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Une histoire politique du pantalon - Christine Bard, Michelle Perrot cover
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Les Archives des Rendez-vous de l'Histoire

Une histoire politique du pantalon - Christine Bard, Michelle Perrot

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1h17 |26/05/2025
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Description

Suite à la sortie de son ouvrage Une histoire politique du pantalon (Seuil, 2010), Christine Bard retraçait aux Rendez-vous de l'histoire l'usage et la symbolique du pantalon en France, de l'époque révolutionnaire, quand il s'impose en tant qu'habit masculin, à 2010, lorsque l'ordonnance émise en 1800 par le préfet de police de Paris pour interdire le "travestissement" des femmes en hommes, bien que tombée en désuétude, reste encore à être abrogée. Elle ne le sera que trois ans après cette conférence.


Modérateur :

Thomas WIEDER, journaliste au Monde


Intervenantes :

Christine BARD, professeur à l’université d’Angers

Michelle PERROT, professeur émérite à l’université de Paris VII


Conférence issue de la treizième édition des Rendez-vous de l'histoire en 2010 sur le thème "La Justice".


© Christine Bard, Michelle Perrot, Thomas Wieder, 2010.


Voix du générique : Michel Hagnerelle (2006), Michaelle Jean (2016), Michelle Perrot (2002) 


https://rdv-histoire.com/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les rangs de l'histoire sont bien Au rythme de rencontres,

  • Speaker #1

    d'échanges La grande fête annuelle de l'histoire

  • Speaker #0

    Et des passionnés de l'histoire Enseignants,

  • Speaker #1

    chercheurs Le grand lieu d'expression et de débat Lecteurs,

  • Speaker #0

    amateurs Sur tout ce qui se dit Curieux, rêveurs Sur tout ce qui s'écrit Qui aide à prendre la mesure des choses A éclairer le présent et l'avenir Dans l'espace et dans le temps

  • Speaker #1

    cet après-midi alors que le programme comme chaque année des rendez-vous de l'histoire est foisonnant, riche et enthousiasmant. Donc pour assister à ce dialogue entre Michel Perrault et Christine Barr autour du dernier livre de Christine Barr, Histoire politique du pantalon, dont on a déjà beaucoup entendu parler dans la presse et ailleurs parce qu'il a suscité, soulevé un intérêt et une curiosité. ô combien légitimes. Alors, depuis quelques années, souvent les historiens sont dans une forme de déploration, qui n'est pas forcément un manque d'enthousiasme, mais on les entend dire qu'on a renoncé à une histoire totale, qui pouvait être l'histoire défendue par l'école des annales dans les années 70. Alors évidemment, peut-être l'histoire totale a un peu disparu, mais tout est devenu objet d'histoire, et on ne compte plus aujourd'hui les histoires sur des sujets consacrés à des objets qui, jadis, n'avaient pas leur place dans l'historiographie ? On reviendra peut-être sur cette question tout à l'heure avec Michel Perrault. Et parmi ces objets, il y a le pantalon dont nous allons beaucoup parler aujourd'hui, il y a aussi les chambres, parce que, évidemment, même si l'année dernière, on aurait sans doute centré cette discussion sur votre livre, Michel Perrault, mais il y a cette histoire du pantalon, il y a aussi... la merveilleuse histoire de chambres, et pas histoire des chambres, que vous avez publiée au Seuil également l'année dernière, Michel Perrault, et qui montre que justement, les historiens aujourd'hui peuvent entrer dans des lieux qui jadis étaient délaissés par leur père, et toucher des objets également nouveaux. Alors, commençons peut-être par parler de cette histoire politique du pantalon avec vous, avec vous, Christine Barr. Vous êtes professeure d'histoire contemporaine à l'Université d'Angers. Vos premiers travaux sous la direction de Michel Perrault portaient sur l'histoire du féminisme dans l'entre-deux-guerres. Ensuite, vous vous intéressez à l'histoire de l'anti-féminisme. Vous faites partie des historiens français qui ont le plus intégré les apports de l'histoire du genre, venus notamment des États-Unis, c'est-à-dire sur la façon dont les identités de gens sont construites, pour l'objet d'une construction. Alors cette histoire... Ce n'est pas une histoire du pantalon, c'est une histoire politique du pantalon, parce que ce qui vous intéresse, justement, c'est la façon dont, autour de cet objet qu'est le pantalon, se cristallisent les tensions entre le masculin et le féminin, et en quoi la place de cet objet dans la société, dans les discours. est évidemment révélatrice des rapports entre les genres. Et c'est ça qui est tout à fait passionnant dans votre livre, qui commence autour de la Révolution française, puisque vous dites qu'en gros, c'est je crois le début du premier chapitre, que le pantalon fait son entrée dans l'histoire au moment de la Révolution française. Alors pourquoi ?

  • Speaker #2

    Eh bien, c'est l'époque de la grande renonciation masculine. J'aime beaucoup cette expression empruntée à un psychanalyste anglais qui s'appelle John Carl Flügel et qui, en 1933, avait écrit un livre sur la psychologie des vêtements. Et il remarque que dans ce moment de transition, passage d'un ancien régime aristocratique à un nouveau régime qui aspire à la démocratie et qu'on va qualifier au XIXe siècle de bourgeois, Il y a une mutation des apparences masculines, très frappante. Uniformisation, passage de la couleur au noir, au gris. Cette notion d'uniformisation renvoie aussi à l'égalité qui devient une valeur clé dans ce nouvel ordre politique. Donc les hommes vivent une révolution politique et vestimentaire, symbolique. Et les femmes ne vivent pas cette révolution. On le savait déjà, et j'intègre évidemment tous les travaux sur l'histoire des femmes, l'histoire politique des femmes, les travaux de Dominique Godineau notamment sur la Révolution française. Donc on savait bien que les femmes n'allaient pas profiter comme les hommes de la Révolution, mais ça se traduit aussi pour les femmes sur un plan vestimentaire. En quelque sorte, les femmes ne font pas leur grande renonciation au faste des apparences. Elles sont les seules à conserver le droit à la parure, dont les hommes sont privés. chose qui aujourd'hui est à interroger. Je crois que pour les hommes, on va peut-être sortir de cette grande renonciation. Les hommes vont peut-être renoncer à la renonciation et diversifier leurs vêtements, et ça aura un sens politique. Donc c'est cette dissymétrie entre les hommes et les femmes que j'avais envie d'interroger. Dans ce sens-là, c'est une histoire des femmes, mais c'est aussi une histoire des hommes, c'est aussi une histoire des genres, puisque j'interroge le sens que le pantalon a aussi pour les hommes dans la... fabrication de la masculinité, de la virilité, et avec tout le sens politique que ça a, l'activité militaire et politique.

  • Speaker #1

    Alors vous montrez que le pantalon peut apparaître pour les femmes comme une conquête. Pantalon comme symbole à un moment donné d'émancipation. Et donc, à partir du moment où le... où les femmes risquent de trop s'émanciper, le pouvoir politique intervient, et il intervient au cœur de la Révolution française, et dans ses lendemains immédiats, avec cette fameuse ordonnance de 1800, qui n'est toujours pas abrogée, mais on y reviendra.

  • Speaker #2

    D'accord. Je parle un petit peu de ça, si vous voulez. En 1793, les clubs de femmes sont fermés. Et c'est la première occurrence du mot pantalon que je retrouve dans un discours politique officiel, le discours d'Ama, qui reproche à ces femmes, qu'on va réduire au silence, de vouloir imposer le pantalon aux autres femmes et de porter elles-mêmes le pantalon, alors que c'est complètement faux. Et c'est un fil conducteur qu'on retrouve pendant longtemps, jusqu'au XXe siècle, cette peur de l'activité politique des femmes qui se traduirait aussi par une virilisation vestimentaire et par le port du pantalon. Alors quand on dit qu'une femme porte le pantalon, en fait, pendant longtemps, on la voit comme une travestie. Et l'ordonnance 2800, elle vise donc à interdire le travestissement. Donc parfois, on résume en disant qu'elle interdit le port du pantalon aux femmes. Oui, pour autant que le pantalon représente l'adoption du vêtement de l'autre sexe, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Donc l'ordonnance 2800, elle est tombée en désuétude vraiment, puisqu'aujourd'hui, on ne peut plus définir. Qu'est-ce que c'est une femme qui s'habille en homme aujourd'hui ? Est-ce qu'un pantalon, un blouson, des chaussures plates, ça suffit ? Non, on ne peut plus, ça ne fonctionne plus. La notion même de travestissement est tombée en désuétude.

  • Speaker #1

    Alors si on considère, mais évidemment c'est un sujet qui fait débat tout au long du XIXe siècle, et vous consacrez à ce débat des pages lumineuses, le pantalon est... malgré tout au XIXe siècle, le symbole d'une émancipation, puisqu'il y a cette fameuse phrase qui disait à l'époque « Qui culotte a, pouvoir a » . Donc évidemment, porter le pantalon, c'est d'une certaine façon revêtir les symboles du pouvoir. Ce que vous dites, évidemment, on le sait parce que tous les travaux, et là je pense que Michel Perrault aura des... Des choses à dire, mais tous les travaux sur l'histoire du féminisme montrent que les rapports entre les révolutionnaires, les républicains et le féminisme sont beaucoup plus complexes qu'on ne croit. Mais en tout cas, ce que vous rappelez, Christine Barre, c'est que chez les socialistes utopiques, chez les Saint-Simoniens, chez Cabey, chez Fourier, etc., il y a une extrême méfiance, souvent un silence, mais parfois une méfiance explicite. à l'égard, à l'idée que les femmes puissent porter le pantalon.

  • Speaker #2

    Oui, alors même que le pantalon est quand même, le pantalon au sens politique, le pantalon auquel on donne des vertus émancipatrices pour les femmes, est quand même issu de cette famille de... Alors que le pantalon est issu de cette famille de pensées féministes et socialistes de la première moitié du XIXe siècle, mais il est vrai que, par exemple, chez les Saint-Simoniens qui portent... réfléchissent beaucoup à la notion de femme libre la saint-simonienne n'a pas vraiment un costume spécifique contrairement au saint simonien et elle ne porte pas le pantalon donc il ne faut pas se laisser piéger par les gravures de l'époque qui montre des saints simoniennes en pantalon elles ont une fonction anti féministe elles servent à dénigrer les audaces des saints simoniens il s'agit souvent de costumes de théâtre puisque c'est souvent sur la scène des théâtres que On cherche à les tourner en ridicule et la répression passe aussi d'une manière plus subtile que par la prison, par cet antiféminisme du roman, de l'essai ou du théâtre.

  • Speaker #1

    Et même pendant la Commune de Paris en 1871, vous montrez que le pantalon n'est pas finalement adopté de façon évidente par les communardes.

  • Speaker #2

    La commune, là, c'est... plutôt une situation différente disons de pénurie, on n'a pas le temps de concevoir ni de fabriquer de nouveaux costumes donc on fait avec les stocks et dans un grand désordre donc on trouve des femmes en uniforme masculin avec des uniformes pris aux hommes et des femmes qui s'habillent en femmes on trouve un petit peu les deux mais toujours Ce qui est intéressant, c'est le discours anti-communard et anti-féministe qui va avoir tendance à représenter les communardes habillées en hommes, alors que le cas ne devait quand même pas être si fréquent. Il y a les deux aspects de la pensée féministe et surtout socialiste au XIXe siècle. Il y a aussi un élan émancipateur et ça va inspirer aussi des pantalons qui existent vraiment. Mais là, on les trouve plutôt aux États-Unis.

  • Speaker #1

    Alors, on y reviendra dans un instant. On ira aux États-Unis dans un instant. Mais restons sur ce XIXe siècle auquel vous consacrez plusieurs chapitres. Je me tourne vers Michel Perrault. donc Michel Perrault ne présente pas, mais dont il faut rappeler que vous avez été en 1973 avec Fabienne... Mais si, c'est important, c'est important quand on fait de l'histoire, il faut donner des dates quand même. Au début des années 70 avec notamment Fabienne Bock et Pauline Schmidt-Pantel à l'origine. Donc vous avez monté ce séminaire à Jussieu sur « Les femmes ont-elles une histoire ? » C'était un cours ! Un cours qui était pionnier, extrêmement novateur à l'époque. Vous avez consacré de nombreux travaux au XIXe siècle, aux femmes au XIXe siècle notamment. Quand vous lisez les pages que Christine Barr consacre justement au XIXe siècle aujourd'hui, Et en quoi est-ce que... Ça vous paraît novateur d'aborder, non pas seulement l'histoire des femmes, mais l'histoire des genres à travers cet objet du pantalon ?

  • Speaker #0

    Eh bien, c'est que le pantalon est par définition un objet mixte, justement. Je reviens au pantalon de Christine, j'aime beaucoup le livre de Christine, comme beaucoup des choses que Christine... a écrite et a faite, mais le pantalon c'est ça qui est intéressant, c'est que le rapport masculin-féminin se noue autour de ce morceau de tissu. C'est ça qui est extravagant. Et c'est extravagant pourquoi ? Et c'est peut-être là où j'aurai encore des questions justement à poser à Christine. évidemment c'est quelque chose de symbolique c'est le symbole qui est derrière ça C'est le symbole de l'égalité des sexes. Bon, mais depuis quand quand même, Christine, c'est devenu si masculin le pantalon ? J'aurais envie de vous poser cette question. Parce qu'enfin, si on regarde, je ne sais pas moi, il y a les pleureuses au XVe siècle, au tableau, au, comment dire, au duc de Berry, au tombeau du duc de Berry, on voit des hommes avec des jupes. On voit des hommes avec des jupes, on regarde dans l'antiquité, vous avez des toges, au fond une toge c'est une espèce de jupe. Comment est-ce que c'est devenu à ce point un symbole masculin ? Comment et pourquoi ?

  • Speaker #2

    Oui, la grande différence qu'on n'a pas encore présentée entre le vêtement féminin et le vêtement masculin, c'est l'ouverture, la fermeture, le vêtement féminin en Occident. est ouvert et le vêtement masculin est fermé quoique avec beaucoup d'exceptions il y a la robe la toge, la soutane donc on trouve au moyen-âge et à l'époque moderne bien sûr et jusqu'à nos jours des exceptions mais le pantalon alors qu'on n'appelle pas encore comme ça dans les siècles précédents, la révolution, on va parler de culottes longues On trouve des braies, on trouve différentes expressions. C'est le pantalon des hommes du peuple, des travailleurs, pendant la Révolution, les sans-culottes, les artisans. Donc c'est un vêtement plébéien, un vêtement de travailleur. C'est pour ça que le sens politique qu'il prend avec la Révolution et qu'il va garder est quand même intéressant. C'est aussi la valeur travail, tellement antagoniste avec les valeurs aristocratiques. qui est mise en avant avec le pantalon. Donc ce qui m'intéresse au moment de la Révolution, c'est cette généralisation, enfin progressive, c'est jusque dans les années 1820, cette généralisation du pantalon, ce passage de la culotte, qui était portée par les hommes des classes supérieures, ce passage de la culotte au pantalon, cette généralisation du pantalon pour les hommes, avec un vêtement qui charrie ces connotations de... Vêtements pratiques, vêtements de travailleurs, vêtements courants, vêtements désexualisants, désérotisants, vêtements plus libres, qui fabriquent un homme libre parce que plus loin du corps que la culotte. Les médecins des lumières se prononcent aussi sur les vertus respectives du pantalon et de la culotte. Donc c'est masculin, la culotte comme le pantalon étaient des vêtements bien masculins, mais le pantalon a quelque chose de plus viril. Et la virilité, on le sait, est souvent associée à un caractère plébéien. Bon voilà, je ne sais pas si j'ai été très claire.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #2

    Il y a un phénomène de généralisation. Et peut-être que le masculin ne suffit pas, mais qu'il faut introduire aussi la notion de virilité. Parce que sous la Révolution, c'est important de lui donner ce caractère viril au pantalon, et qui va avec des vertus politiques viriles.

  • Speaker #0

    Et parmi toutes les fonctions de la robe qu'on peut au fond comparer au pantalon, Au XIXe, peut-être pas avant, peut-être pas tant que ça avant, il y a aussi l'idée d'une féminité qui enferme, qui atteint un peu son sommet avec la crinoline. Alors là, la robe devient tellement volumineuse que le déplacement des femmes de la bonne société devient un vrai problème. Véritable problème et au fond en comparant un peu les deux, on voit l'excès de la robe, la robe excessive qui montre cette espèce de féminité qui doit absolument s'affirmer dans le costume.

  • Speaker #2

    Voilà, c'est la différence des genres, elle peut s'accroître ou se réduire selon les époques. d'une manière politique, mais aussi d'une manière vestimentaire. Et sous l'Ancien Régime, les apparences vestimentaires sont plus proches qu'elles ne le sont au XIXe siècle. Et ça correspond à un moment de renforcement de la domination masculine. Donc c'est un petit peu ça le fil conducteur du livre. C'est que le vêtement, la différence vestimentaire entre les genres, est un baromètre de l'égalité ou de l'inégalité des sexes. Et c'est flagrant au XIXe siècle.

  • Speaker #0

    Il y a une question que je voulais vous poser, vous l'avez déjà abordée, à propos des Saint-Simoniennes. Pendant longtemps, pour ma part et avec beaucoup d'autres, j'ai pensé que les Vésuviennes, ce sont des femmes en 1848 qu'on représente comme des femmes habillées en pantalon et portant les armes. C'est-à-dire les armes et le pantalon, ça va aussi ensemble, c'est très très important. Et alors, merveille, on se dit formidable. Il y a eu les Vésuviennes, et vous nous dites, les Vésuviennes, elles n'ont pas existé. Voilà. Alors, j'aimerais bien que vous nous disiez pourquoi.

  • Speaker #2

    Oui, toutes les historiennes et historiens du féminisme auraient eu envie d'y croire. Une société d'ouvrières, pendant la révolution de 1848, qui a des revendications très radicales, qu'on n'avait peut-être pas regardées d'assez près, parce que c'est complètement extravagant qu'elles portent le pantalon, qu'elles prétendent entrer dans la garde nationale. Il y a une floraison de dessins humoristiques qui attirent l'attention du public sur ces Vésuviennes qu'on représente effectivement en pantalon et en uniforme, pantalon d'uniforme. Et si on regarde de près, cette affaire, on s'aperçoit qu'il s'agit d'une mystification à but antiféministe et qui va atteindre son but d'une manière redoutablement efficace. Les clubs de femmes vont fermer. Et l'épouvantail des Vésuviennes n'y est pas étranger à cette décision de fermeture, donc rebelote, comme sous la Révolution française, on agite l'épouvantail de la femme en pantalon. Et si on regarde de près, par exemple, un texte qui s'appelle « La constitution des Vésuviennes » , on voit bien qu'on retrouve tous les poncifs du rire misogyne. Et en même temps, les questions qui hantent l'époque, parce qu'il y a des peurs sociales derrière tout ça, bien évidemment, des peurs très profondes, peur d'émancipation des femmes, alors avec des thèmes dominants qui changent selon l'époque. Et là, c'est le divorce qui revient dans l'actualité, le divorce qui a été interdit sous la restauration et que certains voudraient autoriser à nouveau. Et ça, c'est quand même un des thèmes forts, en dehors du thème proprement politique, l'exclusion des femmes de la citoyenneté. sous la Deuxième République, c'est quand même ça.

  • Speaker #0

    Juste un mot, ça fait penser l'histoire des Vésuviennes aux Amazones. Et là aussi, les Amazones, il y a eu un moment du féminisme, où notamment aux États-Unis, on voulait croire à la réalité des Amazones. Et les historiennes comme Pauline Schmitt, Pantel, nous ont dit, non, les Amazones, ce n'est pas du tout une réalité, c'est une représentation. Et c'est une représentation de la peur, au fond, que les hommes ont. de l'émancipation des femmes. Si elles s'émancipent, d'abord elles sont plus féminines, les amazones ont le sein coupé, donc ce ne sont plus vraiment des femmes. Et c'est très important, et c'est pourquoi le pantalon est si intéressant, parce qu'il est aux limites, bien sûr du masculin et du féminin, c'est notre objet, mais du réel et de l'imaginaire, du symbolique et du concret quotidien.

  • Speaker #2

    Je reviens sur les Vésuviennes. Qu'est-ce qu'on trouve comme revendication invraisemblable ? L'enrôlement des citoyennes dans les armées pour les jeunes filles âgées de 15 à 20 ans. Jamais les féministes, à l'exception de Madeleine Pelletier, n'ont réclamé le service militaire pour les femmes. Le mariage obligatoire pour les deux sexes. Les contrevenants risquant le service militaire à perpétuité. L'obligation de partager les travaux domestiques sous peine de condamnation. Mais aussi l'acquisition de la nationalité pour une étrangère qui adopterait un vieillard français.

  • Speaker #1

    Tout un programme.

  • Speaker #0

    Merveilleux.

  • Speaker #1

    Alors ce qui est aussi très... Parce qu'il faut le dire et je pense qu'il ne faut jamais hésiter à le dire et ça concerne évidemment au combien les travaux de Michel Perrault mais également les vôtres, Christine Barre. C'est aussi un livre... formidablement agréable à lire, bien écrit, c'est un vrai plaisir de lecture. Si c'est aussi un vrai plaisir de lecture, c'est parce que vous redonnez vie à un certain nombre de figures plus ou moins connues qui ont marqué cette histoire autour du pantalon. Et parmi elles, j'aimerais qu'on revienne notamment sur Amelia Bloomer. Est-ce que vous pouvez nous en parler ? Parce que... Ça nous permet d'aborder une autre question qui est celle évidemment de l'influence peut-être des modèles étrangers dans la culture du pantalon en France.

  • Speaker #2

    Oui, parce qu'effectivement la France n'est pas le berceau du pantalon. C'est aux États-Unis, dans les États-Unis du 19e siècle, que le pantalon s'est développé. En prenant un sens d'ailleurs à la fois féministe et un peu puritain, puisque c'est dans l'opposition au mode féminine parisienne qui était accusée d'être immorale que le pantalon a été inventé par Amelia Blumer. En fait c'est une invention collective, c'est plus compliqué que ça. Mais enfin, les dirigeantes du mouvement féministe américain qui s'organisent à partir de 1848 vont pendant quelques années, après 1850, porter ce pantalon qu'on appelle « Bloomer » du nom d'Amelia Bloomer. Et donc la dimension religieuse, émancipatrice, féministe, mais aussi religieuse de ce pantalon est à mettre en évidence, et c'était déjà le cas dans les communautés socialistes, mais aussi chrétiennes. des années 1820 aux États-Unis, où là d'ailleurs le pantalon avait été imposé par les dirigeants de certaines communautés aux femmes, les femmes ayant plutôt mal réagi à ce pantalon qui les infantilisait en quelque sorte, parce que les jeunes filles, les petites filles portaient des pantalons comme ça, donc mettre un pantalon aux femmes, surtout s'il a la même forme, Celui des petites filles, évidemment, c'était une manière de les priver de leur statut de femmes séduisantes, qui peuvent s'habiller de manière adulte. Donc ça m'a beaucoup fait réfléchir cette histoire des communautés socialistes et féministes des années 1820, où on impose le pantalon aux femmes pour les désexualiser, les désérotiser en quelque sorte. Parce que ça montre que le pantalon n'a pas un sens intrinsèquement émancipateur pour les femmes, que tout est affaire de contexte. et de rapports de force sociaux et politiques entre hommes et femmes. Mais en l'occurrence, là, on ne peut pas dire, quand le pantalon est imposé aux femmes, qu'il a une valeur d'égalité des sexes. Le pantalon, selon qu'il est choisi ou imposé, n'a pas le même sens.

  • Speaker #1

    Oui, d'ailleurs, évidemment, même si vous faites une histoire politique du pantalon...

  • Speaker #0

    Montrez bien aussi qu'il y a d'autres facteurs dans l'histoire qui participent de l'adoption, qui favorisent l'adoption du pantalon et des facteurs très très triviaux et notamment purement pratiques. Vous parlez du sport, le sport joue un grand rôle, vous pouvez nous en parler dans un instant. Mais vous consacrez également de belles pages à, alors on dit Jane de Dieu la foi ?

  • Speaker #1

    Jeanne

  • Speaker #0

    qui est une... Je pensais pas susciter...

  • Speaker #1

    Parce que Jeanne Dieu Lafoye...

  • Speaker #0

    C'est extraordinaire cette histoire.

  • Speaker #1

    Elle est extraordinaire. Jeanne Dieu Lafoye, elle est archéologue. Elle est mariée à un archéologue. Et tous les deux s'en vont en Perse, en Syrie, si l'on peut dire. Ils font des découvertes fondamentales dans le domaine de l'histoire assyrienne. Il y a d'ailleurs au Louvre une salle qui s'appelle la salle Dieu la foi, parce qu'ils ont découvert parmi les fameuses frises des archers, c'est eux. Et le couple était assez égalitaire d'ailleurs, et Jeanne, c'est intéressant parce que c'est un milieu d'origine catholique, c'est pas la gauche, c'est un milieu d'origine catholique. Et elle, elle veut absolument boulonner dans cette histoire d'archéologie, elle n'est pas du tout à l'aise évidemment en jupe, et elle lui dit je porte le pantalon. Elle le porte pendant ses expéditions en Perse, mais quand elle est rentrée en France, elle ne peut plus et elle ne veut plus se remettre en jupe et elle est la femme aux pantalons. Et du coup, elle suscite un intérêt extraordinaire. Les journalistes viennent la voir, il y a plein d'articles sur elle et elle a beaucoup, elle a laissé beaucoup de traces. Moi je sais que dans ma famille, des femmes... des mortes maintenant, se souvenaient très bien de Jeanne-Dieu Lafoye. On parlait, oh Jeanne-Dieu Lafoye, quelle femme tout à fait étonnante. Elle était assez remarquable parce que, en dehors même de son intérêt pour l'archéologie, elle avait voulu, et ça c'est quand même formidable, enquêter sur les femmes des pays dans lesquels elle était. Et elle disait d'ailleurs que souvent ces femmes portaient des pantalons. Une espèce de pantalon bouffant qui était tout simplement le costume qu'elles avaient. Donc Jeanne et pas Jane. Jeanne, Jeanne.

  • Speaker #2

    Très française et très patriote.

  • Speaker #0

    Pourquoi Jane ? Pourquoi d'ailleurs son prénom ?

  • Speaker #2

    Non parce que ça se faisait beaucoup à l'époque. Il y avait une anglomanie qui poussait. Jeanne, E-A-N-E, c'était trop banal. Bon, il y a la part de... Elle devient femme de lettres aussi après. Il faut se faire remarquer, c'est déjà difficile de percer, de percer quand on est une femme. Donc être en travesti, changer son prénom, ça fait partie des petits trucs qui vont attirer l'attention des médias. Alors un exemple dans l'assiette au beurre, on montre le couple Dieu la foi avec la légende indispensable, Monsieur Dieu la foi est à gauche. Voilà, donc on se moque aussi de ce couple avec un homme, un mari qu'on trouve un petit peu étrange d'accepter autant d'exemplicité de la part de sa femme. Et elle, elle a une vraie vocation militaire aussi. Elle participe à la guerre de 1870 comme front-tireur. Et en 1914, elle est à l'origine d'une pétition. pour demander l'entrée des femmes dans l'armée française et elle s'engage c'est tout à fait à la fin de sa vie en 1914 elle s'engage comme infirmière pas comme d'ailleurs la france refuse les femmes dans l'armée on a du mal à quitter jeanne dieu la foi on

  • Speaker #1

    va pas trop s'y attarder quand même mais elle elle avait les cheveux courts aussi elle bien avant bien avant 14 elle fait partie de ces garçons que vous avez étudié dans un autre livre avec les cheveux très très court, et sur Monsieur de la Foi, Monsieur Dieu Lafoye était soupçonné à la limite d'homosexualité. Étant donné qu'il tolérait que sa femme ait une allure de garçon, est-ce que ça n'était pas suspect ? Franchement, c'est difficile à un homme d'être pour l'égalité. C'est franchement pas simple.

  • Speaker #0

    Si elle portait les cheveux courts aussi, vous expliquez, Christy Clark, que c'était pour des raisons aussi pratiques et non militantes.

  • Speaker #2

    Oui, alors attention, le pratique, il a mon dos entre guillemets. C'est plus facile de dire je préfère le pantalon pour des raisons pratiques que de dire j'aime le pantalon parce qu'il symbolise l'égalité, qu'il montre que je suis une femme libre. Voilà, donc on invoque très, très souvent le pratique pour cacher d'autres mobiles.

  • Speaker #0

    Alors là, on s'amuse et on sourit, mais ce qu'il faut bien dire aussi, c'est que le pantalon continue véritablement de faire scandale, encore au XXe siècle, à diverses reprises, et ça vous le racontez également très bien. je voudrais qu'on s'attarde peut-être sur deux moments sur lesquels vous revenez dans votre livre. D'abord, le scandale des jupes-culottes en 19... 11, c'est bien ça. Là, c'est une initiative du couturier Paul Poiret qui suscite un véritable débat dans le Paris de la Belle Époque.

