu manges du sucre alors que t'as pas encore... Avant de commencer le repas, pourquoi tu... Ne pas rappeler ces règles de base. Parce qu'on le sait. On le sait même trop, d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Et aussi, quand tu disais le fait de... Quand quelqu'un te regarde pour autre chose... que ton poids ou comment t'es parce que c'est quand même tellement plus agréable tu sens que t'as un lien avec la personne qui n'est pas lié à ton poids ou ton physique si vous voulez absolument continuer à complimenter le physique des gens déconstruisez

  • Speaker #1

    votre rapport à la beauté juste en fait exactement vous voyez qu'il y a des beautés diverses qu'on peut être très beau, très gros, très beau, très maigre très beau, très vieux Très beau, très petit. Très beau, très noir. Très beau, très jaune. Enfin, je veux dire, vraiment, c'est...

  • Speaker #0

    On est tous très beaux,

  • Speaker #1

    en fait. Les gens sont beaux, globalement. Les stéréotypes sur les corps, il y a des études nombreuses de sociologie qui montrent qu'à 4 ans déjà, quand on présente des poupées grosses ou des poupées minces, des poupées noires ou des poupées blanches, c'est des poupées minces et blanches qui ont l'air sympas et des grosses et noires qui ont l'air méchantes. Donc, vraiment, nos enfants, qu'on le veuille ou non, nous, qu'on le veuille ou non, et je m'inclus dans ce nous, On est pétri de stéréotypes sur les autres, sur nous-mêmes, etc. Et je crois qu'en fait, je ne sais pas si c'est une illusion, mais je pense que vraiment une partie de la réparation des troubles du comportement alimentaire, c'est une meilleure inclusion de tous, de toutes, d'une représentation de tous les corps.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que vous aimeriez dire à... Quelqu'un qui nous écoute peut-être et qui se reconnaît dans ce que vous vivez, ou ce que vous avez vécu. Voilà, un message ou un conseil.

  • Speaker #1

    Moi, je dirais, ça va aller mieux. Ça ne sera pas tout le temps horrible. Ça va l'être. Dur, dur, dur, dur, dur. Mais aussi, ça va Il y a plein de gens à qui tu peux parler, ça peut être juste des gens qui partagent le même trouble que toi, ça peut être des soignants, ça peut être vraiment toutes sortes de gens, il y a des mains tendues partout. C'est possible, c'est ok. C'est ok aussi de jamais guérir. En fait, on peut vivre toute sa vie avec un trouble du comportement alimentaire. L'important, c'est de vivre au mieux avec et de se faire le moins de mal possible. Je crois que ça, c'est important. Et il y a un deuxième truc que je voudrais dire, c'est que sûrement ton pire cauchemar, c'est d'être gros. C'est OK, en fait. On peut aussi vivre très heureux et très bien, gros ou grosses. Voilà.

  • Speaker #2

    Merci, Anne. Ça ressemble un peu à ce que j'avais envie de dire, du coup. J'avais écrit un petit texte, mais bon, je vais essayer de le rendre plus oral. J'avais envie de dire aux personnes qui nous écoutent, à celles qui souffrent et à celles qui n'ont pas d'oreilles, forcément, et qui aujourd'hui, elles, sont non-personnes, de ne pas oublier. Qui elles sont ? Qui elles sont au-delà de leur apparence ? C'est-à-dire quelles sont tes valeurs ? Comment est-ce que tu aimes la vie ? Comment est-ce que tu aimes les autres ? Qu'est-ce qui te fait du bien ? Comment est-ce que toi tu fais du bien aux autres ? Qui tu es vraiment ? Et ne t'attarde pas sur ton corps parce que sa beauté, elle est éphémère, subjective, changeante. Et ce qui rayonne, c'est ton sourire, tes paroles, tes gestes, ton amour. Il n'est jamais trop tard pour recommencer à aimer ta vie. Et surtout, ose. Ose demander de l'aide. À une ou à des personnes de confiance et au corps médical compétent. Il y en a, ça existe. De plus en plus. Tu n'es pas seule.

  • Speaker #0

    Magnifique. Ouais. Ça va rejoindre ce que vous avez dit. J'ai envie de dire que c'est possible. de se rétablir, de guérir. C'est possible d'avoir une vie qui ne tourne pas autour de la nourriture, autour de son addiction, et un jour de se surprendre à penser à autre chose. Et qu'il ne faut pas hésiter, vraiment pas hésiter à essayer toutes les manières possibles et inimaginables de chercher de l'aide, même si ça ne marche pas à un côté, et toquer à une autre porte. Et je trouve, ça me fait me rappeler que la première chose qui m'a vraiment aidée, c'est un témoignage que j'avais écouté sur YouTube à l'époque. d'une fille qui avait réussi à sortir des troubles du comportement alimentaire. Et ça faisait 10 ans. Et je me suis dit, c'est bon, c'est moi aussi, je vais y arriver. Donc, tu peux y arriver.

  • Speaker #1

    Merci. Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    On n'a vraiment pas du tout tenu les temps. Désolée, mais c'était trop intéressant.

  • Speaker #1

    Bisous ! La Perche est un podcast produit par La Maison Perchée, écrit et réalisé par Anna Klarsfeld et Sylvain Pinot, et avec une musique originale de Blasé.

  • Speaker #0

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  • Speaker #1

    sur les réseaux sociaux,

  • Speaker #0

    ainsi qu'à Paris dans notre café singulier, ouvert à toutes et tous. Vous aimez La Perche ? Soutenez-nous avec des étoiles ou un commentaire sur votre appli de podcast.

  • Speaker #1

    Et abonnez-vous pour ne pas manquer les prochains épisodes.

  • Speaker #0

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  • Speaker #1

    ça change des vies.

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