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Le Phil d'Actu - Philosophie et Actualité

Israël / Palestine : une philosophie de la légitime défense

Israël / Palestine : une philosophie de la légitime défense

10min |09/10/2024
Play
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Israël / Palestine : une philosophie de la légitime défense

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10min |09/10/2024
Play

Description

Et si la légitime défense était un concept philosophique... problématique ?


Cette semaine marque un triste anniversaire : la commémoration des épouvantables massacres du 7 octobre par le Hamas, et une année de représailles sanglantes par Israël. Une année marquée par un déchaînement de souffrance, de fureur, de destruction.


L’argument employé depuis 1 an pour justifier cette folie meurtrière, c’est qu’Israël aurait un droit légitime à se défendre. Mais jusqu’où la défense est-elle légitime ?

Aujourd’hui, je vous propose une philosophie de la légitime défense. On va parler droit, violence, justice, du conflit israélo-palestinien, de  la philosophie d’Elsa Dorlin, et bien sûr, de légitime défense.



🚨 ALERTE : LE PHIL D'ACTU EST NOMME AU PARIS PODCAST FESTIVAL ! 🚨

Il est donc en lice pour le prix du public. J'ai besoin de vous !

Pour voter pour le Phil d'Actu, rdv sur ce lien et choisissez le podcast n°3 !

Ca prend 1mn, et vous pouvez voter jusqu'au 12 octobre.

Merci pour votre soutien ! 💜


Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


🙏 Pour me soutenir, vous pouvez faire un don, ponctuel ou régulier, sur cette page.

💜 Merci pour votre soutien !