  • Speaker #2

    Oui, mais un Paris de la Belle Époque qui commence à être habitué à ces débats qui mêlent émancipation des femmes et réforme du costume féminin, parce qu'on l'a dit tout à l'heure, le vêtement féminin, il est fait d'entraves, et d'entraves très érotisées. Et c'est très difficile de se débarrasser finalement de ces entraves. Il faut l'opinion des médecins. Les hygiénistes sont de plus en plus influents. La mode du sport contribue beaucoup à une évolution. Et finalement, la mode est loin d'être une instance très progressiste par rapport à la différence des genres dans le vêtement. Très très loin. Et donc, il faut des couturiers assez novateurs ou des couturières pour tenter des évolutions. La jupe-culotte pourrait être le compromis idéal entre le pantalon et la jupe. Et finalement, ça ne prend pas. Et les mannequins qui défilent aux courses avec ces jupes-culottes sont hués, sifflés. C'est un échec commercial. Mais on est déjà habitué à ces débats parce que vraiment, à mon avis, le grand, grand débat marquant, c'est celui des années 1880-1890 sur la bicyclette. Les femmes peuvent-elles ou non porter une culotte cycliste ? une culotte de zouave, une culotte un peu bouffante pour pratiquer la bicyclette. Et on n'y croit pas quand on lit les journaux de l'époque. Tant d'opposition, tellement passionnelle. Là on voit que ça soulève des tas de choses qui vont beaucoup plus loin, que c'est un vêtement pratique ou pas. Ça renvoie vraiment à la notion de travestissement, d'inversion des sexes, d'angers. de l'inversion de la domination, pourquoi pas, parce que derrière l'égalité, on voit tout le temps le risque qu'il y ait un basculement et que les femmes dominent les hommes. Donc ça renvoie à des imaginaires précis, les Amazones, etc. Et on est dans des redites, ça fonctionne d'autant mieux que c'est déjà un petit peu connu qu'il y a des redites. Donc échec des jupes-culottes, scandale, en même temps ça serre la réputation de Paul Poiré quelque part. Et Paul Poiré, d'ailleurs, il faut quand même mettre des bémols à sa réputation novatrice. On dit toujours que c'est lui qui a libéré la femme du corset. Il n'était pas le seul à enlever le corset de ses modèles. C'est lui qui a inventé la jupe entravée, qui est vraiment une horreur. Parce que ça restreint au niveau des genoux la circonférence de la jupe. Et ça oblige les femmes à faire des tout petits pas, puisqu'elles sont bloquées au niveau du genou, donc ça fait des petits pas comme ça. Et c'est un début de l'entrave, vraiment, c'est d'entraver la capacité de circuler, de marcher et de courir. Et j'ai été très frappée par un passage des mémoires de Maurice Saxe, un écrivain un peu oublié de l'entre-deux-guerres, qui s'amuse, a suivi, il dit ça en toute naïveté presque, qui suit une femme qui porte une jupe entravée, et cette femme prend peur. elle imagine le pire, elle essaie de courir et elle ne peut pas. Et elle dit, qu'est-ce que je me suis amusée. Et voilà, la jupe entravée, c'est ça concrètement. Là, on a un exemple, une source fiable de l'effet de la jupe entravée.

  • Speaker #0

    Alors, avant qu'on revienne sur le deuxième moment qui montre que autour de ce pantalon peuvent se nouer des enjeux assez graves, on parlera de Violette Maurice tout à l'heure. Mais puisqu'on parlait de mode et vous parlez des couturiers qui étaient la plupart du temps assez conservateurs, il y en a un à qui vous rendez un très bel hommage et qui a joué un rôle majeur dans cette histoire, c'est Yves Saint-Laurent. Yves Saint-Laurent, parce que c'est très intéressant finalement ce que vous dites d'Yves Saint-Laurent, notamment, évidemment, vous vous rappelez l'événement qu'a été, je crois en 1966, l'arrivée du smoking pour femmes. Ça a été un véritable événement à l'époque et vous montrez bien comment Yves Saint-Laurent élabore toute une réflexion, parce qu'il s'exprime beaucoup, non pas seulement sur la conquête par les femmes de vêtements masculins, mais également sur la féminisation de certains vêtements masculins. Il y a tout un jeu assez subtil qui se joue autour d'Yves Saint-Laurent, Christine Barr.

  • Speaker #2

    Oui, mais le but n'était quand même pas de faire une histoire de la mode. Mais bien sûr, la mode intervient dans cette histoire, forcément. Mais pour beaucoup de gens, l'histoire du vêtement et l'histoire de la mode, c'est la même chose. Ça en dit long, quand même. Mais je ne cherche pas du tout à rendre un hommage. Il s'en rend, ce n'est pas ma démarche historienne.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas un hommage,

  • Speaker #2

    mais je dirais que vous le... Il y en a tant d'autres qui le font que, franchement, je ne serais pas utile tellement. Il suffit de lire... Voilà, tous ceux et celles qui ont écrit sur Yves Saint Laurent. J'ai simplement essayé de chercher des extraits de ses déclarations, de ses commentaires sur ses vêtements, où il évoque des évolutions sociales, les rapports hommes-femmes, le genre, enfin il n'emploie pas le mot. Et puis il est ambigu parce qu'il n'a quand même pas une pensée très élaborée non plus sur cette question, il sent des choses assez bien. Mais par exemple sur Georges Sand. Il fait plusieurs fois allusion à Georges Sand, parfois pour la condamner. C'est l'exemple même, à travers la caricature qu'il connaît, de la femme masculinisée et donc indigne d'intérêt pour un couturier. Et à d'autres moments, il l'idéalise un petit peu en la prenant comme un beau modèle. Donc il oscille par exemple dans sa vision de Georges Sand. Donc voilà, ce n'est pas une pensée politiquement élaborée. Et puis en plus, je relativise sur le smoking. Marlène Dietrich venait déjà à Paris dans les années 30, s'acheter des smokings. Donc l'inspiration d'Yves Saint Laurent, elle est rétro. Là où il est innovateur, c'est en tant que couturier qui accepte une inspiration rétro. Et puis tous les couturiers, les grands couturiers des années 60, proposent des pantalons. Et personnellement, moi, je suis plus intéressée par ceux qui ont une inspiration futuriste. Courrèges, Paco Rabanne, qui vont vraiment essayer d'inventer des formes, alors qu'Yves Saint Laurent, c'est plus le style. C'est plus le style. Il préfère le style à l'innovation vraiment formelle, qui peut être amusante. Il recherche l'élégance, Yves Saint Laurent, donc d'une certaine manière quelque chose d'un peu intemporel, d'un peu rétro. Tandis que Courrèges ou Paco Rabanne, avec des... des combinaisons métalliques ou des... vraiment, inventent tous azimuts et là, moi je trouve qu'on sent mieux l'esprit des années 60 chez d'autres couturiers.

  • Speaker #0

    Michel Perrault...

  • Speaker #1

    Moi j'aime beaucoup Saint-Laurent quand même ! Et je trouve que côté style,

  • Speaker #2

    pas mal !

  • Speaker #1

    Le style,

  • Speaker #2

    mais l'innovation avec des salopettes, des combinaisons intégrales avec pantalons, etc. C'est pas chez lui ! qu'il faut chercher.

  • Speaker #1

    Oui, mais il est quand même passionnant parce que non seulement il donne accès aux femmes, justement, aux pantalons et à beaucoup d'autres choses, mais vous l'avez dit, Thomas Wider, il y a aussi cette féminisation d'un autre côté pour les hommes.

  • Speaker #0

    On ne peut pas masculiniser la femme.

  • Speaker #2

    Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça. Ce qui est passionnant chez lui, c'est qu'il est homosexuel, bien sûr, et tout le monde le sait, et justement, il s'intéresse. Beaucoup au costume féminin et je trouve que ce mélange là, ces passages sont extrêmement intéressants justement pour l'histoire du genre et par ailleurs les femmes un peu féministes, peut-être pas dans leur théorie, on peut pas demander à Yves Saint Laurent d'être un théoricien du féminisme, ni un historien du féminisme, il a autre chose à faire mais je trouve que les femmes un peu libres de cette époque là aiment bien porter du Saint-Laurent et sont du côté de Saint-Laurent et vont à l'ouverture des, enfin comment est-ce qu'on dit, les collections des filets de Saint-Laurent. C'est quand même intéressant, c'est intéressant.

  • Speaker #2

    Je voulais juste apporter un bémol, parce qu'on le célèbre tellement, c'est un peu injuste pour les autres qui ont aussi fait preuve d'innovation.

  • Speaker #0

    De toute façon,

  • Speaker #1

    il se moque un petit peu de ce qu'on peut dire en ce moment. Je voulais juste dire quelque chose comme ça au passage. Benoît de Groult est une descendante de Paul Poiret. Elle est extrêmement vibrante quand on parle de Paul Poiret. Même si Paul Poiret n'a pas été non plus un parangon du féminisme, on ne peut pas demander aux gens à leur époque de penser comme nous. Ça, ce n'est pas possible.

  • Speaker #2

    Non, ce n'est pas le but, mais c'est juste que ça montre un peu les limites de l'interprétation qu'on peut avoir. On a une grille de lecture politique et qu'on veut utiliser le discours des couturiers, effectivement. Ça ne va pas très loin. Il y a une sorte de méfiance à l'égard aussi de ce qui est politique chez les couturiers.

  • Speaker #0

    Mais alors justement, cette méfiance qui touche le pantalon, si on veut essayer de comprendre, et on y reviendra tout à l'heure, la révolution qui s'opère après la Seconde Guerre mondiale et dans les années 60, etc. Pour comprendre ça, il faut rappeler quand même, et vous le faites dans votre livre, qu'encore en 1930, peuvent se passer des choses sérieuses devant des tribunaux. Et là, vous évoquez le procès qui opposa en 1930 la très grande championne Violette Maurice à la Fédération féminine sportive. Est-ce que vous pouvez nous en parler ?

  • Speaker #2

    Oui, c'est tout un chapitre parce qu'on croit en 1930 que l'ordonnance de 1800 est tombée en désuétude. Et le procès va montrer que non. Donc, Violette Maurice est une championne omnisport et notamment qui s'illustre dans des sports très masculins, la conduite automobile, elle boxe, elle fait de l'athlétisme, du football, voilà. Et elle entraîne aussi les jeunes filles de la Fédération Sportive Féminine de France. Et elle se conduit mal, entre guillemets. Elle parle comme un homme, dit-on, donc elle est grossière, c'est ça que ça veut dire. Elle fume, elle s'habille vraiment comme un homme, elle a les cheveux très courts. pas la garçonne, qui serait une coupe au carré, mais vraiment les cheveux très courts. Et dans les vestiaires, dit-on, elle a des gestes déplacés à l'égard des jeunes filles. Officiellement, elle est mariée, mais on sait qu'elle est homosexuelle. Et ça fait beaucoup pour la Fédération sportive féminine de France, qui est confrontée à toutes les attaques contre le sport féminin, accusées de viriliser les femmes, justement. Donc, Violette Maurice leur pose un vrai problème, et la Fédération décide de se séparer de cette athlète embarrassante. et Violette Maurice, elle, est sûre de son bon droit et elle porte plainte contre son employeur qui la prive en plus en lui retirant sa licence du droit de participer à des compétitions et le procès est très intéressant il a été largement commenté dans la presse au moins pendant un mois il oppose donc Violette Maurice qui défend le droit des femmes à porter la culotte ou le pantalon on emploie encore le mot culotte mais bon, c'est un petit peu... parce que c'est amusant de dire le mot culotte et le... Et les avocates de la Fédération qui sont féministes, c'est ça qui est drôlement intéressant, qui sont féministes et qui ressortent des oubliettes l'ordonnance de 1800 pour dire que non, les femmes n'ont pas le droit de s'habiller en pantalon. Et Violette Maurice perd donc son procès en 1930. Donc ça permet de resituer tous les enjeux liés au sport et puis de poser aussi la question de la désuétude d'une ordonnance. On se pose encore la question aujourd'hui, mais on y reviendra peut-être tout à l'heure. le sort de cette ordonnance de 1800.

  • Speaker #0

    Oui, alors ce qu'il faut bien dire aussi, c'est que Violette Maurice n'est pas du tout une féministe.

  • Speaker #1

    Ah non,

  • Speaker #2

    pas du tout. Ah oui, alors on aurait effectivement tort d'associer systématiquement...

  • Speaker #0

    Elle est même proche de l'extrême droite, elle...

  • Speaker #2

    Elle devient nazie.

  • Speaker #0

    Elle devient nazie, oui,

  • Speaker #2

    oui. Elle est très active dans la collaboration, et elle est abattue par la résistance en 1944. Donc parmi les grandes figures de femmes habillées en hommes, on va trouver des Madeleine Pelletier qui sont antifascistes, révolutionnaires, féministes, on ne peut plus radicales, et des Violette Maurice, effectivement.

  • Speaker #0

    Oui, parce que c'est ça au fond qui est aussi très intéressant, c'est que le pantalon est un objet politique, mais difficilement assignable à un camp, assurément. et c'est pas parce que Il aura été pendant des décennies l'emblème de l'émancipation qu'il faut ancrer le pantalon à gauche, forcément. Et de la même façon, ce n'est pas pour cela qu'il faut faire de l'adoption du pantalon et du droit de porter le pantalon la revendication de tous les féministes, puisqu'il y a un vrai débat chez les féministes, et ça, vous le montrez bien. Vous montrez bien qu'entre une Madeleine Pelletier, à qui vous avez d'ailleurs consacré tout un ouvrage, entre une Madeleine Pelletier qui a cette phrase qui dit « il faut être des hommes socialement » et qui donc porte de façon ostensible le pantalon, et par exemple une féministe peut-être moins connue mais tout aussi importante, Maria de Rheim, grande figure du féminisme républicain, et qui elle s'oppose, en tous les cas est très... voit d'un mauvais oeil justement le port par les femmes du pantalon, il y a tout un éventail d'idées.

  • Speaker #2

    Oui, d'ailleurs je n'ai pas encore eu l'occasion de le dire, mais je suis historienne du féminisme, depuis ma thèse, mais je le suis toujours. C'est parce que je suis historienne du féminisme que j'ai écrit cette histoire du pantalon. Et vous disiez, c'est un objet historique novateur, le pantalon. Oui et non. Parce que quand on fait de l'histoire du féminisme, on voit à quel point le pantalon a quand même préoccupé les penseuses féministes du 19e et du début du 20e siècle. Madeleine Pelletier a attiré notre attention sur le pantalon. Elle est si peu connue aujourd'hui. ... Simone de Beauvoir, qui note que ce n'est pas naturel de s'habiller en femme. Je commence le livre avec cette citation, jusqu'à Colette Guillaumin, une théoricienne du féminisme radical, importante dans les années 70-80. Donc là, il y a effectivement toute une tendance égalitariste, universaliste. Et puis des féministes qui sont peut-être plus différentialistes, encore que, qui sont pour l'égalité des droits, mais qui trouvent que, dans le domaine des apparences, La différence est quelque chose d'intéressant, qu'il faut défendre. Maria de Rheim dit qu'elle est très attachée aux couleurs, aux tissus portés par les femmes, et que les hommes sont si tristes habillés tous de la même manière en noir, pourquoi vouloir les imiter ? Donc là, elle se refuse finalement à aller du côté d'une interprétation symbolique et politique du vêtement masculin. Et elle en reste à un jugement esthétique où elle trouve que les femmes ont un privilège esthétique et qu'il faut qu'elles le gardent. Elle ne va pas jusque là, mais aujourd'hui on pourrait reprendre ce raisonnement de Maria de Rheim et dire oui c'est vrai, il y a une supériorité esthétique féminine dans le domaine du vêtement et des apparences, disons depuis deux siècles, mais ça n'empêche pas de penser l'égalité. Et l'égalité ça serait de défendre le droit des hommes aujourd'hui à la parure, le droit des hommes à la jupe. Donc, Madeleine, Maria de Rheim n'a pas nécessairement tort quand elle dit « Ah bah oui, mais comment on pourrait renoncer esthétiquement à tout ce qui fait la beauté, la séduction de la féminité ? » Essayons de réconcilier Maria de Rheim et Madeleine Pelletier. C'est la jupe pour homme, c'est la jupe pour homme qui les réconcilie. Et quand j'ai trouvé ça, je vous assure que j'étais vraiment une faveureuse. ça m'a tellement hanté Madeleine Pelletier et sa théorie de la virilisation des femmes, j'avais envie d'adhérer politiquement, je trouvais ça très logique voilà, la pensée de Madeleine Pelletier très logique, et en même temps en moi parce qu'on fait de l'histoire aussi avec ses tripes avec sa sensibilité son propre rapport aux vêtements bien sûr il y avait quelque chose qui résistait en moi à Madeleine Pelletier pourquoi pas des vêtements plus androgynes que ceux que nous portons oui bien sûr, j'aime bien Non. Je suis très éclectique dans mes goûts, mais oui, Maria de Rheim, je trouvais qu'elle avait un petit peu raison aussi. Donc partageons le droit à la parure pour créer plus d'égalité entre les... Oui,

  • Speaker #1

    finalement, le risque, c'est toujours de créer de nouvelles normes. À partir du moment où les choses deviennent normes, il faut se méfier beaucoup. et par conséquent les libertés Vous parliez du droit aux hommes portés le pantalon. La question c'est de savoir s'ils en ont envie. Je ne sais pas, c'est une vraie question. J'ai posé cette question à des hommes. Certains m'ont dit, bien sûr, pourquoi pas, c'est agréable, confortable. Si, ça ne se fait pas encore beaucoup. Nous avons plus qu'ils les deux. C'est intéressant d'ailleurs. de voir que les femmes, à l'heure actuelle, peuvent porter indifféremment les deux. On reviendra peut-être sur l'histoire de la jupe. Sur la jupe, on va sans doute revenir sur la jupe. Mais c'est vrai que, moi comme vous, j'aime beaucoup Madeleine Pelletier, qui est quand même une femme extraordinaire, mais en même temps, elle fait un petit peu froid dans le dos. Parce que, c'est vrai, elle se barricade comme ça dans une masculinité. qui pourrait l'illégalité, au point d'ailleurs de se refuser toute sexualité. C'est quand même un problème.

  • Speaker #2

    Ça dépend pour qui, visiblement. Est-ce que ça a été un problème pour elle ? On ne sait pas.

  • Speaker #1

    Donc voilà, le cas d'Adelaine Pelletier, c'est vrai que c'est...

  • Speaker #2

    Il nous interroge depuis longtemps. Il nous interroge beaucoup. Mais le psychologue Adler appelait ça la protestation virile, en fait. Et il démontre que c'est une forme de compensation plutôt... Positives en fait pour les femmes qui souffrent d'une injustice sociale flagrante, à travers l'adoption d'une identité masculine, de rattraper un petit peu ça, de déjouer la discrimination et de vivre autrement que si elles avaient vécu en femme.

  • Speaker #0

    Est-ce que, parce que vous, donc là on parle de... de ces femmes, Maria de Rheim, Madeleine Pelletier, etc., qui incarnent en quelque sorte deux pôles du féminisme, ce que d'un côté on appelle le féminisme en décolleté, et puis ce qu'on pourrait appeler le féminisme en culotte ou en pantalon. Est-ce que cette ligne, cette différence, elle s'est perpétuée après la Deuxième Guerre mondiale ? Et est-ce qu'elle existe encore dans le féminisme contemporain ? En tous les cas, est-ce que les débats autour... du vêtement, des apparences, etc. sont encore présents aujourd'hui ?

  • Speaker #2

    Un peu moins parce qu'après mai 68, on pense qu'il est interdit d'interdire et la mode fonctionne différemment, elle devient polycentrique, le long, le court. Il y a une grande liberté quand même dans la mode féminine depuis les années 68. Et il y a un rejet de ce qui est imposé, des codes trop stricts, de tout ce qui renverrait à l'uniforme, à l'uniformité. Donc ça, c'est tout à fait l'esprit libertaire de ces années-là. Donc les femmes en ont pleinement bénéficié. Il y a eu cette petite période unisexe. Mais pour moi, ce qui me frappe à l'époque du MLF, c'est plutôt la focalisation sur les seins. ... Et le rejet du soutien-gorge, puisque si on cherche un rapport fort entre vêtements, émancipation, libération dans les années 70, c'est plutôt l'idée que les Américaines ont brûlé leur soutien-gorge. C'est ça qui a marqué l'opinion, plus que le pantalon ou la mini-jupe qui était acquis une décennie plus tôt. Et là, ça m'interroge beaucoup parce qu'on peut se demander si vraiment le vêtement n'est pas un langage politique et si les femmes n'ont pas exprimé avec ces changements vestimentaires des aspirations à la liberté. à l'égalité, qui ont été formalisées d'une manière plus idéologique dans les années 70, mais qui étaient déjà présentes avant, qui étaient déjà dans l'ère du temps, qui étaient déjà présentes à la fois sur ces deux vêtements qui sont synchrones, le pantalon féminin légitimé, porté de manière banale, enfin, dans les années 60, et la mini-jupe. Deux vêtements complètement différents et qui pourtant vont... tous les deux incarner une forme de libération des femmes, libération alors là vraiment sexuelle et corporelle.

  • Speaker #0

    Michel Perrault, vous qui avez vécu en jeune historienne et militante aussi d'une certaine façon cette période des années 70, comment est-ce que vous vous souvenez de la propre façon dont vous viviez vous-même votre rapport aux pantalons ou à la jupe ? Est-ce qu'il y avait de la politique là-dedans ? Est-ce que quand vous revêtiez un pantalon, il y avait une conscience d'un geste politique ? Parce qu'au fond, c'est de ça qu'on parle aujourd'hui, à travers ce livre.

  • Speaker #1

    Sentiment de liberté, sûrement, oui, oui. Parce que moi, je ne suis pas toute jeune, malheureusement, et j'ai vécu en robe, en jupe. Et quand j'étais jeune professeur, je ne parle même pas de mes années... d'éducation, mais quand j'étais jeune professeure à Caen, un jour je suis venue en pantalon, parce qu'il faisait froid tout simplement, et je me suis fait, gentiment, gentiment, rabrouer par le censeur, elle était protestante, donc elle était compréhensive quand même, et elle me dit, mademoiselle, je comprends bien, je comprends bien, Mais vous voyez, les lycéennes ne sont pas autorisées à porter le pantalon. Donc je vous demanderais quand même de... Et Colette... Colette Cogné.

  • Speaker #0

    Non, non, non, non, Colette, votre... Celle qui a passé le doctorat...

  • Speaker #1

    Colette Avran.

  • Speaker #0

    Oui, Colette Avran, à la télévision. Vous avez été interviewée à la télévision sur France 2. Elle, sur la télé 2, oui. Et elle a raconté aussi une anecdote tout à fait analogue. Enfin, il n'y a pas...

  • Speaker #1

    On en aurait des milliers et des milliers.

  • Speaker #0

    Et on en aurait des milliers, absolument.

  • Speaker #1

    Les femmes qui ont plus de 60 ans ont toutes connu l'interdiction du pantalon à l'école. L'interdiction du pantalon à l'école. Sauf l'hiver, avec une jupe au-dessus, généralement. Oui, c'est ça. Avec des renvois à la maison. C'était des règlements intérieurs qui imposaient ça. Il n'y avait pas non plus une conscience tellement politique derrière tout ça. Non, c'est ça. C'était une aspiration aussi à la modernité. Le pantalon était déjà dans la mode, en fait. Et là, c'était plus des jeunes filles qui aspiraient à être des filles à la mode, même à l'école, et qui ne pouvaient pas l'être. Donc, il y avait une forte tension avec... Les images de la modernité, c'était la femme active en pantalon, et puis les impossibilités des adolescentes encore très surveillées à l'école. La situation est un peu tendue à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Il y a plus un processus, je pense que Christian a tout à fait raison, un processus que 68 et les années 70 accélèrent, ne serait-ce d'ailleurs qu'en raison des manifestations aussi. En 68, les femmes... Les jeunes filles, les étudiantes, bon, participent beaucoup aux manifestations. En 68, d'ailleurs, leurs revendications sont tout à fait... On n'en parle pas du tout, mais c'est quand même commode pour manifester le pantalon. Donc, il y a ça. Mais, mais, mais, mais, dans les années 70-72, il y avait aussi une revendication, justement, à la féminité, féminité entre guillemets, des longues jupes. des tenues un peu baba cool, voilà, il y avait tout ça. Autrement dit, c'est beaucoup plus mélangé du point de vue de la mode. Il y a quelque chose de très mélangé. En effet, nous sommes des femmes, nous le voulons comme des femmes, nous ne voulons pas nécessairement nous enfermer dans un vêtement d'homme. On veut aussi les grandes jupes et tout ça, et les longs cheveux. Il y a toute une image des filles de 68 qui est comme ça aussi.

  • Speaker #1

    Et après, à partir du milieu des années 70, ça change avec une plus grande visibilité des lesbiennes dans le mouvement féministe et puis l'émergence d'un mouvement lesbien un petit peu plus tard. Et là, pendant un moment, pendant je dirais une grande décennie, il y a un uniforme militant lesbien qui passe par le pantalon, des chaussures plates, des chaussures ultra courtes, le sac à dos. Et donc on va un peu comme dans le passé, plaquer les deux images l'une sur l'autre et assimiler féminisme et lesbianisme et montrer de préférence des militantes féministes. On pourrait le faire, l'analyse des représentations des féministes dans les médias, y compris le Nouvel Obs, où on va montrer de préférence des femmes très masculines plutôt que des femmes très féminines. qui sont aussi féministes.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y a, parce que vous consacrez quelques pages, le titre du sous-chapitre, c'est « Le pantalon des femmes politiques » . Alors il y a des scènes assez amusantes. C'est formidable. Évidemment, comme cette arrivée de Michel Alliomari en 1972. Elle est conseillère d'Edgar Ford à l'époque. Elle arrive à l'Assemblée nationale et un huissier l'empêche d'entrer en lui faisant remarquer qu'elle porte un pantalon. Et elle, elle s'en se de la répartie déjà à l'époque et elle répond, si mon pantalon vous gêne, je peux l'enlever si vous voulez. Alors évidemment, Lucier est un peu déconcerté. Est-ce qu'il y a une différence entre le pantalon des femmes politiques de droite et le pantalon des femmes politiques de gauche ?

  • Speaker #1

    Comme la droite était au pouvoir dans les années 70, là où beaucoup de choses changent... Celles qui sont sous le feu des médias, c'est par exemple Alice Saunier-Seyité, qui est la première femme ministre qui ose mettre un pantalon. Et Jacques Chirac, Premier ministre, lui dit qu'elle déshonore la France et la fonction. Donc on a aussi très peu de femmes de gauche et de gauche.

  • Speaker #2

    Et Giscard d'Estaing qui ne manque pas une occasion de...

  • Speaker #1

    De contraste avec Chirac. Avec Chirac,

  • Speaker #2

    la félicite au contraire.

  • Speaker #1

    Pour son élégance. Voilà. Oui, Ça me fait penser à une anecdote sur une cliente d'Yves Saint Laurent qui est en costume pantalon et à qui l'on refuse l'entrée d'un restaurant et qui revient habillée juste avec sa tunique ultra courte et que l'on accepte en tunique ultra courte. Donc ça montre bien encore à quel point le pantalon en soi pose problème, que ce n'est pas une question de pudeur, d'impudeur. Alors les femmes... Bon. Voyons les sources. C'est vrai que les sources nous parlent plus de femmes politiques de droite qui sont peut-être plus visibles dans les années 70. Et j'ai tenté, mais Yvette Roudy ou notre première femme Premier ministre... Édith Cresson. Merci. Édith Cresson. Elle porte des pantalons, Édith Cresson. Oui, mais bon, elles ont quand même, quand elles étaient au pouvoir, joué plutôt une carte assez conventionnelle. voilà, alors bon Ce n'est pas le tailleur Chanel de Simone Veil, mais c'est quand même une féminité assez, je dirais, conventionnelle. Elles se coulent dans la fonction. Il y a déjà tellement d'obstacles pour elles qu'elles n'ont pas... semble-t-il pas envie ni le courage de briser d'autres tabous. Moi je trouve que Michèle Alliomarie, elle tient effectivement une place importante dans cette histoire, parce qu'elle devient la première femme ministre de la Défense, et qu'en tant que ministre de la Défense, elle porte le pantalon, y compris un pantalon d'uniforme, et qu'elle le porte avec une élégance très naturelle, parce que c'est une femme sportive qui a toujours porté le pantalon, et elle est bien dans la fonction. et donc là Ça se calme un peu, cette hostilité à l'égard des femmes en pantalon. Elle ne suscite pas tellement de réactions négatives. Il faut aussi remarquer, en histoire, les silences. Là, il y a quelque chose qui fonctionne assez bien. Puis il y a les jupettes aussi. Alors les jupettes, au double sens de jupettes, parce que là, on voit à quel point ces jupettes, elles étaient en position fragile au gouvernement. Elles étaient réellement toutes en jupe. Il y a une photo dans le livre que je montre, les jupettes avec Alain Juppé, elles sont encore toutes en jupe.

  • Speaker #2

    C'est pour ça qu'elles ne sont pas restées très longtemps ?

  • Speaker #1

    À mon avis, oui. Elles auraient mieux fait de pratiquer l'empowerment, qui consiste à se mettre en pantalon. Et les femmes ministres en 2007 l'ont compris, elles sont majoritaires à être en pantalon, sauf Michel Alliomarie. Se distingue pour une fois. Donc oui, non, c'est pas... Enfin la première femme députée officiellement en pantalon, c'est quand même une femme communiste. Et je... Ça semble pas un hasard. Non, c'est pas un hasard. En même temps, d'autres femmes communistes ne le font pas. Mais dans sa manière d'argumenter, je trouve qu'on retrouve les valeurs de gauche et une réflexion intéressante sur ce que ça veut dire être représentante. Pour elle, c'est un lieu de travail. Il est normal d'y aller en pantalon et pas en dimanché, pas en bourgeoisie. Le pantalon, c'est son vêtement de travail. C'est son identité. Elle refuse tout vêtement de fonction qui serait pour une femme un tailleur avec une jupe. Donc, bon, voilà.

  • Speaker #0

    Comment est-ce qu'elle s'appelait ?

