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La Gifle de Will Smith avec Judith Butler cover
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Le Phil d'Actu - Philosophie et Actualité

La Gifle de Will Smith avec Judith Butler

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06min |16/08/2024
Play
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Description

Cet été, le Phil d'Actu se met à la pop culture ! Ben oui, qui a dit que la philosophie, ça ne pouvait pas être un peu léger ?

Chaussez vos tongs et prenez une glace à la fraise : tous les vendredis, on revient sur des événements qui ont marqué la pop culture ces 30 dernières années...

Cinéma, musique, stars, jeux vidéos, sport : tout ce qu'il faut pour passer de belles vacances !



Le Phil d'Actu, c'est le podcast qui remet de la philosophie au cœur de l'actualité !

Si vous aimez l'épisode, n'oubliez pas de vous abonner, de mettre 5 étoiles, et de le partager sur les réseaux sociaux.


Pour ne rien manquer du Phil d'Actu, suivez-moi sur Instagram : https://www.instagram.com/lephildactu.podcast/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Psst, c'est l'été du fil d'actu. Chaussez vos tongs et prenez du popcorn, tout l'été. Je vous propose des épisodes consacrés à des grands événements qui ont marqué la pop culture de ces 30 dernières années. A déguster en 5 minutes avec une bonne glace à la fraise. Bon été ! En 2022, la cérémonie des Oscars aux Etats-Unis a été marquée par un événement pour le moins inattendu. Le présentateur, Chris Rock, fait une blague douteuse sur Jada Pinkett, la femme de Will Smith. Sa blague porte sur le fait que Jada Pinkett a le crâne presque rasé et pour cause, elle souffre d'alopécie, une maladie qui fait perdre ses cheveux. Tout d'un coup, l'acteur Will Smith se lève, marche d'un pas décidé vers la scène et assène une gifle retentissante au présentateur Chris Rock. Sidération dans la salle, rire gêné, s'agit-il d'un sketch, d'une mise en scène ? ou bien d'une gifle authentique. Will Smith repart, tête haute, vers son siège, pendant que le présentateur Chris Rock, abasourdi, dit Wow, Will Smith vient de me démonter la tête La caméra, ni une ni deux, filme le visage de Will Smith. Celui-ci tremble de colère et dit au présentateur Garde le nom de ma femme hors de ta putain de bouche La salle comprend peu à peu qu'il ne s'agissait pas d'une mise en scène, mais d'un moment réel. Cet événement a eu une incidence importante puisque Will Smith a été banni de l'Académie des Oscars pour les dix prochaines années. Et cela a créé évidemment une polémique sur l'usage de la violence. Est-il légitime de faire usage de violence sous la forme d'une gifle pour protéger et défendre ceux qu'on aime quand ils sont humiliés publiquement ? Mais ce qui m'intéresse dans cette histoire, c'est plutôt la question de la performance, à partir de la philosophie de Judith Butler. En 1990, la philosophe Judith Butler publie un livre, Troubles dans le genre, qui révolutionne totalement notre manière de penser le lien entre sexe et genre, c'est-à-dire entre une identité qui serait biologique, le sexe, et une identité qui serait sociale, le genre. Jusqu'à présent, on considère que le genre, l'expression sociale, dépend de son sexe biologique. C'est parce que nous sommes biologiquement des hommes ou des femmes que nous allons socialement être des hommes ou des femmes. Judith Butler propose l'analyse contraire. Elle montre que la biologie est en réalité plurielle, qu'il n'y a pas deux sexes bien distincts, mais plutôt des variations hormonales, chromosomiques et génitales. Il n'y a pas deux sexes biologiques bien distincts. Ce que montre Butler, c'est que le concept de sexe n'est pas biologique, mais il est plutôt construit socialement. Butler pense sous l'angle de la performance, de la performativité. Ce sont les discours qui vont façonner les pratiques sociales. Dès la naissance d'un enfant, nous allons proclamer, c'est un garçon. ou c'est une fille. Et ensuite, nous allons tenter de faire se conformer l'enfant au modèle qui est dominant dans la société. Se conformer à l'image de l'homme ou se conformer à l'image de la femme. L'identité de genre est alors toujours