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Le Micro Social

[#37] Que reste-t-il du comité d'entreprise de 1945 ?

[#37] Que reste-t-il du comité d'entreprise de 1945 ?

18min |01/04/2025|

207

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Description

🗓️ Nous commémorons en 2025 le 80e anniversaire de l'ordonnance du 22 février 1945 ayant créé le comité d'entreprise (CE). C'est l'occasion d'explorer un bout de l'histoire sociale de notre pays en retraçant les origines et l'évolution de cette instance représentative du personnel, fondue en 2017, avec le CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) et les délégués du personnel, au sein du CSE, le comité social et économique,.

🎙️ Et pour défricher ce passé et le comparer au présent, quoi de mieux que d'écouter un historien du droit social, Jean-Pierre Le Crom, auteur d'un ouvrage de référence sur le sujet ("L'introuvable démocratie salariale") ? C'est ce que nous vous proposons dans ce 37e épisode du Micro Social, le podcast de Lefebvre Dalloz sur le travail et le droit du travail.

📜Pourquoi s'intéresser à l'histoire, objecterez-vous ? A cette question, la romancière Marguerite Yourcenar avait apporté cette réponse magistrale qui vaut aussi, pensons-nous, pour les sujets sociaux et politiques :

« Le coup d'œil sur l'Histoire, le recul vers une période passée ou, comme aurait dit Racine, vers un pays éloigné, vous donne des perspectives sur votre époque et vous permet d'y penser davantage, d'y voir davantage les problèmes qui sont les mêmes ou les problèmes qui différent ou les solutions à y apporter » .

🎧 Alors, si vous voulez en savoir plus, par exemple, sur l'ordonnance de 1945 et la loi de 1946, sur les principes du CE alors fixés qui demeurent, sur le développement en dents de scie du CSE après guerre...à vos écouteurs !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous écoutez le Micro-Social, un podcast sur le travail et le droit du travail. Je suis Bernard Domergue, journaliste, rédacteur en chef d'ActuEL-CSE chez Lefebvre Dalloz. Alors, si vous avez déjà écouté l'un de nos épisodes, vous savez qu'on aime bien ici les institutions représentatives du personnel et qu'on aime bien aussi l'histoire. Et aujourd'hui, bingo si j'ose dire, on a le gros lot. Avec vous, Jean-Pierre Le Crom, bonjour.

  • Speaker #1

    Oui, bonjour, Bernard Domergue.

  • Speaker #0

    Alors, vous êtes historien et, cerise sur le gâteau, historien du droit social. Vous avez publié un ouvrage de référence sur l'histoire de la représentation collective en France. Et c'est donc l'occasion de vous entendre sur le comité d'entreprise dont nous commémorons les 80 ans en 2025. Alors c'est vrai que le CE a été créé dans des circonstances particulières après la seconde guerre mondiale à la libération en France. Est-ce qu'on peut dire du coup qu'il hérite à la fois du régime de Vichy et du programme national de la résistance Alors la question est un peu délicate.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est que... La charte du travail sous le régime de Vichy en 1941 avait prévu la création de comités sociaux d'entreprise dans les établissements de plus de 100 salariés. Ça a été plutôt une réussite parce qu'il y en a eu à peu près 9000 qui ont été créés pendant l'occupation, principalement pour des raisons concrètes, matérielles. Le ravitaillement était l'une de leurs principales fonctions et donc ça va être conservé à la libération puisque les comités d'entreprise auront une double fonction. économique d'un côté et sociale, donc avec les œuvres sociales de l'autre. Par ailleurs, dans la résistance, il était question de faire mieux participer les travailleurs à la gestion des entreprises, et le comité d'entreprise sera l'un des moyens qui seront pris pour obtenir cette ambition. Donc il y a un petit peu de vichy, on va dire, mais... C'est plutôt la guerre, plutôt que le régime de Vichy, qui a favorisé la reprise des œuvres sociales dans les comités d'entreprise à la libération.

  • Speaker #0

    Oui, et puis le régime de Vichy avait interdit les organisations syndicales comme la CGT ou la CFTC d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Non, pas toutes les organisations syndicales. Avaient été interdites les confédérations, mais les fédérations n'étaient pas interdites, les UD n'étaient pas interdites, les syndicats n'étaient pas interdits. Simplement, il était prévu de les changer, de faire des syndicats uniques et obligatoires. Ça, c'était la charte du travail. Sauf que le Vichy n'arrivera pas à mener à bien cette idée, ce projet.

  • Speaker #0

    Quand on relit l'ordonnance du 22 février 1945, on est frappé par le fait que certains principes qui sont alors fixés continuent de toujours valoir aujourd'hui, même pour le comité social et économique. Je pense, vous l'avez dit. à la gestion des œuvres sociales qui est le monopole du comité, à la notion de marche générale de l'entreprise qui est évoquée des 45, si je ne fais pas erreur, ou encore par l'établissement du procès verbal par le secrétaire du comité. C'est quand même étonnant, non

  • Speaker #1

    C'est étonnant, oui et non. C'est-à-dire qu'évidemment, il y a eu beaucoup de changements dans la réglementation des CE, depuis des... CSE, par exemple, en matière de négociations collectives, la fusion des délégués du personnel et des comités d'entreprise, ce sont quand même des changements importants. Mais c'est vrai, vous avez raison, les principes fondateurs du comité d'entreprise sont restés les mêmes. Il y en a deux principalement, pour moi. Il y a le fait que les comités d'entreprise, puis les CSE, ont une double fonction. Gestion, alors on disait des œuvres sociales, à la libération, on parlait des œuvres sociales, maintenant on parle des activités sociales et culturelles. Donc à côté du rôle économique du comité d'entreprise, ça c'est une première particularité, un premier principe qui a perduré tout au long de l'histoire des comités d'entreprise. Et le deuxième, c'est le rôle à peu près purement consultatif des comités d'entreprise qui n'ont aucun, enfin aucun, ce n'est pas tout à fait exact, mais qui n'ont à peu près… aucun pouvoir de décision sur la marge de l'entreprise.

  • Speaker #0

    Oui, alors justement par rapport à ça, comment les syndicats de l'époque voient le rôle du CE, qui est quelque chose de nouveau quand même

  • Speaker #1

    Il y a plusieurs aspects. Les syndicats, et particulièrement la CGT, qui est très forte au moment de la création des comités d'entreprise en 1945-1946 et un peu après, ils considèrent au début les comités d'entreprise comme une sorte d'appendice du syndicat. C'est-à-dire que, par exemple... les élections aux deux premiers tours, parce qu'à l'époque, il y en avait trois, aux deux premiers tours des élections. C'est seulement des listes syndicales qui peuvent se présenter. Il y a des syndicalistes qui peuvent participer aux réunions du comité d'entreprise alors même qu'ils n'ont pas été élus, qui représentent leur syndicat. Le syndicat peut démettre ses élus du CE dans certaines conditions. Donc il y a la CGT en particulier, je pourrais dire les syndicats en général, qui cherchent à montrer que les comités d'entreprise doivent appliquer la politique du syndicat. Sauf que... En réalité, dans le comité d'entreprise, et c'est indiqué dans l'exposé des motifs de l'ordonnance de 45, c'est un instrument de coopération avec le chef d'entreprise. Le chef d'entreprise lui-même est le président du comité d'entreprise. Il ne faut pas l'oublier. Il y a des relations complexes entre les syndicats. et les comités d'entreprise, d'autant plus que le syndicalisme va évoluer évidemment depuis l'après-guerre, puisqu'il va y avoir une diversification des confédérations et donc des syndicats dans les entreprises. Et puis par ailleurs, les non-syndiqués vont prendre de plus en plus de place. Donc on ne peut plus tout à fait parler, comme on le faisait en 1945, d'une sorte de soumission. du comité d'entreprise au syndicat.

  • Speaker #0

    C'est la loi de 1946 qui abaisse le seuil de création du CE de 100 à 50 salariés. Mais est-ce que c'est... Alors ça, c'est une obligation légale. Alors on sait qu'en France, il y a les obligations légales et puis la réalité, la pratique. Est-ce que le nombre de comités d'entreprise en France décolle vraiment après-guerre Il y a deux aspects.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'effectivement, il y a un débat, notamment, moi, j'ai eu un petit débat avec la CGT. et notamment leur meilleur spécialiste qui est décédé maintenant, Maurice Cohen, sur savoir si c'était l'ordonnance de 45 ou la loi de 1946 qui était à l'origine des CE. Moi, je dirais que c'est un peu les deux parce qu'il y a eu effectivement des modifications entre 45 et 46. Notamment, vous l'avez dit, le seuil a été porté de 100 à 50, donc il a été abaissé. Il y a un rôle plus important pour l'expert comptable du comité d'entreprise en 46 plutôt qu'en 45. Par ailleurs, une modification assez substantielle qui indique que le comité de l'entreprise en matière économique doit être consulté et non plus seulement informé. Donc il y a bien des changements entre 45 et 46, mais les principes dont on a parlé tout à l'heure, la double fonction sociale et économique, le côté consultatif du comité d'entreprise, ça reste. Donc on peut se mettre d'accord pour dire que c'est en fait les deux, l'ordonnance de 45. et la loi 46 qui sont à l'origine des comités d'entreprise. Après, c'était quoi votre deuxième question Alors la question c'était,

  • Speaker #0

    est-ce que ces lois entraînent un développement rapide du nombre de comités d'entreprise en France

  • Speaker #1

    Ah oui, oui c'est ça. Alors au début, ça marche très bien. Il y a un militant CGT qui travaillait chez Schneider, qui a écrit un bouquin dans la collection de témoins chez Gallimard, qui est vraiment très bien. Maurice Combes, c'était un prêtre ouvrier. Lui, il parle... d'euphorie quand ils parlent de la période de la libération. Et effectivement, on est à la période de la reconstruction. Et donc, ça marche bien. Et le nombre de comités d'entreprise augmente pour atteindre un peu plus de 10 000, 10 500 à peu près, à la fin des années 40, au début des années 50. Et ensuite, ça diminue à peu près de moitié jusqu'à la fin des années 60. Toutes les enquêtes, et Dieu sait s'il y a des enquêtes, la revue Droits sociaux, beaucoup de... beaucoup d'enquêtes, toutes parlent d'une crise, notamment sur le plan économique où le comité entreprise ne joue pas le rôle qu'on avait prévu qu'il pourrait jouer à la libération. Donc ça diminue à peu près de moitié, 5 à 6 000. Et puis, assez bizarrement, à partir de la fin des années 60, 67-68, le nombre augmente. Je n'ai plus les chiffres précisément en tête, mais on doit atteindre à peu près... Il faudrait que je vérifie, mais ça doit être de l'ordre de 20 000 à peu près à la fin des années 70. Donc, on multiplie par 3 en plus d'une dizaine d'années le nombre de comités d'entreprise. On se demande comment ça se fait. Alors, il y a des raisons. Il y a une loi en 67 qui instaure le PV de carence. Il y a notamment le troisième collège pour les cadres. Donc, ça peut jouer. Le mouvement de mai 68, on peut aussi imaginer le mouvement social qui les jouait un rôle. dans le nombre de comités entre prescrits, mais ce que j'ai montré, j'espère... convaincant là-dessus, c'est que en fait, c'est des textes qui n'avaient pas le comité d'entreprise comme objet qui sont venus pour raison d'augmenter le comité d'entreprise. C'est une ordonnance de 67 sur l'intéressement et la participation et la loi de 71 sur la formation professionnelle parce que dans les deux cas, les petites boîtes, les petites entreprises qui n'avaient pas de comité d'entreprise ont intérêt d'un point de vue fiscal. Ils ont intérêt à créer des comités d'entreprise.