  • Speaker #1

    Chantal Leblanc. Je l'ai retrouvée, je l'ai eue au téléphone. En quelques phrases, elle a parfaitement bien résumé ça. Sa démarche, l'histoire retient plutôt Michel Alliomarie, mais elle n'était pas parlementaire en 1972. Il faut aussi penser à Chantal Leblanc en 1978. Donc c'est tardif. En fait, ce qui est intéressant, c'est de voir que le monde politique, il est en retard par rapport à la société et que les codes... je vous apprends rien et ben voilà ça se confirme avec le vêtement figurez-vous c'est avec un temps de retard que certaines innovations vont être intégrées par les hommes et les femmes politiques. Mais il faut dire que ces malheureuses femmes politiques, elles sont tout le temps vues à travers ce qu'elles portent, toujours trop féminines ou trop masculines, toujours trop. Mais pour répondre à quelque chose que Michel Perrault disait tout à l'heure, moi ça m'a beaucoup interrogé la stratégie vestimentaire de Ségolène Royal en 2007, le fait qu'elle ne soit jamais en pantalon. Alors il y a un droit des femmes à ne pas porter le pantalon, c'est sûr, et qu'il faut défendre vraiment avec beaucoup de fougue à mon avis. Ceci dit, est-ce qu'il y a un droit des candidates à la présidence de la République à ne pas porter le pantalon ? Ça je suis plus nuancée. Pas parce qu'elle a perdu, encore que. Elle n'a pas perdu à cause de ça. Mais elle s'est quand même séparée de l'immense majorité des femmes qui aujourd'hui portent le pantalon. 9 femmes sur 10 dans la rue portent le pantalon. Et la jupe, enfin la féminité vestimentaire, reste quand même quelque chose d'inférieur à ce qui est masculin. C'est la valance différentielle des sexes de Françoise Héritier. Ça fonctionne complètement pour le vêtement. Et ça explique pourquoi si peu d'hommes envisagent de porter une jupe, le pantalon, il est au-dessus de la jupe dans la hiérarchie. porter une jupe c'est se faire objet sexuel, objet du regard, c'est accepter d'érotiser son corps, de montrer ses jambes, de se dévoiler, et c'est considéré comme quelque chose d'inférieur. Nous savons tous que c'est à tort que toutes ces choses sont considérées comme inférieures. Mais voilà, le code il est arbitraire, il est là, on ne peut pas encore s'en émanciper totalement. Donc jouer la carte de la féminité quand on aspire au pouvoir, c'est quand même rappeler quelque part que Il y a cette féminité, tout ce que charrie le genre féminin, toutes les associations d'idées qui vont être faites, la séduction et donc la légèreté, l'incompétence, enfin bon, tous les procès qui ont pu être faits. à Ségolène Royal. Donc d'autres femmes politiques ont cette stratégie à mon avis plus sage de chercher à faire oublier qu'elles sont des femmes à travers un vêtement au moins plus neutre sinon pourquoi pas un vêtement plus masculin. Ça m'a beaucoup amusé dans le monde l'interview de Christine Lagarde je crois que c'était jeudi dernier le titre il ne faut pas imiter les hommes il ne faut pas que les femmes imitent les hommes en matière économique etc Les femmes, quand elles accèdent à des postes de pouvoir, doivent rester femmes, avec des préoccupations de femmes. C'est un petit peu essentialisant tout ça. Et la photo est en contradiction parfaite avec le titre, puisqu'on voit Christine Lagarde avec un costume très masculin, qui jure vraiment avec son propos.

  • Speaker #2

    Alors, vous avez prononcé l'expression, et je pense que c'est important qu'on y revienne, le droit de ne pas porter... porter le pantalon, parce que c'est finalement, vous y consacrez quelques pages, mais qui sont fortes à la fin de votre livre. Si les femmes, au cours de leur histoire, même si pas toutes les femmes et pas toutes les féministes ont revendiqué le droit de porter le pantalon, aujourd'hui, il y a une sorte de retournement qui s'opère, qui est une autre revendication, qui est, et pour des raisons que vous allez nous expliquer, le droit de s'habiller en jupe et de reconquérir la liberté.

  • Speaker #1

    de s'habiller finalement comme on veut en jupe en pantalon mais notamment en jupe parce que pour certaines femmes c'est impossible oui alors qu'elle jupe la jupe a évolué aussi elle est devenue un vêtement exceptionnel une des jupes plus courtes aussi avec la mini jupe qui a fait un retour en 2002 et qui est très présente chez les jeunes les jeunes filles et puis ce qui a attiré mon attention c'est au moment de la naissance de ni pute ni soumise L'émergence d'une nouvelle revendication féministe, le droit à la féminité. Alors qu'est-ce que ça veut dire le droit à la féminité ? C'était surtout vestimentaire en fait. Ça concerne les apparences, avoir le droit de se maquiller, avoir le droit d'être séduisante selon les codes de la féminité en vigueur, ce qu'on trouve dans les journaux de mode, ce qu'on trouve dans les images qui sont présentes partout. Et donc le fait que ce soit une revendication de dipute ni soumise a attiré l'attention sur des... quartiers de relégation sociale, avec une population d'origine immigrée. Bon, d'accord, mais ça, je me demande si ça n'est pas le cliché, puisque le printemps de la jupe, qui s'est développé depuis 2006, a commencé et s'est développé dans une région où on n'a pas, ou moins, ce genre de quartier, et même dans une zone rurale, dans un lycée professionnel agricole, privé, catholique, ou une association extérieure à l'établissement. de prévention des risques est intervenu et a conduit les élèves à réfléchir au regard qu'ils portent sur les filles en jupe. Et on retrouve une culture commune, une culture commune des jeunes face à la jupe, donc cette jupe qui est bien dans certaines circonstances, mais qui en général vous étiquette comme une fille facile, une allumeuse. Pour ne pas dire le mot pute, mais après tout, c'est devenu le mot le plus employé par les jeunes depuis une dizaine d'années pour qualifier ce genre de fille. Et le film La journée de la jupe a complètement rejoint la réalité, en fait, puisque le printemps de la jupe existe. Et je souhaite qu'il se développe et qu'il permette dans beaucoup d'établissements scolaires qu'un dialogue s'établisse entre garçons et filles sur ce que veut dire le code vestimentaire. Et partant à travers le code vestimentaire, on parle de quoi ? Des relations garçons-filles, de la sexualité, de tout ça. Et c'est vraiment fondamental d'aider les jeunes à en discuter. C'est pas simple non plus pour les plus âgés, mais c'est pas simple non plus pour les jeunes. Et on pourrait avoir l'impression qu'ils sont émancipés de tout ça. Non, il y a plein de non-dits entre eux et les discussions sur la jupe le montrent bien. Donc, droit de ne pas porter le pantalon pour les jeunes filles, parce que c'est surtout une catégorie d'âge, me semble-t-il, qui est concernée. Parce qu'au lycée, déjà, on voit plus de filles en jupe. Et à l'université, encore un petit peu plus, même si ça reste minoritaire. Et puis, le droit de ne pas porter le pantalon pour les hommes. Mais ça, je l'ai déjà abordé. On ne va peut-être pas y revenir. Mais c'est vrai que l'aboutissement de ma réflexion historienne sur le pantalon a été la jupe. Le problème aujourd'hui n'est plus tellement le pantalon, c'est la jupe, c'est le vêtement ouvert, c'est pour les deux sexes d'ailleurs. Et c'est pour ça que j'ai écrit un petit livre sur la jupe. Au départ, ça devait être les deux derniers chapitres de ce livre. Et puis, on m'a dit non, ça fait hors sujet tout d'un coup de terminer un livre sur le pantalon avec deux chapitres sur la jupe. Donc, ok. J'ai publié à part un petit livre qui s'appelle « Ce que soulève la jupe » .

  • Speaker #2

    « Ce que soulève la jupe » , c'est autrement.

  • Speaker #1

    Voilà. et où j'approfondis ces questions-là avec une partie historique sur les évolutions de la jupe et toutes les controverses déjà qui portaient sur la longueur de la jupe. La jupe aux genoux dans les années 20, la mini-jupe dans les années 60, la mini-jupe des années 2000. Et puis ensuite, c'est plus un essai sur jupe égale pute, dans un contexte où on cherche à voiler les filles quand même, mais toutes les filles, et puis la jupe des garçons.

  • Speaker #2

    Michel Ferrault, sur le problème aujourd'hui n'est plus le pantalon mais la jupe ?

  • Speaker #0

    Oui, non, mais tout ce que vient de dire Christine, il n'y a pas tellement à y revenir. Le petit bouquin, ce que soulève la jupe, qui avait précédé d'ailleurs, il est paru avant, votre livre sur le pantalon était... très passionnant et le film avec Adjani est formidable, vraiment passionnant et est-ce que vous avez eu contact avec Adjani ?

  • Speaker #1

    Non j'ai utilisé pour le livre ces commentaires que j'ai entendus à la radio que j'ai lu dans les journaux et surtout le rapprochement qu'elle fait entre pantalon et burqa ou voile que j'essaie de commenter Oui. je crois qu'elle était très attachée au message du film elle l'a beaucoup souligné c'est un film engagé pour elle il y a une cause derrière tout ça qui est la liberté des femmes le vêtement est un prétexte pour contrôler les femmes contrôle sexuel, contrôle social contrôle de leur circulation dans l'espace c'est ça qui est intéressant derrière le vêtement c'est tous ces enjeux là bien sûr,

  • Speaker #0

    mais ce qui est très étonnant Dernièrement, il y a eu encore un film sur je ne sais plus quel quartier de banlieue où il a été interviewé des jeunes gens et des jeunes femmes. Et les jeunes femmes disaient, si on veut avoir la paix, il faut porter le pantalon. Autrement dit, la jupe, pour elles, et à cause naturellement de l'attitude des garçons en l'occurrence, c'est le fameux vêtement ouvert, érotique. Et on repartit. encore dans ces problèmes-là, c'est vraiment...

  • Speaker #1

    Mais on voile avec un pantalon aujourd'hui, alors qu'au début du XXe siècle, par exemple, le pantalon était accusé de dévoiler les formes, de souligner de manière précise la forme des jambes, même quand le pantalon était un petit peu large d'ailleurs. On voit à quel point c'est contingent, toutes ces appréciations morales qui sont portées sur le vêtement, c'est toujours dans des contextes précis, il faut les... les analyser et c'est toujours au cœur de controverses. Et il ne faut pas oublier de terminer peut-être sur l'ordonnance de Millefranc.

  • Speaker #0

    J'allais y venir,

  • Speaker #2

    j'allais y venir.

  • Speaker #1

    Parce que ça j'y tiens.

  • Speaker #2

    Cette ordonnance dont l'abrogation n'est toujours pas acquise et dont vous allez nous en parler, mais dont au cours de l'histoire, la question de son abrogation s'est posée, notamment dans les années 60. et euh et Et puis finalement, elle est toujours là, cette ordonnance ?

  • Speaker #1

    Oui, alors, il y a une demande d'abrogation qui est faite en 1969, un an après mai 68, un conseiller municipal de droite à Paris, parce que l'ordonnance de 1800 ne concerne que le département de la Seine, donc aujourd'hui Paris, et c'est la préfecture de police de Paris qui peut abroger cette ordonnance qu'elle a produite en 1800. Et donc, le préfet de police de l'époque, bien connu pour ses idées progressistes, c'est Maurice Grimaud. Et il répond, oh non, on ne sait jamais, il faut prévoir ces changements intempestifs de la mode, il faut mieux conserver cette ordonnance. J'avais du mal à comprendre cette réponse, puisqu'il avait cette réputation quand même plutôt pas féministe, mais bon. Et il m'a répondu gentiment une longue lettre, où il essaie de me démontrer que surtout, Il est féministe, il est bien féministe, qu'il n'a pas compris les enjeux et qu'il avoue à sa grande honte qu'il préfère les femmes en jupe. Et que certes, son appréciation personnelle n'aurait jamais dû rentrer en ligne de compte avec une question aussi importante. Mais que voilà, et que c'était tellement laid toutes ces femmes en jean. Bon, la réponse est intéressante. Donc voilà, affaire classée, ça revient en 2004 avec un député UMP de l'Indre. qui, sensibilisé par le bicentenaire de Georges Sand, a l'idée de demander l'abrogation de la loi de 1800. Voilà un député qui ne prend pas le soin de se renseigner, qui parle d'une loi, qui dit que Georges Sand a demandé l'autorisation, ce qu'elle n'a, je crois, jamais fait. Bon, donc mal renseigné, mais ça lui a permis de passer au journal de France 2 à 13h et aux grosses têtes, ce qui pour un député nouvellement élu et inconnu de tous, est une aubaine. Et ça, c'est le côté pittoresque du sujet qui, voilà, clé bien. Le gouvernement, la ministre de la Parité lui répond que l'ordonnance est tombée en désuétude et que donc il n'y a rien à faire. Et puis, à ma grande surprise, le 1er avril 2010, j'étais vraiment...

  • Speaker #0

    Une extrémiste.

  • Speaker #1

    Une extrémiste. Le livre était rendu. J'ai demandé un droit de faire un post-scriptum, page 380, pour signaler que dix députés radicaux de gauche, pour le 1er avril, ont déposé une proposition de loi, une vraie proposition de loi, demandant l'abrogation de la loi de 1799. Double faute. Et puis, je l'ai réécrit. Ils n'ont pas daigné me répondre. Pourtant, j'aurais aimé les renseigner. Et alors là, le dernier épisode, pour le moment, parce que ce n'est pas terminé, c'est il y a trois semaines, des conseillers municipaux verts et communistes de Paris ont demandé l'abrogation de l'ordonnance de police de 1799. Ok. C'est important de faire de l'histoire. Je pense que nos hommes et femmes politiques n'en ont pas assez. En même temps, je suis sûre qu'ils n'ont pas lu le livre. Ou alors, ils l'ont lu très vite. Mais ils ont dû... La médiatisation du livre, à mon avis, est à l'origine de cette demande. Et le préfet de police a répondu qu'il avait mieux à faire que de l'archéologie législative. L'important, c'était les femmes battues. C'était cette question.

  • Speaker #2

    Qui a le pouvoir de l'abroger ? Le préfet de police.

  • Speaker #1

    Alors il peut aussi dire que c'est anticonstitutionnel, puisque depuis 1946, la constitution de la République française reconnaît l'égalité des sexes, etc. Mais bon, symboliquement, c'est devenu un... Ça leur coûterait pas cher. Le livre tend à montrer quand même que c'est pas juste une question de bout de tissu.

  • Speaker #2

    Bon, je vous encourage vivement à... A lire cette histoire politique du pantalon,

  • Speaker #1

    merci beaucoup et bonne après-midi.

Chapters

  • Générique

    00:00

  • Introduction par Thomas Wieder

    00:32

  • Généralisation du pantalon durant la Révolution française et interdiction du "travestissement" pour les femmes

    03:48

  • Le port du pantalon par les femmes au XIXe siècle, entre caricature antiféministe et émancipation féminine

    07:53

  • Le pantalon des femmes dans la mode et le sport de la Belle époque à la Seconde Guerre Mondiale

    30:21

  • Le pantalon comme objet politique difficilement assignable à un camp

    43:33

  • La banalisation du port du pantalon par les femmes après 1968

    51:10

  • Le pantalon des femmes politiques : les premières fois des années 1970

    57:43

  • Le droit de ne pas porter le pantalon à l'époque contemporaine

    01:05:59

  • 2010 : l'ordonnance du préfet du Paris sur le travestissement des femmes, tombée en désuétude mais pas encore abrogée

    01:12:54

Description

Suite à la sortie de son ouvrage Une histoire politique du pantalon (Seuil, 2010), Christine Bard retraçait aux Rendez-vous de l'histoire l'usage et la symbolique du pantalon en France, de l'époque révolutionnaire, quand il s'impose en tant qu'habit masculin, à 2010, lorsque l'ordonnance émise en 1800 par le préfet de police de Paris pour interdire le "travestissement" des femmes en hommes, bien que tombée en désuétude, reste encore à être abrogée. Elle ne le sera que trois ans après cette conférence.


Modérateur :

Thomas WIEDER, journaliste au Monde


Intervenantes :

Christine BARD, professeur à l’université d’Angers

Michelle PERROT, professeur émérite à l’université de Paris VII


Conférence issue de la treizième édition des Rendez-vous de l'histoire en 2010 sur le thème "La Justice".


© Christine Bard, Michelle Perrot, Thomas Wieder, 2010.


Voix du générique : Michel Hagnerelle (2006), Michaelle Jean (2016), Michelle Perrot (2002) 


https://rdv-histoire.com/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les rangs de l'histoire sont bien Au rythme de rencontres,

  • Speaker #1

    d'échanges La grande fête annuelle de l'histoire

  • Speaker #0

    Et des passionnés de l'histoire Enseignants,

  • Speaker #1

    chercheurs Le grand lieu d'expression et de débat Lecteurs,

  • Speaker #0

    amateurs Sur tout ce qui se dit Curieux, rêveurs Sur tout ce qui s'écrit Qui aide à prendre la mesure des choses A éclairer le présent et l'avenir Dans l'espace et dans le temps

  • Speaker #1

    cet après-midi alors que le programme comme chaque année des rendez-vous de l'histoire est foisonnant, riche et enthousiasmant. Donc pour assister à ce dialogue entre Michel Perrault et Christine Barr autour du dernier livre de Christine Barr, Histoire politique du pantalon, dont on a déjà beaucoup entendu parler dans la presse et ailleurs parce qu'il a suscité, soulevé un intérêt et une curiosité. ô combien légitimes. Alors, depuis quelques années, souvent les historiens sont dans une forme de déploration, qui n'est pas forcément un manque d'enthousiasme, mais on les entend dire qu'on a renoncé à une histoire totale, qui pouvait être l'histoire défendue par l'école des annales dans les années 70. Alors évidemment, peut-être l'histoire totale a un peu disparu, mais tout est devenu objet d'histoire, et on ne compte plus aujourd'hui les histoires sur des sujets consacrés à des objets qui, jadis, n'avaient pas leur place dans l'historiographie ? On reviendra peut-être sur cette question tout à l'heure avec Michel Perrault. Et parmi ces objets, il y a le pantalon dont nous allons beaucoup parler aujourd'hui, il y a aussi les chambres, parce que, évidemment, même si l'année dernière, on aurait sans doute centré cette discussion sur votre livre, Michel Perrault, mais il y a cette histoire du pantalon, il y a aussi... la merveilleuse histoire de chambres, et pas histoire des chambres, que vous avez publiée au Seuil également l'année dernière, Michel Perrault, et qui montre que justement, les historiens aujourd'hui peuvent entrer dans des lieux qui jadis étaient délaissés par leur père, et toucher des objets également nouveaux. Alors, commençons peut-être par parler de cette histoire politique du pantalon avec vous, avec vous, Christine Barr. Vous êtes professeure d'histoire contemporaine à l'Université d'Angers. Vos premiers travaux sous la direction de Michel Perrault portaient sur l'histoire du féminisme dans l'entre-deux-guerres. Ensuite, vous vous intéressez à l'histoire de l'anti-féminisme. Vous faites partie des historiens français qui ont le plus intégré les apports de l'histoire du genre, venus notamment des États-Unis, c'est-à-dire sur la façon dont les identités de gens sont construites, pour l'objet d'une construction. Alors cette histoire... Ce n'est pas une histoire du pantalon, c'est une histoire politique du pantalon, parce que ce qui vous intéresse, justement, c'est la façon dont, autour de cet objet qu'est le pantalon, se cristallisent les tensions entre le masculin et le féminin, et en quoi la place de cet objet dans la société, dans les discours. est évidemment révélatrice des rapports entre les genres. Et c'est ça qui est tout à fait passionnant dans votre livre, qui commence autour de la Révolution française, puisque vous dites qu'en gros, c'est je crois le début du premier chapitre, que le pantalon fait son entrée dans l'histoire au moment de la Révolution française. Alors pourquoi ?

  • Speaker #2

    Eh bien, c'est l'époque de la grande renonciation masculine. J'aime beaucoup cette expression empruntée à un psychanalyste anglais qui s'appelle John Carl Flügel et qui, en 1933, avait écrit un livre sur la psychologie des vêtements. Et il remarque que dans ce moment de transition, passage d'un ancien régime aristocratique à un nouveau régime qui aspire à la démocratie et qu'on va qualifier au XIXe siècle de bourgeois, Il y a une mutation des apparences masculines, très frappante. Uniformisation, passage de la couleur au noir, au gris. Cette notion d'uniformisation renvoie aussi à l'égalité qui devient une valeur clé dans ce nouvel ordre politique. Donc les hommes vivent une révolution politique et vestimentaire, symbolique. Et les femmes ne vivent pas cette révolution. On le savait déjà, et j'intègre évidemment tous les travaux sur l'histoire des femmes, l'histoire politique des femmes, les travaux de Dominique Godineau notamment sur la Révolution française. Donc on savait bien que les femmes n'allaient pas profiter comme les hommes de la Révolution, mais ça se traduit aussi pour les femmes sur un plan vestimentaire. En quelque sorte, les femmes ne font pas leur grande renonciation au faste des apparences. Elles sont les seules à conserver le droit à la parure, dont les hommes sont privés. chose qui aujourd'hui est à interroger. Je crois que pour les hommes, on va peut-être sortir de cette grande renonciation. Les hommes vont peut-être renoncer à la renonciation et diversifier leurs vêtements, et ça aura un sens politique. Donc c'est cette dissymétrie entre les hommes et les femmes que j'avais envie d'interroger. Dans ce sens-là, c'est une histoire des femmes, mais c'est aussi une histoire des hommes, c'est aussi une histoire des genres, puisque j'interroge le sens que le pantalon a aussi pour les hommes dans la... fabrication de la masculinité, de la virilité, et avec tout le sens politique que ça a, l'activité militaire et politique.

  • Speaker #1

    Alors vous montrez que le pantalon peut apparaître pour les femmes comme une conquête. Pantalon comme symbole à un moment donné d'émancipation. Et donc, à partir du moment où le... où les femmes risquent de trop s'émanciper, le pouvoir politique intervient, et il intervient au cœur de la Révolution française, et dans ses lendemains immédiats, avec cette fameuse ordonnance de 1800, qui n'est toujours pas abrogée, mais on y reviendra.

  • Speaker #2

    D'accord. Je parle un petit peu de ça, si vous voulez. En 1793, les clubs de femmes sont fermés. Et c'est la première occurrence du mot pantalon que je retrouve dans un discours politique officiel, le discours d'Ama, qui reproche à ces femmes, qu'on va réduire au silence, de vouloir imposer le pantalon aux autres femmes et de porter elles-mêmes le pantalon, alors que c'est complètement faux. Et c'est un fil conducteur qu'on retrouve pendant longtemps, jusqu'au XXe siècle, cette peur de l'activité politique des femmes qui se traduirait aussi par une virilisation vestimentaire et par le port du pantalon. Alors quand on dit qu'une femme porte le pantalon, en fait, pendant longtemps, on la voit comme une travestie. Et l'ordonnance 2800, elle vise donc à interdire le travestissement. Donc parfois, on résume en disant qu'elle interdit le port du pantalon aux femmes. Oui, pour autant que le pantalon représente l'adoption du vêtement de l'autre sexe, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Donc l'ordonnance 2800, elle est tombée en désuétude vraiment, puisqu'aujourd'hui, on ne peut plus définir. Qu'est-ce que c'est une femme qui s'habille en homme aujourd'hui ? Est-ce qu'un pantalon, un blouson, des chaussures plates, ça suffit ? Non, on ne peut plus, ça ne fonctionne plus. La notion même de travestissement est tombée en désuétude.

  • Speaker #1

    Alors si on considère, mais évidemment c'est un sujet qui fait débat tout au long du XIXe siècle, et vous consacrez à ce débat des pages lumineuses, le pantalon est... malgré tout au XIXe siècle, le symbole d'une émancipation, puisqu'il y a cette fameuse phrase qui disait à l'époque « Qui culotte a, pouvoir a » . Donc évidemment, porter le pantalon, c'est d'une certaine façon revêtir les symboles du pouvoir. Ce que vous dites, évidemment, on le sait parce que tous les travaux, et là je pense que Michel Perrault aura des... Des choses à dire, mais tous les travaux sur l'histoire du féminisme montrent que les rapports entre les révolutionnaires, les républicains et le féminisme sont beaucoup plus complexes qu'on ne croit. Mais en tout cas, ce que vous rappelez, Christine Barre, c'est que chez les socialistes utopiques, chez les Saint-Simoniens, chez Cabey, chez Fourier, etc., il y a une extrême méfiance, souvent un silence, mais parfois une méfiance explicite. à l'égard, à l'idée que les femmes puissent porter le pantalon.

  • Speaker #2

    Oui, alors même que le pantalon est quand même, le pantalon au sens politique, le pantalon auquel on donne des vertus émancipatrices pour les femmes, est quand même issu de cette famille de... Alors que le pantalon est issu de cette famille de pensées féministes et socialistes de la première moitié du XIXe siècle, mais il est vrai que, par exemple, chez les Saint-Simoniens qui portent... réfléchissent beaucoup à la notion de femme libre la saint-simonienne n'a pas vraiment un costume spécifique contrairement au saint simonien et elle ne porte pas le pantalon donc il ne faut pas se laisser piéger par les gravures de l'époque qui montre des saints simoniennes en pantalon elles ont une fonction anti féministe elles servent à dénigrer les audaces des saints simoniens il s'agit souvent de costumes de théâtre puisque c'est souvent sur la scène des théâtres que On cherche à les tourner en ridicule et la répression passe aussi d'une manière plus subtile que par la prison, par cet antiféminisme du roman, de l'essai ou du théâtre.

  • Speaker #1

    Et même pendant la Commune de Paris en 1871, vous montrez que le pantalon n'est pas finalement adopté de façon évidente par les communardes.

  • Speaker #2

    La commune, là, c'est... plutôt une situation différente disons de pénurie, on n'a pas le temps de concevoir ni de fabriquer de nouveaux costumes donc on fait avec les stocks et dans un grand désordre donc on trouve des femmes en uniforme masculin avec des uniformes pris aux hommes et des femmes qui s'habillent en femmes on trouve un petit peu les deux mais toujours Ce qui est intéressant, c'est le discours anti-communard et anti-féministe qui va avoir tendance à représenter les communardes habillées en hommes, alors que le cas ne devait quand même pas être si fréquent. Il y a les deux aspects de la pensée féministe et surtout socialiste au XIXe siècle. Il y a aussi un élan émancipateur et ça va inspirer aussi des pantalons qui existent vraiment. Mais là, on les trouve plutôt aux États-Unis.

  • Speaker #1

    Alors, on y reviendra dans un instant. On ira aux États-Unis dans un instant. Mais restons sur ce XIXe siècle auquel vous consacrez plusieurs chapitres. Je me tourne vers Michel Perrault. donc Michel Perrault ne présente pas, mais dont il faut rappeler que vous avez été en 1973 avec Fabienne... Mais si, c'est important, c'est important quand on fait de l'histoire, il faut donner des dates quand même. Au début des années 70 avec notamment Fabienne Bock et Pauline Schmidt-Pantel à l'origine. Donc vous avez monté ce séminaire à Jussieu sur « Les femmes ont-elles une histoire ? » C'était un cours ! Un cours qui était pionnier, extrêmement novateur à l'époque. Vous avez consacré de nombreux travaux au XIXe siècle, aux femmes au XIXe siècle notamment. Quand vous lisez les pages que Christine Barr consacre justement au XIXe siècle aujourd'hui, Et en quoi est-ce que... Ça vous paraît novateur d'aborder, non pas seulement l'histoire des femmes, mais l'histoire des genres à travers cet objet du pantalon ?

  • Speaker #0

    Eh bien, c'est que le pantalon est par définition un objet mixte, justement. Je reviens au pantalon de Christine, j'aime beaucoup le livre de Christine, comme beaucoup des choses que Christine... a écrite et a faite, mais le pantalon c'est ça qui est intéressant, c'est que le rapport masculin-féminin se noue autour de ce morceau de tissu. C'est ça qui est extravagant. Et c'est extravagant pourquoi ? Et c'est peut-être là où j'aurai encore des questions justement à poser à Christine. évidemment c'est quelque chose de symbolique c'est le symbole qui est derrière ça C'est le symbole de l'égalité des sexes. Bon, mais depuis quand quand même, Christine, c'est devenu si masculin le pantalon ? J'aurais envie de vous poser cette question. Parce qu'enfin, si on regarde, je ne sais pas moi, il y a les pleureuses au XVe siècle, au tableau, au, comment dire, au duc de Berry, au tombeau du duc de Berry, on voit des hommes avec des jupes. On voit des hommes avec des jupes, on regarde dans l'antiquité, vous avez des toges, au fond une toge c'est une espèce de jupe. Comment est-ce que c'est devenu à ce point un symbole masculin ? Comment et pourquoi ?

  • Speaker #2

    Oui, la grande différence qu'on n'a pas encore présentée entre le vêtement féminin et le vêtement masculin, c'est l'ouverture, la fermeture, le vêtement féminin en Occident. est ouvert et le vêtement masculin est fermé quoique avec beaucoup d'exceptions il y a la robe la toge, la soutane donc on trouve au moyen-âge et à l'époque moderne bien sûr et jusqu'à nos jours des exceptions mais le pantalon alors qu'on n'appelle pas encore comme ça dans les siècles précédents, la révolution, on va parler de culottes longues On trouve des braies, on trouve différentes expressions. C'est le pantalon des hommes du peuple, des travailleurs, pendant la Révolution, les sans-culottes, les artisans. Donc c'est un vêtement plébéien, un vêtement de travailleur. C'est pour ça que le sens politique qu'il prend avec la Révolution et qu'il va garder est quand même intéressant. C'est aussi la valeur travail, tellement antagoniste avec les valeurs aristocratiques. qui est mise en avant avec le pantalon. Donc ce qui m'intéresse au moment de la Révolution, c'est cette généralisation, enfin progressive, c'est jusque dans les années 1820, cette généralisation du pantalon, ce passage de la culotte, qui était portée par les hommes des classes supérieures, ce passage de la culotte au pantalon, cette généralisation du pantalon pour les hommes, avec un vêtement qui charrie ces connotations de... Vêtements pratiques, vêtements de travailleurs, vêtements courants, vêtements désexualisants, désérotisants, vêtements plus libres, qui fabriquent un homme libre parce que plus loin du corps que la culotte. Les médecins des lumières se prononcent aussi sur les vertus respectives du pantalon et de la culotte. Donc c'est masculin, la culotte comme le pantalon étaient des vêtements bien masculins, mais le pantalon a quelque chose de plus viril. Et la virilité, on le sait, est souvent associée à un caractère plébéien. Bon voilà, je ne sais pas si j'ai été très claire.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #2

    Il y a un phénomène de généralisation. Et peut-être que le masculin ne suffit pas, mais qu'il faut introduire aussi la notion de virilité. Parce que sous la Révolution, c'est important de lui donner ce caractère viril au pantalon, et qui va avec des vertus politiques viriles.

