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La Perche

Santé mentale et héritage culturel : trouver son chemin

Santé mentale et héritage culturel : trouver son chemin

34min |10/05/2025|

1066

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34min |10/05/2025|

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Description

Dans cet épisode, on explore les relations complexes entre santé mentale et multiculturalité. Comment la double culture influence-t-elle notre rapport aux soins psychiques ? Comment naviguer entre différentes visions du monde quand il s'agit de santé mentale ?

Pour répondre à ces questions passionnantes, on accueille Josy et Raphaël, qui partagent leurs expériences personnelles en tant que personnes d'origines togolaises et indiennes.


On aborde sans détour les défis spécifiques auxquels font face les personnes issues de cultures extra-européennes : les tabous familiaux, les différences de perception, mais aussi les ressources et les solutions qui émergent. De l'ethnopsychiatrie aux thérapies de groupe, en passant par l'art-thérapie, on explore les multiples chemins qui permettent de construire un rapport apaisé à sa santé mentale, tout en honorant ses racines culturelles.


Bonne écoute !


__________

Un podcast écrit et réalisé par Anna Klarsfeld et Sylvain Pinot

Musique originale composée par Blasé en collaboration avec Mickaël

Produit par La Maison Perchée


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La santé mentale, c'est un impensé. Je veux dire, pour eux, c'est... On se marie, on a des enfants, et puis voilà, on ferme sa bouche, quoi. Les parents décident de ce que vont faire les enfants, et voilà, il n'y a pas d'introspection.

  • Speaker #1

    Vous écoutez La Perche, un podcast produit par La Maison Percée.

  • Speaker #2

    Nous sommes une association fondée sur l'entraide entre jeunes adultes vivant avec des troubles psychiques, ainsi que leurs proches.

  • Speaker #1

    Nous sommes convaincus que tout le monde gagnerait à apprendre de celles et ceux qui vivent avec et au contact des maladies psychiques.

  • Speaker #2

    Ici, on aborde des sujets parfois sensibles, sans détour ni tabou, et on vous invite à écouter le podcast à votre rythme.

  • Speaker #1

    Si vous traversez un moment difficile, ne restez pas seul. En cas d'urgence, appelez le 3114.

  • Speaker #2

    Je suis Sylvain Pinault, réalisateur de podcast et père aidant à la Maison Percher.

  • Speaker #1

    Je suis Anna Klarsfeld, créatrice de podcast et proche de personnes concernées. On y va ?

  • Speaker #0

    Let's go !

  • Speaker #2

    On parle beaucoup de psychoéducation ici, dans ce lieu et dans ce podcast. Et plus on creuse, plus on constate la singularité de chaque parcours. Un des nœuds que l'on rencontre souvent, c'est celui de l'appartenance culturelle et des croyances religieuses. Les définitions viennent parfois se heurter à des mythes et des croyances, et le spectre déjà large des troubles psy devient encore plus difficile à cerner.

  • Speaker #1

    Quelle différence y a-t-il entre symptômes de manie et éveil spirituel ? Est-ce que les psychiatres sont à même de tout adresser ? Quel est l'impact des appartenances sur le diagnostic, la prise en charge et le rétablissement ? Des questions passionnantes, je dirais même existentielles, que l'on va aborder ensemble. Pour en discuter, on a l'honneur de recevoir ce soir Josie et Raphaël.

  • Speaker #0

    Bonjour. Bonjour.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pouvez tout d'abord vous présenter en quelques mots et nous dire notamment, d'une part, avec quels troubles vous vivez, et d'autre part, quelles sont les appartenances culturelles et religieuses qui vous semblent pertinentes dans le cadre de cet épisode ? Raphaël ?

  • Speaker #0

    Alors, moi c'est Raphaël, j'ai rejoint la Maison Percher il y a trois mois. Je suis porteur du trou Borderline et j'ai un trouble anxieux majeur. Mes appartenances religieuses, donc je viens d'une famille hindouiste et moi je suis protestant. Par rapport à l'appartenance culturelle, donc d'origine indienne, et c'est mon grand-père qui est venu en France, donc voilà.

  • Speaker #1

    Donc tu t'es converti, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    à 24 ans. À 24 ans, ok.

  • Speaker #3

    Alors moi c'est Josie, je suis d'origine togolaise, j'ai essentiellement grandi en Europe. Je précise parce que j'ai un peu un schéma de vie qui n'est pas peut-être classique. Je suis née au Togo et de mes 6 mois jusqu'à mes 7 ans, j'ai vécu à Bruxelles. Ensuite, de mes 7 ans à mes 10 ans, j'ai vécu au Togo. Et de mes 10 ans jusqu'à mes 22-23, j'ai vécu à Lille. Et depuis, maintenant, à Paris. Je viens d'une famille qui est très croyante. J'ai grandi avec une mère protestante qui a une éducation de base catholique. C'est assez intéressant dans la construction et l'environnement, comment il m'a un peu orientée par rapport à la santé mentale parce que Même si je suis née au Togo, j'ai grandi dans un environnement qui restait très occidental. Depuis petite, beaucoup de mes amis étaient pratiquement tous blancs. J'ai grandi comme ça, sans vraiment me poser de questions. Et je pense que les problématiques sont plutôt rentrées dans la période de l'adolescence, dans tout ce qui est transformation physique, dans tout ce qui est aussi... Le fait de rentrer en fait un peu en confrontation avec la société, les injonctions, parce que je pense que c'est à ce moment-là aussi qu'il y a pas mal de constructions sociétales qui viennent. Ce qui fait que j'ai développé des troubles du comportement alimentaire, une plus forte anxiété. À l'âge adulte, j'ai eu des grosses crises d'angoisse, j'ai eu deux périodes de burn-out. et dépression. Et c'est vrai que je... En fait, en fonction de comment on a grandi, que ce soit des origines, du milieu dans lequel on vient, et aussi la confrontation avec la société, il y a beaucoup de choses qui s'entrechoquent. Et la perception de la santé mentale n'est pas... Moi, j'en ai conscience, ce n'est pas la même. Quand je dis j'en ai conscience, quand j'étais petite, ma mère a eu un cancer du sein. À la fin, quand elle a eu la rémission, forcément, on lui a proposé le parcours d'être suivie par un ou une psychologue. Et c'est quelque chose qui, pour elle, je pense, culturellement, c'était difficilement acceptable. Et d'autant plus que c'est une pratiquante. Donc je pense qu'elle voulait s'en remettre vraiment à sa foi, plus qu'à cet aspect qui était complètement nouveau, on va dire.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant parce qu'en fait, j'avais des problèmes relationnels avec ma mère. Bon, c'est un milieu très, très invalidant. D'ailleurs, on sait que souvent, les troubles borderline, ça vient d'un milieu invalidant, quoi. Ça veut dire quoi,

  • Speaker #1

    invalidant ?

  • Speaker #0

    Ah, un milieu invalidant, c'est une très bonne question. C'est vrai que souvent, je lis ces choses-là, mais du coup, c'est un milieu qui ne valide pas les émotions. On va dire ça comme ça.

  • Speaker #1

    Ok,

  • Speaker #0

    ok. Qu'est-ce que je voulais dire ? Oui, ma mère, en fait, comme je ne m'entendais pas bien avec elle, elle me menaçait en me disant « Si c'est comme ça, je vais être obligée à voir un psy. » Mais comme une menace, pas comme quelque chose qui va m'aider à aller mieux, c'était plus une punition en fait. Elle voyait ça comme une punition d'aller voir un psy. Et puis après, à 18 ans, j'ai fait une grosse dépression et là j'ai appelé Phil Santé Jeune et là j'en pouvais plus. J'étais vraiment déjà suicidaire, dépressif et le psychiatre de Phil Santé Jeune a imposé à ma mère que j'aille voir une psychologue. Et là elle m'a dit « Tu m'as forcé la main. » c'est à dire qu'en fait pour elle que moi je fasse la demande c'était inconcevable mais mon père quand j'ai vu cette psychologue m'a dit il n'y a que les fous qui vont voir des psys, d'ailleurs je lui ressors des fois tu m'as dit ça mais pour lui c'était ça en fait les gens qui allaient voir des psychologues c'était fou, il me l'a dit maintenant ils regrettent, ma mère aussi ils ont changé de comportement mais c'est des choses qui sont restées ça génère du ressentiment Mais voilà, moi je me suis contrôlé beaucoup contre mes parents, en sorte de rébellion. Mais voilà, la santé mentale, c'est un impensé. Je veux dire, pour eux, c'est... On se marie, on a des enfants, et puis voilà, on ferme sa bouche, quoi. Les parents décident de ce que vont faire les enfants, et voilà, il n'y a pas de... Il n'y a pas d'introspection. Peut-être qu'aujourd'hui, ils ont changé certainement, mais en tout cas, à l'époque, c'était comme ça.

  • Speaker #1

    Ça rejoint, on avait eu une invitée qui travaille chez Nightline, qui nous avait dit que ses parents aussi, que pour eux, aller voir un psy, c'était vraiment quand on était... fou et dit de façon très péjorative.

  • Speaker #2

    Comme tu dis, c'est un impensé. On le rejette, on le met loin et ça ne rentre jamais dans le foyer.

  • Speaker #0

    Oui, puis elle m'en voulait. C'est-à-dire que quand je suis allée voir le psy, elle m'a fait la gueule. C'était vraiment un truc que je lui ai imposé. C'est-à-dire qu'à un moment donné, j'ai mis un tiers entre elle et moi, j'ai appelé la ligne d'écoute, mais si je n'avais pas appelé la ligne d'écoute, jamais elle n'aurait accepté que son fils aille voir un psy. C'est moi qui ai forcé la main, en fait.

  • Speaker #2

    Tu dis honte par rapport à la réputation de la famille ?

  • Speaker #0

    Par rapport à elle-même, par rapport à ce que le candidat a, par rapport à mon père, par rapport à la famille, oui, bien sûr.

  • Speaker #1

    Et tu penses qu'elle, par exemple, ou ton père, ou de façon générale ta famille, s'ils avaient des souffrances psychiques, juste ils fermaient leur bouche, comme tu dis, ils n'en parlaient à personne, ou est-ce qu'ils en parlaient à d'autres référents, ou d'autres personnes, comme disait Josie ? Par exemple, un prêtre ou en l'occurrence,

  • Speaker #0

    son hindouisme. Dans la culture hindouiste, en fait, les prêtres ne sont pas là vraiment pour écouter. C'est juste un rôle rituel, on va dire. Voilà. Je pense qu'elle en parlait à ses sœurs. C'est plus la famille, peut-être des amis. Voilà. Mais il y avait aussi le kandiraton, c'est-à-dire qu'il fallait montrer une belle image externe, une sorte de maison dorée. Puis à l'intérieur, voilà, il y avait ce côté de préserver les apparences, en fait. c'est très très important voilà Je dirais, non, on va aller voir un psy, non, c'est pas dans leur culture. Et ma mère me disait, parce que moi j'ai rejoint des groupes de parole après, et elle me disait, toi c'est bien Raphaël, parce que tu vas au devant, tu oses parler, moi je ne pourrais pas le faire. Il y avait un truc culturel qui, c'est pas possible pour elle.

  • Speaker #2

    Elle est quand même félicité de le faire.

  • Speaker #0

    C'est fait du bien que tu dis ça, parce que des fois je peux diaboliser ma mère, mais en fait, elle a reconnu des bonnes choses chez moi. C'est pas que du mauvais. Oui,

  • Speaker #1

    et c'était peut-être... de mis du temps mais...

  • Speaker #2

    C'est sûr qu'il n'y a pas que du mauvais. Si tu voulais rajouter quelque chose...

  • Speaker #3

    Je trouve ça hyper intéressant ce que tu dis Raphaël parce que il y a vraiment ce côté effectivement aussi de quand dira-t-on ? Et c'est vrai que j'ai grandi dans une famille qui était... Enfin, j'ai eu une éducation très... Restricte. Et du coup, j'ai aussi grandi dans une famille où le candidaton, c'était tout. Et je pense que les difficultés, je pense qu'on en rencontre tous. Qu'il y a des moments de la vie où il y a besoin, enfin vraiment, de pouvoir se sentir écoutée. Et je pense que ça a été le cas de mes parents ou de mes grands-parents ou d'oncles ou de tantes. Mais je sais que c'est mieux que ça reste dans le cercle privé que ça ne sorte. Et c'est un peu cette peur aussi, entre guillemets, de se livrer à quelqu'un d'autre. Donc non, je trouve ça hyper intéressant.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pensez que vos croyances religieuses ou vos appartenances culturelles ont pu aussi être des vecteurs de rétablissement ?

  • Speaker #0

    Je veux bien parler de la question spirituelle parce que moi, j'ai toujours eu la foi. C'est très cliché de dire ça. Désolé. C'est un peu Ophélie Winter qui m'a donné la foi. Je l'adore d'ailleurs, au bâtard. Bisous, Ophélie. Ma psychologue m'a regardé, parce que moi j'ai dans le troupe bord de règne, dans les critères il y a aussi d'avoir deux addictions, je crois que c'est dans les critères etc, c'est souvent un profil assez addictif, beaucoup d'impulsivité, moi j'ai des addictions. Et j'allais dans les groupes de parole fondés sur le principe des alcooliques anonymes. fondée aussi sur la spiritualité. Et donc, ma psychologue clinicienne me disait « C'est très important, effectivement, pour toi d'avoir une spiritualité. » Elle disait que j'avais de la chance d'avoir une spiritualité, en fait. Et effectivement, ça m'aide beaucoup. Parce que dans le trou borderline, il y a un vide. C'est l'un des critères. Et je me rappelle, j'étais à l'hôpital, et ce petit 4 me dit « Mais est-ce que vous ressentez le vide ? » Mais je lui dis « Non, parce que moi, j'ai une spiritualité. Je remplis ça par la spiritualité. » Et heureusement, parce que je trouve que... Voilà, moi ça m'aide à vivre, ça aide effectivement, il y a beaucoup de pensées suicidaires, d'idées noires. Après chaque crise relationnelle, moi j'avais de la dépression. Et le fait d'avoir une spiritualité, je ne parle pas forcément de religion, mais d'avoir quelque chose qui me maintient en vie, qui me donne un sens. Du coup, c'est pour ça que je suis ici, je pense. En chair et en os, c'est vivant. Après, je ne fais pas de prosélytisme, mais moi, en tout cas, c'est une ressource.

  • Speaker #2

    Josie, toi, tu m'as parlé un peu de ta pratique artistique. Tu nous as dit que tu étais directrice artistique et tu m'as dit que tu allais t'orienter vers une pratique d'art-thérapie. Donc, tu es en études en psycho pour aller vers ce chemin-là. Est-ce que tu pourrais peut-être définir un peu ce que c'est ?

  • Speaker #3

    Déjà, de base, du coup, moi, la pratique euh... Tous les arts plastiques m'ont beaucoup aidé durant l'adolescence. J'alternais entre anorexie et boulimie, automutilisation. Ça me permettait de réguler mon anxiété et mes pensées aussi. Et c'est vrai que je pense que c'est ce qui a fait qu'aujourd'hui je suis dans le milieu du graphisme parce que je voulais vraiment un métier qui, pour moi, fasse sens. Dans la pratique de l'art-thérapie, ce que je trouvais intéressant, c'est... Pour moi, l'art, c'est vraiment universel, c'est-à-dire que ça permet de naviguer entre plusieurs milieux, plusieurs cultures. C'est vraiment un outil qui n'est encore pas assez exploité et qui peut permettre d'aider au niveau de l'identité, la construction identitaire, mais aussi d'ouvrir les esprits.

  • Speaker #1

    permettre aussi de partager d'échanger et ça me renvoie à ce que tu dis à quelque chose que tu disais tout à l'heure je sais pas si t'as envie de développer plus mais on vit encore dans une société dans laquelle il y a beaucoup de racisme de discrimination en tout genre, d'invalidation en tout genre et j'ai eu l'impression dans ce que tu disais tout à l'heure mais c'était évoqué donc je te laisse c'est... On parlait si t'as envie, j'ai eu l'impression que les troubles du comportement alimentaire que t'as traversé étaient liés en partie à ça ?

  • Speaker #3

    Pour moi je pense que oui c'est lié dans le sens des représentations. J'ai grandi, comme je le disais, dans un environnement où moi c'était essentiellement très blanc. Et du coup arrive la période de l'adolescence, tu commences à avoir des formes, tout ça. à un moment, oui, je voulais... m'effacer pour pouvoir rentrer dans la norme en fait. Et du coup, oui, j'ai alterné entre anorexie et boulimie. Alors des phases de TCA, j'en ai eu deux, on va dire deux grosses. J'en ai eu une à la période de l'adolescence et une autre où j'étais adulte. Je devais avoir 25-26 ans. Et c'était un moment où j'étais dans un milieu... milieu publicitaire où c'est là où on crée les normes, c'est là où on doit rentrer dans la norme. Et donc, ouais, c'est assez complexe.

  • Speaker #1

    Oui, c'est-à-dire que bon, déjà, pour toutes les femmes, la société impose un modèle de beauté qui est assez éloigné de... l'apparence de 99% des femmes, mais peut-être encore plus pour toutes les personnes racisées, comme les modèles de beauté des magazines sont essentiellement blancs. J'imagine qu'il y a encore plus de pression à effacer qui on est, parce qu'en fait on n'est pas la mannequin de Biba.

