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Épisode 2 · À l'accouchement cover
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L' Apéro des "Papas"

Épisode 2 · À l'accouchement

Épisode 2 · À l'accouchement

40min |06/06/2024
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L' Apéro des "Papas"

Épisode 2 · À l'accouchement

Épisode 2 · À l'accouchement

40min |06/06/2024
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Description

Autour d'un verre, pères et futurs pères se livrent sur leur rôle à l'accouchement.

Au fil des récits de naissance et des témoignages intimes, ils échangent sur leurs sentiments d'impuissance, et la manière dont ils accueillent la douleur et la force du corps féminin lors de la mise au monde. Ils interrogent la place du partenaire à la naissance, si absent des représentations.

Au delà des attentes des autres, comment s'investir pleinement au plus près de sa partenaire pour, à deux, mettre au monde ?


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Enregistré à la maison de naissance du CALM (Comme A La Maison) et réalisé par le documentariste Daniel Touati, l'Apéro des "Papas" plonge de manière inédite et conviviale dans une parole rare, celle des "coparents".

L’APÉRO DES PAPAS, LE 1er PODCAST SUR LA GROSSESSE, LA NAISSANCE ET LA PARENTALITÉ, DU POINT DE VUE DES PARTENAIRES.


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L’APÉRO DES PAPAS / 02 · À L'ACCOUCHEMENT ·

Ingénieur du son · Alexandre Moll ·

Organisation · Ulysse Vincent & Barthélémy Lagneau /

Écriture & Réalisation · Daniel Touati ·

Musique · Jimmy Whoo ·

Montage & Mixage · Florent Castellani ·

Graphisme · Angélique Jordan ·

Communication · Marion Tranchant & Jack Weber ·

Production · Association AU CALM & Daniel Touati /

Avec le soutien de · Le CALM & La Fondation de France ·

Moyens techniques · DCA & Ciel Rouge Studio ·

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue à l'Apéro des Papas. S'il vous plaît, enlevez vos chaussures en entrant, car nous sommes à la maison de naissance du calme comme à la maison, qui accueille en journée des couples et des bébés, et ce soir, notre podcast. Un jeudi par mois, nous avons décidé de nous réunir ici, entre père et futur père, pour questionner cette difficulté d'être l'autre, d'être celui ou celle des deux qui ne portent pas l'enfant. Celui ou celle qui cherche la juste place et qui parfois se sent seul et doute. Autour de cette large table en bois, pas de spécialiste de la naissance. Juste nous, des coparents comme on dit, qui partageons nos émotions, nos expériences, nos récits de vie. Et une chaise vide, la vôtre, chère auditrice, cher auditeur, qui est là où le bienvenu à nous rejoindre.

  • Speaker #1

    Eh bien bonsoir,

  • Speaker #0

    content de vous retrouver. Nous sommes réunis ce soir pour le deuxième épisode de notre podcast consacré à l'accouchement. Alors je pense que tout ce qui va suivre ce soir, étant donné le thème, sera forcément teinté de nos expériences subjectives ici, à la maison de naissance. C'est-à-dire dans un lieu où nous avons une grande place pour jouer notre rôle de partenaire. Et c'est justement ce rôle que nous voulons interroger ce soir. Le rôle que les autres, la société, notre compagne attendent de nous, et le rôle que l'on aimerait jouer. Mais commençons tout d'abord par nous présenter. C'est parti !

  • Speaker #2

    Timothée, j'attends mon premier enfant. Le terme est dans un mois. Donc ça peut arriver bientôt.

  • Speaker #3

    Ok, donc moi c'est Cyril et j'ai eu ma première fille il y a de ça bientôt un an donc on a déjà presque fait une année entière ça passe à une vitesse folle

  • Speaker #4

    Moi c'est Barthélémy moi j'ai eu ma première fille aussi il y a un peu plus d'un an parce qu'elle a un an et un mois et quelques semaines bientôt un an et deux mois, ça passe vite ça passe vraiment vite Voilà

  • Speaker #1

    Et moi je suis Daniel, j'anime ce podcast. Je suis papa de Pablo qui aura 5 ans dans 2 semaines et d'Alice qui vient d'avoir 9 mois il y a 3 jours, donc qui a enfin passé autant de temps à l'extérieur que à l'intérieur. On a l'impression qu'on vient de terminer un cycle. Je propose de commencer différemment de la dernière fois. Et peut-être, Bart, tu m'avais parlé d'un texte que tu as écrit. Je me dis qu'une bonne manière d'introduire notre épisode sur le rôle de l'autre parent pendant l'accouchement serait d'entendre les mots que tu as écrits sur ta propre expérience. Ce qui m'intéresse de savoir, c'est pourquoi toi tu as eu besoin et envie d'écrire sur ce moment-là.

  • Speaker #4

    Moi, juste après la naissance, ma compagne avait besoin de... L'accouchement s'est passé relativement vite, et elle avait besoin de se re-raconter les choses, de se refaire tous les détails. Donc, elle est allée à la pêche aux détails dans tous les sens, elle a relu les comptes rendus des sages-femmes plusieurs fois, elle m'a questionné énormément, elle s'est re-raconté les choses, elle m'a raconté les choses, elle avait besoin d'en parler. Je l'ai beaucoup entendu ce récit, mais ce n'était pas mon récit.

  • Speaker #2

    D'accord. Et pardon, quand tu dis que ça s'est passé rapidement, ça vous a... Combien de temps l'accouchement ?

  • Speaker #4

    L'accouchement... Perte des os vers 17h, puis rien. Et puis vers 21h30, première contraction. À nuit et demie, une heure, on a pris le taxi, on est allé au calme, et à deux heures, elle est née.

  • Speaker #5

    D'accord.

  • Speaker #4

    Pour faire schématique.

  • Speaker #2

    Et ta compagne, elle avait l'impression que... C'était passé trop vite et qu'elle n'avait pas eu l'image qu'elle se faisait de ce qu'elle allait pouvoir vivre, entre guillemets ?

  • Speaker #4

    Je ne veux pas parler pour elle, mais en tout cas, elle en exprimait le besoin. Elle avait besoin, mais moi, ça m'a mis dans la position où... Je vais prendre une métaphore qui est peut-être un peu abusive mais... Vous savez quand on dit que l'histoire est écrite par les vainqueurs... Et moi je voulais pas perdre mon expérience de ce moment-là parce que j'avais pas fait ce travail de mise en forme. C'est pour ça que mon texte c'est une série de flashs un peu de moments qui m'ont paru un peu clés, dont je me souviens émotionnellement. Voilà.

  • Speaker #5

    Ouais c'est intéressant. Je t'en prie, vas-y, écoute.

  • Speaker #3

    Une part donnée. C'est le titre ?

  • Speaker #6

    C'est le titre.

  • Speaker #3

    Une part donnée. Comme une part de gâteau.

  • Speaker #4

    Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée.

  • Speaker #6

    Une part donnée.

  • Speaker #4

    Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée.

  • Speaker #6

    Une part donnée.

  • Speaker #4

    Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée. C'est un placard sous le four, étroit, obscur. Longtemps il est resté ouvert, mais on a refait la cuisine alors j'y ai posé une porte. Et maintenant cette porte ne s'ouvre plus. Il est 17h, je suis allongé sur le sol froid depuis trop longtemps et cette porte verte dont j'ai moi-même fixé les gonds et les fermetures à poussoir refuse de fonctionner. J'ai beau pousser, tirer, rien n'y fait. Alors, de guerre là, je frappe. Le placard est resté fermé. Mais du salon ont répondu des bruits de pas précipités et un cri continu. Ah ! J'ai perdu les os ! 21h30. Pauline est dans un bain chaud depuis bientôt une heure, tout au fond du tortueux appartement. Elle travaille et je ne sais pas quoi faire, alors je prends des photos, mauvaises. Que faire ? À manger ! J'avise les restes du libanais de la veille, le foie de volaille mariné dont elle raffole, réchauffé dans un bol, une fourchette, et je redévale le couloir pour le lui apporter. Je la vois alors pencher hors de la baignoire, dédaigner la fourchette pour porter avidement des deux mains à sa bouche, ses abats brunâtres, à la seule lueur des bougies qu'elle m'a demandé d'allumer.

  • Speaker #6

    Merci.

  • Speaker #4

    C'est là que je mesure dans quel état primal Pauline s'est enfoncée, malgré nos échanges entre les contractions. Là aussi que je réalise que les cris qu'elle pousse depuis une heure déjà et qui ont effrayé la voisine ne ressemblent à aucun son que je l'ai déjà entendu produire, ni que j'ai jamais cru qu'elle pût produire. Peu après, elle décide de sortir de l'eau. Sa douleur se fait plus vive et les fenêtres pendant lesquelles elle est accessible se rétrécissent. Dans une de ses meurtrières, elle lâche le je vais pas y arriver caractéristique de la phase de désespérance. La phase de désespérance ? Déjà ? Après deux heures à peine ? Ou est-ce que c'est juste un trou d'air de confiance en elle dont Pauline est coutumière ?

  • Speaker #6

    C'est ça.

  • Speaker #4

    A douter ainsi, nous entrons à la maison de naissance en même temps que le bébé dans le bassin. Dans la chambre règne une douce obscurité. La sage-femme a fait couler un bain. Pauline en arrivant s'est jetée par terre de douleur avant que le matelas ait pu être tiré de sous le lit. Soudain, comme dans un mauvais film de zombies, je sens une main, crispée, se refermer sur ma cheville. Comme un revenant qui hante les vivants depuis un autre monde, Pauline, prostrée dans sa douleur originelle, a besoin de moi, de mon contact, de ma chaleur, de mon attention. C'est le seul endroit où je peux être utile et c'est là que je serai désormais. À ma droite, une voix, presque murmurée. Si tu veux la toucher, vas-y, il est là. Je plonge la main dans l'eau, entre les jambes de Pauline, vers son naine invisible, et je touche. Je sens une surface ronde et dure, une pierre précieuse couverte de cheveux si fins, qui ondule entre les lèvres entreouvertes comme les branchies d'un coquillage. Dans la dureté de ce crâne se précipite d'un seul coup pour moi la présence concrète de l'enfant. Je ne veux pas encore le voir, mais ça y est, il est là. Ce n'est plus sa mère que je touche, mais cette autre, dont je n'avais que des indices et que je peux maintenant toucher du doigt. Les contractions se succèdent, douloureuses, atroces, avant qu'enfin la tête émerge. Pauline s'est penchée en avant si bien que je la vois sortir, en se tournant légèrement vers moi par-dessus son épaule comme un modèle de photographe. Juste une tête. Elle est sortie de l'eau à présent, et la sage-femme s'affaire à vider la baignoire au plus vite, mais moi je suis absorbé par cette tête, ovoïde et pourpre comme une prune, saugrenue par sa position postérieure au corps qui la porte, et puis fermée, bouffie, encore toute compactée dans son existence amniotique, comme un bagage pas défait. Et pour cause, le voyage n'est pas fini. Malgré les inquiétudes de la sage-femme et les bulles qui perdent à ses lèvres closes, je sens face à ce visage qu'il respire encore ailleurs. Cette tête qui attendait la prochaine contraction, comme on attend le bus, finit par être exaucée. La contraction vient, si facile après les précédentes, et dans mes mains, tendues, coule l'enfant frais et filant comme une rivière. À ma gauche, ce qui n'était plus l'instant d'avant qu'un dos qui poussait toutes hommes plates dehors des cris rauques et hachés, se mue soudain en une douce présence, aux exclamations flûtées et aux bras ouverts. Le bébé lui parvient et les exclamations qui pleuvent sur lui m'apprennent que c'est une fille. Je ne l'avais même pas regardée. Tout entier comblé par l'évidence de cette vie. Une merveille. Mais comme le sommeil finit par m'emporter, je me demande pourquoi ont surgi dans mon esprit et de mes enceintes, dans cette transe où je suis passé, les notes du Unforgiven de Metallica. Dans un tel moment, tout hasard a des échos de prophéties, des faux airs de signes à déchiffrer. Alors pourquoi me vient avec cet enfant une chanson si amère, si pleine de rancœurs et de regrets ? Qui n'est pas pardonné ? Moi ? Elle ? Je regarde dormir à côté de moi cette petite fille qui n'a pas encore de nom. Il sera bien temps demain, plus tard, de répondre à ses questions et d'écrire la suite. Pour l'heure, tenons-nous-en au début. A new blood joins this earth. Celui-là, il a été un peu travaillé.

  • Speaker #3

    On sent l'intérêt d'écriture. L'émotion qu'on voit sur ton visage par le champ. Qui est à plus d'un an. Elle est en train de vivre.

  • Speaker #4

    Elle a plus d'un an. Elle est à 15 mètres. Je suis assis là-bas.

  • Speaker #3

    Je crois que c'est la première chose qu'on s'est dit avec ma copine quand notre fille est née. On s'est regardé, déjà le premier regard forcément d'une intensité incomparable, un regard profond, puissant, qui nous a traversé avec ma fille.

  • Speaker #4

    Avec ta fille.

  • Speaker #3

    Ouais, ma fille. Le premier regard...

  • Speaker #4

    On dit pas trop ça parce que nous le premier regard, on l'a eu deux ou trois jours après quand les yeux ont dégonflé.

  • Speaker #3

    C'est l'âme qui a touché. C'était quelque chose d'une intensité incroyable. Et on s'est regardé... Avec ma compagne, on s'est dit c'est notre enfant en fait. Là on est en train de voir notre enfant, on est parent, je suis mère, tu es père. toi Cyril tu t'es dit comme Bart c'est à dire tu t'es dit on vit dans deux espaces temps qui sont pas les mêmes ouais clairement deux espaces temps deux rôles assez définis on avait bien entendu chacun un rôle très différent parce que en tant que père, en tant que coparent on a forcément on vit pas les contractions on vit pas tout le chamboulement hum hormonale, émotionnelle...

  • Speaker #4

    Elles sont shootées.

  • Speaker #3

    Ah, le voyage...

  • Speaker #4

    C'est de la bonne, parce que ça compense des trucs assez... Mais ça a l'air puissant, ce qu'elle pense.

  • Speaker #3

    Le voyage initié, c'est un vrai retour primal initiatique, mais...

  • Speaker #4

    Une conscience, c'est...

  • Speaker #1

    Ce qui me fascine et ce qui m'émeut aussi, c'est de me dire, même dans un lieu comme ça, qui intègre autant l'autre parent, où le père, pour ma part, était aussi présent pendant toutes les étapes, je me dis que l'accouchement, c'est le moment où, avec ma compagne, on a été peut-être de plus en symbiose dans notre vie. et pourtant celui où il y a le gouffre le plus grand entre tous les deux et c'était en même temps il n'y a jamais autant de différences entre son corps corps de femme qui vit un moment et le mien qui reste plutôt stable on va dire même si émotionnellement c'est un peu d'hormones quand même c'est

  • Speaker #4

    comme une mesure bien sûr c'était un vague écho

  • Speaker #3

    entre le ressenti et également la temporalité parce que la temporalité la perception du temps la temporalité pour le père et la mère sont tellement différentes où chaque seconde pour la femme qui accouche c'est des minutes,

  • Speaker #1

    c'est des heures ça c'est graine et pour la compagnon je me souviens très bien que justement quand elle m'a annoncé le matin il est 9h du matin, prends un petit déjeuner parce que je pense que ça va être aujourd'hui Je m'attendais pas.

  • Speaker #3

    Ça a été un monster.

  • Speaker #1

    Je pense que j'ai eu à peu près deux secondes dans le regard où j'ai eu un peu peur. Et au bout de la troisième seconde, ça y est, j'étais dedans. Mais je pense que ces trois secondes pour moi... l'ont beaucoup inquiété en fin de compte. Et ça a créé une inquiétude pour elle parce qu'elle était déjà dans un autre monde, alors que moi, c'était juste le temps de me tourner la tête et me dire Ah, ah,

  • Speaker #3

    ah,

  • Speaker #4

    c'est ma tête. Mais pour elle,

  • Speaker #1

    ça, c'était déjà Est-ce qu'il est sur le coup ? Quand on va en discuter après.

  • Speaker #3

    Est-ce que je peux compter sur lui ?

  • Speaker #1

    Son temps aussi était déjà un temps d'action intérieur qui était très différent. quand des choses lui ont paru très longues ou elles m'ont paru très courtes au moment de la naissance et inversement, et on se rend compte qu'on n'a pas vécu le même temps non pas du tout bonsoir Ulysse salut Ulysse

  • Speaker #5

    Ulysse nous a rejoint bonsoir Ulysse merci bravo j'ai eu un petit garçon qui s'appelle Noam bon

  • Speaker #1

    Ça me fait d'autant plus plaisir que tu sois avec nous ce soir. Ça fait deux semaines ?

  • Speaker #5

    Trois semaines demain. Non, après-demain. On est un samedi matin.

  • Speaker #1

    Tu as l'impression de nous entendre depuis un autre espace de temps qu'on fait la séance.

  • Speaker #5

    Non, honnêtement, ça va.

  • Speaker #4

    J'ai l'impression d'être pas mal les pieds sur terre,

  • Speaker #5

    finalement, un peu fatigué, clairement. Au début, je me suis dit... Trop cool, ça va le faire, pas vraiment de fatigue, on dort la nuit. En fait, c'est juste parce qu'il venait de naître et il avait besoin de dormir. Et maintenant qu'il a récupéré quelques forces, il a besoin de pleurer et de manger. Donc du coup, je suis fatigué, mais par contre, je n'ai pas l'impression d'être sur une autre planète. Je suis assez dans le réel. C'est super.

  • Speaker #4

    Moi par curiosité plutôt, Daniel et Ulysse, vous qu'en avez deux, vu qu'on est sur vraiment l'accouchement et la naissance et la place du père dans l'accouchement, vous avez senti une différence imaginable entre les deux accouchements ? Si oui laquelle ? Et dans la manière de se placer, dans la manière peut-être d'être là pendant que votre partenaire accouchait ? Enfin je n'en sais rien.

  • Speaker #5

    Moi je suis à mon troisième accouchement en fait. donc les deux derniers se ressemblent beaucoup plus parce qu'ils étaient courts en revanche ma place et ma façon d'accompagner je trouve que c'est à peu près la même c'est vraiment essayer d'écouter, c'est ce que vous disiez quand je suis arrivé c'est essayer d'écouter au maximum la mer ça n'a pas trop changé, j'étais juste dans l'inconnu pour notre premier accouchement comme pour tout le monde je pense

  • Speaker #4

    Dapnil toi aussi tu partages

  • Speaker #1

    Je partage entièrement avec toi Ulysse que chaque accouchement est radicalement différent, en tout cas, et que pour moi cette différence elle n'est pas tendue à moi, mon attitude, ni à celle de ma compagne, elle est due à l'enfant lui-même en fin de compte. À sa manière de faire à l'intérieur, c'est des choses qui nous échappent totalement et qui fait que le deuxième accouchement j'ai vraiment beaucoup plus accepté qu'on maîtrisait très peu de choses en fin de compte. Qu'on pouvait accompagner, mais qu'on pouvait accompagner sa compagne qui elle-même ne faisait qu'accompagner l'enfant, qui lui-même ...soumis à des forces intérieures... Alors qu'au premier, j'étais peut-être obsédé par être présent, être forcément bien présent, être bien sur toute la longueur, d'être vraiment solide. Le deuxième, je me suis dit en fin de compte, oui, il faut être solide, mais comme le deuxième accouchement était légèrement plus lent, peut-être que j'étais un peu plus détendu. Mais c'est toujours très dur de réinterpréter après. J'aimerais rebondir sur le... Je savais à quoi allait ressembler la douleur. Et j'étais plus habitué au corps de ma femme dans un cas d'accouchement.