  • Speaker #0

    C'est ce que vous m'aviez raconté à propos de l'entreprise de votre père, je crois, c'est ça

  • Speaker #1

    Absolument. Mon père, c'était le cas, un petit chantier naval ici dans le Morbihan, où ils avaient dépassé à un moment les 50 salariés parce que l'entreprise tournait plutôt pas mal. Et donc, j'imagine que ça s'est passé comme ça, mais que l'expert comptable de la boîte a dit aux patrons, c'était deux patrons, qu'ils s'êtreraient mieux. qui mettent les comités d'entreprise en place parce que je ne peux pas après raconter les détails, c'est assez technique, c'est assez compliqué. Mais ce que je veux rajouter, c'est qu'en réalité, ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu une augmentation, surtout dans les PME, dans les petites entreprises de plus de 50, il y a eu des comités d'entreprise qui ont été créés, mais beaucoup d'entre eux n'ont pas eu beaucoup d'activité à part l'Arbre de Noël à la fin de l'année. Et pour corroborer ce que je viens de dire, J'ai trouvé une enquête en 1974 dans les archives du ministère du Travail, une grosse enquête sur plus de 3000 comités d'entreprise, où il est indiqué à la fin, à la conclusion, que plus de la moitié des comités d'entreprise qui ont été investigués n'avaient qu'une existence formelle.

  • Speaker #0

    En effet, ça rejoint un certain bilan de la négociation collective qui établit chaque année le... la Direction Générale du Travail, on voit que systématiquement, quand il y a une obligation légale, il y a davantage de négociations collectives ou de discussions. C'est un peu la civicité française. Mais j'avais envie de vous ramener à ce que vous écrivez dans un de vos ouvrages. Vous dites que le CE, dans les années 70, devient vraiment le pivot de la vie sociale dans l'entreprise. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus

  • Speaker #1

    Oui, sur deux aspects. Le premier, c'est que le comité d'entreprise fait partie d'un ensemble. d'institutions représentatives du personnel. Donc il y a les délégués du personnel, les comités d'entreprise, mais aussi à partir de 68, c'est autorisé légalement, et vous le savez très bien parce que vous avez fait des papiers là-dessus, il y a quelques temps à l'occasion de l'anniversaire de 68, des très très bons papiers d'ailleurs, au passage. Il y a donc un ensemble. CE, DP, et puis section syndicale d'entreprise et délégués syndicaux. Et donc, la place de chacune de ces dispositifs, il y a des interactions entre les trois, d'autant que souvent, ce sont les mêmes personnes qui occupent les trois fonctions, ou deux, ou trois fonctions. Et dans ce cadre-là, il y a eu des enquêtes là-dessus, précisément sur ce question. À Aix-en-Provence, il y avait un... un labo qui s'intéressait à ça dans les années 70. Et ils ont montré que le comité d'entreprise était l'institution qui prenait le plus d'importance. Parce que les délégués du personnel créés en 1936 fatiguaient un peu, je veux dire. Et voilà. Et donc, par ailleurs, ça, c'est le premier élément de réponse. Le deuxième élément de réponse, c'est qu'au fil du temps, les comités d'entreprise et les délégués du personnel aussi, mais de moindre manière, ont pris des attributions en matière de négociations collectives. C'est-à-dire que dans les entreprises où il n'y a pas de syndicats, ce sont souvent les comités d'entreprise qui négocient. Donc c'est la raison pour laquelle, enfin l'une des raisons pour laquelle je dis ça, que le comité d'entreprise est devenu une sorte de pivot, oui absolument, des relations professionnelles dans les entreprises en France, oui, absolument.

  • Speaker #0

    Oui, et puis il y a eu toute la dimension emploi, restructuration dans les années 70 aussi, où le CE est consulté, informé là-dessus. Mais bon, on ne peut pas rentrer dans le détail de l'histoire, mais si on fait un petit bond en avant et on se projette dans les lois Auroux de 1982 qui ont apporté beaucoup de changements positifs pour les institutions représentatives du personnel, avec le recul de l'historien, Est-ce que vous diriez que c'était une révolution, c'était un changement ou que finalement la nature des IRP n'a pas changé

  • Speaker #1

    Effectivement, un certain nombre d'avancées. notamment on a mis dans la loi la jurisprudence antérieure sur la protection des représentants du personnel, c'était quelque chose de très important, il y a eu le budget propre du comité d'entreprise, il y a eu toute une série d'avancées, mais bon par exemple les comités de groupe qui sont nés à cette époque-là qui ont été plutôt une bonne chose, il y a eu les délégués de sites qui n'ont pas marché, comme le droit d'expression direct d'ailleurs. qui a disparu assez rapidement. Il y a eu des améliorations sur l'information. On a fait en sorte que ce soit plus lisible. Mais pour le reste, les lois au roux, et cette loi-là en particulier, n'ont pas véritablement modifié. Les principes sont restés les mêmes. Il suffit de lire le rapport Coffineau. Alors Coffineau, c'était un député socialiste qui était déjà député en 82, et qui, dix ans plus tard, a fait... Il suffit de lire ce bilan qu'on doit trouver sur internet pour voir que ça n'a pas à modifier de manière fondamentale l'institution des comités de l'entreprise.

  • Speaker #0

    Certaines organisations patronales au moment des ordonnances de 2017 ont dit au syndicat, vous avez eu les lois au roux en 82, nous on a les ordonnances Macron en 2017 avec la création du CSE. Sans rentrer dans les évolutions de 2017 à nos jours... Comment, en tant qu'historien, puisque vous avez analysé beaucoup d'évolutions, comment vous projetez, vous, l'évolution des instances représentatives du personnel Est-ce qu'on va vers une nouvelle simplification, vers un améliorissement syndical, au contraire, vers la restauration du CHSCT Est-ce que vous avez un scénario à nous faire part

  • Speaker #1

    Ça m'étonnerait qu'on revienne sur la simplification qui a été opérée en 2017, parce qu'en fait, c'était… le fruit d'un processus déjà ancien. Dans les années 70, les enquêtes montraient qu'il y avait une certaine confusion entre les comités d'entreprise et les délégués du personnel. Souvent, les réunions étaient faites ensemble. Et puis, il y a eu la loi Giraud. Dans 2017, c'est le fruit d'un processus qui me semblait assez inéluctable. Et donc, ça m'étonnerait qu'on revienne là-dessus. Après, alors effectivement, les CHSCT... Il y a quand même pas mal de gens qui défendent l'autonomie des CHSCT par rapport au comité d'entreprise, comme ça pouvait l'être avant 2017. Ça, la question est ouverte, mais elle est, je pense, très politique, elle aussi. C'est-à-dire qu'avec une majorité comme celle qui existe aujourd'hui, on en restera là, je pense. avec une autre majorité, peut-être que les comités, les CHSCT reprendront un peu d'autonomie, j'en sais rien, en tout cas ça m'étonnerait que les délégués du personnel réapparaissent, alors il y a les représentants de proximité, je n'ai pas l'impression que ça marche tellement, mais en tout cas ça peut exister, après c'est aux organisations syndicales et aux élus de faire fonctionner.

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'il y a assez peu de représentants de proximité qui sont créés puisqu'il faut un accord entre le syndicat ou l'employeur. Et donc, on voit que c'est assez faiblement le cas. Merci Jean-Pierre Le Crom d'avoir bien voulu nous éclairer sur l'histoire du comité d'entreprise qui a précédé l'actuel comité social et économique.

  • Speaker #1

    Merci pour l'invitation.

  • Speaker #0

    Merci de votre fidélité et à très bientôt pour un nouvel épisode sur le micro-social, le podcast de Lefebvre Dalloz sur le travail et l'aura du travail.

Chapters

  • Présentation du sujet et de Jean-Pierre Le Crom

    00:21

  • Le comité d'entreprise créé en 1945 hérite-t-il du comité social de Vichy et du programme national de la Résistance ?

    00:54

  • Les comités sociaux du régime de Vichy et leur rôle

    01:09

  • Le programme national de la Résistance prévoyait une participation des travailleurs au sein des entreprises

    01:39

  • Vichy avait interdit les confédérations syndicales

    02:13

  • Certains principes fixés par l'ordonnance de 1945 restent toujours en vigueur aujourd'hui

    02:48

  • La double fonction du CE à la Libération : oeuvres sociales et rôle économique

    03:45

  • Comment les syndicats voient-ils le rôle du CE après guerre ?

    04:32

  • Le CE est vu au début comme "un appendice au syndicat"

    04:48

  • Mais dans l'ordonnance de 1945, le CE est présenté comme un organe "de coopération" avec le chef d'entreprise, qui préside le comité

    05:39

  • Les non syndiqués vont prendre de plus en plus de place

    06:21

  • Quels apports de la loi de 1946 par rapport à l'ordonnance de 1945 ?

    06:43

  • L'ordonnance de 1945 et la loi de 1946 entraînent-elles la création de nombreux comités d'entreprise en France ?

    08:02

  • Environ 10 500 CE en 1950 mais ça diminue ensuite de moitié !

    08:36

  • A partir de 1967, le nombre de CE augmente à nouveau

    09:15

  • Les raisons ? Une loi en 1967 instaure le PV de carence...

    09:34

  • L'ordonnance de 1967 sur la participation et la loi de 1971 sur la formation concourent à l'essor des CE

    10:02

  • Création d'un CE : le cas de l'entreprise du père de l'historien

    10:36

  • Une grosse enquête du ministère du travail de 1974 montre que plus de la moitié des CE n'ont qu'une existence formelle

    11:27

  • Pourquoi selon vous le CE devient-il "le pivot de la vie sociale" dans l'entreprise dans les années 70 ?

    12:10

  • "Les délégués du personnel créés en 1936 fatiguaient un peu"

    13:35

  • Au fil du temps, le CE a pris des attributions en matière de négociation collective

    13:58

  • Avec le recul de l'historien, que diriez-vous des changements apportés par les lois Auroux en 1982 ?

    14:44

  • Les avancées sur la protection des élus du personnel, le budget du CE, les comités de groupe...

    15:08

  • Mais Les lois Auroux n'ont pas modifié les principes fondamentaux du CE du CE

    15:42

  • Quel avenir pour les IRP ? Menace d'une nouvelle simplification ou au contraire rétablissement du CHSCT ?

    16:36

  • La simplification de 2017 est l'aboutissement d'un processus ancien

    16:59

  • Retour à un CHSCT autonome ? Tout dépend de la majorité politique !

