- Romain LE GAL
Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain Le Gal, un des meilleurs ouvriers de France Fromager 2023, et nous sommes très heureux, avec France Frais, de partager avec vous ce premier moment d'échange qui a comme envie, comme but, de donner la parole aux femmes et aux hommes passionnés qui font et animent notre belle filière. Pour cette première, je me trouve ce matin en alpage à 1700 mètres d'altitude, au Gae Clépoche, sur le plateau de Senise. en Haute-Savoie. Je suis chez François et Sandrine Deloche, producteurs de Roblochon Fermier. Bonjour François. Bonjour. Et François, du coup, on est où exactement ici ?
- François DELOCHE
On est sur l'Alpage de Cenise, sur la commune de Glier-Val-de-Borne.
- Romain LE GAL
Ok. François, est-ce que tu peux te présenter ?
- François DELOCHE
Bon, ben là j'ai 53 ans.
- Romain LE GAL
53 ans, ok. T'as toujours vécu en...
- François DELOCHE
Ouais, j'ai toujours vécu, j'ai toujours fait que ça, quoi. Mes parents faisaient ça.
- Romain LE GAL
Et avant tes parents, tes grands-parents aussi ?
- François DELOCHE
Mes grands-parents, oui.
- Romain LE GAL
Donc finalement...
- François DELOCHE
Il y a eu plusieurs générations.
- Romain LE GAL
Plusieurs générations de producteurs de reblochons, toujours ?
- François DELOCHE
Oui, oui, toujours.
- Romain LE GAL
D'accord. Et du coup, tu t'es installé en quelle année ?
- François DELOCHE
En 97.
- Romain LE GAL
En 97 ?
- François DELOCHE
Avec ma femme, et puis à l'époque, il y avait encore ma mère. Et après, c'est mon fils Lucas qui a repris sa place.
- Romain LE GAL
Et du coup, aujourd'hui, si tu dois présenter ton exploitation en quelques mots ?
- François DELOCHE
On a une soixantaine de laitières. Et puis avec tout le renouvellement, on fabrique du reblochon fermier. Et puis pendant une période courte, le printemps, on fait de l'abondance.
- Romain LE GAL
D'accord. Donc fromage, finalement, plus de garde. C'est une période de l'année où il y a un peu moins de pente.
- François DELOCHE
Il y a un peu un creux, il y a moins de pente.
- Romain LE GAL
Un petit creux. Oui. Au niveau de ton troupeau, du coup, c'est 60 vaches laitières ?
- François DELOCHE
60 vaches laitières, grâce à l'abondance.
- Romain LE GAL
D'accord. J'ai vu que ce matin à la traite, il y a deux petites tarines. Pourquoi ? C'est pour le plaisir ?
- François DELOCHE
Ouais, un peu, ouais. On n'en avait pas, puis ça s'est trouvé qu'une fois, on en a acheté une, puis voilà, quoi.
- Romain LE GAL
Bon, pour faire du reblochon, on peut avoir quelle race ?
- François DELOCHE
On a le droit à trois races, Amondance, Tarine, puis Montbéliard. Mais bon, la Montbéliarde, très bonne productrice, mais nous qui partons un peu en alpage, c'est un peu plus compliqué, quoi. Les pieds, tout ça, sont un peu plus fragiles, quoi. Alors bon, on a choisi pour une race un peu rustique.
- Romain LE GAL
Quand tu as repris à tes parents, ils faisaient déjà du reblochon ? Oui,
- François DELOCHE
ils faisaient déjà du reblochon, mais c'était moins... À l'époque, ils avaient une vingtaine de vaches laitières. Tout au même endroit, on était sur Grand-Bornan. Et puis après, nous, on y a développé un peu plus.
- Romain LE GAL
Donc là, on est en Alpage, mais la ferme en bas... C'était la ferme de tes parents ?
