Speaker #0Salut tout le monde, je suis Florent Mounier et je suis l'auteur et le narrateur de La Petite Histoire. Je passe mon été avec mon acolyte de toujours, vous le connaissez, Sébastien Girard, lui aussi auteur et réalisateur de ce podcast de La Petite Histoire. Et cet été, c'est vous qui êtes à la programmation de cette petite histoire. On a organisé un grand vote il y a quelques semaines pour vous demander ce dont vous aviez envie pour ces vacances. Et vous avez été nombreuses et nombreux à vouloir écouter des petites histoires d'explorateurs et d'exploratrices de grandes aventures, ainsi que des petites histoires en lien avec le crime. Alors aujourd'hui, je vais vous proposer de vous replonger dans le tour du monde de Jeanne Barré, une botaniste et exploratrice française qui a embarqué sur deux navires, l'Etoile et la Bouddeuse. Et elle est devenue, Jeanne Barré, la première femme à avoir fait le tour du monde. Mais elle a dû pour cela se déguiser en homme pour qu'on la laisse embarquer sur les bateaux. Ah ouais, quelle histoire ça aussi. Laissez-moi donc vous raconter l'histoire de Jeanne Barré. Elle est née le 27 juillet 1740. Écrivez son nom de famille comme bon vous semble, parce qu'il a parfois été orthographié Barré B-A-R-E-T, Barré B-A-R-E-T ou Barré B-A-R-E-T. Quoi qu'il en soit, Jeanne est la fille d'une autre Jeanne, sa maman, qui se prénomme en effet Jeanne Pochard. Son papa, lui, c'est Jean Barré, un paysan français de Bourgogne. Alors c'est une famille relativement pauvre. Jeanne, elle, elle commence à travailler très tôt en tant que gouvernante dans les maisons. Et au début des années 1760, Jeanne commence à travailler pour le notable Philibert Commerçon, un naturaliste. Philibert Commerçon qui est un homme relativement jeune, mais déjà veuf. Il est plutôt charmant, il a de la culture et il commence à donner des cours de botanique à Jeanne. Et il lui apprend même à confectionner son propre herbier. A 22 ans, Jeanne... reconnaît 3000 espèces de plantes en France. Et Philibert, lui, il est fasciné par l'intelligence de son apprenti. Jeanne Barré qui s'impose peu à peu comme un bras droit ordonné, méthodique, aux recherches du naturaliste, mais elle reste toujours officiellement la fan de chambre de Philibert. Le naturaliste est de plus en plus attiré par cette jeune travailleuse et petit à petit, leurs liens se resserrent. Tous deux se rapprochent et ils finissent donc par... tombé amoureux. Au bout de quelques mois, le ventre de Jeanne semble un petit peu plus rond. On est en 1764. Philibert et Jeanne ne sont pas mariés. Il y a une différence d'âge assez importante. Alors, ils sont reniés par leur famille et c'est une époque dure pour eux parce qu'en plus, leur nouveau-né va décéder quelques mois après la naissance. Philibert, lui, continue son travail de naturaliste et il finit par être nommé médecin. et botaniste du roi. Alors, il est très fier, Philibert, fier de cette nomination. Et en 1765, il est choisi pour participer à une expédition à laquelle il s'était inscrit. C'est l'explorateur Bougainville qui l'invite donc à cette expédition, cette grande aventure qu'il va faire autour du monde. Bougainville propose donc à Commerçon de naviguer à ses côtés à bord de deux navires. Tout d'abord, le navire... la boudeuse et ensuite viendra un autre navire pour faire carrément le tour du monde. C'est le navire L'Etoile. Alors, Comerson est emballé par l'idée. Sauf que, à ce moment-là, déjà, il n'est pas en bonne santé. Et cette mauvaise santé l'amène à hésiter, à accepter cette aventure. Mais il finit quand même par accepter tout en décidant d'amener avec lui sa Jeanne. Ben oui, ce sera rassurant pour lui d'avoir une compagne, sa compagne à ses côtés. Jeanne qui pourra faire office d'infirmière, elle pourra également être son assistante dans son activité de botaniste. Oui, c'est bien tout ça, mais à l'époque, il est hors de question d'embarquer une femme à bord. Les femmes sont à ce moment-là interdites sur les navires de la marine française. Je cite, par