rejouée, performée dans la société. C'est ce que Butler appelle la performativité. C'est la performance qui crée la réalité. Et c'est exactement ce qui s'est passé dans la gifle. Déjà, prenons le contexte. Cela se passe dans une cérémonie des Oscars, donc une cérémonie qui récompense un jeu d'acteur. Le cadre est donc intégralement théâtralisé et c'est la raison pour laquelle autant de gens se sont demandé s'il s'agissait d'un sketch ou bien d'une scène réelle. Un acteur qui gifle un humoriste avouait qu'il y a quand même de quoi se poser des questions. Quant à la question du genre, elle est ici omniprésente. Pourquoi ? Déjà parce que l'humoriste va se moquer de Jada Pinkett au sujet de ses cheveux. Elle perd ses cheveux et c'est ça qui va générer une plaisanterie. Or les cheveux, c'est le symbole par excellence de la féminité. Jada Pinkett perd ses cheveux, ce qui fait qu'elle est déchue d'une partie de sa féminité. Et c'est exactement ça que ne peut pas supporter Will Smith. Will Smith se lève et va asséner une gifle. La gifle, c'est le symbole de l'humiliation publique par excellence. Et si Will Smith fait ça, c'est pour défendre l'honneur de sa femme. Jada Pinkett se voit privée de parole, tandis que son mari parle et agit à sa place et en son nom. Dans les mois qui suivent, Will Smith s'excuse et dit cette phrase L'amour vous fait faire des choses folles Un discours que l'on entend souvent dans le cadre des violences conjugales ou des crimes censément passionnels. L'idée que c'est l'amour qui vous conduit à la violence. Et ça, c'est une performance de masculinité. C'est une manière de surjouer la masculinité dans l'espace public. L'humoriste répondra en disant il n'a pas supporté que je fasse une blague sur les cheveux ou plutôt sur le fait que sa femme le trompe. Là encore, question d'honneur et question de masculinité bafouée. Cette gifle rejoue donc les rôles de la féminité et de la masculinité dans l'espace public, exactement comme dans la théorie de Butler. La question, c'est donc ce que pourrait signifier l'exclusion de Will Smith de l'Académie des Oscars. Est-ce qu'il s'agit d'une condamnation d'une masculinité caricaturale fondée sur la violence, l'honneur et le déshonneur ? Ou bien, est-ce le fait pour l'Académie des Oscars de vouloir polisser sa cérémonie ? Et dans ce cas, le problème, ce ne serait pas tellement la masculinité ou la violence, mais plutôt le fait d'avoir bafoué la performance, d'avoir bafoué l'espace de théâtralisation et l'espace de jeu d'acteur. Et si je dis ça, c'est parce que malgré quelques remises en question du monde du cinéma, après des événements comme Me Too, on est quand même encore loin d'une véritable remise en question et condamnation du comportement possiblement violent des acteurs. On voit par exemple que des acteurs comme Johnny Depp ou Brad Pitt continuent à tourner, alors même qu'ils ont été condamnés ou accusés de violences conjugales. Et je ne parle même pas de la France, où les affaires se succèdent, se ressemblent et ne font rien avancer. Pour Butler, il faut en tout cas penser la résistance à partir de la réappropriation de la performance. Et c'est peut-être ce qu'a fait la femme de Will Smith quand, suite à cette gifle, elle n'a pas eu peur de critiquer ce geste et de raconter leurs déboires sentimentaux. Finalement, d'afficher cette vulnérabilité et de sortir de cette injonction à l'honneur et au déshonneur. Finalement, c'est elle qui reprend le pouvoir sur cet événement et qui décide d'asséner une gifle, non pas à Will Smith ou à Chris Rock, mais bien à une image toxique et violente de la masculinité. Allez, je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour un nouvel épisode de Pop Culture. Et en attendant, abonnez-vous au compte Instagram du Fil d'Actu, arrobase lefildactu.podcast, pour des informations exclusives. Et ce ne serait pas l'heure de se reprendre une glace, là ?

Description

Cet été, le Phil d'Actu se met à la pop culture ! Ben oui, qui a dit que la philosophie, ça ne pouvait pas être un peu léger ?

Chaussez vos tongs et prenez une glace à la fraise : tous les vendredis, on revient sur des événements qui ont marqué la pop culture ces 30 dernières années...