- François DELOCHE
Non, c'est une ferme qu'on a reprise. Au début, quand on s'est installé sur Grand-Bornan, j'ai repris la ferme de mes parents. Et après, on avait un projet d'agrandir. Et vu l'urbanité, c'était un peu compliqué. On se comparait pour avoir le permis, tout ça. Du coup, on a trouvé une ferme qui se laissait sur Thibornan. Alors du coup, on a sauté sur l'occasion. Et du coup, on a développé après sur Petit Bornand et puis après, on a encore développé en Alpage.
- Romain LE GAL
Et du coup, tu t'es installé avec ta femme, tu m'as dit en 97,
- François DELOCHE
c'est ça ? En 97, en Bornand. Et puis après, en 2000, on a atterri à Petit Bornand.
- Romain LE GAL
Et après l'Alpage, vous avez commencé à travailler sur l'Alpage à partir de ?
- François DELOCHE
On a commencé en 2010, à peu près. On l'a récupéré, mais bon, il n'y avait rien. C'était un Alpage à Genisse.
- Romain LE GAL
D'accord. Pour ceux qui nous écoutent, une génisse, du coup, c'est...
- François DELOCHE
Des bêtes de garde, quoi.
- Romain LE GAL
C'est les jeunes, finalement, les troupeaux de renouvellement.
- François DELOCHE
Du coup, après, nous, on a dit, on cherchait un alpage, et il n'y avait pas moyen d'en trouver un. Et celui-là, il se libérait. Du coup, on a dit, on va y essayer avec des vaches à lait, quoi. Et on a vu que ça se passait bien. Du coup, après, on a développé, on a fait un bâtiment sur l'alpage. On a demandé à faire un bâtiment, puis ça a été accordé. qu'on a fait en 2020.
- Romain LE GAL
C'est la première fois qu'on s'est rencontrés en 2020, François ?
- François DELOCHE
Oui, peut-être.
- Romain LE GAL
Si, c'est ce que je disais en arrivant ce matin avec Jérôme Buffet de la fromagerie Édouard Connus. On s'était déjà vus une fois en 2020 quand je préparais le concours. Et du coup, ça venait d'être mis en route finalement, votre nouveau bâtiment. Et donc avant, tu avais l'alpage, mais comment tu faisais ?
- François DELOCHE
On avait l'alpage, mais on redescendait le lait sur la ferme du bas, la ferme d'hiver.
- Romain LE GAL
D'accord.
- François DELOCHE
Et il y avait trop de route, il y avait une dizaine de kilomètres.
- Romain LE GAL
Et 10 kilomètres en temps de montagne, ça fait combien de temps ? Ouais,
- François DELOCHE
il fallait 20-25 minutes. La ferme du Bas, elle est à 700 mètres, et là on est à 1700.
- Romain LE GAL
Ah oui, donc c'est un peu dénivelé.
- François DELOCHE
Il y avait un sacré dénivelé.
- Romain LE GAL
Vous montez quand dans les alpages en général ?
- François DELOCHE
En général, fin mai, début juin. Et pour y rester, juste à fin septembre, début octobre. D'accord.
- Romain LE GAL
Pour descendre. Donc t'as... Comment ça fonctionne ? Tes vaches sont à l'herbe. Et après, vous avez une station pour la traite, par exemple. C'est une station de traite mobile ? Oui,
- François DELOCHE
on a opté pour ça. On a déjà fait un bâtiment, c'est déjà pas rien. Il y avait un coup pour monter les matériaux là. On aurait bien voulu refaire un étable à côté, mais bon, ça coûtait trop. Alors, du coup, on a opté pour une salle de traite mobile. Et puis, on voit que ça se passe bien comme ça, ça va bien. Et puis nous, l'alpage s'y prête bien, c'est un plateau, on peut se déplacer souvent, ça n'abîme pas, il n'y a pas trop de piétinement, ça repousse bien derrière.
- Romain LE GAL
L'alpage, il fait quelle taille ?
- François DELOCHE
Là, sur l'alpage, on a 160 hectares. Ça va bien comme ça, alors du coup, on a continué comme ça. On avait commencé pendant les 10 ans qu'on a essayé un trait mobile, on a vu que ça marchait bien, on a continué.
- Romain LE GAL
Donc l'été sur le plateau et puis l'hiver ?