Si vous aimez l'épisode, n'oubliez pas de vous abonner, de mettre 5 étoiles, et de le partager sur les réseaux sociaux.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Israël, Palestine, une philosophie de la légitime défense. J'ai une excellente nouvelle. Le Phil d'actu est sélectionné pour la compétition officielle du Paris Podcast Festival. Le Phil d'actu est donc en lice pour le prix du public. Et pour ça, j'ai besoin de vos votes. Alors, rendez-vous sur le lien en description pour voter pour le Phil d'actu. Ça prend deux minutes et vous pouvez voter jusqu'au 12 octobre. Merci beaucoup et on croise les doigts ! Cette semaine marque un triste anniversaire, la commémoration des épouvantables massacres du 7 octobre 2023 par le Hamas et une année de représailles sanglantes par Israël. Une année marquée par un déchaînement de souffrances, de fureurs, de destructions. 700 civils israéliens assassinés le 7 octobre, et depuis, au moins 40 000 Palestiniens tués, dont 11 000 enfants, un chiffre certainement largement sous-estimé, puisque sont uniquement décomptés ceux qui sont morts dans les hôpitaux. et non celles et ceux qui sont ensevelis sous les décombres. 90% de la population gazaouie déplacée, les deux tiers des bâtiments de la bande de Gaza détruits. Plus de 2000 morts au Liban, 1 million de déplacés. La folie meurtrière d'un homme, Benyamin Netanyahou, qui commet des crimes de guerre et fait l'objet d'une demande de mandat d'arrêt international. Un génocide qui se déroule sous nos yeux, qui s'étale en haute définition sur nos téléphones. Netanyahou est soutenu par presque toutes les puissances occidentales au nom du droit d'Israël à se défendre après les abjectes attaques du 7 octobre 2023. Emmanuel Macron a timidement, cette semaine, annoncé que la France cesserait de livrer des armes à Israël et il s'est immédiatement rétracté. L'argument qu'on entend depuis un an, c'est qu'Israël aurait un droit légitime à se défendre. Mais jusqu'où la défense est-elle légitime ? Aujourd'hui, je vous propose une philosophie de la légitime défense. On va parler droit, violence, justice, conflits israélo-palestiniens, philosophie d'Elsa Dorlin et bien sûr, de légitime défense. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Phil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram, lephildactu.podcast. Nos sociétés occidentales s'organisent sur le rejet de la violence individuelle. Les individus n'ont pas le droit de se comporter de manière violente et ils délèguent l'usage de la force à l'État. C'est ce qu'on appelle le contrat social. Et c'est ce que décrit la fameuse expression du sociologue Max Weber. L'État revendique le monopole de la violence légitime. Il y a cependant une exception à cette règle. C'est le contexte de légitime défense. La société peut exceptionnellement tolérer l'usage de la violence quand elle s'exerce en réponse à un acte lui-même violent. La légitime défense... est un principe codifié dans le droit, dans le droit civil, mais aussi dans le droit international. C'est un principe encadré. Pour être légitime, la défense doit se faire face à une attaque injustifiée, elle doit être immédiate, nécessaire à la protection et proportionnée. Une fois qu'on a dit ça, on se rend tout de suite compte à quel point l'emploi du terme de légitime défense est problématique pour les actions de Netanyahou. Le nombre de morts... les discours de Netanyahou revendiquant l'anéantissement de Gaza et les bombardements incessants d'une ampleur sans précédent, à titre de comparaison, Israël a largué plus de bombes sur Gaza en un an que le total des bombes larguées sur Londres, Dresde et Hambourg pendant toute la Seconde Guerre mondiale, tous ces éléments empêchent rigoureusement de considérer que la réponse est proportionnée. Et pourtant, le soutien des puissances occidentales s'affiche encore comme inconditionnel. Ce qui revient à dire que les actions israéliennes seraient légitimes. Alors, jusqu'où une défense est-elle légitime ? La philosophe Elsa Dorlin s'est intéressée à la notion de légitime défense pour montrer comment cette notion s'inscrit historiquement dans des rapports de pouvoir. Elle montre comment, depuis le XVIIe siècle, en Europe, en Amérique du Nord et au Moyen-Orient, les États ont organisé une séparation entre ceux qui auraient une légitimité à se défendre et ceux qui sont privés de ce droit. Par exemple, dans le Code noir, un édit promulgué par Louis XIV en 1685 destiné à réglementer l'esclavage dans les colonies françaises, les esclaves ont interdiction de porter une arme, tandis que les colons en ont l'autorisation. En fabriquant des corps désarmés, le colonialisme a ancré l'idée selon laquelle seule une minorité dominante est légitime pour se défendre. tandis que les dominés sont par défaut considérés comme illégitimes. Les dominés n'ont pas le droit de recourir à la violence, ils doivent demeurer sans défense, tandis que la violence des dominants est légitimée de fait. Elsa Dorlin évoque l'histoire coloniale et raciste, mais elle s'attaque aussi à l'histoire sexiste, en s'intéressant aux suffragettes anglaises, et antisémite, avec la révolte des juifs du ghetto de Varsovie. Elle montre ainsi que cette histoire politique irrigue la notion de légitime défense. Pour être légitime, il faut être dominant. Si bien que la philosophie politique moderne pense la légitime défense à partir de la propriété. Celui qui est propriétaire... propriétaire de son corps, de ses biens, de ses terres, de sa femme, de ses enfants, aura le droit de les défendre. Il y a donc d'un côté des sujets libres, propriétaires, qui ont le droit légitime de se défendre, et de l'autre, des sujets dépossédés d'eux-mêmes, sans défense, considérés comme une menace permanente pour l'ordre et la société. Alors, la violence qui s'exerce contre les dominés, et en premier lieu la violence d'État, est invisibilisée. car elle est toujours considérée comme légitime. Elsa Dorlin montre que la catégorie de légitime défense prend sa source au sein d'une histoire faite de domination et d'oppression et qu'elle consiste pour l'État à légitimer sa propre violence et à perpétuer l'ordre en place. Une histoire qui perdure aujourd'hui. On témoigne par exemple les cas de violences policières qui finissent presque systématiquement en non-lieu ou les propositions de loi pour instaurer une présomption de légitime défense pour les policiers. Et à l'inverse, les manifestations et protestations, même pacifiques, des populations, se font sévèrement réprimées et stigmatisées comme étant ultra-violentes et illégitimes. Dorlin révèle que certains ont le droit à la légitime défense et d'autres non. Or, elle évoque l'histoire d'Israël. en montrant que l'histoire tragique juive pendant la Seconde Guerre mondiale a conduit à la construction d'un État dont l'identité nationale est bâtie sur l'idée de légitime défense et sur la revendication de la propriété de son territoire. Une identité soutenue par les États dominants, ce qui lui confère une impunité totale et légitime son droit à la violence et à la colonisation. Symmétriquement, les pays colonisés et attaqués par Israël se voient privés de tout droit à se défendre. Ils sont perpétuellement assignés à l'illégitimité. Elsa Dorlin, par son analyse historique et politique de la catégorie de légitime défense, cherche ainsi à évacuer la question le recours à la violence est-il légitime ? Elle montre, par contraste, que la légitime défense a un usage politique et que l'État de droit n'est pas toujours apte à assurer la justice sociale. Elle nous dit je me méfie des réponses abstraites et de la tentation moralisatrice. qui évacue trop rapidement que la question se situe au cœur d'une réflexion sur la justice sociale, l'état de droit et la démocratie. L'idée, selon Elsa Dorlin, est donc de sortir de la problématique de la légitimité ou de l'illégitimité de la violence dans des cas précis, pour comprendre les mécanismes de domination concrets et constants qui s'exercent dans nos sociétés. Si on applique sa réflexion à l'année qui vient de s'écouler, on se rend compte que penser la riposte d'Israël sous le prisme de la légitime défense conduit à une double trahison. D'une part, l'invisibilisation des 75 années qui ont précédé cet épouvantable massacre du 7 octobre. 75 années pendant lesquelles Israël a colonisé et occupé des terres et violenté des populations. Dans les 15 années précédant le 7 octobre, il y a eu près de 6500 morts palestiniens et 300 israéliens. Ainsi que le maintien d'un régime d'apartheid, comme l'ont qualifié les ONG Amnesty International et Human Rights Watch. Et d'autre part, l'instrumentalisation de la souffrance et du traumatisme du 7 octobre par un régime politique d'extrême droite, pour justifier une fureur et une violence sans précédent. En Israël, de nombreuses familles de victimes et d'otages du 7 octobre se sont d'ailleurs désolidarisées de certaines commémorations, pour protester contre ce qui a été perpétré en leur nom. L'idée de légitimité est donc problématique. C'était déjà le cas chez Max Weber en réalité. Pour qui l'État ne dispose pas du monopole de la violence légitime de manière incontestable ou sacrée ? L'État revendique ce monopole, mais il ne le possède pas forcément. Cela signifie que cette prétendue violence légitime peut et doit être contestée, qu'elle est toujours à réinterroger et à réajuster, au nom d'un principe supérieur de justice. C'est là tout le paradoxe de la notion de légitimité en réalité. Elle désigne à la fois ce qui est codifié dans le droit et ce qui dépasse le droit. Ce qui le conteste au nom d'une justice qui lui serait supérieure. Et dans le cas d'Israël et de la Palestine, rien, absolument rien n'est légitime. L'occupation israélienne est illégitime. Le massacre du 7 octobre est illégitime. L'instrumentalisation politique destructrice de Netanyahou est illégitime. La montée de l'antisémitisme et son instrumentalisation sont illégitimes. Le génocide palestinien est illégitime. Et le plus illégitime ? c'est d'entendre parler sans cesse et sans honte de légitime défense. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Phil d'Actu. Et un grand merci à Guy, Tristan, Lionel, Johan et Corinne qui, avec leurs dons, soutiennent l'aventure du Phil d'Actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

Description

Et si la légitime défense était un concept philosophique... problématique ?


