Speaker #0C'est-à-dire qu'à refuser absolument que les mots aient un genre, on est en train tout simplement de les dénaturer. Donc, oui, les mots ont un genre, et oui, ce genre, parfois, peut aller carrément changer leur sens. Bonjour et bienvenue dans cet épisode 7 du podcast d'Oxymor & Mor, le poids des mots. Aujourd'hui, genre. Genre les mots c'est genrer. Alors oui en 2025 on peut encore parler de genre, on a le droit de le faire et d'ailleurs on va prendre le droit et le gauche aujourd'hui puisqu'on va s'intéresser non seulement au genre des mots mais également aux liens qu'ils ont avec l'hémisphère du cerveau, le droit ou le gauche. Bonjour, je m'appelle Sonia Vignon, je suis linguiste spécialiste en rhétorique et en sémantique. J'ai travaillé en France, au Canada, et j'ai rencontré tellement de gens merveilleux qui avaient un rapport au mot et à la langue différent que je me suis rendue compte que c'est ce qui faisait notre singularité et notre humanité. Pour commencer, parlons un peu du cerveau. Ce petit truc. qui relie nos deux oreilles et qui parfois semble faire cruellement défaut à certains de nos interlocuteurs. Aujourd'hui, on entend souvent les hommes, le cerveau gauche, ou les hommes, le cerveau droit, les femmes, tout ça. Est-ce que c'est vrai, pour commencer ? Pas vraiment. En fait, on va vraiment constater des différences dans le cerveau d'un point de vue du genre, donc féminin ou masculin, mais ça n'est pas tant la localisation que la latéralisation. En fait, le cerveau travaille sur le langage de deux façons. Il a d'abord l'air de Ausha, qui est dans le lobe frontal, et qui est l'air qui parle plutôt production, syntaxe, c'est-à-dire vraiment comment on fabrique le langage. Et puis l'air de vernique, qui est l'air du lobe temporal. Alors celle-ci, elle est plutôt celle qui nous intéresse tous les jours, puisque c'est celle de la compréhension. Comment est-ce que je comprends les choses ? Et il se trouve qu'entre les deux. Il y a ce qu'on appelle le fascicule arché, et c'est ce qui permet que les deux aires du cerveau communiquent entre ce que je produis et comment je le comprends, ou ce que l'autre produit et comment je le comprends. Pour ça, pas tellement de complexité genrée, par définition, bon, on a tous à peu près le même. En revanche, là où ça se complique, c'est que d'un côté, les hommes sont plus souvent latéralisés à gauche, alors que les femmes, elles, elles communiquent mieux. même dans leur cerveau, a priori, ça va plus vite et les deux zones communiquent mieux. C'est ce qui permet qu'on ait peut-être un tout petit peu plus parfois de subtilité ou de nuance. Ça va, ne sortez pas les fourches, on n'est pas en train de dire que c'est une réalité absolue, simplement quelques petits faits physiques, physiologiques et scientifiques pour expliquer des choses. Mais en réalité... Ce qui fait la différence, c'est tout simplement la plasticité neuronale, la plasticité de notre cerveau. Le fait que nos cerveaux naissent d'une certaine manière et puis ensuite sont façonnés. Et par quoi est-ce qu'ils sont façonnés ? Tout simplement, notre éducation, notre expérience, nos expériences, notre rapport au monde. Et c'est là que l'on peut commencer à genrer un petit peu. Il y a des statistiques qui prouvent aujourd'hui que les petites filles, avant le CE2, Elles veulent devenir astronautes, physiciennes. Elles n'ont pas du tout de problème à envisager les métiers scientifiques, par exemple. Et après le CE2, tatra patatrouche, eh bien, on préfère devenir infirmière, maîtresse ou maman. Ce n'est pas qu'il y a une réelle propension à avoir des métiers mieux que les autres ou des métiers genrés, pas du tout. C'est simplement que dans notre éducation et dans ce qu'on entend tous les jours, eh bien, quand on est une fille, on va plus souvent entendre Non, mais littéraire, culturelle. Ah, ben c'est bien, elle aime prendre soin. Voilà, on va avoir un langage dédié très spécifique. Alors que les garçons peuvent entendre des trucs du genre, ça va, tu vas pas pleurer, t'es pas une fille. Donc là, est-ce qu'on est en train de genrer le langage ? Non, mais est-ce qu'on est en train d'utiliser le langage pour genrer