Cinéma, musique, stars, jeux vidéos, sport : tout ce qu'il faut pour passer de belles vacances !



Le Phil d'Actu, c'est le podcast qui remet de la philosophie au cœur de l'actualité !

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  • Speaker #0

    Psst, c'est l'été du fil d'actu. Chaussez vos tongs et prenez du popcorn, tout l'été. Je vous propose des épisodes consacrés à des grands événements qui ont marqué la pop culture de ces 30 dernières années. A déguster en 5 minutes avec une bonne glace à la fraise. Bon été ! En 2022, la cérémonie des Oscars aux Etats-Unis a été marquée par un événement pour le moins inattendu. Le présentateur, Chris Rock, fait une blague douteuse sur Jada Pinkett, la femme de Will Smith. Sa blague porte sur le fait que Jada Pinkett a le crâne presque rasé et pour cause, elle souffre d'alopécie, une maladie qui fait perdre ses cheveux. Tout d'un coup, l'acteur Will Smith se lève, marche d'un pas décidé vers la scène et assène une gifle retentissante au présentateur Chris Rock. Sidération dans la salle, rire gêné, s'agit-il d'un sketch, d'une mise en scène ? ou bien d'une gifle authentique. Will Smith repart, tête haute, vers son siège, pendant que le présentateur Chris Rock, abasourdi, dit Wow, Will Smith vient de me démonter la tête La caméra, ni une ni deux, filme le visage de Will Smith. Celui-ci tremble de colère et dit au présentateur Garde le nom de ma femme hors de ta putain de bouche La salle comprend peu à peu qu'il ne s'agissait pas d'une mise en scène, mais d'un moment réel. Cet événement a eu une incidence importante puisque Will Smith a été banni de l'Académie des Oscars pour les dix prochaines années. Et cela a créé évidemment une polémique sur l'usage de la violence. Est-il légitime de faire usage de violence sous la forme d'une gifle pour protéger et défendre ceux qu'on aime quand ils sont humiliés publiquement ? Mais ce qui m'intéresse dans cette histoire, c'est plutôt la question de la performance, à partir de la philosophie de Judith Butler. En 1990, la philosophe Judith Butler publie un livre, Troubles dans le genre, qui révolutionne totalement notre manière de penser le lien entre sexe et genre, c'est-à-dire entre une identité qui serait biologique, le sexe, et une identité qui serait sociale, le genre. Jusqu'à présent, on considère que le genre, l'expression sociale, dépend de son sexe biologique. C'est parce que nous sommes biologiquement des hommes ou des femmes que nous allons socialement être des hommes ou des femmes. Judith Butler propose l'analyse contraire. Elle montre que la biologie est en réalité plurielle, qu'il n'y a pas deux sexes bien distincts, mais plutôt des variations hormonales, chromosomiques et génitales. Il n'y a pas deux sexes biologiques bien distincts. Ce que montre Butler, c'est que le concept de sexe n'est pas biologique, mais il est plutôt construit socialement. Butler pense sous l'angle de la performance, de la performativité. Ce sont les discours qui vont façonner les pratiques sociales. Dès la naissance d'un enfant, nous allons proclamer, c'est un garçon. ou c'est une fille. Et ensuite, nous allons tenter de faire se conformer l'enfant au modèle qui est dominant dans la société. Se conformer à l'image de l'homme ou se conformer à l'image de la femme. L'identité de genre est alors toujours rejouée, performée dans la société. C'est ce que Butler appelle la performativité. C'est la performance qui crée la réalité. Et c'est exactement ce qui s'est passé dans la gifle. Déjà, prenons le contexte. Cela se passe dans une cérémonie des Oscars, donc une cérémonie qui récompense un