  • Speaker #3

    Moi, je me référais par rapport à mon environnement et mon milieu. Parce que c'est aussi sociétal. Moi, la deuxième phase où j'étais en phase d'énorme perte de poids, il y a eu un choc, et c'est là où c'est intéressant, il y a eu un choc frontal avec ma famille. Parce que souvent dans la culture africaine, en général, il vaut mieux être plus en chair. Et du coup, il y a eu un peu ce choc en se disant, qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Moi, dans la culture indienne, il fallait être bien en chair pour un homme. Avoir un gros ventre était signe de richesse. Du coup, quand j'allais en vacances en Inde et qu'on me voyait tout maigrichant, on me disait mais c'est pas possible. Alors qu'en fait, en France, on me disait rien. Il y avait ce truc un peu de deux cultures. Les deux, comment dire, ce qui était attendu en Inde n'était pas la même chose qui était attendu en France. Donc à un moment donné, moi j'étais totalement perdue et j'ai eu aussi, j'ai toujours des TCA, bon les j'ai, mais c'est les codes. Les codes ne sont pas les mêmes en fait. Les codes ne sont pas du tout les mêmes. Ma mère par exemple ne voulait pas que je sorte parce que qu'en Inde, dans ma famille, il ne fallait pas être trop bronzé. Alors qu'en fait, en France, les Européens, être bronzé, c'est sexy. Il y a plein de choses comme ça, en fait. Et en Inde, il y a Bollywood, donc il y a l'industrie du cinéma, et il faut être beau. Dans ma famille, il fallait être belle ou beau, parce que je pense qu'un psy, en fait, s'il ne comprend pas ça sur la culture indienne, c'est sur le mariage arrangé. Il faut vraiment comprendre ça. Moi, des fois, il y a des psys qui ne comprenaient rien. Mais moi, c'était toute ma vie. J'entendais parler du mariage arrangé du matin. au soir. A 14 ans, ma mère me parlait de mariage arrangé. Bon, voilà. Aujourd'hui, elle a évolué, bon voilà, évidemment, mais c'était une obsession. Elle parlait que de ça. Il faut qu'on va le marier lui, on va la marier elle, et puis il y avait aussi les hommes, il fallait qu'ils soient médecins ou ingénieurs dans ma famille, et les femmes, il fallait qu'elles soient très belles, et voilà. C'était très sexiste, hein, mais voilà, il y avait des choses comme ça.

  • Speaker #1

    Cela dit... Enfin, cela dit, moi je vois ma grand-mère, elle est aussi dans ce genre de schéma. Enfin, je pense que, peut-être que pas mes parents, mais à la génération de tu, c'est des choses...

  • Speaker #0

    Moi, c'est mes parents.

  • Speaker #1

    Quand on est sorti, en fonction des cultures, on est sorti à une génération.

  • Speaker #0

    Il y a eu une génération, mais moi, c'était mes parents. Et du coup, oui. Je pense que ça crée des traumas différents. Moi, je pense que j'ai des traumas différents par rapport à mes copains, copines qui sont français de souche. Ce n'est pas les mêmes choses, en fait. Et d'où, là, je te rejoins sur l'ethnopsychiatrie, ce n'est pas les mêmes traumas. Quand je parle en thérapie de groupe à mes amis, Marie-Gérard Angers me regarde. De quoi il parle, en fait ? Il y a un décalage en fait. Donc là, je pense que s'il y a des psys qui ne comprennent rien, qui ne sont pas au fait d'un minimum syndical de telle culture, ça ne va pas le faire en fait.

  • Speaker #2

    Ça t'a pris du temps pour trouver les bons psys ? Justement, avec ces thérapeutes, est-ce que tu as subi des actes un minimum maladroits, voire du racisme ouvertement ?

  • Speaker #0

    Je suis allée dans un CMP, je me rappelle, et à un moment, la psy me dit « parlez-moi de l'Inde » . Je crois qu'elle avait une... Non, elle n'avait pas une clope. Non, mais ça faisait ça, genre, parlez-moi de l'Inde. Un truc qui n'a rien à voir, en fait. Mais c'était, elle avait un besoin d'exotisme, en fait. Et des fois, voilà, c'est un peu l'essentialisme. Je suis un peu basanée, je ressemble, voilà. Et il y a une recherche d'exotisme, alors que moi, je n'en ai pas pour ça, en fait. Si ça vient, ça vient, mais c'est moi qui décide, en fait. La psy que j'ai connaît très bien l'Inde. Je pense qu'il y a une bonne alliance thérapeutique. Et souvent, moi, j'ai fait aussi des constellations familiales et il y a les archétypes indiens qui vont en revenir. Donc ça, j'avais des thérapeutes qui étaient OK pour que ça vienne. Ça, c'est très important. Moi, souvent, dans les rêves éveillés ou dans les constellations familiales, il y a des archétypes, des déesses indiennes, d'Urga, qui vont venir, qui vont symboliser la colère. Et quelqu'un d'européen ne va pas forcément avoir les mêmes choses. Ça peut être Jeanne d'Arc ou je sais pas, voilà. Et moi ça va être une divinité indienne.

  • Speaker #1

    Tu veux bien expliquer ce que c'est les constellations familiales pour eux ? Oui,

  • Speaker #0

    bien sûr. En gros, c'est quand quelqu'un a une problématique, donc il se met au centre, enfin moi c'est comme ça que je faisais, il se met au centre et en fait on va représenter en 3D le fonctionnement interne de la personne. Et moi je trouve que c'est très intéressant de voir en 3D ce qui se passe.

  • Speaker #1

    Concrètement, c'est une représentation de toi, entouré par des personnes ou des déesses ou des personnes symboliques qui comptent pour toi, pour ta psyché.

  • Speaker #0

    Voilà. Et le psy va demander, ou moi, je vais demander à quelqu'un d'incarner, je ne sais pas, ma mère, ou je vais demander d'incarner la colère, je vais demander d'incarner une déesse et il y a quelque chose qui se fait. Et à la fin, il y a une résolution émotionnelle. Et moi, j'ai beaucoup pratiqué ça. Et il y avait souvent l'un des problématiques culturelles qui revenaient.

  • Speaker #1

    Et dans ce cadre-là, les psychologues ou les thérapeutes avec qui tu... faisaient ça, ils connaissaient ces références culturelles-là ou pas ? Et est-ce que ça jouait dans l'efficacité du processus, le fait qu'ils aient une connaissance un peu des éléments culturels que tu convoques ?

  • Speaker #0

    C'était des thérapies plutôt blasées sur l'enfant intérieur, d'inspiration jungienne. Et Jung a beaucoup travaillé aussi sur les cultures orientales. Et je crois que c'est Jung qui disait ça, que c'était important de se caler aux références culturelles du patient. C'est-à-dire que si le patient est d'origine chinoise, c'est normal que les représentations culturelles, c'est sushi chinois. Ça ne va pas être français. Et du coup, ces thérapeutes-là avaient cette école-là. Donc même s'ils ne connaissaient pas, ils avaient la curiosité de me demander. Donc il y avait une ouverture déjà. Et ça les intéressait.

  • Speaker #1

    D'accord. Je trouve ça super intéressant de se dire... Parce que l'ethnopsychiatrie, j'ai l'impression que souvent, il y a l'idée qu'on va essayer de parler le langage, que le thérapeute va essayer... Ou alors ça serait peut-être la mauvaise ethnopsychiatrie, dans une mauvaise ethnopsychiatrie. et c'est sûr qu'il y a de mauvais... Vous êtes nos psychiatres !

  • Speaker #0

    Ça pourrait être une espèce de... Enfin, le psychiatre pourrait vouloir s'approprier un peu les référentiels culturels pour les plaquer dans le cadre de la thérapie. Mais je trouve que c'est intéressant que là, ce soit plutôt des psys qui ne cherchent pas forcément à tout connaître de la culture indienne pour pouvoir te balancer des références, mais plutôt, ils te posent des questions, ils sont à l'écoute en fait de... Ce que toi tu vas amener.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Et je pense que le cas contraire serait inopérant, ce serait pas intéressant pour moi. Parce qu'en fait, moi je vois qu'il y a un tronc commun. Genre sur l'infant intérieur, peu importe les cultures, il y a une base commune. et après il y a des petites spécificités culturelles mais finalement le coeur c'est pas mes origines indiennes, c'est pas ça le coeur moi je fais de la thérapie des traumas et c'est pas que je sois indien ou pas, on s'en fout c'est vraiment aller voir, rencontrer le petit Raphaël et ça, voilà, je veux dire le mec qui est au Grand Henland c'est la même chose Oui,

  • Speaker #0

    c'est intéressant ce dialogue entre l'universel du fonctionnement de la psyché humaine et comment un peu marginalement mais Quand même le milieu culturel et les origines peuvent jouer, mais effectivement comme tu dis, de façon qui n'est pas forcément le cœur du truc.

  • Speaker #1

    Ah non, non, non, surtout pas.

  • Speaker #2

    C'est l'aspect des mythes et des mythèmes, c'est les sous-divisions de mythes. Et qu'en fait, dans plein de cultures différentes, on retrouve la même racine du mythe, mais qui est déclinée.

  • Speaker #1

    Bien sûr, quand tu regardes... l'enfant divin, c'est Moïse, c'est Jésus, c'est Krishna, c'est Bouddha. C'est la même chose pour moi. Ça se recoupe. Sauf qu'ils ont des noms différents. Et ça, les bons psychologues le savent. Et pareil,

  • Speaker #2

    le mythe d'Oedipe, qui se décline sous plein d'autres mythes dans la mythologie grecque.

  • Speaker #3

    Je pense que l'axe un peu de l'origine de la culture, d'où tu viens, entre guillemets, est quand même un repère, en fait. Quand je dis un repère, c'est... d'une certaine manière, de voir en fait par rapport à ton ancrage actuel. Enfin, tu vois, moi, je peux le nier. Enfin, tu vois, je me dis à chaque fois, mes origines, tu vois, ça fait genre 22... Non, 23 ans que je ne suis pas allée au Togo. Donc, je n'ai pas de référentiel, je n'ai pas de... Mais dans la construction, tu vois, de se dire, enfin, tu vois, moi, dans mon ancrage, où je suis, qui je suis... Peut-être que d'avoir tous ces éléments culturels, peut-être que ça aurait pu m'aider, enfin, ça peut m'aider à m'ancrer, en fait. Donc, je dis ça parce que c'est un sujet que j'aborde et que j'ai déjà abordé en thérapie, parce que c'est tellement un inconnu qu'au final, il y a un pan, en fait, qui est un peu en suspens.

  • Speaker #0

    Donc, toi, t'as l'impression, et d'ailleurs, dans... De ce point de vue-là, vous avez un vécu en partie commun. Est-ce que ce que tu dis, c'est que le fait d'être d'origine togolaise, mais en France, tout comme toi, t'es d'origine indienne, mais t'as grandi en France, ça a un impact dans la construction psychologique, en fait, cette double culture, quoi ?

  • Speaker #3

    D'autant plus, et ça, ça fait écho à des... J'ai des amis qui sont métis, c'est tout. Je pense que c'est la même problématique. C'est un impact au niveau identitaire. Parce que, c'est un truc, ça me... J'ai des amis du coup métis, où par exemple, que ce soit black, blanc, dès que quelqu'un va les voir, ça va être le black ou la black. Alors que, clairement... Donc c'est des choses... eux-mêmes me l'ont dit, en fait, au final, au niveau de... Ils ne savent pas. Et je pense que ça crée, en fait, des... Enfin, des problèmes... Enfin, voilà, des troubles, en fait. Ça crée des problématiques qui ne devraient pas avoir lieu et qui sont vraiment des problématiques sociétales.

  • Speaker #0

    C'est super intéressant ce que tu dis. Ça me fait penser à une amie qui est moitié brésilienne, moitié française et qui, en plus, a grandi en Asie. Et elle m'a dit qu'elle est... qu'elle allait voir une thérapeute qui était spécialisée sur ces questions de construction identitaire chez des personnes métisses ou biculturelles en tout cas. Et ça crée plein de sujets, oui.

  • Speaker #3

    Ça crée des sujets, j'aborde ça parce que là, moi, dans mon parcours thérapeutique et même dans mes études, J'en suis arrivée à un moment où ma psychologue, c'est elle qui m'a posé cette question de savoir si je voulais rencontrer un ethno-psychologue. Et oui, ça pourrait être intéressant, mais après, le travail que je fais avec elle, moi, il me convient aussi. Il me fait avancer. Et quand je rejoins avec les études en psychologie, moi, je fais des études en psycho pour pouvoir... Et j'aimerais me spécialiser, effectivement, en tout ce qui est art-thérapie, ethno-psychiatrie. pour pouvoir justement accueillir un public très large. L'idée n'est pas de, entre guillemets, un peu d'orienter vers une population en particulier.

  • Speaker #0

    De fermer les gens dans des caisses.

  • Speaker #3

    Exactement. Mais encore une fois, c'est la perception du monde et des gens.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous auriez des conseils ? On finit souvent les épisodes comme ça, par cette question. Est-ce que vous auriez des conseils pour des auditeurs ou auditrices qui nous écouteraient et qui... ont pu, qui peuvent être dans une situation dans laquelle leur santé mentale ou leur difficulté en matière de santé mentale ne sont pas forcément bien prises en compte ou validées par leur entourage et notamment du fait de facteurs culturels. Est-ce que vous auriez des conseils sur votre... en partant de votre vécu, à tous les deux ?

  • Speaker #3

    Moi, dans les conseils, c'est vrai qu'aujourd'hui, je trouve ça hyper intéressant. Par exemple, les réseaux sociaux, mais plutôt les réseaux sociaux dans le sens où il y a pas mal de comptes qui apportent vraiment une aide, un accompagnement sur le quotidien. On parlait tout à l'heure de la partie artistique, il y en a beaucoup qui en font des BD, qui en font des petits. Et je trouve que ça aborde... certaines thématiques et ça peut apaiser parfois. Enfin voilà, d'avoir... C'est un peu cliché ce que je vais dire, mais des petites phrases ou des petits mots inspirationnels, enfin voilà, de se reconnaître dans des situations par exemple d'anxiété, ça me fait penser à Théo Grosjean. Je sais pas si vous voyez. Enfin voilà, il y a pas mal de comptes en fait, Instagram, qui moi, nourrissent beaucoup. Et je pense que c'est vraiment... il y a le bon et le mauvais des réseaux sociaux mais je pense que ça c'est vraiment une chose qui est assez top je pense aussi qu'aujourd'hui on a la chance c'est peut-être pas assez mais qu'il y ait des gens qui en parlent notamment des artistes des personnes ou d'autres personnes publiques il y a vraiment et ça c'est quelque chose qu'on avait peut-être pas forcément avant et qui aide en fait aussi à se dire on n'est pas seul et puis je pense que c'est l'un des Merci. Le pilier, c'est aussi savoir s'entourer. Je pense que l'entourage, au moins une ou deux personnes qui savent vous accompagner, je pense que c'est hyper important.

  • Speaker #1

    Moi, en fait, je sais que mes parents ne viendront pas à la maison perché. Donc finalement, moi, ça m'a donné, ça m'a permis de me bouger les fesses. C'est moi qui suis venue tout seul. Des fois, je vois des parents qui viennent alors que les enfants, c'est touchant. Mais moi, ça m'a donné le fait de voir que c'était pas compris. Ça m'a donné la niaque. de m'en sortir en fait. Et voilà, après moi ce qui a beaucoup compté c'est les thérapies de groupe, je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup de gens issus des minorités visibles, ethniques, dans les thérapies de groupe, parce qu'effectivement en one to one avec un thérapeute, je vois personne d'autre, j'ai l'impression que je suis le seul qui a une double culture, etc. C'est pas vrai. il y a toujours deux ou trois personnes dans un groupe et ça permet de voir que j'ai d'autres personnes dans le vécu, même vécu que moi, je suis pas le seul en fait j'ai beaucoup fait de thérapie de groupe et moi je suggère de faire du groupe aussi en thérapie c'est très important et ça permet de sortir de sa coquille quoi

  • Speaker #0

    La paire est dense, finalement.

  • Speaker #1

    La paire est dense, c'est de cheminer avec des thérapeutes en groupe. Il y a 20 personnes, 14 personnes, c'est un peu intimidant, mais il y a plein de parcours divers. Voilà, donc s'ouvrir. Si on peut, évidemment, parce que c'est un coup, mais il faut se donner les moyens de s'en sortir aussi. Voilà.

  • Speaker #2

    Et ces thérapies de groupe, c'est dans quel cadre ?

  • Speaker #1

    Moi, je fais une thérapie de groupe sur les traumas. Donc c'est de la thérapie des traumas. J'ai fait de la thérapie sur l'enfant intérieur aussi, donc d'inspiration jungienne. Voilà, il y a plein de thérapies. C'est une fois par mois, avec un groupe continu, donc ça permet de créer des liens sécures avec les personnes. Et on se raconte nos vies, en fait. Et on se soutient, et voilà.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. A bientôt pour un prochain épisode de La Perche. Merci. On a fini par s'en sortir. Oui, tout va bien.

  • Speaker #2

    La Perche est un podcast produit par La Maison Perchée, écrit et réalisé par Anna Klarsfeld et Sylvain Pinault, et avec une musique originale de Blasie.

  • Speaker #0

    La Maison Perchée vous attend en ligne sur maisonperchée.org, sur les réseaux sociaux, ainsi qu'à Paris dans notre café singulier, ouvert à toutes et tous.

  • Speaker #2

    Vous aimez La Perche ? Soutenez-nous avec des étoiles ou un commentaire sur votre appui de podcast. Et abonnez-vous pour ne pas manquer les prochains épisodes.