  • Speaker #4

    Quand tu dis le corps de ma femme, tu parles de...

  • Speaker #1

    Son corps, ses mouvements, ses réactions, sa manière d'agir à la naissance d'un enfant. C'est même sa puissance. Ne pas avoir peur de sa puissance, de sa force, de ce qui la dépasse elle-même. Ne pas avoir peur de ce qui la dépasse. C'est ça.

  • Speaker #4

    Ok.

  • Speaker #1

    Ça reste tout aussi mystérieux pour que...

  • Speaker #3

    Oui, oui,

  • Speaker #4

    oui,

  • Speaker #5

    ça reste...

  • Speaker #4

    J'ai posé cette question pour que Thibauté se sente moins seul dans le mystérieux. Non, mais il est très mystérieux,

  • Speaker #3

    mais oui.

  • Speaker #1

    Et toi, puisque justement tout à l'heure, on disait qu'on ne peut pas s'empêcher de se faire un film de quand ça va se passer.

  • Speaker #5

    Oui.

  • Speaker #1

    Et donc, malgré toi, tu as l'impression que tu fais quel film ?

  • Speaker #2

    C'est de pas, mais... moi dans mon film un peu rêvé c'est pas si long que ça c'est elle qui va le dire c'est ça, pour moi, non mais vraiment là dessus mon film il est que c'est elle qui va mener la danse sur ce qu'elle veut et moi je suis là à côté et je fais exactement accompagnant à ses moindres désirs je l'aide juste à aller dans la bulle dont elle a besoin en fait c'est

  • Speaker #4

    plus compliqué parce que t'en as pas vécu est-ce que t'as des questions est-ce que t'as des inquiétudes oui

  • Speaker #2

    Non, j'essaye de rester très... j'allais dire candide face à tout ça, je sais pas si c'est le bon mot, mais j'entends plein de récits, j'en lis et tout, je me dis qu'il faut que je... j'essaie de pas me faire influencer, mais ouais... Pas trop se projeter ? Ouais c'est ça, j'essaie effectivement de pas trop me projeter.

  • Speaker #1

    Toi Ulysse, tu en sors tout juste. Comment tu sens, puisque c'est le thème d'aujourd'hui, ton rôle en tant que l'autre pendant ce moment d'accouchement ?

  • Speaker #5

    Indispensable. Cette fois, à chaque contraction, elle a eu besoin de moi.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #5

    Elle m'a appelé à chaque fois, soit pour la soutenir, soit pour lui tenir la main, soit pour... Pendant un moment où ça a été assez intense, il fallait que je lui appuie sur le sacrum, enfin je crois que c'est le sacrum, enfin bref, ou les lombaires, le bas du dos quoi. Il fallait surtout pas que je lui appuie avec les pouces, elle me disait les mains à plat, les mains à plat, je me faisais engueuler. Il fallait que j'appuie très fort, du coup elle était un peu suspendue, elle a... appui que je pouvais trouver, c'était le tablier de la baignoire. Et comme il est un peu souple et qu'il se rabat, je coinçais ma chaussette. Donc après que j'avais poussé et que c'était le moment de décontraction, j'avais la chaussette coincée. Oui, au piège ! Pour mes autres accouchements, c'était moins ça. J'avais plus de temps pour moi. Je me souviens que pour mon premier enfant, où l'accouchement a été très long, j'étais allé me fumer une cigarette sur le balcon. Pas la deuxième. J'ai demandé, elle m'a dit non.

  • Speaker #4

    Être là et se faire engueuler, je pense que c'est une bonne constante dans le rôle.

  • Speaker #5

    C'est une apporte à faire.

  • Speaker #4

    Moi, je sais que la mienne a dit, à un moment donné, et ça m'a un peu marqué, c'est... J'ai pas assez envie de cet enfant pour souffrir comme ça.

  • Speaker #5

    Ouais.

  • Speaker #4

    Bon.

  • Speaker #5

    Ça calme un peu, ouais.

  • Speaker #4

    Bah, si tu le prends au premier degré comme ça, si tu le prends au mot, ça peut faire très mal. Mais bon, là c'est la douleur et tout. Mais n'empêche que je m'en souviens encore, tu vois ce que je veux dire ? C'était remarqué quand même,

  • Speaker #3

    malgré tout. Je voudrais rebondir sur... Le fait de ne pas contrôler, parce qu'on a parlé un petit peu, là, du fait d'être présent, de justement faire ce qu'on peut faire. Mais je pense que c'est aussi intéressant de dire ce qu'on a ressenti de tout ce qu'on ne peut pas faire aussi, de ce sentiment d'impuissance qu'on découvre, en fait, à ce moment-là, pour moi, et que par la suite, on retrouve beaucoup, beaucoup, beaucoup avec les bébés. Mais que dans ma vie, jusqu'à cet instant-là, J'ai jamais eu un tel sentiment d'impuissance de se dire je n'ai pas le contrôle, je ne peux pas faire ce que j'aimerais faire, c'est-à-dire aider ma compagne, faire en sorte qu'elle n'ait pas de douleur, essayer de lui enlever cette intensité qui est indescriptible. Et du coup, face à ça... C'est vraiment ce sentiment d'impuissance que j'ai pu ressentir à ce moment-là, de se dire en fait je ne peux rien faire, je ne sais rien faire, je ne peux rien faire. C'est quelque chose qu'on ne nous a pas appris dans la société de juste être là. il faut une solution il faut toujours qu'on a un problème problème solution et là c'est pas du tout ça fonctionne pas comme ça c'est pas problème solution expression au cassement émotion, intensité vague explosion et accompagnement

  • Speaker #1

    Et vous en discutez déjà toi Timothée avec ta compagne ? De quoi ? De comment vous voyez le moment ?

  • Speaker #2

    Moi j'avais très peur, enfin j'ai très peur, parce que j'avais, non j'ai très peur de cette sensation de me sentir inutile.

  • Speaker #4

    Je sais que c'est un truc qui moi me...

  • Speaker #3

    ça me fait peur c'est mort ce mot inutile moi pour le coup j'ai parlé d'impuissance et moi j'ai pas du tout ressenti ce sentiment inutile je me suis ressenti impuissant à certains moments où vraiment où c'était trop intense et j'arrive enfin je trouvais pas de solution où il n'y avait pas de solution de façon mais malgré tout je me suis pas senti inutile parce que je savais que si j'étais pas là ça aurait été un problème voilà tu as juste peur

  • Speaker #4

    de ne pas faire assez ce qu'il faudrait que tu fasses pour que la situation s'améliore.

  • Speaker #2

    De ne pas l'aider dans sa douleur, de ne pas l'aider à ce moment-là. Moi, j'adorerais faire plus. J'adorerais, tu vois, oui, la décharger sur plein de trucs.

  • Speaker #5

    Ouais.

  • Speaker #1

    Avec une naissance ici en maison de naissance, et une naissance qui a à peine commencé en maison de naissance pour terminer en maternité, je me suis rendu compte que ce que j'avais... ce qui s'était imprégné en moi de présence à l'accouchement pouvait être adapté en maternité. Ça dépend évidemment du contexte, ça dépend de l'urgence, ça dépend de l'équipe médicale.

  • Speaker #4

    C'est l'équipe de la maternité.

  • Speaker #1

    Mais en tout cas, ce que j'ai appris, c'est qu'il y a peu de choses qu'on peut nous refuser. Mais il faut le savoir.

  • Speaker #3

    Je pense qu'on ne le sait pas.

  • Speaker #1

    Et il faut oser l'imposer. Parce qu'a priori, le père est là, comme tu dis, pour être un observateur, pour tenir la main. On se dit, c'est l'accouchement de la femme. Et si le compagnon est là, c'est quand même mieux parce que c'est l'apport de la tendresse. Exactement. Mais nous, on a le droit d'imposer que non, ce n'est pas ça le scénario. Le scénario c'est qu'on est deux et que l'accouchement va se passer à deux places.

  • Speaker #5

    Après là où je mettrais quand même un bémol à ce que tu dis, c'est que c'est très difficile de prendre cette place. Et moi je sais que je n'ai pas beaucoup de force morale là-dessus pour imposer mes volontés. Et si je n'ai pas une personne bienveillante en face de moi qui me permet de faire ça, je ne sais pas le faire. Et je ne veux pas non plus incriminer. Les papas qui n'arrivent pas à prendre leur place, alors bien qu'ils le souhaiteraient en maternité, parce qu'il y a l'autorité du sachant qui est très forte. Et moi, face à un médecin, je perds mes moyens. Parce qu'après tout, je ne sais pas et je n'ai pas d'argument suffisamment fort. Donc je commence par m'écraser. Et après je râle, mais une fois qu'on est sorti de la... C'est aussi dire que nous, en tant qu'accompagnants, on est aussi dans une situation de vulnérabilité. Et c'est pour ça que le personnel soignant, enfin le personnel accompagnant, a une importance capitale de bienveillance en fait. Et sans ça, on est un peu livré à... Alors il y en a qui arrivent à se battre, mais... Bravo, ils ont gardé beaucoup d'adrénaline et tout ça, mais ce n'est peut-être pas les meilleurs pour accoucher.

  • Speaker #1

    Mais ce que ça peut nous apprendre dans tous les cas, c'est peut-être qu'on a le droit de défendre, tout simplement d'être moins en retrait. Ça ne veut pas dire d'être en débat avec le corps médical. Je me suis rendu compte pour notre fille que c'est à partir du moment où les câbles du monitoring le permettaient, je pouvais agencer la salle pour ne pas forcément que ça se passe sur le lit. Et ça parce que j'avais vu l'expérience d'autres couples. Mais qui va se le permettre ? Qui va se le permettre que ça ne se passe pas sur le lit ?

  • Speaker #3

    Je pense que c'est baigné dans l'inconscient collectif de l'image qu'on a de l'accouchement. Je trouve que moi, j'ai 30 ans, jusqu'à l'année dernière, l'image que j'avais de l'accouchement, c'est ce que j'ai vu. dans les films, ce que j'ai vu à la télé, ce que j'ai vu...

  • Speaker #4

    Elle perd les os et du coup, Georges Clounet et cinq internes lui tombent dessus avec des serviettes chaudes.

  • Speaker #3

    C'est exactement ça. Et après, c'est accouchement, c'est salle d'hôpital, les néons, c'est la femme, les pieds en l'air, c'est le gynéco, c'est le père dans les films, il n'est pas dans la salle. Le père, il est ailleurs, je ne sais pas où, où il est là, il tient la main, dans les meilleurs des cas. C'est ça, en fait, c'est le père n'a pas sa place, on n'a pas le choix, et ça, c'est tellement ancré profondément que je trouve que ça, moi, en tout cas, ça m'a demandé un grand travail de déconstruction. Ça a été la première étape de ma préparation d'accouchement, c'est déconstruire, déconstruire, déconstruire, déconstruire, tous les clichés, un par un, tu déconstruis. Pour en arriver à se dire, ok, j'ai ma place, l'accouchement peut se passer différemment, l'accouchement ce n'est pas forcément l'hôpital. Et nous, on a une espèce d'angoisse autour de cet accouchement, on le remet entièrement dans les bras des médecins. Du coup, on se décharge à 100% de nos peurs, de nos angoisses, on leur met dans les bras et tenez, prenez tout ça. Moi, je n'ai pas ma part dedans, je suis scindé par rapport à ça. Et tant mieux parce que ça m'angoisse profondément. Et je pense qu'on en a cet inconscient-là qui nous porte. Et ça demande un vrai travail pour le déconstruire pièce par pièce, se dire, ah ouais, en fait, ça existe différemment. Il y a... Et juste d'entrouvrir ça, je pense que c'est la première étape vers plus d'intégration au moment de l'accouchement. Mais je pense qu'il y a plein de petites, de micro étapes d'un point de vue sociétal à venir chatouiller pour vraiment arriver à ça.

  • Speaker #1

    Pour moi, c'est ce qui est justement très touchant dans ce qu'on a entendu dans ton dans ton texte Barthes tu proposes une autre image de la naissance de ton point de vue qui pour moi est totalement inédite aussi qui n'est pas du point de vue de la femme qu'à couche qui n'est pas du point de vue du médecin qui n'est pas du point de vue de ce qu'on attend d'une naissance qui est juste ta naissance telle que tu l'as vécue toi et qui est en fin de compte vertigineusement différente de comment l'a vécue ta compagne alors qu'elle était avec toi à ce moment là Moi je vous propose pour conclure comme on a commencé avec ton texte Bart, il y a un autre texte que tu as écrit, toi Ulysse, qui m'a beaucoup touché est-ce que tu serais d'accord pour nous lire ton texte sur la naissance d'Amel

  • Speaker #5

    Oui, je le suis.

  • Speaker #1

    Je vais nous expliquer.

  • Speaker #4

    C'est un texte plus ancien, parce qu'Amel est là.

  • Speaker #1

    Pourquoi t'as...

  • Speaker #5

    J'ai écrit ce texte il y a trois ans, je ne l'ai pas relu beaucoup depuis. Donc là, ça va quand même... De l'eau a coulé sous les ponts, je vais le relire de manière un peu impromptue, sans très bien me souvenir. Je revois le titre là, tout de suite, et ça me refait rire. Le titre, c'est la croding d'un... Père inné c'est un père inné mais le titre est quand même lié au titre d'un livre qui a chez nous la chronique du père inné qui est un livre tout à fait scientifique et sur le père inné et qui doit être très utile après un accouchement Donc sans plus d'introduction, Amel aussi, une petite introduction, Amel est donc ma deuxième fille. Voilà, c'est bon, bien dans le micro. Un père inné. J'ai toujours voulu faire père. Moi, plus tard, je ferai papa, disais-je à mon père. C'était une vocation évidente, comme une idée persistante. Je pense que si j'avais pu, j'aurais encore mieux aimé faire mère. Mais j'ai dû faire le deuil de cette idée, avec ma protubérance entre les jambes. Il semblait plus pertinent de se projeter dans un rôle de père. J'ai rapidement trouvé la femme idéale avec qui fomenter ce genre de projet. Elle aussi avait une passion bébé depuis toute petite. Mais dotée d'un fort caractère, elle n'avait aucune intention d'être transformée en poule pondeuse pour satisfaire ma soif de paternité. Père fictible, j'ai su me montrer père soisif au fil des ans pour être prêt. Ce travail de fond nous aura pris dix ans entre notre premier baiser et notre décision commune d'avoir un enfant. Nous ne serons pas de ceux à qui il suffit d'une fois pour que ça marche. Rapidement, nous voilà en proie à cette attente lancinante qui se rythme tous les mois d'une cruelle déception, lorsqu'un afflux sanguin bien connu vient mettre un terme à nos espérances. Heureusement pour nous, la persévérance paie. Et un beau jour, chanceux comme nous sommes, Léonore vient agrandir notre famille. Nous partageons neuf mois d'intense bonheur et sa naissance vient transcender ce parcours de rêve. Malheureusement, sa vie extra-utérine sera plutôt une bataille pour sa survie. 39 heures de combat avant de devoir déposer les armes. À nouveau l'absence. Le deuil maintenant. Nous sommes parents mais sans enfants. Une fois le choc passé, nous reprenons courageusement notre course. Dix jours pour construire nos espoirs, se remplir d'amour, y croire. Puis encore quatorze jours d'attente, impatiente, naïve, les cœurs gonflés et le couperet tombe. D'un coup, nous plongeons dans un océan de peine. Le deuil répété d'un embryon non niché. Nous n'avons que 3 à 4 jours pour accueillir cette tristesse, car nous devons à tout prix remonter à cheval. Cette fois, il faudra traverser de nombreux cycles hormonaux jusqu'à ne plus y croire du tout. Parce qu'attendre et continuer d'espérer commencer à être au-dessus de nos forces, il nous a fallu agir, utiliser les outils de la médecine, les tests, les bilans, les analyses, les diagnostics. Le matin même de recevoir mon ordonnance de desktop pour tuyau bouché, Colline me cueille avec deux tests de grossesse positifs. Complètement du père. Neuf mois plus tard, passé entre les mains bienveillantes de sage-femme, je te vois prendre ta première inspiration, ce souffle de vie qui a tellement manqué à Léonore. Tu nais en un temps record, je n'y irai même avec une facilité déconcertante, mais ta mère trouve l'expression offensante. Alors je me tais. Quel soulagement de t'entendre respirer, de te sentir, de tortiller, de te voir t'éveiller. C'est maintenant que tout commence. Je suis perdu. Nouveau père. Repère. Vieux père. Ancien père. Double père. Une paire de pères. Pépère. Un pertinent, un père siffleur, un perturbable, un père inné. Décontenancé par les pleurs, Perturbé par l'amour échangé, imperturbé. Ce bébé bouge, il bouge tout le temps, Elle est très éveillée qu'ils disent, Et moi je suis toujours endormi, imperturbable. Je commençais à m'habituer à Léonore, calme, immuable, Une présence lourde, inextricable, mais invisible. Je pouvais parfois faire semblant de ne pas l'avoir eue. Les gens oublient vite. Cette fois c'est différent, elle est là, tout le temps. Am, elle est là, Amel. Sa présence est palpable, physique, vue de tous. Et pourtant elle est calme, immuable, comme sa sœur, mais vivante, mobile, pas comme sa sœur. Le quotidien est chamboulé. Je ne suis plus à moi, je suis à Amel. Elle a besoin de moi tout le temps, en demande, un amour à consommer. Fini cet amour posé de Léonore dont ma plus grande peur était qu'elle s'effrite, s'effiloche. Celui-ci s'agrippe, se cramponne, il griffe, bave, s'exprime, il se rappelle toujours à moi. Moi, tu ne m'oublieras pas, promis, cette fois tu es mon papa. Fini le papa, pa-pa-pa, qui fleurit la tombe de sa fille le lundi et qui se laisse sombrer le mardi. Pas de pause, pas d'oubli momentané et opportun. Quand je mange, tu t'occuperas de maman et de la maison. Quand je joue, tu me feras rigoler. Quand je dors, tu marcheras pour me verser. Quand je chante, tu seras là pour m'écouter. Quand je pleure, je compte sur toi pour me consoler. J'étais pépère, tu m'as perturbé. Je me croyais périnée, aujourd'hui je suis perdue, noyée dans un océan de bonheur. Fini la tranquillité de la mort, voici venu le rythme incessant de la vie. Enfin, tout recommence.

  • Speaker #1

    merci pour l'acteur merci merci les partages très intense roch la boucle est bouclée entre ton récit bart pour commencer et ton récit l'is

  • Speaker #3

    pour terminer maintenant ça résonne en nous laisser le silence raisonner

  • Speaker #0

    L'Apéro des papas, un podcast enregistré par Alexandre Moll, monté et mixé par Florent Castellani, organisé par Ulysse Vincent et Barthélémy Lagnot, écrit et réalisé par Daniel Toiti. Musique composée par Jimmy Hu, produit par l'association Ocalme avec le soutien de la Fondation de France. Moyens techniques fournis par DCA et Ciel Rouge Studio. Au prochain épisode, nous parlerons des premières heures, des premiers jours et des premiers mois après la naissance.