ordre du roi, la présence de toute femme sur un bateau de sa majesté est interdite, sauf pour une courte visite. Un mois de suspension sera requis contre l'officier qui... contreviendrait à cet ordre et 15 jours de fer pour un membre de l'équipage qui, lui-même, n'y souscrirait point. Ok, donc ça c'est la règle. Ah bah du coup, va falloir ruser. Et Philibert et Jeanne, ils ont une idée. Elle est plutôt simple cette idée, vous la voyez venir. Peut-être un petit peu trop simple d'ailleurs, voire même dangereuse. Oui, l'idée c'est de déguiser Jeanne en homme et de la présenter non pas sous le nom de Jeanne Barré, mais sous le nom de Jean. Jean Barré, Jeanne Barré qui va donc se travestir. Elle se coupe les cheveux, elle enfile des vêtements amples. T-shirt, un pull, grands pantalons. Elle prend des grandes chaussures et puis elle se bande la poitrine. Et la voici sous le nom de Jean Barré. Clairement, on se dirait dans du théâtre de boulevard. Alors, c'est en décembre 1766 que Jeanne, ou plutôt Jean et puis Philibert, embarquent tous les deux sur le navire de l'Étoile. Et on présente à tout l'équipage ce fameux Jean comme étant le valet de Comerson. Alors Jean et Philibert arrivent sur le navire, puis ils s'installent dans leur cabine. C'est une belle et vaste cabine, une grande cabine. Une grande cabine grâce à l'imposante quantité de matériel qu'ils transportent avec eux pour cette expédition, et qui donc justifie la taille de la cabine. Alors c'est important pour eux d'avoir une cabine comme celle-ci, non seulement évidemment, vous l'avez entendu, pour le matériel, Mais en plus, cette cabine va finalement leur permettre de garder une certaine intimité et surtout de cacher la supercherie au reste de l'équipage. Dans cette cabine, Barré peut avoir son intimité, une intimité qu'elle n'aurait pas pu avoir dans une partie du navire bondé. En plus, dans cette cabine, elle a ses propres toilettes privées afin qu'elle n'ait pas à utiliser celles des autres membres de l'équipage. Donc ça, ça facilite plutôt les choses pour garder son secret de tous. Les jours passent sur le navire, mais très vite, l'expédition tourne à l'aventure malheureuse pour Philibert. Philibert qui se sent de plus en plus mal, de plus en plus malade finalement, parce que d'abord il souffre du mal de mer et en plus il souffre d'un ulcère. Heureusement que Jeanne est à bord pour s'occuper de lui. Et Jeanne, elle ne fait pas que ça. Elle doit aussi porter le matériel, parce que chaque fois qu'il s'arrête quelque part, eh bien il y a du matériel à porter. Elle doit d'ailleurs porter tout le matériel en raison de l'été. tas de santé de Philibert qui ne peut soulever aucun poids. Et Jeanne, elle fait tout pour ne pas mettre la puce à l'oreille des équipiers sur sa véritable identité. Et sur le navire, elle se taille d'ailleurs très rapidement une réputation de force et de courage. Elle ne recule devant aucun terrain défavorable, elle porte absolument tous les poids, rien ne semble la freiner et rien ne lui fait peur à Jeanne. Et en plus de tout ce qu'elle fait, porter le matériel, s'occuper du malade, Jeanne assiste également Philibert pour cataloguer les spécimens qu'il trouve dans l'expédition et pour noter également toutes les observations qu'il peut faire autour de chaque spécimen. Dans ses écrits, l'explorateur Bougainville dit que c'est au bout de quelques semaines d'expédition que des rumeurs ont commencé à circuler sur le navire autour du sexe de Jean Barré. L'équipage glissait de temps en temps quelques vannes. faisait quelques allusions, mais rien n'était confirmé. Oui, sauf que c'est en arrivant à Tahiti, on est en avril 1768, que la supercherie est découverte. L'équipage accoste sur l'île et à l'heure descente, les Tahitiens, en voyant Jeanne, commencent à l'interpeller. Et ils l'appellent. Vahineh, Vahineh ! Qui veut dire femme. Il s'agit d'un rituel local, rien de méchant, c'est un signe de bienvenue. Mais les Tahitiens se rapprochent de plus en plus du duo et viennent très vite entourer Jeanne et