jeu d'acteur. Le cadre est donc intégralement théâtralisé et c'est la raison pour laquelle autant de gens se sont demandé s'il s'agissait d'un sketch ou bien d'une scène réelle. Un acteur qui gifle un humoriste avouait qu'il y a quand même de quoi se poser des questions. Quant à la question du genre, elle est ici omniprésente. Pourquoi ? Déjà parce que l'humoriste va se moquer de Jada Pinkett au sujet de ses cheveux. Elle perd ses cheveux et c'est ça qui va générer une plaisanterie. Or les cheveux, c'est le symbole par excellence de la féminité. Jada Pinkett perd ses cheveux, ce qui fait qu'elle est déchue d'une partie de sa féminité. Et c'est exactement ça que ne peut pas supporter Will Smith. Will Smith se lève et va asséner une gifle. La gifle, c'est le symbole de l'humiliation publique par excellence. Et si Will Smith fait ça, c'est pour défendre l'honneur de sa femme. Jada Pinkett se voit privée de parole, tandis que son mari parle et agit à sa place et en son nom. Dans les mois qui suivent, Will Smith s'excuse et dit cette phrase L'amour vous fait faire des choses folles Un discours que l'on entend souvent dans le cadre des violences conjugales ou des crimes censément passionnels. L'idée que c'est l'amour qui vous conduit à la violence. Et ça, c'est une performance de masculinité. C'est une manière de surjouer la masculinité dans l'espace public. L'humoriste répondra en disant il n'a pas supporté que je fasse une blague sur les cheveux ou plutôt sur le fait que sa femme le trompe. Là encore, question d'honneur et question de masculinité bafouée. Cette gifle rejoue donc les rôles de la féminité et de la masculinité dans l'espace public, exactement comme dans la théorie de Butler. La question, c'est donc ce que pourrait signifier l'exclusion de Will Smith de l'Académie des Oscars. Est-ce qu'il s'agit d'une condamnation d'une masculinité caricaturale fondée sur la violence, l'honneur et le déshonneur ? Ou bien, est-ce le fait pour l'Académie des Oscars de vouloir polisser sa cérémonie ? Et dans ce cas, le problème, ce ne serait pas tellement la masculinité ou la violence, mais plutôt le fait d'avoir bafoué la performance, d'avoir bafoué l'espace de théâtralisation et l'espace de jeu d'acteur. Et si je dis ça, c'est parce que malgré quelques remises en question du monde du cinéma, après des événements comme Me Too, on est quand même encore loin d'une véritable remise en question et condamnation du comportement possiblement violent des acteurs. On voit par exemple que des acteurs comme Johnny Depp ou Brad Pitt continuent à tourner, alors même qu'ils ont été condamnés ou accusés de violences conjugales. Et je ne parle même pas de la France, où les affaires se succèdent, se ressemblent et ne font rien avancer. Pour Butler, il faut en tout cas penser la résistance à partir de la réappropriation de la performance. Et c'est peut-être ce qu'a fait la femme de Will Smith quand, suite à cette gifle, elle n'a pas eu peur de critiquer ce geste et de raconter leurs déboires sentimentaux. Finalement, d'afficher cette vulnérabilité et de sortir de cette injonction à l'honneur et au déshonneur. Finalement, c'est elle qui reprend le pouvoir sur cet événement et qui décide d'asséner une gifle, non pas à Will Smith ou à Chris Rock, mais bien à une image toxique et violente de la masculinité. Allez, je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour un nouvel épisode de Pop Culture. Et en attendant, abonnez-vous au compte Instagram du Fil d'Actu, arrobase lefildactu.podcast, pour des informations exclusives. Et ce ne serait pas l'heure de se reprendre une glace, là ?