Description

Autour d'un verre, pères et futurs pères se livrent sur leur rôle à l'accouchement.

Au fil des récits de naissance et des témoignages intimes, ils échangent sur leurs sentiments d'impuissance, et la manière dont ils accueillent la douleur et la force du corps féminin lors de la mise au monde. Ils interrogent la place du partenaire à la naissance, si absent des représentations.

Au delà des attentes des autres, comment s'investir pleinement au plus près de sa partenaire pour, à deux, mettre au monde ?


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Enregistré à la maison de naissance du CALM (Comme A La Maison) et réalisé par le documentariste Daniel Touati, l'Apéro des "Papas" plonge de manière inédite et conviviale dans une parole rare, celle des "coparents".

L’APÉRO DES PAPAS, LE 1er PODCAST SUR LA GROSSESSE, LA NAISSANCE ET LA PARENTALITÉ, DU POINT DE VUE DES PARTENAIRES.


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L’APÉRO DES PAPAS / 02 · À L'ACCOUCHEMENT ·

Ingénieur du son · Alexandre Moll ·

Organisation · Ulysse Vincent & Barthélémy Lagneau /

Écriture & Réalisation · Daniel Touati ·

Musique · Jimmy Whoo ·

Montage & Mixage · Florent Castellani ·

Graphisme · Angélique Jordan ·

Communication · Marion Tranchant & Jack Weber ·

Production · Association AU CALM & Daniel Touati /

Avec le soutien de · Le CALM & La Fondation de France ·

Moyens techniques · DCA & Ciel Rouge Studio ·

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue à l'Apéro des Papas. S'il vous plaît, enlevez vos chaussures en entrant, car nous sommes à la maison de naissance du calme comme à la maison, qui accueille en journée des couples et des bébés, et ce soir, notre podcast. Un jeudi par mois, nous avons décidé de nous réunir ici, entre père et futur père, pour questionner cette difficulté d'être l'autre, d'être celui ou celle des deux qui ne portent pas l'enfant. Celui ou celle qui cherche la juste place et qui parfois se sent seul et doute. Autour de cette large table en bois, pas de spécialiste de la naissance. Juste nous, des coparents comme on dit, qui partageons nos émotions, nos expériences, nos récits de vie. Et une chaise vide, la vôtre, chère auditrice, cher auditeur, qui est là où le bienvenu à nous rejoindre.

  • Speaker #1

    Eh bien bonsoir,

  • Speaker #0

    content de vous retrouver. Nous sommes réunis ce soir pour le deuxième épisode de notre podcast consacré à l'accouchement. Alors je pense que tout ce qui va suivre ce soir, étant donné le thème, sera forcément teinté de nos expériences subjectives ici, à la maison de naissance. C'est-à-dire dans un lieu où nous avons une grande place pour jouer notre rôle de partenaire. Et c'est justement ce rôle que nous voulons interroger ce soir. Le rôle que les autres, la société, notre compagne attendent de nous, et le rôle que l'on aimerait jouer. Mais commençons tout d'abord par nous présenter. C'est parti !

  • Speaker #2

    Timothée, j'attends mon premier enfant. Le terme est dans un mois. Donc ça peut arriver bientôt.

  • Speaker #3

    Ok, donc moi c'est Cyril et j'ai eu ma première fille il y a de ça bientôt un an donc on a déjà presque fait une année entière ça passe à une vitesse folle

  • Speaker #4

    Moi c'est Barthélémy moi j'ai eu ma première fille aussi il y a un peu plus d'un an parce qu'elle a un an et un mois et quelques semaines bientôt un an et deux mois, ça passe vite ça passe vraiment vite Voilà

  • Speaker #1

    Et moi je suis Daniel, j'anime ce podcast. Je suis papa de Pablo qui aura 5 ans dans 2 semaines et d'Alice qui vient d'avoir 9 mois il y a 3 jours, donc qui a enfin passé autant de temps à l'extérieur que à l'intérieur. On a l'impression qu'on vient de terminer un cycle. Je propose de commencer différemment de la dernière fois. Et peut-être, Bart, tu m'avais parlé d'un texte que tu as écrit. Je me dis qu'une bonne manière d'introduire notre épisode sur le rôle de l'autre parent pendant l'accouchement serait d'entendre les mots que tu as écrits sur ta propre expérience. Ce qui m'intéresse de savoir, c'est pourquoi toi tu as eu besoin et envie d'écrire sur ce moment-là.

  • Speaker #4

    Moi, juste après la naissance, ma compagne avait besoin de... L'accouchement s'est passé relativement vite, et elle avait besoin de se re-raconter les choses, de se refaire tous les détails. Donc, elle est allée à la pêche aux détails dans tous les sens, elle a relu les comptes rendus des sages-femmes plusieurs fois, elle m'a questionné énormément, elle s'est re-raconté les choses, elle m'a raconté les choses, elle avait besoin d'en parler. Je l'ai beaucoup entendu ce récit, mais ce n'était pas mon récit.

  • Speaker #2

    D'accord. Et pardon, quand tu dis que ça s'est passé rapidement, ça vous a... Combien de temps l'accouchement ?

  • Speaker #4

    L'accouchement... Perte des os vers 17h, puis rien. Et puis vers 21h30, première contraction. À nuit et demie, une heure, on a pris le taxi, on est allé au calme, et à deux heures, elle est née.

  • Speaker #5

    D'accord.

  • Speaker #4

    Pour faire schématique.

  • Speaker #2

    Et ta compagne, elle avait l'impression que... C'était passé trop vite et qu'elle n'avait pas eu l'image qu'elle se faisait de ce qu'elle allait pouvoir vivre, entre guillemets ?

  • Speaker #4

    Je ne veux pas parler pour elle, mais en tout cas, elle en exprimait le besoin. Elle avait besoin, mais moi, ça m'a mis dans la position où... Je vais prendre une métaphore qui est peut-être un peu abusive mais... Vous savez quand on dit que l'histoire est écrite par les vainqueurs... Et moi je voulais pas perdre mon expérience de ce moment-là parce que j'avais pas fait ce travail de mise en forme. C'est pour ça que mon texte c'est une série de flashs un peu de moments qui m'ont paru un peu clés, dont je me souviens émotionnellement. Voilà.

  • Speaker #5

    Ouais c'est intéressant. Je t'en prie, vas-y, écoute.

  • Speaker #3

    Une part donnée. C'est le titre ?

  • Speaker #6

    C'est le titre.

  • Speaker #3

    Une part donnée. Comme une part de gâteau.

  • Speaker #4

    Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée.

  • Speaker #6

    Une part donnée.

  • Speaker #4

    Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée.

  • Speaker #6

    Une part donnée.

  • Speaker #4

    Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée. C'est un placard sous le four, étroit, obscur. Longtemps il est resté ouvert, mais on a refait la cuisine alors j'y ai posé une porte. Et maintenant cette porte ne s'ouvre plus. Il est 17h, je suis allongé sur le sol froid depuis trop longtemps et cette porte verte dont j'ai moi-même fixé les gonds et les fermetures à poussoir refuse de fonctionner. J'ai beau pousser, tirer, rien n'y fait. Alors, de guerre là, je frappe. Le placard est resté fermé. Mais du salon ont répondu des bruits de pas précipités et un cri continu. Ah ! J'ai perdu les os ! 21h30. Pauline est dans un bain chaud depuis bientôt une heure, tout au fond du tortueux appartement. Elle travaille et je ne sais pas quoi faire, alors je prends des photos, mauvaises. Que faire ? À manger ! J'avise les restes du libanais de la veille, le foie de volaille mariné dont elle raffole, réchauffé dans un bol, une fourchette, et je redévale le couloir pour le lui apporter. Je la vois alors pencher hors de la baignoire, dédaigner la fourchette pour porter avidement des deux mains à sa bouche, ses abats brunâtres, à la seule lueur des bougies qu'elle m'a demandé d'allumer.

  • Speaker #6

    Merci.

  • Speaker #4

    C'est là que je mesure dans quel état primal Pauline s'est enfoncée, malgré nos échanges entre les contractions. Là aussi que je réalise que les cris qu'elle pousse depuis une heure déjà et qui ont effrayé la voisine ne ressemblent à aucun son que je l'ai déjà entendu produire, ni que j'ai jamais cru qu'elle pût produire. Peu après, elle décide de sortir de l'eau. Sa douleur se fait plus vive et les fenêtres pendant lesquelles elle est accessible se rétrécissent. Dans une de ses meurtrières, elle lâche le je vais pas y arriver caractéristique de la phase de désespérance. La phase de désespérance ? Déjà ? Après deux heures à peine ? Ou est-ce que c'est juste un trou d'air de confiance en elle dont Pauline est coutumière ?

  • Speaker #6

    C'est ça.

  • Speaker #4

    A douter ainsi, nous entrons à la maison de naissance en même temps que le bébé dans le bassin. Dans la chambre règne une douce obscurité. La sage-femme a fait couler un bain. Pauline en arrivant s'est jetée par terre de douleur avant que le matelas ait pu être tiré de sous le lit. Soudain, comme dans un mauvais film de zombies, je sens une main, crispée, se refermer sur ma cheville. Comme un revenant qui hante les vivants depuis un autre monde, Pauline, prostrée dans sa douleur originelle, a besoin de moi, de mon contact, de ma chaleur, de mon attention. C'est le seul endroit où je peux être utile et c'est là que je serai désormais. À ma droite, une voix, presque murmurée. Si tu veux la toucher, vas-y, il est là. Je plonge la main dans l'eau, entre les jambes de Pauline, vers son naine invisible, et je touche. Je sens une surface ronde et dure, une pierre précieuse couverte de cheveux si fins, qui ondule entre les lèvres entreouvertes comme les branchies d'un coquillage. Dans la dureté de ce crâne se précipite d'un seul coup pour moi la présence concrète de l'enfant. Je ne veux pas encore le voir, mais ça y est, il est là. Ce n'est plus sa mère que je touche, mais cette autre, dont je n'avais que des indices et que je peux maintenant toucher du doigt. Les contractions se succèdent, douloureuses, atroces, avant qu'enfin la tête émerge. Pauline s'est penchée en avant si bien que je la vois sortir, en se tournant légèrement vers moi par-dessus son épaule comme un modèle de photographe. Juste une tête. Elle est sortie de l'eau à présent, et la sage-femme s'affaire à vider la baignoire au plus vite, mais moi je suis absorbé par cette tête, ovoïde et pourpre comme une prune, saugrenue par sa position postérieure au corps qui la porte, et puis fermée, bouffie, encore toute compactée dans son existence amniotique, comme un bagage pas défait. Et pour cause, le voyage n'est pas fini. Malgré les inquiétudes de la sage-femme et les bulles qui perdent à ses lèvres closes, je sens face à ce visage qu'il respire encore ailleurs. Cette tête qui attendait la prochaine contraction, comme on attend le bus, finit par être exaucée. La contraction vient, si facile après les précédentes, et dans mes mains, tendues, coule l'enfant frais et filant comme une rivière. À ma gauche, ce qui n'était plus l'instant d'avant qu'un dos qui poussait toutes hommes plates dehors des cris rauques et hachés, se mue soudain en une douce présence, aux exclamations flûtées et aux bras ouverts. Le bébé lui parvient et les exclamations qui pleuvent sur lui m'apprennent que c'est une fille. Je ne l'avais même pas regardée. Tout entier comblé par l'évidence de cette vie. Une merveille. Mais comme le sommeil finit par m'emporter, je me demande pourquoi ont surgi dans mon esprit et de mes enceintes, dans cette transe où je suis passé, les notes du Unforgiven de Metallica. Dans un tel moment, tout hasard a des échos de prophéties, des faux airs de signes à déchiffrer. Alors pourquoi me vient avec cet enfant une chanson si amère, si pleine de rancœurs et de regrets ? Qui n'est pas pardonné ? Moi ? Elle ? Je regarde dormir à côté de moi cette petite fille qui n'a pas encore de nom. Il sera bien temps demain, plus tard, de répondre à ses questions et d'écrire la suite. Pour l'heure, tenons-nous-en au début. A new blood joins this earth. Celui-là, il a été un peu travaillé.

  • Speaker #3

    On sent l'intérêt d'écriture. L'émotion qu'on voit sur ton visage par le champ. Qui est à plus d'un an. Elle est en train de vivre.

  • Speaker #4

    Elle a plus d'un an. Elle est à 15 mètres. Je suis assis là-bas.

  • Speaker #3

    Je crois que c'est la première chose qu'on s'est dit avec ma copine quand notre fille est née. On s'est regardé, déjà le premier regard forcément d'une intensité incomparable, un regard profond, puissant, qui nous a traversé avec ma fille.

  • Speaker #4

    Avec ta fille.

  • Speaker #3

    Ouais, ma fille. Le premier regard...

  • Speaker #4

    On dit pas trop ça parce que nous le premier regard, on l'a eu deux ou trois jours après quand les yeux ont dégonflé.

  • Speaker #3

    C'est l'âme qui a touché. C'était quelque chose d'une intensité incroyable. Et on s'est regardé... Avec ma compagne, on s'est dit c'est notre enfant en fait. Là on est en train de voir notre enfant, on est parent, je suis mère, tu es père. toi Cyril tu t'es dit comme Bart c'est à dire tu t'es dit on vit dans deux espaces temps qui sont pas les mêmes ouais clairement deux espaces temps deux rôles assez définis on avait bien entendu chacun un rôle très différent parce que en tant que père, en tant que coparent on a forcément on vit pas les contractions on vit pas tout le chamboulement hum hormonale, émotionnelle...

  • Speaker #4

    Elles sont shootées.

  • Speaker #3

    Ah, le voyage...

  • Speaker #4

    C'est de la bonne, parce que ça compense des trucs assez... Mais ça a l'air puissant, ce qu'elle pense.

  • Speaker #3

    Le voyage initié, c'est un vrai retour primal initiatique, mais...

  • Speaker #4

    Une conscience, c'est...

  • Speaker #1

    Ce qui me fascine et ce qui m'émeut aussi, c'est de me dire, même dans un lieu comme ça, qui intègre autant l'autre parent, où le père, pour ma part, était aussi présent pendant toutes les étapes, je me dis que l'accouchement, c'est le moment où, avec ma compagne, on a été peut-être de plus en symbiose dans notre vie. et pourtant celui où il y a le gouffre le plus grand entre tous les deux et c'était en même temps il n'y a jamais autant de différences entre son corps corps de femme qui vit un moment et le mien qui reste plutôt stable on va dire même si émotionnellement c'est un peu d'hormones quand même c'est

  • Speaker #4

    comme une mesure bien sûr c'était un vague écho

  • Speaker #3

    entre le ressenti et également la temporalité parce que la temporalité la perception du temps la temporalité pour le père et la mère sont tellement différentes où chaque seconde pour la femme qui accouche c'est des minutes,

  • Speaker #1

    c'est des heures ça c'est graine et pour la compagnon je me souviens très bien que justement quand elle m'a annoncé le matin il est 9h du matin, prends un petit déjeuner parce que je pense que ça va être aujourd'hui Je m'attendais pas.

  • Speaker #3

    Ça a été un monster.

  • Speaker #1

    Je pense que j'ai eu à peu près deux secondes dans le regard où j'ai eu un peu peur. Et au bout de la troisième seconde, ça y est, j'étais dedans. Mais je pense que ces trois secondes pour moi... l'ont beaucoup inquiété en fin de compte. Et ça a créé une inquiétude pour elle parce qu'elle était déjà dans un autre monde, alors que moi, c'était juste le temps de me tourner la tête et me dire Ah, ah,

  • Speaker #3

    ah,

  • Speaker #4

    c'est ma tête. Mais pour elle,

  • Speaker #1

    ça, c'était déjà Est-ce qu'il est sur le coup ? Quand on va en discuter après.

  • Speaker #3

    Est-ce que je peux compter sur lui ?

  • Speaker #1

    Son temps aussi était déjà un temps d'action intérieur qui était très différent. quand des choses lui ont paru très longues ou elles m'ont paru très courtes au moment de la naissance et inversement, et on se rend compte qu'on n'a pas vécu le même temps non pas du tout bonsoir Ulysse salut Ulysse

  • Speaker #5

    Ulysse nous a rejoint bonsoir Ulysse merci bravo j'ai eu un petit garçon qui s'appelle Noam bon

  • Speaker #1

    Ça me fait d'autant plus plaisir que tu sois avec nous ce soir. Ça fait deux semaines ?

  • Speaker #5

    Trois semaines demain. Non, après-demain. On est un samedi matin.

  • Speaker #1

    Tu as l'impression de nous entendre depuis un autre espace de temps qu'on fait la séance.

  • Speaker #5

    Non, honnêtement, ça va.

  • Speaker #4

    J'ai l'impression d'être pas mal les pieds sur terre,

  • Speaker #5

    finalement, un peu fatigué, clairement. Au début, je me suis dit... Trop cool, ça va le faire, pas vraiment de fatigue, on dort la nuit. En fait, c'est juste parce qu'il venait de naître et il avait besoin de dormir. Et maintenant qu'il a récupéré quelques forces, il a besoin de pleurer et de manger. Donc du coup, je suis fatigué, mais par contre, je n'ai pas l'impression d'être sur une autre planète. Je suis assez dans le réel. C'est super.

  • Speaker #4

    Moi par curiosité plutôt, Daniel et Ulysse, vous qu'en avez deux, vu qu'on est sur vraiment l'accouchement et la naissance et la place du père dans l'accouchement, vous avez senti une différence imaginable entre les deux accouchements ? Si oui laquelle ? Et dans la manière de se placer, dans la manière peut-être d'être là pendant que votre partenaire accouchait ? Enfin je n'en sais rien.

  • Speaker #5

    Moi je suis à mon troisième accouchement en fait. donc les deux derniers se ressemblent beaucoup plus parce qu'ils étaient courts en revanche ma place et ma façon d'accompagner je trouve que c'est à peu près la même c'est vraiment essayer d'écouter, c'est ce que vous disiez quand je suis arrivé c'est essayer d'écouter au maximum la mer ça n'a pas trop changé, j'étais juste dans l'inconnu pour notre premier accouchement comme pour tout le monde je pense

  • Speaker #4

    Dapnil toi aussi tu partages

  • Speaker #1

    Je partage entièrement avec toi Ulysse que chaque accouchement est radicalement différent, en tout cas, et que pour moi cette différence elle n'est pas tendue à moi, mon attitude, ni à celle de ma compagne, elle est due à l'enfant lui-même en fin de compte. À sa manière de faire à l'intérieur, c'est des choses qui nous échappent totalement et qui fait que le deuxième accouchement j'ai vraiment beaucoup plus accepté qu'on maîtrisait très peu de choses en fin de compte. Qu'on pouvait accompagner, mais qu'on pouvait accompagner sa compagne qui elle-même ne faisait qu'accompagner l'enfant, qui lui-même ...soumis à des forces intérieures... Alors qu'au premier, j'étais peut-être obsédé par être présent, être forcément bien présent, être bien sur toute la longueur, d'être vraiment solide. Le deuxième, je me suis dit en fin de compte, oui, il faut être solide, mais comme le deuxième accouchement était légèrement plus lent, peut-être que j'étais un peu plus détendu. Mais c'est toujours très dur de réinterpréter après. J'aimerais rebondir sur le... Je savais à quoi allait ressembler la douleur. Et j'étais plus habitué au corps de ma femme dans un cas d'accouchement.