- François DELOCHE
L'hiver, c'est en état, c'est en entravé, c'est un système entravé, c'est en attaché.
- Romain LE GAL
Comme ça se fait beaucoup dans la région, c'est un système traditionnel finalement. Et du coup, si tu peux nous expliquer comment ça fonctionne la production du reblochon ?
- François DELOCHE
Le matin, je me lève, on commence la traite vers les 5h30, ça dure à peu près une heure et quart. Vu que nous on traite en salle de traite, nous on met des ferments lactiques, c'est une heure avant l'emprésurage. Alors je les mets déjà dans la boule à lait. Et la boule à lait c'est ce qui ramène le lait à la cuve, où on charrie le lait. Et après, quand je viens, on vide le lait dans la cuve. On regarde le lait, s'il a la bonne température.
- Romain LE GAL
C'est quoi la bonne température du coup pour l'emprésurage ?
- François DELOCHE
32, 32,5. Et s'il est un petit peu plus froid, s'il a 31,5 par exemple, on va réchauffer un petit coup. S'il a un peu plus, ça ne dérange pas trop, mais en principe, il est bien à la bonne température.
- Romain LE GAL
Donc l'emprésurage, c'est finalement mettre de la présure. C'est pour transformer le lait en cahier.
- François DELOCHE
Après, on laisse cahier une demi-heure. ça devient dur, le lait qui vient un peu dur, coagule. Et après, on décaille quoi. Avec un tranche caillé, on commence à faire la croix, on laisse ça reposer, puis après on décaille. Et puis après, on fait...
- Romain LE GAL
Ou décailler, mais jusqu'à quelle finesse ? Dans notre métier, on parle de grains ?
- François DELOCHE
Ouais, un grain, il faut qu'on retrouve un grain de maïs un peu.
- Romain LE GAL
D'accord.
- François DELOCHE
Et puis, après, tout de suite après, on y... On y étale sur une table de moulage. Il y a tous des moules.
- Romain LE GAL
Et puis sur les moules, il y a aussi...
- François DELOCHE
Il y a la toile, oui, la toile.
- Romain LE GAL
Ça, c'est une obligation dans le cahier des chasses ?
- François DELOCHE
Oui, c'est une obligation.
- Romain LE GAL
C'est une toile en quoi ?
- François DELOCHE
En toile de lin.
- Romain LE GAL
Et du coup, elle sert à quoi, cette toile, François ?
- François DELOCHE
Eh bien, pour le grain, ça égoutte mieux le grain. Ça le sèche un petit peu. Et après, on est tenu... Après, on moule. On arrange nos reblochons, on essaye de trouver le bon poids. Qu'il soit entre 450 et 550, le poids à respecter. C'est un coup de main à prendre. Il y a les moulés comme il faut.
- Romain LE GAL
Tu en as moulé quelques-uns maintenant. Oui,
- François DELOCHE
on commence à avoir l'habitude.
- Romain LE GAL
Tu t'es raconté combien tu as moulé de reblochons ? Tu te ferais peur, je pense. Là, on est en millions, non ? Peut-être.
- François DELOCHE
Du coup, après, on les retourne une première fois. On met la petite... pastille derrière.
- Romain LE GAL
La pastille qui est enfermée, elle est verte.
- François DELOCHE
Elle est verte, vu qu'on est enfermé.
- Romain LE GAL
Et en laitier pour ceux qui nous écoutent, elle est rouge. Donc cette petite pastille, elle permet quoi François ?
- François DELOCHE
Elle a la traçabilité à nous retrouver. Au-dessus, on a notre numéro d'atelier et après on a quoi pour les journées. Il y a un numéro... quelle journée va correspondre. Après, nous, on y marque tous les jours sur un cahier. Donc, il y a de la traçabilité. Et après, on met un faux fond sur le...
- Romain LE GAL
Un faux fond, finalement,
- François DELOCHE
sur le cahier. Sur le cahier, oui. Dans le moulage. C'est un faux fond en plastique. Et puis après dessus, on remet une pierre qui fait 1,8 kg. Celle-là, un minimum à respecter. Oui,
- Romain LE GAL
puisque le reblochon, c'est une pâte pressée non cuite. Donc, il y a la phase de pressage.