nos cerveaux et nos comportements ? Sans aucun doute. Voilà pourquoi aujourd'hui, on va se concentrer sur le rapport au mot genré. Ça veut dire que ça se fait sur deux niveaux. Le premier, et bien tout simplement, quand je parle d'un maître, j'ai plusieurs définitions qui me viennent, mais quand je parle d'une maîtresse, il peut y en avoir une qui n'existe pas de l'autre côté et qui est assez claire pour tout le monde. Ça, C'est le genre des mots qui amène une définition différente. On en parlera bien sûr. Et puis il y a aussi le fait de dire, il y a des mots que l'on réserve à un sexe, plutôt dans l'éducation, ou dans la vie professionnelle, ou dans la société. J'ai vu il n'y a pas longtemps un sketch que je trouvais génial d'une humoriste qui s'appelle Caroline Vigneault, et qui disait, on aura l'égalité le jour où quand une jeune fille de 18 ans sortira, on lui dira, amuse-toi, comme on peut dire à un jeune homme de 18 ans. là où aujourd'hui on lui dit « fais attention » . Et ça aussi, c'est une façon de genrer le langage. C'est pas seulement le fait que certains mots au féminin aient un sens différent, c'est aussi le fait que certains mots pour les femmes ne soient jamais utilisés, ou en tout cas, que certains contextes ne génèrent pas les mêmes réactions verbales, et alors non verbales, on n'en parle pas, pour les femmes. Alors, on va commencer ? par se concentrer sur le fait que certains mots changent de sens suivant qu'ils sont masculins ou féminins. Et souvent, malheureusement, on ne va pas se mentir, ce sens devient, comment dire, un tout petit peu connoté. Je donnais l'exemple tout à l'heure du maître et de la maîtresse, évidemment, mais il y en a plein. Si on part dans les mots un petit peu vulgaires, de base, un salaud, ça a vraiment quelque chose de l'ordre du mauvais gars, de quelqu'un qui n'a pas de... pas de valeur, qui va essayer de prendre votre argent ou votre dignité. Ça, c'est un salaud. Une salope, pardon, mais ça n'a plus rien à voir. C'est éminemment sexué. Et ça, on ne peut pas le nier. On ne peut pas nier qu'aujourd'hui, certains mots prennent une signification beaucoup plus sexuelle ou sexualisée en fonction qu'ils soient masculins ou féminins. Par exemple, un entraîneur, vous voyez bien le sportif, une entraîneuse, C'est pas le même genre de sport. Et ça, c'est quelque chose qu'on ne peut pas nier. Si on nie, eh bien, tout simplement, on arrive sur des trucs aussi bas de plafond que d'essayer de mettre un point médian dans un mot comme ensemble, qui est, par définition épicène, et donc non genré. C'est-à-dire qu'à refuser absolument que les mots aient un genre, on est en train tout simplement de les dénaturer. Donc, oui. Les mots ont un genre, et oui, ce genre, parfois, peut aller carrément changer leur sens. La deuxième partie, elle, elle est beaucoup plus vaste. C'est le fait de dire, ok, nos cerveaux sont plastiques, nos cerveaux évoluent en même temps que nous, et donc nos cerveaux sont impactés par notre environnement, notre éducation, notre âge, notre expérience, notre environnement social et culturel. culturel dans tous les sens du terme. Culture pays, culture métier, culture familiale. Il y a énormément de cultures. Ça aussi, ça pourrait faire l'objet d'un épisode d'ailleurs. Ces mots qui renferment tellement de concepts à l'intérieur d'eux. Et pour le coup, quand on a 20 ans et qu'on est une femme, on n'aura pas exactement eu le même rapport au mot que quand on a 20 ans et qu'on est un jeune homme. Une jeune femme, un jeune homme. Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce que sans s'en rendre compte, contre les gens de notre entourage vont nous parler différemment. On ne parle pas de la même manière aujourd'hui à un homme et à une femme. Ce serait faux de l'admettre. Et on n'a pas les mêmes sous-jacents non plus. On dit souvent que la communication, c'est trois choses. Verbal, non-verbal, para-verbal. Le verbal, c'est bien simple, ce sont les mots. Ce qu'on produit, le sens qu'on met derrière eux. Le non-verbal, c'est tout ce qui touche plutôt... Eh bien, l'intonation, le regard, la manière dont on va produire les mots. Et le para, c'est le contexte. Et alors là, joyeux