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Will Smith repart, tête haute, vers son siège, pendant que le présentateur Chris Rock, abasourdi, dit Wow, Will Smith vient de me démonter la tête La caméra, ni une ni deux, filme le visage de Will Smith. Celui-ci tremble de colère et dit au présentateur Garde le nom de ma femme hors de ta putain de bouche La salle comprend peu à peu qu'il ne s'agissait pas d'une mise en scène, mais d'un moment réel. Cet événement a eu une incidence importante puisque Will Smith a été banni de l'Académie des Oscars pour les dix prochaines années. Et cela a créé évidemment une polémique sur l'usage de la violence. Est-il légitime de faire usage de violence sous la forme d'une gifle pour protéger et défendre ceux qu'on aime quand ils sont humiliés publiquement ? Mais ce qui m'intéresse dans cette histoire, c'est plutôt la question de la performance, à partir de la philosophie de Judith Butler. En 1990, la philosophe Judith Butler publie un livre, Troubles dans le genre, qui révolutionne totalement notre manière de penser le lien entre sexe et genre, c'est-à-dire entre une identité qui serait biologique, le sexe, et une identité qui serait sociale, le genre. Jusqu'à présent, on considère que le genre, l'expression sociale, dépend de son sexe biologique. C'est parce que nous sommes biologiquement des hommes ou des femmes que nous allons socialement être des hommes ou des femmes. Judith Butler propose l'analyse contraire. Elle montre que la biologie est en réalité plurielle, qu'il n'y a pas deux sexes bien distincts, mais plutôt des variations hormonales, chromosomiques et génitales. Il n'y a pas deux sexes biologiques bien distincts. Ce que montre Butler, c'est que le concept de sexe n'est pas biologique, mais il est plutôt construit socialement. Butler pense sous l'angle de la performance, de la performativité. Ce sont les discours qui vont façonner les pratiques sociales. Dès la naissance d'un enfant, nous allons proclamer, c'est un garçon. ou c'est une fille. Et ensuite, nous allons tenter de faire se conformer l'enfant au modèle qui est dominant dans la société. Se conformer à l'image de l'homme ou se conformer à l'image de la femme. L'identité de genre est alors toujours rejouée, performée dans la société. C'est ce que Butler appelle la performativité. C'est la performance qui crée la réalité. Et c'est exactement ce qui s'est passé dans la gifle. Déjà, prenons le contexte. Cela se passe dans une cérémonie des Oscars, donc une cérémonie qui récompense un jeu d'acteur. Le cadre est donc intégralement théâtralisé et c'est la raison pour laquelle autant de gens se sont demandé s'il s'agissait d'un sketch ou bien d'une scène réelle. Un acteur qui gifle un humoriste avouait qu'il y a quand même de quoi se poser des questions. Quant à la question du genre, elle est ici omniprésente. Pourquoi ? Déjà parce que l'humoriste va se moquer de Jada Pinkett au sujet de ses cheveux. Elle perd ses cheveux et c'est ça qui va générer une plaisanterie. Or les cheveux, c'est le symbole par excellence de la féminité. Jada Pinkett perd ses cheveux, ce qui fait qu'elle est déchue d'une partie de sa féminité. Et c'est exactement ça que ne peut pas supporter Will Smith. Will Smith se lève et va asséner une gifle. La gifle, c'est le symbole de l'humiliation publique par excellence. Et si Will Smith fait ça, c'est pour défendre l'honneur de sa femme. Jada Pinkett se voit privée de parole, tandis que son mari parle et agit à sa place et en son nom. Dans les mois qui suivent, Will Smith s'excuse et dit cette phrase L'amour vous fait faire des choses folles Un discours que l'on entend souvent dans le cadre des violences conjugales ou des crimes censément passionnels. L'idée que c'est l'amour qui vous conduit à la violence. Et ça, c'est une performance de masculinité. C'est une manière de surjouer la masculinité dans l'espace public. L'humoriste répondra en disant il n'a pas supporté que je fasse une blague sur les cheveux ou plutôt sur le fait que sa femme le trompe. Là encore, question d'honneur et question de masculinité bafouée. Cette gifle rejoue donc les rôles de la féminité et de la masculinité dans l'espace public, exactement comme dans la théorie de Butler. La question, c'est donc ce que pourrait signifier l'exclusion de Will Smith de l'Académie des Oscars. Est-ce qu'il s'agit d'une condamnation d'une masculinité caricaturale fondée sur la violence, l'honneur et le déshonneur ? Ou bien, est-ce le fait pour l'Académie des Oscars de vouloir polisser sa cérémonie ? Et dans ce cas, le problème, ce ne serait pas tellement la masculinité ou la violence, mais plutôt le fait d'avoir bafoué la performance, d'avoir bafoué l'espace de théâtralisation et l'espace de jeu d'acteur. Et si je dis ça, c'est parce que malgré quelques remises en question du monde du cinéma, après des événements comme Me Too, on est quand même encore loin d'une véritable remise en question et condamnation du comportement possiblement violent des acteurs. On voit par exemple que des acteurs comme Johnny Depp ou Brad Pitt continuent à tourner, alors même qu'ils ont été condamnés ou accusés de violences conjugales. Et je ne parle même pas de la France, où les affaires se succèdent, se ressemblent et ne font rien avancer. Pour Butler, il faut en tout cas penser la résistance à partir de la réappropriation de la performance. Et c'est peut-être ce qu'a fait la femme de Will Smith quand, suite à cette gifle, elle n'a pas eu peur de critiquer ce geste et de raconter leurs déboires sentimentaux. Finalement, d'afficher cette vulnérabilité et de sortir de cette injonction à l'honneur et au déshonneur. Finalement, c'est elle qui reprend le pouvoir sur cet événement et qui décide d'asséner une gifle, non pas à Will Smith ou à Chris Rock, mais bien à une image toxique et violente de la masculinité. Allez, je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour un nouvel épisode de Pop Culture. Et en attendant, abonnez-vous au compte Instagram du Fil d'Actu, arrobase lefildactu.podcast, pour des informations exclusives. Et ce ne serait pas l'heure de se reprendre une glace, là ?