- François DELOCHE
Et puis après, au bout d'une heure, on enlève tout pour retirer cette toile de lin.
- Romain LE GAL
C'est déjà beaucoup de manipulation finalement. Oui,
- François DELOCHE
c'est déjà vrai.
- Romain LE GAL
Ça fait beaucoup d'actes.
- François DELOCHE
Et puis après, on est... On fait un peu de notre nettoyage. Après, c'est à peu près fini pour la journée. Pendant ce temps, ma femme se lève à la même heure que moi, mais elle fait tout le soin aux reblochons.
- Romain LE GAL
Donc,
- François DELOCHE
qu'est-ce qu'elle fait, Sandrine ? Le matin, elle va faire le démoulage des reblochons de la veille.
- Romain LE GAL
La veille au soir ? Oui, la veille au soir, c'est deux fois par jour. C'est obligatoirement enfermé deux fois par jour. C'est une des obligations. Et...
- François DELOCHE
Elle va les mettre en hausse salle, en saumure.
- Romain LE GAL
Ok, donc elle a des moules, elle les met en saumure.
- François DELOCHE
Oui, et après, tous ces moules en plastique, elle les met dans un bac pour les laver. Il faut tout y nettoyer.
- Romain LE GAL
Il y a beaucoup de vaisselle.
- François DELOCHE
Oui, de vaisselle à faire. Et après, il y a tous les reblochons à s'occuper. Pendant 5-6 jours, ils restent au séchoir. Il faut les retourner tous les jours.
- Romain LE GAL
Retourner, puis il y a une phase aussi où elle va les laver.
- François DELOCHE
Oui, au bout du cinquième, sixième jour, c'est suivant comment ils avancent. On les lave, on les frotte avec une machine. Alors bon, il y a tout ce boulot-là à faire pendant la traite.
- Romain LE GAL
Et après, vous passez ce matin en production, j'ai vu, dans un bain.
- François DELOCHE
Eh bien ça, après, oui, une fois qu'on a moulé, quand on les sort sur le mur, on les... On les trempe dans un petit bac, c'est de l'eau avec un géotrichome pour les ensemencer.
- Romain LE GAL
Et ça sert à quoi du coup ce géotrichome ?
- François DELOCHE
C'est pour qu'ils commencent à prendre une bonne flore. Après, pour le matin, c'est à peu près fini. Après, c'est rebelote le soir. Nous, on recommence notre traite à 5 heures, c'est mes rebelotes. fabrication et pendant ce temps, pareil, ma femme, le soir, vu qu'on fait de l'affinage, elle va reprendre déjà les reblochons qu'elle a lavé le matin, qu'elle a laissé sécher, on les laisse sécher une demi-journée avant de les passer en cave. Et pareil, elle va les refrotter en rentrant à la cave avec du géo pour qu'ils reprennent une flore dans la cave. Et après, elle a tous les reblochons de la cave à tourner.
- Romain LE GAL
Et donc après... au niveau de la répartition. Donc toi, toi, tu vas t'occuper finalement de la traite. Puis tu vas venir aider en production. Et ta femme Sandrine va plus, elle, s'occuper vraiment de la fabrication. OK. Et tes enfants, du coup, comment ça s'entend ? Bon bah là,
- François DELOCHE
maintenant, vu qu'on a pris Simon, Simon, il s'aide beaucoup. Le matin, il va s'aider un petit peu en fabrication. Et le soir, il va venir s'aider à traire avec moi. Et Le premier des fils, celui qui est dans le gaec, il vient m'aider un coup le matin, pas tout le temps l'été. Nous, on fait nos foins, nos fourrages, et lui, il s'occupe plus de cette partie-là.
- Romain LE GAL
Cette année, c'est une année un peu particulière.
- François DELOCHE
C'est un peu merdique. Il vient me donner un petit coup de main.
- Romain LE GAL
C'est un peu beaucoup d'eau.