  • Speaker #0

    Et parmi toutes les fonctions de la robe qu'on peut au fond comparer au pantalon, Au XIXe, peut-être pas avant, peut-être pas tant que ça avant, il y a aussi l'idée d'une féminité qui enferme, qui atteint un peu son sommet avec la crinoline. Alors là, la robe devient tellement volumineuse que le déplacement des femmes de la bonne société devient un vrai problème. Véritable problème et au fond en comparant un peu les deux, on voit l'excès de la robe, la robe excessive qui montre cette espèce de féminité qui doit absolument s'affirmer dans le costume.

  • Speaker #2

    Voilà, c'est la différence des genres, elle peut s'accroître ou se réduire selon les époques. d'une manière politique, mais aussi d'une manière vestimentaire. Et sous l'Ancien Régime, les apparences vestimentaires sont plus proches qu'elles ne le sont au XIXe siècle. Et ça correspond à un moment de renforcement de la domination masculine. Donc c'est un petit peu ça le fil conducteur du livre. C'est que le vêtement, la différence vestimentaire entre les genres, est un baromètre de l'égalité ou de l'inégalité des sexes. Et c'est flagrant au XIXe siècle.

  • Speaker #0

    Il y a une question que je voulais vous poser, vous l'avez déjà abordée, à propos des Saint-Simoniennes. Pendant longtemps, pour ma part et avec beaucoup d'autres, j'ai pensé que les Vésuviennes, ce sont des femmes en 1848 qu'on représente comme des femmes habillées en pantalon et portant les armes. C'est-à-dire les armes et le pantalon, ça va aussi ensemble, c'est très très important. Et alors, merveille, on se dit formidable. Il y a eu les Vésuviennes, et vous nous dites, les Vésuviennes, elles n'ont pas existé. Voilà. Alors, j'aimerais bien que vous nous disiez pourquoi.

  • Speaker #2

    Oui, toutes les historiennes et historiens du féminisme auraient eu envie d'y croire. Une société d'ouvrières, pendant la révolution de 1848, qui a des revendications très radicales, qu'on n'avait peut-être pas regardées d'assez près, parce que c'est complètement extravagant qu'elles portent le pantalon, qu'elles prétendent entrer dans la garde nationale. Il y a une floraison de dessins humoristiques qui attirent l'attention du public sur ces Vésuviennes qu'on représente effectivement en pantalon et en uniforme, pantalon d'uniforme. Et si on regarde de près, cette affaire, on s'aperçoit qu'il s'agit d'une mystification à but antiféministe et qui va atteindre son but d'une manière redoutablement efficace. Les clubs de femmes vont fermer. Et l'épouvantail des Vésuviennes n'y est pas étranger à cette décision de fermeture, donc rebelote, comme sous la Révolution française, on agite l'épouvantail de la femme en pantalon. Et si on regarde de près, par exemple, un texte qui s'appelle « La constitution des Vésuviennes » , on voit bien qu'on retrouve tous les poncifs du rire misogyne. Et en même temps, les questions qui hantent l'époque, parce qu'il y a des peurs sociales derrière tout ça, bien évidemment, des peurs très profondes, peur d'émancipation des femmes, alors avec des thèmes dominants qui changent selon l'époque. Et là, c'est le divorce qui revient dans l'actualité, le divorce qui a été interdit sous la restauration et que certains voudraient autoriser à nouveau. Et ça, c'est quand même un des thèmes forts, en dehors du thème proprement politique, l'exclusion des femmes de la citoyenneté. sous la Deuxième République, c'est quand même ça.

  • Speaker #0

    Juste un mot, ça fait penser l'histoire des Vésuviennes aux Amazones. Et là aussi, les Amazones, il y a eu un moment du féminisme, où notamment aux États-Unis, on voulait croire à la réalité des Amazones. Et les historiennes comme Pauline Schmitt, Pantel, nous ont dit, non, les Amazones, ce n'est pas du tout une réalité, c'est une représentation. Et c'est une représentation de la peur, au fond, que les hommes ont. de l'émancipation des femmes. Si elles s'émancipent, d'abord elles sont plus féminines, les amazones ont le sein coupé, donc ce ne sont plus vraiment des femmes. Et c'est très important, et c'est pourquoi le pantalon est si intéressant, parce qu'il est aux limites, bien sûr du masculin et du féminin, c'est notre objet, mais du réel et de l'imaginaire, du symbolique et du concret quotidien.

  • Speaker #2

    Je reviens sur les Vésuviennes. Qu'est-ce qu'on trouve comme revendication invraisemblable ? L'enrôlement des citoyennes dans les armées pour les jeunes filles âgées de 15 à 20 ans. Jamais les féministes, à l'exception de Madeleine Pelletier, n'ont réclamé le service militaire pour les femmes. Le mariage obligatoire pour les deux sexes. Les contrevenants risquant le service militaire à perpétuité. L'obligation de partager les travaux domestiques sous peine de condamnation. Mais aussi l'acquisition de la nationalité pour une étrangère qui adopterait un vieillard français.

  • Speaker #1

    Tout un programme.

  • Speaker #0

    Merveilleux.

  • Speaker #1

    Alors ce qui est aussi très... Parce qu'il faut le dire et je pense qu'il ne faut jamais hésiter à le dire et ça concerne évidemment au combien les travaux de Michel Perrault mais également les vôtres, Christine Barre. C'est aussi un livre... formidablement agréable à lire, bien écrit, c'est un vrai plaisir de lecture. Si c'est aussi un vrai plaisir de lecture, c'est parce que vous redonnez vie à un certain nombre de figures plus ou moins connues qui ont marqué cette histoire autour du pantalon. Et parmi elles, j'aimerais qu'on revienne notamment sur Amelia Bloomer. Est-ce que vous pouvez nous en parler ? Parce que... Ça nous permet d'aborder une autre question qui est celle évidemment de l'influence peut-être des modèles étrangers dans la culture du pantalon en France.

  • Speaker #2

    Oui, parce qu'effectivement la France n'est pas le berceau du pantalon. C'est aux États-Unis, dans les États-Unis du 19e siècle, que le pantalon s'est développé. En prenant un sens d'ailleurs à la fois féministe et un peu puritain, puisque c'est dans l'opposition au mode féminine parisienne qui était accusée d'être immorale que le pantalon a été inventé par Amelia Blumer. En fait c'est une invention collective, c'est plus compliqué que ça. Mais enfin, les dirigeantes du mouvement féministe américain qui s'organisent à partir de 1848 vont pendant quelques années, après 1850, porter ce pantalon qu'on appelle « Bloomer » du nom d'Amelia Bloomer. Et donc la dimension religieuse, émancipatrice, féministe, mais aussi religieuse de ce pantalon est à mettre en évidence, et c'était déjà le cas dans les communautés socialistes, mais aussi chrétiennes. des années 1820 aux États-Unis, où là d'ailleurs le pantalon avait été imposé par les dirigeants de certaines communautés aux femmes, les femmes ayant plutôt mal réagi à ce pantalon qui les infantilisait en quelque sorte, parce que les jeunes filles, les petites filles portaient des pantalons comme ça, donc mettre un pantalon aux femmes, surtout s'il a la même forme, Celui des petites filles, évidemment, c'était une manière de les priver de leur statut de femmes séduisantes, qui peuvent s'habiller de manière adulte. Donc ça m'a beaucoup fait réfléchir cette histoire des communautés socialistes et féministes des années 1820, où on impose le pantalon aux femmes pour les désexualiser, les désérotiser en quelque sorte. Parce que ça montre que le pantalon n'a pas un sens intrinsèquement émancipateur pour les femmes, que tout est affaire de contexte. et de rapports de force sociaux et politiques entre hommes et femmes. Mais en l'occurrence, là, on ne peut pas dire, quand le pantalon est imposé aux femmes, qu'il a une valeur d'égalité des sexes. Le pantalon, selon qu'il est choisi ou imposé, n'a pas le même sens.

  • Speaker #1

    Oui, d'ailleurs, évidemment, même si vous faites une histoire politique du pantalon...

  • Speaker #0

    Montrez bien aussi qu'il y a d'autres facteurs dans l'histoire qui participent de l'adoption, qui favorisent l'adoption du pantalon et des facteurs très très triviaux et notamment purement pratiques. Vous parlez du sport, le sport joue un grand rôle, vous pouvez nous en parler dans un instant. Mais vous consacrez également de belles pages à, alors on dit Jane de Dieu la foi ?

  • Speaker #1

    Jeanne

  • Speaker #0

    qui est une... Je pensais pas susciter...

  • Speaker #1

    Parce que Jeanne Dieu Lafoye...

  • Speaker #0

    C'est extraordinaire cette histoire.

  • Speaker #1

    Elle est extraordinaire. Jeanne Dieu Lafoye, elle est archéologue. Elle est mariée à un archéologue. Et tous les deux s'en vont en Perse, en Syrie, si l'on peut dire. Ils font des découvertes fondamentales dans le domaine de l'histoire assyrienne. Il y a d'ailleurs au Louvre une salle qui s'appelle la salle Dieu la foi, parce qu'ils ont découvert parmi les fameuses frises des archers, c'est eux. Et le couple était assez égalitaire d'ailleurs, et Jeanne, c'est intéressant parce que c'est un milieu d'origine catholique, c'est pas la gauche, c'est un milieu d'origine catholique. Et elle, elle veut absolument boulonner dans cette histoire d'archéologie, elle n'est pas du tout à l'aise évidemment en jupe, et elle lui dit je porte le pantalon. Elle le porte pendant ses expéditions en Perse, mais quand elle est rentrée en France, elle ne peut plus et elle ne veut plus se remettre en jupe et elle est la femme aux pantalons. Et du coup, elle suscite un intérêt extraordinaire. Les journalistes viennent la voir, il y a plein d'articles sur elle et elle a beaucoup, elle a laissé beaucoup de traces. Moi je sais que dans ma famille, des femmes... des mortes maintenant, se souvenaient très bien de Jeanne-Dieu Lafoye. On parlait, oh Jeanne-Dieu Lafoye, quelle femme tout à fait étonnante. Elle était assez remarquable parce que, en dehors même de son intérêt pour l'archéologie, elle avait voulu, et ça c'est quand même formidable, enquêter sur les femmes des pays dans lesquels elle était. Et elle disait d'ailleurs que souvent ces femmes portaient des pantalons. Une espèce de pantalon bouffant qui était tout simplement le costume qu'elles avaient. Donc Jeanne et pas Jane. Jeanne, Jeanne.

  • Speaker #2

    Très française et très patriote.

  • Speaker #0

    Pourquoi Jane ? Pourquoi d'ailleurs son prénom ?

  • Speaker #2

    Non parce que ça se faisait beaucoup à l'époque. Il y avait une anglomanie qui poussait. Jeanne, E-A-N-E, c'était trop banal. Bon, il y a la part de... Elle devient femme de lettres aussi après. Il faut se faire remarquer, c'est déjà difficile de percer, de percer quand on est une femme. Donc être en travesti, changer son prénom, ça fait partie des petits trucs qui vont attirer l'attention des médias. Alors un exemple dans l'assiette au beurre, on montre le couple Dieu la foi avec la légende indispensable, Monsieur Dieu la foi est à gauche. Voilà, donc on se moque aussi de ce couple avec un homme, un mari qu'on trouve un petit peu étrange d'accepter autant d'exemplicité de la part de sa femme. Et elle, elle a une vraie vocation militaire aussi. Elle participe à la guerre de 1870 comme front-tireur. Et en 1914, elle est à l'origine d'une pétition. pour demander l'entrée des femmes dans l'armée française et elle s'engage c'est tout à fait à la fin de sa vie en 1914 elle s'engage comme infirmière pas comme d'ailleurs la france refuse les femmes dans l'armée on a du mal à quitter jeanne dieu la foi on

  • Speaker #1

    va pas trop s'y attarder quand même mais elle elle avait les cheveux courts aussi elle bien avant bien avant 14 elle fait partie de ces garçons que vous avez étudié dans un autre livre avec les cheveux très très court, et sur Monsieur de la Foi, Monsieur Dieu Lafoye était soupçonné à la limite d'homosexualité. Étant donné qu'il tolérait que sa femme ait une allure de garçon, est-ce que ça n'était pas suspect ? Franchement, c'est difficile à un homme d'être pour l'égalité. C'est franchement pas simple.

  • Speaker #0

    Si elle portait les cheveux courts aussi, vous expliquez, Christy Clark, que c'était pour des raisons aussi pratiques et non militantes.

  • Speaker #2

    Oui, alors attention, le pratique, il a mon dos entre guillemets. C'est plus facile de dire je préfère le pantalon pour des raisons pratiques que de dire j'aime le pantalon parce qu'il symbolise l'égalité, qu'il montre que je suis une femme libre. Voilà, donc on invoque très, très souvent le pratique pour cacher d'autres mobiles.

  • Speaker #0

    Alors là, on s'amuse et on sourit, mais ce qu'il faut bien dire aussi, c'est que le pantalon continue véritablement de faire scandale, encore au XXe siècle, à diverses reprises, et ça vous le racontez également très bien. je voudrais qu'on s'attarde peut-être sur deux moments sur lesquels vous revenez dans votre livre. D'abord, le scandale des jupes-culottes en 19... 11, c'est bien ça. Là, c'est une initiative du couturier Paul Poiret qui suscite un véritable débat dans le Paris de la Belle Époque.

  • Speaker #2

    Oui, mais un Paris de la Belle Époque qui commence à être habitué à ces débats qui mêlent émancipation des femmes et réforme du costume féminin, parce qu'on l'a dit tout à l'heure, le vêtement féminin, il est fait d'entraves, et d'entraves très érotisées. Et c'est très difficile de se débarrasser finalement de ces entraves. Il faut l'opinion des médecins. Les hygiénistes sont de plus en plus influents. La mode du sport contribue beaucoup à une évolution. Et finalement, la mode est loin d'être une instance très progressiste par rapport à la différence des genres dans le vêtement. Très très loin. Et donc, il faut des couturiers assez novateurs ou des couturières pour tenter des évolutions. La jupe-culotte pourrait être le compromis idéal entre le pantalon et la jupe. Et finalement, ça ne prend pas. Et les mannequins qui défilent aux courses avec ces jupes-culottes sont hués, sifflés. C'est un échec commercial. Mais on est déjà habitué à ces débats parce que vraiment, à mon avis, le grand, grand débat marquant, c'est celui des années 1880-1890 sur la bicyclette. Les femmes peuvent-elles ou non porter une culotte cycliste ? une culotte de zouave, une culotte un peu bouffante pour pratiquer la bicyclette. Et on n'y croit pas quand on lit les journaux de l'époque. Tant d'opposition, tellement passionnelle. Là on voit que ça soulève des tas de choses qui vont beaucoup plus loin, que c'est un vêtement pratique ou pas. Ça renvoie vraiment à la notion de travestissement, d'inversion des sexes, d'angers. de l'inversion de la domination, pourquoi pas, parce que derrière l'égalité, on voit tout le temps le risque qu'il y ait un basculement et que les femmes dominent les hommes. Donc ça renvoie à des imaginaires précis, les Amazones, etc. Et on est dans des redites, ça fonctionne d'autant mieux que c'est déjà un petit peu connu qu'il y a des redites. Donc échec des jupes-culottes, scandale, en même temps ça serre la réputation de Paul Poiré quelque part. Et Paul Poiré, d'ailleurs, il faut quand même mettre des bémols à sa réputation novatrice. On dit toujours que c'est lui qui a libéré la femme du corset. Il n'était pas le seul à enlever le corset de ses modèles. C'est lui qui a inventé la jupe entravée, qui est vraiment une horreur. Parce que ça restreint au niveau des genoux la circonférence de la jupe. Et ça oblige les femmes à faire des tout petits pas, puisqu'elles sont bloquées au niveau du genou, donc ça fait des petits pas comme ça. Et c'est un début de l'entrave, vraiment, c'est d'entraver la capacité de circuler, de marcher et de courir. Et j'ai été très frappée par un passage des mémoires de Maurice Saxe, un écrivain un peu oublié de l'entre-deux-guerres, qui s'amuse, a suivi, il dit ça en toute naïveté presque, qui suit une femme qui porte une jupe entravée, et cette femme prend peur. elle imagine le pire, elle essaie de courir et elle ne peut pas. Et elle dit, qu'est-ce que je me suis amusée. Et voilà, la jupe entravée, c'est ça concrètement. Là, on a un exemple, une source fiable de l'effet de la jupe entravée.

  • Speaker #0

    Alors, avant qu'on revienne sur le deuxième moment qui montre que autour de ce pantalon peuvent se nouer des enjeux assez graves, on parlera de Violette Maurice tout à l'heure. Mais puisqu'on parlait de mode et vous parlez des couturiers qui étaient la plupart du temps assez conservateurs, il y en a un à qui vous rendez un très bel hommage et qui a joué un rôle majeur dans cette histoire, c'est Yves Saint-Laurent. Yves Saint-Laurent, parce que c'est très intéressant finalement ce que vous dites d'Yves Saint-Laurent, notamment, évidemment, vous vous rappelez l'événement qu'a été, je crois en 1966, l'arrivée du smoking pour femmes. Ça a été un véritable événement à l'époque et vous montrez bien comment Yves Saint-Laurent élabore toute une réflexion, parce qu'il s'exprime beaucoup, non pas seulement sur la conquête par les femmes de vêtements masculins, mais également sur la féminisation de certains vêtements masculins. Il y a tout un jeu assez subtil qui se joue autour d'Yves Saint-Laurent, Christine Barr.

  • Speaker #2

    Oui, mais le but n'était quand même pas de faire une histoire de la mode. Mais bien sûr, la mode intervient dans cette histoire, forcément. Mais pour beaucoup de gens, l'histoire du vêtement et l'histoire de la mode, c'est la même chose. Ça en dit long, quand même. Mais je ne cherche pas du tout à rendre un hommage. Il s'en rend, ce n'est pas ma démarche historienne.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas un hommage,

  • Speaker #2

    mais je dirais que vous le... Il y en a tant d'autres qui le font que, franchement, je ne serais pas utile tellement. Il suffit de lire... Voilà, tous ceux et celles qui ont écrit sur Yves Saint Laurent. J'ai simplement essayé de chercher des extraits de ses déclarations, de ses commentaires sur ses vêtements, où il évoque des évolutions sociales, les rapports hommes-femmes, le genre, enfin il n'emploie pas le mot. Et puis il est ambigu parce qu'il n'a quand même pas une pensée très élaborée non plus sur cette question, il sent des choses assez bien. Mais par exemple sur Georges Sand. Il fait plusieurs fois allusion à Georges Sand, parfois pour la condamner. C'est l'exemple même, à travers la caricature qu'il connaît, de la femme masculinisée et donc indigne d'intérêt pour un couturier. Et à d'autres moments, il l'idéalise un petit peu en la prenant comme un beau modèle. Donc il oscille par exemple dans sa vision de Georges Sand. Donc voilà, ce n'est pas une pensée politiquement élaborée. Et puis en plus, je relativise sur le smoking. Marlène Dietrich venait déjà à Paris dans les années 30, s'acheter des smokings. Donc l'inspiration d'Yves Saint Laurent, elle est rétro. Là où il est innovateur, c'est en tant que couturier qui accepte une inspiration rétro. Et puis tous les couturiers, les grands couturiers des années 60, proposent des pantalons. Et personnellement, moi, je suis plus intéressée par ceux qui ont une inspiration futuriste. Courrèges, Paco Rabanne, qui vont vraiment essayer d'inventer des formes, alors qu'Yves Saint Laurent, c'est plus le style. C'est plus le style. Il préfère le style à l'innovation vraiment formelle, qui peut être amusante. Il recherche l'élégance, Yves Saint Laurent, donc d'une certaine manière quelque chose d'un peu intemporel, d'un peu rétro. Tandis que Courrèges ou Paco Rabanne, avec des... des combinaisons métalliques ou des... vraiment, inventent tous azimuts et là, moi je trouve qu'on sent mieux l'esprit des années 60 chez d'autres couturiers.

  • Speaker #0

    Michel Perrault...

  • Speaker #1

    Moi j'aime beaucoup Saint-Laurent quand même ! Et je trouve que côté style,

  • Speaker #2

    pas mal !

  • Speaker #1

    Le style,

  • Speaker #2

    mais l'innovation avec des salopettes, des combinaisons intégrales avec pantalons, etc. C'est pas chez lui ! qu'il faut chercher.

  • Speaker #1

    Oui, mais il est quand même passionnant parce que non seulement il donne accès aux femmes, justement, aux pantalons et à beaucoup d'autres choses, mais vous l'avez dit, Thomas Wider, il y a aussi cette féminisation d'un autre côté pour les hommes.

  • Speaker #0

    On ne peut pas masculiniser la femme.

  • Speaker #2

    Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça. Ce qui est passionnant chez lui, c'est qu'il est homosexuel, bien sûr, et tout le monde le sait, et justement, il s'intéresse. Beaucoup au costume féminin et je trouve que ce mélange là, ces passages sont extrêmement intéressants justement pour l'histoire du genre et par ailleurs les femmes un peu féministes, peut-être pas dans leur théorie, on peut pas demander à Yves Saint Laurent d'être un théoricien du féminisme, ni un historien du féminisme, il a autre chose à faire mais je trouve que les femmes un peu libres de cette époque là aiment bien porter du Saint-Laurent et sont du côté de Saint-Laurent et vont à l'ouverture des, enfin comment est-ce qu'on dit, les collections des filets de Saint-Laurent. C'est quand même intéressant, c'est intéressant.

  • Speaker #2

    Je voulais juste apporter un bémol, parce qu'on le célèbre tellement, c'est un peu injuste pour les autres qui ont aussi fait preuve d'innovation.

  • Speaker #0

    De toute façon,

  • Speaker #1

    il se moque un petit peu de ce qu'on peut dire en ce moment. Je voulais juste dire quelque chose comme ça au passage. Benoît de Groult est une descendante de Paul Poiret. Elle est extrêmement vibrante quand on parle de Paul Poiret. Même si Paul Poiret n'a pas été non plus un parangon du féminisme, on ne peut pas demander aux gens à leur époque de penser comme nous. Ça, ce n'est pas possible.

  • Speaker #2

    Non, ce n'est pas le but, mais c'est juste que ça montre un peu les limites de l'interprétation qu'on peut avoir. On a une grille de lecture politique et qu'on veut utiliser le discours des couturiers, effectivement. Ça ne va pas très loin. Il y a une sorte de méfiance à l'égard aussi de ce qui est politique chez les couturiers.

  • Speaker #0

    Mais alors justement, cette méfiance qui touche le pantalon, si on veut essayer de comprendre, et on y reviendra tout à l'heure, la révolution qui s'opère après la Seconde Guerre mondiale et dans les années 60, etc. Pour comprendre ça, il faut rappeler quand même, et vous le faites dans votre livre, qu'encore en 1930, peuvent se passer des choses sérieuses devant des tribunaux. Et là, vous évoquez le procès qui opposa en 1930 la très grande championne Violette Maurice à la Fédération féminine sportive. Est-ce que vous pouvez nous en parler ?

  • Speaker #2

    Oui, c'est tout un chapitre parce qu'on croit en 1930 que l'ordonnance de 1800 est tombée en désuétude. Et le procès va montrer que non. Donc, Violette Maurice est une championne omnisport et notamment qui s'illustre dans des sports très masculins, la conduite automobile, elle boxe, elle fait de l'athlétisme, du football, voilà. Et elle entraîne aussi les jeunes filles de la Fédération Sportive Féminine de France. Et elle se conduit mal, entre guillemets. Elle parle comme un homme, dit-on, donc elle est grossière, c'est ça que ça veut dire. Elle fume, elle s'habille vraiment comme un homme, elle a les cheveux très courts. pas la garçonne, qui serait une coupe au carré, mais vraiment les cheveux très courts. Et dans les vestiaires, dit-on, elle a des gestes déplacés à l'égard des jeunes filles. Officiellement, elle est mariée, mais on sait qu'elle est homosexuelle. Et ça fait beaucoup pour la Fédération sportive féminine de France, qui est confrontée à toutes les attaques contre le sport féminin, accusées de viriliser les femmes, justement. Donc, Violette Maurice leur pose un vrai problème, et la Fédération décide de se séparer de cette athlète embarrassante. et Violette Maurice, elle, est sûre de son bon droit et elle porte plainte contre son employeur qui la prive en plus en lui retirant sa licence du droit de participer à des compétitions et le procès est très intéressant il a été largement commenté dans la presse au moins pendant un mois il oppose donc Violette Maurice qui défend le droit des femmes à porter la culotte ou le pantalon on emploie encore le mot culotte mais bon, c'est un petit peu... parce que c'est amusant de dire le mot culotte et le... Et les avocates de la Fédération qui sont féministes, c'est ça qui est drôlement intéressant, qui sont féministes et qui ressortent des oubliettes l'ordonnance de 1800 pour dire que non, les femmes n'ont pas le droit de s'habiller en pantalon. Et Violette Maurice perd donc son procès en 1930. Donc ça permet de resituer tous les enjeux liés au sport et puis de poser aussi la question de la désuétude d'une ordonnance. On se pose encore la question aujourd'hui, mais on y reviendra peut-être tout à l'heure. le sort de cette ordonnance de 1800.

  • Speaker #0

    Oui, alors ce qu'il faut bien dire aussi, c'est que Violette Maurice n'est pas du tout une féministe.

  • Speaker #1

    Ah non,

  • Speaker #2

    pas du tout. Ah oui, alors on aurait effectivement tort d'associer systématiquement...

  • Speaker #0

    Elle est même proche de l'extrême droite, elle...

  • Speaker #2

    Elle devient nazie.

  • Speaker #0

    Elle devient nazie, oui,

  • Speaker #2

    oui. Elle est très active dans la collaboration, et elle est abattue par la résistance en 1944. Donc parmi les grandes figures de femmes habillées en hommes, on va trouver des Madeleine Pelletier qui sont antifascistes, révolutionnaires, féministes, on ne peut plus radicales, et des Violette Maurice, effectivement.

  • Speaker #0

    Oui, parce que c'est ça au fond qui est aussi très intéressant, c'est que le pantalon est un objet politique, mais difficilement assignable à un camp, assurément. et c'est pas parce que Il aura été pendant des décennies l'emblème de l'émancipation qu'il faut ancrer le pantalon à gauche, forcément. Et de la même façon, ce n'est pas pour cela qu'il faut faire de l'adoption du pantalon et du droit de porter le pantalon la revendication de tous les féministes, puisqu'il y a un vrai débat chez les féministes, et ça, vous le montrez bien. Vous montrez bien qu'entre une Madeleine Pelletier, à qui vous avez d'ailleurs consacré tout un ouvrage, entre une Madeleine Pelletier qui a cette phrase qui dit « il faut être des hommes socialement » et qui donc porte de façon ostensible le pantalon, et par exemple une féministe peut-être moins connue mais tout aussi importante, Maria de Rheim, grande figure du féminisme républicain, et qui elle s'oppose, en tous les cas est très... voit d'un mauvais oeil justement le port par les femmes du pantalon, il y a tout un éventail d'idées.

  • Speaker #2

    Oui, d'ailleurs je n'ai pas encore eu l'occasion de le dire, mais je suis historienne du féminisme, depuis ma thèse, mais je le suis toujours. C'est parce que je suis historienne du féminisme que j'ai écrit cette histoire du pantalon. Et vous disiez, c'est un objet historique novateur, le pantalon. Oui et non. Parce que quand on fait de l'histoire du féminisme, on voit à quel point le pantalon a quand même préoccupé les penseuses féministes du 19e et du début du 20e siècle. Madeleine Pelletier a attiré notre attention sur le pantalon. Elle est si peu connue aujourd'hui. ... Simone de Beauvoir, qui note que ce n'est pas naturel de s'habiller en femme. Je commence le livre avec cette citation, jusqu'à Colette Guillaumin, une théoricienne du féminisme radical, importante dans les années 70-80. Donc là, il y a effectivement toute une tendance égalitariste, universaliste. Et puis des féministes qui sont peut-être plus différentialistes, encore que, qui sont pour l'égalité des droits, mais qui trouvent que, dans le domaine des apparences, La différence est quelque chose d'intéressant, qu'il faut défendre. Maria de Rheim dit qu'elle est très attachée aux couleurs, aux tissus portés par les femmes, et que les hommes sont si tristes habillés tous de la même manière en noir, pourquoi vouloir les imiter ? Donc là, elle se refuse finalement à aller du côté d'une interprétation symbolique et politique du vêtement masculin. Et elle en reste à un jugement esthétique où elle trouve que les femmes ont un privilège esthétique et qu'il faut qu'elles le gardent. Elle ne va pas jusque là, mais aujourd'hui on pourrait reprendre ce raisonnement de Maria de Rheim et dire oui c'est vrai, il y a une supériorité esthétique féminine dans le domaine du vêtement et des apparences, disons depuis deux siècles, mais ça n'empêche pas de penser l'égalité. Et l'égalité ça serait de défendre le droit des hommes aujourd'hui à la parure, le droit des hommes à la jupe. Donc, Madeleine, Maria de Rheim n'a pas nécessairement tort quand elle dit « Ah bah oui, mais comment on pourrait renoncer esthétiquement à tout ce qui fait la beauté, la séduction de la féminité ? » Essayons de réconcilier Maria de Rheim et Madeleine Pelletier. C'est la jupe pour homme, c'est la jupe pour homme qui les réconcilie. Et quand j'ai trouvé ça, je vous assure que j'étais vraiment une faveureuse. ça m'a tellement hanté Madeleine Pelletier et sa théorie de la virilisation des femmes, j'avais envie d'adhérer politiquement, je trouvais ça très logique voilà, la pensée de Madeleine Pelletier très logique, et en même temps en moi parce qu'on fait de l'histoire aussi avec ses tripes avec sa sensibilité son propre rapport aux vêtements bien sûr il y avait quelque chose qui résistait en moi à Madeleine Pelletier pourquoi pas des vêtements plus androgynes que ceux que nous portons oui bien sûr, j'aime bien Non. Je suis très éclectique dans mes goûts, mais oui, Maria de Rheim, je trouvais qu'elle avait un petit peu raison aussi. Donc partageons le droit à la parure pour créer plus d'égalité entre les... Oui,

  • Speaker #1

    finalement, le risque, c'est toujours de créer de nouvelles normes. À partir du moment où les choses deviennent normes, il faut se méfier beaucoup. et par conséquent les libertés Vous parliez du droit aux hommes portés le pantalon. La question c'est de savoir s'ils en ont envie. Je ne sais pas, c'est une vraie question. J'ai posé cette question à des hommes. Certains m'ont dit, bien sûr, pourquoi pas, c'est agréable, confortable. Si, ça ne se fait pas encore beaucoup. Nous avons plus qu'ils les deux. C'est intéressant d'ailleurs. de voir que les femmes, à l'heure actuelle, peuvent porter indifféremment les deux. On reviendra peut-être sur l'histoire de la jupe. Sur la jupe, on va sans doute revenir sur la jupe. Mais c'est vrai que, moi comme vous, j'aime beaucoup Madeleine Pelletier, qui est quand même une femme extraordinaire, mais en même temps, elle fait un petit peu froid dans le dos. Parce que, c'est vrai, elle se barricade comme ça dans une masculinité. qui pourrait l'illégalité, au point d'ailleurs de se refuser toute sexualité. C'est quand même un problème.

