Speaker #0Psst, c'est l'été du fil d'actu. Chaussez vos tongs et prenez du popcorn. Tout l'été, je vous propose des épisodes consacrés à des grands événements qui ont marqué la pop culture de ces 30 dernières années. À déguster en 5 minutes avec une bonne glace à la fraise. Bon été ! Pour ce dernier épisode de la série spéciale été du fil d'actu, je vous ai gardé le meilleur pour la fin. En tout cas, moi c'est mon épisode préféré. On va parler du yacht de Bernard Arnault. On aurait pu aussi bien parler de ses jets privés, hein ? Mais ce qui est pas mal avec le yacht, c'est que c'est vraiment le symbole de la consommation à outrance et de manière visible. Un yacht, c'est une espèce d'énorme machin posé au milieu de la mer, dans lequel le milliardaire veut se prélasser à la fois à l'abri des regards et en même temps au milieu de tout le monde. Le jet privé, il est dans le ciel, il est toujours en mouvement, on a moins l'occasion de le voir. Le yacht, c'est vraiment l'opulence poussée à l'extrême. Alors qu'est-ce qu'on peut bien dire de philosophique sur le yacht de Bernard Arnault ? Il y a évidemment des problématiques économiques et sociales, la question du partage des richesses notamment, et puis des problématiques écologiques, parce que le yacht c'est vraiment une aberration écologique. Mais c'est pas cet angle-là qui m'intéresse aujourd'hui. Moi je voudrais m'intéresser à un sujet qu'on n'aborde pas souvent, c'est la question du bonheur, le bonheur de Bernard. Ben oui, Bernard il a un yacht, il a des jets, mais est-ce qu'il est heureux Bernard ? Alors avec Schopenhauer... On va se poser la question. Schopenhauer est un philosophe allemand, fin XVIIIe, début XIXe siècle. Et on ne peut pas vraiment le qualifier de philosophe jovial. Schopenhauer nous dit cette phrase La vie oscille comme un pendule entre souffrance et ennui. Ambiance. Qu'est-ce qu'il veut dire par là ? Schopenhauer identifie le désir comme étant le moteur de toute la vie, la vie humaine mais aussi non humaine. Le désir ou encore ce qu'il appelle la volonté. La volonté, c'est cette espèce de force brute, parfois consciente, parfois inconsciente, qui nous fait agir, pas toujours de manière rationnelle. La volonté, c'est une espèce d'instinct aveugle, et c'est cette volonté qui nous fait osciller entre souffrance et ennui. Pourquoi ? Parce que quand nous désirons quelque chose, ce quelque chose nous manque. Nous souffrons donc de la non-satisfaction de ce désir, et nous allons tout mettre en œuvre pour pouvoir le satisfaire. Mais une fois que ce désir est satisfait, Nous sommes contents pendant un petit moment, et puis, très vite, nous nous ennuyons. En raison de notre volonté et de cette force qui nous pousse à sans cesse désirer, nous oscillons donc entre souffrance quand c'est le manque, et ennui quand les désirs sont satisfaits. Chaque désir satisfait laisse place à un nouveau désir, ce qui nous enferme dans un cycle infernal du désir. Selon Schopenhauer, l'homme est donc condamné à une vie de souffrance. Alors quel rapport avec Bernard Arnault ? Bon, ça me paraît assez évident. Bernard Arnault est mu par une volonté insatiable de satisfaction de ses désirs, mais le problème, c'est que lui, il a les moyens illimités pour satisfaire tous ses désirs. Et comme rien ne peut s'opposer à ses désirs et que ses désirs sont toujours satisfaits, sa souffrance est toujours plus grande et son ennui aussi. Bernard est très malheureux. Donc il est dans une espèce de surenchère qui le fait rompre avec toute rationalité. Parce que, pardonnez-moi, mais comment est-ce qu'on peut vouloir rationnellement quelque chose qui détruit la planète et donc la vie future de ses enfants ? Bernard Arnault est prisonnier d'une folie du désir. Et il correspond totalement à cette citation de Schopenhauer. Chaque individu, en dépit de sa petitesse, bien que perdu, anéanti au milieu d'un monde sans borne, ne se prend pas moins pour le centre de tout, faisant plus de cas de son existence et de son bien-être que de ceux de tout le reste. Vous voyez ? Bernard Arnault devrait lire Schopenhauer, parce que Schopenhauer nous donne une porte de sortie. Il nous dit que comme nous sommes mus par la volonté et que c'est cette volonté qui conduit à notre souffrance et à notre malheur, il faut faire en sorte de se soustraire à cette volonté. Il faut aller vers l'ascétisme. La seule façon d'être heureux pour Schopenhauer, c'est de ne pas être malheureux. C'est donc de tenter de se soustraire au cycle infernal du désir. Alors, rends le yacht, Bernard ! Et la deuxième piste que propose Schopenhauer, c'est de transcender nos désirs, d'en faire des désirs qui échappent à une volonté purement bestiale ou purement instinctive. Nous pouvons donc nous consoler dans la contemplation esthétique et dans le domaine artistique. Attention Bernard, le vrai domaine artistique, on ne parle pas de créer une fondation Vuitton pour te faire mousser et lutter contre ton rival François Pinault et bénéficier de plus de 500 millions de réductions d'impôts. On parle de vraiment se vouer à la contemplation et la méditation. Alors, pour le bonheur de Bernard, et aussi le bonheur de tous, car il faut quand même admettre que Bernard Arnault détruit un tout petit peu la planète avec ses activités. Mais quand même, avant tout, pour le bonheur de Bernard, espérons qu'il lise Schopenhauer et qu'il s'oriente vers une voie de contemplation et de méditation. Namasté, Bernard. C'était le dernier épisode de la série spécialité du Fil d'actu. J'espère que vous avez apprécié ce voyage dans le temps et dans la pop culture. On se retrouve mercredi prochain pour un nouvel épisode du Fil d'actu. Car oui, ça y est, c'est la rentrée. Fini l'exercice à la fraise.