- François DELOCHE
Oui, beaucoup d'eau. Après, les années, non, ce n'est pas merdique. Si ça va bien, il ne monte pas. Il y a les foins à s'occuper en bas.
- Romain LE GAL
Là tu penses que ça va être une bonne année cette année pour le foin ? Ah non là ça va être...
- François DELOCHE
On n'a pas revu une année comme ça.
- Romain LE GAL
On en parlait ce matin, l'herbe elle n'est pas extraordinaire.
- François DELOCHE
Non, nous là on a beaucoup d'herbe mais elle est pleine d'eau.
- Romain LE GAL
Elle est pleine d'eau du coup ?
- François DELOCHE
Elle a moins de valeur.
- Romain LE GAL
Et tu nous disais que par rapport à l'année dernière, à la même période, tu avais combien de litres de lait en moins ?
- François DELOCHE
Sur une journée ça fait bien 120 litres.
- Romain LE GAL
Sur finalement 60 laitières, ça fait quand même quelques reblochons.
- François DELOCHE
Ah oui,
- Romain LE GAL
en moins. Par contre, tu me disais aussi que malgré tout, ou c'était toi ou Sandrine, je ne me rappelle plus ce matin, au niveau production, ça se passait quand même plutôt pas mal.
- François DELOCHE
Oui, oui.
- Romain LE GAL
Le lait est bien fromageable.
- François DELOCHE
Ah oui, oui, question.
- Romain LE GAL
Et du coup, le reblochon, est-ce que tu peux nous expliquer un peu l'histoire de ce fromage-là ?
- François DELOCHE
Le reblochon, ça vient, ça a commencé... dans les années 50 avant. Il traisait les vaches une première fois, puis il s'amenait un contrôleur, et il ne les traisait pas en entier. Il refaisait une traite, et cette traite-là, il la transformait. Ils avaient mis le nom Reblechon, c'était une deuxième traite.
- Romain LE GAL
En Savoyard ?
- François DELOCHE
Oui, en Savoyard, Reblech.
- Romain LE GAL
Reblech et faire la deuxième traite. Oui,
- François DELOCHE
et ça commençait un peu comme ça. C'était pour ne pas payer aux innés contrôlés. Pour payer, c'était un droit sur les alpages. C'est pour ça qu'ils ne les traisaient pas en entier.
- Romain LE GAL
Aujourd'hui, c'est quoi pour toi les enjeux de l'agriculture en montagne demain ? Comment tu vois le truc ? Parce que ce matin, on a beaucoup parlé du partage, finalement, on va dire, touristes ou personnes qui ne connaissent pas les règles des montagnes et la vie agricole en montagne. Ça, c'est quelque chose qu'on voit de plus en plus. Comment tu vois tout ça dans l'avenir ?
- François DELOCHE
Peut-être l'avenir compliqué. Les gens ils respectent rien quoi, c'est le problème. Ils jouent à les offices du tout, ils font des chemins, tout ça, c'est bien indiqué et tout. Mais y'a personne qui les respecte. Puis ils regardent même, ils ont beau mettre des panneaux de signalisation, de ce qu'on veut, les gars ils regardent leur portable aujourd'hui. Et on dirait qu'ils regardent, je sais pas, ils sont encore dans le montage, je sais pas quoi. Ils cherchent... Ils sont là avec leur portable et puis ils me mettent à droite, à gauche pour trouver le chemin pour savoir que c'est tout marqué.
- Romain LE GAL
C'est quelque chose qui est problématique pour toi quand t'es sur les alpages.
- François DELOCHE
Ah ouais, ça vient grave là.
- Romain LE GAL
Ça vient grave ?
- François DELOCHE
Ah oui, ouais. Je sais pas ce qu'on va...
- Romain LE GAL
Et tu me disais qu'il y en a même qui rentrent en motocross.
- François DELOCHE
Bah là, ouais, j'ai retrouvé des en motocross, ouais. C'est carrément, ils traversent les champs, ils vont courir dans l'herbe. Même qu'il y a 50 centimètres d'herbe, ils s'en foutent, quoi. Ils font de la motocross là-dedans, puis terminé.