    17:34

  • Les représentants de proximité

    18:11

  • Remerciements à Jean-Pierre Le Crom

    18:34

Description

🗓️ Nous commémorons en 2025 le 80e anniversaire de l'ordonnance du 22 février 1945 ayant créé le comité d'entreprise (CE). C'est l'occasion d'explorer un bout de l'histoire sociale de notre pays en retraçant les origines et l'évolution de cette instance représentative du personnel, fondue en 2017, avec le CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) et les délégués du personnel, au sein du CSE, le comité social et économique,.

🎙️ Et pour défricher ce passé et le comparer au présent, quoi de mieux que d'écouter un historien du droit social, Jean-Pierre Le Crom, auteur d'un ouvrage de référence sur le sujet ("L'introuvable démocratie salariale") ? C'est ce que nous vous proposons dans ce 37e épisode du Micro Social, le podcast de Lefebvre Dalloz sur le travail et le droit du travail.

📜Pourquoi s'intéresser à l'histoire, objecterez-vous ? A cette question, la romancière Marguerite Yourcenar avait apporté cette réponse magistrale qui vaut aussi, pensons-nous, pour les sujets sociaux et politiques :

« Le coup d'œil sur l'Histoire, le recul vers une période passée ou, comme aurait dit Racine, vers un pays éloigné, vous donne des perspectives sur votre époque et vous permet d'y penser davantage, d'y voir davantage les problèmes qui sont les mêmes ou les problèmes qui différent ou les solutions à y apporter » .

🎧 Alors, si vous voulez en savoir plus, par exemple, sur l'ordonnance de 1945 et la loi de 1946, sur les principes du CE alors fixés qui demeurent, sur le développement en dents de scie du CSE après guerre...à vos écouteurs !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous écoutez le Micro-Social, un podcast sur le travail et le droit du travail. Je suis Bernard Domergue, journaliste, rédacteur en chef d'ActuEL-CSE chez Lefebvre Dalloz. Alors, si vous avez déjà écouté l'un de nos épisodes, vous savez qu'on aime bien ici les institutions représentatives du personnel et qu'on aime bien aussi l'histoire. Et aujourd'hui, bingo si j'ose dire, on a le gros lot. Avec vous, Jean-Pierre Le Crom, bonjour.

  • Speaker #1

    Oui, bonjour, Bernard Domergue.

  • Speaker #0

    Alors, vous êtes historien et, cerise sur le gâteau, historien du droit social. Vous avez publié un ouvrage de référence sur l'histoire de la représentation collective en France. Et c'est donc l'occasion de vous entendre sur le comité d'entreprise dont nous commémorons les 80 ans en 2025. Alors c'est vrai que le CE a été créé dans des circonstances particulières après la seconde guerre mondiale à la libération en France. Est-ce qu'on peut dire du coup qu'il hérite à la fois du régime de Vichy et du programme national de la résistance Alors la question est un peu délicate.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est que... La charte du travail sous le régime de Vichy en 1941 avait prévu la création de comités sociaux d'entreprise dans les établissements de plus de 100 salariés. Ça a été plutôt une réussite parce qu'il y en a eu à peu près 9000 qui ont été créés pendant l'occupation, principalement pour des raisons concrètes, matérielles. Le ravitaillement était l'une de leurs principales fonctions et donc ça va être conservé à la libération puisque les comités d'entreprise auront une double fonction. économique d'un côté et sociale, donc avec les œuvres sociales de l'autre. Par ailleurs, dans la résistance, il était question de faire mieux participer les travailleurs à la gestion des entreprises, et le comité d'entreprise sera l'un des moyens qui seront pris pour obtenir cette ambition. Donc il y a un petit peu de vichy, on va dire, mais... C'est plutôt la guerre, plutôt que le régime de Vichy, qui a favorisé la reprise des œuvres sociales dans les comités d'entreprise à la libération.

  • Speaker #0

    Oui, et puis le régime de Vichy avait interdit les organisations syndicales comme la CGT ou la CFTC d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Non, pas toutes les organisations syndicales. Avaient été interdites les confédérations, mais les fédérations n'étaient pas interdites, les UD n'étaient pas interdites, les syndicats n'étaient pas interdits. Simplement, il était prévu de les changer, de faire des syndicats uniques et obligatoires. Ça, c'était la charte du travail. Sauf que le Vichy n'arrivera pas à mener à bien cette idée, ce projet.

  • Speaker #0

    Quand on relit l'ordonnance du 22 février 1945, on est frappé par le fait que certains principes qui sont alors fixés continuent de toujours valoir aujourd'hui, même pour le comité social et économique. Je pense, vous l'avez dit. à la gestion des œuvres sociales qui est le monopole du comité, à la notion de marche générale de l'entreprise qui est évoquée des 45, si je ne fais pas erreur, ou encore par l'établissement du procès verbal par le secrétaire du comité. C'est quand même étonnant, non

  • Speaker #1

    C'est étonnant, oui et non. C'est-à-dire qu'évidemment, il y a eu beaucoup de changements dans la réglementation des CE, depuis des... CSE, par exemple, en matière de négociations collectives, la fusion des délégués du personnel et des comités d'entreprise, ce sont quand même des changements importants. Mais c'est vrai, vous avez raison, les principes fondateurs du comité d'entreprise sont restés les mêmes. Il y en a deux principalement, pour moi. Il y a le fait que les comités d'entreprise, puis les CSE, ont une double fonction. Gestion, alors on disait des œuvres sociales, à la libération, on parlait des œuvres sociales, maintenant on parle des activités sociales et culturelles. Donc à côté du rôle économique du comité d'entreprise, ça c'est une première particularité, un premier principe qui a perduré tout au long de l'histoire des comités d'entreprise. Et le deuxième, c'est le rôle à peu près purement consultatif des comités d'entreprise qui n'ont aucun, enfin aucun, ce n'est pas tout à fait exact, mais qui n'ont à peu près… aucun pouvoir de décision sur la marge de l'entreprise.

  • Speaker #0

    Oui, alors justement par rapport à ça, comment les syndicats de l'époque voient le rôle du CE, qui est quelque chose de nouveau quand même

  • Speaker #1

    Il y a plusieurs aspects. Les syndicats, et particulièrement la CGT, qui est très forte au moment de la création des comités d'entreprise en 1945-1946 et un peu après, ils considèrent au début les comités d'entreprise comme une sorte d'appendice du syndicat. C'est-à-dire que, par exemple... les élections aux deux premiers tours, parce qu'à l'époque, il y en avait trois, aux deux premiers tours des élections. C'est seulement des listes syndicales qui peuvent se présenter. Il y a des syndicalistes qui peuvent participer aux réunions du comité d'entreprise alors même qu'ils n'ont pas été élus, qui représentent leur syndicat. Le syndicat peut démettre ses élus du CE dans certaines conditions. Donc il y a la CGT en particulier, je pourrais dire les syndicats en général, qui cherchent à montrer que les comités d'entreprise doivent appliquer la politique du syndicat. Sauf que... En réalité, dans le comité d'entreprise, et c'est indiqué dans l'exposé des motifs de l'ordonnance de 45, c'est un instrument de coopération avec le chef d'entreprise. Le chef d'entreprise lui-même est le président du comité d'entreprise. Il ne faut pas l'oublier. Il y a des relations complexes entre les syndicats. et les comités d'entreprise, d'autant plus que le syndicalisme va évoluer évidemment depuis l'après-guerre, puisqu'il va y avoir une diversification des confédérations et donc des syndicats dans les entreprises. Et puis par ailleurs, les non-syndiqués vont prendre de plus en plus de place. Donc on ne peut plus tout à fait parler, comme on le faisait en 1945, d'une sorte de soumission. du comité d'entreprise au syndicat.

  • Speaker #0

    C'est la loi de 1946 qui abaisse le seuil de création du CE de 100 à 50 salariés. Mais est-ce que c'est... Alors ça, c'est une obligation légale. Alors on sait qu'en France, il y a les obligations légales et puis la réalité, la pratique. Est-ce que le nombre de comités d'entreprise en France décolle vraiment après-guerre Il y a deux aspects.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'effectivement, il y a un débat, notamment, moi, j'ai eu un petit débat avec la CGT. et notamment leur meilleur spécialiste qui est décédé maintenant, Maurice Cohen, sur savoir si c'était l'ordonnance de 45 ou la loi de 1946 qui était à l'origine des CE. Moi, je dirais que c'est un peu les deux parce qu'il y a eu effectivement des modifications entre 45 et 46. Notamment, vous l'avez dit, le seuil a été porté de 100 à 50, donc il a été abaissé. Il y a un rôle plus important pour l'expert comptable du comité d'entreprise en 46 plutôt qu'en 45. Par ailleurs, une modification assez substantielle qui indique que le comité de l'entreprise en matière économique doit être consulté et non plus seulement informé. Donc il y a bien des changements entre 45 et 46, mais les principes dont on a parlé tout à l'heure, la double fonction sociale et économique, le côté consultatif du comité d'entreprise, ça reste. Donc on peut se mettre d'accord pour dire que c'est en fait les deux, l'ordonnance de 45. et la loi 46 qui sont à l'origine des comités d'entreprise. Après, c'était quoi votre deuxième question Alors la question c'était,

  • Speaker #0

    est-ce que ces lois entraînent un développement rapide du nombre de comités d'entreprise en France

  • Speaker #1

    Ah oui, oui c'est ça. Alors au début, ça marche très bien. Il y a un militant CGT qui travaillait chez Schneider, qui a écrit un bouquin dans la collection de témoins chez Gallimard, qui est vraiment très bien. Maurice Combes, c'était un prêtre ouvrier. Lui, il parle... d'euphorie quand ils parlent de la période de la libération. Et effectivement, on est à la période de la reconstruction. Et donc, ça marche bien. Et le nombre de comités d'entreprise augmente pour atteindre un peu plus de 10 000, 10 500 à peu près, à la fin des années 40, au début des années 50. Et ensuite, ça diminue à peu près de moitié jusqu'à la fin des années 60. Toutes les enquêtes, et Dieu sait s'il y a des enquêtes, la revue Droits sociaux, beaucoup de... beaucoup d'enquêtes, toutes parlent d'une crise, notamment sur le plan économique où le comité entreprise ne joue pas le rôle qu'on avait prévu qu'il pourrait jouer à la libération. Donc ça diminue à peu près de moitié, 5 à 6 000. Et puis, assez bizarrement, à partir de la fin des années 60, 67-68, le nombre augmente. Je n'ai plus les chiffres précisément en tête, mais on doit atteindre à peu près... Il faudrait que je vérifie, mais ça doit être de l'ordre de 20 000 à peu près à la fin des années 70. Donc, on multiplie par 3 en plus d'une dizaine d'années le nombre de comités d'entreprise. On se demande comment ça se fait. Alors, il y a des raisons. Il y a une loi en 67 qui instaure le PV de carence. Il y a notamment le troisième collège pour les cadres. Donc, ça peut jouer. Le mouvement de mai 68, on peut aussi imaginer le mouvement social qui les jouait un rôle. dans le nombre de comités entre prescrits, mais ce que j'ai montré, j'espère... convaincant là-dessus, c'est que en fait, c'est des textes qui n'avaient pas le comité d'entreprise comme objet qui sont venus pour raison d'augmenter le comité d'entreprise. C'est une ordonnance de 67 sur l'intéressement et la participation et la loi de 71 sur la formation professionnelle parce que dans les deux cas, les petites boîtes, les petites entreprises qui n'avaient pas de comité d'entreprise ont intérêt d'un point de vue fiscal. Ils ont intérêt à créer des comités d'entreprise.

