- Speaker #0
C'est l'Unesco Radio.
- Speaker #1
Être libre, c'est ne pas opprimer quelqu'un d'autre.
- Speaker #2
Sauver les monuments de Nubie.
- Speaker #1
Pour qu'on se fait éduquer.
- Speaker #0
C'est l'Unesco Radio.
- Speaker #3
Bonjour et bienvenue sur le podcast du Courrier de l'UNESCO, une émission de la chaîne UNESCO. De la culture à l'éducation, en passant par les sciences et bien d'autres thèmes, ce podcast sera votre fenêtre sur le monde.
- Speaker #1
Aujourd'hui, le podcast du Courrier braque les projecteurs sur les relations de l'UNESCO avec le cinéma. On le sait peu, mais le siège de l'organisation a servi, et sert encore souvent, de lieu de tournage à de nombreux longs métrales. L'UNESCO accueille également depuis toujours de grands réalisateurs, de Jean Renoir à Roberto Rossellini, en passant par Naomi Kawase plus récemment. C'est aussi, et même avant tout, une institution qui défend la diversité du 7e art, en favorisant les cinémas nationaux face aux poids lourds de l'industrie et aux grandes plateformes.
- Speaker #4
Silence sur le plateau !
- Speaker #5
Plateau ! Annonce !
- Speaker #1
Alerte rouge UNESCO première.
- Speaker #4
Action !
- Speaker #1
Décembre 2019, au siège de l'UNESCO à Paris. Au détour d'un couloir, on pouvait croiser, dans un décor un peu revisité pour l'occasion, Hubert Bonisseur de Labatte, alias OSS 117. Seuls les fins connaisseurs du bâtiment s'en seront aperçus. La première scène du film de Alerte rouge en Afrique noire est tournée dans les locaux de l'agence onusienne. Ce n'est pas la première fois, les cinéastes sont nombreux à y avoir planté leur caméra. C'est le cas du réalisateur américain Stanley Donen, qui a tourné certains passages de Charade en 1963, dans lequel Audrey Hepburn incarne une interprète travaillant dans une organisation internationale appelée Le Resco. Sept ans plus tard, en 1970, François Truffaut filme Jean-Pierre Léo dans le Jardin japonais pour une scène de domicile conjugal. Mais les liens de l'UNESCO avec le 7e art ne se résument pas à son apparition régulière sur la pellicule. Le courrier de l'UNESCO, pour ne citer que lui, s'intéresse au cinéma depuis ses tout débuts. Dès 1955, le magazine consacre sa une aux ombres évanouies, le cinéma avant le cinéma. Au cours de son histoire, le magazine a publié des entretiens avec des réalisateurs du monde entier. Milos Forman, Abbas Kiarostami, Nagisa Ausha, Abderrahman Sisako ou encore Ritipan pour n'en citer que quelques-uns. Au-delà du courrier, l'UNESCO entretient une longue histoire avec le cinéma, que ce soit pour encourager la création, préserver les archives, ou encore défendre la diversité. Par ailleurs, dès l'origine, elle a accueilli des réalisateurs pour évoquer cet art encore jeune. Les archives sonores de l'UNESCO recèlent quelques pépites, comme cette leçon de cinéma administrée en toute improvisation par Jean Renoir et diffusée par la radio de l'UNESCO en 1955.
- Speaker #4
Très souvent, on essaye après coup d'expliquer. que la conception des films a été basée sur de longues études, sur de longues recherches. Il vaut mieux, n'est-ce pas, être franc, puisque nous sommes très peu, quelques amis dans une salle, et le dire franchement, n'est-ce pas ? Les films naissent parce qu'ils naissent, on ne sait pas du tout pourquoi.
- Speaker #1
Et le réalisateur de La Règle du Jeu poursuit.
- Speaker #4
Ce qui existe avant tout, c'est la sensualité, les idées viennent après. Tout le monde veut, explique dans le monde que les idées viennent d'abord. Ce n'est pas vrai. Les sensations, les sentiments viennent d'abord, on les explique après. On peint d'abord un tableau, puis après ça, on en sort une théorie. Mais on ne sort pas une théorie, on ne fait pas un bon tableau après. Oh, quand le travail est fait, alors on trouve des théories magnifiques, on explique tout, n'est-ce pas ? Ce moment-là, déjà il y a quelques années que j'ai décidé de renoncer à cette hypocrisie. Je n'ai pas de théorie, je n'ai pas de conception, j'ai simplement des attirances, des passions. Je crois d'ailleurs que même... dans votre travail si compliqué, qui est celui de l'UNESCO, je suis convaincu que finalement, l'amour et les attirances et l'intérêt pour l'humanité, pas pour l'humanité, l'humanité c'est quelque chose de très dangereux, mais les personnes humaines, ça c'est très important. Je suis persuadé que ça passe avant les théories et que ça donne le meilleur résultat. Et bien, dans les films c'est la même chose. C'est la raison pour laquelle dans la plupart de mes films, vous verrez tellement de maladresse.