  • Speaker #0

    Et surtout, n'hésitez pas à partager ce podcast autour de vous. Parler de santé mentale, ça change des vies.

Description

Dans cet épisode, on explore les relations complexes entre santé mentale et multiculturalité. Comment la double culture influence-t-elle notre rapport aux soins psychiques ? Comment naviguer entre différentes visions du monde quand il s'agit de santé mentale ?

Pour répondre à ces questions passionnantes, on accueille Josy et Raphaël, qui partagent leurs expériences personnelles en tant que personnes d'origines togolaises et indiennes.


On aborde sans détour les défis spécifiques auxquels font face les personnes issues de cultures extra-européennes : les tabous familiaux, les différences de perception, mais aussi les ressources et les solutions qui émergent. De l'ethnopsychiatrie aux thérapies de groupe, en passant par l'art-thérapie, on explore les multiples chemins qui permettent de construire un rapport apaisé à sa santé mentale, tout en honorant ses racines culturelles.


Bonne écoute !


__________

Un podcast écrit et réalisé par Anna Klarsfeld et Sylvain Pinot

Musique originale composée par Blasé en collaboration avec Mickaël

Produit par La Maison Perchée


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La santé mentale, c'est un impensé. Je veux dire, pour eux, c'est... On se marie, on a des enfants, et puis voilà, on ferme sa bouche, quoi. Les parents décident de ce que vont faire les enfants, et voilà, il n'y a pas d'introspection.

  • Speaker #1

    Vous écoutez La Perche, un podcast produit par La Maison Percée.

  • Speaker #2

    Nous sommes une association fondée sur l'entraide entre jeunes adultes vivant avec des troubles psychiques, ainsi que leurs proches.

  • Speaker #1

    Nous sommes convaincus que tout le monde gagnerait à apprendre de celles et ceux qui vivent avec et au contact des maladies psychiques.

  • Speaker #2

    Ici, on aborde des sujets parfois sensibles, sans détour ni tabou, et on vous invite à écouter le podcast à votre rythme.

  • Speaker #1

    Si vous traversez un moment difficile, ne restez pas seul. En cas d'urgence, appelez le 3114.

  • Speaker #2

    Je suis Sylvain Pinault, réalisateur de podcast et père aidant à la Maison Percher.

  • Speaker #1

    Je suis Anna Klarsfeld, créatrice de podcast et proche de personnes concernées. On y va ?

  • Speaker #0

    Let's go !

  • Speaker #2

    On parle beaucoup de psychoéducation ici, dans ce lieu et dans ce podcast. Et plus on creuse, plus on constate la singularité de chaque parcours. Un des nœuds que l'on rencontre souvent, c'est celui de l'appartenance culturelle et des croyances religieuses. Les définitions viennent parfois se heurter à des mythes et des croyances, et le spectre déjà large des troubles psy devient encore plus difficile à cerner.

  • Speaker #1

    Quelle différence y a-t-il entre symptômes de manie et éveil spirituel ? Est-ce que les psychiatres sont à même de tout adresser ? Quel est l'impact des appartenances sur le diagnostic, la prise en charge et le rétablissement ? Des questions passionnantes, je dirais même existentielles, que l'on va aborder ensemble. Pour en discuter, on a l'honneur de recevoir ce soir Josie et Raphaël.

  • Speaker #0

    Bonjour. Bonjour.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pouvez tout d'abord vous présenter en quelques mots et nous dire notamment, d'une part, avec quels troubles vous vivez, et d'autre part, quelles sont les appartenances culturelles et religieuses qui vous semblent pertinentes dans le cadre de cet épisode ? Raphaël ?

  • Speaker #0

    Alors, moi c'est Raphaël, j'ai rejoint la Maison Percher il y a trois mois. Je suis porteur du trou Borderline et j'ai un trouble anxieux majeur. Mes appartenances religieuses, donc je viens d'une famille hindouiste et moi je suis protestant. Par rapport à l'appartenance culturelle, donc d'origine indienne, et c'est mon grand-père qui est venu en France, donc voilà.

  • Speaker #1

    Donc tu t'es converti, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    à 24 ans. À 24 ans, ok.

  • Speaker #3

    Alors moi c'est Josie, je suis d'origine togolaise, j'ai essentiellement grandi en Europe. Je précise parce que j'ai un peu un schéma de vie qui n'est pas peut-être classique. Je suis née au Togo et de mes 6 mois jusqu'à mes 7 ans, j'ai vécu à Bruxelles. Ensuite, de mes 7 ans à mes 10 ans, j'ai vécu au Togo. Et de mes 10 ans jusqu'à mes 22-23, j'ai vécu à Lille. Et depuis, maintenant, à Paris. Je viens d'une famille qui est très croyante. J'ai grandi avec une mère protestante qui a une éducation de base catholique. C'est assez intéressant dans la construction et l'environnement, comment il m'a un peu orientée par rapport à la santé mentale parce que Même si je suis née au Togo, j'ai grandi dans un environnement qui restait très occidental. Depuis petite, beaucoup de mes amis étaient pratiquement tous blancs. J'ai grandi comme ça, sans vraiment me poser de questions. Et je pense que les problématiques sont plutôt rentrées dans la période de l'adolescence, dans tout ce qui est transformation physique, dans tout ce qui est aussi... Le fait de rentrer en fait un peu en confrontation avec la société, les injonctions, parce que je pense que c'est à ce moment-là aussi qu'il y a pas mal de constructions sociétales qui viennent. Ce qui fait que j'ai développé des troubles du comportement alimentaire, une plus forte anxiété. À l'âge adulte, j'ai eu des grosses crises d'angoisse, j'ai eu deux périodes de burn-out. et dépression. Et c'est vrai que je... En fait, en fonction de comment on a grandi, que ce soit des origines, du milieu dans lequel on vient, et aussi la confrontation avec la société, il y a beaucoup de choses qui s'entrechoquent. Et la perception de la santé mentale n'est pas... Moi, j'en ai conscience, ce n'est pas la même. Quand je dis j'en ai conscience, quand j'étais petite, ma mère a eu un cancer du sein. À la fin, quand elle a eu la rémission, forcément, on lui a proposé le parcours d'être suivie par un ou une psychologue. Et c'est quelque chose qui, pour elle, je pense, culturellement, c'était difficilement acceptable. Et d'autant plus que c'est une pratiquante. Donc je pense qu'elle voulait s'en remettre vraiment à sa foi, plus qu'à cet aspect qui était complètement nouveau, on va dire.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant parce qu'en fait, j'avais des problèmes relationnels avec ma mère. Bon, c'est un milieu très, très invalidant. D'ailleurs, on sait que souvent, les troubles borderline, ça vient d'un milieu invalidant, quoi. Ça veut dire quoi,

  • Speaker #1

    invalidant ?

  • Speaker #0

    Ah, un milieu invalidant, c'est une très bonne question. C'est vrai que souvent, je lis ces choses-là, mais du coup, c'est un milieu qui ne valide pas les émotions. On va dire ça comme ça.

  • Speaker #1

    Ok,

  • Speaker #0

    ok. Qu'est-ce que je voulais dire ? Oui, ma mère, en fait, comme je ne m'entendais pas bien avec elle, elle me menaçait en me disant « Si c'est comme ça, je vais être obligée à voir un psy. » Mais comme une menace, pas comme quelque chose qui va m'aider à aller mieux, c'était plus une punition en fait. Elle voyait ça comme une punition d'aller voir un psy. Et puis après, à 18 ans, j'ai fait une grosse dépression et là j'ai appelé Phil Santé Jeune et là j'en pouvais plus. J'étais vraiment déjà suicidaire, dépressif et le psychiatre de Phil Santé Jeune a imposé à ma mère que j'aille voir une psychologue. Et là elle m'a dit « Tu m'as forcé la main. » c'est à dire qu'en fait pour elle que moi je fasse la demande c'était inconcevable mais mon père quand j'ai vu cette psychologue m'a dit il n'y a que les fous qui vont voir des psys, d'ailleurs je lui ressors des fois tu m'as dit ça mais pour lui c'était ça en fait les gens qui allaient voir des psychologues c'était fou, il me l'a dit maintenant ils regrettent, ma mère aussi ils ont changé de comportement mais c'est des choses qui sont restées ça génère du ressentiment Mais voilà, moi je me suis contrôlé beaucoup contre mes parents, en sorte de rébellion. Mais voilà, la santé mentale, c'est un impensé. Je veux dire, pour eux, c'est... On se marie, on a des enfants, et puis voilà, on ferme sa bouche, quoi. Les parents décident de ce que vont faire les enfants, et voilà, il n'y a pas de... Il n'y a pas d'introspection. Peut-être qu'aujourd'hui, ils ont changé certainement, mais en tout cas, à l'époque, c'était comme ça.

  • Speaker #1

    Ça rejoint, on avait eu une invitée qui travaille chez Nightline, qui nous avait dit que ses parents aussi, que pour eux, aller voir un psy, c'était vraiment quand on était... fou et dit de façon très péjorative.

  • Speaker #2

    Comme tu dis, c'est un impensé. On le rejette, on le met loin et ça ne rentre jamais dans le foyer.

  • Speaker #0

    Oui, puis elle m'en voulait. C'est-à-dire que quand je suis allée voir le psy, elle m'a fait la gueule. C'était vraiment un truc que je lui ai imposé. C'est-à-dire qu'à un moment donné, j'ai mis un tiers entre elle et moi, j'ai appelé la ligne d'écoute, mais si je n'avais pas appelé la ligne d'écoute, jamais elle n'aurait accepté que son fils aille voir un psy. C'est moi qui ai forcé la main, en fait.

  • Speaker #2

    Tu dis honte par rapport à la réputation de la famille ?

  • Speaker #0

    Par rapport à elle-même, par rapport à ce que le candidat a, par rapport à mon père, par rapport à la famille, oui, bien sûr.

  • Speaker #1

    Et tu penses qu'elle, par exemple, ou ton père, ou de façon générale ta famille, s'ils avaient des souffrances psychiques, juste ils fermaient leur bouche, comme tu dis, ils n'en parlaient à personne, ou est-ce qu'ils en parlaient à d'autres référents, ou d'autres personnes, comme disait Josie ? Par exemple, un prêtre ou en l'occurrence,

  • Speaker #0

    son hindouisme. Dans la culture hindouiste, en fait, les prêtres ne sont pas là vraiment pour écouter. C'est juste un rôle rituel, on va dire. Voilà. Je pense qu'elle en parlait à ses sœurs. C'est plus la famille, peut-être des amis. Voilà. Mais il y avait aussi le kandiraton, c'est-à-dire qu'il fallait montrer une belle image externe, une sorte de maison dorée. Puis à l'intérieur, voilà, il y avait ce côté de préserver les apparences, en fait. c'est très très important voilà Je dirais, non, on va aller voir un psy, non, c'est pas dans leur culture. Et ma mère me disait, parce que moi j'ai rejoint des groupes de parole après, et elle me disait, toi c'est bien Raphaël, parce que tu vas au devant, tu oses parler, moi je ne pourrais pas le faire. Il y avait un truc culturel qui, c'est pas possible pour elle.

  • Speaker #2

    Elle est quand même félicité de le faire.

  • Speaker #0

    C'est fait du bien que tu dis ça, parce que des fois je peux diaboliser ma mère, mais en fait, elle a reconnu des bonnes choses chez moi. C'est pas que du mauvais. Oui,

  • Speaker #1

    et c'était peut-être... de mis du temps mais...

  • Speaker #2

    C'est sûr qu'il n'y a pas que du mauvais. Si tu voulais rajouter quelque chose...

  • Speaker #3

    Je trouve ça hyper intéressant ce que tu dis Raphaël parce que il y a vraiment ce côté effectivement aussi de quand dira-t-on ? Et c'est vrai que j'ai grandi dans une famille qui était... Enfin, j'ai eu une éducation très... Restricte. Et du coup, j'ai aussi grandi dans une famille où le candidaton, c'était tout. Et je pense que les difficultés, je pense qu'on en rencontre tous. Qu'il y a des moments de la vie où il y a besoin, enfin vraiment, de pouvoir se sentir écoutée. Et je pense que ça a été le cas de mes parents ou de mes grands-parents ou d'oncles ou de tantes. Mais je sais que c'est mieux que ça reste dans le cercle privé que ça ne sorte. Et c'est un peu cette peur aussi, entre guillemets, de se livrer à quelqu'un d'autre. Donc non, je trouve ça hyper intéressant.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pensez que vos croyances religieuses ou vos appartenances culturelles ont pu aussi être des vecteurs de rétablissement ?

  • Speaker #0

    Je veux bien parler de la question spirituelle parce que moi, j'ai toujours eu la foi. C'est très cliché de dire ça. Désolé. C'est un peu Ophélie Winter qui m'a donné la foi. Je l'adore d'ailleurs, au bâtard. Bisous, Ophélie. Ma psychologue m'a regardé, parce que moi j'ai dans le troupe bord de règne, dans les critères il y a aussi d'avoir deux addictions, je crois que c'est dans les critères etc, c'est souvent un profil assez addictif, beaucoup d'impulsivité, moi j'ai des addictions. Et j'allais dans les groupes de parole fondés sur le principe des alcooliques anonymes. fondée aussi sur la spiritualité. Et donc, ma psychologue clinicienne me disait « C'est très important, effectivement, pour toi d'avoir une spiritualité. » Elle disait que j'avais de la chance d'avoir une spiritualité, en fait. Et effectivement, ça m'aide beaucoup. Parce que dans le trou borderline, il y a un vide. C'est l'un des critères. Et je me rappelle, j'étais à l'hôpital, et ce petit 4 me dit « Mais est-ce que vous ressentez le vide ? » Mais je lui dis « Non, parce que moi, j'ai une spiritualité. Je remplis ça par la spiritualité. » Et heureusement, parce que je trouve que... Voilà, moi ça m'aide à vivre, ça aide effectivement, il y a beaucoup de pensées suicidaires, d'idées noires. Après chaque crise relationnelle, moi j'avais de la dépression. Et le fait d'avoir une spiritualité, je ne parle pas forcément de religion, mais d'avoir quelque chose qui me maintient en vie, qui me donne un sens. Du coup, c'est pour ça que je suis ici, je pense. En chair et en os, c'est vivant. Après, je ne fais pas de prosélytisme, mais moi, en tout cas, c'est une ressource.

  • Speaker #2

    Josie, toi, tu m'as parlé un peu de ta pratique artistique. Tu nous as dit que tu étais directrice artistique et tu m'as dit que tu allais t'orienter vers une pratique d'art-thérapie. Donc, tu es en études en psycho pour aller vers ce chemin-là. Est-ce que tu pourrais peut-être définir un peu ce que c'est ?

  • Speaker #3

    Déjà, de base, du coup, moi, la pratique euh... Tous les arts plastiques m'ont beaucoup aidé durant l'adolescence. J'alternais entre anorexie et boulimie, automutilisation. Ça me permettait de réguler mon anxiété et mes pensées aussi. Et c'est vrai que je pense que c'est ce qui a fait qu'aujourd'hui je suis dans le milieu du graphisme parce que je voulais vraiment un métier qui, pour moi, fasse sens. Dans la pratique de l'art-thérapie, ce que je trouvais intéressant, c'est... Pour moi, l'art, c'est vraiment universel, c'est-à-dire que ça permet de naviguer entre plusieurs milieux, plusieurs cultures. C'est vraiment un outil qui n'est encore pas assez exploité et qui peut permettre d'aider au niveau de l'identité, la construction identitaire, mais aussi d'ouvrir les esprits.

  • Speaker #1

    permettre aussi de partager d'échanger et ça me renvoie à ce que tu dis à quelque chose que tu disais tout à l'heure je sais pas si t'as envie de développer plus mais on vit encore dans une société dans laquelle il y a beaucoup de racisme de discrimination en tout genre, d'invalidation en tout genre et j'ai eu l'impression dans ce que tu disais tout à l'heure mais c'était évoqué donc je te laisse c'est... On parlait si t'as envie, j'ai eu l'impression que les troubles du comportement alimentaire que t'as traversé étaient liés en partie à ça ?

  • Speaker #3

    Pour moi je pense que oui c'est lié dans le sens des représentations. J'ai grandi, comme je le disais, dans un environnement où moi c'était essentiellement très blanc. Et du coup arrive la période de l'adolescence, tu commences à avoir des formes, tout ça. à un moment, oui, je voulais... m'effacer pour pouvoir rentrer dans la norme en fait. Et du coup, oui, j'ai alterné entre anorexie et boulimie. Alors des phases de TCA, j'en ai eu deux, on va dire deux grosses. J'en ai eu une à la période de l'adolescence et une autre où j'étais adulte. Je devais avoir 25-26 ans. Et c'était un moment où j'étais dans un milieu... milieu publicitaire où c'est là où on crée les normes, c'est là où on doit rentrer dans la norme. Et donc, ouais, c'est assez complexe.

  • Speaker #1

    Oui, c'est-à-dire que bon, déjà, pour toutes les femmes, la société impose un modèle de beauté qui est assez éloigné de... l'apparence de 99% des femmes, mais peut-être encore plus pour toutes les personnes racisées, comme les modèles de beauté des magazines sont essentiellement blancs. J'imagine qu'il y a encore plus de pression à effacer qui on est, parce qu'en fait on n'est pas la mannequin de Biba.