  • Speaker #0

    C'est ce que vous m'aviez raconté à propos de l'entreprise de votre père, je crois, c'est ça

  • Speaker #1

    Absolument. Mon père, c'était le cas, un petit chantier naval ici dans le Morbihan, où ils avaient dépassé à un moment les 50 salariés parce que l'entreprise tournait plutôt pas mal. Et donc, j'imagine que ça s'est passé comme ça, mais que l'expert comptable de la boîte a dit aux patrons, c'était deux patrons, qu'ils s'êtreraient mieux. qui mettent les comités d'entreprise en place parce que je ne peux pas après raconter les détails, c'est assez technique, c'est assez compliqué. Mais ce que je veux rajouter, c'est qu'en réalité, ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu une augmentation, surtout dans les PME, dans les petites entreprises de plus de 50, il y a eu des comités d'entreprise qui ont été créés, mais beaucoup d'entre eux n'ont pas eu beaucoup d'activité à part l'Arbre de Noël à la fin de l'année. Et pour corroborer ce que je viens de dire, J'ai trouvé une enquête en 1974 dans les archives du ministère du Travail, une grosse enquête sur plus de 3000 comités d'entreprise, où il est indiqué à la fin, à la conclusion, que plus de la moitié des comités d'entreprise qui ont été investigués n'avaient qu'une existence formelle.

  • Speaker #0

    En effet, ça rejoint un certain bilan de la négociation collective qui établit chaque année le... la Direction Générale du Travail, on voit que systématiquement, quand il y a une obligation légale, il y a davantage de négociations collectives ou de discussions. C'est un peu la civicité française. Mais j'avais envie de vous ramener à ce que vous écrivez dans un de vos ouvrages. Vous dites que le CE, dans les années 70, devient vraiment le pivot de la vie sociale dans l'entreprise. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus

  • Speaker #1

    Oui, sur deux aspects. Le premier, c'est que le comité d'entreprise fait partie d'un ensemble. d'institutions représentatives du personnel. Donc il y a les délégués du personnel, les comités d'entreprise, mais aussi à partir de 68, c'est autorisé légalement, et vous le savez très bien parce que vous avez fait des papiers là-dessus, il y a quelques temps à l'occasion de l'anniversaire de 68, des très très bons papiers d'ailleurs, au passage. Il y a donc un ensemble. CE, DP, et puis section syndicale d'entreprise et délégués syndicaux. Et donc, la place de chacune de ces dispositifs, il y a des interactions entre les trois, d'autant que souvent, ce sont les mêmes personnes qui occupent les trois fonctions, ou deux, ou trois fonctions. Et dans ce cadre-là, il y a eu des enquêtes là-dessus, précisément sur ce question. À Aix-en-Provence, il y avait un... un labo qui s'intéressait à ça dans les années 70. Et ils ont montré que le comité d'entreprise était l'institution qui prenait le plus d'importance. Parce que les délégués du personnel créés en 1936 fatiguaient un peu, je veux dire. Et voilà. Et donc, par ailleurs, ça, c'est le premier élément de réponse. Le deuxième élément de réponse, c'est qu'au fil du temps, les comités d'entreprise et les délégués du personnel aussi, mais de moindre manière, ont pris des attributions en matière de négociations collectives. C'est-à-dire que dans les entreprises où il n'y a pas de syndicats, ce sont souvent les comités d'entreprise qui négocient. Donc c'est la raison pour laquelle, enfin l'une des raisons pour laquelle je dis ça, que le comité d'entreprise est devenu une sorte de pivot, oui absolument, des relations professionnelles dans les entreprises en France, oui, absolument.

  • Speaker #0

    Oui, et puis il y a eu toute la dimension emploi, restructuration dans les années 70 aussi, où le CE est consulté, informé là-dessus. Mais bon, on ne peut pas rentrer dans le détail de l'histoire, mais si on fait un petit bond en avant et on se projette dans les lois Auroux de 1982 qui ont apporté beaucoup de changements positifs pour les institutions représentatives du personnel, avec le recul de l'historien, Est-ce que vous diriez que c'était une révolution, c'était un changement ou que finalement la nature des IRP n'a pas changé

  • Speaker #1

    Effectivement, un certain nombre d'avancées. notamment on a mis dans la loi la jurisprudence antérieure sur la protection des représentants du personnel, c'était quelque chose de très important, il y a eu le budget propre du comité d'entreprise, il y a eu toute une série d'avancées, mais bon par exemple les comités de groupe qui sont nés à cette époque-là qui ont été plutôt une bonne chose, il y a eu les délégués de sites qui n'ont pas marché, comme le droit d'expression direct d'ailleurs. qui a disparu assez rapidement. Il y a eu des améliorations sur l'information. On a fait en sorte que ce soit plus lisible. Mais pour le reste, les lois au roux, et cette loi-là en particulier, n'ont pas véritablement modifié. Les principes sont restés les mêmes. Il suffit de lire le rapport Coffineau. Alors Coffineau, c'était un député socialiste qui était déjà député en 82, et qui, dix ans plus tard, a fait... Il suffit de lire ce bilan qu'on doit trouver sur internet pour voir que ça n'a pas à modifier de manière fondamentale l'institution des comités de l'entreprise.

  • Speaker #0

    Certaines organisations patronales au moment des ordonnances de 2017 ont dit au syndicat, vous avez eu les lois au roux en 82, nous on a les ordonnances Macron en 2017 avec la création du CSE. Sans rentrer dans les évolutions de 2017 à nos jours... Comment, en tant qu'historien, puisque vous avez analysé beaucoup d'évolutions, comment vous projetez, vous, l'évolution des instances représentatives du personnel Est-ce qu'on va vers une nouvelle simplification, vers un améliorissement syndical, au contraire, vers la restauration du CHSCT Est-ce que vous avez un scénario à nous faire part

  • Speaker #1

    Ça m'étonnerait qu'on revienne sur la simplification qui a été opérée en 2017, parce qu'en fait, c'était… le fruit d'un processus déjà ancien. Dans les années 70, les enquêtes montraient qu'il y avait une certaine confusion entre les comités d'entreprise et les délégués du personnel. Souvent, les réunions étaient faites ensemble. Et puis, il y a eu la loi Giraud. Dans 2017, c'est le fruit d'un processus qui me semblait assez inéluctable. Et donc, ça m'étonnerait qu'on revienne là-dessus. Après, alors effectivement, les CHSCT... Il y a quand même pas mal de gens qui défendent l'autonomie des CHSCT par rapport au comité d'entreprise, comme ça pouvait l'être avant 2017. Ça, la question est ouverte, mais elle est, je pense, très politique, elle aussi. C'est-à-dire qu'avec une majorité comme celle qui existe aujourd'hui, on en restera là, je pense. avec une autre majorité, peut-être que les comités, les CHSCT reprendront un peu d'autonomie, j'en sais rien, en tout cas ça m'étonnerait que les délégués du personnel réapparaissent, alors il y a les représentants de proximité, je n'ai pas l'impression que ça marche tellement, mais en tout cas ça peut exister, après c'est aux organisations syndicales et aux élus de faire fonctionner.

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'il y a assez peu de représentants de proximité qui sont créés puisqu'il faut un accord entre le syndicat ou l'employeur. Et donc, on voit que c'est assez faiblement le cas. Merci Jean-Pierre Le Crom d'avoir bien voulu nous éclairer sur l'histoire du comité d'entreprise qui a précédé l'actuel comité social et économique.

  • Speaker #1

    Merci pour l'invitation.

  • Speaker #0

    Merci de votre fidélité et à très bientôt pour un nouvel épisode sur le micro-social, le podcast de Lefebvre Dalloz sur le travail et l'aura du travail.

Chapters

  • Présentation du sujet et de Jean-Pierre Le Crom

    00:21

  • Le comité d'entreprise créé en 1945 hérite-t-il du comité social de Vichy et du programme national de la Résistance ?

    00:54

  • Les comités sociaux du régime de Vichy et leur rôle

    01:09

  • Le programme national de la Résistance prévoyait une participation des travailleurs au sein des entreprises

    01:39

  • Vichy avait interdit les confédérations syndicales

    02:13

  • Certains principes fixés par l'ordonnance de 1945 restent toujours en vigueur aujourd'hui

    02:48

  • La double fonction du CE à la Libération : oeuvres sociales et rôle économique

    03:45

  • Comment les syndicats voient-ils le rôle du CE après guerre ?

    04:32

  • Le CE est vu au début comme "un appendice au syndicat"

    04:48

  • Mais dans l'ordonnance de 1945, le CE est présenté comme un organe "de coopération" avec le chef d'entreprise, qui préside le comité

    05:39

  • Les non syndiqués vont prendre de plus en plus de place

    06:21

  • Quels apports de la loi de 1946 par rapport à l'ordonnance de 1945 ?

    06:43

  • L'ordonnance de 1945 et la loi de 1946 entraînent-elles la création de nombreux comités d'entreprise en France ?

    08:02

  • Environ 10 500 CE en 1950 mais ça diminue ensuite de moitié !

    08:36

  • A partir de 1967, le nombre de CE augmente à nouveau

    09:15

  • Les raisons ? Une loi en 1967 instaure le PV de carence...

    09:34

  • L'ordonnance de 1967 sur la participation et la loi de 1971 sur la formation concourent à l'essor des CE

    10:02

  • Création d'un CE : le cas de l'entreprise du père de l'historien

    10:36

  • Une grosse enquête du ministère du travail de 1974 montre que plus de la moitié des CE n'ont qu'une existence formelle

    11:27

  • Pourquoi selon vous le CE devient-il "le pivot de la vie sociale" dans l'entreprise dans les années 70 ?

    12:10

  • "Les délégués du personnel créés en 1936 fatiguaient un peu"

    13:35

  • Au fil du temps, le CE a pris des attributions en matière de négociation collective

    13:58

  • Avec le recul de l'historien, que diriez-vous des changements apportés par les lois Auroux en 1982 ?

    14:44

  • Les avancées sur la protection des élus du personnel, le budget du CE, les comités de groupe...

    15:08

  • Mais Les lois Auroux n'ont pas modifié les principes fondamentaux du CE du CE

    15:42

  • Quel avenir pour les IRP ? Menace d'une nouvelle simplification ou au contraire rétablissement du CHSCT ?

    16:36

  • La simplification de 2017 est l'aboutissement d'un processus ancien

    16:59

  • Retour à un CHSCT autonome ? Tout dépend de la majorité politique !