Noël les enfants, parce que le contexte est tellement important aujourd'hui qu'il peut faire tout changer vraiment d'une minute à l'autre, suivant qu'on a ou pas les mots adaptés. Nier le genre de la langue et nier le fait que, aujourd'hui encore, elle est utilisée dans le cas des femmes plutôt dans des champs lexicaux spécifiques, c'est un mensonge. Ce serait nier notre quotidien à toutes et à tous. Pour le coup, on n'a pas la même réaction aujourd'hui dans le langage face à une femme qui s'énerve et à un homme qui s'énerve. Elle est hystérique, il est colérique. On n'a pas les mêmes implications avec une petite fille qui veut être astronaute qu'avec un garçon. On n'a pas du tout les mêmes, et on en parlait en introduction. Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce qu'à partir du CE2, il a été prouvé que les maîtres, les maîtresses, les enseignants... Tous les adultes, les parents, les familles, vont avoir une autre lecture de l'avenir suivant qu'ils sont en train de parler à une fille ou à un garçon. Ce n'est pas tout le monde, toujours pareil, on n'est pas en train de faire la généralité absolue là. Mais malgré tout, c'est vrai. Et les statistiques sont terribles. On voit vraiment un effondrement dans les carrières scientifiques chez les filles avant et après, disons, la deuxième partie de l'école primaire. Parce que c'est à ce moment-là qu'on commence à induire des sciences un petit peu complexes et à ne plus avoir les mêmes réactions face à la démotivation féminine et la démotivation masculine. À ne plus mettre les mêmes attentes face aux uns et face aux autres. Et donc à ne plus générer les mêmes réactions en face. Mais tout ça part du langage. Je vous donne un exemple. On dit régulièrement à des petites filles « Ah, il t'a tiré les cheveux ? Oh, mais c'est parce qu'il t'aime bien ! » Mais à quel moment, en fait, les enfants ? Pas du tout ! Parce que là, on est en train d'induire par le langage et par l'éducation, dans le cerveau de la petite fille à laquelle on parle, que la violence peut être synonyme de plaisir et de désir. Que si un garçon vous trouve joli, il a le droit de vous faire mal. Alors vous allez me dire, bon, là, il y a mille raccourcis, c'est pas du tout vrai. Eh bien, tant que ça, c'est un raccourci. Mais comme derrière, on va avoir ça. tout le long de notre vie, forcément, ça va un petit peu impacter. Et on le sait, il y a vraiment une neuroplasticité. Nos cerveaux sont vraiment malléables en fonction de ce qu'ils entendent en permanence. C'est pour ça d'ailleurs, et on ne va pas rentrer dans un truc psy, ce n'est pas aujourd'hui qu'on va aller étudier le comportement masculin toxique ou le comportement féminin toxique. Mais en tout cas, ce qu'on sait, c'est que les gens qui ont été en couple toxique, à force d'avoir entendu qu'ils étaient laids, par exemple, peuvent vraiment se trouver laid. Que des enfants, à force d'avoir entendu qu'ils étaient bêtes, peuvent vraiment douter de leur valeur intellectuelle. Que les petites filles, à force d'avoir entendu que les métiers scientifiques c'était pas pour les filles, peuvent en être absolument convaincues. J'ai travaillé avec une fondation qui s'appelle La Fondation C'est Génial, et qui d'ailleurs elle pour le coup, comme son nom l'indique, est géniale, qui vraiment fait des campagnes incroyables pour attirer les filles au métier scientifique. Ça n'existerait pas s'il n'y avait pas cette réalité tangible de la différence d'encouragement, d'ouverture et de mot pour les filles au niveau de leurs études. Ça n'existerait pas si on disait exactement la même chose aux filles et aux garçons. On prenait l'exemple tout à l'heure d'une jeune fille qui sort, fais attention, et d'un jeune homme qui sort, amuse-toi. Ça, c'est... 90% du temps. Bien sûr qu'il y a des exceptions qui confirment la règle. Il y a toujours une exception qui confirme la règle. Mais pour le coup, si on est honnête, la réalité, c'est que la société actuelle est genrée, mais elle est même parfois genrée de façon positive. C'est pas négatif de genrer. C'est pas négatif de vouloir protéger une jeune fille aujourd'hui. Malheureusement, on sait qu'elle aura peut-être plus de