Philibert. Et alors tous les deux, ils sont pris de panique. Ils ne savent plus que faire, tout le monde les regarde en plus. Tout l'équipage est là pour assister à cette scène. Jeanne et Philibert finissent par repartir à bord du navire et ils tâchent là-bas de se faire oublier. Ils ne sortent plus du navire. Mais les membres de l'équipage, après cette scène... ils ne peuvent plus faire semblant d'ignorer la réalité. Jean n'est pas un homme, mais il s'agit bel et bien de Jeanne, la femme. Jeanne est alors convoquée par le capitaine Bougainville et elle est contrainte de révéler son identité. Elle dit évidemment que son compagnon n'était pas au courant de sa véritable identité. Dans ses récits, Louis-Antoine de Bougainville a écrit « Comment reconnaître une femme dans cet infatigable barré ? » Elle avait un courage et une force qui lui avaient mérité le surnom de Bête de Somme. Bête de Somme, vous vous rendez compte ? Quel surnom ? Un surnom qui montre bien qu'elle portait énormément de poids et qu'elle mettait beaucoup de cœur à l'ouvrage. Le couple est donc autorisé à poursuivre le voyage, mais seulement jusqu'à l'île Maurice où ils vont être débarqués. Et c'est donc sur cette île qu'on leur demande de quitter le navire, quitter l'équipage, tous les deux. Et là, on est au début des années 1770. Alors le couple va rebondir. Il va décider de rester un temps dans cette région du globe. Il va décider, ce couple, de s'installer sur l'île Maurice afin d'éviter une éventuelle condamnation du royaume de France parce que ce secret aurait pu être condamné par le roi. Et puis rester ici sur cette île permet à Philibert de continuer ses collectes de spécimens qui le passionnent toujours autant. Et comme il est de plus en plus malade, Philibert, Il sait qu'il ne lui reste plus énormément de temps. Et d'ailleurs, aurait-il assez de force pour reprendre un voyage en bateau aussi long pour revenir en France ? Ça, c'est pas sûr. Donc, le fait de rester à l'île Maurice est plutôt logique. Et Philibert meurt sur l'île Maurice. On est en 1773, trois ans donc après leur arrivée. Alors Jeanne, elle se retrouve seule sur cette île. Mais cette femme courageuse... ne se laisse pas aller pour autant, vous la connaissez. Elle envoie en France des échantillons, des espèces découvertes durant le voyage. Au total, 5000 espèces différentes qui ont été découvertes à la fois par Philibert, évidemment, mais aussi par elle. Et comme c'est une entrepreneuse dans l'âme, elle décide, Jeanne, pour subvenir à ses besoins, d'ouvrir une taverne à Port-Louis pendant quelques temps. Nous sommes à Port-Louis donc, et à peine quelques mois plus tard, Jeanne va rencontrer un homme prénommé Jean. Encore un Jean dans sa vie. Après son père, après son alter ego, voici donc Jean Dubernat, un officier de marine français. Le 17 mai 1774, Jean Dubernat et Jeanne Barré se marient. Et l'année suivante, en 75, le couple rentre en France et s'installe dans un village du Périgord. Jeanne est donc la première femme connue à avoir réalisé un tour du monde. Et ses qualités de botaniste ont largement été reconnues. En 1785, Bougainville plaide d'ailleurs pour qu'elle reçoive une pension royale. Et le roi Louis XVI, à l'époque, lui accorde cette pension et il la nomme même « femme extraordinaire » et évoque, je cite, « son attitude exemplaire » . Elle reçoit donc Jeanne de la part du roi Louis XVI. une rente, rente de 200 livres, une pension qu'elle obtient pour son courage et pour ses mérites. Beaucoup plus tard, on est en 2012, et on lui a à nouveau rendu hommage à Jeanne, puisque une espèce de plante a été découverte en Amérique du Sud et elle a été nommée Solanum Barretiae, pour barrer, en son honneur. On se souviendra donc longtemps de Jeanne Barret, cette femme remarquable qui a su aller à l'encontre des règles sociales et à l'encontre également des préjugés de l'époque. Voilà pour cette petite histoire qui fait donc partie de la saga de l'été. Cette histoire vous a plu ? 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