Speaker #0Qu'est-ce que le syndrome de l'infirmière ? Le syndrome de l'infirmière est semblable au syndrome du sauveur, à ceci près que, d'une part, il concerne majoritairement les femmes et que, d'autre part, il est dénué de dimensions narcissiques. En effet, dans ce dernier cas, l'altruisme n'est qu'un moyen détourné de redorer sa propre estime de soi. Comment les femmes manifestent-elles leur syndrome de bonne samaritaine ? Parmi les femmes qui prennent sur elles de vouloir sauver le monde à leur propre détriment, il s'agit surtout d'une pulsion inconsciente à satisfaire les autres, et par extension, à leur plaire. Ce mécanisme s'appuie sur leur grande empathie, qualité faisant parfois défaut au profil du sauveur, surtout dans le cas concerné par le triangle de Karpman, ce qui les différencie d'autant plus. Elles nourrissent l'inlassable espoir de faire la différence dans la vie de quelqu'un. Le plus souvent, leur attention se focalise sur un conjoint à problème. Ceux-ci sont généralement d'ordre affectif, comme des difficultés relationnelles, comportementales, avec des addictions par exemple, psychologiques, dépressions et autres formes de troubles anxieux, financiers, etc. La pseudo-infirmière s'empare de la mission de sauver cette pauvre âme égarée en déployant une énergie incroyable. Cette charge prend le pas sur ses propres besoins. quitte à risquer le burn-out ou la banqueroute. Dans cet élan altruiste, elle s'oublie derrière la responsabilité qu'elle se donne elle-même et qui, presque à chaque fois, arrange bien le bénéficiaire de ses soins. Ainsi, une relation bancale s'installe dans laquelle il n'y a qu'un donneur et qu'un receveur, sans alternance des rôles. Que révèle l'attitude sacrificielle de ces pseudo-infirmières ? Il est admis de tous qu'on ne peut pas sauver quelqu'un qui ne veut pas se sauver lui-même. Alors qu'est-ce qui pousse certaines personnes à s'épuiser à le tenter, envers et contre tous ? Le syndrome de l'infirmière concernerait les femmes porteuses d'un important déficit de confiance en elles. Ainsi, être appréciées simplement pour ce qu'elles sont leur semblerait impossible. Pour remédier à cette croyance, elles rétabliraient leur potentiel attractif en devenant utiles, en se donnant une fonction elle pense restaurer une certaine valeur aux yeux d'autrui. L'intention sous-jacente est de se rendre indispensable afin de minimiser la peur du rejet ou de l'abandon. La cause de cette faible estime de soi remonterait une fois de plus au développement de la personnalité lors de la petite enfance. Des parents peu expressifs ou peu affectueux ou une parentification de l'enfant inscriraient dans sa psyché l'idée qu'il n'est pas assez aimable, dans le sens étymologique du terme, c'est-à-dire digne d'être aimé. Or, pour assurer sa survie, l'humain a besoin d'appartenir à un groupe. La nécessité vitale de construire du lien social le pousserait donc à adapter sa désirabilité en s'instrumentalisant lui-même. Il existe aussi des cas de personnes ayant développé ce syndrome suite à un traumatisme qui auraient laissé en eux la pensée qu'ils ont une responsabilité vis-à-vis d'autrui, soit parce qu'ils n'ont pu empêcher un drame, soit, au contraire, parce qu'ils y ont joué un rôle déterminant. Pourquoi faut-il abandonner le rôle de l'infirmière ? 4 raisons. Aider son prochain est largement valorisé dans notre société. Plus le don de soi est conséquent, plus il est salué. Mais en quoi n'est-ce pas forcément une bonne chose ? Et pourquoi cela retombe-t-il plus souvent sur les femmes ? Répondre à ces questions permet de comprendre pourquoi le schéma de l'éternel garde-malade est malsain. Raison numéro 1. Jouer l'âme charitable est mensonger. Nous avons vu qu'une générosité débordante cachait le plus souvent un mal-être. La faible estime de soi que l'on retrouve à l'origine du syndrome de l'infirmière peut ne pas être consciente, mais elle nécessite toutefois un travail introspectif, préférablement mené avec l'aide d'un psy. Lorsque l'on commence réellement à s'interroger sur nos envies et besoins, on réalise que la plupart de nos comportements ne sont pas en accord avec nos aspirations profondes. Ainsi, Ne pas savoir dire non par peur de froisser, c'est non seulement se mentir à soi-même, mais également à la personne qui reçoit une réponse de complaisance. Or, sans sincérité, il ne peut y avoir de relation saine. Raison numéro 2. La quête de sauvetage de l'autre est utopique. Chacun est responsable de son propre sauvetage. En tant que psychologue clinicien, nous sommes confrontés à