  • Speaker #3

    Moi, je me référais par rapport à mon environnement et mon milieu. Parce que c'est aussi sociétal. Moi, la deuxième phase où j'étais en phase d'énorme perte de poids, il y a eu un choc, et c'est là où c'est intéressant, il y a eu un choc frontal avec ma famille. Parce que souvent dans la culture africaine, en général, il vaut mieux être plus en chair. Et du coup, il y a eu un peu ce choc en se disant, qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Moi, dans la culture indienne, il fallait être bien en chair pour un homme. Avoir un gros ventre était signe de richesse. Du coup, quand j'allais en vacances en Inde et qu'on me voyait tout maigrichant, on me disait mais c'est pas possible. Alors qu'en fait, en France, on me disait rien. Il y avait ce truc un peu de deux cultures. Les deux, comment dire, ce qui était attendu en Inde n'était pas la même chose qui était attendu en France. Donc à un moment donné, moi j'étais totalement perdue et j'ai eu aussi, j'ai toujours des TCA, bon les j'ai, mais c'est les codes. Les codes ne sont pas les mêmes en fait. Les codes ne sont pas du tout les mêmes. Ma mère par exemple ne voulait pas que je sorte parce que qu'en Inde, dans ma famille, il ne fallait pas être trop bronzé. Alors qu'en fait, en France, les Européens, être bronzé, c'est sexy. Il y a plein de choses comme ça, en fait. Et en Inde, il y a Bollywood, donc il y a l'industrie du cinéma, et il faut être beau. Dans ma famille, il fallait être belle ou beau, parce que je pense qu'un psy, en fait, s'il ne comprend pas ça sur la culture indienne, c'est sur le mariage arrangé. Il faut vraiment comprendre ça. Moi, des fois, il y a des psys qui ne comprenaient rien. Mais moi, c'était toute ma vie. J'entendais parler du mariage arrangé du matin. au soir. A 14 ans, ma mère me parlait de mariage arrangé. Bon, voilà. Aujourd'hui, elle a évolué, bon voilà, évidemment, mais c'était une obsession. Elle parlait que de ça. Il faut qu'on va le marier lui, on va la marier elle, et puis il y avait aussi les hommes, il fallait qu'ils soient médecins ou ingénieurs dans ma famille, et les femmes, il fallait qu'elles soient très belles, et voilà. C'était très sexiste, hein, mais voilà, il y avait des choses comme ça.

  • Speaker #1

    Cela dit... Enfin, cela dit, moi je vois ma grand-mère, elle est aussi dans ce genre de schéma. Enfin, je pense que, peut-être que pas mes parents, mais à la génération de tu, c'est des choses...

  • Speaker #0

    Moi, c'est mes parents.

  • Speaker #1

    Quand on est sorti, en fonction des cultures, on est sorti à une génération.

  • Speaker #0

    Il y a eu une génération, mais moi, c'était mes parents. Et du coup, oui. Je pense que ça crée des traumas différents. Moi, je pense que j'ai des traumas différents par rapport à mes copains, copines qui sont français de souche. Ce n'est pas les mêmes choses, en fait. Et d'où, là, je te rejoins sur l'ethnopsychiatrie, ce n'est pas les mêmes traumas. Quand je parle en thérapie de groupe à mes amis, Marie-Gérard Angers me regarde. De quoi il parle, en fait ? Il y a un décalage en fait. Donc là, je pense que s'il y a des psys qui ne comprennent rien, qui ne sont pas au fait d'un minimum syndical de telle culture, ça ne va pas le faire en fait.

  • Speaker #2

    Ça t'a pris du temps pour trouver les bons psys ? Justement, avec ces thérapeutes, est-ce que tu as subi des actes un minimum maladroits, voire du racisme ouvertement ?

  • Speaker #0

    Je suis allée dans un CMP, je me rappelle, et à un moment, la psy me dit « parlez-moi de l'Inde » . Je crois qu'elle avait une... Non, elle n'avait pas une clope. Non, mais ça faisait ça, genre, parlez-moi de l'Inde. Un truc qui n'a rien à voir, en fait. Mais c'était, elle avait un besoin d'exotisme, en fait. Et des fois, voilà, c'est un peu l'essentialisme. Je suis un peu basanée, je ressemble, voilà. Et il y a une recherche d'exotisme, alors que moi, je n'en ai pas pour ça, en fait. Si ça vient, ça vient, mais c'est moi qui décide, en fait. La psy que j'ai connaît très bien l'Inde. Je pense qu'il y a une bonne alliance thérapeutique. Et souvent, moi, j'ai fait aussi des constellations familiales et il y a les archétypes indiens qui vont en revenir. Donc ça, j'avais des thérapeutes qui étaient OK pour que ça vienne. Ça, c'est très important. Moi, souvent, dans les rêves éveillés ou dans les constellations familiales, il y a des archétypes, des déesses indiennes, d'Urga, qui vont venir, qui vont symboliser la colère. Et quelqu'un d'européen ne va pas forcément avoir les mêmes choses. Ça peut être Jeanne d'Arc ou je sais pas, voilà. Et moi ça va être une divinité indienne.

  • Speaker #1

    Tu veux bien expliquer ce que c'est les constellations familiales pour eux ? Oui,

  • Speaker #0

    bien sûr. En gros, c'est quand quelqu'un a une problématique, donc il se met au centre, enfin moi c'est comme ça que je faisais, il se met au centre et en fait on va représenter en 3D le fonctionnement interne de la personne. Et moi je trouve que c'est très intéressant de voir en 3D ce qui se passe.

  • Speaker #1

    Concrètement, c'est une représentation de toi, entouré par des personnes ou des déesses ou des personnes symboliques qui comptent pour toi, pour ta psyché.

  • Speaker #0

    Voilà. Et le psy va demander, ou moi, je vais demander à quelqu'un d'incarner, je ne sais pas, ma mère, ou je vais demander d'incarner la colère, je vais demander d'incarner une déesse et il y a quelque chose qui se fait. Et à la fin, il y a une résolution émotionnelle. Et moi, j'ai beaucoup pratiqué ça. Et il y avait souvent l'un des problématiques culturelles qui revenaient.

  • Speaker #1

    Et dans ce cadre-là, les psychologues ou les thérapeutes avec qui tu... faisaient ça, ils connaissaient ces références culturelles-là ou pas ? Et est-ce que ça jouait dans l'efficacité du processus, le fait qu'ils aient une connaissance un peu des éléments culturels que tu convoques ?

  • Speaker #0

    C'était des thérapies plutôt blasées sur l'enfant intérieur, d'inspiration jungienne. Et Jung a beaucoup travaillé aussi sur les cultures orientales. Et je crois que c'est Jung qui disait ça, que c'était important de se caler aux références culturelles du patient. C'est-à-dire que si le patient est d'origine chinoise, c'est normal que les représentations culturelles, c'est sushi chinois. Ça ne va pas être français. Et du coup, ces thérapeutes-là avaient cette école-là. Donc même s'ils ne connaissaient pas, ils avaient la curiosité de me demander. Donc il y avait une ouverture déjà. Et ça les intéressait.

  • Speaker #1

    D'accord. Je trouve ça super intéressant de se dire... Parce que l'ethnopsychiatrie, j'ai l'impression que souvent, il y a l'idée qu'on va essayer de parler le langage, que le thérapeute va essayer... Ou alors ça serait peut-être la mauvaise ethnopsychiatrie, dans une mauvaise ethnopsychiatrie. et c'est sûr qu'il y a de mauvais... Vous êtes nos psychiatres !

  • Speaker #0

    Ça pourrait être une espèce de... Enfin, le psychiatre pourrait vouloir s'approprier un peu les référentiels culturels pour les plaquer dans le cadre de la thérapie. Mais je trouve que c'est intéressant que là, ce soit plutôt des psys qui ne cherchent pas forcément à tout connaître de la culture indienne pour pouvoir te balancer des références, mais plutôt, ils te posent des questions, ils sont à l'écoute en fait de... Ce que toi tu vas amener.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Et je pense que le cas contraire serait inopérant, ce serait pas intéressant pour moi. Parce qu'en fait, moi je vois qu'il y a un tronc commun. Genre sur l'infant intérieur, peu importe les cultures, il y a une base commune. et après il y a des petites spécificités culturelles mais finalement le coeur c'est pas mes origines indiennes, c'est pas ça le coeur moi je fais de la thérapie des traumas et c'est pas que je sois indien ou pas, on s'en fout c'est vraiment aller voir, rencontrer le petit Raphaël et ça, voilà, je veux dire le mec qui est au Grand Henland c'est la même chose Oui,

  • Speaker #0

    c'est intéressant ce dialogue entre l'universel du fonctionnement de la psyché humaine et comment un peu marginalement mais Quand même le milieu culturel et les origines peuvent jouer, mais effectivement comme tu dis, de façon qui n'est pas forcément le cœur du truc.

  • Speaker #1

    Ah non, non, non, surtout pas.

  • Speaker #2

    C'est l'aspect des mythes et des mythèmes, c'est les sous-divisions de mythes. Et qu'en fait, dans plein de cultures différentes, on retrouve la même racine du mythe, mais qui est déclinée.

  • Speaker #1

    Bien sûr, quand tu regardes... l'enfant divin, c'est Moïse, c'est Jésus, c'est Krishna, c'est Bouddha. C'est la même chose pour moi. Ça se recoupe. Sauf qu'ils ont des noms différents. Et ça, les bons psychologues le savent. Et pareil,

  • Speaker #2

    le mythe d'Oedipe, qui se décline sous plein d'autres mythes dans la mythologie grecque.

  • Speaker #3

    Je pense que l'axe un peu de l'origine de la culture, d'où tu viens, entre guillemets, est quand même un repère, en fait. Quand je dis un repère, c'est... d'une certaine manière, de voir en fait par rapport à ton ancrage actuel. Enfin, tu vois, moi, je peux le nier. Enfin, tu vois, je me dis à chaque fois, mes origines, tu vois, ça fait genre 22... Non, 23 ans que je ne suis pas allée au Togo. Donc, je n'ai pas de référentiel, je n'ai pas de... Mais dans la construction, tu vois, de se dire, enfin, tu vois, moi, dans mon ancrage, où je suis, qui je suis... Peut-être que d'avoir tous ces éléments culturels, peut-être que ça aurait pu m'aider, enfin, ça peut m'aider à m'ancrer, en fait. Donc, je dis ça parce que c'est un sujet que j'aborde et que j'ai déjà abordé en thérapie, parce que c'est tellement un inconnu qu'au final, il y a un pan, en fait, qui est un peu en suspens.

  • Speaker #0

    Donc, toi, t'as l'impression, et d'ailleurs, dans... De ce point de vue-là, vous avez un vécu en partie commun. Est-ce que ce que tu dis, c'est que le fait d'être d'origine togolaise, mais en France, tout comme toi, t'es d'origine indienne, mais t'as grandi en France, ça a un impact dans la construction psychologique, en fait, cette double culture, quoi ?

  • Speaker #3

    D'autant plus, et ça, ça fait écho à des... J'ai des amis qui sont métis, c'est tout. Je pense que c'est la même problématique. C'est un impact au niveau identitaire. Parce que, c'est un truc, ça me... J'ai des amis du coup métis, où par exemple, que ce soit black, blanc, dès que quelqu'un va les voir, ça va être le black ou la black. Alors que, clairement... Donc c'est des choses... eux-mêmes me l'ont dit, en fait, au final, au niveau de... Ils ne savent pas. Et je pense que ça crée, en fait, des... Enfin, des problèmes... Enfin, voilà, des troubles, en fait. Ça crée des problématiques qui ne devraient pas avoir lieu et qui sont vraiment des problématiques sociétales.

  • Speaker #0

    C'est super intéressant ce que tu dis. Ça me fait penser à une amie qui est moitié brésilienne, moitié française et qui, en plus, a grandi en Asie. Et elle m'a dit qu'elle est... qu'elle allait voir une thérapeute qui était spécialisée sur ces questions de construction identitaire chez des personnes métisses ou biculturelles en tout cas. Et ça crée plein de sujets, oui.

  • Speaker #3

    Ça crée des sujets, j'aborde ça parce que là, moi, dans mon parcours thérapeutique et même dans mes études, J'en suis arrivée à un moment où ma psychologue, c'est elle qui m'a posé cette question de savoir si je voulais rencontrer un ethno-psychologue. Et oui, ça pourrait être intéressant, mais après, le travail que je fais avec elle, moi, il me convient aussi. Il me fait avancer. Et quand je rejoins avec les études en psychologie, moi, je fais des études en psycho pour pouvoir... Et j'aimerais me spécialiser, effectivement, en tout ce qui est art-thérapie, ethno-psychiatrie. pour pouvoir justement accueillir un public très large. L'idée n'est pas de, entre guillemets, un peu d'orienter vers une population en particulier.

  • Speaker #0

    De fermer les gens dans des caisses.

  • Speaker #3

    Exactement. Mais encore une fois, c'est la perception du monde et des gens.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous auriez des conseils ? On finit souvent les épisodes comme ça, par cette question. Est-ce que vous auriez des conseils pour des auditeurs ou auditrices qui nous écouteraient et qui... ont pu, qui peuvent être dans une situation dans laquelle leur santé mentale ou leur difficulté en matière de santé mentale ne sont pas forcément bien prises en compte ou validées par leur entourage et notamment du fait de facteurs culturels. Est-ce que vous auriez des conseils sur votre... en partant de votre vécu, à tous les deux ?

  • Speaker #3

    Moi, dans les conseils, c'est vrai qu'aujourd'hui, je trouve ça hyper intéressant. Par exemple, les réseaux sociaux, mais plutôt les réseaux sociaux dans le sens où il y a pas mal de comptes qui apportent vraiment une aide, un accompagnement sur le quotidien. On parlait tout à l'heure de la partie artistique, il y en a beaucoup qui en font des BD, qui en font des petits. Et je trouve que ça aborde... certaines thématiques et ça peut apaiser parfois. Enfin voilà, d'avoir... C'est un peu cliché ce que je vais dire, mais des petites phrases ou des petits mots inspirationnels, enfin voilà, de se reconnaître dans des situations par exemple d'anxiété, ça me fait penser à Théo Grosjean. Je sais pas si vous voyez. Enfin voilà, il y a pas mal de comptes en fait, Instagram, qui moi, nourrissent beaucoup. Et je pense que c'est vraiment... il y a le bon et le mauvais des réseaux sociaux mais je pense que ça c'est vraiment une chose qui est assez top je pense aussi qu'aujourd'hui on a la chance c'est peut-être pas assez mais qu'il y ait des gens qui en parlent notamment des artistes des personnes ou d'autres personnes publiques il y a vraiment et ça c'est quelque chose qu'on avait peut-être pas forcément avant et qui aide en fait aussi à se dire on n'est pas seul et puis je pense que c'est l'un des Merci. Le pilier, c'est aussi savoir s'entourer. Je pense que l'entourage, au moins une ou deux personnes qui savent vous accompagner, je pense que c'est hyper important.

  • Speaker #1

    Moi, en fait, je sais que mes parents ne viendront pas à la maison perché. Donc finalement, moi, ça m'a donné, ça m'a permis de me bouger les fesses. C'est moi qui suis venue tout seul. Des fois, je vois des parents qui viennent alors que les enfants, c'est touchant. Mais moi, ça m'a donné le fait de voir que c'était pas compris. Ça m'a donné la niaque. de m'en sortir en fait. Et voilà, après moi ce qui a beaucoup compté c'est les thérapies de groupe, je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup de gens issus des minorités visibles, ethniques, dans les thérapies de groupe, parce qu'effectivement en one to one avec un thérapeute, je vois personne d'autre, j'ai l'impression que je suis le seul qui a une double culture, etc. C'est pas vrai. il y a toujours deux ou trois personnes dans un groupe et ça permet de voir que j'ai d'autres personnes dans le vécu, même vécu que moi, je suis pas le seul en fait j'ai beaucoup fait de thérapie de groupe et moi je suggère de faire du groupe aussi en thérapie c'est très important et ça permet de sortir de sa coquille quoi

  • Speaker #0

    La paire est dense, finalement.

  • Speaker #1

    La paire est dense, c'est de cheminer avec des thérapeutes en groupe. Il y a 20 personnes, 14 personnes, c'est un peu intimidant, mais il y a plein de parcours divers. Voilà, donc s'ouvrir. Si on peut, évidemment, parce que c'est un coup, mais il faut se donner les moyens de s'en sortir aussi. Voilà.

  • Speaker #2

    Et ces thérapies de groupe, c'est dans quel cadre ?

  • Speaker #1

    Moi, je fais une thérapie de groupe sur les traumas. Donc c'est de la thérapie des traumas. J'ai fait de la thérapie sur l'enfant intérieur aussi, donc d'inspiration jungienne. Voilà, il y a plein de thérapies. C'est une fois par mois, avec un groupe continu, donc ça permet de créer des liens sécures avec les personnes. Et on se raconte nos vies, en fait. Et on se soutient, et voilà.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. A bientôt pour un prochain épisode de La Perche. Merci. On a fini par s'en sortir. Oui, tout va bien.

  • Speaker #2

    La Perche est un podcast produit par La Maison Perchée, écrit et réalisé par Anna Klarsfeld et Sylvain Pinault, et avec une musique originale de Blasie.

  • Speaker #0

    La Maison Perchée vous attend en ligne sur maisonperchée.org, sur les réseaux sociaux, ainsi qu'à Paris dans notre café singulier, ouvert à toutes et tous.

  • Speaker #2

    Vous aimez La Perche ? Soutenez-nous avec des étoiles ou un commentaire sur votre appui de podcast. Et abonnez-vous pour ne pas manquer les prochains épisodes.