- Speaker #1
L'écrivain et cinéaste Jean Cocteau a lui aussi livré sa vision du cinéma au micro de la radio de l'UNESCO en 1955.
- Speaker #2
Je vais vous dire que pour moi, la force du cinématographe, c'est que vous rendez réel quelque chose d'irréel. C'est-à-dire que vous faites passer à l'état d'objet. une abstraction. Ce que vous voyez, vous le voyez, cela existe. Par exemple, si j'écris que quelqu'un entre dans une glace, C'est difficile à croire, mais si je le montre, on est bien obligé d'y croire puisque je le montre. La force du cinématographe, c'est qu'on fabrique de la réalité avec ce que les gens ont coutume d'appeler du rêve. C'est-à-dire que c'est une langue, le cinématographe est une langue comme une autre, et qu'on s'y exprime par l'écriture.
- Speaker #1
Et dans les années 1950, on croit beaucoup au pouvoir de cette langue. C'est le cas du réalisateur italien Roberto Rossellini.
- Speaker #6
Je pense que le cinéma pourrait avoir son rôle comme tous les autres arts dans la vie contemporaine. Je pensais qu'il aurait dû avoir un grand rôle dans la société moderne et, à travers la connaissance directe et plus profonde des gens de diverses nations, aider à l'approchement des peuples.
- Speaker #1
L'UNESCO est donc une enceinte où l'on réfléchit au pouvoir du 7e art. Mais pas seulement. L'organisation se préoccupe aussi de la préservation de ses archives. Dans un édito du courrier de l'UNESCO consacré à l'éternel cinéma, en août 1984, le rédacteur en chef du magazine, le poète martiniquais Édouard Guilson, attirait déjà l'attention sur la fragilité des pellicules.
- Speaker #7
Par un cruel paradoxe, l'art le plus populaire du XXe siècle, le cinéma, est aussi le plus menacé. Nulle forme d'art n'a été et n'est encore autant frappée de destruction, volontaire ou involontaire au cours de son histoire. L'ampleur des... perte est accablante.
- Speaker #1
Et il ajoute
- Speaker #7
Asservi à un support toujours fragile et plus ou moins éphémère, la pellicule, le film reste condamné, faute de certaines précautions, à une mort chimique qui peut parfois frapper très vite et causer des ravages, comme c'est le cas parmi les œuvres réalisées avant les années 1950 où cette destruction a pris les allures d'une catastrophe naturelle.
- Speaker #1
C'est précisément pour éviter cette catastrophe que certaines archives ont été versées au registre. international de la mémoire du monde, un programme de l'UNESCO dont l'objectif est de répertorier et de valoriser le patrimoine documentaire. Une mission qui s'applique notamment aux archives cinématographiques, comme l'explique Faxon Banda, chef de l'unité du patrimoine documentaire de l'UNESCO.
- Speaker #5
De manière générale, les archives filmées sont menacées de disparition parce qu'elles ont été enregistrées sur des supports anciens, dans certains cas sur des bobines de film. qui ne sont aujourd'hui plus utilisés. L'idée est d'essayer de préserver de tels archives audiovisuelles ou cinématographiques.
- Speaker #1
Sur les 494 éléments inscrits sur le registre international de la mémoire du monde, on compte à ce jour 21 films, parmi lesquels Shoah de Jacques Lanzmann, Los Olvidados de Luis Buñuel ou encore Metropolis de Fritz Lang. L'inscription au registre ne vise pas à établir un classement, mais à identifier un patrimoine d'importance mondiale et en favoriser l'accès.
- Speaker #5
Prenons l'exemple de la France, où nous nous trouvons. On peut s'intéresser aux films des Frères Lumière. Leurs films ont marqué un tournant historique, au sens où, pour la première fois, des films donnent à voir la vie dans son quotidien. Des films montrant des gens dans une gare, ou d'autres montrant la sortie de l'usine. Pour la première fois, les spectateurs pouvaient voir la vie, dans ce qu'elle a de populaire.