cette réalité au quotidien. Il appartient à chacun de se sauver lui-même. En vérité, c'est même extrêmement présomptueux de croire que l'on peut réparer quelqu'un d'autre que soi. Personne n'a ce pouvoir. Tout ce que l'on peut faire, c'est aider à accompagner le processus de reconstruction à condition d'y mettre suffisamment de distance pour ne pas se laisser entraîner dans une éventuelle chute. Chacun doit être acteur de son destin. Et finalement, ce n'est ni réaliste ni souhaitable de vouloir faire ce travail à la place de l'individu concerné. même lorsqu'on l'aime profondément. Réaliser cette limite permet de faire retomber la pression et d'éviter la culpabilité en cas de déconvenu. C'est tout simplement libérateur. Raison numéro 3. Le syndrome de l'infirmière est dévalorisant. On se concentre sur les problèmes d'autrui pour ne pas se pencher sur nos propres failles. En déplaçant l'attention loin du sujet principal, on est condamné à répéter le même schéma qui ne mène nulle part. Mais tout cercle vicieux peut se transformer en mauvais engrenage. Ainsi, plus vous donnez, plus on s'habitue à ce que vous le fassiez. Vous pouvez vous user à être toujours la personne fiable qui prendra soin des autres jusqu'à risquer le burn-out, d'autant plus que personne ne pense à se demander si vous-même allez bien ou avez besoin de soutien. De même, ceux qui ont l'habitude de bénéficier de votre générosité ont tendance à oser en demander toujours un petit peu plus parce que ça n'a pas l'air de vous déranger. Ainsi... et ils dévalorisent irrémédiablement vos actions. Et gare à vous si vous diminuez vos efforts pour les autres. Cela se ressentira instantanément et ouvrira la voie aux plaintes et critiques, engendrant certainement chez vous une immense culpabilité, voire de la honte. N'oublions pas non plus que certains ont la mémoire très courte et que s'ils finissent effectivement par sortir de leur déboire, ils n'auront pas toujours de scrupules à continuer leur vie sans infirmière. En définitive, le peu de satisfaction à retirer de la gratitude momentanée de ceux que vous servez est bien peu de chose, comparé au mal-être que cette relation déséquilibrée provoquera à terme chez vous. Le risque de dépression est bien réel et doit être pris au sérieux. Raison numéro 4. Se mettre au service de quelqu'un est dangereux. Même si les infirmières improvisées se donnent leur rôle volontairement, elles n'en restent pas moins soumises à leur... pseudo-malade. En général, ce dernier s'accommode d'ailleurs très bien de la situation et n'a donc aucune raison d'en changer. Après tout, qui ne rêverait pas d'une assistante personnelle qui prend tout en charge ? Qui refuserait de voir sa dette épongée par une aide providentielle ? Qui oserait demander à quelqu'un d'en faire moins pour nous alors qu'il affirme que cela est naturel, voire lui fait plaisir ? Citons la psychanalyste Anne Dufour-Mantel. et son essai sur la femme et le sacrifice. Début de citation. La femme sacrificielle n'existe pas seulement dans nos mythes. Elle est la figure récurrente des légendes d'amour, des religions et des textes fondateurs de notre culture. Mais elle est aussi terriblement banale. On la côtoie, on lui adresse la parole, on la malmène, on la convoque, parce qu'elle est logée là, au plus près de nous, dans les sous-bassements des histoires de famille, du côté de la honte et du secret, de la mort et de la naissance. Du côté de la transmission impossible et de la mémoire qui insiste pour ne pas être tue. Du côté silencieux du courage et de toutes les formes de refus. Fin de citation. Certaines personnes, plus majoritairement les hommes, et a fortiori les pervers narcissiques, recherchent ces profils exagérément altruistes. Et oui, curieusement, vouloir aider les autres à tout prix peut mener tout droit à la dépendance et donc à la manipulation. Lorsqu'une pseudo-infirmière croise un vampire émotionnel, elle risque très fortement de tomber, voire de se jeter dans ses griffes. Le syndrome de l'infirmière traduit un mécanisme relationnel dysfonctionnel. On veut sauver autrui pour nier l'évidence. C'est l'infirmière qui a besoin d'aide. Le plus dur est donc de se rendre compte de ses automatismes, mais aussi d'apprendre à risquer de décevoir l'autre. En effet, abandonner le rôle de sauveuse implique de poser ses limites et d'accepter que cela déplaise à certains. Pourtant, cela permet de faire le tri dans son entourage. et de ne conserver que les personnes qui vous aiment réellement pour ce que vous êtes, et non pour ce que vous faites pour eux.