Cette semaine marque un triste anniversaire : la commémoration des épouvantables massacres du 7 octobre par le Hamas, et une année de représailles sanglantes par Israël. Une année marquée par un déchaînement de souffrance, de fureur, de destruction.


L’argument employé depuis 1 an pour justifier cette folie meurtrière, c’est qu’Israël aurait un droit légitime à se défendre. Mais jusqu’où la défense est-elle légitime ?

Aujourd’hui, je vous propose une philosophie de la légitime défense. On va parler droit, violence, justice, du conflit israélo-palestinien, de  la philosophie d’Elsa Dorlin, et bien sûr, de légitime défense.



🚨 ALERTE : LE PHIL D'ACTU EST NOMME AU PARIS PODCAST FESTIVAL ! 🚨

Il est donc en lice pour le prix du public. J'ai besoin de vous !

Pour voter pour le Phil d'Actu, rdv sur ce lien et choisissez le podcast n°3 !

Ca prend 1mn, et vous pouvez voter jusqu'au 12 octobre.

Merci pour votre soutien ! 💜


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Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


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  • Speaker #0

    Israël, Palestine, une philosophie de la légitime défense. J'ai une excellente nouvelle. Le Phil d'actu est sélectionné pour la compétition officielle du Paris Podcast Festival. Le Phil d'actu est donc en lice pour le prix du public. Et pour ça, j'ai besoin de vos votes. Alors, rendez-vous sur le lien en description pour voter pour le Phil d'actu. Ça prend deux minutes et vous pouvez voter jusqu'au 12 octobre. Merci beaucoup et on croise les doigts ! Cette semaine marque un triste anniversaire, la commémoration des épouvantables massacres du 7 octobre 2023 par le Hamas et une année de représailles sanglantes par Israël. Une année marquée par un déchaînement de souffrances, de fureurs, de destructions. 700 civils israéliens assassinés le 7 octobre, et depuis, au moins 40 000 Palestiniens tués, dont 11 000 enfants, un chiffre certainement largement sous-estimé, puisque sont uniquement décomptés ceux qui sont morts dans les hôpitaux. et non celles et ceux qui sont ensevelis sous les décombres. 90% de la population gazaouie déplacée, les deux tiers des bâtiments de la bande de Gaza détruits. Plus de 2000 morts au Liban, 1 million de déplacés. La folie meurtrière d'un homme, Benyamin Netanyahou, qui commet des crimes de guerre et fait l'objet d'une demande de mandat d'arrêt international. Un génocide qui se déroule sous nos yeux, qui s'étale en haute définition sur nos téléphones. Netanyahou est soutenu par presque toutes les puissances occidentales au nom du droit d'Israël à se défendre après les abjectes attaques du 7 octobre 2023. Emmanuel Macron a timidement, cette semaine, annoncé que la France cesserait de livrer des armes à Israël et il s'est immédiatement rétracté. L'argument qu'on entend depuis un an, c'est qu'Israël aurait un droit légitime à se défendre. Mais jusqu'où la défense est-elle légitime ? Aujourd'hui, je vous propose une philosophie de la légitime défense. On va parler droit, violence, justice, conflits israélo-palestiniens, philosophie d'Elsa Dorlin et bien sûr, de légitime défense. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Phil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram, lephildactu.podcast. Nos sociétés occidentales s'organisent sur le rejet de la violence individuelle. Les individus n'ont pas le droit de se comporter de manière violente et ils délèguent l'usage de la force à l'État. C'est ce qu'on appelle le contrat social. Et c'est ce que décrit la fameuse expression du sociologue Max Weber. L'État revendique le monopole de la violence légitime. Il y a cependant une exception à cette règle. C'est le contexte de légitime défense. La société peut exceptionnellement tolérer l'usage de la violence quand elle s'exerce en réponse à un acte lui-même violent. La légitime défense... est un principe codifié dans le droit, dans le droit civil, mais aussi dans le droit international. C'est un principe encadré. Pour être légitime, la défense doit se faire face à une attaque injustifiée, elle doit être immédiate, nécessaire à la protection et proportionnée. Une fois qu'on a dit ça, on se rend tout de suite compte à quel point l'emploi du terme de légitime défense est problématique pour les actions de Netanyahou. Le nombre de morts... les discours de Netanyahou revendiquant l'anéantissement de Gaza et les bombardements incessants d'une ampleur sans précédent, à titre de comparaison, Israël a largué plus de bombes sur Gaza en un an que le total des bombes larguées sur Londres, Dresde et Hambourg pendant toute la Seconde Guerre mondiale, tous ces éléments empêchent rigoureusement de considérer que la réponse est proportionnée. Et pourtant, le soutien des puissances occidentales s'affiche encore comme inconditionnel. Ce qui revient à dire que les actions israéliennes seraient légitimes. Alors, jusqu'où une défense est-elle légitime ? La philosophe Elsa Dorlin s'est intéressée à la notion de légitime défense pour montrer comment cette notion s'inscrit historiquement dans des rapports de pouvoir. Elle montre comment, depuis le XVIIe siècle, en Europe, en Amérique du Nord et au Moyen-Orient, les États ont organisé une séparation entre ceux qui auraient une légitimité à se défendre et ceux qui sont privés de ce droit. Par exemple, dans le Code noir, un édit promulgué par Louis XIV en 1685 destiné à réglementer l'esclavage dans les colonies françaises, les esclaves ont interdiction de porter une arme, tandis que les colons en ont l'autorisation. En fabriquant des corps désarmés, le colonialisme a ancré l'idée selon laquelle seule une minorité dominante est légitime pour se défendre. tandis