- Speaker #0
Bienvenue sur le podcast du Lab'ONCORIF. Je suis Pascale Gendron, responsable du pôle projets au sein d'Oncorif, le Dispositif Spécifique Régional du Cancer en Ile-de-France. Aujourd'hui, j'anime le podcast « Thrombose et cancer, parlons-en ! » . Les recommandations de prise en charge de la thrombose associée au cancer sont souvent méconnues des professionnels de santé. Je reçois aujourd'hui au micro du Lab' ONCORIF, pour ce deuxième épisode « Thrombose et cancer, quelle prise en charge ? » le professeur Corinne Frère, hématologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, et le Dr Olivier Dubreuil, oncologue digestif à l'hôpital des Diaconesses. Dr Dubreuil, quels sont les traitements curatifs qui peuvent être prescrits une fois que le diagnostic de la thrombose est confirmé ?
- Speaker #1
Il y a principalement deux types de traitements qui peuvent être prescrits. Tout d'abord, les héparines de bas poids moléculaire, qui sont des traitements qui se donnent par voie sous-cutanée et les anticoagulants oraux directs, les AOD, qui sont des traitements un petit peu plus récents, qui se donnent par voie orale. Toutes les sociétés savantes recommandent l'utilisation de l'un ou l'autre des traitements pour le traitement des thromboses chez des patients atteints de cancer. Si on rentre un peu plus dans le détail, les HBPM, donc par voie sous-cutanée, ça peut vraiment montrer une efficacité par rapport aux autres anticoagulants comme les AVK. C'est un traitement qui est un peu plus sûr, notamment chez les patients qui ont des risques de saignement, comme les cancers digestifs ou les cancers génitaux urinaires, ou d'autres patients qui ont des risques hémorragiques élevés. En revanche, les HBPM, ca ne peut pas être utilisé quand il y a une insuffisance rénale sévère. Et dans ce cas-là, il faudra utiliser des héparines non fractionnées. Les AOD, c'est un petit peu un nouveau traitement. Aujourd'hui, on a des essais randomisés qui montrent que ce sont des traitements efficaces en comparaison aux HBPM. On peut tout à fait les utiliser. Il faut faire un petit peu attention, en revanche, parce qu'il y a pas mal d'interactions médicamenteuses, que ce soit avec les chimiothérapies et les traitements qu'on donne quand il y a nausées et vomissements par exemple. Il peut y avoir des interactions médicamenteuses. Et également, ces traitements sont contre-indiqués quand il y a une insuffisance rénale sévère.
- Speaker #0
Professeur Frère, pour les patients atteints de cancer, est-ce qu'il y a des traitements préventifs pour éviter la survenue de la thrombose ?
- Speaker #2
Alors bien sûr, il existe des traitements préventifs. Ces traitements préventifs, ce sont les mêmes que ceux dont vous a parlé le docteur Dubreuil pour le traitement curatif, donc des traitements qui sont injectables ou qui peuvent être pris oralement, comme les anticoagulants oraux directs. On les prescrit à des posologies qui ne sont pas les mêmes en préventif que pour le traitement curatif. Ces traitements préventifs ne sont pas justifiés chez tous les patients. La première chose, c'est qu'il y a des cancers qui sont plus thrombogènes que d'autres, par exemple le cancer du pancréas. On sait qu'un patient sur cinq va présenter un épisode de thrombose au cours des six premiers mois du traitement du cancer. Donc là, la thromboprophylaxie est justifiée, mais il y a certains cancers qui sont associés à un plus faible risque de thrombose. Dans ces cas-là, pour identifier les patients qui vont pouvoir bénéficier d'un traitement préventif, on va utiliser des scores de risque, comme le score de KHORANA, qui est un score qui a été développé aux Etats-Unis, qui permet avec un certain nombre d'items de calculer un score en points. Et selon le nombre de points, on va estimer que le patient est très à risque et peut bénéficier d'une thromboprophylaxie.
- Speaker #0
Docteur Dubreuil, vous nous avez expliqué au premier épisode que la thrombose associée au cancer est une prise en charge pas comme les autres. En quoi sa prise en charge est-elle spécifique ?
- Speaker #1
Oui, effectivement, c'est une thrombose pas comme les autres et donc le traitement ne va pas être comme les autres également. La première chose, c'est les traitements, dont je parlais tout à l'heure, qui vont être un petit peu spécifiques quand c'est une thrombose qui survient chez un patient atteint d'un cancer. La durée du traitement va également très souvent être différente. C'est minimum six mois de traitement. Il est même recommandé que le traitement anticoagulant soit poursuivi pendant, tant que la maladie est active. Donc ça peut être pendant très longtemps, chez les patients qui ont des survies prolongées. Donc c'est des points très particuliers qu'il faut connaître puisque sinon le risque de récidive de la thrombose est extrêmement important. Enfin, notre particularité, c'est l'environnement du patient. C'est souvent des patients qui sont polymédiqués, qui ont éventuellement d'autres comorbidités, mais qui, de toute façon, ont les traitements contre le cancer, les traitements et les soins de support associés à ces médicaments, comme les antinauséeux qui peuvent induire des interactions médicamenteuses. Il faut bien évidemment le prendre en compte dans le choix de nos traitements contre la thrombose. Tout ça, ça nécessite vraiment une prise en charge multidisciplinaire qui doit être coordonnée tant par l'oncologue que par le pharmacien et le médecin généraliste du patient pour que le traitement de la thrombose puisse être fait de façon sûre, sans effet secondaire, et bien évidemment avec une efficacité au long cours pour éviter des complications graves que peuvent donner les thromboses veineuses profondes.
- Speaker #0
Par qui ces traitements sont-ils prescrits et pour quelle durée, Professeur Frère ?
- Speaker #2
Ces traitements peuvent être prescrits par différents intervenants, le médecin urgentiste, l'oncologue, le médecin traitant. Si par exemple le patient consulte aux urgences pour une suspicion de thrombose, le traitement va être prescrit par l'urgentiste, puis il sera revu par l'oncologue et ensuite il pourra être poursuivi par le médecin traitant. L'important c'est qu'il y ait une bonne communication entre les différents intervenants parce que comme vous l'a dit le docteur Dubreuil, la durée du traitement est longue. On le prescrit pour une durée d'au moins 6 mois et tant que le cancer est actif. Il y a certaines situations qui sont un petit peu plus complexes où on va être obligé de prendre la décision du traitement anticoagulant et de la durée du traitement anticoagulant en consultant d'autres confrères, c'est ce qu'on appelle des réunions de concertation pluridisciplinaire d'experts. On aura un médecin vasculaire, un hématologue, l'oncologue qui connaît bien le patient, parfois un anesthésiste, et on discutera tous ensemble du dossier pour essayer de trouver le meilleur traitement pour le patient dont on est en train de discuter le dossier. Et au terme de cette RCP, on donnera un avis à l'oncologue qui le transmettra au médecin traitant. Dans certaines conditions, on va avoir des traitements anticoagulants longs avec des héparines de bas poids moléculaires et des injections qui vont nécessiter l'intervention d'une infirmière à domicile.
- Speaker #0
Merci beaucoup professeur Frère et docteur Dubreuil. La mission d'ONCORIF, c'est de vous donner de l'information. Alors on se retrouve très bientôt pour un prochain épisode de notre série « Thrombose et cancer, parlons-en ! » du podcast Le Lab' ONCORIF.