  • Speaker #0

    Et surtout, n'hésitez pas à partager ce podcast autour de vous. Parler de santé mentale, ça change des vies.

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Description

Dans cet épisode, on explore les relations complexes entre santé mentale et multiculturalité. Comment la double culture influence-t-elle notre rapport aux soins psychiques ? Comment naviguer entre différentes visions du monde quand il s'agit de santé mentale ?

Pour répondre à ces questions passionnantes, on accueille Josy et Raphaël, qui partagent leurs expériences personnelles en tant que personnes d'origines togolaises et indiennes.


On aborde sans détour les défis spécifiques auxquels font face les personnes issues de cultures extra-européennes : les tabous familiaux, les différences de perception, mais aussi les ressources et les solutions qui émergent. De l'ethnopsychiatrie aux thérapies de groupe, en passant par l'art-thérapie, on explore les multiples chemins qui permettent de construire un rapport apaisé à sa santé mentale, tout en honorant ses racines culturelles.


Bonne écoute !


__________

Un podcast écrit et réalisé par Anna Klarsfeld et Sylvain Pinot

Musique originale composée par Blasé en collaboration avec Mickaël

Produit par La Maison Perchée


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La santé mentale, c'est un impensé. Je veux dire, pour eux, c'est... On se marie, on a des enfants, et puis voilà, on ferme sa bouche, quoi. Les parents décident de ce que vont faire les enfants, et voilà, il n'y a pas d'introspection.

  • Speaker #1

    Vous écoutez La Perche, un podcast produit par La Maison Percée.

  • Speaker #2

    Nous sommes une association fondée sur l'entraide entre jeunes adultes vivant avec des troubles psychiques, ainsi que leurs proches.

  • Speaker #1

    Nous sommes convaincus que tout le monde gagnerait à apprendre de celles et ceux qui vivent avec et au contact des maladies psychiques.

  • Speaker #2

    Ici, on aborde des sujets parfois sensibles, sans détour ni tabou, et on vous invite à écouter le podcast à votre rythme.

  • Speaker #1

    Si vous traversez un moment difficile, ne restez pas seul. En cas d'urgence, appelez le 3114.

  • Speaker #2

    Je suis Sylvain Pinault, réalisateur de podcast et père aidant à la Maison Percher.

  • Speaker #1

    Je suis Anna Klarsfeld, créatrice de podcast et proche de personnes concernées. On y va ?

  • Speaker #0

    Let's go !

  • Speaker #2

    On parle beaucoup de psychoéducation ici, dans ce lieu et dans ce podcast. Et plus on creuse, plus on constate la singularité de chaque parcours. Un des nœuds que l'on rencontre souvent, c'est celui de l'appartenance culturelle et des croyances religieuses. Les définitions viennent parfois se heurter à des mythes et des croyances, et le spectre déjà large des troubles psy devient encore plus difficile à cerner.

  • Speaker #1

    Quelle différence y a-t-il entre symptômes de manie et éveil spirituel ? Est-ce que les psychiatres sont à même de tout adresser ? Quel est l'impact des appartenances sur le diagnostic, la prise en charge et le rétablissement ? Des questions passionnantes, je dirais même existentielles, que l'on va aborder ensemble. Pour en discuter, on a l'honneur de recevoir ce soir Josie et Raphaël.

  • Speaker #0

    Bonjour. Bonjour.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pouvez tout d'abord vous présenter en quelques mots et nous dire notamment, d'une part, avec quels troubles vous vivez, et d'autre part, quelles sont les appartenances culturelles et religieuses qui vous semblent pertinentes dans le cadre de cet épisode ? Raphaël ?

  • Speaker #0

    Alors, moi c'est Raphaël, j'ai rejoint la Maison Percher il y a trois mois. Je suis porteur du trou Borderline et j'ai un trouble anxieux majeur. Mes appartenances religieuses, donc je viens d'une famille hindouiste et moi je suis protestant. Par rapport à l'appartenance culturelle, donc d'origine indienne, et c'est mon grand-père qui est venu en France, donc voilà.

  • Speaker #1

    Donc tu t'es converti, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    à 24 ans. À 24 ans, ok.

  • Speaker #3

    Alors moi c'est Josie, je suis d'origine togolaise, j'ai essentiellement grandi en Europe. Je précise parce que j'ai un peu un schéma de vie qui n'est pas peut-être classique. Je suis née au Togo et de mes 6 mois jusqu'à mes 7 ans, j'ai vécu à Bruxelles. Ensuite, de mes 7 ans à mes 10 ans, j'ai vécu au Togo. Et de mes 10 ans jusqu'à mes 22-23, j'ai vécu à Lille. Et depuis, maintenant, à Paris. Je viens d'une famille qui est très croyante. J'ai grandi avec une mère protestante qui a une éducation de base catholique. C'est assez intéressant dans la construction et l'environnement, comment il m'a un peu orientée par rapport à la santé mentale parce que Même si je suis née au Togo, j'ai grandi dans un environnement qui restait très occidental. Depuis petite, beaucoup de mes amis étaient pratiquement tous blancs. J'ai grandi comme ça, sans vraiment me poser de questions. Et je pense que les problématiques sont plutôt rentrées dans la période de l'adolescence, dans tout ce qui est transformation physique, dans tout ce qui est aussi... Le fait de rentrer en fait un peu en confrontation avec la société, les injonctions, parce que je pense que c'est à ce moment-là aussi qu'il y a pas mal de constructions sociétales qui viennent. Ce qui fait que j'ai développé des troubles du comportement alimentaire, une plus forte anxiété. À l'âge adulte, j'ai eu des grosses crises d'angoisse, j'ai eu deux périodes de burn-out. et dépression. Et c'est vrai que je... En fait, en fonction de comment on a grandi, que ce soit des origines, du milieu dans lequel on vient, et aussi la confrontation avec la société, il y a beaucoup de choses qui s'entrechoquent. Et la perception de la santé mentale n'est pas... Moi, j'en ai conscience, ce n'est pas la même. Quand je dis j'en ai conscience, quand j'étais petite, ma mère a eu un cancer du sein. À la fin, quand elle a eu la rémission, forcément, on lui a proposé le parcours d'être suivie par un ou une psychologue. Et c'est quelque chose qui, pour elle, je pense, culturellement, c'était difficilement acceptable. Et d'autant plus que c'est une pratiquante. Donc je pense qu'elle voulait s'en remettre vraiment à sa foi, plus qu'à cet aspect qui était complètement nouveau, on va dire.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant parce qu'en fait, j'avais des problèmes relationnels avec ma mère. Bon, c'est un milieu très, très invalidant. D'ailleurs, on sait que souvent, les troubles borderline, ça vient d'un milieu invalidant, quoi. Ça veut dire quoi,

  • Speaker #1

    invalidant ?

  • Speaker #0

    Ah, un milieu invalidant, c'est une très bonne question. C'est vrai que souvent, je lis ces choses-là, mais du coup, c'est un milieu qui ne valide pas les émotions. On va dire ça comme ça.

  • Speaker #1

    Ok,

  • Speaker #0

    ok. Qu'est-ce que je voulais dire ? Oui, ma mère, en fait, comme je ne m'entendais pas bien avec elle, elle me menaçait en me disant « Si c'est comme ça, je vais être obligée à voir un psy. » Mais comme une menace, pas comme quelque chose qui va m'aider à aller mieux, c'était plus une punition en fait. Elle voyait ça comme une punition d'aller voir un psy. Et puis après, à 18 ans, j'ai fait une grosse dépression et là j'ai appelé Phil Santé Jeune et là j'en pouvais plus. J'étais vraiment déjà suicidaire, dépressif et le psychiatre de Phil Santé Jeune a imposé à ma mère que j'aille voir une psychologue. Et là elle m'a dit « Tu m'as forcé la main. » c'est à dire qu'en fait pour elle que moi je fasse la demande c'était inconcevable mais mon père quand j'ai vu cette psychologue m'a dit il n'y a que les fous qui vont voir des psys, d'ailleurs je lui ressors des fois tu m'as dit ça mais pour lui c'était ça en fait les gens qui allaient voir des psychologues c'était fou, il me l'a dit maintenant ils regrettent, ma mère aussi ils ont changé de comportement mais c'est des choses qui sont restées ça génère du ressentiment Mais voilà, moi je me suis contrôlé beaucoup contre mes parents, en sorte de rébellion. Mais voilà, la santé mentale, c'est un impensé. Je veux dire, pour eux, c'est... On se marie, on a des enfants, et puis voilà, on ferme sa bouche, quoi. Les parents décident de ce que vont faire les enfants, et voilà, il n'y a pas de... Il n'y a pas d'introspection. Peut-être qu'aujourd'hui, ils ont changé certainement, mais en tout cas, à l'époque, c'était comme ça.

  • Speaker #1

    Ça rejoint, on avait eu une invitée qui travaille chez Nightline, qui nous avait dit que ses parents aussi, que pour eux, aller voir un psy, c'était vraiment quand on était... fou et dit de façon très péjorative.

  • Speaker #2

    Comme tu dis, c'est un impensé. On le rejette, on le met loin et ça ne rentre jamais dans le foyer.

  • Speaker #0

    Oui, puis elle m'en voulait. C'est-à-dire que quand je suis allée voir le psy, elle m'a fait la gueule. C'était vraiment un truc que je lui ai imposé. C'est-à-dire qu'à un moment donné, j'ai mis un tiers entre elle et moi, j'ai appelé la ligne d'écoute, mais si je n'avais pas appelé la ligne d'écoute, jamais elle n'aurait accepté que son fils aille voir un psy. C'est moi qui ai forcé la main, en fait.

  • Speaker #2

    Tu dis honte par rapport à la réputation de la famille ?

  • Speaker #0

    Par rapport à elle-même, par rapport à ce que le candidat a, par rapport à mon père, par rapport à la famille, oui, bien sûr.

  • Speaker #1

    Et tu penses qu'elle, par exemple, ou ton père, ou de façon générale ta famille, s'ils avaient des souffrances psychiques, juste ils fermaient leur bouche, comme tu dis, ils n'en parlaient à personne, ou est-ce qu'ils en parlaient à d'autres référents, ou d'autres personnes, comme disait Josie ? Par exemple, un prêtre ou en l'occurrence,

  • Speaker #0

    son hindouisme. Dans la culture hindouiste, en fait, les prêtres ne sont pas là vraiment pour écouter. C'est juste un rôle rituel, on va dire. Voilà. Je pense qu'elle en parlait à ses sœurs. C'est plus la famille, peut-être des amis. Voilà. Mais il y avait aussi le kandiraton, c'est-à-dire qu'il fallait montrer une belle image externe, une sorte de maison dorée. Puis à l'intérieur, voilà, il y avait ce côté de préserver les apparences, en fait. c'est très très important voilà Je dirais, non, on va aller voir un psy, non, c'est pas dans leur culture. Et ma mère me disait, parce que moi j'ai rejoint des groupes de parole après, et elle me disait, toi c'est bien Raphaël, parce que tu vas au devant, tu oses parler, moi je ne pourrais pas le faire. Il y avait un truc culturel qui, c'est pas possible pour elle.

  • Speaker #2

    Elle est quand même félicité de le faire.

  • Speaker #0

    C'est fait du bien que tu dis ça, parce que des fois je peux diaboliser ma mère, mais en fait, elle a reconnu des bonnes choses chez moi. C'est pas que du mauvais. Oui,

  • Speaker #1

    et c'était peut-être... de mis du temps mais...

  • Speaker #2

    C'est sûr qu'il n'y a pas que du mauvais. Si tu voulais rajouter quelque chose...

  • Speaker #3

    Je trouve ça hyper intéressant ce que tu dis Raphaël parce que il y a vraiment ce côté effectivement aussi de quand dira-t-on ? Et c'est vrai que j'ai grandi dans une famille qui était... Enfin, j'ai eu une éducation très... Restricte. Et du coup, j'ai aussi grandi dans une famille où le candidaton, c'était tout. Et je pense que les difficultés, je pense qu'on en rencontre tous. Qu'il y a des moments de la vie où il y a besoin, enfin vraiment, de pouvoir se sentir écoutée. Et je pense que ça a été le cas de mes parents ou de mes grands-parents ou d'oncles ou de tantes. Mais je sais que c'est mieux que ça reste dans le cercle privé que ça ne sorte. Et c'est un peu cette peur aussi, entre guillemets, de se livrer à quelqu'un d'autre. Donc non, je trouve ça hyper intéressant.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pensez que vos croyances religieuses ou vos appartenances culturelles ont pu aussi être des vecteurs de rétablissement ?

  • Speaker #0

    Je veux bien parler de la question spirituelle parce que moi, j'ai toujours eu la foi. C'est très cliché de dire ça. Désolé. C'est un peu Ophélie Winter qui m'a donné la foi. Je l'adore d'ailleurs, au bâtard. Bisous, Ophélie. Ma psychologue m'a regardé, parce que moi j'ai dans le troupe bord de règne, dans les critères il y a aussi d'avoir deux addictions, je crois que c'est dans les critères etc, c'est souvent un profil assez addictif, beaucoup d'impulsivité, moi j'ai des addictions. Et j'allais dans les groupes de parole fondés sur le principe des alcooliques anonymes. fondée aussi sur la spiritualité. Et donc, ma psychologue clinicienne me disait « C'est très important, effectivement, pour toi d'avoir une spiritualité. » Elle disait que j'avais de la chance d'avoir une spiritualité, en fait. Et effectivement, ça m'aide beaucoup. Parce que dans le trou borderline, il y a un vide. C'est l'un des critères. Et je me rappelle, j'étais à l'hôpital, et ce petit 4 me dit « Mais est-ce que vous ressentez le vide ? » Mais je lui dis « Non, parce que moi, j'ai une spiritualité. Je remplis ça par la spiritualité. » Et heureusement, parce que je trouve que... Voilà, moi ça m'aide à vivre, ça aide effectivement, il y a beaucoup de pensées suicidaires, d'idées noires. Après chaque crise relationnelle, moi j'avais de la dépression. Et le fait d'avoir une spiritualité, je ne parle pas forcément de religion, mais d'avoir quelque chose qui me maintient en vie, qui me donne un sens. Du coup, c'est pour ça que je suis ici, je pense. En chair et en os, c'est vivant. Après, je ne fais pas de prosélytisme, mais moi, en tout cas, c'est une ressource.

  • Speaker #2

    Josie, toi, tu m'as parlé un peu de ta pratique artistique. Tu nous as dit que tu étais directrice artistique et tu m'as dit que tu allais t'orienter vers une pratique d'art-thérapie. Donc, tu es en études en psycho pour aller vers ce chemin-là. Est-ce que tu pourrais peut-être définir un peu ce que c'est ?

  • Speaker #3

    Déjà, de base, du coup, moi, la pratique euh... Tous les arts plastiques m'ont beaucoup aidé durant l'adolescence. J'alternais entre anorexie et boulimie, automutilisation. Ça me permettait de réguler mon anxiété et mes pensées aussi. Et c'est vrai que je pense que c'est ce qui a fait qu'aujourd'hui je suis dans le milieu du graphisme parce que je voulais vraiment un métier qui, pour moi, fasse sens. Dans la pratique de l'art-thérapie, ce que je trouvais intéressant, c'est... Pour moi, l'art, c'est vraiment universel, c'est-à-dire que ça permet de naviguer entre plusieurs milieux, plusieurs cultures. C'est vraiment un outil qui n'est encore pas assez exploité et qui peut permettre d'aider au niveau de l'identité, la construction identitaire, mais aussi d'ouvrir les esprits.

  • Speaker #1

    permettre aussi de partager d'échanger et ça me renvoie à ce que tu dis à quelque chose que tu disais tout à l'heure je sais pas si t'as envie de développer plus mais on vit encore dans une société dans laquelle il y a beaucoup de racisme de discrimination en tout genre, d'invalidation en tout genre et j'ai eu l'impression dans ce que tu disais tout à l'heure mais c'était évoqué donc je te laisse c'est... On parlait si t'as envie, j'ai eu l'impression que les troubles du comportement alimentaire que t'as traversé étaient liés en partie à ça ?

  • Speaker #3

    Pour moi je pense que oui c'est lié dans le sens des représentations. J'ai grandi, comme je le disais, dans un environnement où moi c'était essentiellement très blanc. Et du coup arrive la période de l'adolescence, tu commences à avoir des formes, tout ça. à un moment, oui, je voulais... m'effacer pour pouvoir rentrer dans la norme en fait. Et du coup, oui, j'ai alterné entre anorexie et boulimie. Alors des phases de TCA, j'en ai eu deux, on va dire deux grosses. J'en ai eu une à la période de l'adolescence et une autre où j'étais adulte. Je devais avoir 25-26 ans. Et c'était un moment où j'étais dans un milieu... milieu publicitaire où c'est là où on crée les normes, c'est là où on doit rentrer dans la norme. Et donc, ouais, c'est assez complexe.

  • Speaker #1

    Oui, c'est-à-dire que bon, déjà, pour toutes les femmes, la société impose un modèle de beauté qui est assez éloigné de... l'apparence de 99% des femmes, mais peut-être encore plus pour toutes les personnes racisées, comme les modèles de beauté des magazines sont essentiellement blancs. J'imagine qu'il y a encore plus de pression à effacer qui on est, parce qu'en fait on n'est pas la mannequin de Biba.