que les dominés sont par défaut considérés comme illégitimes. Les dominés n'ont pas le droit de recourir à la violence, ils doivent demeurer sans défense, tandis que la violence des dominants est légitimée de fait. Elsa Dorlin évoque l'histoire coloniale et raciste, mais elle s'attaque aussi à l'histoire sexiste, en s'intéressant aux suffragettes anglaises, et antisémite, avec la révolte des juifs du ghetto de Varsovie. Elle montre ainsi que cette histoire politique irrigue la notion de légitime défense. Pour être légitime, il faut être dominant. Si bien que la philosophie politique moderne pense la légitime défense à partir de la propriété. Celui qui est propriétaire... propriétaire de son corps, de ses biens, de ses terres, de sa femme, de ses enfants, aura le droit de les défendre. Il y a donc d'un côté des sujets libres, propriétaires, qui ont le droit légitime de se défendre, et de l'autre, des sujets dépossédés d'eux-mêmes, sans défense, considérés comme une menace permanente pour l'ordre et la société. Alors, la violence qui s'exerce contre les dominés, et en premier lieu la violence d'État, est invisibilisée. car elle est toujours considérée comme légitime. Elsa Dorlin montre que la catégorie de légitime défense prend sa source au sein d'une histoire faite de domination et d'oppression et qu'elle consiste pour l'État à légitimer sa propre violence et à perpétuer l'ordre en place. Une histoire qui perdure aujourd'hui. On témoigne par exemple les cas de violences policières qui finissent presque systématiquement en non-lieu ou les propositions de loi pour instaurer une présomption de légitime défense pour les policiers. Et à l'inverse, les manifestations et protestations, même pacifiques, des populations, se font sévèrement réprimées et stigmatisées comme étant ultra-violentes et illégitimes. Dorlin révèle que certains ont le droit à la légitime défense et d'autres non. Or, elle évoque l'histoire d'Israël. en montrant que l'histoire tragique juive pendant la Seconde Guerre mondiale a conduit à la construction d'un État dont l'identité nationale est bâtie sur l'idée de légitime défense et sur la revendication de la propriété de son territoire. Une identité soutenue par les États dominants, ce qui lui confère une impunité totale et légitime son droit à la violence et à la colonisation. Symmétriquement, les pays colonisés et attaqués par Israël se voient privés de tout droit à se défendre. Ils sont perpétuellement assignés à l'illégitimité. Elsa Dorlin, par son analyse historique et politique de la catégorie de légitime défense, cherche ainsi à évacuer la question le recours à la violence est-il légitime ? Elle montre, par contraste, que la légitime défense a un usage politique et que l'État de droit n'est pas toujours apte à assurer la justice sociale. Elle nous dit je me méfie des réponses abstraites et de la tentation moralisatrice. qui évacue trop rapidement que la question se situe au cœur d'une réflexion sur la justice sociale, l'état de droit et la démocratie. L'idée, selon Elsa Dorlin, est donc de sortir de la problématique de la légitimité ou de l'illégitimité de la violence dans des cas précis, pour comprendre les mécanismes de domination concrets et constants qui s'exercent dans nos sociétés. Si on applique sa réflexion à l'année qui vient de s'écouler, on se rend compte que penser la riposte d'Israël sous le prisme de la légitime défense conduit à une double trahison. D'une part, l'invisibilisation des 75 années qui ont précédé cet épouvantable massacre du 7 octobre. 75 années pendant lesquelles Israël a colonisé et occupé des terres et violenté des populations. Dans les 15 années précédant le 7 octobre, il y a eu près de 6500 morts palestiniens et 300 israéliens. Ainsi que le maintien d'un régime d'apartheid, comme l'ont qualifié les ONG Amnesty International et Human Rights Watch. Et d'autre part, l'instrumentalisation de la souffrance et du traumatisme du 7 octobre par un régime politique d'extrême droite, pour justifier une fureur et une violence sans précédent. En Israël, de nombreuses familles de victimes et d'otages du 7 octobre se sont d'ailleurs désolidarisées de certaines commémorations, pour protester contre ce qui a été perpétré en leur nom. L'idée de légitimité est donc problématique. C'était déjà le cas chez Max Weber en réalité. Pour qui l'État ne dispose pas du monopole de la violence légitime de manière incontestable ou sacrée ? L'État revendique ce monopole, mais il ne le possède pas forcément. Cela signifie que cette prétendue violence légitime peut et doit être contestée, qu'elle est toujours à réinterroger et à réajuster, au nom d'un principe supérieur de justice. C'est là tout le paradoxe de la notion de légitimité en réalité. Elle désigne à la fois ce qui est codifié dans le droit et ce qui dépasse le droit. Ce qui le conteste au nom d'une justice qui lui serait supérieure. Et dans le cas d'Israël et de la Palestine, rien, absolument rien n'est légitime. L'occupation israélienne est illégitime. Le massacre du 7 octobre est illégitime. L'instrumentalisation politique destructrice de Netanyahou est illégitime. La montée de l'antisémitisme et son instrumentalisation sont illégitimes. Le génocide palestinien est illégitime. Et le plus illégitime ? c'est d'entendre parler sans cesse et sans honte de légitime défense. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Phil d'Actu. Et un grand merci à Guy, Tristan, Lionel, Johan et Corinne qui, avec leurs dons, soutiennent l'aventure du Phil d'Actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

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Et si la légitime défense était un concept philosophique... problématique ?