    17:34

  • Les représentants de proximité

    18:11

  • Remerciements à Jean-Pierre Le Crom

    18:34

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Description

🗓️ Nous commémorons en 2025 le 80e anniversaire de l'ordonnance du 22 février 1945 ayant créé le comité d'entreprise (CE). C'est l'occasion d'explorer un bout de l'histoire sociale de notre pays en retraçant les origines et l'évolution de cette instance représentative du personnel, fondue en 2017, avec le CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) et les délégués du personnel, au sein du CSE, le comité social et économique,.

🎙️ Et pour défricher ce passé et le comparer au présent, quoi de mieux que d'écouter un historien du droit social, Jean-Pierre Le Crom, auteur d'un ouvrage de référence sur le sujet ("L'introuvable démocratie salariale") ? C'est ce que nous vous proposons dans ce 37e épisode du Micro Social, le podcast de Lefebvre Dalloz sur le travail et le droit du travail.

📜Pourquoi s'intéresser à l'histoire, objecterez-vous ? A cette question, la romancière Marguerite Yourcenar avait apporté cette réponse magistrale qui vaut aussi, pensons-nous, pour les sujets sociaux et politiques :

« Le coup d'œil sur l'Histoire, le recul vers une période passée ou, comme aurait dit Racine, vers un pays éloigné, vous donne des perspectives sur votre époque et vous permet d'y penser davantage, d'y voir davantage les problèmes qui sont les mêmes ou les problèmes qui différent ou les solutions à y apporter » .

🎧 Alors, si vous voulez en savoir plus, par exemple, sur l'ordonnance de 1945 et la loi de 1946, sur les principes du CE alors fixés qui demeurent, sur le développement en dents de scie du CSE après guerre...à vos écouteurs !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous écoutez le Micro-Social, un podcast sur le travail et le droit du travail. Je suis Bernard Domergue, journaliste, rédacteur en chef d'ActuEL-CSE chez Lefebvre Dalloz. Alors, si vous avez déjà écouté l'un de nos épisodes, vous savez qu'on aime bien ici les institutions représentatives du personnel et qu'on aime bien aussi l'histoire. Et aujourd'hui, bingo si j'ose dire, on a le gros lot. Avec vous, Jean-Pierre Le Crom, bonjour.

  • Speaker #1

    Oui, bonjour, Bernard Domergue.

  • Speaker #0

    Alors, vous êtes historien et, cerise sur le gâteau, historien du droit social. Vous avez publié un ouvrage de référence sur l'histoire de la représentation collective en France. Et c'est donc l'occasion de vous entendre sur le comité d'entreprise dont nous commémorons les 80 ans en 2025. Alors c'est vrai que le CE a été créé dans des circonstances particulières après la seconde guerre mondiale à la libération en France. Est-ce qu'on peut dire du coup qu'il hérite à la fois du régime de Vichy et du programme national de la résistance Alors la question est un peu délicate.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est que... La charte du travail sous le régime de Vichy en 1941 avait prévu la création de comités sociaux d'entreprise dans les établissements de plus de 100 salariés. Ça a été plutôt une réussite parce qu'il y en a eu à peu près 9000 qui ont été créés pendant l'occupation, principalement pour des raisons concrètes, matérielles. Le ravitaillement était l'une de leurs principales fonctions et donc ça va être conservé à la libération puisque les comités d'entreprise auront une double fonction. économique d'un côté et sociale, donc avec les œuvres sociales de l'autre. Par ailleurs, dans la résistance, il était question de faire mieux participer les travailleurs à la gestion des entreprises, et le comité d'entreprise sera l'un des moyens qui seront pris pour obtenir cette ambition. Donc il y a un petit peu de vichy, on va dire, mais... C'est plutôt la guerre, plutôt que le régime de Vichy, qui a favorisé la reprise des œuvres sociales dans les comités d'entreprise à la libération.

  • Speaker #0

    Oui, et puis le régime de Vichy avait interdit les organisations syndicales comme la CGT ou la CFTC d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Non, pas toutes les organisations syndicales. Avaient été interdites les confédérations, mais les fédérations n'étaient pas interdites, les UD n'étaient pas interdites, les syndicats n'étaient pas interdits. Simplement, il était prévu de les changer, de faire des syndicats uniques et obligatoires. Ça, c'était la charte du travail. Sauf que le Vichy n'arrivera pas à mener à bien cette idée, ce projet.

  • Speaker #0

    Quand on relit l'ordonnance du 22 février 1945, on est frappé par le fait que certains principes qui sont alors fixés continuent de toujours valoir aujourd'hui, même pour le comité social et économique. Je pense, vous l'avez dit. à la gestion des œuvres sociales qui est le monopole du comité, à la notion de marche générale de l'entreprise qui est évoquée des 45, si je ne fais pas erreur, ou encore par l'établissement du procès verbal par le secrétaire du comité. C'est quand même étonnant, non

  • Speaker #1

    C'est étonnant, oui et non. C'est-à-dire qu'évidemment, il y a eu beaucoup de changements dans la réglementation des CE, depuis des... CSE, par exemple, en matière de négociations collectives, la fusion des délégués du personnel et des comités d'entreprise, ce sont quand même des changements importants. Mais c'est vrai, vous avez raison, les principes fondateurs du comité d'entreprise sont restés les mêmes. Il y en a deux principalement, pour moi. Il y a le fait que les comités d'entreprise, puis les CSE, ont une double fonction. Gestion, alors on disait des œuvres sociales, à la libération, on parlait des œuvres sociales, maintenant on parle des activités sociales et culturelles. Donc à côté du rôle économique du comité d'entreprise, ça c'est une première particularité, un premier principe qui a perduré tout au long de l'histoire des comités d'entreprise. Et le deuxième, c'est le rôle à peu près purement consultatif des comités d'entreprise qui n'ont aucun, enfin aucun, ce n'est pas tout à fait exact, mais qui n'ont à peu près… aucun pouvoir de décision sur la marge de l'entreprise.

  • Speaker #0

    Oui, alors justement par rapport à ça, comment les syndicats de l'époque voient le rôle du CE, qui est quelque chose de nouveau quand même

  • Speaker #1

    Il y a plusieurs aspects. Les syndicats, et particulièrement la CGT, qui est très forte au moment de la création des comités d'entreprise en 1945-1946 et un peu après, ils considèrent au début les comités d'entreprise comme une sorte d'appendice du syndicat. C'est-à-dire que, par exemple... les élections aux deux premiers tours, parce qu'à l'époque, il y en avait trois, aux deux premiers tours des élections. C'est seulement des listes syndicales qui peuvent se présenter. Il y a des syndicalistes qui peuvent participer aux réunions du comité d'entreprise alors même qu'ils n'ont pas été élus, qui représentent leur syndicat. Le syndicat peut démettre ses élus du CE dans certaines conditions. Donc il y a la CGT en particulier, je pourrais dire les syndicats en général, qui cherchent à montrer que les comités d'entreprise doivent appliquer la politique du syndicat. Sauf que... En réalité, dans le comité d'entreprise, et c'est indiqué dans l'exposé des motifs de l'ordonnance de 45, c'est un instrument de coopération avec le chef d'entreprise. Le chef d'entreprise lui-même est le président du comité d'entreprise. Il ne faut pas l'oublier. Il y a des relations complexes entre les syndicats. et les comités d'entreprise, d'autant plus que le syndicalisme va évoluer évidemment depuis l'après-guerre, puisqu'il va y avoir une diversification des confédérations et donc des syndicats dans les entreprises. Et puis par ailleurs, les non-syndiqués vont prendre de plus en plus de place. Donc on ne peut plus tout à fait parler, comme on le faisait en 1945, d'une sorte de soumission. du comité d'entreprise au syndicat.

  • Speaker #0

    C'est la loi de 1946 qui abaisse le seuil de création du CE de 100 à 50 salariés. Mais est-ce que c'est... Alors ça, c'est une obligation légale. Alors on sait qu'en France, il y a les obligations légales et puis la réalité, la pratique. Est-ce que le nombre de comités d'entreprise en France décolle vraiment après-guerre Il y a deux aspects.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'effectivement, il y a un débat, notamment, moi, j'ai eu un petit débat avec la CGT. et notamment leur meilleur spécialiste qui est décédé maintenant, Maurice Cohen, sur savoir si c'était l'ordonnance de 45 ou la loi de 1946 qui était à l'origine des CE. Moi, je dirais que c'est un peu les deux parce qu'il y a eu effectivement des modifications entre 45 et 46. Notamment, vous l'avez dit, le seuil a été porté de 100 à 50, donc il a été abaissé. Il y a un rôle plus important pour l'expert comptable du comité d'entreprise en 46 plutôt qu'en 45. Par ailleurs, une modification assez substantielle qui indique que le comité de l'entreprise en matière économique doit être consulté et non plus seulement informé. Donc il y a bien des changements entre 45 et 46, mais les principes dont on a parlé tout à l'heure, la double fonction sociale et économique, le côté consultatif du comité d'entreprise, ça reste. Donc on peut se mettre d'accord pour dire que c'est en fait les deux, l'ordonnance de 45. et la loi 46 qui sont à l'origine des comités d'entreprise. Après, c'était quoi votre deuxième question Alors la question c'était,

  • Speaker #0

    est-ce que ces lois entraînent un développement rapide du nombre de comités d'entreprise en France

  • Speaker #1

    Ah oui, oui c'est ça. Alors au début, ça marche très bien. Il y a un militant CGT qui travaillait chez Schneider, qui a écrit un bouquin dans la collection de témoins chez Gallimard, qui est vraiment très bien. Maurice Combes, c'était un prêtre ouvrier. Lui, il parle... d'euphorie quand ils parlent de la période de la libération. Et effectivement, on est à la période de la reconstruction. Et donc, ça marche bien. Et le nombre de comités d'entreprise augmente pour atteindre un peu plus de 10 000, 10 500 à peu près, à la fin des années 40, au début des années 50. Et ensuite, ça diminue à peu près de moitié jusqu'à la fin des années 60. Toutes les enquêtes, et Dieu sait s'il y a des enquêtes, la revue Droits sociaux, beaucoup de... beaucoup d'enquêtes, toutes parlent d'une crise, notamment sur le plan économique où le comité entreprise ne joue pas le rôle qu'on avait prévu qu'il pourrait jouer à la libération. Donc ça diminue à peu près de moitié, 5 à 6 000. Et puis, assez bizarrement, à partir de la fin des années 60, 67-68, le nombre augmente. Je n'ai plus les chiffres précisément en tête, mais on doit atteindre à peu près... Il faudrait que je vérifie, mais ça doit être de l'ordre de 20 000 à peu près à la fin des années 70. Donc, on multiplie par 3 en plus d'une dizaine d'années le nombre de comités d'entreprise. On se demande comment ça se fait. Alors, il y a des raisons. Il y a une loi en 67 qui instaure le PV de carence. Il y a notamment le troisième collège pour les cadres. Donc, ça peut jouer. Le mouvement de mai 68, on peut aussi imaginer le mouvement social qui les jouait un rôle. dans le nombre de comités entre prescrits, mais ce que j'ai montré, j'espère... convaincant là-dessus, c'est que en fait, c'est des textes qui n'avaient pas le comité d'entreprise comme objet qui sont venus pour raison d'augmenter le comité d'entreprise. C'est une ordonnance de 67 sur l'intéressement et la participation et la loi de 71 sur la formation professionnelle parce que dans les deux cas, les petites boîtes, les petites entreprises qui n'avaient pas de comité d'entreprise ont intérêt d'un point de vue fiscal. Ils ont intérêt à créer des comités d'entreprise.