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Cet été, le Phil d'Actu se met à la pop culture ! Ben oui, qui a dit que la philosophie, ça ne pouvait pas être un peu léger ?

Chaussez vos tongs et prenez une glace à la fraise : tous les vendredis, on revient sur des événements qui ont marqué la pop culture ces 30 dernières années...

Cinéma, musique, stars, jeux vidéos, sport : tout ce qu'il faut pour passer de belles vacances !



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  • Speaker #0

    Psst, c'est l'été du fil d'actu. Chaussez vos tongs et prenez du popcorn, tout l'été. Je vous propose des épisodes consacrés à des grands événements qui ont marqué la pop culture de ces 30 dernières années. A déguster en 5 minutes avec une bonne glace à la fraise. Bon été ! En 2022, la cérémonie des Oscars aux Etats-Unis a été marquée par un événement pour le moins inattendu. Le présentateur, Chris Rock, fait une blague douteuse sur Jada Pinkett, la femme de Will Smith. Sa blague porte sur le fait que Jada Pinkett a le crâne presque rasé et pour cause, elle souffre d'alopécie, une maladie qui fait perdre ses cheveux. Tout d'un coup, l'acteur Will Smith se lève, marche d'un pas décidé vers la scène et assène une gifle retentissante au présentateur Chris Rock. Sidération dans la salle, rire gêné, s'agit-il d'un sketch, d'une mise en scène ? ou bien d'une gifle authentique. Will Smith repart, tête haute, vers son siège, pendant que le présentateur Chris Rock, abasourdi, dit Wow, Will Smith vient de me démonter la tête La caméra, ni une ni deux, filme le visage de Will Smith. Celui-ci tremble de colère et dit au présentateur Garde le nom de ma femme hors de ta putain de bouche La salle comprend peu à peu qu'il ne s'agissait pas d'une mise en scène, mais d'un moment réel. Cet événement a eu une incidence importante puisque Will Smith a été banni de l'Académie des Oscars pour les dix prochaines années. Et cela a créé évidemment une polémique sur l'usage de la violence. Est-il légitime de faire usage de violence sous la forme d'une gifle pour protéger et défendre ceux qu'on aime quand ils sont humiliés publiquement ? Mais ce qui m'intéresse dans cette histoire, c'est plutôt la question de la performance, à partir de la philosophie de Judith Butler. En 1990, la philosophe Judith Butler publie un livre, Troubles dans le genre, qui révolutionne totalement notre manière de penser le lien entre sexe et genre, c'est-à-dire entre une identité qui serait biologique, le sexe, et une identité qui serait sociale, le genre. Jusqu'à présent, on considère que le genre, l'expression sociale, dépend de son sexe biologique. C'est parce que nous sommes biologiquement des hommes ou des femmes que nous allons socialement être des hommes ou des femmes. Judith Butler propose l'analyse contraire. Elle montre que la biologie est en réalité plurielle, qu'il n'y a pas deux sexes bien distincts, mais plutôt des variations hormonales, chromosomiques et génitales. Il n'y a pas deux sexes biologiques bien distincts. Ce que montre Butler, c'est que le concept de sexe n'est pas biologique, mais il est plutôt construit socialement. Butler pense sous l'angle de la performance, de la performativité. Ce sont les discours qui vont façonner les pratiques sociales. Dès la naissance d'un enfant, nous allons proclamer, c'est un garçon. ou c'est une fille. Et ensuite, nous allons tenter de faire se conformer l'enfant au modèle qui est dominant dans la société. Se conformer à l'image de l'homme ou se conformer à l'image de la femme. L'identité de genre est alors toujours rejouée, performée dans la société. C'est ce que Butler appelle la performativité. C'est la performance qui crée la réalité. Et c'est exactement ce qui s'est passé dans la gifle. Déjà, prenons