Cette semaine marque un triste anniversaire : la commémoration des épouvantables massacres du 7 octobre par le Hamas, et une année de représailles sanglantes par Israël. Une année marquée par un déchaînement de souffrance, de fureur, de destruction.


L’argument employé depuis 1 an pour justifier cette folie meurtrière, c’est qu’Israël aurait un droit légitime à se défendre. Mais jusqu’où la défense est-elle légitime ?

Aujourd’hui, je vous propose une philosophie de la légitime défense. On va parler droit, violence, justice, du conflit israélo-palestinien, de  la philosophie d’Elsa Dorlin, et bien sûr, de légitime défense.



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    Israël, Palestine, une philosophie de la légitime défense. J'ai une excellente nouvelle. Le Phil d'actu est sélectionné pour la compétition officielle du Paris Podcast Festival. Le Phil d'actu est donc en lice pour le prix du public. Et pour ça, j'ai besoin de vos votes. Alors, rendez-vous sur le lien en description pour voter pour le Phil d'actu. Ça prend deux minutes et vous pouvez voter jusqu'au 12 octobre. Merci beaucoup et on croise les doigts ! Cette semaine marque un triste anniversaire, la commémoration des épouvantables massacres du 7 octobre 2023 par le Hamas et une année de représailles sanglantes par Israël. Une année marquée par un déchaînement de souffrances, de fureurs, de destructions. 700 civils israéliens assassinés le 7 octobre, et depuis, au moins 40 000 Palestiniens tués, dont 11 000 enfants, un chiffre certainement largement sous-estimé, puisque sont uniquement décomptés ceux qui sont morts dans les hôpitaux. et non celles et ceux qui sont ensevelis sous les décombres. 90% de la population gazaouie déplacée, les deux tiers des bâtiments de la bande de Gaza détruits. Plus de 2000 morts au Liban, 1 million de déplacés. La folie meurtrière d'un homme, Benyamin Netanyahou, qui commet des crimes de guerre et fait l'objet d'une demande de mandat d'arrêt international. Un génocide qui se déroule sous nos yeux, qui s'étale en haute définition sur nos téléphones. Netanyahou est soutenu par presque toutes les puissances occidentales au nom du droit d'Israël à se défendre après les abjectes attaques du 7 octobre 2023. Emmanuel Macron a timidement, cette semaine, annoncé que la France cesserait de livrer des armes à Israël et il s'est immédiatement rétracté. L'argument qu'on entend depuis un an, c'est qu'Israël aurait un droit légitime à se défendre. Mais jusqu'où la défense est-elle légitime ? Aujourd'hui, je vous propose une philosophie de la légitime défense. On va parler droit, violence, justice, conflits israélo-palestiniens, philosophie d'Elsa Dorlin et bien sûr, de légitime défense. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Phil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram, lephildactu.podcast. Nos sociétés occidentales s'organisent sur le rejet de la violence individuelle. Les individus n'ont pas le droit de se comporter de manière violente et ils délèguent l'usage de la force à l'État. C'est ce qu'on appelle le contrat social. Et c'est ce que décrit la fameuse expression du sociologue Max Weber. L'État revendique le monopole de la violence légitime. Il y a cependant une exception à cette règle. C'est le contexte de légitime défense. La société peut exceptionnellement tolérer l'usage de la violence quand elle s'exerce en réponse à un acte lui-même violent. La légitime défense... est un principe codifié dans le droit, dans le droit civil, mais aussi dans le droit international. C'est un principe encadré. Pour être légitime, la défense doit se faire face à une attaque injustifiée, elle doit être immédiate, nécessaire à la protection et proportionnée. Une fois qu'on a dit ça, on se rend tout de suite compte à quel point l'emploi du terme de légitime défense est problématique pour les actions de Netanyahou. Le nombre de morts... les discours de Netanyahou revendiquant l'anéantissement de Gaza et les bombardements incessants d'une ampleur sans précédent, à titre de comparaison, Israël a largué plus de bombes sur Gaza en un an que le total des bombes larguées sur Londres, Dresde et Hambourg pendant toute la Seconde Guerre mondiale, tous ces éléments empêchent rigoureusement de considérer que la réponse est proportionnée. Et pourtant, le soutien des puissances occidentales s'affiche encore comme inconditionnel. Ce qui revient à dire que les actions israéliennes seraient légitimes. Alors, jusqu'où une défense est-elle légitime ? La philosophe Elsa Dorlin s'est intéressée à la notion de légitime défense pour montrer comment cette notion s'inscrit historiquement dans des rapports de pouvoir. Elle montre comment, depuis le XVIIe siècle, en Europe, en Amérique du Nord et au Moyen-Orient, les États ont organisé une séparation entre ceux qui auraient une légitimité à se défendre et ceux qui sont privés de ce droit. Par exemple, dans le Code noir, un édit promulgué par Louis XIV en 1685 destiné à réglementer l'esclavage dans les colonies françaises, les esclaves ont interdiction de porter une arme, tandis que les colons en ont l'autorisation. En fabriquant des corps désarmés, le colonialisme a ancré l'idée selon laquelle seule une minorité dominante est légitime pour se défendre. tandis que les dominés sont par défaut considérés comme illégitimes. Les dominés n'ont pas le droit de recourir à la violence, ils doivent demeurer sans défense, tandis que la violence des dominants est légitimée de fait. Elsa