  • Speaker #2

    Ça dépend pour qui, visiblement. Est-ce que ça a été un problème pour elle ? On ne sait pas.

  • Speaker #1

    Donc voilà, le cas d'Adelaine Pelletier, c'est vrai que c'est...

  • Speaker #2

    Il nous interroge depuis longtemps. Il nous interroge beaucoup. Mais le psychologue Adler appelait ça la protestation virile, en fait. Et il démontre que c'est une forme de compensation plutôt... Positives en fait pour les femmes qui souffrent d'une injustice sociale flagrante, à travers l'adoption d'une identité masculine, de rattraper un petit peu ça, de déjouer la discrimination et de vivre autrement que si elles avaient vécu en femme.

  • Speaker #0

    Est-ce que, parce que vous, donc là on parle de... de ces femmes, Maria de Rheim, Madeleine Pelletier, etc., qui incarnent en quelque sorte deux pôles du féminisme, ce que d'un côté on appelle le féminisme en décolleté, et puis ce qu'on pourrait appeler le féminisme en culotte ou en pantalon. Est-ce que cette ligne, cette différence, elle s'est perpétuée après la Deuxième Guerre mondiale ? Et est-ce qu'elle existe encore dans le féminisme contemporain ? En tous les cas, est-ce que les débats autour... du vêtement, des apparences, etc. sont encore présents aujourd'hui ?

  • Speaker #2

    Un peu moins parce qu'après mai 68, on pense qu'il est interdit d'interdire et la mode fonctionne différemment, elle devient polycentrique, le long, le court. Il y a une grande liberté quand même dans la mode féminine depuis les années 68. Et il y a un rejet de ce qui est imposé, des codes trop stricts, de tout ce qui renverrait à l'uniforme, à l'uniformité. Donc ça, c'est tout à fait l'esprit libertaire de ces années-là. Donc les femmes en ont pleinement bénéficié. Il y a eu cette petite période unisexe. Mais pour moi, ce qui me frappe à l'époque du MLF, c'est plutôt la focalisation sur les seins. ... Et le rejet du soutien-gorge, puisque si on cherche un rapport fort entre vêtements, émancipation, libération dans les années 70, c'est plutôt l'idée que les Américaines ont brûlé leur soutien-gorge. C'est ça qui a marqué l'opinion, plus que le pantalon ou la mini-jupe qui était acquis une décennie plus tôt. Et là, ça m'interroge beaucoup parce qu'on peut se demander si vraiment le vêtement n'est pas un langage politique et si les femmes n'ont pas exprimé avec ces changements vestimentaires des aspirations à la liberté. à l'égalité, qui ont été formalisées d'une manière plus idéologique dans les années 70, mais qui étaient déjà présentes avant, qui étaient déjà dans l'ère du temps, qui étaient déjà présentes à la fois sur ces deux vêtements qui sont synchrones, le pantalon féminin légitimé, porté de manière banale, enfin, dans les années 60, et la mini-jupe. Deux vêtements complètement différents et qui pourtant vont... tous les deux incarner une forme de libération des femmes, libération alors là vraiment sexuelle et corporelle.

  • Speaker #0

    Michel Perrault, vous qui avez vécu en jeune historienne et militante aussi d'une certaine façon cette période des années 70, comment est-ce que vous vous souvenez de la propre façon dont vous viviez vous-même votre rapport aux pantalons ou à la jupe ? Est-ce qu'il y avait de la politique là-dedans ? Est-ce que quand vous revêtiez un pantalon, il y avait une conscience d'un geste politique ? Parce qu'au fond, c'est de ça qu'on parle aujourd'hui, à travers ce livre.

  • Speaker #1

    Sentiment de liberté, sûrement, oui, oui. Parce que moi, je ne suis pas toute jeune, malheureusement, et j'ai vécu en robe, en jupe. Et quand j'étais jeune professeur, je ne parle même pas de mes années... d'éducation, mais quand j'étais jeune professeure à Caen, un jour je suis venue en pantalon, parce qu'il faisait froid tout simplement, et je me suis fait, gentiment, gentiment, rabrouer par le censeur, elle était protestante, donc elle était compréhensive quand même, et elle me dit, mademoiselle, je comprends bien, je comprends bien, Mais vous voyez, les lycéennes ne sont pas autorisées à porter le pantalon. Donc je vous demanderais quand même de... Et Colette... Colette Cogné.

  • Speaker #0

    Non, non, non, non, Colette, votre... Celle qui a passé le doctorat...

  • Speaker #1

    Colette Avran.

  • Speaker #0

    Oui, Colette Avran, à la télévision. Vous avez été interviewée à la télévision sur France 2. Elle, sur la télé 2, oui. Et elle a raconté aussi une anecdote tout à fait analogue. Enfin, il n'y a pas...

  • Speaker #1

    On en aurait des milliers et des milliers.

  • Speaker #0

    Et on en aurait des milliers, absolument.

  • Speaker #1

    Les femmes qui ont plus de 60 ans ont toutes connu l'interdiction du pantalon à l'école. L'interdiction du pantalon à l'école. Sauf l'hiver, avec une jupe au-dessus, généralement. Oui, c'est ça. Avec des renvois à la maison. C'était des règlements intérieurs qui imposaient ça. Il n'y avait pas non plus une conscience tellement politique derrière tout ça. Non, c'est ça. C'était une aspiration aussi à la modernité. Le pantalon était déjà dans la mode, en fait. Et là, c'était plus des jeunes filles qui aspiraient à être des filles à la mode, même à l'école, et qui ne pouvaient pas l'être. Donc, il y avait une forte tension avec... Les images de la modernité, c'était la femme active en pantalon, et puis les impossibilités des adolescentes encore très surveillées à l'école. La situation est un peu tendue à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Il y a plus un processus, je pense que Christian a tout à fait raison, un processus que 68 et les années 70 accélèrent, ne serait-ce d'ailleurs qu'en raison des manifestations aussi. En 68, les femmes... Les jeunes filles, les étudiantes, bon, participent beaucoup aux manifestations. En 68, d'ailleurs, leurs revendications sont tout à fait... On n'en parle pas du tout, mais c'est quand même commode pour manifester le pantalon. Donc, il y a ça. Mais, mais, mais, mais, dans les années 70-72, il y avait aussi une revendication, justement, à la féminité, féminité entre guillemets, des longues jupes. des tenues un peu baba cool, voilà, il y avait tout ça. Autrement dit, c'est beaucoup plus mélangé du point de vue de la mode. Il y a quelque chose de très mélangé. En effet, nous sommes des femmes, nous le voulons comme des femmes, nous ne voulons pas nécessairement nous enfermer dans un vêtement d'homme. On veut aussi les grandes jupes et tout ça, et les longs cheveux. Il y a toute une image des filles de 68 qui est comme ça aussi.

  • Speaker #1

    Et après, à partir du milieu des années 70, ça change avec une plus grande visibilité des lesbiennes dans le mouvement féministe et puis l'émergence d'un mouvement lesbien un petit peu plus tard. Et là, pendant un moment, pendant je dirais une grande décennie, il y a un uniforme militant lesbien qui passe par le pantalon, des chaussures plates, des chaussures ultra courtes, le sac à dos. Et donc on va un peu comme dans le passé, plaquer les deux images l'une sur l'autre et assimiler féminisme et lesbianisme et montrer de préférence des militantes féministes. On pourrait le faire, l'analyse des représentations des féministes dans les médias, y compris le Nouvel Obs, où on va montrer de préférence des femmes très masculines plutôt que des femmes très féminines. qui sont aussi féministes.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y a, parce que vous consacrez quelques pages, le titre du sous-chapitre, c'est « Le pantalon des femmes politiques » . Alors il y a des scènes assez amusantes. C'est formidable. Évidemment, comme cette arrivée de Michel Alliomari en 1972. Elle est conseillère d'Edgar Ford à l'époque. Elle arrive à l'Assemblée nationale et un huissier l'empêche d'entrer en lui faisant remarquer qu'elle porte un pantalon. Et elle, elle s'en se de la répartie déjà à l'époque et elle répond, si mon pantalon vous gêne, je peux l'enlever si vous voulez. Alors évidemment, Lucier est un peu déconcerté. Est-ce qu'il y a une différence entre le pantalon des femmes politiques de droite et le pantalon des femmes politiques de gauche ?

  • Speaker #1

    Comme la droite était au pouvoir dans les années 70, là où beaucoup de choses changent... Celles qui sont sous le feu des médias, c'est par exemple Alice Saunier-Seyité, qui est la première femme ministre qui ose mettre un pantalon. Et Jacques Chirac, Premier ministre, lui dit qu'elle déshonore la France et la fonction. Donc on a aussi très peu de femmes de gauche et de gauche.

  • Speaker #2

    Et Giscard d'Estaing qui ne manque pas une occasion de...

  • Speaker #1

    De contraste avec Chirac. Avec Chirac,

  • Speaker #2

    la félicite au contraire.

  • Speaker #1

    Pour son élégance. Voilà. Oui, Ça me fait penser à une anecdote sur une cliente d'Yves Saint Laurent qui est en costume pantalon et à qui l'on refuse l'entrée d'un restaurant et qui revient habillée juste avec sa tunique ultra courte et que l'on accepte en tunique ultra courte. Donc ça montre bien encore à quel point le pantalon en soi pose problème, que ce n'est pas une question de pudeur, d'impudeur. Alors les femmes... Bon. Voyons les sources. C'est vrai que les sources nous parlent plus de femmes politiques de droite qui sont peut-être plus visibles dans les années 70. Et j'ai tenté, mais Yvette Roudy ou notre première femme Premier ministre... Édith Cresson. Merci. Édith Cresson. Elle porte des pantalons, Édith Cresson. Oui, mais bon, elles ont quand même, quand elles étaient au pouvoir, joué plutôt une carte assez conventionnelle. voilà, alors bon Ce n'est pas le tailleur Chanel de Simone Veil, mais c'est quand même une féminité assez, je dirais, conventionnelle. Elles se coulent dans la fonction. Il y a déjà tellement d'obstacles pour elles qu'elles n'ont pas... semble-t-il pas envie ni le courage de briser d'autres tabous. Moi je trouve que Michèle Alliomarie, elle tient effectivement une place importante dans cette histoire, parce qu'elle devient la première femme ministre de la Défense, et qu'en tant que ministre de la Défense, elle porte le pantalon, y compris un pantalon d'uniforme, et qu'elle le porte avec une élégance très naturelle, parce que c'est une femme sportive qui a toujours porté le pantalon, et elle est bien dans la fonction. et donc là Ça se calme un peu, cette hostilité à l'égard des femmes en pantalon. Elle ne suscite pas tellement de réactions négatives. Il faut aussi remarquer, en histoire, les silences. Là, il y a quelque chose qui fonctionne assez bien. Puis il y a les jupettes aussi. Alors les jupettes, au double sens de jupettes, parce que là, on voit à quel point ces jupettes, elles étaient en position fragile au gouvernement. Elles étaient réellement toutes en jupe. Il y a une photo dans le livre que je montre, les jupettes avec Alain Juppé, elles sont encore toutes en jupe.

  • Speaker #2

    C'est pour ça qu'elles ne sont pas restées très longtemps ?

  • Speaker #1

    À mon avis, oui. Elles auraient mieux fait de pratiquer l'empowerment, qui consiste à se mettre en pantalon. Et les femmes ministres en 2007 l'ont compris, elles sont majoritaires à être en pantalon, sauf Michel Alliomarie. Se distingue pour une fois. Donc oui, non, c'est pas... Enfin la première femme députée officiellement en pantalon, c'est quand même une femme communiste. Et je... Ça semble pas un hasard. Non, c'est pas un hasard. En même temps, d'autres femmes communistes ne le font pas. Mais dans sa manière d'argumenter, je trouve qu'on retrouve les valeurs de gauche et une réflexion intéressante sur ce que ça veut dire être représentante. Pour elle, c'est un lieu de travail. Il est normal d'y aller en pantalon et pas en dimanché, pas en bourgeoisie. Le pantalon, c'est son vêtement de travail. C'est son identité. Elle refuse tout vêtement de fonction qui serait pour une femme un tailleur avec une jupe. Donc, bon, voilà.

  • Speaker #0

    Comment est-ce qu'elle s'appelait ?

  • Speaker #1

    Chantal Leblanc. Je l'ai retrouvée, je l'ai eue au téléphone. En quelques phrases, elle a parfaitement bien résumé ça. Sa démarche, l'histoire retient plutôt Michel Alliomarie, mais elle n'était pas parlementaire en 1972. Il faut aussi penser à Chantal Leblanc en 1978. Donc c'est tardif. En fait, ce qui est intéressant, c'est de voir que le monde politique, il est en retard par rapport à la société et que les codes... je vous apprends rien et ben voilà ça se confirme avec le vêtement figurez-vous c'est avec un temps de retard que certaines innovations vont être intégrées par les hommes et les femmes politiques. Mais il faut dire que ces malheureuses femmes politiques, elles sont tout le temps vues à travers ce qu'elles portent, toujours trop féminines ou trop masculines, toujours trop. Mais pour répondre à quelque chose que Michel Perrault disait tout à l'heure, moi ça m'a beaucoup interrogé la stratégie vestimentaire de Ségolène Royal en 2007, le fait qu'elle ne soit jamais en pantalon. Alors il y a un droit des femmes à ne pas porter le pantalon, c'est sûr, et qu'il faut défendre vraiment avec beaucoup de fougue à mon avis. Ceci dit, est-ce qu'il y a un droit des candidates à la présidence de la République à ne pas porter le pantalon ? Ça je suis plus nuancée. Pas parce qu'elle a perdu, encore que. Elle n'a pas perdu à cause de ça. Mais elle s'est quand même séparée de l'immense majorité des femmes qui aujourd'hui portent le pantalon. 9 femmes sur 10 dans la rue portent le pantalon. Et la jupe, enfin la féminité vestimentaire, reste quand même quelque chose d'inférieur à ce qui est masculin. C'est la valance différentielle des sexes de Françoise Héritier. Ça fonctionne complètement pour le vêtement. Et ça explique pourquoi si peu d'hommes envisagent de porter une jupe, le pantalon, il est au-dessus de la jupe dans la hiérarchie. porter une jupe c'est se faire objet sexuel, objet du regard, c'est accepter d'érotiser son corps, de montrer ses jambes, de se dévoiler, et c'est considéré comme quelque chose d'inférieur. Nous savons tous que c'est à tort que toutes ces choses sont considérées comme inférieures. Mais voilà, le code il est arbitraire, il est là, on ne peut pas encore s'en émanciper totalement. Donc jouer la carte de la féminité quand on aspire au pouvoir, c'est quand même rappeler quelque part que Il y a cette féminité, tout ce que charrie le genre féminin, toutes les associations d'idées qui vont être faites, la séduction et donc la légèreté, l'incompétence, enfin bon, tous les procès qui ont pu être faits. à Ségolène Royal. Donc d'autres femmes politiques ont cette stratégie à mon avis plus sage de chercher à faire oublier qu'elles sont des femmes à travers un vêtement au moins plus neutre sinon pourquoi pas un vêtement plus masculin. Ça m'a beaucoup amusé dans le monde l'interview de Christine Lagarde je crois que c'était jeudi dernier le titre il ne faut pas imiter les hommes il ne faut pas que les femmes imitent les hommes en matière économique etc Les femmes, quand elles accèdent à des postes de pouvoir, doivent rester femmes, avec des préoccupations de femmes. C'est un petit peu essentialisant tout ça. Et la photo est en contradiction parfaite avec le titre, puisqu'on voit Christine Lagarde avec un costume très masculin, qui jure vraiment avec son propos.

  • Speaker #2

    Alors, vous avez prononcé l'expression, et je pense que c'est important qu'on y revienne, le droit de ne pas porter... porter le pantalon, parce que c'est finalement, vous y consacrez quelques pages, mais qui sont fortes à la fin de votre livre. Si les femmes, au cours de leur histoire, même si pas toutes les femmes et pas toutes les féministes ont revendiqué le droit de porter le pantalon, aujourd'hui, il y a une sorte de retournement qui s'opère, qui est une autre revendication, qui est, et pour des raisons que vous allez nous expliquer, le droit de s'habiller en jupe et de reconquérir la liberté.

  • Speaker #1

    de s'habiller finalement comme on veut en jupe en pantalon mais notamment en jupe parce que pour certaines femmes c'est impossible oui alors qu'elle jupe la jupe a évolué aussi elle est devenue un vêtement exceptionnel une des jupes plus courtes aussi avec la mini jupe qui a fait un retour en 2002 et qui est très présente chez les jeunes les jeunes filles et puis ce qui a attiré mon attention c'est au moment de la naissance de ni pute ni soumise L'émergence d'une nouvelle revendication féministe, le droit à la féminité. Alors qu'est-ce que ça veut dire le droit à la féminité ? C'était surtout vestimentaire en fait. Ça concerne les apparences, avoir le droit de se maquiller, avoir le droit d'être séduisante selon les codes de la féminité en vigueur, ce qu'on trouve dans les journaux de mode, ce qu'on trouve dans les images qui sont présentes partout. Et donc le fait que ce soit une revendication de dipute ni soumise a attiré l'attention sur des... quartiers de relégation sociale, avec une population d'origine immigrée. Bon, d'accord, mais ça, je me demande si ça n'est pas le cliché, puisque le printemps de la jupe, qui s'est développé depuis 2006, a commencé et s'est développé dans une région où on n'a pas, ou moins, ce genre de quartier, et même dans une zone rurale, dans un lycée professionnel agricole, privé, catholique, ou une association extérieure à l'établissement. de prévention des risques est intervenu et a conduit les élèves à réfléchir au regard qu'ils portent sur les filles en jupe. Et on retrouve une culture commune, une culture commune des jeunes face à la jupe, donc cette jupe qui est bien dans certaines circonstances, mais qui en général vous étiquette comme une fille facile, une allumeuse. Pour ne pas dire le mot pute, mais après tout, c'est devenu le mot le plus employé par les jeunes depuis une dizaine d'années pour qualifier ce genre de fille. Et le film La journée de la jupe a complètement rejoint la réalité, en fait, puisque le printemps de la jupe existe. Et je souhaite qu'il se développe et qu'il permette dans beaucoup d'établissements scolaires qu'un dialogue s'établisse entre garçons et filles sur ce que veut dire le code vestimentaire. Et partant à travers le code vestimentaire, on parle de quoi ? Des relations garçons-filles, de la sexualité, de tout ça. Et c'est vraiment fondamental d'aider les jeunes à en discuter. C'est pas simple non plus pour les plus âgés, mais c'est pas simple non plus pour les jeunes. Et on pourrait avoir l'impression qu'ils sont émancipés de tout ça. Non, il y a plein de non-dits entre eux et les discussions sur la jupe le montrent bien. Donc, droit de ne pas porter le pantalon pour les jeunes filles, parce que c'est surtout une catégorie d'âge, me semble-t-il, qui est concernée. Parce qu'au lycée, déjà, on voit plus de filles en jupe. Et à l'université, encore un petit peu plus, même si ça reste minoritaire. Et puis, le droit de ne pas porter le pantalon pour les hommes. Mais ça, je l'ai déjà abordé. On ne va peut-être pas y revenir. Mais c'est vrai que l'aboutissement de ma réflexion historienne sur le pantalon a été la jupe. Le problème aujourd'hui n'est plus tellement le pantalon, c'est la jupe, c'est le vêtement ouvert, c'est pour les deux sexes d'ailleurs. Et c'est pour ça que j'ai écrit un petit livre sur la jupe. Au départ, ça devait être les deux derniers chapitres de ce livre. Et puis, on m'a dit non, ça fait hors sujet tout d'un coup de terminer un livre sur le pantalon avec deux chapitres sur la jupe. Donc, ok. J'ai publié à part un petit livre qui s'appelle « Ce que soulève la jupe » .

  • Speaker #2

    « Ce que soulève la jupe » , c'est autrement.

  • Speaker #1

    Voilà. et où j'approfondis ces questions-là avec une partie historique sur les évolutions de la jupe et toutes les controverses déjà qui portaient sur la longueur de la jupe. La jupe aux genoux dans les années 20, la mini-jupe dans les années 60, la mini-jupe des années 2000. Et puis ensuite, c'est plus un essai sur jupe égale pute, dans un contexte où on cherche à voiler les filles quand même, mais toutes les filles, et puis la jupe des garçons.

  • Speaker #2

    Michel Ferrault, sur le problème aujourd'hui n'est plus le pantalon mais la jupe ?

  • Speaker #0

    Oui, non, mais tout ce que vient de dire Christine, il n'y a pas tellement à y revenir. Le petit bouquin, ce que soulève la jupe, qui avait précédé d'ailleurs, il est paru avant, votre livre sur le pantalon était... très passionnant et le film avec Adjani est formidable, vraiment passionnant et est-ce que vous avez eu contact avec Adjani ?

  • Speaker #1

    Non j'ai utilisé pour le livre ces commentaires que j'ai entendus à la radio que j'ai lu dans les journaux et surtout le rapprochement qu'elle fait entre pantalon et burqa ou voile que j'essaie de commenter Oui. je crois qu'elle était très attachée au message du film elle l'a beaucoup souligné c'est un film engagé pour elle il y a une cause derrière tout ça qui est la liberté des femmes le vêtement est un prétexte pour contrôler les femmes contrôle sexuel, contrôle social contrôle de leur circulation dans l'espace c'est ça qui est intéressant derrière le vêtement c'est tous ces enjeux là bien sûr,

  • Speaker #0

    mais ce qui est très étonnant Dernièrement, il y a eu encore un film sur je ne sais plus quel quartier de banlieue où il a été interviewé des jeunes gens et des jeunes femmes. Et les jeunes femmes disaient, si on veut avoir la paix, il faut porter le pantalon. Autrement dit, la jupe, pour elles, et à cause naturellement de l'attitude des garçons en l'occurrence, c'est le fameux vêtement ouvert, érotique. Et on repartit. encore dans ces problèmes-là, c'est vraiment...

  • Speaker #1

    Mais on voile avec un pantalon aujourd'hui, alors qu'au début du XXe siècle, par exemple, le pantalon était accusé de dévoiler les formes, de souligner de manière précise la forme des jambes, même quand le pantalon était un petit peu large d'ailleurs. On voit à quel point c'est contingent, toutes ces appréciations morales qui sont portées sur le vêtement, c'est toujours dans des contextes précis, il faut les... les analyser et c'est toujours au cœur de controverses. Et il ne faut pas oublier de terminer peut-être sur l'ordonnance de Millefranc.

  • Speaker #0

    J'allais y venir,

  • Speaker #2

    j'allais y venir.

  • Speaker #1

    Parce que ça j'y tiens.

  • Speaker #2

    Cette ordonnance dont l'abrogation n'est toujours pas acquise et dont vous allez nous en parler, mais dont au cours de l'histoire, la question de son abrogation s'est posée, notamment dans les années 60. et euh et Et puis finalement, elle est toujours là, cette ordonnance ?

  • Speaker #1

    Oui, alors, il y a une demande d'abrogation qui est faite en 1969, un an après mai 68, un conseiller municipal de droite à Paris, parce que l'ordonnance de 1800 ne concerne que le département de la Seine, donc aujourd'hui Paris, et c'est la préfecture de police de Paris qui peut abroger cette ordonnance qu'elle a produite en 1800. Et donc, le préfet de police de l'époque, bien connu pour ses idées progressistes, c'est Maurice Grimaud. Et il répond, oh non, on ne sait jamais, il faut prévoir ces changements intempestifs de la mode, il faut mieux conserver cette ordonnance. J'avais du mal à comprendre cette réponse, puisqu'il avait cette réputation quand même plutôt pas féministe, mais bon. Et il m'a répondu gentiment une longue lettre, où il essaie de me démontrer que surtout, Il est féministe, il est bien féministe, qu'il n'a pas compris les enjeux et qu'il avoue à sa grande honte qu'il préfère les femmes en jupe. Et que certes, son appréciation personnelle n'aurait jamais dû rentrer en ligne de compte avec une question aussi importante. Mais que voilà, et que c'était tellement laid toutes ces femmes en jean. Bon, la réponse est intéressante. Donc voilà, affaire classée, ça revient en 2004 avec un député UMP de l'Indre. qui, sensibilisé par le bicentenaire de Georges Sand, a l'idée de demander l'abrogation de la loi de 1800. Voilà un député qui ne prend pas le soin de se renseigner, qui parle d'une loi, qui dit que Georges Sand a demandé l'autorisation, ce qu'elle n'a, je crois, jamais fait. Bon, donc mal renseigné, mais ça lui a permis de passer au journal de France 2 à 13h et aux grosses têtes, ce qui pour un député nouvellement élu et inconnu de tous, est une aubaine. Et ça, c'est le côté pittoresque du sujet qui, voilà, clé bien. Le gouvernement, la ministre de la Parité lui répond que l'ordonnance est tombée en désuétude et que donc il n'y a rien à faire. Et puis, à ma grande surprise, le 1er avril 2010, j'étais vraiment...

  • Speaker #0

    Une extrémiste.

  • Speaker #1

    Une extrémiste. Le livre était rendu. J'ai demandé un droit de faire un post-scriptum, page 380, pour signaler que dix députés radicaux de gauche, pour le 1er avril, ont déposé une proposition de loi, une vraie proposition de loi, demandant l'abrogation de la loi de 1799. Double faute. Et puis, je l'ai réécrit. Ils n'ont pas daigné me répondre. Pourtant, j'aurais aimé les renseigner. Et alors là, le dernier épisode, pour le moment, parce que ce n'est pas terminé, c'est il y a trois semaines, des conseillers municipaux verts et communistes de Paris ont demandé l'abrogation de l'ordonnance de police de 1799. Ok. C'est important de faire de l'histoire. Je pense que nos hommes et femmes politiques n'en ont pas assez. En même temps, je suis sûre qu'ils n'ont pas lu le livre. Ou alors, ils l'ont lu très vite. Mais ils ont dû... La médiatisation du livre, à mon avis, est à l'origine de cette demande. Et le préfet de police a répondu qu'il avait mieux à faire que de l'archéologie législative. L'important, c'était les femmes battues. C'était cette question.

  • Speaker #2

    Qui a le pouvoir de l'abroger ? Le préfet de police.

  • Speaker #1

    Alors il peut aussi dire que c'est anticonstitutionnel, puisque depuis 1946, la constitution de la République française reconnaît l'égalité des sexes, etc. Mais bon, symboliquement, c'est devenu un... Ça leur coûterait pas cher. Le livre tend à montrer quand même que c'est pas juste une question de bout de tissu.

  • Speaker #2

    Bon, je vous encourage vivement à... A lire cette histoire politique du pantalon,

  • Speaker #1

    merci beaucoup et bonne après-midi.

Chapters

  • Générique

    00:00

  • Introduction par Thomas Wieder

    00:32

  • Généralisation du pantalon durant la Révolution française et interdiction du "travestissement" pour les femmes

    03:48

  • Le port du pantalon par les femmes au XIXe siècle, entre caricature antiféministe et émancipation féminine

    07:53

  • Le pantalon des femmes dans la mode et le sport de la Belle époque à la Seconde Guerre Mondiale

    30:21

  • Le pantalon comme objet politique difficilement assignable à un camp

    43:33

  • La banalisation du port du pantalon par les femmes après 1968

    51:10

  • Le pantalon des femmes politiques : les premières fois des années 1970

    57:43

  • Le droit de ne pas porter le pantalon à l'époque contemporaine

    01:05:59

  • 2010 : l'ordonnance du préfet du Paris sur le travestissement des femmes, tombée en désuétude mais pas encore abrogée

    01:12:54

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Description

Suite à la sortie de son ouvrage Une histoire politique du pantalon (Seuil, 2010), Christine Bard retraçait aux Rendez-vous de l'histoire l'usage et la symbolique du pantalon en France, de l'époque révolutionnaire, quand il s'impose en tant qu'habit masculin, à 2010, lorsque l'ordonnance émise en 1800 par le préfet de police de Paris pour interdire le "travestissement" des femmes en hommes, bien que tombée en désuétude, reste encore à être abrogée. Elle ne le sera que trois ans après cette conférence.