  • Speaker #0

    C'est ce que vous m'aviez raconté à propos de l'entreprise de votre père, je crois, c'est ça

  • Speaker #1

    Absolument. Mon père, c'était le cas, un petit chantier naval ici dans le Morbihan, où ils avaient dépassé à un moment les 50 salariés parce que l'entreprise tournait plutôt pas mal. Et donc, j'imagine que ça s'est passé comme ça, mais que l'expert comptable de la boîte a dit aux patrons, c'était deux patrons, qu'ils s'êtreraient mieux. qui mettent les comités d'entreprise en place parce que je ne peux pas après raconter les détails, c'est assez technique, c'est assez compliqué. Mais ce que je veux rajouter, c'est qu'en réalité, ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu une augmentation, surtout dans les PME, dans les petites entreprises de plus de 50, il y a eu des comités d'entreprise qui ont été créés, mais beaucoup d'entre eux n'ont pas eu beaucoup d'activité à part l'Arbre de Noël à la fin de l'année. Et pour corroborer ce que je viens de dire, J'ai trouvé une enquête en 1974 dans les archives du ministère du Travail, une grosse enquête sur plus de 3000 comités d'entreprise, où il est indiqué à la fin, à la conclusion, que plus de la moitié des comités d'entreprise qui ont été investigués n'avaient qu'une existence formelle.

  • Speaker #0

    En effet, ça rejoint un certain bilan de la négociation collective qui établit chaque année le... la Direction Générale du Travail, on voit que systématiquement, quand il y a une obligation légale, il y a davantage de négociations collectives ou de discussions. C'est un peu la civicité française. Mais j'avais envie de vous ramener à ce que vous écrivez dans un de vos ouvrages. Vous dites que le CE, dans les années 70, devient vraiment le pivot de la vie sociale dans l'entreprise. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus

  • Speaker #1

    Oui, sur deux aspects. Le premier, c'est que le comité d'entreprise fait partie d'un ensemble. d'institutions représentatives du personnel. Donc il y a les délégués du personnel, les comités d'entreprise, mais aussi à partir de 68, c'est autorisé légalement, et vous le savez très bien parce que vous avez fait des papiers là-dessus, il y a quelques temps à l'occasion de l'anniversaire de 68, des très très bons papiers d'ailleurs, au passage. Il y a donc un ensemble. CE, DP, et puis section syndicale d'entreprise et délégués syndicaux. Et donc, la place de chacune de ces dispositifs, il y a des interactions entre les trois, d'autant que souvent, ce sont les mêmes personnes qui occupent les trois fonctions, ou deux, ou trois fonctions. Et dans ce cadre-là, il y a eu des enquêtes là-dessus, précisément sur ce question. À Aix-en-Provence, il y avait un... un labo qui s'intéressait à ça dans les années 70. Et ils ont montré que le comité d'entreprise était l'institution qui prenait le plus d'importance. Parce que les délégués du personnel créés en 1936 fatiguaient un peu, je veux dire. Et voilà. Et donc, par ailleurs, ça, c'est le premier élément de réponse. Le deuxième élément de réponse, c'est qu'au fil du temps, les comités d'entreprise et les délégués du personnel aussi, mais de moindre manière, ont pris des attributions en matière de négociations collectives. C'est-à-dire que dans les entreprises où il n'y a pas de syndicats, ce sont souvent les comités d'entreprise qui négocient. Donc c'est la raison pour laquelle, enfin l'une des raisons pour laquelle je dis ça, que le comité d'entreprise est devenu une sorte de pivot, oui absolument, des relations professionnelles dans les entreprises en France, oui, absolument.

  • Speaker #0

    Oui, et puis il y a eu toute la dimension emploi, restructuration dans les années 70 aussi, où le CE est consulté, informé là-dessus. Mais bon, on ne peut pas rentrer dans le détail de l'histoire, mais si on fait un petit bond en avant et on se projette dans les lois Auroux de 1982 qui ont apporté beaucoup de changements positifs pour les institutions représentatives du personnel, avec le recul de l'historien, Est-ce que vous diriez que c'était une révolution, c'était un changement ou que finalement la nature des IRP n'a pas changé

  • Speaker #1

    Effectivement, un certain nombre d'avancées. notamment on a mis dans la loi la jurisprudence antérieure sur la protection des représentants du personnel, c'était quelque chose de très important, il y a eu le budget propre du comité d'entreprise, il y a eu toute une série d'avancées, mais bon par exemple les comités de groupe qui sont nés à cette époque-là qui ont été plutôt une bonne chose, il y a eu les délégués de sites qui n'ont pas marché, comme le droit d'expression direct d'ailleurs. qui a disparu assez rapidement. Il y a eu des améliorations sur l'information. On a fait en sorte que ce soit plus lisible. Mais pour le reste, les lois au roux, et cette loi-là en particulier, n'ont pas véritablement modifié. Les principes sont restés les mêmes. Il suffit de lire le rapport Coffineau. Alors Coffineau, c'était un député socialiste qui était déjà député en 82, et qui, dix ans plus tard, a fait... Il suffit de lire ce bilan qu'on doit trouver sur internet pour voir que ça n'a pas à modifier de manière fondamentale l'institution des comités de l'entreprise.

  • Speaker #0

    Certaines organisations patronales au moment des ordonnances de 2017 ont dit au syndicat, vous avez eu les lois au roux en 82, nous on a les ordonnances Macron en 2017 avec la création du CSE. Sans rentrer dans les évolutions de 2017 à nos jours... Comment, en tant qu'historien, puisque vous avez analysé beaucoup d'évolutions, comment vous projetez, vous, l'évolution des instances représentatives du personnel Est-ce qu'on va vers une nouvelle simplification, vers un améliorissement syndical, au contraire, vers la restauration du CHSCT Est-ce que vous avez un scénario à nous faire part

  • Speaker #1

    Ça m'étonnerait qu'on revienne sur la simplification qui a été opérée en 2017, parce qu'en fait, c'était… le fruit d'un processus déjà ancien. Dans les années 70, les enquêtes montraient qu'il y avait une certaine confusion entre les comités d'entreprise et les délégués du personnel. Souvent, les réunions étaient faites ensemble. Et puis, il y a eu la loi Giraud. Dans 2017, c'est le fruit d'un processus qui me semblait assez inéluctable. Et donc, ça m'étonnerait qu'on revienne là-dessus. Après, alors effectivement, les CHSCT... Il y a quand même pas mal de gens qui défendent l'autonomie des CHSCT par rapport au comité d'entreprise, comme ça pouvait l'être avant 2017. Ça, la question est ouverte, mais elle est, je pense, très politique, elle aussi. C'est-à-dire qu'avec une majorité comme celle qui existe aujourd'hui, on en restera là, je pense. avec une autre majorité, peut-être que les comités, les CHSCT reprendront un peu d'autonomie, j'en sais rien, en tout cas ça m'étonnerait que les délégués du personnel réapparaissent, alors il y a les représentants de proximité, je n'ai pas l'impression que ça marche tellement, mais en tout cas ça peut exister, après c'est aux organisations syndicales et aux élus de faire fonctionner.

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'il y a assez peu de représentants de proximité qui sont créés puisqu'il faut un accord entre le syndicat ou l'employeur. Et donc, on voit que c'est assez faiblement le cas. Merci Jean-Pierre Le Crom d'avoir bien voulu nous éclairer sur l'histoire du comité d'entreprise qui a précédé l'actuel comité social et économique.

  • Speaker #1

    Merci pour l'invitation.

  • Speaker #0

    Merci de votre fidélité et à très bientôt pour un nouvel épisode sur le micro-social, le podcast de Lefebvre Dalloz sur le travail et l'aura du travail.

Chapters

  • Présentation du sujet et de Jean-Pierre Le Crom

    00:21

  • Le comité d'entreprise créé en 1945 hérite-t-il du comité social de Vichy et du programme national de la Résistance ?

    00:54

  • Les comités sociaux du régime de Vichy et leur rôle

    01:09

  • Le programme national de la Résistance prévoyait une participation des travailleurs au sein des entreprises

    01:39

  • Vichy avait interdit les confédérations syndicales

    02:13

  • Certains principes fixés par l'ordonnance de 1945 restent toujours en vigueur aujourd'hui

    02:48

  • La double fonction du CE à la Libération : oeuvres sociales et rôle économique

    03:45

  • Comment les syndicats voient-ils le rôle du CE après guerre ?

    04:32

  • Le CE est vu au début comme "un appendice au syndicat"

    04:48

  • Mais dans l'ordonnance de 1945, le CE est présenté comme un organe "de coopération" avec le chef d'entreprise, qui préside le comité

    05:39

  • Les non syndiqués vont prendre de plus en plus de place

    06:21

  • Quels apports de la loi de 1946 par rapport à l'ordonnance de 1945 ?

    06:43

  • L'ordonnance de 1945 et la loi de 1946 entraînent-elles la création de nombreux comités d'entreprise en France ?

    08:02

  • Environ 10 500 CE en 1950 mais ça diminue ensuite de moitié !

    08:36

  • A partir de 1967, le nombre de CE augmente à nouveau

    09:15

  • Les raisons ? Une loi en 1967 instaure le PV de carence...

    09:34

  • L'ordonnance de 1967 sur la participation et la loi de 1971 sur la formation concourent à l'essor des CE

    10:02

  • Création d'un CE : le cas de l'entreprise du père de l'historien

    10:36

  • Une grosse enquête du ministère du travail de 1974 montre que plus de la moitié des CE n'ont qu'une existence formelle

    11:27

  • Pourquoi selon vous le CE devient-il "le pivot de la vie sociale" dans l'entreprise dans les années 70 ?

    12:10

  • "Les délégués du personnel créés en 1936 fatiguaient un peu"

    13:35

  • Au fil du temps, le CE a pris des attributions en matière de négociation collective

    13:58

  • Avec le recul de l'historien, que diriez-vous des changements apportés par les lois Auroux en 1982 ?

    14:44

  • Les avancées sur la protection des élus du personnel, le budget du CE, les comités de groupe...

    15:08

  • Mais Les lois Auroux n'ont pas modifié les principes fondamentaux du CE du CE

    15:42

  • Quel avenir pour les IRP ? Menace d'une nouvelle simplification ou au contraire rétablissement du CHSCT ?

    16:36

  • La simplification de 2017 est l'aboutissement d'un processus ancien

    16:59

  • Retour à un CHSCT autonome ? Tout dépend de la majorité politique !