  • Speaker #3

    Moi, je me référais par rapport à mon environnement et mon milieu. Parce que c'est aussi sociétal. Moi, la deuxième phase où j'étais en phase d'énorme perte de poids, il y a eu un choc, et c'est là où c'est intéressant, il y a eu un choc frontal avec ma famille. Parce que souvent dans la culture africaine, en général, il vaut mieux être plus en chair. Et du coup, il y a eu un peu ce choc en se disant, qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Moi, dans la culture indienne, il fallait être bien en chair pour un homme. Avoir un gros ventre était signe de richesse. Du coup, quand j'allais en vacances en Inde et qu'on me voyait tout maigrichant, on me disait mais c'est pas possible. Alors qu'en fait, en France, on me disait rien. Il y avait ce truc un peu de deux cultures. Les deux, comment dire, ce qui était attendu en Inde n'était pas la même chose qui était attendu en France. Donc à un moment donné, moi j'étais totalement perdue et j'ai eu aussi, j'ai toujours des TCA, bon les j'ai, mais c'est les codes. Les codes ne sont pas les mêmes en fait. Les codes ne sont pas du tout les mêmes. Ma mère par exemple ne voulait pas que je sorte parce que qu'en Inde, dans ma famille, il ne fallait pas être trop bronzé. Alors qu'en fait, en France, les Européens, être bronzé, c'est sexy. Il y a plein de choses comme ça, en fait. Et en Inde, il y a Bollywood, donc il y a l'industrie du cinéma, et il faut être beau. Dans ma famille, il fallait être belle ou beau, parce que je pense qu'un psy, en fait, s'il ne comprend pas ça sur la culture indienne, c'est sur le mariage arrangé. Il faut vraiment comprendre ça. Moi, des fois, il y a des psys qui ne comprenaient rien. Mais moi, c'était toute ma vie. J'entendais parler du mariage arrangé du matin. au soir. A 14 ans, ma mère me parlait de mariage arrangé. Bon, voilà. Aujourd'hui, elle a évolué, bon voilà, évidemment, mais c'était une obsession. Elle parlait que de ça. Il faut qu'on va le marier lui, on va la marier elle, et puis il y avait aussi les hommes, il fallait qu'ils soient médecins ou ingénieurs dans ma famille, et les femmes, il fallait qu'elles soient très belles, et voilà. C'était très sexiste, hein, mais voilà, il y avait des choses comme ça.

  • Speaker #1

    Cela dit... Enfin, cela dit, moi je vois ma grand-mère, elle est aussi dans ce genre de schéma. Enfin, je pense que, peut-être que pas mes parents, mais à la génération de tu, c'est des choses...

  • Speaker #0

    Moi, c'est mes parents.

  • Speaker #1

    Quand on est sorti, en fonction des cultures, on est sorti à une génération.

  • Speaker #0

    Il y a eu une génération, mais moi, c'était mes parents. Et du coup, oui. Je pense que ça crée des traumas différents. Moi, je pense que j'ai des traumas différents par rapport à mes copains, copines qui sont français de souche. Ce n'est pas les mêmes choses, en fait. Et d'où, là, je te rejoins sur l'ethnopsychiatrie, ce n'est pas les mêmes traumas. Quand je parle en thérapie de groupe à mes amis, Marie-Gérard Angers me regarde. De quoi il parle, en fait ? Il y a un décalage en fait. Donc là, je pense que s'il y a des psys qui ne comprennent rien, qui ne sont pas au fait d'un minimum syndical de telle culture, ça ne va pas le faire en fait.

  • Speaker #2

    Ça t'a pris du temps pour trouver les bons psys ? Justement, avec ces thérapeutes, est-ce que tu as subi des actes un minimum maladroits, voire du racisme ouvertement ?

  • Speaker #0

    Je suis allée dans un CMP, je me rappelle, et à un moment, la psy me dit « parlez-moi de l'Inde » . Je crois qu'elle avait une... Non, elle n'avait pas une clope. Non, mais ça faisait ça, genre, parlez-moi de l'Inde. Un truc qui n'a rien à voir, en fait. Mais c'était, elle avait un besoin d'exotisme, en fait. Et des fois, voilà, c'est un peu l'essentialisme. Je suis un peu basanée, je ressemble, voilà. Et il y a une recherche d'exotisme, alors que moi, je n'en ai pas pour ça, en fait. Si ça vient, ça vient, mais c'est moi qui décide, en fait. La psy que j'ai connaît très bien l'Inde. Je pense qu'il y a une bonne alliance thérapeutique. Et souvent, moi, j'ai fait aussi des constellations familiales et il y a les archétypes indiens qui vont en revenir. Donc ça, j'avais des thérapeutes qui étaient OK pour que ça vienne. Ça, c'est très important. Moi, souvent, dans les rêves éveillés ou dans les constellations familiales, il y a des archétypes, des déesses indiennes, d'Urga, qui vont venir, qui vont symboliser la colère. Et quelqu'un d'européen ne va pas forcément avoir les mêmes choses. Ça peut être Jeanne d'Arc ou je sais pas, voilà. Et moi ça va être une divinité indienne.

  • Speaker #1

    Tu veux bien expliquer ce que c'est les constellations familiales pour eux ? Oui,

  • Speaker #0

    bien sûr. En gros, c'est quand quelqu'un a une problématique, donc il se met au centre, enfin moi c'est comme ça que je faisais, il se met au centre et en fait on va représenter en 3D le fonctionnement interne de la personne. Et moi je trouve que c'est très intéressant de voir en 3D ce qui se passe.

  • Speaker #1

    Concrètement, c'est une représentation de toi, entouré par des personnes ou des déesses ou des personnes symboliques qui comptent pour toi, pour ta psyché.

  • Speaker #0

    Voilà. Et le psy va demander, ou moi, je vais demander à quelqu'un d'incarner, je ne sais pas, ma mère, ou je vais demander d'incarner la colère, je vais demander d'incarner une déesse et il y a quelque chose qui se fait. Et à la fin, il y a une résolution émotionnelle. Et moi, j'ai beaucoup pratiqué ça. Et il y avait souvent l'un des problématiques culturelles qui revenaient.

  • Speaker #1

    Et dans ce cadre-là, les psychologues ou les thérapeutes avec qui tu... faisaient ça, ils connaissaient ces références culturelles-là ou pas ? Et est-ce que ça jouait dans l'efficacité du processus, le fait qu'ils aient une connaissance un peu des éléments culturels que tu convoques ?

  • Speaker #0

    C'était des thérapies plutôt blasées sur l'enfant intérieur, d'inspiration jungienne. Et Jung a beaucoup travaillé aussi sur les cultures orientales. Et je crois que c'est Jung qui disait ça, que c'était important de se caler aux références culturelles du patient. C'est-à-dire que si le patient est d'origine chinoise, c'est normal que les représentations culturelles, c'est sushi chinois. Ça ne va pas être français. Et du coup, ces thérapeutes-là avaient cette école-là. Donc même s'ils ne connaissaient pas, ils avaient la curiosité de me demander. Donc il y avait une ouverture déjà. Et ça les intéressait.

  • Speaker #1

    D'accord. Je trouve ça super intéressant de se dire... Parce que l'ethnopsychiatrie, j'ai l'impression que souvent, il y a l'idée qu'on va essayer de parler le langage, que le thérapeute va essayer... Ou alors ça serait peut-être la mauvaise ethnopsychiatrie, dans une mauvaise ethnopsychiatrie. et c'est sûr qu'il y a de mauvais... Vous êtes nos psychiatres !

  • Speaker #0

    Ça pourrait être une espèce de... Enfin, le psychiatre pourrait vouloir s'approprier un peu les référentiels culturels pour les plaquer dans le cadre de la thérapie. Mais je trouve que c'est intéressant que là, ce soit plutôt des psys qui ne cherchent pas forcément à tout connaître de la culture indienne pour pouvoir te balancer des références, mais plutôt, ils te posent des questions, ils sont à l'écoute en fait de... Ce que toi tu vas amener.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Et je pense que le cas contraire serait inopérant, ce serait pas intéressant pour moi. Parce qu'en fait, moi je vois qu'il y a un tronc commun. Genre sur l'infant intérieur, peu importe les cultures, il y a une base commune. et après il y a des petites spécificités culturelles mais finalement le coeur c'est pas mes origines indiennes, c'est pas ça le coeur moi je fais de la thérapie des traumas et c'est pas que je sois indien ou pas, on s'en fout c'est vraiment aller voir, rencontrer le petit Raphaël et ça, voilà, je veux dire le mec qui est au Grand Henland c'est la même chose Oui,

  • Speaker #0

    c'est intéressant ce dialogue entre l'universel du fonctionnement de la psyché humaine et comment un peu marginalement mais Quand même le milieu culturel et les origines peuvent jouer, mais effectivement comme tu dis, de façon qui n'est pas forcément le cœur du truc.

  • Speaker #1

    Ah non, non, non, surtout pas.

  • Speaker #2

    C'est l'aspect des mythes et des mythèmes, c'est les sous-divisions de mythes. Et qu'en fait, dans plein de cultures différentes, on retrouve la même racine du mythe, mais qui est déclinée.

  • Speaker #1

    Bien sûr, quand tu regardes... l'enfant divin, c'est Moïse, c'est Jésus, c'est Krishna, c'est Bouddha. C'est la même chose pour moi. Ça se recoupe. Sauf qu'ils ont des noms différents. Et ça, les bons psychologues le savent. Et pareil,

  • Speaker #2

    le mythe d'Oedipe, qui se décline sous plein d'autres mythes dans la mythologie grecque.

  • Speaker #3

    Je pense que l'axe un peu de l'origine de la culture, d'où tu viens, entre guillemets, est quand même un repère, en fait. Quand je dis un repère, c'est... d'une certaine manière, de voir en fait par rapport à ton ancrage actuel. Enfin, tu vois, moi, je peux le nier. Enfin, tu vois, je me dis à chaque fois, mes origines, tu vois, ça fait genre 22... Non, 23 ans que je ne suis pas allée au Togo. Donc, je n'ai pas de référentiel, je n'ai pas de... Mais dans la construction, tu vois, de se dire, enfin, tu vois, moi, dans mon ancrage, où je suis, qui je suis... Peut-être que d'avoir tous ces éléments culturels, peut-être que ça aurait pu m'aider, enfin, ça peut m'aider à m'ancrer, en fait. Donc, je dis ça parce que c'est un sujet que j'aborde et que j'ai déjà abordé en thérapie, parce que c'est tellement un inconnu qu'au final, il y a un pan, en fait, qui est un peu en suspens.

  • Speaker #0

    Donc, toi, t'as l'impression, et d'ailleurs, dans... De ce point de vue-là, vous avez un vécu en partie commun. Est-ce que ce que tu dis, c'est que le fait d'être d'origine togolaise, mais en France, tout comme toi, t'es d'origine indienne, mais t'as grandi en France, ça a un impact dans la construction psychologique, en fait, cette double culture, quoi ?

  • Speaker #3

    D'autant plus, et ça, ça fait écho à des... J'ai des amis qui sont métis, c'est tout. Je pense que c'est la même problématique. C'est un impact au niveau identitaire. Parce que, c'est un truc, ça me... J'ai des amis du coup métis, où par exemple, que ce soit black, blanc, dès que quelqu'un va les voir, ça va être le black ou la black. Alors que, clairement... Donc c'est des choses... eux-mêmes me l'ont dit, en fait, au final, au niveau de... Ils ne savent pas. Et je pense que ça crée, en fait, des... Enfin, des problèmes... Enfin, voilà, des troubles, en fait. Ça crée des problématiques qui ne devraient pas avoir lieu et qui sont vraiment des problématiques sociétales.

  • Speaker #0

    C'est super intéressant ce que tu dis. Ça me fait penser à une amie qui est moitié brésilienne, moitié française et qui, en plus, a grandi en Asie. Et elle m'a dit qu'elle est... qu'elle allait voir une thérapeute qui était spécialisée sur ces questions de construction identitaire chez des personnes métisses ou biculturelles en tout cas. Et ça crée plein de sujets, oui.

  • Speaker #3

    Ça crée des sujets, j'aborde ça parce que là, moi, dans mon parcours thérapeutique et même dans mes études, J'en suis arrivée à un moment où ma psychologue, c'est elle qui m'a posé cette question de savoir si je voulais rencontrer un ethno-psychologue. Et oui, ça pourrait être intéressant, mais après, le travail que je fais avec elle, moi, il me convient aussi. Il me fait avancer. Et quand je rejoins avec les études en psychologie, moi, je fais des études en psycho pour pouvoir... Et j'aimerais me spécialiser, effectivement, en tout ce qui est art-thérapie, ethno-psychiatrie. pour pouvoir justement accueillir un public très large. L'idée n'est pas de, entre guillemets, un peu d'orienter vers une population en particulier.

  • Speaker #0

    De fermer les gens dans des caisses.

  • Speaker #3

    Exactement. Mais encore une fois, c'est la perception du monde et des gens.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous auriez des conseils ? On finit souvent les épisodes comme ça, par cette question. Est-ce que vous auriez des conseils pour des auditeurs ou auditrices qui nous écouteraient et qui... ont pu, qui peuvent être dans une situation dans laquelle leur santé mentale ou leur difficulté en matière de santé mentale ne sont pas forcément bien prises en compte ou validées par leur entourage et notamment du fait de facteurs culturels. Est-ce que vous auriez des conseils sur votre... en partant de votre vécu, à tous les deux ?

  • Speaker #3

    Moi, dans les conseils, c'est vrai qu'aujourd'hui, je trouve ça hyper intéressant. Par exemple, les réseaux sociaux, mais plutôt les réseaux sociaux dans le sens où il y a pas mal de comptes qui apportent vraiment une aide, un accompagnement sur le quotidien. On parlait tout à l'heure de la partie artistique, il y en a beaucoup qui en font des BD, qui en font des petits. Et je trouve que ça aborde... certaines thématiques et ça peut apaiser parfois. Enfin voilà, d'avoir... C'est un peu cliché ce que je vais dire, mais des petites phrases ou des petits mots inspirationnels, enfin voilà, de se reconnaître dans des situations par exemple d'anxiété, ça me fait penser à Théo Grosjean. Je sais pas si vous voyez. Enfin voilà, il y a pas mal de comptes en fait, Instagram, qui moi, nourrissent beaucoup. Et je pense que c'est vraiment... il y a le bon et le mauvais des réseaux sociaux mais je pense que ça c'est vraiment une chose qui est assez top je pense aussi qu'aujourd'hui on a la chance c'est peut-être pas assez mais qu'il y ait des gens qui en parlent notamment des artistes des personnes ou d'autres personnes publiques il y a vraiment et ça c'est quelque chose qu'on avait peut-être pas forcément avant et qui aide en fait aussi à se dire on n'est pas seul et puis je pense que c'est l'un des Merci. Le pilier, c'est aussi savoir s'entourer. Je pense que l'entourage, au moins une ou deux personnes qui savent vous accompagner, je pense que c'est hyper important.

  • Speaker #1

    Moi, en fait, je sais que mes parents ne viendront pas à la maison perché. Donc finalement, moi, ça m'a donné, ça m'a permis de me bouger les fesses. C'est moi qui suis venue tout seul. Des fois, je vois des parents qui viennent alors que les enfants, c'est touchant. Mais moi, ça m'a donné le fait de voir que c'était pas compris. Ça m'a donné la niaque. de m'en sortir en fait. Et voilà, après moi ce qui a beaucoup compté c'est les thérapies de groupe, je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup de gens issus des minorités visibles, ethniques, dans les thérapies de groupe, parce qu'effectivement en one to one avec un thérapeute, je vois personne d'autre, j'ai l'impression que je suis le seul qui a une double culture, etc. C'est pas vrai. il y a toujours deux ou trois personnes dans un groupe et ça permet de voir que j'ai d'autres personnes dans le vécu, même vécu que moi, je suis pas le seul en fait j'ai beaucoup fait de thérapie de groupe et moi je suggère de faire du groupe aussi en thérapie c'est très important et ça permet de sortir de sa coquille quoi

  • Speaker #0

    La paire est dense, finalement.

  • Speaker #1

    La paire est dense, c'est de cheminer avec des thérapeutes en groupe. Il y a 20 personnes, 14 personnes, c'est un peu intimidant, mais il y a plein de parcours divers. Voilà, donc s'ouvrir. Si on peut, évidemment, parce que c'est un coup, mais il faut se donner les moyens de s'en sortir aussi. Voilà.

  • Speaker #2

    Et ces thérapies de groupe, c'est dans quel cadre ?

  • Speaker #1

    Moi, je fais une thérapie de groupe sur les traumas. Donc c'est de la thérapie des traumas. J'ai fait de la thérapie sur l'enfant intérieur aussi, donc d'inspiration jungienne. Voilà, il y a plein de thérapies. C'est une fois par mois, avec un groupe continu, donc ça permet de créer des liens sécures avec les personnes. Et on se raconte nos vies, en fait. Et on se soutient, et voilà.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. A bientôt pour un prochain épisode de La Perche. Merci. On a fini par s'en sortir. Oui, tout va bien.

  • Speaker #2

    La Perche est un podcast produit par La Maison Perchée, écrit et réalisé par Anna Klarsfeld et Sylvain Pinault, et avec une musique originale de Blasie.

  • Speaker #0

    La Maison Perchée vous attend en ligne sur maisonperchée.org, sur les réseaux sociaux, ainsi qu'à Paris dans notre café singulier, ouvert à toutes et tous.

  • Speaker #2

    Vous aimez La Perche ? Soutenez-nous avec des étoiles ou un commentaire sur votre appui de podcast. Et abonnez-vous pour ne pas manquer les prochains épisodes.