Dorlin évoque l'histoire coloniale et raciste, mais elle s'attaque aussi à l'histoire sexiste, en s'intéressant aux suffragettes anglaises, et antisémite, avec la révolte des juifs du ghetto de Varsovie. Elle montre ainsi que cette histoire politique irrigue la notion de légitime défense. Pour être légitime, il faut être dominant. Si bien que la philosophie politique moderne pense la légitime défense à partir de la propriété. Celui qui est propriétaire... propriétaire de son corps, de ses biens, de ses terres, de sa femme, de ses enfants, aura le droit de les défendre. Il y a donc d'un côté des sujets libres, propriétaires, qui ont le droit légitime de se défendre, et de l'autre, des sujets dépossédés d'eux-mêmes, sans défense, considérés comme une menace permanente pour l'ordre et la société. Alors, la violence qui s'exerce contre les dominés, et en premier lieu la violence d'État, est invisibilisée. car elle est toujours considérée comme légitime. Elsa Dorlin montre que la catégorie de légitime défense prend sa source au sein d'une histoire faite de domination et d'oppression et qu'elle consiste pour l'État à légitimer sa propre violence et à perpétuer l'ordre en place. Une histoire qui perdure aujourd'hui. On témoigne par exemple les cas de violences policières qui finissent presque systématiquement en non-lieu ou les propositions de loi pour instaurer une présomption de légitime défense pour les policiers. Et à l'inverse, les manifestations et protestations, même pacifiques, des populations, se font sévèrement réprimées et stigmatisées comme étant ultra-violentes et illégitimes. Dorlin révèle que certains ont le droit à la légitime défense et d'autres non. Or, elle évoque l'histoire d'Israël. en montrant que l'histoire tragique juive pendant la Seconde Guerre mondiale a conduit à la construction d'un État dont l'identité nationale est bâtie sur l'idée de légitime défense et sur la revendication de la propriété de son territoire. Une identité soutenue par les États dominants, ce qui lui confère une impunité totale et légitime son droit à la violence et à la colonisation. Symmétriquement, les pays colonisés et attaqués par Israël se voient privés de tout droit à se défendre. Ils sont perpétuellement assignés à l'illégitimité. Elsa Dorlin, par son analyse historique et politique de la catégorie de légitime défense, cherche ainsi à évacuer la question le recours à la violence est-il légitime ? Elle montre, par contraste, que la légitime défense a un usage politique et que l'État de droit n'est pas toujours apte à assurer la justice sociale. Elle nous dit je me méfie des réponses abstraites et de la tentation moralisatrice. qui évacue trop rapidement que la question se situe au cœur d'une réflexion sur la justice sociale, l'état de droit et la démocratie. L'idée, selon Elsa Dorlin, est donc de sortir de la problématique de la légitimité ou de l'illégitimité de la violence dans des cas précis, pour comprendre les mécanismes de domination concrets et constants qui s'exercent dans nos sociétés. Si on applique sa réflexion à l'année qui vient de s'écouler, on se rend compte que penser la riposte d'Israël sous le prisme de la légitime défense conduit à une double trahison. D'une part, l'invisibilisation des 75 années qui ont précédé cet épouvantable massacre du 7 octobre. 75 années pendant lesquelles Israël a colonisé et occupé des terres et violenté des populations. Dans les 15 années précédant le 7 octobre, il y a eu près de 6500 morts palestiniens et 300 israéliens. Ainsi que le maintien d'un régime d'apartheid, comme l'ont qualifié les ONG Amnesty International et Human Rights Watch. Et d'autre part, l'instrumentalisation de la souffrance et du traumatisme du 7 octobre par un régime politique d'extrême droite, pour justifier une fureur et une violence sans précédent. En Israël, de nombreuses familles de victimes et d'otages du 7 octobre se sont d'ailleurs désolidarisées de certaines commémorations, pour protester contre ce qui a été perpétré en leur nom. L'idée de légitimité est donc problématique. C'était déjà le cas chez Max Weber en réalité. Pour qui l'État ne dispose pas du monopole de la violence légitime de manière incontestable ou sacrée ? L'État revendique ce monopole, mais il ne le possède pas forcément. Cela signifie que cette prétendue violence légitime peut et doit être contestée, qu'elle est toujours à réinterroger et à réajuster, au nom d'un principe supérieur de justice. C'est là tout le paradoxe de la notion de légitimité en réalité. Elle désigne à la fois ce qui est codifié dans le droit et ce qui dépasse le droit. Ce qui le conteste au nom d'une justice qui lui serait supérieure. Et dans le cas d'Israël et de la Palestine, rien, absolument rien n'est légitime. L'occupation israélienne est illégitime. Le massacre du 7 octobre est illégitime. L'instrumentalisation politique destructrice de Netanyahou est illégitime. La montée de l'antisémitisme et son instrumentalisation sont illégitimes. Le génocide palestinien est illégitime. Et le plus illégitime ? c'est d'entendre parler sans cesse et sans honte de légitime défense. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Phil d'Actu. Et un grand merci à Guy, Tristan, Lionel, Johan et Corinne qui, avec leurs dons, soutiennent l'aventure du Phil d'Actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

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Et si la légitime défense était un concept philosophique... problématique ?