  • Speaker #4

    Quand tu dis le corps de ma femme, tu parles de...

  • Speaker #1

    Son corps, ses mouvements, ses réactions, sa manière d'agir à la naissance d'un enfant. C'est même sa puissance. Ne pas avoir peur de sa puissance, de sa force, de ce qui la dépasse elle-même. Ne pas avoir peur de ce qui la dépasse. C'est ça.

  • Speaker #4

    Ok.

  • Speaker #1

    Ça reste tout aussi mystérieux pour que...

  • Speaker #3

    Oui, oui,

  • Speaker #4

    oui,

  • Speaker #5

    ça reste...

  • Speaker #4

    J'ai posé cette question pour que Thibauté se sente moins seul dans le mystérieux. Non, mais il est très mystérieux,

  • Speaker #3

    mais oui.

  • Speaker #1

    Et toi, puisque justement tout à l'heure, on disait qu'on ne peut pas s'empêcher de se faire un film de quand ça va se passer.

  • Speaker #5

    Oui.

  • Speaker #1

    Et donc, malgré toi, tu as l'impression que tu fais quel film ?

  • Speaker #2

    C'est de pas, mais... moi dans mon film un peu rêvé c'est pas si long que ça c'est elle qui va le dire c'est ça, pour moi, non mais vraiment là dessus mon film il est que c'est elle qui va mener la danse sur ce qu'elle veut et moi je suis là à côté et je fais exactement accompagnant à ses moindres désirs je l'aide juste à aller dans la bulle dont elle a besoin en fait c'est

  • Speaker #4

    plus compliqué parce que t'en as pas vécu est-ce que t'as des questions est-ce que t'as des inquiétudes oui

  • Speaker #2

    Non, j'essaye de rester très... j'allais dire candide face à tout ça, je sais pas si c'est le bon mot, mais j'entends plein de récits, j'en lis et tout, je me dis qu'il faut que je... j'essaie de pas me faire influencer, mais ouais... Pas trop se projeter ? Ouais c'est ça, j'essaie effectivement de pas trop me projeter.

  • Speaker #1

    Toi Ulysse, tu en sors tout juste. Comment tu sens, puisque c'est le thème d'aujourd'hui, ton rôle en tant que l'autre pendant ce moment d'accouchement ?

  • Speaker #5

    Indispensable. Cette fois, à chaque contraction, elle a eu besoin de moi.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #5

    Elle m'a appelé à chaque fois, soit pour la soutenir, soit pour lui tenir la main, soit pour... Pendant un moment où ça a été assez intense, il fallait que je lui appuie sur le sacrum, enfin je crois que c'est le sacrum, enfin bref, ou les lombaires, le bas du dos quoi. Il fallait surtout pas que je lui appuie avec les pouces, elle me disait les mains à plat, les mains à plat, je me faisais engueuler. Il fallait que j'appuie très fort, du coup elle était un peu suspendue, elle a... appui que je pouvais trouver, c'était le tablier de la baignoire. Et comme il est un peu souple et qu'il se rabat, je coinçais ma chaussette. Donc après que j'avais poussé et que c'était le moment de décontraction, j'avais la chaussette coincée. Oui, au piège ! Pour mes autres accouchements, c'était moins ça. J'avais plus de temps pour moi. Je me souviens que pour mon premier enfant, où l'accouchement a été très long, j'étais allé me fumer une cigarette sur le balcon. Pas la deuxième. J'ai demandé, elle m'a dit non.

  • Speaker #4

    Être là et se faire engueuler, je pense que c'est une bonne constante dans le rôle.

  • Speaker #5

    C'est une apporte à faire.

  • Speaker #4

    Moi, je sais que la mienne a dit, à un moment donné, et ça m'a un peu marqué, c'est... J'ai pas assez envie de cet enfant pour souffrir comme ça.

  • Speaker #5

    Ouais.

  • Speaker #4

    Bon.

  • Speaker #5

    Ça calme un peu, ouais.

  • Speaker #4

    Bah, si tu le prends au premier degré comme ça, si tu le prends au mot, ça peut faire très mal. Mais bon, là c'est la douleur et tout. Mais n'empêche que je m'en souviens encore, tu vois ce que je veux dire ? C'était remarqué quand même,

  • Speaker #3

    malgré tout. Je voudrais rebondir sur... Le fait de ne pas contrôler, parce qu'on a parlé un petit peu, là, du fait d'être présent, de justement faire ce qu'on peut faire. Mais je pense que c'est aussi intéressant de dire ce qu'on a ressenti de tout ce qu'on ne peut pas faire aussi, de ce sentiment d'impuissance qu'on découvre, en fait, à ce moment-là, pour moi, et que par la suite, on retrouve beaucoup, beaucoup, beaucoup avec les bébés. Mais que dans ma vie, jusqu'à cet instant-là, J'ai jamais eu un tel sentiment d'impuissance de se dire je n'ai pas le contrôle, je ne peux pas faire ce que j'aimerais faire, c'est-à-dire aider ma compagne, faire en sorte qu'elle n'ait pas de douleur, essayer de lui enlever cette intensité qui est indescriptible. Et du coup, face à ça... C'est vraiment ce sentiment d'impuissance que j'ai pu ressentir à ce moment-là, de se dire en fait je ne peux rien faire, je ne sais rien faire, je ne peux rien faire. C'est quelque chose qu'on ne nous a pas appris dans la société de juste être là. il faut une solution il faut toujours qu'on a un problème problème solution et là c'est pas du tout ça fonctionne pas comme ça c'est pas problème solution expression au cassement émotion, intensité vague explosion et accompagnement

  • Speaker #1

    Et vous en discutez déjà toi Timothée avec ta compagne ? De quoi ? De comment vous voyez le moment ?

  • Speaker #2

    Moi j'avais très peur, enfin j'ai très peur, parce que j'avais, non j'ai très peur de cette sensation de me sentir inutile.

  • Speaker #4

    Je sais que c'est un truc qui moi me...

  • Speaker #3

    ça me fait peur c'est mort ce mot inutile moi pour le coup j'ai parlé d'impuissance et moi j'ai pas du tout ressenti ce sentiment inutile je me suis ressenti impuissant à certains moments où vraiment où c'était trop intense et j'arrive enfin je trouvais pas de solution où il n'y avait pas de solution de façon mais malgré tout je me suis pas senti inutile parce que je savais que si j'étais pas là ça aurait été un problème voilà tu as juste peur

  • Speaker #4

    de ne pas faire assez ce qu'il faudrait que tu fasses pour que la situation s'améliore.

  • Speaker #2

    De ne pas l'aider dans sa douleur, de ne pas l'aider à ce moment-là. Moi, j'adorerais faire plus. J'adorerais, tu vois, oui, la décharger sur plein de trucs.

  • Speaker #5

    Ouais.

  • Speaker #1

    Avec une naissance ici en maison de naissance, et une naissance qui a à peine commencé en maison de naissance pour terminer en maternité, je me suis rendu compte que ce que j'avais... ce qui s'était imprégné en moi de présence à l'accouchement pouvait être adapté en maternité. Ça dépend évidemment du contexte, ça dépend de l'urgence, ça dépend de l'équipe médicale.

  • Speaker #4

    C'est l'équipe de la maternité.

  • Speaker #1

    Mais en tout cas, ce que j'ai appris, c'est qu'il y a peu de choses qu'on peut nous refuser. Mais il faut le savoir.

  • Speaker #3

    Je pense qu'on ne le sait pas.

  • Speaker #1

    Et il faut oser l'imposer. Parce qu'a priori, le père est là, comme tu dis, pour être un observateur, pour tenir la main. On se dit, c'est l'accouchement de la femme. Et si le compagnon est là, c'est quand même mieux parce que c'est l'apport de la tendresse. Exactement. Mais nous, on a le droit d'imposer que non, ce n'est pas ça le scénario. Le scénario c'est qu'on est deux et que l'accouchement va se passer à deux places.

  • Speaker #5

    Après là où je mettrais quand même un bémol à ce que tu dis, c'est que c'est très difficile de prendre cette place. Et moi je sais que je n'ai pas beaucoup de force morale là-dessus pour imposer mes volontés. Et si je n'ai pas une personne bienveillante en face de moi qui me permet de faire ça, je ne sais pas le faire. Et je ne veux pas non plus incriminer. Les papas qui n'arrivent pas à prendre leur place, alors bien qu'ils le souhaiteraient en maternité, parce qu'il y a l'autorité du sachant qui est très forte. Et moi, face à un médecin, je perds mes moyens. Parce qu'après tout, je ne sais pas et je n'ai pas d'argument suffisamment fort. Donc je commence par m'écraser. Et après je râle, mais une fois qu'on est sorti de la... C'est aussi dire que nous, en tant qu'accompagnants, on est aussi dans une situation de vulnérabilité. Et c'est pour ça que le personnel soignant, enfin le personnel accompagnant, a une importance capitale de bienveillance en fait. Et sans ça, on est un peu livré à... Alors il y en a qui arrivent à se battre, mais... Bravo, ils ont gardé beaucoup d'adrénaline et tout ça, mais ce n'est peut-être pas les meilleurs pour accoucher.

  • Speaker #1

    Mais ce que ça peut nous apprendre dans tous les cas, c'est peut-être qu'on a le droit de défendre, tout simplement d'être moins en retrait. Ça ne veut pas dire d'être en débat avec le corps médical. Je me suis rendu compte pour notre fille que c'est à partir du moment où les câbles du monitoring le permettaient, je pouvais agencer la salle pour ne pas forcément que ça se passe sur le lit. Et ça parce que j'avais vu l'expérience d'autres couples. Mais qui va se le permettre ? Qui va se le permettre que ça ne se passe pas sur le lit ?

  • Speaker #3

    Je pense que c'est baigné dans l'inconscient collectif de l'image qu'on a de l'accouchement. Je trouve que moi, j'ai 30 ans, jusqu'à l'année dernière, l'image que j'avais de l'accouchement, c'est ce que j'ai vu. dans les films, ce que j'ai vu à la télé, ce que j'ai vu...

  • Speaker #4

    Elle perd les os et du coup, Georges Clounet et cinq internes lui tombent dessus avec des serviettes chaudes.

  • Speaker #3

    C'est exactement ça. Et après, c'est accouchement, c'est salle d'hôpital, les néons, c'est la femme, les pieds en l'air, c'est le gynéco, c'est le père dans les films, il n'est pas dans la salle. Le père, il est ailleurs, je ne sais pas où, où il est là, il tient la main, dans les meilleurs des cas. C'est ça, en fait, c'est le père n'a pas sa place, on n'a pas le choix, et ça, c'est tellement ancré profondément que je trouve que ça, moi, en tout cas, ça m'a demandé un grand travail de déconstruction. Ça a été la première étape de ma préparation d'accouchement, c'est déconstruire, déconstruire, déconstruire, déconstruire, tous les clichés, un par un, tu déconstruis. Pour en arriver à se dire, ok, j'ai ma place, l'accouchement peut se passer différemment, l'accouchement ce n'est pas forcément l'hôpital. Et nous, on a une espèce d'angoisse autour de cet accouchement, on le remet entièrement dans les bras des médecins. Du coup, on se décharge à 100% de nos peurs, de nos angoisses, on leur met dans les bras et tenez, prenez tout ça. Moi, je n'ai pas ma part dedans, je suis scindé par rapport à ça. Et tant mieux parce que ça m'angoisse profondément. Et je pense qu'on en a cet inconscient-là qui nous porte. Et ça demande un vrai travail pour le déconstruire pièce par pièce, se dire, ah ouais, en fait, ça existe différemment. Il y a... Et juste d'entrouvrir ça, je pense que c'est la première étape vers plus d'intégration au moment de l'accouchement. Mais je pense qu'il y a plein de petites, de micro étapes d'un point de vue sociétal à venir chatouiller pour vraiment arriver à ça.

  • Speaker #1

    Pour moi, c'est ce qui est justement très touchant dans ce qu'on a entendu dans ton dans ton texte Barthes tu proposes une autre image de la naissance de ton point de vue qui pour moi est totalement inédite aussi qui n'est pas du point de vue de la femme qu'à couche qui n'est pas du point de vue du médecin qui n'est pas du point de vue de ce qu'on attend d'une naissance qui est juste ta naissance telle que tu l'as vécue toi et qui est en fin de compte vertigineusement différente de comment l'a vécue ta compagne alors qu'elle était avec toi à ce moment là Moi je vous propose pour conclure comme on a commencé avec ton texte Bart, il y a un autre texte que tu as écrit, toi Ulysse, qui m'a beaucoup touché est-ce que tu serais d'accord pour nous lire ton texte sur la naissance d'Amel

  • Speaker #5

    Oui, je le suis.

  • Speaker #1

    Je vais nous expliquer.

  • Speaker #4

    C'est un texte plus ancien, parce qu'Amel est là.

  • Speaker #1

    Pourquoi t'as...

  • Speaker #5

    J'ai écrit ce texte il y a trois ans, je ne l'ai pas relu beaucoup depuis. Donc là, ça va quand même... De l'eau a coulé sous les ponts, je vais le relire de manière un peu impromptue, sans très bien me souvenir. Je revois le titre là, tout de suite, et ça me refait rire. Le titre, c'est la croding d'un... Père inné c'est un père inné mais le titre est quand même lié au titre d'un livre qui a chez nous la chronique du père inné qui est un livre tout à fait scientifique et sur le père inné et qui doit être très utile après un accouchement Donc sans plus d'introduction, Amel aussi, une petite introduction, Amel est donc ma deuxième fille. Voilà, c'est bon, bien dans le micro. Un père inné. J'ai toujours voulu faire père. Moi, plus tard, je ferai papa, disais-je à mon père. C'était une vocation évidente, comme une idée persistante. Je pense que si j'avais pu, j'aurais encore mieux aimé faire mère. Mais j'ai dû faire le deuil de cette idée, avec ma protubérance entre les jambes. Il semblait plus pertinent de se projeter dans un rôle de père. J'ai rapidement trouvé la femme idéale avec qui fomenter ce genre de projet. Elle aussi avait une passion bébé depuis toute petite. Mais dotée d'un fort caractère, elle n'avait aucune intention d'être transformée en poule pondeuse pour satisfaire ma soif de paternité. Père fictible, j'ai su me montrer père soisif au fil des ans pour être prêt. Ce travail de fond nous aura pris dix ans entre notre premier baiser et notre décision commune d'avoir un enfant. Nous ne serons pas de ceux à qui il suffit d'une fois pour que ça marche. Rapidement, nous voilà en proie à cette attente lancinante qui se rythme tous les mois d'une cruelle déception, lorsqu'un afflux sanguin bien connu vient mettre un terme à nos espérances. Heureusement pour nous, la persévérance paie. Et un beau jour, chanceux comme nous sommes, Léonore vient agrandir notre famille. Nous partageons neuf mois d'intense bonheur et sa naissance vient transcender ce parcours de rêve. Malheureusement, sa vie extra-utérine sera plutôt une bataille pour sa survie. 39 heures de combat avant de devoir déposer les armes. À nouveau l'absence. Le deuil maintenant. Nous sommes parents mais sans enfants. Une fois le choc passé, nous reprenons courageusement notre course. Dix jours pour construire nos espoirs, se remplir d'amour, y croire. Puis encore quatorze jours d'attente, impatiente, naïve, les cœurs gonflés et le couperet tombe. D'un coup, nous plongeons dans un océan de peine. Le deuil répété d'un embryon non niché. Nous n'avons que 3 à 4 jours pour accueillir cette tristesse, car nous devons à tout prix remonter à cheval. Cette fois, il faudra traverser de nombreux cycles hormonaux jusqu'à ne plus y croire du tout. Parce qu'attendre et continuer d'espérer commencer à être au-dessus de nos forces, il nous a fallu agir, utiliser les outils de la médecine, les tests, les bilans, les analyses, les diagnostics. Le matin même de recevoir mon ordonnance de desktop pour tuyau bouché, Colline me cueille avec deux tests de grossesse positifs. Complètement du père. Neuf mois plus tard, passé entre les mains bienveillantes de sage-femme, je te vois prendre ta première inspiration, ce souffle de vie qui a tellement manqué à Léonore. Tu nais en un temps record, je n'y irai même avec une facilité déconcertante, mais ta mère trouve l'expression offensante. Alors je me tais. Quel soulagement de t'entendre respirer, de te sentir, de tortiller, de te voir t'éveiller. C'est maintenant que tout commence. Je suis perdu. Nouveau père. Repère. Vieux père. Ancien père. Double père. Une paire de pères. Pépère. Un pertinent, un père siffleur, un perturbable, un père inné. Décontenancé par les pleurs, Perturbé par l'amour échangé, imperturbé. Ce bébé bouge, il bouge tout le temps, Elle est très éveillée qu'ils disent, Et moi je suis toujours endormi, imperturbable. Je commençais à m'habituer à Léonore, calme, immuable, Une présence lourde, inextricable, mais invisible. Je pouvais parfois faire semblant de ne pas l'avoir eue. Les gens oublient vite. Cette fois c'est différent, elle est là, tout le temps. Am, elle est là, Amel. Sa présence est palpable, physique, vue de tous. Et pourtant elle est calme, immuable, comme sa sœur, mais vivante, mobile, pas comme sa sœur. Le quotidien est chamboulé. Je ne suis plus à moi, je suis à Amel. Elle a besoin de moi tout le temps, en demande, un amour à consommer. Fini cet amour posé de Léonore dont ma plus grande peur était qu'elle s'effrite, s'effiloche. Celui-ci s'agrippe, se cramponne, il griffe, bave, s'exprime, il se rappelle toujours à moi. Moi, tu ne m'oublieras pas, promis, cette fois tu es mon papa. Fini le papa, pa-pa-pa, qui fleurit la tombe de sa fille le lundi et qui se laisse sombrer le mardi. Pas de pause, pas d'oubli momentané et opportun. Quand je mange, tu t'occuperas de maman et de la maison. Quand je joue, tu me feras rigoler. Quand je dors, tu marcheras pour me verser. Quand je chante, tu seras là pour m'écouter. Quand je pleure, je compte sur toi pour me consoler. J'étais pépère, tu m'as perturbé. Je me croyais périnée, aujourd'hui je suis perdue, noyée dans un océan de bonheur. Fini la tranquillité de la mort, voici venu le rythme incessant de la vie. Enfin, tout recommence.

  • Speaker #1

    merci pour l'acteur merci merci les partages très intense roch la boucle est bouclée entre ton récit bart pour commencer et ton récit l'is

  • Speaker #3

    pour terminer maintenant ça résonne en nous laisser le silence raisonner

  • Speaker #0

    L'Apéro des papas, un podcast enregistré par Alexandre Moll, monté et mixé par Florent Castellani, organisé par Ulysse Vincent et Barthélémy Lagnot, écrit et réalisé par Daniel Toiti. Musique composée par Jimmy Hu, produit par l'association Ocalme avec le soutien de la Fondation de France. Moyens techniques fournis par DCA et Ciel Rouge Studio. Au prochain épisode, nous parlerons des premières heures, des premiers jours et des premiers mois après la naissance.