    17:34

  • Les représentants de proximité

    18:11

  • Remerciements à Jean-Pierre Le Crom

    18:34

Description

🗓️ Nous commémorons en 2025 le 80e anniversaire de l'ordonnance du 22 février 1945 ayant créé le comité d'entreprise (CE). C'est l'occasion d'explorer un bout de l'histoire sociale de notre pays en retraçant les origines et l'évolution de cette instance représentative du personnel, fondue en 2017, avec le CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) et les délégués du personnel, au sein du CSE, le comité social et économique,.

🎙️ Et pour défricher ce passé et le comparer au présent, quoi de mieux que d'écouter un historien du droit social, Jean-Pierre Le Crom, auteur d'un ouvrage de référence sur le sujet ("L'introuvable démocratie salariale") ? C'est ce que nous vous proposons dans ce 37e épisode du Micro Social, le podcast de Lefebvre Dalloz sur le travail et le droit du travail.

📜Pourquoi s'intéresser à l'histoire, objecterez-vous ? A cette question, la romancière Marguerite Yourcenar avait apporté cette réponse magistrale qui vaut aussi, pensons-nous, pour les sujets sociaux et politiques :

« Le coup d'œil sur l'Histoire, le recul vers une période passée ou, comme aurait dit Racine, vers un pays éloigné, vous donne des perspectives sur votre époque et vous permet d'y penser davantage, d'y voir davantage les problèmes qui sont les mêmes ou les problèmes qui différent ou les solutions à y apporter » .

🎧 Alors, si vous voulez en savoir plus, par exemple, sur l'ordonnance de 1945 et la loi de 1946, sur les principes du CE alors fixés qui demeurent, sur le développement en dents de scie du CSE après guerre...à vos écouteurs !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous écoutez le Micro-Social, un podcast sur le travail et le droit du travail. Je suis Bernard Domergue, journaliste, rédacteur en chef d'ActuEL-CSE chez Lefebvre Dalloz. Alors, si vous avez déjà écouté l'un de nos épisodes, vous savez qu'on aime bien ici les institutions représentatives du personnel et qu'on aime bien aussi l'histoire. Et aujourd'hui, bingo si j'ose dire, on a le gros lot. Avec vous, Jean-Pierre Le Crom, bonjour.

  • Speaker #1

    Oui, bonjour, Bernard Domergue.

  • Speaker #0

    Alors, vous êtes historien et, cerise sur le gâteau, historien du droit social. Vous avez publié un ouvrage de référence sur l'histoire de la représentation collective en France. Et c'est donc l'occasion de vous entendre sur le comité d'entreprise dont nous commémorons les 80 ans en 2025. Alors c'est vrai que le CE a été créé dans des circonstances particulières après la seconde guerre mondiale à la libération en France. Est-ce qu'on peut dire du coup qu'il hérite à la fois du régime de Vichy et du programme national de la résistance Alors la question est un peu délicate.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est que... La charte du travail sous le régime de Vichy en 1941 avait prévu la création de comités sociaux d'entreprise dans les établissements de plus de 100 salariés. Ça a été plutôt une réussite parce qu'il y en a eu à peu près 9000 qui ont été créés pendant l'occupation, principalement pour des raisons concrètes, matérielles. Le ravitaillement était l'une de leurs principales fonctions et donc ça va être conservé à la libération puisque les comités d'entreprise auront une double fonction. économique d'un côté et sociale, donc avec les œuvres sociales de l'autre. Par ailleurs, dans la résistance, il était question de faire mieux participer les travailleurs à la gestion des entreprises, et le comité d'entreprise sera l'un des moyens qui seront pris pour obtenir cette ambition. Donc il y a un petit peu de vichy, on va dire, mais... C'est plutôt la guerre, plutôt que le régime de Vichy, qui a favorisé la reprise des œuvres sociales dans les comités d'entreprise à la libération.

  • Speaker #0

    Oui, et puis le régime de Vichy avait interdit les organisations syndicales comme la CGT ou la CFTC d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Non, pas toutes les organisations syndicales. Avaient été interdites les confédérations, mais les fédérations n'étaient pas interdites, les UD n'étaient pas interdites, les syndicats n'étaient pas interdits. Simplement, il était prévu de les changer, de faire des syndicats uniques et obligatoires. Ça, c'était la charte du travail. Sauf que le Vichy n'arrivera pas à mener à bien cette idée, ce projet.

  • Speaker #0

    Quand on relit l'ordonnance du 22 février 1945, on est frappé par le fait que certains principes qui sont alors fixés continuent de toujours valoir aujourd'hui, même pour le comité social et économique. Je pense, vous l'avez dit. à la gestion des œuvres sociales qui est le monopole du comité, à la notion de marche générale de l'entreprise qui est évoquée des 45, si je ne fais pas erreur, ou encore par l'établissement du procès verbal par le secrétaire du comité. C'est quand même étonnant, non

  • Speaker #1

    C'est étonnant, oui et non. C'est-à-dire qu'évidemment, il y a eu beaucoup de changements dans la réglementation des CE, depuis des... CSE, par exemple, en matière de négociations collectives, la fusion des délégués du personnel et des comités d'entreprise, ce sont quand même des changements importants. Mais c'est vrai, vous avez raison, les principes fondateurs du comité d'entreprise sont restés les mêmes. Il y en a deux principalement, pour moi. Il y a le fait que les comités d'entreprise, puis les CSE, ont une double fonction. Gestion, alors on disait des œuvres sociales, à la libération, on parlait des œuvres sociales, maintenant on parle des activités sociales et culturelles. Donc à côté du rôle économique du comité d'entreprise, ça c'est une première particularité, un premier principe qui a perduré tout au long de l'histoire des comités d'entreprise. Et le deuxième, c'est le rôle à peu près purement consultatif des comités d'entreprise qui n'ont aucun, enfin aucun, ce n'est pas tout à fait exact, mais qui n'ont à peu près… aucun pouvoir de décision sur la marge de l'entreprise.

  • Speaker #0

    Oui, alors justement par rapport à ça, comment les syndicats de l'époque voient le rôle du CE, qui est quelque chose de nouveau quand même

  • Speaker #1

    Il y a plusieurs aspects. Les syndicats, et particulièrement la CGT, qui est très forte au moment de la création des comités d'entreprise en 1945-1946 et un peu après, ils considèrent au début les comités d'entreprise comme une sorte d'appendice du syndicat. C'est-à-dire que, par exemple... les élections aux deux premiers tours, parce qu'à l'époque, il y en avait trois, aux deux premiers tours des élections. C'est seulement des listes syndicales qui peuvent se présenter. Il y a des syndicalistes qui peuvent participer aux réunions du comité d'entreprise alors même qu'ils n'ont pas été élus, qui représentent leur syndicat. Le syndicat peut démettre ses élus du CE dans certaines conditions. Donc il y a la CGT en particulier, je pourrais dire les syndicats en général, qui cherchent à montrer que les comités d'entreprise doivent appliquer la politique du syndicat. Sauf que... En réalité, dans le comité d'entreprise, et c'est indiqué dans l'exposé des motifs de l'ordonnance de 45, c'est un instrument de coopération avec le chef d'entreprise. Le chef d'entreprise lui-même est le président du comité d'entreprise. Il ne faut pas l'oublier. Il y a des relations complexes entre les syndicats. et les comités d'entreprise, d'autant plus que le syndicalisme va évoluer évidemment depuis l'après-guerre, puisqu'il va y avoir une diversification des confédérations et donc des syndicats dans les entreprises. Et puis par ailleurs, les non-syndiqués vont prendre de plus en plus de place. Donc on ne peut plus tout à fait parler, comme on le faisait en 1945, d'une sorte de soumission. du comité d'entreprise au syndicat.

  • Speaker #0

    C'est la loi de 1946 qui abaisse le seuil de création du CE de 100 à 50 salariés. Mais est-ce que c'est... Alors ça, c'est une obligation légale. Alors on sait qu'en France, il y a les obligations légales et puis la réalité, la pratique. Est-ce que le nombre de comités d'entreprise en France décolle vraiment après-guerre Il y a deux aspects.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'effectivement, il y a un débat, notamment, moi, j'ai eu un petit débat avec la CGT. et notamment leur meilleur spécialiste qui est décédé maintenant, Maurice Cohen, sur savoir si c'était l'ordonnance de 45 ou la loi de 1946 qui était à l'origine des CE. Moi, je dirais que c'est un peu les deux parce qu'il y a eu effectivement des modifications entre 45 et 46. Notamment, vous l'avez dit, le seuil a été porté de 100 à 50, donc il a été abaissé. Il y a un rôle plus important pour l'expert comptable du comité d'entreprise en 46 plutôt qu'en 45. Par ailleurs, une modification assez substantielle qui indique que le comité de l'entreprise en matière économique doit être consulté et non plus seulement informé. Donc il y a bien des changements entre 45 et 46, mais les principes dont on a parlé tout à l'heure, la double fonction sociale et économique, le côté consultatif du comité d'entreprise, ça reste. Donc on peut se mettre d'accord pour dire que c'est en fait les deux, l'ordonnance de 45. et la loi 46 qui sont à l'origine des comités d'entreprise. Après, c'était quoi votre deuxième question Alors la question c'était,

  • Speaker #0

    est-ce que ces lois entraînent un développement rapide du nombre de comités d'entreprise en France

  • Speaker #1

    Ah oui, oui c'est ça. Alors au début, ça marche très bien. Il y a un militant CGT qui travaillait chez Schneider, qui a écrit un bouquin dans la collection de témoins chez Gallimard, qui est vraiment très bien. Maurice Combes, c'était un prêtre ouvrier. Lui, il parle... d'euphorie quand ils parlent de la période de la libération. Et effectivement, on est à la période de la reconstruction. Et donc, ça marche bien. Et le nombre de comités d'entreprise augmente pour atteindre un peu plus de 10 000, 10 500 à peu près, à la fin des années 40, au début des années 50. Et ensuite, ça diminue à peu près de moitié jusqu'à la fin des années 60. Toutes les enquêtes, et Dieu sait s'il y a des enquêtes, la revue Droits sociaux, beaucoup de... beaucoup d'enquêtes, toutes parlent d'une crise, notamment sur le plan économique où le comité entreprise ne joue pas le rôle qu'on avait prévu qu'il pourrait jouer à la libération. Donc ça diminue à peu près de moitié, 5 à 6 000. Et puis, assez bizarrement, à partir de la fin des années 60, 67-68, le nombre augmente. Je n'ai plus les chiffres précisément en tête, mais on doit atteindre à peu près... Il faudrait que je vérifie, mais ça doit être de l'ordre de 20 000 à peu près à la fin des années 70. Donc, on multiplie par 3 en plus d'une dizaine d'années le nombre de comités d'entreprise. On se demande comment ça se fait. Alors, il y a des raisons. Il y a une loi en 67 qui instaure le PV de carence. Il y a notamment le troisième collège pour les cadres. Donc, ça peut jouer. Le mouvement de mai 68, on peut aussi imaginer le mouvement social qui les jouait un rôle. dans le nombre de comités entre prescrits, mais ce que j'ai montré, j'espère... convaincant là-dessus, c'est que en fait, c'est des textes qui n'avaient pas le comité d'entreprise comme objet qui sont venus pour raison d'augmenter le comité d'entreprise. C'est une ordonnance de 67 sur l'intéressement et la participation et la loi de 71 sur la formation professionnelle parce que dans les deux cas, les petites boîtes, les petites entreprises qui n'avaient pas de comité d'entreprise ont intérêt d'un point de vue fiscal. Ils ont intérêt à créer des comités d'entreprise.