Cette semaine marque un triste anniversaire : la commémoration des épouvantables massacres du 7 octobre par le Hamas, et une année de représailles sanglantes par Israël. Une année marquée par un déchaînement de souffrance, de fureur, de destruction.


L’argument employé depuis 1 an pour justifier cette folie meurtrière, c’est qu’Israël aurait un droit légitime à se défendre. Mais jusqu’où la défense est-elle légitime ?

Aujourd’hui, je vous propose une philosophie de la légitime défense. On va parler droit, violence, justice, du conflit israélo-palestinien, de  la philosophie d’Elsa Dorlin, et bien sûr, de légitime défense.



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    Israël, Palestine, une philosophie de la légitime défense. J'ai une excellente nouvelle. Le Phil d'actu est sélectionné pour la compétition officielle du Paris Podcast Festival. Le Phil d'actu est donc en lice pour le prix du public. Et pour ça, j'ai besoin de vos votes. Alors, rendez-vous sur le lien en description pour voter pour le Phil d'actu. Ça prend deux minutes et vous pouvez voter jusqu'au 12 octobre. Merci beaucoup et on croise les doigts ! Cette semaine marque un triste anniversaire, la commémoration des épouvantables massacres du 7 octobre 2023 par le Hamas et une année de représailles sanglantes par Israël. Une année marquée par un déchaînement de souffrances, de fureurs, de destructions. 700 civils israéliens assassinés le 7 octobre, et depuis, au moins 40 000 Palestiniens tués, dont 11 000 enfants, un chiffre certainement largement sous-estimé, puisque sont uniquement décomptés ceux qui sont morts dans les hôpitaux. et non celles et ceux qui sont ensevelis sous les décombres. 90% de la population gazaouie déplacée, les deux tiers des bâtiments de la bande de Gaza détruits. Plus de 2000 morts au Liban, 1 million de déplacés. La folie meurtrière d'un homme, Benyamin Netanyahou, qui commet des crimes de guerre et fait l'objet d'une demande de mandat d'arrêt international. Un génocide qui se déroule sous nos yeux, qui s'étale en haute définition sur nos téléphones. Netanyahou est soutenu par presque toutes les puissances occidentales au nom du droit d'Israël à se défendre après les abjectes attaques du 7 octobre 2023. Emmanuel Macron a timidement, cette semaine, annoncé que la France cesserait de livrer des armes à Israël et il s'est immédiatement rétracté. L'argument qu'on entend depuis un an, c'est qu'Israël aurait un droit légitime à se défendre. Mais jusqu'où la défense est-elle légitime ? Aujourd'hui, je vous propose une philosophie de la légitime défense. On va parler droit, violence, justice, conflits israélo-palestiniens, philosophie d'Elsa Dorlin et bien sûr, de légitime défense. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Phil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram, lephildactu.podcast. Nos sociétés occidentales s'organisent sur le rejet de la violence individuelle. Les individus n'ont pas le droit de se comporter de manière violente et ils délèguent l'usage de la force à l'État. C'est ce qu'on appelle le contrat social. Et c'est ce que décrit la fameuse expression du sociologue Max Weber. L'État revendique le monopole de la violence légitime. Il y a cependant une exception à cette règle. C'est le contexte de légitime défense. La société peut exceptionnellement tolérer l'usage de la violence quand elle s'exerce en réponse à un acte lui-même violent. La légitime défense... est un principe codifié dans le droit, dans le droit civil, mais aussi dans le droit international. C'est un principe encadré. Pour être légitime, la défense doit se faire face à une attaque injustifiée, elle doit être immédiate, nécessaire à la protection et proportionnée. Une fois qu'on a dit ça, on se rend tout de suite compte à quel point l'emploi du terme de légitime défense est problématique pour les actions de Netanyahou. Le nombre de morts... les discours de Netanyahou revendiquant l'anéantissement de Gaza et les bombardements incessants d'une ampleur sans précédent, à titre de comparaison, Israël a largué plus de bombes sur Gaza en un an que le total des bombes larguées sur Londres, Dresde et Hambourg pendant toute la Seconde Guerre mondiale, tous ces éléments empêchent rigoureusement de considérer que la réponse est proportionnée. Et pourtant, le soutien des puissances occidentales s'affiche encore comme inconditionnel. Ce qui revient à dire que les actions israéliennes seraient légitimes. Alors, jusqu'où une défense est-elle légitime ? La philosophe Elsa Dorlin s'est intéressée à la notion de légitime défense pour montrer comment cette notion s'inscrit historiquement dans des rapports de pouvoir. Elle montre comment, depuis le XVIIe siècle, en Europe, en Amérique du Nord et au Moyen-Orient, les États ont organisé une séparation entre ceux qui auraient une légitimité à se défendre et ceux qui sont privés de ce droit. Par exemple, dans le Code noir, un édit promulgué par Louis XIV en 1685 destiné à réglementer l'esclavage dans les colonies françaises, les esclaves ont interdiction de porter une arme, tandis que les colons en ont l'autorisation. En fabriquant des corps désarmés, le colonialisme a ancré l'idée selon laquelle seule une minorité dominante est légitime pour se défendre. tandis que les dominés sont par défaut considérés comme illégitimes. Les dominés n'ont pas le droit de recourir à la violence, ils doivent demeurer sans défense, tandis que la violence