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Description

Autour d'un verre, pères et futurs pères se livrent sur leur rôle à l'accouchement.

Au fil des récits de naissance et des témoignages intimes, ils échangent sur leurs sentiments d'impuissance, et la manière dont ils accueillent la douleur et la force du corps féminin lors de la mise au monde. Ils interrogent la place du partenaire à la naissance, si absent des représentations.

Au delà des attentes des autres, comment s'investir pleinement au plus près de sa partenaire pour, à deux, mettre au monde ?


· · ·


Enregistré à la maison de naissance du CALM (Comme A La Maison) et réalisé par le documentariste Daniel Touati, l'Apéro des "Papas" plonge de manière inédite et conviviale dans une parole rare, celle des "coparents".

L’APÉRO DES PAPAS, LE 1er PODCAST SUR LA GROSSESSE, LA NAISSANCE ET LA PARENTALITÉ, DU POINT DE VUE DES PARTENAIRES.


· · ·


L’APÉRO DES PAPAS / 02 · À L'ACCOUCHEMENT ·

Ingénieur du son · Alexandre Moll ·

Organisation · Ulysse Vincent & Barthélémy Lagneau /

Écriture & Réalisation · Daniel Touati ·

Musique · Jimmy Whoo ·

Montage & Mixage · Florent Castellani ·

Graphisme · Angélique Jordan ·

Communication · Marion Tranchant & Jack Weber ·

Production · Association AU CALM & Daniel Touati /

Avec le soutien de · Le CALM & La Fondation de France ·

Moyens techniques · DCA & Ciel Rouge Studio ·

· · ·


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue à l'Apéro des Papas. S'il vous plaît, enlevez vos chaussures en entrant, car nous sommes à la maison de naissance du calme comme à la maison, qui accueille en journée des couples et des bébés, et ce soir, notre podcast. Un jeudi par mois, nous avons décidé de nous réunir ici, entre père et futur père, pour questionner cette difficulté d'être l'autre, d'être celui ou celle des deux qui ne portent pas l'enfant. Celui ou celle qui cherche la juste place et qui parfois se sent seul et doute. Autour de cette large table en bois, pas de spécialiste de la naissance. Juste nous, des coparents comme on dit, qui partageons nos émotions, nos expériences, nos récits de vie. Et une chaise vide, la vôtre, chère auditrice, cher auditeur, qui est là où le bienvenu à nous rejoindre.

  • Speaker #1

    Eh bien bonsoir,

  • Speaker #0

    content de vous retrouver. Nous sommes réunis ce soir pour le deuxième épisode de notre podcast consacré à l'accouchement. Alors je pense que tout ce qui va suivre ce soir, étant donné le thème, sera forcément teinté de nos expériences subjectives ici, à la maison de naissance. C'est-à-dire dans un lieu où nous avons une grande place pour jouer notre rôle de partenaire. Et c'est justement ce rôle que nous voulons interroger ce soir. Le rôle que les autres, la société, notre compagne attendent de nous, et le rôle que l'on aimerait jouer. Mais commençons tout d'abord par nous présenter. C'est parti !

  • Speaker #2

    Timothée, j'attends mon premier enfant. Le terme est dans un mois. Donc ça peut arriver bientôt.

  • Speaker #3

    Ok, donc moi c'est Cyril et j'ai eu ma première fille il y a de ça bientôt un an donc on a déjà presque fait une année entière ça passe à une vitesse folle

  • Speaker #4

    Moi c'est Barthélémy moi j'ai eu ma première fille aussi il y a un peu plus d'un an parce qu'elle a un an et un mois et quelques semaines bientôt un an et deux mois, ça passe vite ça passe vraiment vite Voilà

  • Speaker #1

    Et moi je suis Daniel, j'anime ce podcast. Je suis papa de Pablo qui aura 5 ans dans 2 semaines et d'Alice qui vient d'avoir 9 mois il y a 3 jours, donc qui a enfin passé autant de temps à l'extérieur que à l'intérieur. On a l'impression qu'on vient de terminer un cycle. Je propose de commencer différemment de la dernière fois. Et peut-être, Bart, tu m'avais parlé d'un texte que tu as écrit. Je me dis qu'une bonne manière d'introduire notre épisode sur le rôle de l'autre parent pendant l'accouchement serait d'entendre les mots que tu as écrits sur ta propre expérience. Ce qui m'intéresse de savoir, c'est pourquoi toi tu as eu besoin et envie d'écrire sur ce moment-là.

  • Speaker #4

    Moi, juste après la naissance, ma compagne avait besoin de... L'accouchement s'est passé relativement vite, et elle avait besoin de se re-raconter les choses, de se refaire tous les détails. Donc, elle est allée à la pêche aux détails dans tous les sens, elle a relu les comptes rendus des sages-femmes plusieurs fois, elle m'a questionné énormément, elle s'est re-raconté les choses, elle m'a raconté les choses, elle avait besoin d'en parler. Je l'ai beaucoup entendu ce récit, mais ce n'était pas mon récit.

  • Speaker #2

    D'accord. Et pardon, quand tu dis que ça s'est passé rapidement, ça vous a... Combien de temps l'accouchement ?

  • Speaker #4

    L'accouchement... Perte des os vers 17h, puis rien. Et puis vers 21h30, première contraction. À nuit et demie, une heure, on a pris le taxi, on est allé au calme, et à deux heures, elle est née.

  • Speaker #5

    D'accord.

  • Speaker #4

    Pour faire schématique.

  • Speaker #2

    Et ta compagne, elle avait l'impression que... C'était passé trop vite et qu'elle n'avait pas eu l'image qu'elle se faisait de ce qu'elle allait pouvoir vivre, entre guillemets ?

  • Speaker #4

    Je ne veux pas parler pour elle, mais en tout cas, elle en exprimait le besoin. Elle avait besoin, mais moi, ça m'a mis dans la position où... Je vais prendre une métaphore qui est peut-être un peu abusive mais... Vous savez quand on dit que l'histoire est écrite par les vainqueurs... Et moi je voulais pas perdre mon expérience de ce moment-là parce que j'avais pas fait ce travail de mise en forme. C'est pour ça que mon texte c'est une série de flashs un peu de moments qui m'ont paru un peu clés, dont je me souviens émotionnellement. Voilà.

  • Speaker #5

    Ouais c'est intéressant. Je t'en prie, vas-y, écoute.

  • Speaker #3

    Une part donnée. C'est le titre ?

  • Speaker #6

    C'est le titre.

  • Speaker #3

    Une part donnée. Comme une part de gâteau.

  • Speaker #4

    Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée.

  • Speaker #6

    Une part donnée.

  • Speaker #4

    Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée.

  • Speaker #6

    Une part donnée.

  • Speaker #4

    Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée. C'est un placard sous le four, étroit, obscur. Longtemps il est resté ouvert, mais on a refait la cuisine alors j'y ai posé une porte. Et maintenant cette porte ne s'ouvre plus. Il est 17h, je suis allongé sur le sol froid depuis trop longtemps et cette porte verte dont j'ai moi-même fixé les gonds et les fermetures à poussoir refuse de fonctionner. J'ai beau pousser, tirer, rien n'y fait. Alors, de guerre là, je frappe. Le placard est resté fermé. Mais du salon ont répondu des bruits de pas précipités et un cri continu. Ah ! J'ai perdu les os ! 21h30. Pauline est dans un bain chaud depuis bientôt une heure, tout au fond du tortueux appartement. Elle travaille et je ne sais pas quoi faire, alors je prends des photos, mauvaises. Que faire ? À manger ! J'avise les restes du libanais de la veille, le foie de volaille mariné dont elle raffole, réchauffé dans un bol, une fourchette, et je redévale le couloir pour le lui apporter. Je la vois alors pencher hors de la baignoire, dédaigner la fourchette pour porter avidement des deux mains à sa bouche, ses abats brunâtres, à la seule lueur des bougies qu'elle m'a demandé d'allumer.

  • Speaker #6

    Merci.

  • Speaker #4

    C'est là que je mesure dans quel état primal Pauline s'est enfoncée, malgré nos échanges entre les contractions. Là aussi que je réalise que les cris qu'elle pousse depuis une heure déjà et qui ont effrayé la voisine ne ressemblent à aucun son que je l'ai déjà entendu produire, ni que j'ai jamais cru qu'elle pût produire. Peu après, elle décide de sortir de l'eau. Sa douleur se fait plus vive et les fenêtres pendant lesquelles elle est accessible se rétrécissent. Dans une de ses meurtrières, elle lâche le je vais pas y arriver caractéristique de la phase de désespérance. La phase de désespérance ? Déjà ? Après deux heures à peine ? Ou est-ce que c'est juste un trou d'air de confiance en elle dont Pauline est coutumière ?

  • Speaker #6

    C'est ça.

  • Speaker #4

    A douter ainsi, nous entrons à la maison de naissance en même temps que le bébé dans le bassin. Dans la chambre règne une douce obscurité. La sage-femme a fait couler un bain. Pauline en arrivant s'est jetée par terre de douleur avant que le matelas ait pu être tiré de sous le lit. Soudain, comme dans un mauvais film de zombies, je sens une main, crispée, se refermer sur ma cheville. Comme un revenant qui hante les vivants depuis un autre monde, Pauline, prostrée dans sa douleur originelle, a besoin de moi, de mon contact, de ma chaleur, de mon attention. C'est le seul endroit où je peux être utile et c'est là que je serai désormais. À ma droite, une voix, presque murmurée. Si tu veux la toucher, vas-y, il est là. Je plonge la main dans l'eau, entre les jambes de Pauline, vers son naine invisible, et je touche. Je sens une surface ronde et dure, une pierre précieuse couverte de cheveux si fins, qui ondule entre les lèvres entreouvertes comme les branchies d'un coquillage. Dans la dureté de ce crâne se précipite d'un seul coup pour moi la présence concrète de l'enfant. Je ne veux pas encore le voir, mais ça y est, il est là. Ce n'est plus sa mère que je touche, mais cette autre, dont je n'avais que des indices et que je peux maintenant toucher du doigt. Les contractions se succèdent, douloureuses, atroces, avant qu'enfin la tête émerge. Pauline s'est penchée en avant si bien que je la vois sortir, en se tournant légèrement vers moi par-dessus son épaule comme un modèle de photographe. Juste une tête. Elle est sortie de l'eau à présent, et la sage-femme s'affaire à vider la baignoire au plus vite, mais moi je suis absorbé par cette tête, ovoïde et pourpre comme une prune, saugrenue par sa position postérieure au corps qui la porte, et puis fermée, bouffie, encore toute compactée dans son existence amniotique, comme un bagage pas défait. Et pour cause, le voyage n'est pas fini. Malgré les inquiétudes de la sage-femme et les bulles qui perdent à ses lèvres closes, je sens face à ce visage qu'il respire encore ailleurs. Cette tête qui attendait la prochaine contraction, comme on attend le bus, finit par être exaucée. La contraction vient, si facile après les précédentes, et dans mes mains, tendues, coule l'enfant frais et filant comme une rivière. À ma gauche, ce qui n'était plus l'instant d'avant qu'un dos qui poussait toutes hommes plates dehors des cris rauques et hachés, se mue soudain en une douce présence, aux exclamations flûtées et aux bras ouverts. Le bébé lui parvient et les exclamations qui pleuvent sur lui m'apprennent que c'est une fille. Je ne l'avais même pas regardée. Tout entier comblé par l'évidence de cette vie. Une merveille. Mais comme le sommeil finit par m'emporter, je me demande pourquoi ont surgi dans mon esprit et de mes enceintes, dans cette transe où je suis passé, les notes du Unforgiven de Metallica. Dans un tel moment, tout hasard a des échos de prophéties, des faux airs de signes à déchiffrer. Alors pourquoi me vient avec cet enfant une chanson si amère, si pleine de rancœurs et de regrets ? Qui n'est pas pardonné ? Moi ? Elle ? Je regarde dormir à côté de moi cette petite fille qui n'a pas encore de nom. Il sera bien temps demain, plus tard, de répondre à ses questions et d'écrire la suite. Pour l'heure, tenons-nous-en au début. A new blood joins this earth. Celui-là, il a été un peu travaillé.

  • Speaker #3

    On sent l'intérêt d'écriture. L'émotion qu'on voit sur ton visage par le champ. Qui est à plus d'un an. Elle est en train de vivre.

  • Speaker #4

    Elle a plus d'un an. Elle est à 15 mètres. Je suis assis là-bas.

  • Speaker #3

    Je crois que c'est la première chose qu'on s'est dit avec ma copine quand notre fille est née. On s'est regardé, déjà le premier regard forcément d'une intensité incomparable, un regard profond, puissant, qui nous a traversé avec ma fille.

  • Speaker #4

    Avec ta fille.

  • Speaker #3

    Ouais, ma fille. Le premier regard...

  • Speaker #4

    On dit pas trop ça parce que nous le premier regard, on l'a eu deux ou trois jours après quand les yeux ont dégonflé.

  • Speaker #3

    C'est l'âme qui a touché. C'était quelque chose d'une intensité incroyable. Et on s'est regardé... Avec ma compagne, on s'est dit c'est notre enfant en fait. Là on est en train de voir notre enfant, on est parent, je suis mère, tu es père. toi Cyril tu t'es dit comme Bart c'est à dire tu t'es dit on vit dans deux espaces temps qui sont pas les mêmes ouais clairement deux espaces temps deux rôles assez définis on avait bien entendu chacun un rôle très différent parce que en tant que père, en tant que coparent on a forcément on vit pas les contractions on vit pas tout le chamboulement hum hormonale, émotionnelle...

  • Speaker #4

    Elles sont shootées.

  • Speaker #3

    Ah, le voyage...

  • Speaker #4

    C'est de la bonne, parce que ça compense des trucs assez... Mais ça a l'air puissant, ce qu'elle pense.

  • Speaker #3

    Le voyage initié, c'est un vrai retour primal initiatique, mais...

  • Speaker #4

    Une conscience, c'est...

  • Speaker #1

    Ce qui me fascine et ce qui m'émeut aussi, c'est de me dire, même dans un lieu comme ça, qui intègre autant l'autre parent, où le père, pour ma part, était aussi présent pendant toutes les étapes, je me dis que l'accouchement, c'est le moment où, avec ma compagne, on a été peut-être de plus en symbiose dans notre vie. et pourtant celui où il y a le gouffre le plus grand entre tous les deux et c'était en même temps il n'y a jamais autant de différences entre son corps corps de femme qui vit un moment et le mien qui reste plutôt stable on va dire même si émotionnellement c'est un peu d'hormones quand même c'est

  • Speaker #4

    comme une mesure bien sûr c'était un vague écho

  • Speaker #3

    entre le ressenti et également la temporalité parce que la temporalité la perception du temps la temporalité pour le père et la mère sont tellement différentes où chaque seconde pour la femme qui accouche c'est des minutes,

  • Speaker #1

    c'est des heures ça c'est graine et pour la compagnon je me souviens très bien que justement quand elle m'a annoncé le matin il est 9h du matin, prends un petit déjeuner parce que je pense que ça va être aujourd'hui Je m'attendais pas.

  • Speaker #3

    Ça a été un monster.

  • Speaker #1

    Je pense que j'ai eu à peu près deux secondes dans le regard où j'ai eu un peu peur. Et au bout de la troisième seconde, ça y est, j'étais dedans. Mais je pense que ces trois secondes pour moi... l'ont beaucoup inquiété en fin de compte. Et ça a créé une inquiétude pour elle parce qu'elle était déjà dans un autre monde, alors que moi, c'était juste le temps de me tourner la tête et me dire Ah, ah,

  • Speaker #3

    ah,

  • Speaker #4

    c'est ma tête. Mais pour elle,

  • Speaker #1

    ça, c'était déjà Est-ce qu'il est sur le coup ? Quand on va en discuter après.

  • Speaker #3

    Est-ce que je peux compter sur lui ?

  • Speaker #1

    Son temps aussi était déjà un temps d'action intérieur qui était très différent. quand des choses lui ont paru très longues ou elles m'ont paru très courtes au moment de la naissance et inversement, et on se rend compte qu'on n'a pas vécu le même temps non pas du tout bonsoir Ulysse salut Ulysse

  • Speaker #5

    Ulysse nous a rejoint bonsoir Ulysse merci bravo j'ai eu un petit garçon qui s'appelle Noam bon

  • Speaker #1

    Ça me fait d'autant plus plaisir que tu sois avec nous ce soir. Ça fait deux semaines ?

  • Speaker #5

    Trois semaines demain. Non, après-demain. On est un samedi matin.

  • Speaker #1

    Tu as l'impression de nous entendre depuis un autre espace de temps qu'on fait la séance.

  • Speaker #5

    Non, honnêtement, ça va.

  • Speaker #4

    J'ai l'impression d'être pas mal les pieds sur terre,

  • Speaker #5

    finalement, un peu fatigué, clairement. Au début, je me suis dit... Trop cool, ça va le faire, pas vraiment de fatigue, on dort la nuit. En fait, c'est juste parce qu'il venait de naître et il avait besoin de dormir. Et maintenant qu'il a récupéré quelques forces, il a besoin de pleurer et de manger. Donc du coup, je suis fatigué, mais par contre, je n'ai pas l'impression d'être sur une autre planète. Je suis assez dans le réel. C'est super.

  • Speaker #4

    Moi par curiosité plutôt, Daniel et Ulysse, vous qu'en avez deux, vu qu'on est sur vraiment l'accouchement et la naissance et la place du père dans l'accouchement, vous avez senti une différence imaginable entre les deux accouchements ? Si oui laquelle ? Et dans la manière de se placer, dans la manière peut-être d'être là pendant que votre partenaire accouchait ? Enfin je n'en sais rien.

  • Speaker #5

    Moi je suis à mon troisième accouchement en fait. donc les deux derniers se ressemblent beaucoup plus parce qu'ils étaient courts en revanche ma place et ma façon d'accompagner je trouve que c'est à peu près la même c'est vraiment essayer d'écouter, c'est ce que vous disiez quand je suis arrivé c'est essayer d'écouter au maximum la mer ça n'a pas trop changé, j'étais juste dans l'inconnu pour notre premier accouchement comme pour tout le monde je pense

  • Speaker #4

    Dapnil toi aussi tu partages

  • Speaker #1

    Je partage entièrement avec toi Ulysse que chaque accouchement est radicalement différent, en tout cas, et que pour moi cette différence elle n'est pas tendue à moi, mon attitude, ni à celle de ma compagne, elle est due à l'enfant lui-même en fin de compte. À sa manière de faire à l'intérieur, c'est des choses qui nous échappent totalement et qui fait que le deuxième accouchement j'ai vraiment beaucoup plus accepté qu'on maîtrisait très peu de choses en fin de compte. Qu'on pouvait accompagner, mais qu'on pouvait accompagner sa compagne qui elle-même ne faisait qu'accompagner l'enfant, qui lui-même ...soumis à des forces intérieures... Alors qu'au premier, j'étais peut-être obsédé par être présent, être forcément bien présent, être bien sur toute la longueur, d'être vraiment solide. Le deuxième, je me suis dit en fin de compte, oui, il faut être solide, mais comme le deuxième accouchement était légèrement plus lent, peut-être que j'étais un peu plus détendu. Mais c'est toujours très dur de réinterpréter après. J'aimerais rebondir sur le... Je savais à quoi allait ressembler la douleur. Et j'étais plus habitué au corps de ma femme dans un cas d'accouchement.