difficultés dans un métro qu'un garçon. Le truc, c'est simplement d'oser assumer que l'on a des éléments de langage différents en fonction des personnes avec lesquelles on parle et que culturellement, il peut être parfois très orienté notre langage sans le faire exprès. C'est comme ça. On a entendu ça, on a répété ça et on a ancré ça. C'est là que la neurosciences intervient, que la neurolinguistique très particulièrement intervient parce qu'en fait, oui, nos cerveaux vont entendre, entendre. entendre et donc ancrer ce qu'ils ont entendu. Ça, c'est la réalité du langage. Le langage va venir créer quelque chose à l'intérieur de nous comme une marque indélébile. C'est pour ça aussi qu'on a les petites phrases qui font mal. Et ça, on fera un épisode autour de ça. Mais donc, tout simplement, on va simplement aujourd'hui s'arrêter sur le fait de dire oui, la langue est genrée. Le masculin et le féminin d'un même mot peuvent ne pas du tout... tout avoir le même signifiant parce que l'usage de la langue a créé le distinguo. Au départ, je suppose qu'un maître et une maîtresse, c'était le même mot masculin et féminin. Et aujourd'hui, ce n'est plus du tout le cas. Ça a pris des chemins différents. L'entraîneur, l'entraîneuse. On peut revenir au même mot. Le prince et la princesse. C'est étonnant à quel point, même ça, aujourd'hui, ça n'a pas le même sens, alors que ça ramène précisément à la même chose. Donc, avant de vouloir absolument l'égalité en niant, je pense qu'il faudrait réfléchir à une égalité en nommant. C'est-à-dire que si on veut changer les choses et si on veut lutter contre le genre des mots, pourquoi pas ? C'est un combat qui prendra des centaines d'années, mais pourquoi pas ? Il faut simplement se dire, OK, donc on doit les utiliser exactement de la même manière, quel que soit notre interlocuteur. Et est-ce que c'est souhaitable ? Ça, c'est la question qu'il faut vraiment se poser. Est-ce que c'est possible ? Là aussi, c'est une question à se poser. Mais la réalité, c'est plutôt, est-ce qu'on n'assumerait pas le fait que l'on doit dire des choses différentes en fonction de notre interlocuteur, de son âge, de son éducation, de son origine, de sa capacité à entendre et de son sexe, plutôt que d'essayer d'annuler tout ça et de vouloir uniformiser même les humains. Les humains... ne sont pas uniformes, ils ne sont pas uniques, ils sont singuliers. Et le fait d'essayer de le nier ne permettra pas de rendre les choses plus faciles pour tous, bien au contraire. Donc, la langue est genrée, très bien. Mais peut-être qu'on peut utiliser des mots genrés féminins pour un homme si on sent que pour lui, ce sera plus juste. C'est peut-être ça la vraie révolution. Non pas le genre, mais la justesse. Et si on passe par la justesse, on arrivera peut-être à la justice. Voilà le projet punk linguiste du moment. Pour résumer, tant qu'on expliquera aux petites filles qu'il faut qu'elles soient gentilles et qu'on dira aux garçons de ne pas pleurer parce que ce n'est pas des filles, on va genrer non pas les mots mais les cerveaux. de nos enfants et le langage inhérent. Ça veut dire qu'en fait, c'est la plasticité de nos cerveaux qui va nous permettre, ou pas, de faire des générations futures, des générations différentes. Ce n'est pas le langage qui est genré, c'est notre éducation, c'est notre société et c'est la manière dont on se parle. Alors, moi je pense que l'idée, c'est plutôt d'aller assumer, admettre et éventuellement corriger. pour pouvoir être à l'écoute de l'autre, quel que soit son sexe, que d'essayer de se battre contre des moulins en annulant la réalité tangible du genre des mots. Et puis, comme on en est à casser un petit peu des idées reçues, le cerveau n'est pas genré par nature. En revanche, la manière dont les sphères qui produisent le langage et celles qui l'interprètent interagissent peut l'être. Et ça, ça expliquerait bien des choses sur le fait de savoir ou pas faire deux choses à la fois. Voilà, c'était l'épisode 7 du Poids des mots, by Oxymor & Mor. S'il vous a plu ou si vous aviez envie de débattre de genre, d'éducation et de neuroplasticité, rendez-vous sur notre site internet, sur notre page LinkedIn. À bientôt !