- Romain LE GAL
Sauf qu'aujourd'hui, il y a les vaches dans ces pâtures.
- François DELOCHE
Oui, c'est un peu dommage. Ils appuient toute la flore, ils n'y pensent pas. Et puis après, c'est l'image. On est dans des alpages, il y a du monde. Il y en a un qui commence à faire ça, puis tout le monde fait pareil. Même à pied, je vois, ils coupent partout, ils brassent partout. Puis après, le problème qu'il y a, c'est qu'ils ont tous des chiens. Aujourd'hui, tu as deux promeneurs, ils ont trois chiens. Et puis... Ils laissent les chiens un peu gambader partout et nous ça nous ramène des maladies obètes. Ça nous ramène un peu la nérosporose. J'ai vraiment leur expliqué, ils sont rigolonnés les gars.
- Romain LE GAL
Donc ça c'est vraiment...
- François DELOCHE
On ne peut pas les garder, c'est des vaches qui ne retiennent pas. On est obligé de les débarrasser. Ils n'y pensent pas.
- Romain LE GAL
Et sinon les enjeux de l'agriculture dans ta belle région de la Haute-Savoie ?
- François DELOCHE
Je pense qu'il y aura même encore un peu de l'avenir, mais ça s'applique de partir quand même.
- Romain LE GAL
Vous êtes encore combien de producteurs de reblochons fermiers aujourd'hui ?
- François DELOCHE
150 peut-être par là, je ne sais pas bien.
- Romain LE GAL
Je crois que j'avais lu un peu moins, 120 je crois, quelque chose comme ça.
- François DELOCHE
Ça baisse tellement, ça va tellement vite, les années il y en a 2-3 qui arrêtent.
- Romain LE GAL
Malgré tout le reblochon c'est la troisième AOP en volume, je ne sais pas si tu le savais François ? Si, si,
- François DELOCHE
ouais.
- Romain LE GAL
Et donc au total... C'est un peu plus de 16 000 tonnes et c'est AOP depuis 1958. Et oui, c'est un fromage finalement que les gens consomment énormément l'hiver. Oui. Parce qu'ils font des tartiflettes.
- François DELOCHE
Oui, il y a ça. Puis après, il y a les vacanciers qui viennent. Ils vont tous en ramener un petit peu chez eux. Un petit peu.
- Romain LE GAL
Mais finalement, la bonne saison, on peut manger du reblochon en toute saison. Comme le dit finalement la pub de l'AOP, le reblochon se mange en toute saison. Mais l'été, il est très, très bon, puisque on a la chance d'avoir cette diversité.
- François DELOCHE
Même qu'il est peut-être encore meilleur. Comme nous, elle ne mange que de l'herbe, que de la fleur.
- Romain LE GAL
Toi, comment tu le manges, le reblochon ? Assez affiné, j'ai cru qu'on le mange.
- François DELOCHE
Ouais, j'aime bien qu'il soit coulant.
- Romain LE GAL
On a goûté un, il n'a que 10 jours, donc il n'a même pas encore l'appellation reblochon. Mais bon, on y a quand même goûté un morceau dedans, comme on dit. On est gourmand. Et du coup... Comment tu fais parce que tu passes ta vie tout le temps sur la ferme ?
- François DELOCHE
Oui, tout le temps.
- Romain LE GAL
Et tu quittes des fois là-haut de Savoie ?
- François DELOCHE
Ça arrive.
- Romain LE GAL
C'est vrai ?
- François DELOCHE
Heureusement que j'ai une femme pour me sortir un peu.
- Romain LE GAL
Pour sortir un peu ?
- François DELOCHE
Sinon non, je ne sortirais pas. Tu ne sortirais pas de ta montagne ? Oui, oui.
- Romain LE GAL
C'est vrai ?
- François DELOCHE
Après l'été c'est un peu compliqué quand on a le page là. Après c'est un peu nos vacances qu'on a le page là. Mais après il faut sortir quand même.
- Romain LE GAL
Donc là, vous vivez finalement sur l'alpage, tu en descends peu ?