  • Speaker #4

    Quand tu dis le corps de ma femme, tu parles de...

  • Speaker #1

    Son corps, ses mouvements, ses réactions, sa manière d'agir à la naissance d'un enfant. C'est même sa puissance. Ne pas avoir peur de sa puissance, de sa force, de ce qui la dépasse elle-même. Ne pas avoir peur de ce qui la dépasse. C'est ça.

  • Speaker #4

    Ok.

  • Speaker #1

    Ça reste tout aussi mystérieux pour que...

  • Speaker #3

    Oui, oui,

  • Speaker #4

    oui,

  • Speaker #5

    ça reste...

  • Speaker #4

    J'ai posé cette question pour que Thibauté se sente moins seul dans le mystérieux. Non, mais il est très mystérieux,

  • Speaker #3

    mais oui.

  • Speaker #1

    Et toi, puisque justement tout à l'heure, on disait qu'on ne peut pas s'empêcher de se faire un film de quand ça va se passer.

  • Speaker #5

    Oui.

  • Speaker #1

    Et donc, malgré toi, tu as l'impression que tu fais quel film ?

  • Speaker #2

    C'est de pas, mais... moi dans mon film un peu rêvé c'est pas si long que ça c'est elle qui va le dire c'est ça, pour moi, non mais vraiment là dessus mon film il est que c'est elle qui va mener la danse sur ce qu'elle veut et moi je suis là à côté et je fais exactement accompagnant à ses moindres désirs je l'aide juste à aller dans la bulle dont elle a besoin en fait c'est

  • Speaker #4

    plus compliqué parce que t'en as pas vécu est-ce que t'as des questions est-ce que t'as des inquiétudes oui

  • Speaker #2

    Non, j'essaye de rester très... j'allais dire candide face à tout ça, je sais pas si c'est le bon mot, mais j'entends plein de récits, j'en lis et tout, je me dis qu'il faut que je... j'essaie de pas me faire influencer, mais ouais... Pas trop se projeter ? Ouais c'est ça, j'essaie effectivement de pas trop me projeter.

  • Speaker #1

    Toi Ulysse, tu en sors tout juste. Comment tu sens, puisque c'est le thème d'aujourd'hui, ton rôle en tant que l'autre pendant ce moment d'accouchement ?

  • Speaker #5

    Indispensable. Cette fois, à chaque contraction, elle a eu besoin de moi.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #5

    Elle m'a appelé à chaque fois, soit pour la soutenir, soit pour lui tenir la main, soit pour... Pendant un moment où ça a été assez intense, il fallait que je lui appuie sur le sacrum, enfin je crois que c'est le sacrum, enfin bref, ou les lombaires, le bas du dos quoi. Il fallait surtout pas que je lui appuie avec les pouces, elle me disait les mains à plat, les mains à plat, je me faisais engueuler. Il fallait que j'appuie très fort, du coup elle était un peu suspendue, elle a... appui que je pouvais trouver, c'était le tablier de la baignoire. Et comme il est un peu souple et qu'il se rabat, je coinçais ma chaussette. Donc après que j'avais poussé et que c'était le moment de décontraction, j'avais la chaussette coincée. Oui, au piège ! Pour mes autres accouchements, c'était moins ça. J'avais plus de temps pour moi. Je me souviens que pour mon premier enfant, où l'accouchement a été très long, j'étais allé me fumer une cigarette sur le balcon. Pas la deuxième. J'ai demandé, elle m'a dit non.

  • Speaker #4

    Être là et se faire engueuler, je pense que c'est une bonne constante dans le rôle.

  • Speaker #5

    C'est une apporte à faire.

  • Speaker #4

    Moi, je sais que la mienne a dit, à un moment donné, et ça m'a un peu marqué, c'est... J'ai pas assez envie de cet enfant pour souffrir comme ça.

  • Speaker #5

    Ouais.

  • Speaker #4

    Bon.

  • Speaker #5

    Ça calme un peu, ouais.

  • Speaker #4

    Bah, si tu le prends au premier degré comme ça, si tu le prends au mot, ça peut faire très mal. Mais bon, là c'est la douleur et tout. Mais n'empêche que je m'en souviens encore, tu vois ce que je veux dire ? C'était remarqué quand même,

  • Speaker #3

    malgré tout. Je voudrais rebondir sur... Le fait de ne pas contrôler, parce qu'on a parlé un petit peu, là, du fait d'être présent, de justement faire ce qu'on peut faire. Mais je pense que c'est aussi intéressant de dire ce qu'on a ressenti de tout ce qu'on ne peut pas faire aussi, de ce sentiment d'impuissance qu'on découvre, en fait, à ce moment-là, pour moi, et que par la suite, on retrouve beaucoup, beaucoup, beaucoup avec les bébés. Mais que dans ma vie, jusqu'à cet instant-là, J'ai jamais eu un tel sentiment d'impuissance de se dire je n'ai pas le contrôle, je ne peux pas faire ce que j'aimerais faire, c'est-à-dire aider ma compagne, faire en sorte qu'elle n'ait pas de douleur, essayer de lui enlever cette intensité qui est indescriptible. Et du coup, face à ça... C'est vraiment ce sentiment d'impuissance que j'ai pu ressentir à ce moment-là, de se dire en fait je ne peux rien faire, je ne sais rien faire, je ne peux rien faire. C'est quelque chose qu'on ne nous a pas appris dans la société de juste être là. il faut une solution il faut toujours qu'on a un problème problème solution et là c'est pas du tout ça fonctionne pas comme ça c'est pas problème solution expression au cassement émotion, intensité vague explosion et accompagnement

  • Speaker #1

    Et vous en discutez déjà toi Timothée avec ta compagne ? De quoi ? De comment vous voyez le moment ?

  • Speaker #2

    Moi j'avais très peur, enfin j'ai très peur, parce que j'avais, non j'ai très peur de cette sensation de me sentir inutile.

  • Speaker #4

    Je sais que c'est un truc qui moi me...

  • Speaker #3

    ça me fait peur c'est mort ce mot inutile moi pour le coup j'ai parlé d'impuissance et moi j'ai pas du tout ressenti ce sentiment inutile je me suis ressenti impuissant à certains moments où vraiment où c'était trop intense et j'arrive enfin je trouvais pas de solution où il n'y avait pas de solution de façon mais malgré tout je me suis pas senti inutile parce que je savais que si j'étais pas là ça aurait été un problème voilà tu as juste peur

  • Speaker #4

    de ne pas faire assez ce qu'il faudrait que tu fasses pour que la situation s'améliore.

  • Speaker #2

    De ne pas l'aider dans sa douleur, de ne pas l'aider à ce moment-là. Moi, j'adorerais faire plus. J'adorerais, tu vois, oui, la décharger sur plein de trucs.

  • Speaker #5

    Ouais.

  • Speaker #1

    Avec une naissance ici en maison de naissance, et une naissance qui a à peine commencé en maison de naissance pour terminer en maternité, je me suis rendu compte que ce que j'avais... ce qui s'était imprégné en moi de présence à l'accouchement pouvait être adapté en maternité. Ça dépend évidemment du contexte, ça dépend de l'urgence, ça dépend de l'équipe médicale.

  • Speaker #4

    C'est l'équipe de la maternité.

  • Speaker #1

    Mais en tout cas, ce que j'ai appris, c'est qu'il y a peu de choses qu'on peut nous refuser. Mais il faut le savoir.

  • Speaker #3

    Je pense qu'on ne le sait pas.

  • Speaker #1

    Et il faut oser l'imposer. Parce qu'a priori, le père est là, comme tu dis, pour être un observateur, pour tenir la main. On se dit, c'est l'accouchement de la femme. Et si le compagnon est là, c'est quand même mieux parce que c'est l'apport de la tendresse. Exactement. Mais nous, on a le droit d'imposer que non, ce n'est pas ça le scénario. Le scénario c'est qu'on est deux et que l'accouchement va se passer à deux places.

  • Speaker #5

    Après là où je mettrais quand même un bémol à ce que tu dis, c'est que c'est très difficile de prendre cette place. Et moi je sais que je n'ai pas beaucoup de force morale là-dessus pour imposer mes volontés. Et si je n'ai pas une personne bienveillante en face de moi qui me permet de faire ça, je ne sais pas le faire. Et je ne veux pas non plus incriminer. Les papas qui n'arrivent pas à prendre leur place, alors bien qu'ils le souhaiteraient en maternité, parce qu'il y a l'autorité du sachant qui est très forte. Et moi, face à un médecin, je perds mes moyens. Parce qu'après tout, je ne sais pas et je n'ai pas d'argument suffisamment fort. Donc je commence par m'écraser. Et après je râle, mais une fois qu'on est sorti de la... C'est aussi dire que nous, en tant qu'accompagnants, on est aussi dans une situation de vulnérabilité. Et c'est pour ça que le personnel soignant, enfin le personnel accompagnant, a une importance capitale de bienveillance en fait. Et sans ça, on est un peu livré à... Alors il y en a qui arrivent à se battre, mais... Bravo, ils ont gardé beaucoup d'adrénaline et tout ça, mais ce n'est peut-être pas les meilleurs pour accoucher.

  • Speaker #1

    Mais ce que ça peut nous apprendre dans tous les cas, c'est peut-être qu'on a le droit de défendre, tout simplement d'être moins en retrait. Ça ne veut pas dire d'être en débat avec le corps médical. Je me suis rendu compte pour notre fille que c'est à partir du moment où les câbles du monitoring le permettaient, je pouvais agencer la salle pour ne pas forcément que ça se passe sur le lit. Et ça parce que j'avais vu l'expérience d'autres couples. Mais qui va se le permettre ? Qui va se le permettre que ça ne se passe pas sur le lit ?

  • Speaker #3

    Je pense que c'est baigné dans l'inconscient collectif de l'image qu'on a de l'accouchement. Je trouve que moi, j'ai 30 ans, jusqu'à l'année dernière, l'image que j'avais de l'accouchement, c'est ce que j'ai vu. dans les films, ce que j'ai vu à la télé, ce que j'ai vu...

  • Speaker #4

    Elle perd les os et du coup, Georges Clounet et cinq internes lui tombent dessus avec des serviettes chaudes.

  • Speaker #3

    C'est exactement ça. Et après, c'est accouchement, c'est salle d'hôpital, les néons, c'est la femme, les pieds en l'air, c'est le gynéco, c'est le père dans les films, il n'est pas dans la salle. Le père, il est ailleurs, je ne sais pas où, où il est là, il tient la main, dans les meilleurs des cas. C'est ça, en fait, c'est le père n'a pas sa place, on n'a pas le choix, et ça, c'est tellement ancré profondément que je trouve que ça, moi, en tout cas, ça m'a demandé un grand travail de déconstruction. Ça a été la première étape de ma préparation d'accouchement, c'est déconstruire, déconstruire, déconstruire, déconstruire, tous les clichés, un par un, tu déconstruis. Pour en arriver à se dire, ok, j'ai ma place, l'accouchement peut se passer différemment, l'accouchement ce n'est pas forcément l'hôpital. Et nous, on a une espèce d'angoisse autour de cet accouchement, on le remet entièrement dans les bras des médecins. Du coup, on se décharge à 100% de nos peurs, de nos angoisses, on leur met dans les bras et tenez, prenez tout ça. Moi, je n'ai pas ma part dedans, je suis scindé par rapport à ça. Et tant mieux parce que ça m'angoisse profondément. Et je pense qu'on en a cet inconscient-là qui nous porte. Et ça demande un vrai travail pour le déconstruire pièce par pièce, se dire, ah ouais, en fait, ça existe différemment. Il y a... Et juste d'entrouvrir ça, je pense que c'est la première étape vers plus d'intégration au moment de l'accouchement. Mais je pense qu'il y a plein de petites, de micro étapes d'un point de vue sociétal à venir chatouiller pour vraiment arriver à ça.

  • Speaker #1

    Pour moi, c'est ce qui est justement très touchant dans ce qu'on a entendu dans ton dans ton texte Barthes tu proposes une autre image de la naissance de ton point de vue qui pour moi est totalement inédite aussi qui n'est pas du point de vue de la femme qu'à couche qui n'est pas du point de vue du médecin qui n'est pas du point de vue de ce qu'on attend d'une naissance qui est juste ta naissance telle que tu l'as vécue toi et qui est en fin de compte vertigineusement différente de comment l'a vécue ta compagne alors qu'elle était avec toi à ce moment là Moi je vous propose pour conclure comme on a commencé avec ton texte Bart, il y a un autre texte que tu as écrit, toi Ulysse, qui m'a beaucoup touché est-ce que tu serais d'accord pour nous lire ton texte sur la naissance d'Amel

  • Speaker #5

    Oui, je le suis.

  • Speaker #1

    Je vais nous expliquer.

  • Speaker #4

    C'est un texte plus ancien, parce qu'Amel est là.

  • Speaker #1

    Pourquoi t'as...

  • Speaker #5

    J'ai écrit ce texte il y a trois ans, je ne l'ai pas relu beaucoup depuis. Donc là, ça va quand même... De l'eau a coulé sous les ponts, je vais le relire de manière un peu impromptue, sans très bien me souvenir. Je revois le titre là, tout de suite, et ça me refait rire. Le titre, c'est la croding d'un... Père inné c'est un père inné mais le titre est quand même lié au titre d'un livre qui a chez nous la chronique du père inné qui est un livre tout à fait scientifique et sur le père inné et qui doit être très utile après un accouchement Donc sans plus d'introduction, Amel aussi, une petite introduction, Amel est donc ma deuxième fille. Voilà, c'est bon, bien dans le micro. Un père inné. J'ai toujours voulu faire père. Moi, plus tard, je ferai papa, disais-je à mon père. C'était une vocation évidente, comme une idée persistante. Je pense que si j'avais pu, j'aurais encore mieux aimé faire mère. Mais j'ai dû faire le deuil de cette idée, avec ma protubérance entre les jambes. Il semblait plus pertinent de se projeter dans un rôle de père. J'ai rapidement trouvé la femme idéale avec qui fomenter ce genre de projet. Elle aussi avait une passion bébé depuis toute petite. Mais dotée d'un fort caractère, elle n'avait aucune intention d'être transformée en poule pondeuse pour satisfaire ma soif de paternité. Père fictible, j'ai su me montrer père soisif au fil des ans pour être prêt. Ce travail de fond nous aura pris dix ans entre notre premier baiser et notre décision commune d'avoir un enfant. Nous ne serons pas de ceux à qui il suffit d'une fois pour que ça marche. Rapidement, nous voilà en proie à cette attente lancinante qui se rythme tous les mois d'une cruelle déception, lorsqu'un afflux sanguin bien connu vient mettre un terme à nos espérances. Heureusement pour nous, la persévérance paie. Et un beau jour, chanceux comme nous sommes, Léonore vient agrandir notre famille. Nous partageons neuf mois d'intense bonheur et sa naissance vient transcender ce parcours de rêve. Malheureusement, sa vie extra-utérine sera plutôt une bataille pour sa survie. 39 heures de combat avant de devoir déposer les armes. À nouveau l'absence. Le deuil maintenant. Nous sommes parents mais sans enfants. Une fois le choc passé, nous reprenons courageusement notre course. Dix jours pour construire nos espoirs, se remplir d'amour, y croire. Puis encore quatorze jours d'attente, impatiente, naïve, les cœurs gonflés et le couperet tombe. D'un coup, nous plongeons dans un océan de peine. Le deuil répété d'un embryon non niché. Nous n'avons que 3 à 4 jours pour accueillir cette tristesse, car nous devons à tout prix remonter à cheval. Cette fois, il faudra traverser de nombreux cycles hormonaux jusqu'à ne plus y croire du tout. Parce qu'attendre et continuer d'espérer commencer à être au-dessus de nos forces, il nous a fallu agir, utiliser les outils de la médecine, les tests, les bilans, les analyses, les diagnostics. Le matin même de recevoir mon ordonnance de desktop pour tuyau bouché, Colline me cueille avec deux tests de grossesse positifs. Complètement du père. Neuf mois plus tard, passé entre les mains bienveillantes de sage-femme, je te vois prendre ta première inspiration, ce souffle de vie qui a tellement manqué à Léonore. Tu nais en un temps record, je n'y irai même avec une facilité déconcertante, mais ta mère trouve l'expression offensante. Alors je me tais. Quel soulagement de t'entendre respirer, de te sentir, de tortiller, de te voir t'éveiller. C'est maintenant que tout commence. Je suis perdu. Nouveau père. Repère. Vieux père. Ancien père. Double père. Une paire de pères. Pépère. Un pertinent, un père siffleur, un perturbable, un père inné. Décontenancé par les pleurs, Perturbé par l'amour échangé, imperturbé. Ce bébé bouge, il bouge tout le temps, Elle est très éveillée qu'ils disent, Et moi je suis toujours endormi, imperturbable. Je commençais à m'habituer à Léonore, calme, immuable, Une présence lourde, inextricable, mais invisible. Je pouvais parfois faire semblant de ne pas l'avoir eue. Les gens oublient vite. Cette fois c'est différent, elle est là, tout le temps. Am, elle est là, Amel. Sa présence est palpable, physique, vue de tous. Et pourtant elle est calme, immuable, comme sa sœur, mais vivante, mobile, pas comme sa sœur. Le quotidien est chamboulé. Je ne suis plus à moi, je suis à Amel. Elle a besoin de moi tout le temps, en demande, un amour à consommer. Fini cet amour posé de Léonore dont ma plus grande peur était qu'elle s'effrite, s'effiloche. Celui-ci s'agrippe, se cramponne, il griffe, bave, s'exprime, il se rappelle toujours à moi. Moi, tu ne m'oublieras pas, promis, cette fois tu es mon papa. Fini le papa, pa-pa-pa, qui fleurit la tombe de sa fille le lundi et qui se laisse sombrer le mardi. Pas de pause, pas d'oubli momentané et opportun. Quand je mange, tu t'occuperas de maman et de la maison. Quand je joue, tu me feras rigoler. Quand je dors, tu marcheras pour me verser. Quand je chante, tu seras là pour m'écouter. Quand je pleure, je compte sur toi pour me consoler. J'étais pépère, tu m'as perturbé. Je me croyais périnée, aujourd'hui je suis perdue, noyée dans un océan de bonheur. Fini la tranquillité de la mort, voici venu le rythme incessant de la vie. Enfin, tout recommence.

  • Speaker #1

    merci pour l'acteur merci merci les partages très intense roch la boucle est bouclée entre ton récit bart pour commencer et ton récit l'is

  • Speaker #3

    pour terminer maintenant ça résonne en nous laisser le silence raisonner

  • Speaker #0

    L'Apéro des papas, un podcast enregistré par Alexandre Moll, monté et mixé par Florent Castellani, organisé par Ulysse Vincent et Barthélémy Lagnot, écrit et réalisé par Daniel Toiti. Musique composée par Jimmy Hu, produit par l'association Ocalme avec le soutien de la Fondation de France. Moyens techniques fournis par DCA et Ciel Rouge Studio. Au prochain épisode, nous parlerons des premières heures, des premiers jours et des premiers mois après la naissance.