  • Speaker #0

    Et surtout, n'hésitez pas à partager ce podcast autour de vous. Parler de santé mentale, ça change des vies.

Description

Dans cet épisode, on explore les relations complexes entre santé mentale et multiculturalité. Comment la double culture influence-t-elle notre rapport aux soins psychiques ? Comment naviguer entre différentes visions du monde quand il s'agit de santé mentale ?

Pour répondre à ces questions passionnantes, on accueille Josy et Raphaël, qui partagent leurs expériences personnelles en tant que personnes d'origines togolaises et indiennes.


On aborde sans détour les défis spécifiques auxquels font face les personnes issues de cultures extra-européennes : les tabous familiaux, les différences de perception, mais aussi les ressources et les solutions qui émergent. De l'ethnopsychiatrie aux thérapies de groupe, en passant par l'art-thérapie, on explore les multiples chemins qui permettent de construire un rapport apaisé à sa santé mentale, tout en honorant ses racines culturelles.


Bonne écoute !


__________

Un podcast écrit et réalisé par Anna Klarsfeld et Sylvain Pinot

Musique originale composée par Blasé en collaboration avec Mickaël

Produit par La Maison Perchée


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La santé mentale, c'est un impensé. Je veux dire, pour eux, c'est... On se marie, on a des enfants, et puis voilà, on ferme sa bouche, quoi. Les parents décident de ce que vont faire les enfants, et voilà, il n'y a pas d'introspection.

  • Speaker #1

    Vous écoutez La Perche, un podcast produit par La Maison Percée.

  • Speaker #2

    Nous sommes une association fondée sur l'entraide entre jeunes adultes vivant avec des troubles psychiques, ainsi que leurs proches.

  • Speaker #1

    Nous sommes convaincus que tout le monde gagnerait à apprendre de celles et ceux qui vivent avec et au contact des maladies psychiques.

  • Speaker #2

    Ici, on aborde des sujets parfois sensibles, sans détour ni tabou, et on vous invite à écouter le podcast à votre rythme.

  • Speaker #1

    Si vous traversez un moment difficile, ne restez pas seul. En cas d'urgence, appelez le 3114.

  • Speaker #2

    Je suis Sylvain Pinault, réalisateur de podcast et père aidant à la Maison Percher.

  • Speaker #1

    Je suis Anna Klarsfeld, créatrice de podcast et proche de personnes concernées. On y va ?

  • Speaker #0

    Let's go !

  • Speaker #2

    On parle beaucoup de psychoéducation ici, dans ce lieu et dans ce podcast. Et plus on creuse, plus on constate la singularité de chaque parcours. Un des nœuds que l'on rencontre souvent, c'est celui de l'appartenance culturelle et des croyances religieuses. Les définitions viennent parfois se heurter à des mythes et des croyances, et le spectre déjà large des troubles psy devient encore plus difficile à cerner.

  • Speaker #1

    Quelle différence y a-t-il entre symptômes de manie et éveil spirituel ? Est-ce que les psychiatres sont à même de tout adresser ? Quel est l'impact des appartenances sur le diagnostic, la prise en charge et le rétablissement ? Des questions passionnantes, je dirais même existentielles, que l'on va aborder ensemble. Pour en discuter, on a l'honneur de recevoir ce soir Josie et Raphaël.

  • Speaker #0

    Bonjour. Bonjour.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pouvez tout d'abord vous présenter en quelques mots et nous dire notamment, d'une part, avec quels troubles vous vivez, et d'autre part, quelles sont les appartenances culturelles et religieuses qui vous semblent pertinentes dans le cadre de cet épisode ? Raphaël ?

  • Speaker #0

    Alors, moi c'est Raphaël, j'ai rejoint la Maison Percher il y a trois mois. Je suis porteur du trou Borderline et j'ai un trouble anxieux majeur. Mes appartenances religieuses, donc je viens d'une famille hindouiste et moi je suis protestant. Par rapport à l'appartenance culturelle, donc d'origine indienne, et c'est mon grand-père qui est venu en France, donc voilà.

  • Speaker #1

    Donc tu t'es converti, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    à 24 ans. À 24 ans, ok.

  • Speaker #3

    Alors moi c'est Josie, je suis d'origine togolaise, j'ai essentiellement grandi en Europe. Je précise parce que j'ai un peu un schéma de vie qui n'est pas peut-être classique. Je suis née au Togo et de mes 6 mois jusqu'à mes 7 ans, j'ai vécu à Bruxelles. Ensuite, de mes 7 ans à mes 10 ans, j'ai vécu au Togo. Et de mes 10 ans jusqu'à mes 22-23, j'ai vécu à Lille. Et depuis, maintenant, à Paris. Je viens d'une famille qui est très croyante. J'ai grandi avec une mère protestante qui a une éducation de base catholique. C'est assez intéressant dans la construction et l'environnement, comment il m'a un peu orientée par rapport à la santé mentale parce que Même si je suis née au Togo, j'ai grandi dans un environnement qui restait très occidental. Depuis petite, beaucoup de mes amis étaient pratiquement tous blancs. J'ai grandi comme ça, sans vraiment me poser de questions. Et je pense que les problématiques sont plutôt rentrées dans la période de l'adolescence, dans tout ce qui est transformation physique, dans tout ce qui est aussi... Le fait de rentrer en fait un peu en confrontation avec la société, les injonctions, parce que je pense que c'est à ce moment-là aussi qu'il y a pas mal de constructions sociétales qui viennent. Ce qui fait que j'ai développé des troubles du comportement alimentaire, une plus forte anxiété. À l'âge adulte, j'ai eu des grosses crises d'angoisse, j'ai eu deux périodes de burn-out. et dépression. Et c'est vrai que je... En fait, en fonction de comment on a grandi, que ce soit des origines, du milieu dans lequel on vient, et aussi la confrontation avec la société, il y a beaucoup de choses qui s'entrechoquent. Et la perception de la santé mentale n'est pas... Moi, j'en ai conscience, ce n'est pas la même. Quand je dis j'en ai conscience, quand j'étais petite, ma mère a eu un cancer du sein. À la fin, quand elle a eu la rémission, forcément, on lui a proposé le parcours d'être suivie par un ou une psychologue. Et c'est quelque chose qui, pour elle, je pense, culturellement, c'était difficilement acceptable. Et d'autant plus que c'est une pratiquante. Donc je pense qu'elle voulait s'en remettre vraiment à sa foi, plus qu'à cet aspect qui était complètement nouveau, on va dire.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant parce qu'en fait, j'avais des problèmes relationnels avec ma mère. Bon, c'est un milieu très, très invalidant. D'ailleurs, on sait que souvent, les troubles borderline, ça vient d'un milieu invalidant, quoi. Ça veut dire quoi,

  • Speaker #1

    invalidant ?

  • Speaker #0

    Ah, un milieu invalidant, c'est une très bonne question. C'est vrai que souvent, je lis ces choses-là, mais du coup, c'est un milieu qui ne valide pas les émotions. On va dire ça comme ça.

  • Speaker #1

    Ok,

  • Speaker #0

    ok. Qu'est-ce que je voulais dire ? Oui, ma mère, en fait, comme je ne m'entendais pas bien avec elle, elle me menaçait en me disant « Si c'est comme ça, je vais être obligée à voir un psy. » Mais comme une menace, pas comme quelque chose qui va m'aider à aller mieux, c'était plus une punition en fait. Elle voyait ça comme une punition d'aller voir un psy. Et puis après, à 18 ans, j'ai fait une grosse dépression et là j'ai appelé Phil Santé Jeune et là j'en pouvais plus. J'étais vraiment déjà suicidaire, dépressif et le psychiatre de Phil Santé Jeune a imposé à ma mère que j'aille voir une psychologue. Et là elle m'a dit « Tu m'as forcé la main. » c'est à dire qu'en fait pour elle que moi je fasse la demande c'était inconcevable mais mon père quand j'ai vu cette psychologue m'a dit il n'y a que les fous qui vont voir des psys, d'ailleurs je lui ressors des fois tu m'as dit ça mais pour lui c'était ça en fait les gens qui allaient voir des psychologues c'était fou, il me l'a dit maintenant ils regrettent, ma mère aussi ils ont changé de comportement mais c'est des choses qui sont restées ça génère du ressentiment Mais voilà, moi je me suis contrôlé beaucoup contre mes parents, en sorte de rébellion. Mais voilà, la santé mentale, c'est un impensé. Je veux dire, pour eux, c'est... On se marie, on a des enfants, et puis voilà, on ferme sa bouche, quoi. Les parents décident de ce que vont faire les enfants, et voilà, il n'y a pas de... Il n'y a pas d'introspection. Peut-être qu'aujourd'hui, ils ont changé certainement, mais en tout cas, à l'époque, c'était comme ça.

  • Speaker #1

    Ça rejoint, on avait eu une invitée qui travaille chez Nightline, qui nous avait dit que ses parents aussi, que pour eux, aller voir un psy, c'était vraiment quand on était... fou et dit de façon très péjorative.

  • Speaker #2

    Comme tu dis, c'est un impensé. On le rejette, on le met loin et ça ne rentre jamais dans le foyer.

  • Speaker #0

    Oui, puis elle m'en voulait. C'est-à-dire que quand je suis allée voir le psy, elle m'a fait la gueule. C'était vraiment un truc que je lui ai imposé. C'est-à-dire qu'à un moment donné, j'ai mis un tiers entre elle et moi, j'ai appelé la ligne d'écoute, mais si je n'avais pas appelé la ligne d'écoute, jamais elle n'aurait accepté que son fils aille voir un psy. C'est moi qui ai forcé la main, en fait.

  • Speaker #2

    Tu dis honte par rapport à la réputation de la famille ?

  • Speaker #0

    Par rapport à elle-même, par rapport à ce que le candidat a, par rapport à mon père, par rapport à la famille, oui, bien sûr.

  • Speaker #1

    Et tu penses qu'elle, par exemple, ou ton père, ou de façon générale ta famille, s'ils avaient des souffrances psychiques, juste ils fermaient leur bouche, comme tu dis, ils n'en parlaient à personne, ou est-ce qu'ils en parlaient à d'autres référents, ou d'autres personnes, comme disait Josie ? Par exemple, un prêtre ou en l'occurrence,

  • Speaker #0

    son hindouisme. Dans la culture hindouiste, en fait, les prêtres ne sont pas là vraiment pour écouter. C'est juste un rôle rituel, on va dire. Voilà. Je pense qu'elle en parlait à ses sœurs. C'est plus la famille, peut-être des amis. Voilà. Mais il y avait aussi le kandiraton, c'est-à-dire qu'il fallait montrer une belle image externe, une sorte de maison dorée. Puis à l'intérieur, voilà, il y avait ce côté de préserver les apparences, en fait. c'est très très important voilà Je dirais, non, on va aller voir un psy, non, c'est pas dans leur culture. Et ma mère me disait, parce que moi j'ai rejoint des groupes de parole après, et elle me disait, toi c'est bien Raphaël, parce que tu vas au devant, tu oses parler, moi je ne pourrais pas le faire. Il y avait un truc culturel qui, c'est pas possible pour elle.

  • Speaker #2

    Elle est quand même félicité de le faire.

  • Speaker #0

    C'est fait du bien que tu dis ça, parce que des fois je peux diaboliser ma mère, mais en fait, elle a reconnu des bonnes choses chez moi. C'est pas que du mauvais. Oui,

  • Speaker #1

    et c'était peut-être... de mis du temps mais...

  • Speaker #2

    C'est sûr qu'il n'y a pas que du mauvais. Si tu voulais rajouter quelque chose...

  • Speaker #3

    Je trouve ça hyper intéressant ce que tu dis Raphaël parce que il y a vraiment ce côté effectivement aussi de quand dira-t-on ? Et c'est vrai que j'ai grandi dans une famille qui était... Enfin, j'ai eu une éducation très... Restricte. Et du coup, j'ai aussi grandi dans une famille où le candidaton, c'était tout. Et je pense que les difficultés, je pense qu'on en rencontre tous. Qu'il y a des moments de la vie où il y a besoin, enfin vraiment, de pouvoir se sentir écoutée. Et je pense que ça a été le cas de mes parents ou de mes grands-parents ou d'oncles ou de tantes. Mais je sais que c'est mieux que ça reste dans le cercle privé que ça ne sorte. Et c'est un peu cette peur aussi, entre guillemets, de se livrer à quelqu'un d'autre. Donc non, je trouve ça hyper intéressant.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pensez que vos croyances religieuses ou vos appartenances culturelles ont pu aussi être des vecteurs de rétablissement ?

  • Speaker #0

    Je veux bien parler de la question spirituelle parce que moi, j'ai toujours eu la foi. C'est très cliché de dire ça. Désolé. C'est un peu Ophélie Winter qui m'a donné la foi. Je l'adore d'ailleurs, au bâtard. Bisous, Ophélie. Ma psychologue m'a regardé, parce que moi j'ai dans le troupe bord de règne, dans les critères il y a aussi d'avoir deux addictions, je crois que c'est dans les critères etc, c'est souvent un profil assez addictif, beaucoup d'impulsivité, moi j'ai des addictions. Et j'allais dans les groupes de parole fondés sur le principe des alcooliques anonymes. fondée aussi sur la spiritualité. Et donc, ma psychologue clinicienne me disait « C'est très important, effectivement, pour toi d'avoir une spiritualité. » Elle disait que j'avais de la chance d'avoir une spiritualité, en fait. Et effectivement, ça m'aide beaucoup. Parce que dans le trou borderline, il y a un vide. C'est l'un des critères. Et je me rappelle, j'étais à l'hôpital, et ce petit 4 me dit « Mais est-ce que vous ressentez le vide ? » Mais je lui dis « Non, parce que moi, j'ai une spiritualité. Je remplis ça par la spiritualité. » Et heureusement, parce que je trouve que... Voilà, moi ça m'aide à vivre, ça aide effectivement, il y a beaucoup de pensées suicidaires, d'idées noires. Après chaque crise relationnelle, moi j'avais de la dépression. Et le fait d'avoir une spiritualité, je ne parle pas forcément de religion, mais d'avoir quelque chose qui me maintient en vie, qui me donne un sens. Du coup, c'est pour ça que je suis ici, je pense. En chair et en os, c'est vivant. Après, je ne fais pas de prosélytisme, mais moi, en tout cas, c'est une ressource.

  • Speaker #2

    Josie, toi, tu m'as parlé un peu de ta pratique artistique. Tu nous as dit que tu étais directrice artistique et tu m'as dit que tu allais t'orienter vers une pratique d'art-thérapie. Donc, tu es en études en psycho pour aller vers ce chemin-là. Est-ce que tu pourrais peut-être définir un peu ce que c'est ?

  • Speaker #3

    Déjà, de base, du coup, moi, la pratique euh... Tous les arts plastiques m'ont beaucoup aidé durant l'adolescence. J'alternais entre anorexie et boulimie, automutilisation. Ça me permettait de réguler mon anxiété et mes pensées aussi. Et c'est vrai que je pense que c'est ce qui a fait qu'aujourd'hui je suis dans le milieu du graphisme parce que je voulais vraiment un métier qui, pour moi, fasse sens. Dans la pratique de l'art-thérapie, ce que je trouvais intéressant, c'est... Pour moi, l'art, c'est vraiment universel, c'est-à-dire que ça permet de naviguer entre plusieurs milieux, plusieurs cultures. C'est vraiment un outil qui n'est encore pas assez exploité et qui peut permettre d'aider au niveau de l'identité, la construction identitaire, mais aussi d'ouvrir les esprits.

  • Speaker #1

    permettre aussi de partager d'échanger et ça me renvoie à ce que tu dis à quelque chose que tu disais tout à l'heure je sais pas si t'as envie de développer plus mais on vit encore dans une société dans laquelle il y a beaucoup de racisme de discrimination en tout genre, d'invalidation en tout genre et j'ai eu l'impression dans ce que tu disais tout à l'heure mais c'était évoqué donc je te laisse c'est... On parlait si t'as envie, j'ai eu l'impression que les troubles du comportement alimentaire que t'as traversé étaient liés en partie à ça ?

  • Speaker #3

    Pour moi je pense que oui c'est lié dans le sens des représentations. J'ai grandi, comme je le disais, dans un environnement où moi c'était essentiellement très blanc. Et du coup arrive la période de l'adolescence, tu commences à avoir des formes, tout ça. à un moment, oui, je voulais... m'effacer pour pouvoir rentrer dans la norme en fait. Et du coup, oui, j'ai alterné entre anorexie et boulimie. Alors des phases de TCA, j'en ai eu deux, on va dire deux grosses. J'en ai eu une à la période de l'adolescence et une autre où j'étais adulte. Je devais avoir 25-26 ans. Et c'était un moment où j'étais dans un milieu... milieu publicitaire où c'est là où on crée les normes, c'est là où on doit rentrer dans la norme. Et donc, ouais, c'est assez complexe.

  • Speaker #1

    Oui, c'est-à-dire que bon, déjà, pour toutes les femmes, la société impose un modèle de beauté qui est assez éloigné de... l'apparence de 99% des femmes, mais peut-être encore plus pour toutes les personnes racisées, comme les modèles de beauté des magazines sont essentiellement blancs. J'imagine qu'il y a encore plus de pression à effacer qui on est, parce qu'en fait on n'est pas la mannequin de Biba.