des dominants est légitimée de fait. Elsa Dorlin évoque l'histoire coloniale et raciste, mais elle s'attaque aussi à l'histoire sexiste, en s'intéressant aux suffragettes anglaises, et antisémite, avec la révolte des juifs du ghetto de Varsovie. Elle montre ainsi que cette histoire politique irrigue la notion de légitime défense. Pour être légitime, il faut être dominant. Si bien que la philosophie politique moderne pense la légitime défense à partir de la propriété. Celui qui est propriétaire... propriétaire de son corps, de ses biens, de ses terres, de sa femme, de ses enfants, aura le droit de les défendre. Il y a donc d'un côté des sujets libres, propriétaires, qui ont le droit légitime de se défendre, et de l'autre, des sujets dépossédés d'eux-mêmes, sans défense, considérés comme une menace permanente pour l'ordre et la société. Alors, la violence qui s'exerce contre les dominés, et en premier lieu la violence d'État, est invisibilisée. car elle est toujours considérée comme légitime. Elsa Dorlin montre que la catégorie de légitime défense prend sa source au sein d'une histoire faite de domination et d'oppression et qu'elle consiste pour l'État à légitimer sa propre violence et à perpétuer l'ordre en place. Une histoire qui perdure aujourd'hui. On témoigne par exemple les cas de violences policières qui finissent presque systématiquement en non-lieu ou les propositions de loi pour instaurer une présomption de légitime défense pour les policiers. Et à l'inverse, les manifestations et protestations, même pacifiques, des populations, se font sévèrement réprimées et stigmatisées comme étant ultra-violentes et illégitimes. Dorlin révèle que certains ont le droit à la légitime défense et d'autres non. Or, elle évoque l'histoire d'Israël. en montrant que l'histoire tragique juive pendant la Seconde Guerre mondiale a conduit à la construction d'un État dont l'identité nationale est bâtie sur l'idée de légitime défense et sur la revendication de la propriété de son territoire. Une identité soutenue par les États dominants, ce qui lui confère une impunité totale et légitime son droit à la violence et à la colonisation. Symmétriquement, les pays colonisés et attaqués par Israël se voient privés de tout droit à se défendre. Ils sont perpétuellement assignés à l'illégitimité. Elsa Dorlin, par son analyse historique et politique de la catégorie de légitime défense, cherche ainsi à évacuer la question le recours à la violence est-il légitime ? Elle montre, par contraste, que la légitime défense a un usage politique et que l'État de droit n'est pas toujours apte à assurer la justice sociale. Elle nous dit je me méfie des réponses abstraites et de la tentation moralisatrice. qui évacue trop rapidement que la question se situe au cœur d'une réflexion sur la justice sociale, l'état de droit et la démocratie. L'idée, selon Elsa Dorlin, est donc de sortir de la problématique de la légitimité ou de l'illégitimité de la violence dans des cas précis, pour comprendre les mécanismes de domination concrets et constants qui s'exercent dans nos sociétés. Si on applique sa réflexion à l'année qui vient de s'écouler, on se rend compte que penser la riposte d'Israël sous le prisme de la légitime défense conduit à une double trahison. D'une part, l'invisibilisation des 75 années qui ont précédé cet épouvantable massacre du 7 octobre. 75 années pendant lesquelles Israël a colonisé et occupé des terres et violenté des populations. Dans les 15 années précédant le 7 octobre, il y a eu près de 6500 morts palestiniens et 300 israéliens. Ainsi que le maintien d'un régime d'apartheid, comme l'ont qualifié les ONG Amnesty International et Human Rights Watch. Et d'autre part, l'instrumentalisation de la souffrance et du traumatisme du 7 octobre par un régime politique d'extrême droite, pour justifier une fureur et une violence sans précédent. En Israël, de nombreuses familles de victimes et d'otages du 7 octobre se sont d'ailleurs désolidarisées de certaines commémorations, pour protester contre ce qui a été perpétré en leur nom. L'idée de légitimité est donc problématique. C'était déjà le cas chez Max Weber en réalité. Pour qui l'État ne dispose pas du monopole de la violence légitime de manière incontestable ou sacrée ? L'État revendique ce monopole, mais il ne le possède pas forcément. Cela signifie que cette prétendue violence légitime peut et doit être contestée, qu'elle est toujours à réinterroger et à réajuster, au nom d'un principe supérieur de justice. C'est là tout le paradoxe de la notion de légitimité en réalité. Elle désigne à la fois ce qui est codifié dans le droit et ce qui dépasse le droit. Ce qui le conteste au nom d'une justice qui lui serait supérieure. Et dans le cas d'Israël et de la Palestine, rien, absolument rien n'est légitime. L'occupation israélienne est illégitime. Le massacre du 7 octobre est illégitime. L'instrumentalisation politique destructrice de Netanyahou est illégitime. La montée de l'antisémitisme et son instrumentalisation sont illégitimes. Le génocide palestinien est illégitime. Et le plus illégitime ? c'est d'entendre parler sans cesse et sans honte de légitime défense. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Phil d'Actu. Et un grand merci à Guy, Tristan, Lionel, Johan et Corinne qui, avec leurs dons, soutiennent l'aventure du Phil d'Actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

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