Description

Autour d'un verre, pères et futurs pères se livrent sur leur rôle à l'accouchement.

Au fil des récits de naissance et des témoignages intimes, ils échangent sur leurs sentiments d'impuissance, et la manière dont ils accueillent la douleur et la force du corps féminin lors de la mise au monde. Ils interrogent la place du partenaire à la naissance, si absent des représentations.

Au delà des attentes des autres, comment s'investir pleinement au plus près de sa partenaire pour, à deux, mettre au monde ?


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Enregistré à la maison de naissance du CALM (Comme A La Maison) et réalisé par le documentariste Daniel Touati, l'Apéro des "Papas" plonge de manière inédite et conviviale dans une parole rare, celle des "coparents".

L’APÉRO DES PAPAS, LE 1er PODCAST SUR LA GROSSESSE, LA NAISSANCE ET LA PARENTALITÉ, DU POINT DE VUE DES PARTENAIRES.


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L’APÉRO DES PAPAS / 02 · À L'ACCOUCHEMENT ·

Ingénieur du son · Alexandre Moll ·

Organisation · Ulysse Vincent & Barthélémy Lagneau /

Écriture & Réalisation · Daniel Touati ·

Musique · Jimmy Whoo ·

Montage & Mixage · Florent Castellani ·

Graphisme · Angélique Jordan ·

Communication · Marion Tranchant & Jack Weber ·

Production · Association AU CALM & Daniel Touati /

Avec le soutien de · Le CALM & La Fondation de France ·

Moyens techniques · DCA & Ciel Rouge Studio ·

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue à l'Apéro des Papas. S'il vous plaît, enlevez vos chaussures en entrant, car nous sommes à la maison de naissance du calme comme à la maison, qui accueille en journée des couples et des bébés, et ce soir, notre podcast. Un jeudi par mois, nous avons décidé de nous réunir ici, entre père et futur père, pour questionner cette difficulté d'être l'autre, d'être celui ou celle des deux qui ne portent pas l'enfant. Celui ou celle qui cherche la juste place et qui parfois se sent seul et doute. Autour de cette large table en bois, pas de spécialiste de la naissance. Juste nous, des coparents comme on dit, qui partageons nos émotions, nos expériences, nos récits de vie. Et une chaise vide, la vôtre, chère auditrice, cher auditeur, qui est là où le bienvenu à nous rejoindre.

  • Speaker #1

    Eh bien bonsoir,

  • Speaker #0

    content de vous retrouver. Nous sommes réunis ce soir pour le deuxième épisode de notre podcast consacré à l'accouchement. Alors je pense que tout ce qui va suivre ce soir, étant donné le thème, sera forcément teinté de nos expériences subjectives ici, à la maison de naissance. C'est-à-dire dans un lieu où nous avons une grande place pour jouer notre rôle de partenaire. Et c'est justement ce rôle que nous voulons interroger ce soir. Le rôle que les autres, la société, notre compagne attendent de nous, et le rôle que l'on aimerait jouer. Mais commençons tout d'abord par nous présenter. C'est parti !

  • Speaker #2

    Timothée, j'attends mon premier enfant. Le terme est dans un mois. Donc ça peut arriver bientôt.

  • Speaker #3

    Ok, donc moi c'est Cyril et j'ai eu ma première fille il y a de ça bientôt un an donc on a déjà presque fait une année entière ça passe à une vitesse folle

  • Speaker #4

    Moi c'est Barthélémy moi j'ai eu ma première fille aussi il y a un peu plus d'un an parce qu'elle a un an et un mois et quelques semaines bientôt un an et deux mois, ça passe vite ça passe vraiment vite Voilà

  • Speaker #1

    Et moi je suis Daniel, j'anime ce podcast. Je suis papa de Pablo qui aura 5 ans dans 2 semaines et d'Alice qui vient d'avoir 9 mois il y a 3 jours, donc qui a enfin passé autant de temps à l'extérieur que à l'intérieur. On a l'impression qu'on vient de terminer un cycle. Je propose de commencer différemment de la dernière fois. Et peut-être, Bart, tu m'avais parlé d'un texte que tu as écrit. Je me dis qu'une bonne manière d'introduire notre épisode sur le rôle de l'autre parent pendant l'accouchement serait d'entendre les mots que tu as écrits sur ta propre expérience. Ce qui m'intéresse de savoir, c'est pourquoi toi tu as eu besoin et envie d'écrire sur ce moment-là.

  • Speaker #4

    Moi, juste après la naissance, ma compagne avait besoin de... L'accouchement s'est passé relativement vite, et elle avait besoin de se re-raconter les choses, de se refaire tous les détails. Donc, elle est allée à la pêche aux détails dans tous les sens, elle a relu les comptes rendus des sages-femmes plusieurs fois, elle m'a questionné énormément, elle s'est re-raconté les choses, elle m'a raconté les choses, elle avait besoin d'en parler. Je l'ai beaucoup entendu ce récit, mais ce n'était pas mon récit.

  • Speaker #2

    D'accord. Et pardon, quand tu dis que ça s'est passé rapidement, ça vous a... Combien de temps l'accouchement ?

  • Speaker #4

    L'accouchement... Perte des os vers 17h, puis rien. Et puis vers 21h30, première contraction. À nuit et demie, une heure, on a pris le taxi, on est allé au calme, et à deux heures, elle est née.

  • Speaker #5

    D'accord.

  • Speaker #4

    Pour faire schématique.

  • Speaker #2

    Et ta compagne, elle avait l'impression que... C'était passé trop vite et qu'elle n'avait pas eu l'image qu'elle se faisait de ce qu'elle allait pouvoir vivre, entre guillemets ?

  • Speaker #4

    Je ne veux pas parler pour elle, mais en tout cas, elle en exprimait le besoin. Elle avait besoin, mais moi, ça m'a mis dans la position où... Je vais prendre une métaphore qui est peut-être un peu abusive mais... Vous savez quand on dit que l'histoire est écrite par les vainqueurs... Et moi je voulais pas perdre mon expérience de ce moment-là parce que j'avais pas fait ce travail de mise en forme. C'est pour ça que mon texte c'est une série de flashs un peu de moments qui m'ont paru un peu clés, dont je me souviens émotionnellement. Voilà.

  • Speaker #5

    Ouais c'est intéressant. Je t'en prie, vas-y, écoute.

  • Speaker #3

    Une part donnée. C'est le titre ?

  • Speaker #6

    C'est le titre.

  • Speaker #3

    Une part donnée. Comme une part de gâteau.

  • Speaker #4

    Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée.

  • Speaker #6

    Une part donnée.

  • Speaker #4

    Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée.

  • Speaker #6

    Une part donnée.

  • Speaker #4

    Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée. Une part donnée. C'est un placard sous le four, étroit, obscur. Longtemps il est resté ouvert, mais on a refait la cuisine alors j'y ai posé une porte. Et maintenant cette porte ne s'ouvre plus. Il est 17h, je suis allongé sur le sol froid depuis trop longtemps et cette porte verte dont j'ai moi-même fixé les gonds et les fermetures à poussoir refuse de fonctionner. J'ai beau pousser, tirer, rien n'y fait. Alors, de guerre là, je frappe. Le placard est resté fermé. Mais du salon ont répondu des bruits de pas précipités et un cri continu. Ah ! J'ai perdu les os ! 21h30. Pauline est dans un bain chaud depuis bientôt une heure, tout au fond du tortueux appartement. Elle travaille et je ne sais pas quoi faire, alors je prends des photos, mauvaises. Que faire ? À manger ! J'avise les restes du libanais de la veille, le foie de volaille mariné dont elle raffole, réchauffé dans un bol, une fourchette, et je redévale le couloir pour le lui apporter. Je la vois alors pencher hors de la baignoire, dédaigner la fourchette pour porter avidement des deux mains à sa bouche, ses abats brunâtres, à la seule lueur des bougies qu'elle m'a demandé d'allumer.

  • Speaker #6

    Merci.

  • Speaker #4

    C'est là que je mesure dans quel état primal Pauline s'est enfoncée, malgré nos échanges entre les contractions. Là aussi que je réalise que les cris qu'elle pousse depuis une heure déjà et qui ont effrayé la voisine ne ressemblent à aucun son que je l'ai déjà entendu produire, ni que j'ai jamais cru qu'elle pût produire. Peu après, elle décide de sortir de l'eau. Sa douleur se fait plus vive et les fenêtres pendant lesquelles elle est accessible se rétrécissent. Dans une de ses meurtrières, elle lâche le je vais pas y arriver caractéristique de la phase de désespérance. La phase de désespérance ? Déjà ? Après deux heures à peine ? Ou est-ce que c'est juste un trou d'air de confiance en elle dont Pauline est coutumière ?

  • Speaker #6

    C'est ça.

  • Speaker #4

    A douter ainsi, nous entrons à la maison de naissance en même temps que le bébé dans le bassin. Dans la chambre règne une douce obscurité. La sage-femme a fait couler un bain. Pauline en arrivant s'est jetée par terre de douleur avant que le matelas ait pu être tiré de sous le lit. Soudain, comme dans un mauvais film de zombies, je sens une main, crispée, se refermer sur ma cheville. Comme un revenant qui hante les vivants depuis un autre monde, Pauline, prostrée dans sa douleur originelle, a besoin de moi, de mon contact, de ma chaleur, de mon attention. C'est le seul endroit où je peux être utile et c'est là que je serai désormais. À ma droite, une voix, presque murmurée. Si tu veux la toucher, vas-y, il est là. Je plonge la main dans l'eau, entre les jambes de Pauline, vers son naine invisible, et je touche. Je sens une surface ronde et dure, une pierre précieuse couverte de cheveux si fins, qui ondule entre les lèvres entreouvertes comme les branchies d'un coquillage. Dans la dureté de ce crâne se précipite d'un seul coup pour moi la présence concrète de l'enfant. Je ne veux pas encore le voir, mais ça y est, il est là. Ce n'est plus sa mère que je touche, mais cette autre, dont je n'avais que des indices et que je peux maintenant toucher du doigt. Les contractions se succèdent, douloureuses, atroces, avant qu'enfin la tête émerge. Pauline s'est penchée en avant si bien que je la vois sortir, en se tournant légèrement vers moi par-dessus son épaule comme un modèle de photographe. Juste une tête. Elle est sortie de l'eau à présent, et la sage-femme s'affaire à vider la baignoire au plus vite, mais moi je suis absorbé par cette tête, ovoïde et pourpre comme une prune, saugrenue par sa position postérieure au corps qui la porte, et puis fermée, bouffie, encore toute compactée dans son existence amniotique, comme un bagage pas défait. Et pour cause, le voyage n'est pas fini. Malgré les inquiétudes de la sage-femme et les bulles qui perdent à ses lèvres closes, je sens face à ce visage qu'il respire encore ailleurs. Cette tête qui attendait la prochaine contraction, comme on attend le bus, finit par être exaucée. La contraction vient, si facile après les précédentes, et dans mes mains, tendues, coule l'enfant frais et filant comme une rivière. À ma gauche, ce qui n'était plus l'instant d'avant qu'un dos qui poussait toutes hommes plates dehors des cris rauques et hachés, se mue soudain en une douce présence, aux exclamations flûtées et aux bras ouverts. Le bébé lui parvient et les exclamations qui pleuvent sur lui m'apprennent que c'est une fille. Je ne l'avais même pas regardée. Tout entier comblé par l'évidence de cette vie. Une merveille. Mais comme le sommeil finit par m'emporter, je me demande pourquoi ont surgi dans mon esprit et de mes enceintes, dans cette transe où je suis passé, les notes du Unforgiven de Metallica. Dans un tel moment, tout hasard a des échos de prophéties, des faux airs de signes à déchiffrer. Alors pourquoi me vient avec cet enfant une chanson si amère, si pleine de rancœurs et de regrets ? Qui n'est pas pardonné ? Moi ? Elle ? Je regarde dormir à côté de moi cette petite fille qui n'a pas encore de nom. Il sera bien temps demain, plus tard, de répondre à ses questions et d'écrire la suite. Pour l'heure, tenons-nous-en au début. A new blood joins this earth. Celui-là, il a été un peu travaillé.

  • Speaker #3

    On sent l'intérêt d'écriture. L'émotion qu'on voit sur ton visage par le champ. Qui est à plus d'un an. Elle est en train de vivre.

  • Speaker #4

    Elle a plus d'un an. Elle est à 15 mètres. Je suis assis là-bas.

  • Speaker #3

    Je crois que c'est la première chose qu'on s'est dit avec ma copine quand notre fille est née. On s'est regardé, déjà le premier regard forcément d'une intensité incomparable, un regard profond, puissant, qui nous a traversé avec ma fille.

  • Speaker #4

    Avec ta fille.

  • Speaker #3

    Ouais, ma fille. Le premier regard...

  • Speaker #4

    On dit pas trop ça parce que nous le premier regard, on l'a eu deux ou trois jours après quand les yeux ont dégonflé.

  • Speaker #3

    C'est l'âme qui a touché. C'était quelque chose d'une intensité incroyable. Et on s'est regardé... Avec ma compagne, on s'est dit c'est notre enfant en fait. Là on est en train de voir notre enfant, on est parent, je suis mère, tu es père. toi Cyril tu t'es dit comme Bart c'est à dire tu t'es dit on vit dans deux espaces temps qui sont pas les mêmes ouais clairement deux espaces temps deux rôles assez définis on avait bien entendu chacun un rôle très différent parce que en tant que père, en tant que coparent on a forcément on vit pas les contractions on vit pas tout le chamboulement hum hormonale, émotionnelle...

  • Speaker #4

    Elles sont shootées.

  • Speaker #3

    Ah, le voyage...

  • Speaker #4

    C'est de la bonne, parce que ça compense des trucs assez... Mais ça a l'air puissant, ce qu'elle pense.

  • Speaker #3

    Le voyage initié, c'est un vrai retour primal initiatique, mais...

  • Speaker #4

    Une conscience, c'est...

  • Speaker #1

    Ce qui me fascine et ce qui m'émeut aussi, c'est de me dire, même dans un lieu comme ça, qui intègre autant l'autre parent, où le père, pour ma part, était aussi présent pendant toutes les étapes, je me dis que l'accouchement, c'est le moment où, avec ma compagne, on a été peut-être de plus en symbiose dans notre vie. et pourtant celui où il y a le gouffre le plus grand entre tous les deux et c'était en même temps il n'y a jamais autant de différences entre son corps corps de femme qui vit un moment et le mien qui reste plutôt stable on va dire même si émotionnellement c'est un peu d'hormones quand même c'est

  • Speaker #4

    comme une mesure bien sûr c'était un vague écho

  • Speaker #3

    entre le ressenti et également la temporalité parce que la temporalité la perception du temps la temporalité pour le père et la mère sont tellement différentes où chaque seconde pour la femme qui accouche c'est des minutes,

  • Speaker #1

    c'est des heures ça c'est graine et pour la compagnon je me souviens très bien que justement quand elle m'a annoncé le matin il est 9h du matin, prends un petit déjeuner parce que je pense que ça va être aujourd'hui Je m'attendais pas.

  • Speaker #3

    Ça a été un monster.

  • Speaker #1

    Je pense que j'ai eu à peu près deux secondes dans le regard où j'ai eu un peu peur. Et au bout de la troisième seconde, ça y est, j'étais dedans. Mais je pense que ces trois secondes pour moi... l'ont beaucoup inquiété en fin de compte. Et ça a créé une inquiétude pour elle parce qu'elle était déjà dans un autre monde, alors que moi, c'était juste le temps de me tourner la tête et me dire Ah, ah,

  • Speaker #3

    ah,

  • Speaker #4

    c'est ma tête. Mais pour elle,

  • Speaker #1

    ça, c'était déjà Est-ce qu'il est sur le coup ? Quand on va en discuter après.

  • Speaker #3

    Est-ce que je peux compter sur lui ?

  • Speaker #1

    Son temps aussi était déjà un temps d'action intérieur qui était très différent. quand des choses lui ont paru très longues ou elles m'ont paru très courtes au moment de la naissance et inversement, et on se rend compte qu'on n'a pas vécu le même temps non pas du tout bonsoir Ulysse salut Ulysse

  • Speaker #5

    Ulysse nous a rejoint bonsoir Ulysse merci bravo j'ai eu un petit garçon qui s'appelle Noam bon

  • Speaker #1

    Ça me fait d'autant plus plaisir que tu sois avec nous ce soir. Ça fait deux semaines ?

  • Speaker #5

    Trois semaines demain. Non, après-demain. On est un samedi matin.

  • Speaker #1

    Tu as l'impression de nous entendre depuis un autre espace de temps qu'on fait la séance.

  • Speaker #5

    Non, honnêtement, ça va.

  • Speaker #4

    J'ai l'impression d'être pas mal les pieds sur terre,

  • Speaker #5

    finalement, un peu fatigué, clairement. Au début, je me suis dit... Trop cool, ça va le faire, pas vraiment de fatigue, on dort la nuit. En fait, c'est juste parce qu'il venait de naître et il avait besoin de dormir. Et maintenant qu'il a récupéré quelques forces, il a besoin de pleurer et de manger. Donc du coup, je suis fatigué, mais par contre, je n'ai pas l'impression d'être sur une autre planète. Je suis assez dans le réel. C'est super.

  • Speaker #4

    Moi par curiosité plutôt, Daniel et Ulysse, vous qu'en avez deux, vu qu'on est sur vraiment l'accouchement et la naissance et la place du père dans l'accouchement, vous avez senti une différence imaginable entre les deux accouchements ? Si oui laquelle ? Et dans la manière de se placer, dans la manière peut-être d'être là pendant que votre partenaire accouchait ? Enfin je n'en sais rien.

  • Speaker #5

    Moi je suis à mon troisième accouchement en fait. donc les deux derniers se ressemblent beaucoup plus parce qu'ils étaient courts en revanche ma place et ma façon d'accompagner je trouve que c'est à peu près la même c'est vraiment essayer d'écouter, c'est ce que vous disiez quand je suis arrivé c'est essayer d'écouter au maximum la mer ça n'a pas trop changé, j'étais juste dans l'inconnu pour notre premier accouchement comme pour tout le monde je pense

  • Speaker #4

    Dapnil toi aussi tu partages

  • Speaker #1

    Je partage entièrement avec toi Ulysse que chaque accouchement est radicalement différent, en tout cas, et que pour moi cette différence elle n'est pas tendue à moi, mon attitude, ni à celle de ma compagne, elle est due à l'enfant lui-même en fin de compte. À sa manière de faire à l'intérieur, c'est des choses qui nous échappent totalement et qui fait que le deuxième accouchement j'ai vraiment beaucoup plus accepté qu'on maîtrisait très peu de choses en fin de compte. Qu'on pouvait accompagner, mais qu'on pouvait accompagner sa compagne qui elle-même ne faisait qu'accompagner l'enfant, qui lui-même ...soumis à des forces intérieures... Alors qu'au premier, j'étais peut-être obsédé par être présent, être forcément bien présent, être bien sur toute la longueur, d'être vraiment solide. Le deuxième, je me suis dit en fin de compte, oui, il faut être solide, mais comme le deuxième accouchement était légèrement plus lent, peut-être que j'étais un peu plus détendu. Mais c'est toujours très dur de réinterpréter après. J'aimerais rebondir sur le... Je savais à quoi allait ressembler la douleur. Et j'étais plus habitué au corps de ma femme dans un cas d'accouchement.