Modérateur :

Thomas WIEDER, journaliste au Monde


Intervenantes :

Christine BARD, professeur à l’université d’Angers

Michelle PERROT, professeur émérite à l’université de Paris VII


Conférence issue de la treizième édition des Rendez-vous de l'histoire en 2010 sur le thème "La Justice".


© Christine Bard, Michelle Perrot, Thomas Wieder, 2010.


Voix du générique : Michel Hagnerelle (2006), Michaelle Jean (2016), Michelle Perrot (2002) 


https://rdv-histoire.com/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les rangs de l'histoire sont bien Au rythme de rencontres,

  • Speaker #1

    d'échanges La grande fête annuelle de l'histoire

  • Speaker #0

    Et des passionnés de l'histoire Enseignants,

  • Speaker #1

    chercheurs Le grand lieu d'expression et de débat Lecteurs,

  • Speaker #0

    amateurs Sur tout ce qui se dit Curieux, rêveurs Sur tout ce qui s'écrit Qui aide à prendre la mesure des choses A éclairer le présent et l'avenir Dans l'espace et dans le temps

  • Speaker #1

    cet après-midi alors que le programme comme chaque année des rendez-vous de l'histoire est foisonnant, riche et enthousiasmant. Donc pour assister à ce dialogue entre Michel Perrault et Christine Barr autour du dernier livre de Christine Barr, Histoire politique du pantalon, dont on a déjà beaucoup entendu parler dans la presse et ailleurs parce qu'il a suscité, soulevé un intérêt et une curiosité. ô combien légitimes. Alors, depuis quelques années, souvent les historiens sont dans une forme de déploration, qui n'est pas forcément un manque d'enthousiasme, mais on les entend dire qu'on a renoncé à une histoire totale, qui pouvait être l'histoire défendue par l'école des annales dans les années 70. Alors évidemment, peut-être l'histoire totale a un peu disparu, mais tout est devenu objet d'histoire, et on ne compte plus aujourd'hui les histoires sur des sujets consacrés à des objets qui, jadis, n'avaient pas leur place dans l'historiographie ? On reviendra peut-être sur cette question tout à l'heure avec Michel Perrault. Et parmi ces objets, il y a le pantalon dont nous allons beaucoup parler aujourd'hui, il y a aussi les chambres, parce que, évidemment, même si l'année dernière, on aurait sans doute centré cette discussion sur votre livre, Michel Perrault, mais il y a cette histoire du pantalon, il y a aussi... la merveilleuse histoire de chambres, et pas histoire des chambres, que vous avez publiée au Seuil également l'année dernière, Michel Perrault, et qui montre que justement, les historiens aujourd'hui peuvent entrer dans des lieux qui jadis étaient délaissés par leur père, et toucher des objets également nouveaux. Alors, commençons peut-être par parler de cette histoire politique du pantalon avec vous, avec vous, Christine Barr. Vous êtes professeure d'histoire contemporaine à l'Université d'Angers. Vos premiers travaux sous la direction de Michel Perrault portaient sur l'histoire du féminisme dans l'entre-deux-guerres. Ensuite, vous vous intéressez à l'histoire de l'anti-féminisme. Vous faites partie des historiens français qui ont le plus intégré les apports de l'histoire du genre, venus notamment des États-Unis, c'est-à-dire sur la façon dont les identités de gens sont construites, pour l'objet d'une construction. Alors cette histoire... Ce n'est pas une histoire du pantalon, c'est une histoire politique du pantalon, parce que ce qui vous intéresse, justement, c'est la façon dont, autour de cet objet qu'est le pantalon, se cristallisent les tensions entre le masculin et le féminin, et en quoi la place de cet objet dans la société, dans les discours. est évidemment révélatrice des rapports entre les genres. Et c'est ça qui est tout à fait passionnant dans votre livre, qui commence autour de la Révolution française, puisque vous dites qu'en gros, c'est je crois le début du premier chapitre, que le pantalon fait son entrée dans l'histoire au moment de la Révolution française. Alors pourquoi ?

  • Speaker #2

    Eh bien, c'est l'époque de la grande renonciation masculine. J'aime beaucoup cette expression empruntée à un psychanalyste anglais qui s'appelle John Carl Flügel et qui, en 1933, avait écrit un livre sur la psychologie des vêtements. Et il remarque que dans ce moment de transition, passage d'un ancien régime aristocratique à un nouveau régime qui aspire à la démocratie et qu'on va qualifier au XIXe siècle de bourgeois, Il y a une mutation des apparences masculines, très frappante. Uniformisation, passage de la couleur au noir, au gris. Cette notion d'uniformisation renvoie aussi à l'égalité qui devient une valeur clé dans ce nouvel ordre politique. Donc les hommes vivent une révolution politique et vestimentaire, symbolique. Et les femmes ne vivent pas cette révolution. On le savait déjà, et j'intègre évidemment tous les travaux sur l'histoire des femmes, l'histoire politique des femmes, les travaux de Dominique Godineau notamment sur la Révolution française. Donc on savait bien que les femmes n'allaient pas profiter comme les hommes de la Révolution, mais ça se traduit aussi pour les femmes sur un plan vestimentaire. En quelque sorte, les femmes ne font pas leur grande renonciation au faste des apparences. Elles sont les seules à conserver le droit à la parure, dont les hommes sont privés. chose qui aujourd'hui est à interroger. Je crois que pour les hommes, on va peut-être sortir de cette grande renonciation. Les hommes vont peut-être renoncer à la renonciation et diversifier leurs vêtements, et ça aura un sens politique. Donc c'est cette dissymétrie entre les hommes et les femmes que j'avais envie d'interroger. Dans ce sens-là, c'est une histoire des femmes, mais c'est aussi une histoire des hommes, c'est aussi une histoire des genres, puisque j'interroge le sens que le pantalon a aussi pour les hommes dans la... fabrication de la masculinité, de la virilité, et avec tout le sens politique que ça a, l'activité militaire et politique.

  • Speaker #1

    Alors vous montrez que le pantalon peut apparaître pour les femmes comme une conquête. Pantalon comme symbole à un moment donné d'émancipation. Et donc, à partir du moment où le... où les femmes risquent de trop s'émanciper, le pouvoir politique intervient, et il intervient au cœur de la Révolution française, et dans ses lendemains immédiats, avec cette fameuse ordonnance de 1800, qui n'est toujours pas abrogée, mais on y reviendra.

  • Speaker #2

    D'accord. Je parle un petit peu de ça, si vous voulez. En 1793, les clubs de femmes sont fermés. Et c'est la première occurrence du mot pantalon que je retrouve dans un discours politique officiel, le discours d'Ama, qui reproche à ces femmes, qu'on va réduire au silence, de vouloir imposer le pantalon aux autres femmes et de porter elles-mêmes le pantalon, alors que c'est complètement faux. Et c'est un fil conducteur qu'on retrouve pendant longtemps, jusqu'au XXe siècle, cette peur de l'activité politique des femmes qui se traduirait aussi par une virilisation vestimentaire et par le port du pantalon. Alors quand on dit qu'une femme porte le pantalon, en fait, pendant longtemps, on la voit comme une travestie. Et l'ordonnance 2800, elle vise donc à interdire le travestissement. Donc parfois, on résume en disant qu'elle interdit le port du pantalon aux femmes. Oui, pour autant que le pantalon représente l'adoption du vêtement de l'autre sexe, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Donc l'ordonnance 2800, elle est tombée en désuétude vraiment, puisqu'aujourd'hui, on ne peut plus définir. Qu'est-ce que c'est une femme qui s'habille en homme aujourd'hui ? Est-ce qu'un pantalon, un blouson, des chaussures plates, ça suffit ? Non, on ne peut plus, ça ne fonctionne plus. La notion même de travestissement est tombée en désuétude.

  • Speaker #1

    Alors si on considère, mais évidemment c'est un sujet qui fait débat tout au long du XIXe siècle, et vous consacrez à ce débat des pages lumineuses, le pantalon est... malgré tout au XIXe siècle, le symbole d'une émancipation, puisqu'il y a cette fameuse phrase qui disait à l'époque « Qui culotte a, pouvoir a » . Donc évidemment, porter le pantalon, c'est d'une certaine façon revêtir les symboles du pouvoir. Ce que vous dites, évidemment, on le sait parce que tous les travaux, et là je pense que Michel Perrault aura des... Des choses à dire, mais tous les travaux sur l'histoire du féminisme montrent que les rapports entre les révolutionnaires, les républicains et le féminisme sont beaucoup plus complexes qu'on ne croit. Mais en tout cas, ce que vous rappelez, Christine Barre, c'est que chez les socialistes utopiques, chez les Saint-Simoniens, chez Cabey, chez Fourier, etc., il y a une extrême méfiance, souvent un silence, mais parfois une méfiance explicite. à l'égard, à l'idée que les femmes puissent porter le pantalon.

  • Speaker #2

    Oui, alors même que le pantalon est quand même, le pantalon au sens politique, le pantalon auquel on donne des vertus émancipatrices pour les femmes, est quand même issu de cette famille de... Alors que le pantalon est issu de cette famille de pensées féministes et socialistes de la première moitié du XIXe siècle, mais il est vrai que, par exemple, chez les Saint-Simoniens qui portent... réfléchissent beaucoup à la notion de femme libre la saint-simonienne n'a pas vraiment un costume spécifique contrairement au saint simonien et elle ne porte pas le pantalon donc il ne faut pas se laisser piéger par les gravures de l'époque qui montre des saints simoniennes en pantalon elles ont une fonction anti féministe elles servent à dénigrer les audaces des saints simoniens il s'agit souvent de costumes de théâtre puisque c'est souvent sur la scène des théâtres que On cherche à les tourner en ridicule et la répression passe aussi d'une manière plus subtile que par la prison, par cet antiféminisme du roman, de l'essai ou du théâtre.

  • Speaker #1

    Et même pendant la Commune de Paris en 1871, vous montrez que le pantalon n'est pas finalement adopté de façon évidente par les communardes.

  • Speaker #2

    La commune, là, c'est... plutôt une situation différente disons de pénurie, on n'a pas le temps de concevoir ni de fabriquer de nouveaux costumes donc on fait avec les stocks et dans un grand désordre donc on trouve des femmes en uniforme masculin avec des uniformes pris aux hommes et des femmes qui s'habillent en femmes on trouve un petit peu les deux mais toujours Ce qui est intéressant, c'est le discours anti-communard et anti-féministe qui va avoir tendance à représenter les communardes habillées en hommes, alors que le cas ne devait quand même pas être si fréquent. Il y a les deux aspects de la pensée féministe et surtout socialiste au XIXe siècle. Il y a aussi un élan émancipateur et ça va inspirer aussi des pantalons qui existent vraiment. Mais là, on les trouve plutôt aux États-Unis.

  • Speaker #1

    Alors, on y reviendra dans un instant. On ira aux États-Unis dans un instant. Mais restons sur ce XIXe siècle auquel vous consacrez plusieurs chapitres. Je me tourne vers Michel Perrault. donc Michel Perrault ne présente pas, mais dont il faut rappeler que vous avez été en 1973 avec Fabienne... Mais si, c'est important, c'est important quand on fait de l'histoire, il faut donner des dates quand même. Au début des années 70 avec notamment Fabienne Bock et Pauline Schmidt-Pantel à l'origine. Donc vous avez monté ce séminaire à Jussieu sur « Les femmes ont-elles une histoire ? » C'était un cours ! Un cours qui était pionnier, extrêmement novateur à l'époque. Vous avez consacré de nombreux travaux au XIXe siècle, aux femmes au XIXe siècle notamment. Quand vous lisez les pages que Christine Barr consacre justement au XIXe siècle aujourd'hui, Et en quoi est-ce que... Ça vous paraît novateur d'aborder, non pas seulement l'histoire des femmes, mais l'histoire des genres à travers cet objet du pantalon ?

  • Speaker #0

    Eh bien, c'est que le pantalon est par définition un objet mixte, justement. Je reviens au pantalon de Christine, j'aime beaucoup le livre de Christine, comme beaucoup des choses que Christine... a écrite et a faite, mais le pantalon c'est ça qui est intéressant, c'est que le rapport masculin-féminin se noue autour de ce morceau de tissu. C'est ça qui est extravagant. Et c'est extravagant pourquoi ? Et c'est peut-être là où j'aurai encore des questions justement à poser à Christine. évidemment c'est quelque chose de symbolique c'est le symbole qui est derrière ça C'est le symbole de l'égalité des sexes. Bon, mais depuis quand quand même, Christine, c'est devenu si masculin le pantalon ? J'aurais envie de vous poser cette question. Parce qu'enfin, si on regarde, je ne sais pas moi, il y a les pleureuses au XVe siècle, au tableau, au, comment dire, au duc de Berry, au tombeau du duc de Berry, on voit des hommes avec des jupes. On voit des hommes avec des jupes, on regarde dans l'antiquité, vous avez des toges, au fond une toge c'est une espèce de jupe. Comment est-ce que c'est devenu à ce point un symbole masculin ? Comment et pourquoi ?

  • Speaker #2

    Oui, la grande différence qu'on n'a pas encore présentée entre le vêtement féminin et le vêtement masculin, c'est l'ouverture, la fermeture, le vêtement féminin en Occident. est ouvert et le vêtement masculin est fermé quoique avec beaucoup d'exceptions il y a la robe la toge, la soutane donc on trouve au moyen-âge et à l'époque moderne bien sûr et jusqu'à nos jours des exceptions mais le pantalon alors qu'on n'appelle pas encore comme ça dans les siècles précédents, la révolution, on va parler de culottes longues On trouve des braies, on trouve différentes expressions. C'est le pantalon des hommes du peuple, des travailleurs, pendant la Révolution, les sans-culottes, les artisans. Donc c'est un vêtement plébéien, un vêtement de travailleur. C'est pour ça que le sens politique qu'il prend avec la Révolution et qu'il va garder est quand même intéressant. C'est aussi la valeur travail, tellement antagoniste avec les valeurs aristocratiques. qui est mise en avant avec le pantalon. Donc ce qui m'intéresse au moment de la Révolution, c'est cette généralisation, enfin progressive, c'est jusque dans les années 1820, cette généralisation du pantalon, ce passage de la culotte, qui était portée par les hommes des classes supérieures, ce passage de la culotte au pantalon, cette généralisation du pantalon pour les hommes, avec un vêtement qui charrie ces connotations de... Vêtements pratiques, vêtements de travailleurs, vêtements courants, vêtements désexualisants, désérotisants, vêtements plus libres, qui fabriquent un homme libre parce que plus loin du corps que la culotte. Les médecins des lumières se prononcent aussi sur les vertus respectives du pantalon et de la culotte. Donc c'est masculin, la culotte comme le pantalon étaient des vêtements bien masculins, mais le pantalon a quelque chose de plus viril. Et la virilité, on le sait, est souvent associée à un caractère plébéien. Bon voilà, je ne sais pas si j'ai été très claire.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #2

    Il y a un phénomène de généralisation. Et peut-être que le masculin ne suffit pas, mais qu'il faut introduire aussi la notion de virilité. Parce que sous la Révolution, c'est important de lui donner ce caractère viril au pantalon, et qui va avec des vertus politiques viriles.

  • Speaker #0

    Et parmi toutes les fonctions de la robe qu'on peut au fond comparer au pantalon, Au XIXe, peut-être pas avant, peut-être pas tant que ça avant, il y a aussi l'idée d'une féminité qui enferme, qui atteint un peu son sommet avec la crinoline. Alors là, la robe devient tellement volumineuse que le déplacement des femmes de la bonne société devient un vrai problème. Véritable problème et au fond en comparant un peu les deux, on voit l'excès de la robe, la robe excessive qui montre cette espèce de féminité qui doit absolument s'affirmer dans le costume.

  • Speaker #2

    Voilà, c'est la différence des genres, elle peut s'accroître ou se réduire selon les époques. d'une manière politique, mais aussi d'une manière vestimentaire. Et sous l'Ancien Régime, les apparences vestimentaires sont plus proches qu'elles ne le sont au XIXe siècle. Et ça correspond à un moment de renforcement de la domination masculine. Donc c'est un petit peu ça le fil conducteur du livre. C'est que le vêtement, la différence vestimentaire entre les genres, est un baromètre de l'égalité ou de l'inégalité des sexes. Et c'est flagrant au XIXe siècle.

  • Speaker #0

    Il y a une question que je voulais vous poser, vous l'avez déjà abordée, à propos des Saint-Simoniennes. Pendant longtemps, pour ma part et avec beaucoup d'autres, j'ai pensé que les Vésuviennes, ce sont des femmes en 1848 qu'on représente comme des femmes habillées en pantalon et portant les armes. C'est-à-dire les armes et le pantalon, ça va aussi ensemble, c'est très très important. Et alors, merveille, on se dit formidable. Il y a eu les Vésuviennes, et vous nous dites, les Vésuviennes, elles n'ont pas existé. Voilà. Alors, j'aimerais bien que vous nous disiez pourquoi.

  • Speaker #2

    Oui, toutes les historiennes et historiens du féminisme auraient eu envie d'y croire. Une société d'ouvrières, pendant la révolution de 1848, qui a des revendications très radicales, qu'on n'avait peut-être pas regardées d'assez près, parce que c'est complètement extravagant qu'elles portent le pantalon, qu'elles prétendent entrer dans la garde nationale. Il y a une floraison de dessins humoristiques qui attirent l'attention du public sur ces Vésuviennes qu'on représente effectivement en pantalon et en uniforme, pantalon d'uniforme. Et si on regarde de près, cette affaire, on s'aperçoit qu'il s'agit d'une mystification à but antiféministe et qui va atteindre son but d'une manière redoutablement efficace. Les clubs de femmes vont fermer. Et l'épouvantail des Vésuviennes n'y est pas étranger à cette décision de fermeture, donc rebelote, comme sous la Révolution française, on agite l'épouvantail de la femme en pantalon. Et si on regarde de près, par exemple, un texte qui s'appelle « La constitution des Vésuviennes » , on voit bien qu'on retrouve tous les poncifs du rire misogyne. Et en même temps, les questions qui hantent l'époque, parce qu'il y a des peurs sociales derrière tout ça, bien évidemment, des peurs très profondes, peur d'émancipation des femmes, alors avec des thèmes dominants qui changent selon l'époque. Et là, c'est le divorce qui revient dans l'actualité, le divorce qui a été interdit sous la restauration et que certains voudraient autoriser à nouveau. Et ça, c'est quand même un des thèmes forts, en dehors du thème proprement politique, l'exclusion des femmes de la citoyenneté. sous la Deuxième République, c'est quand même ça.

  • Speaker #0

    Juste un mot, ça fait penser l'histoire des Vésuviennes aux Amazones. Et là aussi, les Amazones, il y a eu un moment du féminisme, où notamment aux États-Unis, on voulait croire à la réalité des Amazones. Et les historiennes comme Pauline Schmitt, Pantel, nous ont dit, non, les Amazones, ce n'est pas du tout une réalité, c'est une représentation. Et c'est une représentation de la peur, au fond, que les hommes ont. de l'émancipation des femmes. Si elles s'émancipent, d'abord elles sont plus féminines, les amazones ont le sein coupé, donc ce ne sont plus vraiment des femmes. Et c'est très important, et c'est pourquoi le pantalon est si intéressant, parce qu'il est aux limites, bien sûr du masculin et du féminin, c'est notre objet, mais du réel et de l'imaginaire, du symbolique et du concret quotidien.

  • Speaker #2

    Je reviens sur les Vésuviennes. Qu'est-ce qu'on trouve comme revendication invraisemblable ? L'enrôlement des citoyennes dans les armées pour les jeunes filles âgées de 15 à 20 ans. Jamais les féministes, à l'exception de Madeleine Pelletier, n'ont réclamé le service militaire pour les femmes. Le mariage obligatoire pour les deux sexes. Les contrevenants risquant le service militaire à perpétuité. L'obligation de partager les travaux domestiques sous peine de condamnation. Mais aussi l'acquisition de la nationalité pour une étrangère qui adopterait un vieillard français.

  • Speaker #1

    Tout un programme.

  • Speaker #0

    Merveilleux.

  • Speaker #1

    Alors ce qui est aussi très... Parce qu'il faut le dire et je pense qu'il ne faut jamais hésiter à le dire et ça concerne évidemment au combien les travaux de Michel Perrault mais également les vôtres, Christine Barre. C'est aussi un livre... formidablement agréable à lire, bien écrit, c'est un vrai plaisir de lecture. Si c'est aussi un vrai plaisir de lecture, c'est parce que vous redonnez vie à un certain nombre de figures plus ou moins connues qui ont marqué cette histoire autour du pantalon. Et parmi elles, j'aimerais qu'on revienne notamment sur Amelia Bloomer. Est-ce que vous pouvez nous en parler ? Parce que... Ça nous permet d'aborder une autre question qui est celle évidemment de l'influence peut-être des modèles étrangers dans la culture du pantalon en France.

  • Speaker #2

    Oui, parce qu'effectivement la France n'est pas le berceau du pantalon. C'est aux États-Unis, dans les États-Unis du 19e siècle, que le pantalon s'est développé. En prenant un sens d'ailleurs à la fois féministe et un peu puritain, puisque c'est dans l'opposition au mode féminine parisienne qui était accusée d'être immorale que le pantalon a été inventé par Amelia Blumer. En fait c'est une invention collective, c'est plus compliqué que ça. Mais enfin, les dirigeantes du mouvement féministe américain qui s'organisent à partir de 1848 vont pendant quelques années, après 1850, porter ce pantalon qu'on appelle « Bloomer » du nom d'Amelia Bloomer. Et donc la dimension religieuse, émancipatrice, féministe, mais aussi religieuse de ce pantalon est à mettre en évidence, et c'était déjà le cas dans les communautés socialistes, mais aussi chrétiennes. des années 1820 aux États-Unis, où là d'ailleurs le pantalon avait été imposé par les dirigeants de certaines communautés aux femmes, les femmes ayant plutôt mal réagi à ce pantalon qui les infantilisait en quelque sorte, parce que les jeunes filles, les petites filles portaient des pantalons comme ça, donc mettre un pantalon aux femmes, surtout s'il a la même forme, Celui des petites filles, évidemment, c'était une manière de les priver de leur statut de femmes séduisantes, qui peuvent s'habiller de manière adulte. Donc ça m'a beaucoup fait réfléchir cette histoire des communautés socialistes et féministes des années 1820, où on impose le pantalon aux femmes pour les désexualiser, les désérotiser en quelque sorte. Parce que ça montre que le pantalon n'a pas un sens intrinsèquement émancipateur pour les femmes, que tout est affaire de contexte. et de rapports de force sociaux et politiques entre hommes et femmes. Mais en l'occurrence, là, on ne peut pas dire, quand le pantalon est imposé aux femmes, qu'il a une valeur d'égalité des sexes. Le pantalon, selon qu'il est choisi ou imposé, n'a pas le même sens.

  • Speaker #1

    Oui, d'ailleurs, évidemment, même si vous faites une histoire politique du pantalon...

  • Speaker #0

    Montrez bien aussi qu'il y a d'autres facteurs dans l'histoire qui participent de l'adoption, qui favorisent l'adoption du pantalon et des facteurs très très triviaux et notamment purement pratiques. Vous parlez du sport, le sport joue un grand rôle, vous pouvez nous en parler dans un instant. Mais vous consacrez également de belles pages à, alors on dit Jane de Dieu la foi ?

  • Speaker #1

    Jeanne

  • Speaker #0

    qui est une... Je pensais pas susciter...

  • Speaker #1

    Parce que Jeanne Dieu Lafoye...

  • Speaker #0

    C'est extraordinaire cette histoire.

  • Speaker #1

    Elle est extraordinaire. Jeanne Dieu Lafoye, elle est archéologue. Elle est mariée à un archéologue. Et tous les deux s'en vont en Perse, en Syrie, si l'on peut dire. Ils font des découvertes fondamentales dans le domaine de l'histoire assyrienne. Il y a d'ailleurs au Louvre une salle qui s'appelle la salle Dieu la foi, parce qu'ils ont découvert parmi les fameuses frises des archers, c'est eux. Et le couple était assez égalitaire d'ailleurs, et Jeanne, c'est intéressant parce que c'est un milieu d'origine catholique, c'est pas la gauche, c'est un milieu d'origine catholique. Et elle, elle veut absolument boulonner dans cette histoire d'archéologie, elle n'est pas du tout à l'aise évidemment en jupe, et elle lui dit je porte le pantalon. Elle le porte pendant ses expéditions en Perse, mais quand elle est rentrée en France, elle ne peut plus et elle ne veut plus se remettre en jupe et elle est la femme aux pantalons. Et du coup, elle suscite un intérêt extraordinaire. Les journalistes viennent la voir, il y a plein d'articles sur elle et elle a beaucoup, elle a laissé beaucoup de traces. Moi je sais que dans ma famille, des femmes... des mortes maintenant, se souvenaient très bien de Jeanne-Dieu Lafoye. On parlait, oh Jeanne-Dieu Lafoye, quelle femme tout à fait étonnante. Elle était assez remarquable parce que, en dehors même de son intérêt pour l'archéologie, elle avait voulu, et ça c'est quand même formidable, enquêter sur les femmes des pays dans lesquels elle était. Et elle disait d'ailleurs que souvent ces femmes portaient des pantalons. Une espèce de pantalon bouffant qui était tout simplement le costume qu'elles avaient. Donc Jeanne et pas Jane. Jeanne, Jeanne.

  • Speaker #2

    Très française et très patriote.

  • Speaker #0

    Pourquoi Jane ? Pourquoi d'ailleurs son prénom ?

  • Speaker #2

    Non parce que ça se faisait beaucoup à l'époque. Il y avait une anglomanie qui poussait. Jeanne, E-A-N-E, c'était trop banal. Bon, il y a la part de... Elle devient femme de lettres aussi après. Il faut se faire remarquer, c'est déjà difficile de percer, de percer quand on est une femme. Donc être en travesti, changer son prénom, ça fait partie des petits trucs qui vont attirer l'attention des médias. Alors un exemple dans l'assiette au beurre, on montre le couple Dieu la foi avec la légende indispensable, Monsieur Dieu la foi est à gauche. Voilà, donc on se moque aussi de ce couple avec un homme, un mari qu'on trouve un petit peu étrange d'accepter autant d'exemplicité de la part de sa femme. Et elle, elle a une vraie vocation militaire aussi. Elle participe à la guerre de 1870 comme front-tireur. Et en 1914, elle est à l'origine d'une pétition. pour demander l'entrée des femmes dans l'armée française et elle s'engage c'est tout à fait à la fin de sa vie en 1914 elle s'engage comme infirmière pas comme d'ailleurs la france refuse les femmes dans l'armée on a du mal à quitter jeanne dieu la foi on

  • Speaker #1

    va pas trop s'y attarder quand même mais elle elle avait les cheveux courts aussi elle bien avant bien avant 14 elle fait partie de ces garçons que vous avez étudié dans un autre livre avec les cheveux très très court, et sur Monsieur de la Foi, Monsieur Dieu Lafoye était soupçonné à la limite d'homosexualité. Étant donné qu'il tolérait que sa femme ait une allure de garçon, est-ce que ça n'était pas suspect ? Franchement, c'est difficile à un homme d'être pour l'égalité. C'est franchement pas simple.

  • Speaker #0

    Si elle portait les cheveux courts aussi, vous expliquez, Christy Clark, que c'était pour des raisons aussi pratiques et non militantes.

  • Speaker #2

    Oui, alors attention, le pratique, il a mon dos entre guillemets. C'est plus facile de dire je préfère le pantalon pour des raisons pratiques que de dire j'aime le pantalon parce qu'il symbolise l'égalité, qu'il montre que je suis une femme libre. Voilà, donc on invoque très, très souvent le pratique pour cacher d'autres mobiles.

  • Speaker #0

    Alors là, on s'amuse et on sourit, mais ce qu'il faut bien dire aussi, c'est que le pantalon continue véritablement de faire scandale, encore au XXe siècle, à diverses reprises, et ça vous le racontez également très bien. je voudrais qu'on s'attarde peut-être sur deux moments sur lesquels vous revenez dans votre livre. D'abord, le scandale des jupes-culottes en 19... 11, c'est bien ça. Là, c'est une initiative du couturier Paul Poiret qui suscite un véritable débat dans le Paris de la Belle Époque.

  • Speaker #2

    Oui, mais un Paris de la Belle Époque qui commence à être habitué à ces débats qui mêlent émancipation des femmes et réforme du costume féminin, parce qu'on l'a dit tout à l'heure, le vêtement féminin, il est fait d'entraves, et d'entraves très érotisées. Et c'est très difficile de se débarrasser finalement de ces entraves. Il faut l'opinion des médecins. Les hygiénistes sont de plus en plus influents. La mode du sport contribue beaucoup à une évolution. Et finalement, la mode est loin d'être une instance très progressiste par rapport à la différence des genres dans le vêtement. Très très loin. Et donc, il faut des couturiers assez novateurs ou des couturières pour tenter des évolutions. La jupe-culotte pourrait être le compromis idéal entre le pantalon et la jupe. Et finalement, ça ne prend pas. Et les mannequins qui défilent aux courses avec ces jupes-culottes sont hués, sifflés. C'est un échec commercial. Mais on est déjà habitué à ces débats parce que vraiment, à mon avis, le grand, grand débat marquant, c'est celui des années 1880-1890 sur la bicyclette. Les femmes peuvent-elles ou non porter une culotte cycliste ? une culotte de zouave, une culotte un peu bouffante pour pratiquer la bicyclette. Et on n'y croit pas quand on lit les journaux de l'époque. Tant d'opposition, tellement passionnelle. Là on voit que ça soulève des tas de choses qui vont beaucoup plus loin, que c'est un vêtement pratique ou pas. Ça renvoie vraiment à la notion de travestissement, d'inversion des sexes, d'angers. de l'inversion de la domination, pourquoi pas, parce que derrière l'égalité, on voit tout le temps le risque qu'il y ait un basculement et que les femmes dominent les hommes. Donc ça renvoie à des imaginaires précis, les Amazones, etc. Et on est dans des redites, ça fonctionne d'autant mieux que c'est déjà un petit peu connu qu'il y a des redites. Donc échec des jupes-culottes, scandale, en même temps ça serre la réputation de Paul Poiré quelque part. Et Paul Poiré, d'ailleurs, il faut quand même mettre des bémols à sa réputation novatrice. On dit toujours que c'est lui qui a libéré la femme du corset. Il n'était pas le seul à enlever le corset de ses modèles. C'est lui qui a inventé la jupe entravée, qui est vraiment une horreur. Parce que ça restreint au niveau des genoux la circonférence de la jupe. Et ça oblige les femmes à faire des tout petits pas, puisqu'elles sont bloquées au niveau du genou, donc ça fait des petits pas comme ça. Et c'est un début de l'entrave, vraiment, c'est d'entraver la capacité de circuler, de marcher et de courir. Et j'ai été très frappée par un passage des mémoires de Maurice Saxe, un écrivain un peu oublié de l'entre-deux-guerres, qui s'amuse, a suivi, il dit ça en toute naïveté presque, qui suit une femme qui porte une jupe entravée, et cette femme prend peur. elle imagine le pire, elle essaie de courir et elle ne peut pas. Et elle dit, qu'est-ce que je me suis amusée. Et voilà, la jupe entravée, c'est ça concrètement. Là, on a un exemple, une source fiable de l'effet de la jupe entravée.