- François DELOCHE
Moi aussi, je descends assez souvent.
- Romain LE GAL
Et il y a des périodes un peu plus creuses dans l'année ?
- François DELOCHE
Vu qu'il y a les enfants, on arrive bien à se prendre une semaine de vacances. Après, on a commencé le premier hiver à faire quand même un week-end sur trois. Mais bon, c'est bien.
- Romain LE GAL
Sinon, pendant 20 ans quasiment, et moins d'une semaine par an de vacances ? Ah oui,
- François DELOCHE
les vacances, on a commencé avec les enfants, quand ils avaient l'âge premier, avec 15 ans. Mais même avant, on n'en prenait pas. Vu qu'on avait investi tout, on ne pouvait pas bien.
- Romain LE GAL
Compliqué.
- François DELOCHE
Compliqué, oui.
- Romain LE GAL
Il a trouvé des gens de confiance. Oui,
- François DELOCHE
il a trouvé. Ce n'était pas évident. Et puis, disons, il y a le service de remplacement, mais pour les vacances, ça coûtait un petit peu. Là, maintenant, on a un peu des aides pour ça. Mais avant, il n'y en avait pas. Après, on ne se plaint pas. Je ne changerai pas mon point pour habiter en ville.
- Romain LE GAL
Et demain, tu aurais quoi à souhaiter à tes enfants qui vont finalement prendre la suite ? Parce que là, vous avez commencé un peu la transmission. Qu'est-ce que tu leur souhaites demain ? au niveau de la ferme, au niveau agricole. Qu'est-ce que toi, tu as envie qu'ils réussissent à faire ?
- François DELOCHE
Après, là, maintenant, ils n'ont plus qu'à maintenir. On a bien fait. On va peut-être y développer, se moderniser un peu plus, toujours améliorer.
- Romain LE GAL
Parce que là, en ce moment, on regardait des plans, vous continuez d'investir finalement. Oui, oui. C'est ça, tu peux expliquer un petit peu, enfin, on en a parlé, finalement, le matériel, entre en bas et en haut, deux fois par an, vous montez tout le matériel. Oui. Et vous redescendez tout, mais vous êtes obligé de faire ça finalement sur une journée ?
- François DELOCHE
Ben oui, oui, oui.
- Romain LE GAL
Parce qu'il faut reproduire le soir ?
- François DELOCHE
Voilà, on a la fabrication. Et puis bon, après c'est du matériel, c'est tout en inox, tout ça, c'est que ça coûte un bras. Alors on ne peut pas se permettre d'y avoir tout en double. Mais bon, là, petit à petit, après, on moule encore au seau, tout à la main. Là, on va améliorer, on va prendre une cuve qui se lève. Après, il n'y a pas eu... On videra sur la table avec un tuyau.
- Romain LE GAL
Pour diminuer les troubles musculosquelétiques. Oui. Et puis faciliter un petit peu le moulage. Gagner peut-être un peu de temps aussi.
- François DELOCHE
Non, je ne pense pas. Non, on n'en gagnera pas. Mais déjà, puis de moderniser comme ça, les jeunes, ça les encourage aussi. Tu ne peux pas rester sur ton arrière comme ça. Oui, je compare avec mes voisins.
- Romain LE GAL
Et si tu compares à comment tu faisais avec tes parents ?
- François DELOCHE
Ah bah pfff...
- Romain LE GAL
Vas-y, si tu peux raconter en quelques mots...
- François DELOCHE
Ouais, y'a plus rien à voir. Bref, ça se traisait au pot, c'était encore beaucoup plus de manipulations.
- Romain LE GAL
Ils avaient combien de vaches tes parents ?
- François DELOCHE
Une vingtaine de vaches.
- Romain LE GAL
Donc tout au pot ?
- François DELOCHE
Tout au pot, ils traisaient au pot, ils y vidaient dans un seau, ils y rivaidaient dans une passoire en-dessus de la cuve, avec un filtre.