  • Speaker #4

    Quand tu dis le corps de ma femme, tu parles de...

  • Speaker #1

    Son corps, ses mouvements, ses réactions, sa manière d'agir à la naissance d'un enfant. C'est même sa puissance. Ne pas avoir peur de sa puissance, de sa force, de ce qui la dépasse elle-même. Ne pas avoir peur de ce qui la dépasse. C'est ça.

  • Speaker #4

    Ok.

  • Speaker #1

    Ça reste tout aussi mystérieux pour que...

  • Speaker #3

    Oui, oui,

  • Speaker #4

    oui,

  • Speaker #5

    ça reste...

  • Speaker #4

    J'ai posé cette question pour que Thibauté se sente moins seul dans le mystérieux. Non, mais il est très mystérieux,

  • Speaker #3

    mais oui.

  • Speaker #1

    Et toi, puisque justement tout à l'heure, on disait qu'on ne peut pas s'empêcher de se faire un film de quand ça va se passer.

  • Speaker #5

    Oui.

  • Speaker #1

    Et donc, malgré toi, tu as l'impression que tu fais quel film ?

  • Speaker #2

    C'est de pas, mais... moi dans mon film un peu rêvé c'est pas si long que ça c'est elle qui va le dire c'est ça, pour moi, non mais vraiment là dessus mon film il est que c'est elle qui va mener la danse sur ce qu'elle veut et moi je suis là à côté et je fais exactement accompagnant à ses moindres désirs je l'aide juste à aller dans la bulle dont elle a besoin en fait c'est

  • Speaker #4

    plus compliqué parce que t'en as pas vécu est-ce que t'as des questions est-ce que t'as des inquiétudes oui

  • Speaker #2

    Non, j'essaye de rester très... j'allais dire candide face à tout ça, je sais pas si c'est le bon mot, mais j'entends plein de récits, j'en lis et tout, je me dis qu'il faut que je... j'essaie de pas me faire influencer, mais ouais... Pas trop se projeter ? Ouais c'est ça, j'essaie effectivement de pas trop me projeter.

  • Speaker #1

    Toi Ulysse, tu en sors tout juste. Comment tu sens, puisque c'est le thème d'aujourd'hui, ton rôle en tant que l'autre pendant ce moment d'accouchement ?

  • Speaker #5

    Indispensable. Cette fois, à chaque contraction, elle a eu besoin de moi.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #5

    Elle m'a appelé à chaque fois, soit pour la soutenir, soit pour lui tenir la main, soit pour... Pendant un moment où ça a été assez intense, il fallait que je lui appuie sur le sacrum, enfin je crois que c'est le sacrum, enfin bref, ou les lombaires, le bas du dos quoi. Il fallait surtout pas que je lui appuie avec les pouces, elle me disait les mains à plat, les mains à plat, je me faisais engueuler. Il fallait que j'appuie très fort, du coup elle était un peu suspendue, elle a... appui que je pouvais trouver, c'était le tablier de la baignoire. Et comme il est un peu souple et qu'il se rabat, je coinçais ma chaussette. Donc après que j'avais poussé et que c'était le moment de décontraction, j'avais la chaussette coincée. Oui, au piège ! Pour mes autres accouchements, c'était moins ça. J'avais plus de temps pour moi. Je me souviens que pour mon premier enfant, où l'accouchement a été très long, j'étais allé me fumer une cigarette sur le balcon. Pas la deuxième. J'ai demandé, elle m'a dit non.

  • Speaker #4

    Être là et se faire engueuler, je pense que c'est une bonne constante dans le rôle.

  • Speaker #5

    C'est une apporte à faire.

  • Speaker #4

    Moi, je sais que la mienne a dit, à un moment donné, et ça m'a un peu marqué, c'est... J'ai pas assez envie de cet enfant pour souffrir comme ça.

  • Speaker #5

    Ouais.

  • Speaker #4

    Bon.

  • Speaker #5

    Ça calme un peu, ouais.

  • Speaker #4

    Bah, si tu le prends au premier degré comme ça, si tu le prends au mot, ça peut faire très mal. Mais bon, là c'est la douleur et tout. Mais n'empêche que je m'en souviens encore, tu vois ce que je veux dire ? C'était remarqué quand même,

  • Speaker #3

    malgré tout. Je voudrais rebondir sur... Le fait de ne pas contrôler, parce qu'on a parlé un petit peu, là, du fait d'être présent, de justement faire ce qu'on peut faire. Mais je pense que c'est aussi intéressant de dire ce qu'on a ressenti de tout ce qu'on ne peut pas faire aussi, de ce sentiment d'impuissance qu'on découvre, en fait, à ce moment-là, pour moi, et que par la suite, on retrouve beaucoup, beaucoup, beaucoup avec les bébés. Mais que dans ma vie, jusqu'à cet instant-là, J'ai jamais eu un tel sentiment d'impuissance de se dire je n'ai pas le contrôle, je ne peux pas faire ce que j'aimerais faire, c'est-à-dire aider ma compagne, faire en sorte qu'elle n'ait pas de douleur, essayer de lui enlever cette intensité qui est indescriptible. Et du coup, face à ça... C'est vraiment ce sentiment d'impuissance que j'ai pu ressentir à ce moment-là, de se dire en fait je ne peux rien faire, je ne sais rien faire, je ne peux rien faire. C'est quelque chose qu'on ne nous a pas appris dans la société de juste être là. il faut une solution il faut toujours qu'on a un problème problème solution et là c'est pas du tout ça fonctionne pas comme ça c'est pas problème solution expression au cassement émotion, intensité vague explosion et accompagnement

  • Speaker #1

    Et vous en discutez déjà toi Timothée avec ta compagne ? De quoi ? De comment vous voyez le moment ?

  • Speaker #2

    Moi j'avais très peur, enfin j'ai très peur, parce que j'avais, non j'ai très peur de cette sensation de me sentir inutile.

  • Speaker #4

    Je sais que c'est un truc qui moi me...

  • Speaker #3

    ça me fait peur c'est mort ce mot inutile moi pour le coup j'ai parlé d'impuissance et moi j'ai pas du tout ressenti ce sentiment inutile je me suis ressenti impuissant à certains moments où vraiment où c'était trop intense et j'arrive enfin je trouvais pas de solution où il n'y avait pas de solution de façon mais malgré tout je me suis pas senti inutile parce que je savais que si j'étais pas là ça aurait été un problème voilà tu as juste peur

  • Speaker #4

    de ne pas faire assez ce qu'il faudrait que tu fasses pour que la situation s'améliore.

  • Speaker #2

    De ne pas l'aider dans sa douleur, de ne pas l'aider à ce moment-là. Moi, j'adorerais faire plus. J'adorerais, tu vois, oui, la décharger sur plein de trucs.

  • Speaker #5

    Ouais.

  • Speaker #1

    Avec une naissance ici en maison de naissance, et une naissance qui a à peine commencé en maison de naissance pour terminer en maternité, je me suis rendu compte que ce que j'avais... ce qui s'était imprégné en moi de présence à l'accouchement pouvait être adapté en maternité. Ça dépend évidemment du contexte, ça dépend de l'urgence, ça dépend de l'équipe médicale.

  • Speaker #4

    C'est l'équipe de la maternité.

  • Speaker #1

    Mais en tout cas, ce que j'ai appris, c'est qu'il y a peu de choses qu'on peut nous refuser. Mais il faut le savoir.

  • Speaker #3

    Je pense qu'on ne le sait pas.

  • Speaker #1

    Et il faut oser l'imposer. Parce qu'a priori, le père est là, comme tu dis, pour être un observateur, pour tenir la main. On se dit, c'est l'accouchement de la femme. Et si le compagnon est là, c'est quand même mieux parce que c'est l'apport de la tendresse. Exactement. Mais nous, on a le droit d'imposer que non, ce n'est pas ça le scénario. Le scénario c'est qu'on est deux et que l'accouchement va se passer à deux places.

  • Speaker #5

    Après là où je mettrais quand même un bémol à ce que tu dis, c'est que c'est très difficile de prendre cette place. Et moi je sais que je n'ai pas beaucoup de force morale là-dessus pour imposer mes volontés. Et si je n'ai pas une personne bienveillante en face de moi qui me permet de faire ça, je ne sais pas le faire. Et je ne veux pas non plus incriminer. Les papas qui n'arrivent pas à prendre leur place, alors bien qu'ils le souhaiteraient en maternité, parce qu'il y a l'autorité du sachant qui est très forte. Et moi, face à un médecin, je perds mes moyens. Parce qu'après tout, je ne sais pas et je n'ai pas d'argument suffisamment fort. Donc je commence par m'écraser. Et après je râle, mais une fois qu'on est sorti de la... C'est aussi dire que nous, en tant qu'accompagnants, on est aussi dans une situation de vulnérabilité. Et c'est pour ça que le personnel soignant, enfin le personnel accompagnant, a une importance capitale de bienveillance en fait. Et sans ça, on est un peu livré à... Alors il y en a qui arrivent à se battre, mais... Bravo, ils ont gardé beaucoup d'adrénaline et tout ça, mais ce n'est peut-être pas les meilleurs pour accoucher.

  • Speaker #1

    Mais ce que ça peut nous apprendre dans tous les cas, c'est peut-être qu'on a le droit de défendre, tout simplement d'être moins en retrait. Ça ne veut pas dire d'être en débat avec le corps médical. Je me suis rendu compte pour notre fille que c'est à partir du moment où les câbles du monitoring le permettaient, je pouvais agencer la salle pour ne pas forcément que ça se passe sur le lit. Et ça parce que j'avais vu l'expérience d'autres couples. Mais qui va se le permettre ? Qui va se le permettre que ça ne se passe pas sur le lit ?

  • Speaker #3

    Je pense que c'est baigné dans l'inconscient collectif de l'image qu'on a de l'accouchement. Je trouve que moi, j'ai 30 ans, jusqu'à l'année dernière, l'image que j'avais de l'accouchement, c'est ce que j'ai vu. dans les films, ce que j'ai vu à la télé, ce que j'ai vu...

  • Speaker #4

    Elle perd les os et du coup, Georges Clounet et cinq internes lui tombent dessus avec des serviettes chaudes.

  • Speaker #3

    C'est exactement ça. Et après, c'est accouchement, c'est salle d'hôpital, les néons, c'est la femme, les pieds en l'air, c'est le gynéco, c'est le père dans les films, il n'est pas dans la salle. Le père, il est ailleurs, je ne sais pas où, où il est là, il tient la main, dans les meilleurs des cas. C'est ça, en fait, c'est le père n'a pas sa place, on n'a pas le choix, et ça, c'est tellement ancré profondément que je trouve que ça, moi, en tout cas, ça m'a demandé un grand travail de déconstruction. Ça a été la première étape de ma préparation d'accouchement, c'est déconstruire, déconstruire, déconstruire, déconstruire, tous les clichés, un par un, tu déconstruis. Pour en arriver à se dire, ok, j'ai ma place, l'accouchement peut se passer différemment, l'accouchement ce n'est pas forcément l'hôpital. Et nous, on a une espèce d'angoisse autour de cet accouchement, on le remet entièrement dans les bras des médecins. Du coup, on se décharge à 100% de nos peurs, de nos angoisses, on leur met dans les bras et tenez, prenez tout ça. Moi, je n'ai pas ma part dedans, je suis scindé par rapport à ça. Et tant mieux parce que ça m'angoisse profondément. Et je pense qu'on en a cet inconscient-là qui nous porte. Et ça demande un vrai travail pour le déconstruire pièce par pièce, se dire, ah ouais, en fait, ça existe différemment. Il y a... Et juste d'entrouvrir ça, je pense que c'est la première étape vers plus d'intégration au moment de l'accouchement. Mais je pense qu'il y a plein de petites, de micro étapes d'un point de vue sociétal à venir chatouiller pour vraiment arriver à ça.

  • Speaker #1

    Pour moi, c'est ce qui est justement très touchant dans ce qu'on a entendu dans ton dans ton texte Barthes tu proposes une autre image de la naissance de ton point de vue qui pour moi est totalement inédite aussi qui n'est pas du point de vue de la femme qu'à couche qui n'est pas du point de vue du médecin qui n'est pas du point de vue de ce qu'on attend d'une naissance qui est juste ta naissance telle que tu l'as vécue toi et qui est en fin de compte vertigineusement différente de comment l'a vécue ta compagne alors qu'elle était avec toi à ce moment là Moi je vous propose pour conclure comme on a commencé avec ton texte Bart, il y a un autre texte que tu as écrit, toi Ulysse, qui m'a beaucoup touché est-ce que tu serais d'accord pour nous lire ton texte sur la naissance d'Amel

  • Speaker #5

    Oui, je le suis.

  • Speaker #1

    Je vais nous expliquer.

  • Speaker #4

    C'est un texte plus ancien, parce qu'Amel est là.

  • Speaker #1

    Pourquoi t'as...

  • Speaker #5

    J'ai écrit ce texte il y a trois ans, je ne l'ai pas relu beaucoup depuis. Donc là, ça va quand même... De l'eau a coulé sous les ponts, je vais le relire de manière un peu impromptue, sans très bien me souvenir. Je revois le titre là, tout de suite, et ça me refait rire. Le titre, c'est la croding d'un... Père inné c'est un père inné mais le titre est quand même lié au titre d'un livre qui a chez nous la chronique du père inné qui est un livre tout à fait scientifique et sur le père inné et qui doit être très utile après un accouchement Donc sans plus d'introduction, Amel aussi, une petite introduction, Amel est donc ma deuxième fille. Voilà, c'est bon, bien dans le micro. Un père inné. J'ai toujours voulu faire père. Moi, plus tard, je ferai papa, disais-je à mon père. C'était une vocation évidente, comme une idée persistante. Je pense que si j'avais pu, j'aurais encore mieux aimé faire mère. Mais j'ai dû faire le deuil de cette idée, avec ma protubérance entre les jambes. Il semblait plus pertinent de se projeter dans un rôle de père. J'ai rapidement trouvé la femme idéale avec qui fomenter ce genre de projet. Elle aussi avait une passion bébé depuis toute petite. Mais dotée d'un fort caractère, elle n'avait aucune intention d'être transformée en poule pondeuse pour satisfaire ma soif de paternité. Père fictible, j'ai su me montrer père soisif au fil des ans pour être prêt. Ce travail de fond nous aura pris dix ans entre notre premier baiser et notre décision commune d'avoir un enfant. Nous ne serons pas de ceux à qui il suffit d'une fois pour que ça marche. Rapidement, nous voilà en proie à cette attente lancinante qui se rythme tous les mois d'une cruelle déception, lorsqu'un afflux sanguin bien connu vient mettre un terme à nos espérances. Heureusement pour nous, la persévérance paie. Et un beau jour, chanceux comme nous sommes, Léonore vient agrandir notre famille. Nous partageons neuf mois d'intense bonheur et sa naissance vient transcender ce parcours de rêve. Malheureusement, sa vie extra-utérine sera plutôt une bataille pour sa survie. 39 heures de combat avant de devoir déposer les armes. À nouveau l'absence. Le deuil maintenant. Nous sommes parents mais sans enfants. Une fois le choc passé, nous reprenons courageusement notre course. Dix jours pour construire nos espoirs, se remplir d'amour, y croire. Puis encore quatorze jours d'attente, impatiente, naïve, les cœurs gonflés et le couperet tombe. D'un coup, nous plongeons dans un océan de peine. Le deuil répété d'un embryon non niché. Nous n'avons que 3 à 4 jours pour accueillir cette tristesse, car nous devons à tout prix remonter à cheval. Cette fois, il faudra traverser de nombreux cycles hormonaux jusqu'à ne plus y croire du tout. Parce qu'attendre et continuer d'espérer commencer à être au-dessus de nos forces, il nous a fallu agir, utiliser les outils de la médecine, les tests, les bilans, les analyses, les diagnostics. Le matin même de recevoir mon ordonnance de desktop pour tuyau bouché, Colline me cueille avec deux tests de grossesse positifs. Complètement du père. Neuf mois plus tard, passé entre les mains bienveillantes de sage-femme, je te vois prendre ta première inspiration, ce souffle de vie qui a tellement manqué à Léonore. Tu nais en un temps record, je n'y irai même avec une facilité déconcertante, mais ta mère trouve l'expression offensante. Alors je me tais. Quel soulagement de t'entendre respirer, de te sentir, de tortiller, de te voir t'éveiller. C'est maintenant que tout commence. Je suis perdu. Nouveau père. Repère. Vieux père. Ancien père. Double père. Une paire de pères. Pépère. Un pertinent, un père siffleur, un perturbable, un père inné. Décontenancé par les pleurs, Perturbé par l'amour échangé, imperturbé. Ce bébé bouge, il bouge tout le temps, Elle est très éveillée qu'ils disent, Et moi je suis toujours endormi, imperturbable. Je commençais à m'habituer à Léonore, calme, immuable, Une présence lourde, inextricable, mais invisible. Je pouvais parfois faire semblant de ne pas l'avoir eue. Les gens oublient vite. Cette fois c'est différent, elle est là, tout le temps. Am, elle est là, Amel. Sa présence est palpable, physique, vue de tous. Et pourtant elle est calme, immuable, comme sa sœur, mais vivante, mobile, pas comme sa sœur. Le quotidien est chamboulé. Je ne suis plus à moi, je suis à Amel. Elle a besoin de moi tout le temps, en demande, un amour à consommer. Fini cet amour posé de Léonore dont ma plus grande peur était qu'elle s'effrite, s'effiloche. Celui-ci s'agrippe, se cramponne, il griffe, bave, s'exprime, il se rappelle toujours à moi. Moi, tu ne m'oublieras pas, promis, cette fois tu es mon papa. Fini le papa, pa-pa-pa, qui fleurit la tombe de sa fille le lundi et qui se laisse sombrer le mardi. Pas de pause, pas d'oubli momentané et opportun. Quand je mange, tu t'occuperas de maman et de la maison. Quand je joue, tu me feras rigoler. Quand je dors, tu marcheras pour me verser. Quand je chante, tu seras là pour m'écouter. Quand je pleure, je compte sur toi pour me consoler. J'étais pépère, tu m'as perturbé. Je me croyais périnée, aujourd'hui je suis perdue, noyée dans un océan de bonheur. Fini la tranquillité de la mort, voici venu le rythme incessant de la vie. Enfin, tout recommence.

  • Speaker #1

    merci pour l'acteur merci merci les partages très intense roch la boucle est bouclée entre ton récit bart pour commencer et ton récit l'is

  • Speaker #3

    pour terminer maintenant ça résonne en nous laisser le silence raisonner

  • Speaker #0

    L'Apéro des papas, un podcast enregistré par Alexandre Moll, monté et mixé par Florent Castellani, organisé par Ulysse Vincent et Barthélémy Lagnot, écrit et réalisé par Daniel Toiti. Musique composée par Jimmy Hu, produit par l'association Ocalme avec le soutien de la Fondation de France. Moyens techniques fournis par DCA et Ciel Rouge Studio. Au prochain épisode, nous parlerons des premières heures, des premiers jours et des premiers mois après la naissance.

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