  • Speaker #0

    Alors, avant qu'on revienne sur le deuxième moment qui montre que autour de ce pantalon peuvent se nouer des enjeux assez graves, on parlera de Violette Maurice tout à l'heure. Mais puisqu'on parlait de mode et vous parlez des couturiers qui étaient la plupart du temps assez conservateurs, il y en a un à qui vous rendez un très bel hommage et qui a joué un rôle majeur dans cette histoire, c'est Yves Saint-Laurent. Yves Saint-Laurent, parce que c'est très intéressant finalement ce que vous dites d'Yves Saint-Laurent, notamment, évidemment, vous vous rappelez l'événement qu'a été, je crois en 1966, l'arrivée du smoking pour femmes. Ça a été un véritable événement à l'époque et vous montrez bien comment Yves Saint-Laurent élabore toute une réflexion, parce qu'il s'exprime beaucoup, non pas seulement sur la conquête par les femmes de vêtements masculins, mais également sur la féminisation de certains vêtements masculins. Il y a tout un jeu assez subtil qui se joue autour d'Yves Saint-Laurent, Christine Barr.

  • Speaker #2

    Oui, mais le but n'était quand même pas de faire une histoire de la mode. Mais bien sûr, la mode intervient dans cette histoire, forcément. Mais pour beaucoup de gens, l'histoire du vêtement et l'histoire de la mode, c'est la même chose. Ça en dit long, quand même. Mais je ne cherche pas du tout à rendre un hommage. Il s'en rend, ce n'est pas ma démarche historienne.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas un hommage,

  • Speaker #2

    mais je dirais que vous le... Il y en a tant d'autres qui le font que, franchement, je ne serais pas utile tellement. Il suffit de lire... Voilà, tous ceux et celles qui ont écrit sur Yves Saint Laurent. J'ai simplement essayé de chercher des extraits de ses déclarations, de ses commentaires sur ses vêtements, où il évoque des évolutions sociales, les rapports hommes-femmes, le genre, enfin il n'emploie pas le mot. Et puis il est ambigu parce qu'il n'a quand même pas une pensée très élaborée non plus sur cette question, il sent des choses assez bien. Mais par exemple sur Georges Sand. Il fait plusieurs fois allusion à Georges Sand, parfois pour la condamner. C'est l'exemple même, à travers la caricature qu'il connaît, de la femme masculinisée et donc indigne d'intérêt pour un couturier. Et à d'autres moments, il l'idéalise un petit peu en la prenant comme un beau modèle. Donc il oscille par exemple dans sa vision de Georges Sand. Donc voilà, ce n'est pas une pensée politiquement élaborée. Et puis en plus, je relativise sur le smoking. Marlène Dietrich venait déjà à Paris dans les années 30, s'acheter des smokings. Donc l'inspiration d'Yves Saint Laurent, elle est rétro. Là où il est innovateur, c'est en tant que couturier qui accepte une inspiration rétro. Et puis tous les couturiers, les grands couturiers des années 60, proposent des pantalons. Et personnellement, moi, je suis plus intéressée par ceux qui ont une inspiration futuriste. Courrèges, Paco Rabanne, qui vont vraiment essayer d'inventer des formes, alors qu'Yves Saint Laurent, c'est plus le style. C'est plus le style. Il préfère le style à l'innovation vraiment formelle, qui peut être amusante. Il recherche l'élégance, Yves Saint Laurent, donc d'une certaine manière quelque chose d'un peu intemporel, d'un peu rétro. Tandis que Courrèges ou Paco Rabanne, avec des... des combinaisons métalliques ou des... vraiment, inventent tous azimuts et là, moi je trouve qu'on sent mieux l'esprit des années 60 chez d'autres couturiers.

  • Speaker #0

    Michel Perrault...

  • Speaker #1

    Moi j'aime beaucoup Saint-Laurent quand même ! Et je trouve que côté style,

  • Speaker #2

    pas mal !

  • Speaker #1

    Le style,

  • Speaker #2

    mais l'innovation avec des salopettes, des combinaisons intégrales avec pantalons, etc. C'est pas chez lui ! qu'il faut chercher.

  • Speaker #1

    Oui, mais il est quand même passionnant parce que non seulement il donne accès aux femmes, justement, aux pantalons et à beaucoup d'autres choses, mais vous l'avez dit, Thomas Wider, il y a aussi cette féminisation d'un autre côté pour les hommes.

  • Speaker #0

    On ne peut pas masculiniser la femme.

  • Speaker #2

    Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça. Ce qui est passionnant chez lui, c'est qu'il est homosexuel, bien sûr, et tout le monde le sait, et justement, il s'intéresse. Beaucoup au costume féminin et je trouve que ce mélange là, ces passages sont extrêmement intéressants justement pour l'histoire du genre et par ailleurs les femmes un peu féministes, peut-être pas dans leur théorie, on peut pas demander à Yves Saint Laurent d'être un théoricien du féminisme, ni un historien du féminisme, il a autre chose à faire mais je trouve que les femmes un peu libres de cette époque là aiment bien porter du Saint-Laurent et sont du côté de Saint-Laurent et vont à l'ouverture des, enfin comment est-ce qu'on dit, les collections des filets de Saint-Laurent. C'est quand même intéressant, c'est intéressant.

  • Speaker #2

    Je voulais juste apporter un bémol, parce qu'on le célèbre tellement, c'est un peu injuste pour les autres qui ont aussi fait preuve d'innovation.

  • Speaker #0

    De toute façon,

  • Speaker #1

    il se moque un petit peu de ce qu'on peut dire en ce moment. Je voulais juste dire quelque chose comme ça au passage. Benoît de Groult est une descendante de Paul Poiret. Elle est extrêmement vibrante quand on parle de Paul Poiret. Même si Paul Poiret n'a pas été non plus un parangon du féminisme, on ne peut pas demander aux gens à leur époque de penser comme nous. Ça, ce n'est pas possible.

  • Speaker #2

    Non, ce n'est pas le but, mais c'est juste que ça montre un peu les limites de l'interprétation qu'on peut avoir. On a une grille de lecture politique et qu'on veut utiliser le discours des couturiers, effectivement. Ça ne va pas très loin. Il y a une sorte de méfiance à l'égard aussi de ce qui est politique chez les couturiers.

  • Speaker #0

    Mais alors justement, cette méfiance qui touche le pantalon, si on veut essayer de comprendre, et on y reviendra tout à l'heure, la révolution qui s'opère après la Seconde Guerre mondiale et dans les années 60, etc. Pour comprendre ça, il faut rappeler quand même, et vous le faites dans votre livre, qu'encore en 1930, peuvent se passer des choses sérieuses devant des tribunaux. Et là, vous évoquez le procès qui opposa en 1930 la très grande championne Violette Maurice à la Fédération féminine sportive. Est-ce que vous pouvez nous en parler ?

  • Speaker #2

    Oui, c'est tout un chapitre parce qu'on croit en 1930 que l'ordonnance de 1800 est tombée en désuétude. Et le procès va montrer que non. Donc, Violette Maurice est une championne omnisport et notamment qui s'illustre dans des sports très masculins, la conduite automobile, elle boxe, elle fait de l'athlétisme, du football, voilà. Et elle entraîne aussi les jeunes filles de la Fédération Sportive Féminine de France. Et elle se conduit mal, entre guillemets. Elle parle comme un homme, dit-on, donc elle est grossière, c'est ça que ça veut dire. Elle fume, elle s'habille vraiment comme un homme, elle a les cheveux très courts. pas la garçonne, qui serait une coupe au carré, mais vraiment les cheveux très courts. Et dans les vestiaires, dit-on, elle a des gestes déplacés à l'égard des jeunes filles. Officiellement, elle est mariée, mais on sait qu'elle est homosexuelle. Et ça fait beaucoup pour la Fédération sportive féminine de France, qui est confrontée à toutes les attaques contre le sport féminin, accusées de viriliser les femmes, justement. Donc, Violette Maurice leur pose un vrai problème, et la Fédération décide de se séparer de cette athlète embarrassante. et Violette Maurice, elle, est sûre de son bon droit et elle porte plainte contre son employeur qui la prive en plus en lui retirant sa licence du droit de participer à des compétitions et le procès est très intéressant il a été largement commenté dans la presse au moins pendant un mois il oppose donc Violette Maurice qui défend le droit des femmes à porter la culotte ou le pantalon on emploie encore le mot culotte mais bon, c'est un petit peu... parce que c'est amusant de dire le mot culotte et le... Et les avocates de la Fédération qui sont féministes, c'est ça qui est drôlement intéressant, qui sont féministes et qui ressortent des oubliettes l'ordonnance de 1800 pour dire que non, les femmes n'ont pas le droit de s'habiller en pantalon. Et Violette Maurice perd donc son procès en 1930. Donc ça permet de resituer tous les enjeux liés au sport et puis de poser aussi la question de la désuétude d'une ordonnance. On se pose encore la question aujourd'hui, mais on y reviendra peut-être tout à l'heure. le sort de cette ordonnance de 1800.

  • Speaker #0

    Oui, alors ce qu'il faut bien dire aussi, c'est que Violette Maurice n'est pas du tout une féministe.

  • Speaker #1

    Ah non,

  • Speaker #2

    pas du tout. Ah oui, alors on aurait effectivement tort d'associer systématiquement...

  • Speaker #0

    Elle est même proche de l'extrême droite, elle...

  • Speaker #2

    Elle devient nazie.

  • Speaker #0

    Elle devient nazie, oui,

  • Speaker #2

    oui. Elle est très active dans la collaboration, et elle est abattue par la résistance en 1944. Donc parmi les grandes figures de femmes habillées en hommes, on va trouver des Madeleine Pelletier qui sont antifascistes, révolutionnaires, féministes, on ne peut plus radicales, et des Violette Maurice, effectivement.

  • Speaker #0

    Oui, parce que c'est ça au fond qui est aussi très intéressant, c'est que le pantalon est un objet politique, mais difficilement assignable à un camp, assurément. et c'est pas parce que Il aura été pendant des décennies l'emblème de l'émancipation qu'il faut ancrer le pantalon à gauche, forcément. Et de la même façon, ce n'est pas pour cela qu'il faut faire de l'adoption du pantalon et du droit de porter le pantalon la revendication de tous les féministes, puisqu'il y a un vrai débat chez les féministes, et ça, vous le montrez bien. Vous montrez bien qu'entre une Madeleine Pelletier, à qui vous avez d'ailleurs consacré tout un ouvrage, entre une Madeleine Pelletier qui a cette phrase qui dit « il faut être des hommes socialement » et qui donc porte de façon ostensible le pantalon, et par exemple une féministe peut-être moins connue mais tout aussi importante, Maria de Rheim, grande figure du féminisme républicain, et qui elle s'oppose, en tous les cas est très... voit d'un mauvais oeil justement le port par les femmes du pantalon, il y a tout un éventail d'idées.

  • Speaker #2

    Oui, d'ailleurs je n'ai pas encore eu l'occasion de le dire, mais je suis historienne du féminisme, depuis ma thèse, mais je le suis toujours. C'est parce que je suis historienne du féminisme que j'ai écrit cette histoire du pantalon. Et vous disiez, c'est un objet historique novateur, le pantalon. Oui et non. Parce que quand on fait de l'histoire du féminisme, on voit à quel point le pantalon a quand même préoccupé les penseuses féministes du 19e et du début du 20e siècle. Madeleine Pelletier a attiré notre attention sur le pantalon. Elle est si peu connue aujourd'hui. ... Simone de Beauvoir, qui note que ce n'est pas naturel de s'habiller en femme. Je commence le livre avec cette citation, jusqu'à Colette Guillaumin, une théoricienne du féminisme radical, importante dans les années 70-80. Donc là, il y a effectivement toute une tendance égalitariste, universaliste. Et puis des féministes qui sont peut-être plus différentialistes, encore que, qui sont pour l'égalité des droits, mais qui trouvent que, dans le domaine des apparences, La différence est quelque chose d'intéressant, qu'il faut défendre. Maria de Rheim dit qu'elle est très attachée aux couleurs, aux tissus portés par les femmes, et que les hommes sont si tristes habillés tous de la même manière en noir, pourquoi vouloir les imiter ? Donc là, elle se refuse finalement à aller du côté d'une interprétation symbolique et politique du vêtement masculin. Et elle en reste à un jugement esthétique où elle trouve que les femmes ont un privilège esthétique et qu'il faut qu'elles le gardent. Elle ne va pas jusque là, mais aujourd'hui on pourrait reprendre ce raisonnement de Maria de Rheim et dire oui c'est vrai, il y a une supériorité esthétique féminine dans le domaine du vêtement et des apparences, disons depuis deux siècles, mais ça n'empêche pas de penser l'égalité. Et l'égalité ça serait de défendre le droit des hommes aujourd'hui à la parure, le droit des hommes à la jupe. Donc, Madeleine, Maria de Rheim n'a pas nécessairement tort quand elle dit « Ah bah oui, mais comment on pourrait renoncer esthétiquement à tout ce qui fait la beauté, la séduction de la féminité ? » Essayons de réconcilier Maria de Rheim et Madeleine Pelletier. C'est la jupe pour homme, c'est la jupe pour homme qui les réconcilie. Et quand j'ai trouvé ça, je vous assure que j'étais vraiment une faveureuse. ça m'a tellement hanté Madeleine Pelletier et sa théorie de la virilisation des femmes, j'avais envie d'adhérer politiquement, je trouvais ça très logique voilà, la pensée de Madeleine Pelletier très logique, et en même temps en moi parce qu'on fait de l'histoire aussi avec ses tripes avec sa sensibilité son propre rapport aux vêtements bien sûr il y avait quelque chose qui résistait en moi à Madeleine Pelletier pourquoi pas des vêtements plus androgynes que ceux que nous portons oui bien sûr, j'aime bien Non. Je suis très éclectique dans mes goûts, mais oui, Maria de Rheim, je trouvais qu'elle avait un petit peu raison aussi. Donc partageons le droit à la parure pour créer plus d'égalité entre les... Oui,

  • Speaker #1

    finalement, le risque, c'est toujours de créer de nouvelles normes. À partir du moment où les choses deviennent normes, il faut se méfier beaucoup. et par conséquent les libertés Vous parliez du droit aux hommes portés le pantalon. La question c'est de savoir s'ils en ont envie. Je ne sais pas, c'est une vraie question. J'ai posé cette question à des hommes. Certains m'ont dit, bien sûr, pourquoi pas, c'est agréable, confortable. Si, ça ne se fait pas encore beaucoup. Nous avons plus qu'ils les deux. C'est intéressant d'ailleurs. de voir que les femmes, à l'heure actuelle, peuvent porter indifféremment les deux. On reviendra peut-être sur l'histoire de la jupe. Sur la jupe, on va sans doute revenir sur la jupe. Mais c'est vrai que, moi comme vous, j'aime beaucoup Madeleine Pelletier, qui est quand même une femme extraordinaire, mais en même temps, elle fait un petit peu froid dans le dos. Parce que, c'est vrai, elle se barricade comme ça dans une masculinité. qui pourrait l'illégalité, au point d'ailleurs de se refuser toute sexualité. C'est quand même un problème.

  • Speaker #2

    Ça dépend pour qui, visiblement. Est-ce que ça a été un problème pour elle ? On ne sait pas.

  • Speaker #1

    Donc voilà, le cas d'Adelaine Pelletier, c'est vrai que c'est...

  • Speaker #2

    Il nous interroge depuis longtemps. Il nous interroge beaucoup. Mais le psychologue Adler appelait ça la protestation virile, en fait. Et il démontre que c'est une forme de compensation plutôt... Positives en fait pour les femmes qui souffrent d'une injustice sociale flagrante, à travers l'adoption d'une identité masculine, de rattraper un petit peu ça, de déjouer la discrimination et de vivre autrement que si elles avaient vécu en femme.

  • Speaker #0

    Est-ce que, parce que vous, donc là on parle de... de ces femmes, Maria de Rheim, Madeleine Pelletier, etc., qui incarnent en quelque sorte deux pôles du féminisme, ce que d'un côté on appelle le féminisme en décolleté, et puis ce qu'on pourrait appeler le féminisme en culotte ou en pantalon. Est-ce que cette ligne, cette différence, elle s'est perpétuée après la Deuxième Guerre mondiale ? Et est-ce qu'elle existe encore dans le féminisme contemporain ? En tous les cas, est-ce que les débats autour... du vêtement, des apparences, etc. sont encore présents aujourd'hui ?

  • Speaker #2

    Un peu moins parce qu'après mai 68, on pense qu'il est interdit d'interdire et la mode fonctionne différemment, elle devient polycentrique, le long, le court. Il y a une grande liberté quand même dans la mode féminine depuis les années 68. Et il y a un rejet de ce qui est imposé, des codes trop stricts, de tout ce qui renverrait à l'uniforme, à l'uniformité. Donc ça, c'est tout à fait l'esprit libertaire de ces années-là. Donc les femmes en ont pleinement bénéficié. Il y a eu cette petite période unisexe. Mais pour moi, ce qui me frappe à l'époque du MLF, c'est plutôt la focalisation sur les seins. ... Et le rejet du soutien-gorge, puisque si on cherche un rapport fort entre vêtements, émancipation, libération dans les années 70, c'est plutôt l'idée que les Américaines ont brûlé leur soutien-gorge. C'est ça qui a marqué l'opinion, plus que le pantalon ou la mini-jupe qui était acquis une décennie plus tôt. Et là, ça m'interroge beaucoup parce qu'on peut se demander si vraiment le vêtement n'est pas un langage politique et si les femmes n'ont pas exprimé avec ces changements vestimentaires des aspirations à la liberté. à l'égalité, qui ont été formalisées d'une manière plus idéologique dans les années 70, mais qui étaient déjà présentes avant, qui étaient déjà dans l'ère du temps, qui étaient déjà présentes à la fois sur ces deux vêtements qui sont synchrones, le pantalon féminin légitimé, porté de manière banale, enfin, dans les années 60, et la mini-jupe. Deux vêtements complètement différents et qui pourtant vont... tous les deux incarner une forme de libération des femmes, libération alors là vraiment sexuelle et corporelle.

  • Speaker #0

    Michel Perrault, vous qui avez vécu en jeune historienne et militante aussi d'une certaine façon cette période des années 70, comment est-ce que vous vous souvenez de la propre façon dont vous viviez vous-même votre rapport aux pantalons ou à la jupe ? Est-ce qu'il y avait de la politique là-dedans ? Est-ce que quand vous revêtiez un pantalon, il y avait une conscience d'un geste politique ? Parce qu'au fond, c'est de ça qu'on parle aujourd'hui, à travers ce livre.

  • Speaker #1

    Sentiment de liberté, sûrement, oui, oui. Parce que moi, je ne suis pas toute jeune, malheureusement, et j'ai vécu en robe, en jupe. Et quand j'étais jeune professeur, je ne parle même pas de mes années... d'éducation, mais quand j'étais jeune professeure à Caen, un jour je suis venue en pantalon, parce qu'il faisait froid tout simplement, et je me suis fait, gentiment, gentiment, rabrouer par le censeur, elle était protestante, donc elle était compréhensive quand même, et elle me dit, mademoiselle, je comprends bien, je comprends bien, Mais vous voyez, les lycéennes ne sont pas autorisées à porter le pantalon. Donc je vous demanderais quand même de... Et Colette... Colette Cogné.

  • Speaker #0

    Non, non, non, non, Colette, votre... Celle qui a passé le doctorat...

  • Speaker #1

    Colette Avran.

  • Speaker #0

    Oui, Colette Avran, à la télévision. Vous avez été interviewée à la télévision sur France 2. Elle, sur la télé 2, oui. Et elle a raconté aussi une anecdote tout à fait analogue. Enfin, il n'y a pas...

  • Speaker #1

    On en aurait des milliers et des milliers.

  • Speaker #0

    Et on en aurait des milliers, absolument.

  • Speaker #1

    Les femmes qui ont plus de 60 ans ont toutes connu l'interdiction du pantalon à l'école. L'interdiction du pantalon à l'école. Sauf l'hiver, avec une jupe au-dessus, généralement. Oui, c'est ça. Avec des renvois à la maison. C'était des règlements intérieurs qui imposaient ça. Il n'y avait pas non plus une conscience tellement politique derrière tout ça. Non, c'est ça. C'était une aspiration aussi à la modernité. Le pantalon était déjà dans la mode, en fait. Et là, c'était plus des jeunes filles qui aspiraient à être des filles à la mode, même à l'école, et qui ne pouvaient pas l'être. Donc, il y avait une forte tension avec... Les images de la modernité, c'était la femme active en pantalon, et puis les impossibilités des adolescentes encore très surveillées à l'école. La situation est un peu tendue à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Il y a plus un processus, je pense que Christian a tout à fait raison, un processus que 68 et les années 70 accélèrent, ne serait-ce d'ailleurs qu'en raison des manifestations aussi. En 68, les femmes... Les jeunes filles, les étudiantes, bon, participent beaucoup aux manifestations. En 68, d'ailleurs, leurs revendications sont tout à fait... On n'en parle pas du tout, mais c'est quand même commode pour manifester le pantalon. Donc, il y a ça. Mais, mais, mais, mais, dans les années 70-72, il y avait aussi une revendication, justement, à la féminité, féminité entre guillemets, des longues jupes. des tenues un peu baba cool, voilà, il y avait tout ça. Autrement dit, c'est beaucoup plus mélangé du point de vue de la mode. Il y a quelque chose de très mélangé. En effet, nous sommes des femmes, nous le voulons comme des femmes, nous ne voulons pas nécessairement nous enfermer dans un vêtement d'homme. On veut aussi les grandes jupes et tout ça, et les longs cheveux. Il y a toute une image des filles de 68 qui est comme ça aussi.

  • Speaker #1

    Et après, à partir du milieu des années 70, ça change avec une plus grande visibilité des lesbiennes dans le mouvement féministe et puis l'émergence d'un mouvement lesbien un petit peu plus tard. Et là, pendant un moment, pendant je dirais une grande décennie, il y a un uniforme militant lesbien qui passe par le pantalon, des chaussures plates, des chaussures ultra courtes, le sac à dos. Et donc on va un peu comme dans le passé, plaquer les deux images l'une sur l'autre et assimiler féminisme et lesbianisme et montrer de préférence des militantes féministes. On pourrait le faire, l'analyse des représentations des féministes dans les médias, y compris le Nouvel Obs, où on va montrer de préférence des femmes très masculines plutôt que des femmes très féminines. qui sont aussi féministes.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y a, parce que vous consacrez quelques pages, le titre du sous-chapitre, c'est « Le pantalon des femmes politiques » . Alors il y a des scènes assez amusantes. C'est formidable. Évidemment, comme cette arrivée de Michel Alliomari en 1972. Elle est conseillère d'Edgar Ford à l'époque. Elle arrive à l'Assemblée nationale et un huissier l'empêche d'entrer en lui faisant remarquer qu'elle porte un pantalon. Et elle, elle s'en se de la répartie déjà à l'époque et elle répond, si mon pantalon vous gêne, je peux l'enlever si vous voulez. Alors évidemment, Lucier est un peu déconcerté. Est-ce qu'il y a une différence entre le pantalon des femmes politiques de droite et le pantalon des femmes politiques de gauche ?

  • Speaker #1

    Comme la droite était au pouvoir dans les années 70, là où beaucoup de choses changent... Celles qui sont sous le feu des médias, c'est par exemple Alice Saunier-Seyité, qui est la première femme ministre qui ose mettre un pantalon. Et Jacques Chirac, Premier ministre, lui dit qu'elle déshonore la France et la fonction. Donc on a aussi très peu de femmes de gauche et de gauche.

  • Speaker #2

    Et Giscard d'Estaing qui ne manque pas une occasion de...

  • Speaker #1

    De contraste avec Chirac. Avec Chirac,

  • Speaker #2

    la félicite au contraire.

  • Speaker #1

    Pour son élégance. Voilà. Oui, Ça me fait penser à une anecdote sur une cliente d'Yves Saint Laurent qui est en costume pantalon et à qui l'on refuse l'entrée d'un restaurant et qui revient habillée juste avec sa tunique ultra courte et que l'on accepte en tunique ultra courte. Donc ça montre bien encore à quel point le pantalon en soi pose problème, que ce n'est pas une question de pudeur, d'impudeur. Alors les femmes... Bon. Voyons les sources. C'est vrai que les sources nous parlent plus de femmes politiques de droite qui sont peut-être plus visibles dans les années 70. Et j'ai tenté, mais Yvette Roudy ou notre première femme Premier ministre... Édith Cresson. Merci. Édith Cresson. Elle porte des pantalons, Édith Cresson. Oui, mais bon, elles ont quand même, quand elles étaient au pouvoir, joué plutôt une carte assez conventionnelle. voilà, alors bon Ce n'est pas le tailleur Chanel de Simone Veil, mais c'est quand même une féminité assez, je dirais, conventionnelle. Elles se coulent dans la fonction. Il y a déjà tellement d'obstacles pour elles qu'elles n'ont pas... semble-t-il pas envie ni le courage de briser d'autres tabous. Moi je trouve que Michèle Alliomarie, elle tient effectivement une place importante dans cette histoire, parce qu'elle devient la première femme ministre de la Défense, et qu'en tant que ministre de la Défense, elle porte le pantalon, y compris un pantalon d'uniforme, et qu'elle le porte avec une élégance très naturelle, parce que c'est une femme sportive qui a toujours porté le pantalon, et elle est bien dans la fonction. et donc là Ça se calme un peu, cette hostilité à l'égard des femmes en pantalon. Elle ne suscite pas tellement de réactions négatives. Il faut aussi remarquer, en histoire, les silences. Là, il y a quelque chose qui fonctionne assez bien. Puis il y a les jupettes aussi. Alors les jupettes, au double sens de jupettes, parce que là, on voit à quel point ces jupettes, elles étaient en position fragile au gouvernement. Elles étaient réellement toutes en jupe. Il y a une photo dans le livre que je montre, les jupettes avec Alain Juppé, elles sont encore toutes en jupe.

  • Speaker #2

    C'est pour ça qu'elles ne sont pas restées très longtemps ?

  • Speaker #1

    À mon avis, oui. Elles auraient mieux fait de pratiquer l'empowerment, qui consiste à se mettre en pantalon. Et les femmes ministres en 2007 l'ont compris, elles sont majoritaires à être en pantalon, sauf Michel Alliomarie. Se distingue pour une fois. Donc oui, non, c'est pas... Enfin la première femme députée officiellement en pantalon, c'est quand même une femme communiste. Et je... Ça semble pas un hasard. Non, c'est pas un hasard. En même temps, d'autres femmes communistes ne le font pas. Mais dans sa manière d'argumenter, je trouve qu'on retrouve les valeurs de gauche et une réflexion intéressante sur ce que ça veut dire être représentante. Pour elle, c'est un lieu de travail. Il est normal d'y aller en pantalon et pas en dimanché, pas en bourgeoisie. Le pantalon, c'est son vêtement de travail. C'est son identité. Elle refuse tout vêtement de fonction qui serait pour une femme un tailleur avec une jupe. Donc, bon, voilà.

  • Speaker #0

    Comment est-ce qu'elle s'appelait ?