- Romain LE GAL
Tu reviendrais pas en arrière ? Ah non,
- François DELOCHE
non, non. S'il faudrait travailler comme ça, on y ferait, quand t'es mordu de ça. Mais on n'aurait pas 60 mètres, on n'en aurait qu'une vingtaine, puis voilà, on ferait comme eux. Puis bon, il y avait plus de monde aussi, il y avait beaucoup plus d'agriculteurs. Nous, on était au Grand-Breton, on était, à vue d'oeil comme ça, on était 5-6 producteurs fermiers. Aujourd'hui, il n'y a plus personne.
- Romain LE GAL
D'accord.
- François DELOCHE
C'est le petit amour des poches, là où on était.
- Romain LE GAL
Ok.
- François DELOCHE
Alors, ouais.
- Romain LE GAL
En combien de temps ?
- François DELOCHE
En 20 ans, c'est tout disparu.
- Romain LE GAL
Vous êtes les derniers.
- François DELOCHE
Même nous, on s'est délocalisés.
- Romain LE GAL
Vous êtes délocalisés. Donc il n'y a plus rien.
- François DELOCHE
Oui, il n'y a plus rien.
- Romain LE GAL
Au niveau agricole en tout cas.
- François DELOCHE
Et puis ce n'est pas fini. Disons aujourd'hui, ça revient à un reprenable. C'est les prix.
- Romain LE GAL
Vous avez la problématique de la proximité aussi avec la Suisse. Tu la ressens un petit peu de ce côté-là ?
- François DELOCHE
Oui, un petit peu. Mais après, c'est plus après le tourisme. Ça fait monter les prix. Les prix de terrain à bâtir, les logements, tout ça. Alors, ça prend de la valeur. Et toi, après, quand tu veux transmettre, ça devient compliqué.
- Romain LE GAL
Dans la région, ça fait un peu de sous.
- François DELOCHE
Ah oui, il faut commencer à en sortir un peu.
- Romain LE GAL
Donc finalement, que tes enfants soient rentrés dans le GAEC assez tôt, ça permet d'anticiper un peu tout ça. Voilà, un petit peu, oui. Pour éviter que ça se perde. Oui,
- François DELOCHE
il n'y a que ça. Sinon, après les exploitations, il y en a une ou deux qui ont une cise, mais en rare.
- Romain LE GAL
Et demain, quand tes enfants vont se dire, c'est bon papa, maintenant tu as le droit de partir en retraite, est-ce que tu arriveras à décrocher ?
- François DELOCHE
Je ne pense pas.
- Romain LE GAL
Tes parents, ils ont réussi à décrocher ?
- François DELOCHE
Non, ils ont été juste à la fin aussi.
- Romain LE GAL
Tu penses que tu seras toujours à les embêter dans leurs pattes jusqu'au bout ?
- François DELOCHE
Je serai obligé d'aller voir toujours les bêtes un peu.
- Romain LE GAL
Quand on est mordu, on est mordu. Oui,
- François DELOCHE
quand on est mordu,
- Romain LE GAL
oui. Merci beaucoup François. J'aurais une dernière question avant de terminer. François me regarde avec des gros yeux en disant quelle question il va poser. François, c'est quoi ta pizza préférée ?
- François DELOCHE
Oh mais c'est encore la Savoyarde.
- Romain LE GAL
De toute façon, quand on vient en Savoie, ils sont très très très chauvins. Non, là on n'est pas en Savoie, on est en Haute-Savoie. C'est encore plus chauvin, je crois, le Savoyard.
- François DELOCHE
Non, il faut qu'il y ait le nom Savoie dedans. Sinon,
- Romain LE GAL
on ne Savoie pas.
- François DELOCHE
Ah oui, ça va pas !
- Romain LE GAL
Merci beaucoup François. De rien. Merci, je suis très heureux d'avoir partagé ce moment avec toi. Et puis je suis très heureux aussi de l'avoir partagé avec vous qui nous écoutez. J'espère que ce premier épisode vous a plu et que vous allez continuer de nous suivre. N'hésitez pas à partager ce podcast et à nous remonter vos commentaires. Et je vous dis à bientôt pour un prochain épisode. Au revoir !