le contexte. Cela se passe dans une cérémonie des Oscars, donc une cérémonie qui récompense un jeu d'acteur. Le cadre est donc intégralement théâtralisé et c'est la raison pour laquelle autant de gens se sont demandé s'il s'agissait d'un sketch ou bien d'une scène réelle. Un acteur qui gifle un humoriste avouait qu'il y a quand même de quoi se poser des questions. Quant à la question du genre, elle est ici omniprésente. Pourquoi ? Déjà parce que l'humoriste va se moquer de Jada Pinkett au sujet de ses cheveux. Elle perd ses cheveux et c'est ça qui va générer une plaisanterie. Or les cheveux, c'est le symbole par excellence de la féminité. Jada Pinkett perd ses cheveux, ce qui fait qu'elle est déchue d'une partie de sa féminité. Et c'est exactement ça que ne peut pas supporter Will Smith. Will Smith se lève et va asséner une gifle. La gifle, c'est le symbole de l'humiliation publique par excellence. Et si Will Smith fait ça, c'est pour défendre l'honneur de sa femme. Jada Pinkett se voit privée de parole, tandis que son mari parle et agit à sa place et en son nom. Dans les mois qui suivent, Will Smith s'excuse et dit cette phrase L'amour vous fait faire des choses folles Un discours que l'on entend souvent dans le cadre des violences conjugales ou des crimes censément passionnels. L'idée que c'est l'amour qui vous conduit à la violence. Et ça, c'est une performance de masculinité. C'est une manière de surjouer la masculinité dans l'espace public. L'humoriste répondra en disant il n'a pas supporté que je fasse une blague sur les cheveux ou plutôt sur le fait que sa femme le trompe. Là encore, question d'honneur et question de masculinité bafouée. Cette gifle rejoue donc les rôles de la féminité et de la masculinité dans l'espace public, exactement comme dans la théorie de Butler. La question, c'est donc ce que pourrait signifier l'exclusion de Will Smith de l'Académie des Oscars. Est-ce qu'il s'agit d'une condamnation d'une masculinité caricaturale fondée sur la violence, l'honneur et le déshonneur ? Ou bien, est-ce le fait pour l'Académie des Oscars de vouloir polisser sa cérémonie ? Et dans ce cas, le problème, ce ne serait pas tellement la masculinité ou la violence, mais plutôt le fait d'avoir bafoué la performance, d'avoir bafoué l'espace de théâtralisation et l'espace de jeu d'acteur. Et si je dis ça, c'est parce que malgré quelques remises en question du monde du cinéma, après des événements comme Me Too, on est quand même encore loin d'une véritable remise en question et condamnation du comportement possiblement violent des acteurs. On voit par exemple que des acteurs comme Johnny Depp ou Brad Pitt continuent à tourner, alors même qu'ils ont été condamnés ou accusés de violences conjugales. Et je ne parle même pas de la France, où les affaires se succèdent, se ressemblent et ne font rien avancer. Pour Butler, il faut en tout cas penser la résistance à partir de la réappropriation de la performance. Et c'est peut-être ce qu'a fait la femme de Will Smith quand, suite à cette gifle, elle n'a pas eu peur de critiquer ce geste et de raconter leurs déboires sentimentaux. Finalement, d'afficher cette vulnérabilité et de sortir de cette injonction à l'honneur et au déshonneur. Finalement, c'est elle qui reprend le pouvoir sur cet événement et qui décide d'asséner une gifle, non pas à Will Smith ou à Chris Rock, mais bien à une image toxique et violente de la masculinité. Allez, je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour un nouvel épisode de Pop Culture. Et en attendant, abonnez-vous au compte Instagram du Fil d'Actu, arrobase lefildactu.podcast, pour des informations exclusives. Et ce ne serait pas l'heure de se reprendre une glace, là ?

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