  • Speaker #0

    C'est ce que vous m'aviez raconté à propos de l'entreprise de votre père, je crois, c'est ça

  • Speaker #1

    Absolument. Mon père, c'était le cas, un petit chantier naval ici dans le Morbihan, où ils avaient dépassé à un moment les 50 salariés parce que l'entreprise tournait plutôt pas mal. Et donc, j'imagine que ça s'est passé comme ça, mais que l'expert comptable de la boîte a dit aux patrons, c'était deux patrons, qu'ils s'êtreraient mieux. qui mettent les comités d'entreprise en place parce que je ne peux pas après raconter les détails, c'est assez technique, c'est assez compliqué. Mais ce que je veux rajouter, c'est qu'en réalité, ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu une augmentation, surtout dans les PME, dans les petites entreprises de plus de 50, il y a eu des comités d'entreprise qui ont été créés, mais beaucoup d'entre eux n'ont pas eu beaucoup d'activité à part l'Arbre de Noël à la fin de l'année. Et pour corroborer ce que je viens de dire, J'ai trouvé une enquête en 1974 dans les archives du ministère du Travail, une grosse enquête sur plus de 3000 comités d'entreprise, où il est indiqué à la fin, à la conclusion, que plus de la moitié des comités d'entreprise qui ont été investigués n'avaient qu'une existence formelle.

  • Speaker #0

    En effet, ça rejoint un certain bilan de la négociation collective qui établit chaque année le... la Direction Générale du Travail, on voit que systématiquement, quand il y a une obligation légale, il y a davantage de négociations collectives ou de discussions. C'est un peu la civicité française. Mais j'avais envie de vous ramener à ce que vous écrivez dans un de vos ouvrages. Vous dites que le CE, dans les années 70, devient vraiment le pivot de la vie sociale dans l'entreprise. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus

  • Speaker #1

    Oui, sur deux aspects. Le premier, c'est que le comité d'entreprise fait partie d'un ensemble. d'institutions représentatives du personnel. Donc il y a les délégués du personnel, les comités d'entreprise, mais aussi à partir de 68, c'est autorisé légalement, et vous le savez très bien parce que vous avez fait des papiers là-dessus, il y a quelques temps à l'occasion de l'anniversaire de 68, des très très bons papiers d'ailleurs, au passage. Il y a donc un ensemble. CE, DP, et puis section syndicale d'entreprise et délégués syndicaux. Et donc, la place de chacune de ces dispositifs, il y a des interactions entre les trois, d'autant que souvent, ce sont les mêmes personnes qui occupent les trois fonctions, ou deux, ou trois fonctions. Et dans ce cadre-là, il y a eu des enquêtes là-dessus, précisément sur ce question. À Aix-en-Provence, il y avait un... un labo qui s'intéressait à ça dans les années 70. Et ils ont montré que le comité d'entreprise était l'institution qui prenait le plus d'importance. Parce que les délégués du personnel créés en 1936 fatiguaient un peu, je veux dire. Et voilà. Et donc, par ailleurs, ça, c'est le premier élément de réponse. Le deuxième élément de réponse, c'est qu'au fil du temps, les comités d'entreprise et les délégués du personnel aussi, mais de moindre manière, ont pris des attributions en matière de négociations collectives. C'est-à-dire que dans les entreprises où il n'y a pas de syndicats, ce sont souvent les comités d'entreprise qui négocient. Donc c'est la raison pour laquelle, enfin l'une des raisons pour laquelle je dis ça, que le comité d'entreprise est devenu une sorte de pivot, oui absolument, des relations professionnelles dans les entreprises en France, oui, absolument.

  • Speaker #0

    Oui, et puis il y a eu toute la dimension emploi, restructuration dans les années 70 aussi, où le CE est consulté, informé là-dessus. Mais bon, on ne peut pas rentrer dans le détail de l'histoire, mais si on fait un petit bond en avant et on se projette dans les lois Auroux de 1982 qui ont apporté beaucoup de changements positifs pour les institutions représentatives du personnel, avec le recul de l'historien, Est-ce que vous diriez que c'était une révolution, c'était un changement ou que finalement la nature des IRP n'a pas changé

  • Speaker #1

    Effectivement, un certain nombre d'avancées. notamment on a mis dans la loi la jurisprudence antérieure sur la protection des représentants du personnel, c'était quelque chose de très important, il y a eu le budget propre du comité d'entreprise, il y a eu toute une série d'avancées, mais bon par exemple les comités de groupe qui sont nés à cette époque-là qui ont été plutôt une bonne chose, il y a eu les délégués de sites qui n'ont pas marché, comme le droit d'expression direct d'ailleurs. qui a disparu assez rapidement. Il y a eu des améliorations sur l'information. On a fait en sorte que ce soit plus lisible. Mais pour le reste, les lois au roux, et cette loi-là en particulier, n'ont pas véritablement modifié. Les principes sont restés les mêmes. Il suffit de lire le rapport Coffineau. Alors Coffineau, c'était un député socialiste qui était déjà député en 82, et qui, dix ans plus tard, a fait... Il suffit de lire ce bilan qu'on doit trouver sur internet pour voir que ça n'a pas à modifier de manière fondamentale l'institution des comités de l'entreprise.

  • Speaker #0

    Certaines organisations patronales au moment des ordonnances de 2017 ont dit au syndicat, vous avez eu les lois au roux en 82, nous on a les ordonnances Macron en 2017 avec la création du CSE. Sans rentrer dans les évolutions de 2017 à nos jours... Comment, en tant qu'historien, puisque vous avez analysé beaucoup d'évolutions, comment vous projetez, vous, l'évolution des instances représentatives du personnel Est-ce qu'on va vers une nouvelle simplification, vers un améliorissement syndical, au contraire, vers la restauration du CHSCT Est-ce que vous avez un scénario à nous faire part

  • Speaker #1

    Ça m'étonnerait qu'on revienne sur la simplification qui a été opérée en 2017, parce qu'en fait, c'était… le fruit d'un processus déjà ancien. Dans les années 70, les enquêtes montraient qu'il y avait une certaine confusion entre les comités d'entreprise et les délégués du personnel. Souvent, les réunions étaient faites ensemble. Et puis, il y a eu la loi Giraud. Dans 2017, c'est le fruit d'un processus qui me semblait assez inéluctable. Et donc, ça m'étonnerait qu'on revienne là-dessus. Après, alors effectivement, les CHSCT... Il y a quand même pas mal de gens qui défendent l'autonomie des CHSCT par rapport au comité d'entreprise, comme ça pouvait l'être avant 2017. Ça, la question est ouverte, mais elle est, je pense, très politique, elle aussi. C'est-à-dire qu'avec une majorité comme celle qui existe aujourd'hui, on en restera là, je pense. avec une autre majorité, peut-être que les comités, les CHSCT reprendront un peu d'autonomie, j'en sais rien, en tout cas ça m'étonnerait que les délégués du personnel réapparaissent, alors il y a les représentants de proximité, je n'ai pas l'impression que ça marche tellement, mais en tout cas ça peut exister, après c'est aux organisations syndicales et aux élus de faire fonctionner.

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'il y a assez peu de représentants de proximité qui sont créés puisqu'il faut un accord entre le syndicat ou l'employeur. Et donc, on voit que c'est assez faiblement le cas. Merci Jean-Pierre Le Crom d'avoir bien voulu nous éclairer sur l'histoire du comité d'entreprise qui a précédé l'actuel comité social et économique.

  • Speaker #1

    Merci pour l'invitation.

  • Speaker #0

    Merci de votre fidélité et à très bientôt pour un nouvel épisode sur le micro-social, le podcast de Lefebvre Dalloz sur le travail et l'aura du travail.

Chapters

  • Présentation du sujet et de Jean-Pierre Le Crom

    00:21

  • Le comité d'entreprise créé en 1945 hérite-t-il du comité social de Vichy et du programme national de la Résistance ?

    00:54

  • Les comités sociaux du régime de Vichy et leur rôle

    01:09

  • Le programme national de la Résistance prévoyait une participation des travailleurs au sein des entreprises

    01:39

  • Vichy avait interdit les confédérations syndicales

    02:13

  • Certains principes fixés par l'ordonnance de 1945 restent toujours en vigueur aujourd'hui

    02:48

  • La double fonction du CE à la Libération : oeuvres sociales et rôle économique

    03:45

  • Comment les syndicats voient-ils le rôle du CE après guerre ?

    04:32

  • Le CE est vu au début comme "un appendice au syndicat"

    04:48

  • Mais dans l'ordonnance de 1945, le CE est présenté comme un organe "de coopération" avec le chef d'entreprise, qui préside le comité

    05:39

  • Les non syndiqués vont prendre de plus en plus de place

    06:21

  • Quels apports de la loi de 1946 par rapport à l'ordonnance de 1945 ?

    06:43

  • L'ordonnance de 1945 et la loi de 1946 entraînent-elles la création de nombreux comités d'entreprise en France ?

    08:02

  • Environ 10 500 CE en 1950 mais ça diminue ensuite de moitié !

    08:36

  • A partir de 1967, le nombre de CE augmente à nouveau

    09:15

  • Les raisons ? Une loi en 1967 instaure le PV de carence...

    09:34

  • L'ordonnance de 1967 sur la participation et la loi de 1971 sur la formation concourent à l'essor des CE

    10:02

  • Création d'un CE : le cas de l'entreprise du père de l'historien

    10:36

  • Une grosse enquête du ministère du travail de 1974 montre que plus de la moitié des CE n'ont qu'une existence formelle

    11:27

  • Pourquoi selon vous le CE devient-il "le pivot de la vie sociale" dans l'entreprise dans les années 70 ?

    12:10

  • "Les délégués du personnel créés en 1936 fatiguaient un peu"

    13:35

  • Au fil du temps, le CE a pris des attributions en matière de négociation collective

    13:58

  • Avec le recul de l'historien, que diriez-vous des changements apportés par les lois Auroux en 1982 ?

    14:44

  • Les avancées sur la protection des élus du personnel, le budget du CE, les comités de groupe...

    15:08

  • Mais Les lois Auroux n'ont pas modifié les principes fondamentaux du CE du CE

    15:42

  • Quel avenir pour les IRP ? Menace d'une nouvelle simplification ou au contraire rétablissement du CHSCT ?

    16:36

  • La simplification de 2017 est l'aboutissement d'un processus ancien

    16:59

  • Retour à un CHSCT autonome ? Tout dépend de la majorité politique !

    17:34

  • Les représentants de proximité

    18:11

  • Remerciements à Jean-Pierre Le Crom

    18:34

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