- Speaker #1
Par ailleurs, l'organisation défend activement la diversité. En 2021, elle a publié une cartographie complète de l'industrie du cinéma en Afrique. Cette étude reflète une situation très contrastée d'un pays à l'autre. C'est Nollywood. Le Hollywood nigérian produit quelques 2500 films par an et fait figure de locomotive du continent. Ailleurs, le potentiel économique est largement inexploité. Mais la révolution numérique est en train de changer la donne. L'étude montre que dans des pays comme le Kenya, le Rwanda, l'Ethiopie ou le Sénégal, de nouvelles générations de réalisateurs peuvent aujourd'hui vivre des revenus générés en ligne par leur travail. C'est précisément pour encourager la jeune création que l'UNESCO a lancé en 2021 dans le cadre de son partenariat avec Netflix, un concours pour la réalisation de courts-métrages sur le thème des contes populaires africains réinventés. Sous la supervision de la réalisatrice japonaise, par ailleurs ambassadrice de bonne volonté de l'UNESCO, Naomi Kawase, l'organisation a offert une résidence cinématographique de deux semaines à dix jeunes réalisatrices africaines. Le cinéma, on le sait, est une industrie puissante. Sauf que les biens et services qu'elle produit ne sont pas tout à fait des marchandises comme les autres. Cette réflexion a donné lieu à l'adoption par l'UNESCO en 2005. de la Convention pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, dans un contexte bien particulier que rappelle Toussaint Tiandré Beogo, secrétaire de cette convention.
- Speaker #0
La convention de 2005 trouve d'ailleurs ses prémices dans le combat des professionnels du cinéma dans les années 90, alors que se négociaient un peu partout dans le monde des accords de libre-échange, et ces professionnels étaient inquiétés et préoccupés par le fait que L'inclusion des biens et services culturels, notamment le cinéma dans ses accords de commerce, fragilise davantage certaines des cinématographies nationales face au rouleau compresseur de la production de multinationales de cinéma.
- Speaker #1
Pour les États signataires, cela signifie qu'ils peuvent prendre des mesures pour protéger et promouvoir leur industrie. Ils peuvent aussi bénéficier du fonds de la Convention qui finance certains projets comme Latina Retina, une plateforme d'échange qui offre une alternative. aux grandes plateformes en Amérique latine.
- Speaker #0
De la même manière, en Ouganda, nous avons un projet similaire qui vise à créer une plateforme de valorisation des films ougandais dans un contexte où la plupart des salles de cinéma ont fermé et que finalement les plateformes numériques offrent aujourd'hui la seule source de valorisation pour permettre à l'écosystème cinématographique ougandais de continuer à exister.
- Speaker #1
Aujourd'hui, presque 20 ans après l'adoption de la Convention, c'est une autre inquiétude qui se fait jour chez les professionnels du cinéma. L'impact de l'intelligence artificielle sur leur métier. C'est vrai, au cours de son histoire, le cinéma n'a cessé de connaître des bouleversements technologiques. Le passage du muet au parlant, du noir et blanc à la couleur, ou encore de l'argentique au numérique. Mais l'IA risque de changer en profondeur le métier, comme l'explique Toussaint Tiandré-Béogaud.
- Speaker #0
Le premier métier le plus touché. par l'émergence de l'intelligence artificielle générative sont ceux de la création. Par exemple, pour les auteurs scénaristes, l'on peut craindre que la centralité de leur travail de création soit amoindrie et finalement peut-être même dévalorisée face à l'intelligence artificielle qui se nourrit d'œuvres déjà existantes pour proposer de nouveaux scénarios. Et pour les métiers d'artiste-interprète, avec les systèmes d'intelligence artificielle, on peut utiliser la voix d'un comédien pour doubler d'autres films sans même qu'il y ait besoin d'une intervention humaine de la part de l'artiste dont la voix est utilisée.
- Speaker #1
Les métiers liés aux effets spéciaux, au décor ou à la création sonore sont également concernés. L'IA pose aussi des questions sur les droits de propriété intellectuelle, la rémunération des artistes et la transparence des contenus. L'UNESCO accompagne cette réflexion. En 2021, une recommandation sur l'éthique de l'intelligence artificielle a été adoptée par l'organisation. C'est la première norme mondiale en la matière et elle couvre également le domaine de la culture. L'histoire entre l'UNESCO et le cinéma se poursuit donc. Et le clap de fin n'est pas court de main.