  • Speaker #3

    Moi, je me référais par rapport à mon environnement et mon milieu. Parce que c'est aussi sociétal. Moi, la deuxième phase où j'étais en phase d'énorme perte de poids, il y a eu un choc, et c'est là où c'est intéressant, il y a eu un choc frontal avec ma famille. Parce que souvent dans la culture africaine, en général, il vaut mieux être plus en chair. Et du coup, il y a eu un peu ce choc en se disant, qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Moi, dans la culture indienne, il fallait être bien en chair pour un homme. Avoir un gros ventre était signe de richesse. Du coup, quand j'allais en vacances en Inde et qu'on me voyait tout maigrichant, on me disait mais c'est pas possible. Alors qu'en fait, en France, on me disait rien. Il y avait ce truc un peu de deux cultures. Les deux, comment dire, ce qui était attendu en Inde n'était pas la même chose qui était attendu en France. Donc à un moment donné, moi j'étais totalement perdue et j'ai eu aussi, j'ai toujours des TCA, bon les j'ai, mais c'est les codes. Les codes ne sont pas les mêmes en fait. Les codes ne sont pas du tout les mêmes. Ma mère par exemple ne voulait pas que je sorte parce que qu'en Inde, dans ma famille, il ne fallait pas être trop bronzé. Alors qu'en fait, en France, les Européens, être bronzé, c'est sexy. Il y a plein de choses comme ça, en fait. Et en Inde, il y a Bollywood, donc il y a l'industrie du cinéma, et il faut être beau. Dans ma famille, il fallait être belle ou beau, parce que je pense qu'un psy, en fait, s'il ne comprend pas ça sur la culture indienne, c'est sur le mariage arrangé. Il faut vraiment comprendre ça. Moi, des fois, il y a des psys qui ne comprenaient rien. Mais moi, c'était toute ma vie. J'entendais parler du mariage arrangé du matin. au soir. A 14 ans, ma mère me parlait de mariage arrangé. Bon, voilà. Aujourd'hui, elle a évolué, bon voilà, évidemment, mais c'était une obsession. Elle parlait que de ça. Il faut qu'on va le marier lui, on va la marier elle, et puis il y avait aussi les hommes, il fallait qu'ils soient médecins ou ingénieurs dans ma famille, et les femmes, il fallait qu'elles soient très belles, et voilà. C'était très sexiste, hein, mais voilà, il y avait des choses comme ça.

  • Speaker #1

    Cela dit... Enfin, cela dit, moi je vois ma grand-mère, elle est aussi dans ce genre de schéma. Enfin, je pense que, peut-être que pas mes parents, mais à la génération de tu, c'est des choses...

  • Speaker #0

    Moi, c'est mes parents.

  • Speaker #1

    Quand on est sorti, en fonction des cultures, on est sorti à une génération.

  • Speaker #0

    Il y a eu une génération, mais moi, c'était mes parents. Et du coup, oui. Je pense que ça crée des traumas différents. Moi, je pense que j'ai des traumas différents par rapport à mes copains, copines qui sont français de souche. Ce n'est pas les mêmes choses, en fait. Et d'où, là, je te rejoins sur l'ethnopsychiatrie, ce n'est pas les mêmes traumas. Quand je parle en thérapie de groupe à mes amis, Marie-Gérard Angers me regarde. De quoi il parle, en fait ? Il y a un décalage en fait. Donc là, je pense que s'il y a des psys qui ne comprennent rien, qui ne sont pas au fait d'un minimum syndical de telle culture, ça ne va pas le faire en fait.

  • Speaker #2

    Ça t'a pris du temps pour trouver les bons psys ? Justement, avec ces thérapeutes, est-ce que tu as subi des actes un minimum maladroits, voire du racisme ouvertement ?

  • Speaker #0

    Je suis allée dans un CMP, je me rappelle, et à un moment, la psy me dit « parlez-moi de l'Inde » . Je crois qu'elle avait une... Non, elle n'avait pas une clope. Non, mais ça faisait ça, genre, parlez-moi de l'Inde. Un truc qui n'a rien à voir, en fait. Mais c'était, elle avait un besoin d'exotisme, en fait. Et des fois, voilà, c'est un peu l'essentialisme. Je suis un peu basanée, je ressemble, voilà. Et il y a une recherche d'exotisme, alors que moi, je n'en ai pas pour ça, en fait. Si ça vient, ça vient, mais c'est moi qui décide, en fait. La psy que j'ai connaît très bien l'Inde. Je pense qu'il y a une bonne alliance thérapeutique. Et souvent, moi, j'ai fait aussi des constellations familiales et il y a les archétypes indiens qui vont en revenir. Donc ça, j'avais des thérapeutes qui étaient OK pour que ça vienne. Ça, c'est très important. Moi, souvent, dans les rêves éveillés ou dans les constellations familiales, il y a des archétypes, des déesses indiennes, d'Urga, qui vont venir, qui vont symboliser la colère. Et quelqu'un d'européen ne va pas forcément avoir les mêmes choses. Ça peut être Jeanne d'Arc ou je sais pas, voilà. Et moi ça va être une divinité indienne.

  • Speaker #1

    Tu veux bien expliquer ce que c'est les constellations familiales pour eux ? Oui,

  • Speaker #0

    bien sûr. En gros, c'est quand quelqu'un a une problématique, donc il se met au centre, enfin moi c'est comme ça que je faisais, il se met au centre et en fait on va représenter en 3D le fonctionnement interne de la personne. Et moi je trouve que c'est très intéressant de voir en 3D ce qui se passe.

  • Speaker #1

    Concrètement, c'est une représentation de toi, entouré par des personnes ou des déesses ou des personnes symboliques qui comptent pour toi, pour ta psyché.

  • Speaker #0

    Voilà. Et le psy va demander, ou moi, je vais demander à quelqu'un d'incarner, je ne sais pas, ma mère, ou je vais demander d'incarner la colère, je vais demander d'incarner une déesse et il y a quelque chose qui se fait. Et à la fin, il y a une résolution émotionnelle. Et moi, j'ai beaucoup pratiqué ça. Et il y avait souvent l'un des problématiques culturelles qui revenaient.

  • Speaker #1

    Et dans ce cadre-là, les psychologues ou les thérapeutes avec qui tu... faisaient ça, ils connaissaient ces références culturelles-là ou pas ? Et est-ce que ça jouait dans l'efficacité du processus, le fait qu'ils aient une connaissance un peu des éléments culturels que tu convoques ?

  • Speaker #0

    C'était des thérapies plutôt blasées sur l'enfant intérieur, d'inspiration jungienne. Et Jung a beaucoup travaillé aussi sur les cultures orientales. Et je crois que c'est Jung qui disait ça, que c'était important de se caler aux références culturelles du patient. C'est-à-dire que si le patient est d'origine chinoise, c'est normal que les représentations culturelles, c'est sushi chinois. Ça ne va pas être français. Et du coup, ces thérapeutes-là avaient cette école-là. Donc même s'ils ne connaissaient pas, ils avaient la curiosité de me demander. Donc il y avait une ouverture déjà. Et ça les intéressait.

  • Speaker #1

    D'accord. Je trouve ça super intéressant de se dire... Parce que l'ethnopsychiatrie, j'ai l'impression que souvent, il y a l'idée qu'on va essayer de parler le langage, que le thérapeute va essayer... Ou alors ça serait peut-être la mauvaise ethnopsychiatrie, dans une mauvaise ethnopsychiatrie. et c'est sûr qu'il y a de mauvais... Vous êtes nos psychiatres !

  • Speaker #0

    Ça pourrait être une espèce de... Enfin, le psychiatre pourrait vouloir s'approprier un peu les référentiels culturels pour les plaquer dans le cadre de la thérapie. Mais je trouve que c'est intéressant que là, ce soit plutôt des psys qui ne cherchent pas forcément à tout connaître de la culture indienne pour pouvoir te balancer des références, mais plutôt, ils te posent des questions, ils sont à l'écoute en fait de... Ce que toi tu vas amener.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Et je pense que le cas contraire serait inopérant, ce serait pas intéressant pour moi. Parce qu'en fait, moi je vois qu'il y a un tronc commun. Genre sur l'infant intérieur, peu importe les cultures, il y a une base commune. et après il y a des petites spécificités culturelles mais finalement le coeur c'est pas mes origines indiennes, c'est pas ça le coeur moi je fais de la thérapie des traumas et c'est pas que je sois indien ou pas, on s'en fout c'est vraiment aller voir, rencontrer le petit Raphaël et ça, voilà, je veux dire le mec qui est au Grand Henland c'est la même chose Oui,

  • Speaker #0

    c'est intéressant ce dialogue entre l'universel du fonctionnement de la psyché humaine et comment un peu marginalement mais Quand même le milieu culturel et les origines peuvent jouer, mais effectivement comme tu dis, de façon qui n'est pas forcément le cœur du truc.

  • Speaker #1

    Ah non, non, non, surtout pas.

  • Speaker #2

    C'est l'aspect des mythes et des mythèmes, c'est les sous-divisions de mythes. Et qu'en fait, dans plein de cultures différentes, on retrouve la même racine du mythe, mais qui est déclinée.

  • Speaker #1

    Bien sûr, quand tu regardes... l'enfant divin, c'est Moïse, c'est Jésus, c'est Krishna, c'est Bouddha. C'est la même chose pour moi. Ça se recoupe. Sauf qu'ils ont des noms différents. Et ça, les bons psychologues le savent. Et pareil,

  • Speaker #2

    le mythe d'Oedipe, qui se décline sous plein d'autres mythes dans la mythologie grecque.

  • Speaker #3

    Je pense que l'axe un peu de l'origine de la culture, d'où tu viens, entre guillemets, est quand même un repère, en fait. Quand je dis un repère, c'est... d'une certaine manière, de voir en fait par rapport à ton ancrage actuel. Enfin, tu vois, moi, je peux le nier. Enfin, tu vois, je me dis à chaque fois, mes origines, tu vois, ça fait genre 22... Non, 23 ans que je ne suis pas allée au Togo. Donc, je n'ai pas de référentiel, je n'ai pas de... Mais dans la construction, tu vois, de se dire, enfin, tu vois, moi, dans mon ancrage, où je suis, qui je suis... Peut-être que d'avoir tous ces éléments culturels, peut-être que ça aurait pu m'aider, enfin, ça peut m'aider à m'ancrer, en fait. Donc, je dis ça parce que c'est un sujet que j'aborde et que j'ai déjà abordé en thérapie, parce que c'est tellement un inconnu qu'au final, il y a un pan, en fait, qui est un peu en suspens.

  • Speaker #0

    Donc, toi, t'as l'impression, et d'ailleurs, dans... De ce point de vue-là, vous avez un vécu en partie commun. Est-ce que ce que tu dis, c'est que le fait d'être d'origine togolaise, mais en France, tout comme toi, t'es d'origine indienne, mais t'as grandi en France, ça a un impact dans la construction psychologique, en fait, cette double culture, quoi ?

  • Speaker #3

    D'autant plus, et ça, ça fait écho à des... J'ai des amis qui sont métis, c'est tout. Je pense que c'est la même problématique. C'est un impact au niveau identitaire. Parce que, c'est un truc, ça me... J'ai des amis du coup métis, où par exemple, que ce soit black, blanc, dès que quelqu'un va les voir, ça va être le black ou la black. Alors que, clairement... Donc c'est des choses... eux-mêmes me l'ont dit, en fait, au final, au niveau de... Ils ne savent pas. Et je pense que ça crée, en fait, des... Enfin, des problèmes... Enfin, voilà, des troubles, en fait. Ça crée des problématiques qui ne devraient pas avoir lieu et qui sont vraiment des problématiques sociétales.

  • Speaker #0

    C'est super intéressant ce que tu dis. Ça me fait penser à une amie qui est moitié brésilienne, moitié française et qui, en plus, a grandi en Asie. Et elle m'a dit qu'elle est... qu'elle allait voir une thérapeute qui était spécialisée sur ces questions de construction identitaire chez des personnes métisses ou biculturelles en tout cas. Et ça crée plein de sujets, oui.

  • Speaker #3

    Ça crée des sujets, j'aborde ça parce que là, moi, dans mon parcours thérapeutique et même dans mes études, J'en suis arrivée à un moment où ma psychologue, c'est elle qui m'a posé cette question de savoir si je voulais rencontrer un ethno-psychologue. Et oui, ça pourrait être intéressant, mais après, le travail que je fais avec elle, moi, il me convient aussi. Il me fait avancer. Et quand je rejoins avec les études en psychologie, moi, je fais des études en psycho pour pouvoir... Et j'aimerais me spécialiser, effectivement, en tout ce qui est art-thérapie, ethno-psychiatrie. pour pouvoir justement accueillir un public très large. L'idée n'est pas de, entre guillemets, un peu d'orienter vers une population en particulier.

  • Speaker #0

    De fermer les gens dans des caisses.

  • Speaker #3

    Exactement. Mais encore une fois, c'est la perception du monde et des gens.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous auriez des conseils ? On finit souvent les épisodes comme ça, par cette question. Est-ce que vous auriez des conseils pour des auditeurs ou auditrices qui nous écouteraient et qui... ont pu, qui peuvent être dans une situation dans laquelle leur santé mentale ou leur difficulté en matière de santé mentale ne sont pas forcément bien prises en compte ou validées par leur entourage et notamment du fait de facteurs culturels. Est-ce que vous auriez des conseils sur votre... en partant de votre vécu, à tous les deux ?

  • Speaker #3

    Moi, dans les conseils, c'est vrai qu'aujourd'hui, je trouve ça hyper intéressant. Par exemple, les réseaux sociaux, mais plutôt les réseaux sociaux dans le sens où il y a pas mal de comptes qui apportent vraiment une aide, un accompagnement sur le quotidien. On parlait tout à l'heure de la partie artistique, il y en a beaucoup qui en font des BD, qui en font des petits. Et je trouve que ça aborde... certaines thématiques et ça peut apaiser parfois. Enfin voilà, d'avoir... C'est un peu cliché ce que je vais dire, mais des petites phrases ou des petits mots inspirationnels, enfin voilà, de se reconnaître dans des situations par exemple d'anxiété, ça me fait penser à Théo Grosjean. Je sais pas si vous voyez. Enfin voilà, il y a pas mal de comptes en fait, Instagram, qui moi, nourrissent beaucoup. Et je pense que c'est vraiment... il y a le bon et le mauvais des réseaux sociaux mais je pense que ça c'est vraiment une chose qui est assez top je pense aussi qu'aujourd'hui on a la chance c'est peut-être pas assez mais qu'il y ait des gens qui en parlent notamment des artistes des personnes ou d'autres personnes publiques il y a vraiment et ça c'est quelque chose qu'on avait peut-être pas forcément avant et qui aide en fait aussi à se dire on n'est pas seul et puis je pense que c'est l'un des Merci. Le pilier, c'est aussi savoir s'entourer. Je pense que l'entourage, au moins une ou deux personnes qui savent vous accompagner, je pense que c'est hyper important.

  • Speaker #1

    Moi, en fait, je sais que mes parents ne viendront pas à la maison perché. Donc finalement, moi, ça m'a donné, ça m'a permis de me bouger les fesses. C'est moi qui suis venue tout seul. Des fois, je vois des parents qui viennent alors que les enfants, c'est touchant. Mais moi, ça m'a donné le fait de voir que c'était pas compris. Ça m'a donné la niaque. de m'en sortir en fait. Et voilà, après moi ce qui a beaucoup compté c'est les thérapies de groupe, je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup de gens issus des minorités visibles, ethniques, dans les thérapies de groupe, parce qu'effectivement en one to one avec un thérapeute, je vois personne d'autre, j'ai l'impression que je suis le seul qui a une double culture, etc. C'est pas vrai. il y a toujours deux ou trois personnes dans un groupe et ça permet de voir que j'ai d'autres personnes dans le vécu, même vécu que moi, je suis pas le seul en fait j'ai beaucoup fait de thérapie de groupe et moi je suggère de faire du groupe aussi en thérapie c'est très important et ça permet de sortir de sa coquille quoi

  • Speaker #0

    La paire est dense, finalement.

  • Speaker #1

    La paire est dense, c'est de cheminer avec des thérapeutes en groupe. Il y a 20 personnes, 14 personnes, c'est un peu intimidant, mais il y a plein de parcours divers. Voilà, donc s'ouvrir. Si on peut, évidemment, parce que c'est un coup, mais il faut se donner les moyens de s'en sortir aussi. Voilà.

  • Speaker #2

    Et ces thérapies de groupe, c'est dans quel cadre ?

  • Speaker #1

    Moi, je fais une thérapie de groupe sur les traumas. Donc c'est de la thérapie des traumas. J'ai fait de la thérapie sur l'enfant intérieur aussi, donc d'inspiration jungienne. Voilà, il y a plein de thérapies. C'est une fois par mois, avec un groupe continu, donc ça permet de créer des liens sécures avec les personnes. Et on se raconte nos vies, en fait. Et on se soutient, et voilà.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. A bientôt pour un prochain épisode de La Perche. Merci. On a fini par s'en sortir. Oui, tout va bien.

  • Speaker #2

    La Perche est un podcast produit par La Maison Perchée, écrit et réalisé par Anna Klarsfeld et Sylvain Pinault, et avec une musique originale de Blasie.

  • Speaker #0

    La Maison Perchée vous attend en ligne sur maisonperchée.org, sur les réseaux sociaux, ainsi qu'à Paris dans notre café singulier, ouvert à toutes et tous.

  • Speaker #2

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  • Speaker #0

    Et surtout, n'hésitez pas à partager ce podcast autour de vous. Parler de santé mentale, ça change des vies.

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