  • Speaker #1

    Chantal Leblanc. Je l'ai retrouvée, je l'ai eue au téléphone. En quelques phrases, elle a parfaitement bien résumé ça. Sa démarche, l'histoire retient plutôt Michel Alliomarie, mais elle n'était pas parlementaire en 1972. Il faut aussi penser à Chantal Leblanc en 1978. Donc c'est tardif. En fait, ce qui est intéressant, c'est de voir que le monde politique, il est en retard par rapport à la société et que les codes... je vous apprends rien et ben voilà ça se confirme avec le vêtement figurez-vous c'est avec un temps de retard que certaines innovations vont être intégrées par les hommes et les femmes politiques. Mais il faut dire que ces malheureuses femmes politiques, elles sont tout le temps vues à travers ce qu'elles portent, toujours trop féminines ou trop masculines, toujours trop. Mais pour répondre à quelque chose que Michel Perrault disait tout à l'heure, moi ça m'a beaucoup interrogé la stratégie vestimentaire de Ségolène Royal en 2007, le fait qu'elle ne soit jamais en pantalon. Alors il y a un droit des femmes à ne pas porter le pantalon, c'est sûr, et qu'il faut défendre vraiment avec beaucoup de fougue à mon avis. Ceci dit, est-ce qu'il y a un droit des candidates à la présidence de la République à ne pas porter le pantalon ? Ça je suis plus nuancée. Pas parce qu'elle a perdu, encore que. Elle n'a pas perdu à cause de ça. Mais elle s'est quand même séparée de l'immense majorité des femmes qui aujourd'hui portent le pantalon. 9 femmes sur 10 dans la rue portent le pantalon. Et la jupe, enfin la féminité vestimentaire, reste quand même quelque chose d'inférieur à ce qui est masculin. C'est la valance différentielle des sexes de Françoise Héritier. Ça fonctionne complètement pour le vêtement. Et ça explique pourquoi si peu d'hommes envisagent de porter une jupe, le pantalon, il est au-dessus de la jupe dans la hiérarchie. porter une jupe c'est se faire objet sexuel, objet du regard, c'est accepter d'érotiser son corps, de montrer ses jambes, de se dévoiler, et c'est considéré comme quelque chose d'inférieur. Nous savons tous que c'est à tort que toutes ces choses sont considérées comme inférieures. Mais voilà, le code il est arbitraire, il est là, on ne peut pas encore s'en émanciper totalement. Donc jouer la carte de la féminité quand on aspire au pouvoir, c'est quand même rappeler quelque part que Il y a cette féminité, tout ce que charrie le genre féminin, toutes les associations d'idées qui vont être faites, la séduction et donc la légèreté, l'incompétence, enfin bon, tous les procès qui ont pu être faits. à Ségolène Royal. Donc d'autres femmes politiques ont cette stratégie à mon avis plus sage de chercher à faire oublier qu'elles sont des femmes à travers un vêtement au moins plus neutre sinon pourquoi pas un vêtement plus masculin. Ça m'a beaucoup amusé dans le monde l'interview de Christine Lagarde je crois que c'était jeudi dernier le titre il ne faut pas imiter les hommes il ne faut pas que les femmes imitent les hommes en matière économique etc Les femmes, quand elles accèdent à des postes de pouvoir, doivent rester femmes, avec des préoccupations de femmes. C'est un petit peu essentialisant tout ça. Et la photo est en contradiction parfaite avec le titre, puisqu'on voit Christine Lagarde avec un costume très masculin, qui jure vraiment avec son propos.

  • Speaker #2

    Alors, vous avez prononcé l'expression, et je pense que c'est important qu'on y revienne, le droit de ne pas porter... porter le pantalon, parce que c'est finalement, vous y consacrez quelques pages, mais qui sont fortes à la fin de votre livre. Si les femmes, au cours de leur histoire, même si pas toutes les femmes et pas toutes les féministes ont revendiqué le droit de porter le pantalon, aujourd'hui, il y a une sorte de retournement qui s'opère, qui est une autre revendication, qui est, et pour des raisons que vous allez nous expliquer, le droit de s'habiller en jupe et de reconquérir la liberté.

  • Speaker #1

    de s'habiller finalement comme on veut en jupe en pantalon mais notamment en jupe parce que pour certaines femmes c'est impossible oui alors qu'elle jupe la jupe a évolué aussi elle est devenue un vêtement exceptionnel une des jupes plus courtes aussi avec la mini jupe qui a fait un retour en 2002 et qui est très présente chez les jeunes les jeunes filles et puis ce qui a attiré mon attention c'est au moment de la naissance de ni pute ni soumise L'émergence d'une nouvelle revendication féministe, le droit à la féminité. Alors qu'est-ce que ça veut dire le droit à la féminité ? C'était surtout vestimentaire en fait. Ça concerne les apparences, avoir le droit de se maquiller, avoir le droit d'être séduisante selon les codes de la féminité en vigueur, ce qu'on trouve dans les journaux de mode, ce qu'on trouve dans les images qui sont présentes partout. Et donc le fait que ce soit une revendication de dipute ni soumise a attiré l'attention sur des... quartiers de relégation sociale, avec une population d'origine immigrée. Bon, d'accord, mais ça, je me demande si ça n'est pas le cliché, puisque le printemps de la jupe, qui s'est développé depuis 2006, a commencé et s'est développé dans une région où on n'a pas, ou moins, ce genre de quartier, et même dans une zone rurale, dans un lycée professionnel agricole, privé, catholique, ou une association extérieure à l'établissement. de prévention des risques est intervenu et a conduit les élèves à réfléchir au regard qu'ils portent sur les filles en jupe. Et on retrouve une culture commune, une culture commune des jeunes face à la jupe, donc cette jupe qui est bien dans certaines circonstances, mais qui en général vous étiquette comme une fille facile, une allumeuse. Pour ne pas dire le mot pute, mais après tout, c'est devenu le mot le plus employé par les jeunes depuis une dizaine d'années pour qualifier ce genre de fille. Et le film La journée de la jupe a complètement rejoint la réalité, en fait, puisque le printemps de la jupe existe. Et je souhaite qu'il se développe et qu'il permette dans beaucoup d'établissements scolaires qu'un dialogue s'établisse entre garçons et filles sur ce que veut dire le code vestimentaire. Et partant à travers le code vestimentaire, on parle de quoi ? Des relations garçons-filles, de la sexualité, de tout ça. Et c'est vraiment fondamental d'aider les jeunes à en discuter. C'est pas simple non plus pour les plus âgés, mais c'est pas simple non plus pour les jeunes. Et on pourrait avoir l'impression qu'ils sont émancipés de tout ça. Non, il y a plein de non-dits entre eux et les discussions sur la jupe le montrent bien. Donc, droit de ne pas porter le pantalon pour les jeunes filles, parce que c'est surtout une catégorie d'âge, me semble-t-il, qui est concernée. Parce qu'au lycée, déjà, on voit plus de filles en jupe. Et à l'université, encore un petit peu plus, même si ça reste minoritaire. Et puis, le droit de ne pas porter le pantalon pour les hommes. Mais ça, je l'ai déjà abordé. On ne va peut-être pas y revenir. Mais c'est vrai que l'aboutissement de ma réflexion historienne sur le pantalon a été la jupe. Le problème aujourd'hui n'est plus tellement le pantalon, c'est la jupe, c'est le vêtement ouvert, c'est pour les deux sexes d'ailleurs. Et c'est pour ça que j'ai écrit un petit livre sur la jupe. Au départ, ça devait être les deux derniers chapitres de ce livre. Et puis, on m'a dit non, ça fait hors sujet tout d'un coup de terminer un livre sur le pantalon avec deux chapitres sur la jupe. Donc, ok. J'ai publié à part un petit livre qui s'appelle « Ce que soulève la jupe » .

  • Speaker #2

    « Ce que soulève la jupe » , c'est autrement.

  • Speaker #1

    Voilà. et où j'approfondis ces questions-là avec une partie historique sur les évolutions de la jupe et toutes les controverses déjà qui portaient sur la longueur de la jupe. La jupe aux genoux dans les années 20, la mini-jupe dans les années 60, la mini-jupe des années 2000. Et puis ensuite, c'est plus un essai sur jupe égale pute, dans un contexte où on cherche à voiler les filles quand même, mais toutes les filles, et puis la jupe des garçons.

  • Speaker #2

    Michel Ferrault, sur le problème aujourd'hui n'est plus le pantalon mais la jupe ?

  • Speaker #0

    Oui, non, mais tout ce que vient de dire Christine, il n'y a pas tellement à y revenir. Le petit bouquin, ce que soulève la jupe, qui avait précédé d'ailleurs, il est paru avant, votre livre sur le pantalon était... très passionnant et le film avec Adjani est formidable, vraiment passionnant et est-ce que vous avez eu contact avec Adjani ?

  • Speaker #1

    Non j'ai utilisé pour le livre ces commentaires que j'ai entendus à la radio que j'ai lu dans les journaux et surtout le rapprochement qu'elle fait entre pantalon et burqa ou voile que j'essaie de commenter Oui. je crois qu'elle était très attachée au message du film elle l'a beaucoup souligné c'est un film engagé pour elle il y a une cause derrière tout ça qui est la liberté des femmes le vêtement est un prétexte pour contrôler les femmes contrôle sexuel, contrôle social contrôle de leur circulation dans l'espace c'est ça qui est intéressant derrière le vêtement c'est tous ces enjeux là bien sûr,

  • Speaker #0

    mais ce qui est très étonnant Dernièrement, il y a eu encore un film sur je ne sais plus quel quartier de banlieue où il a été interviewé des jeunes gens et des jeunes femmes. Et les jeunes femmes disaient, si on veut avoir la paix, il faut porter le pantalon. Autrement dit, la jupe, pour elles, et à cause naturellement de l'attitude des garçons en l'occurrence, c'est le fameux vêtement ouvert, érotique. Et on repartit. encore dans ces problèmes-là, c'est vraiment...

  • Speaker #1

    Mais on voile avec un pantalon aujourd'hui, alors qu'au début du XXe siècle, par exemple, le pantalon était accusé de dévoiler les formes, de souligner de manière précise la forme des jambes, même quand le pantalon était un petit peu large d'ailleurs. On voit à quel point c'est contingent, toutes ces appréciations morales qui sont portées sur le vêtement, c'est toujours dans des contextes précis, il faut les... les analyser et c'est toujours au cœur de controverses. Et il ne faut pas oublier de terminer peut-être sur l'ordonnance de Millefranc.

  • Speaker #0

    J'allais y venir,

  • Speaker #2

    j'allais y venir.

  • Speaker #1

    Parce que ça j'y tiens.

  • Speaker #2

    Cette ordonnance dont l'abrogation n'est toujours pas acquise et dont vous allez nous en parler, mais dont au cours de l'histoire, la question de son abrogation s'est posée, notamment dans les années 60. et euh et Et puis finalement, elle est toujours là, cette ordonnance ?

  • Speaker #1

    Oui, alors, il y a une demande d'abrogation qui est faite en 1969, un an après mai 68, un conseiller municipal de droite à Paris, parce que l'ordonnance de 1800 ne concerne que le département de la Seine, donc aujourd'hui Paris, et c'est la préfecture de police de Paris qui peut abroger cette ordonnance qu'elle a produite en 1800. Et donc, le préfet de police de l'époque, bien connu pour ses idées progressistes, c'est Maurice Grimaud. Et il répond, oh non, on ne sait jamais, il faut prévoir ces changements intempestifs de la mode, il faut mieux conserver cette ordonnance. J'avais du mal à comprendre cette réponse, puisqu'il avait cette réputation quand même plutôt pas féministe, mais bon. Et il m'a répondu gentiment une longue lettre, où il essaie de me démontrer que surtout, Il est féministe, il est bien féministe, qu'il n'a pas compris les enjeux et qu'il avoue à sa grande honte qu'il préfère les femmes en jupe. Et que certes, son appréciation personnelle n'aurait jamais dû rentrer en ligne de compte avec une question aussi importante. Mais que voilà, et que c'était tellement laid toutes ces femmes en jean. Bon, la réponse est intéressante. Donc voilà, affaire classée, ça revient en 2004 avec un député UMP de l'Indre. qui, sensibilisé par le bicentenaire de Georges Sand, a l'idée de demander l'abrogation de la loi de 1800. Voilà un député qui ne prend pas le soin de se renseigner, qui parle d'une loi, qui dit que Georges Sand a demandé l'autorisation, ce qu'elle n'a, je crois, jamais fait. Bon, donc mal renseigné, mais ça lui a permis de passer au journal de France 2 à 13h et aux grosses têtes, ce qui pour un député nouvellement élu et inconnu de tous, est une aubaine. Et ça, c'est le côté pittoresque du sujet qui, voilà, clé bien. Le gouvernement, la ministre de la Parité lui répond que l'ordonnance est tombée en désuétude et que donc il n'y a rien à faire. Et puis, à ma grande surprise, le 1er avril 2010, j'étais vraiment...

  • Speaker #0

    Une extrémiste.

  • Speaker #1

    Une extrémiste. Le livre était rendu. J'ai demandé un droit de faire un post-scriptum, page 380, pour signaler que dix députés radicaux de gauche, pour le 1er avril, ont déposé une proposition de loi, une vraie proposition de loi, demandant l'abrogation de la loi de 1799. Double faute. Et puis, je l'ai réécrit. Ils n'ont pas daigné me répondre. Pourtant, j'aurais aimé les renseigner. Et alors là, le dernier épisode, pour le moment, parce que ce n'est pas terminé, c'est il y a trois semaines, des conseillers municipaux verts et communistes de Paris ont demandé l'abrogation de l'ordonnance de police de 1799. Ok. C'est important de faire de l'histoire. Je pense que nos hommes et femmes politiques n'en ont pas assez. En même temps, je suis sûre qu'ils n'ont pas lu le livre. Ou alors, ils l'ont lu très vite. Mais ils ont dû... La médiatisation du livre, à mon avis, est à l'origine de cette demande. Et le préfet de police a répondu qu'il avait mieux à faire que de l'archéologie législative. L'important, c'était les femmes battues. C'était cette question.

  • Speaker #2

    Qui a le pouvoir de l'abroger ? Le préfet de police.

  • Speaker #1

    Alors il peut aussi dire que c'est anticonstitutionnel, puisque depuis 1946, la constitution de la République française reconnaît l'égalité des sexes, etc. Mais bon, symboliquement, c'est devenu un... Ça leur coûterait pas cher. Le livre tend à montrer quand même que c'est pas juste une question de bout de tissu.

  • Speaker #2

    Bon, je vous encourage vivement à... A lire cette histoire politique du pantalon,

  • Speaker #1

    merci beaucoup et bonne après-midi.

Chapters

  • Générique

    00:00

  • Introduction par Thomas Wieder

    00:32

  • Généralisation du pantalon durant la Révolution française et interdiction du "travestissement" pour les femmes

    03:48

  • Le port du pantalon par les femmes au XIXe siècle, entre caricature antiféministe et émancipation féminine

    07:53

  • Le pantalon des femmes dans la mode et le sport de la Belle époque à la Seconde Guerre Mondiale

    30:21

  • Le pantalon comme objet politique difficilement assignable à un camp

    43:33

  • La banalisation du port du pantalon par les femmes après 1968

    51:10

  • Le pantalon des femmes politiques : les premières fois des années 1970

    57:43

  • Le droit de ne pas porter le pantalon à l'époque contemporaine

    01:05:59

  • 2010 : l'ordonnance du préfet du Paris sur le travestissement des femmes, tombée en désuétude mais pas encore abrogée

    01:12:54

Description

Suite à la sortie de son ouvrage Une histoire politique du pantalon (Seuil, 2010), Christine Bard retraçait aux Rendez-vous de l'histoire l'usage et la symbolique du pantalon en France, de l'époque révolutionnaire, quand il s'impose en tant qu'habit masculin, à 2010, lorsque l'ordonnance émise en 1800 par le préfet de police de Paris pour interdire le "travestissement" des femmes en hommes, bien que tombée en désuétude, reste encore à être abrogée. Elle ne le sera que trois ans après cette conférence.


Modérateur :

Thomas WIEDER, journaliste au Monde


Intervenantes :

Christine BARD, professeur à l’université d’Angers

Michelle PERROT, professeur émérite à l’université de Paris VII


Conférence issue de la treizième édition des Rendez-vous de l'histoire en 2010 sur le thème "La Justice".


© Christine Bard, Michelle Perrot, Thomas Wieder, 2010.


Voix du générique : Michel Hagnerelle (2006), Michaelle Jean (2016), Michelle Perrot (2002) 


https://rdv-histoire.com/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les rangs de l'histoire sont bien Au rythme de rencontres,

  • Speaker #1

    d'échanges La grande fête annuelle de l'histoire

  • Speaker #0

    Et des passionnés de l'histoire Enseignants,

  • Speaker #1

    chercheurs Le grand lieu d'expression et de débat Lecteurs,

  • Speaker #0

    amateurs Sur tout ce qui se dit Curieux, rêveurs Sur tout ce qui s'écrit Qui aide à prendre la mesure des choses A éclairer le présent et l'avenir Dans l'espace et dans le temps

  • Speaker #1

    cet après-midi alors que le programme comme chaque année des rendez-vous de l'histoire est foisonnant, riche et enthousiasmant. Donc pour assister à ce dialogue entre Michel Perrault et Christine Barr autour du dernier livre de Christine Barr, Histoire politique du pantalon, dont on a déjà beaucoup entendu parler dans la presse et ailleurs parce qu'il a suscité, soulevé un intérêt et une curiosité. ô combien légitimes. Alors, depuis quelques années, souvent les historiens sont dans une forme de déploration, qui n'est pas forcément un manque d'enthousiasme, mais on les entend dire qu'on a renoncé à une histoire totale, qui pouvait être l'histoire défendue par l'école des annales dans les années 70. Alors évidemment, peut-être l'histoire totale a un peu disparu, mais tout est devenu objet d'histoire, et on ne compte plus aujourd'hui les histoires sur des sujets consacrés à des objets qui, jadis, n'avaient pas leur place dans l'historiographie ? On reviendra peut-être sur cette question tout à l'heure avec Michel Perrault. Et parmi ces objets, il y a le pantalon dont nous allons beaucoup parler aujourd'hui, il y a aussi les chambres, parce que, évidemment, même si l'année dernière, on aurait sans doute centré cette discussion sur votre livre, Michel Perrault, mais il y a cette histoire du pantalon, il y a aussi... la merveilleuse histoire de chambres, et pas histoire des chambres, que vous avez publiée au Seuil également l'année dernière, Michel Perrault, et qui montre que justement, les historiens aujourd'hui peuvent entrer dans des lieux qui jadis étaient délaissés par leur père, et toucher des objets également nouveaux. Alors, commençons peut-être par parler de cette histoire politique du pantalon avec vous, avec vous, Christine Barr. Vous êtes professeure d'histoire contemporaine à l'Université d'Angers. Vos premiers travaux sous la direction de Michel Perrault portaient sur l'histoire du féminisme dans l'entre-deux-guerres. Ensuite, vous vous intéressez à l'histoire de l'anti-féminisme. Vous faites partie des historiens français qui ont le plus intégré les apports de l'histoire du genre, venus notamment des États-Unis, c'est-à-dire sur la façon dont les identités de gens sont construites, pour l'objet d'une construction. Alors cette histoire... Ce n'est pas une histoire du pantalon, c'est une histoire politique du pantalon, parce que ce qui vous intéresse, justement, c'est la façon dont, autour de cet objet qu'est le pantalon, se cristallisent les tensions entre le masculin et le féminin, et en quoi la place de cet objet dans la société, dans les discours. est évidemment révélatrice des rapports entre les genres. Et c'est ça qui est tout à fait passionnant dans votre livre, qui commence autour de la Révolution française, puisque vous dites qu'en gros, c'est je crois le début du premier chapitre, que le pantalon fait son entrée dans l'histoire au moment de la Révolution française. Alors pourquoi ?

  • Speaker #2

    Eh bien, c'est l'époque de la grande renonciation masculine. J'aime beaucoup cette expression empruntée à un psychanalyste anglais qui s'appelle John Carl Flügel et qui, en 1933, avait écrit un livre sur la psychologie des vêtements. Et il remarque que dans ce moment de transition, passage d'un ancien régime aristocratique à un nouveau régime qui aspire à la démocratie et qu'on va qualifier au XIXe siècle de bourgeois, Il y a une mutation des apparences masculines, très frappante. Uniformisation, passage de la couleur au noir, au gris. Cette notion d'uniformisation renvoie aussi à l'égalité qui devient une valeur clé dans ce nouvel ordre politique. Donc les hommes vivent une révolution politique et vestimentaire, symbolique. Et les femmes ne vivent pas cette révolution. On le savait déjà, et j'intègre évidemment tous les travaux sur l'histoire des femmes, l'histoire politique des femmes, les travaux de Dominique Godineau notamment sur la Révolution française. Donc on savait bien que les femmes n'allaient pas profiter comme les hommes de la Révolution, mais ça se traduit aussi pour les femmes sur un plan vestimentaire. En quelque sorte, les femmes ne font pas leur grande renonciation au faste des apparences. Elles sont les seules à conserver le droit à la parure, dont les hommes sont privés. chose qui aujourd'hui est à interroger. Je crois que pour les hommes, on va peut-être sortir de cette grande renonciation. Les hommes vont peut-être renoncer à la renonciation et diversifier leurs vêtements, et ça aura un sens politique. Donc c'est cette dissymétrie entre les hommes et les femmes que j'avais envie d'interroger. Dans ce sens-là, c'est une histoire des femmes, mais c'est aussi une histoire des hommes, c'est aussi une histoire des genres, puisque j'interroge le sens que le pantalon a aussi pour les hommes dans la... fabrication de la masculinité, de la virilité, et avec tout le sens politique que ça a, l'activité militaire et politique.

  • Speaker #1

    Alors vous montrez que le pantalon peut apparaître pour les femmes comme une conquête. Pantalon comme symbole à un moment donné d'émancipation. Et donc, à partir du moment où le... où les femmes risquent de trop s'émanciper, le pouvoir politique intervient, et il intervient au cœur de la Révolution française, et dans ses lendemains immédiats, avec cette fameuse ordonnance de 1800, qui n'est toujours pas abrogée, mais on y reviendra.

  • Speaker #2

    D'accord. Je parle un petit peu de ça, si vous voulez. En 1793, les clubs de femmes sont fermés. Et c'est la première occurrence du mot pantalon que je retrouve dans un discours politique officiel, le discours d'Ama, qui reproche à ces femmes, qu'on va réduire au silence, de vouloir imposer le pantalon aux autres femmes et de porter elles-mêmes le pantalon, alors que c'est complètement faux. Et c'est un fil conducteur qu'on retrouve pendant longtemps, jusqu'au XXe siècle, cette peur de l'activité politique des femmes qui se traduirait aussi par une virilisation vestimentaire et par le port du pantalon. Alors quand on dit qu'une femme porte le pantalon, en fait, pendant longtemps, on la voit comme une travestie. Et l'ordonnance 2800, elle vise donc à interdire le travestissement. Donc parfois, on résume en disant qu'elle interdit le port du pantalon aux femmes. Oui, pour autant que le pantalon représente l'adoption du vêtement de l'autre sexe, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Donc l'ordonnance 2800, elle est tombée en désuétude vraiment, puisqu'aujourd'hui, on ne peut plus définir. Qu'est-ce que c'est une femme qui s'habille en homme aujourd'hui ? Est-ce qu'un pantalon, un blouson, des chaussures plates, ça suffit ? Non, on ne peut plus, ça ne fonctionne plus. La notion même de travestissement est tombée en désuétude.

  • Speaker #1

    Alors si on considère, mais évidemment c'est un sujet qui fait débat tout au long du XIXe siècle, et vous consacrez à ce débat des pages lumineuses, le pantalon est... malgré tout au XIXe siècle, le symbole d'une émancipation, puisqu'il y a cette fameuse phrase qui disait à l'époque « Qui culotte a, pouvoir a » . Donc évidemment, porter le pantalon, c'est d'une certaine façon revêtir les symboles du pouvoir. Ce que vous dites, évidemment, on le sait parce que tous les travaux, et là je pense que Michel Perrault aura des... Des choses à dire, mais tous les travaux sur l'histoire du féminisme montrent que les rapports entre les révolutionnaires, les républicains et le féminisme sont beaucoup plus complexes qu'on ne croit. Mais en tout cas, ce que vous rappelez, Christine Barre, c'est que chez les socialistes utopiques, chez les Saint-Simoniens, chez Cabey, chez Fourier, etc., il y a une extrême méfiance, souvent un silence, mais parfois une méfiance explicite. à l'égard, à l'idée que les femmes puissent porter le pantalon.

  • Speaker #2

    Oui, alors même que le pantalon est quand même, le pantalon au sens politique, le pantalon auquel on donne des vertus émancipatrices pour les femmes, est quand même issu de cette famille de... Alors que le pantalon est issu de cette famille de pensées féministes et socialistes de la première moitié du XIXe siècle, mais il est vrai que, par exemple, chez les Saint-Simoniens qui portent... réfléchissent beaucoup à la notion de femme libre la saint-simonienne n'a pas vraiment un costume spécifique contrairement au saint simonien et elle ne porte pas le pantalon donc il ne faut pas se laisser piéger par les gravures de l'époque qui montre des saints simoniennes en pantalon elles ont une fonction anti féministe elles servent à dénigrer les audaces des saints simoniens il s'agit souvent de costumes de théâtre puisque c'est souvent sur la scène des théâtres que On cherche à les tourner en ridicule et la répression passe aussi d'une manière plus subtile que par la prison, par cet antiféminisme du roman, de l'essai ou du théâtre.

  • Speaker #1

    Et même pendant la Commune de Paris en 1871, vous montrez que le pantalon n'est pas finalement adopté de façon évidente par les communardes.

  • Speaker #2

    La commune, là, c'est... plutôt une situation différente disons de pénurie, on n'a pas le temps de concevoir ni de fabriquer de nouveaux costumes donc on fait avec les stocks et dans un grand désordre donc on trouve des femmes en uniforme masculin avec des uniformes pris aux hommes et des femmes qui s'habillent en femmes on trouve un petit peu les deux mais toujours Ce qui est intéressant, c'est le discours anti-communard et anti-féministe qui va avoir tendance à représenter les communardes habillées en hommes, alors que le cas ne devait quand même pas être si fréquent. Il y a les deux aspects de la pensée féministe et surtout socialiste au XIXe siècle. Il y a aussi un élan émancipateur et ça va inspirer aussi des pantalons qui existent vraiment. Mais là, on les trouve plutôt aux États-Unis.

  • Speaker #1

    Alors, on y reviendra dans un instant. On ira aux États-Unis dans un instant. Mais restons sur ce XIXe siècle auquel vous consacrez plusieurs chapitres. Je me tourne vers Michel Perrault. donc Michel Perrault ne présente pas, mais dont il faut rappeler que vous avez été en 1973 avec Fabienne... Mais si, c'est important, c'est important quand on fait de l'histoire, il faut donner des dates quand même. Au début des années 70 avec notamment Fabienne Bock et Pauline Schmidt-Pantel à l'origine. Donc vous avez monté ce séminaire à Jussieu sur « Les femmes ont-elles une histoire ? » C'était un cours ! Un cours qui était pionnier, extrêmement novateur à l'époque. Vous avez consacré de nombreux travaux au XIXe siècle, aux femmes au XIXe siècle notamment. Quand vous lisez les pages que Christine Barr consacre justement au XIXe siècle aujourd'hui, Et en quoi est-ce que... Ça vous paraît novateur d'aborder, non pas seulement l'histoire des femmes, mais l'histoire des genres à travers cet objet du pantalon ?

  • Speaker #0

    Eh bien, c'est que le pantalon est par définition un objet mixte, justement. Je reviens au pantalon de Christine, j'aime beaucoup le livre de Christine, comme beaucoup des choses que Christine... a écrite et a faite, mais le pantalon c'est ça qui est intéressant, c'est que le rapport masculin-féminin se noue autour de ce morceau de tissu. C'est ça qui est extravagant. Et c'est extravagant pourquoi ? Et c'est peut-être là où j'aurai encore des questions justement à poser à Christine. évidemment c'est quelque chose de symbolique c'est le symbole qui est derrière ça C'est le symbole de l'égalité des sexes. Bon, mais depuis quand quand même, Christine, c'est devenu si masculin le pantalon ? J'aurais envie de vous poser cette question. Parce qu'enfin, si on regarde, je ne sais pas moi, il y a les pleureuses au XVe siècle, au tableau, au, comment dire, au duc de Berry, au tombeau du duc de Berry, on voit des hommes avec des jupes. On voit des hommes avec des jupes, on regarde dans l'antiquité, vous avez des toges, au fond une toge c'est une espèce de jupe. Comment est-ce que c'est devenu à ce point un symbole masculin ? Comment et pourquoi ?

  • Speaker #2

    Oui, la grande différence qu'on n'a pas encore présentée entre le vêtement féminin et le vêtement masculin, c'est l'ouverture, la fermeture, le vêtement féminin en Occident. est ouvert et le vêtement masculin est fermé quoique avec beaucoup d'exceptions il y a la robe la toge, la soutane donc on trouve au moyen-âge et à l'époque moderne bien sûr et jusqu'à nos jours des exceptions mais le pantalon alors qu'on n'appelle pas encore comme ça dans les siècles précédents, la révolution, on va parler de culottes longues On trouve des braies, on trouve différentes expressions. C'est le pantalon des hommes du peuple, des travailleurs, pendant la Révolution, les sans-culottes, les artisans. Donc c'est un vêtement plébéien, un vêtement de travailleur. C'est pour ça que le sens politique qu'il prend avec la Révolution et qu'il va garder est quand même intéressant. C'est aussi la valeur travail, tellement antagoniste avec les valeurs aristocratiques. qui est mise en avant avec le pantalon. Donc ce qui m'intéresse au moment de la Révolution, c'est cette généralisation, enfin progressive, c'est jusque dans les années 1820, cette généralisation du pantalon, ce passage de la culotte, qui était portée par les hommes des classes supérieures, ce passage de la culotte au pantalon, cette généralisation du pantalon pour les hommes, avec un vêtement qui charrie ces connotations de... Vêtements pratiques, vêtements de travailleurs, vêtements courants, vêtements désexualisants, désérotisants, vêtements plus libres, qui fabriquent un homme libre parce que plus loin du corps que la culotte. Les médecins des lumières se prononcent aussi sur les vertus respectives du pantalon et de la culotte. Donc c'est masculin, la culotte comme le pantalon étaient des vêtements bien masculins, mais le pantalon a quelque chose de plus viril. Et la virilité, on le sait, est souvent associée à un caractère plébéien. Bon voilà, je ne sais pas si j'ai été très claire.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #2

    Il y a un phénomène de généralisation. Et peut-être que le masculin ne suffit pas, mais qu'il faut introduire aussi la notion de virilité. Parce que sous la Révolution, c'est important de lui donner ce caractère viril au pantalon, et qui va avec des vertus politiques viriles.

  • Speaker #0

    Et parmi toutes les fonctions de la robe qu'on peut au fond comparer au pantalon, Au XIXe, peut-être pas avant, peut-être pas tant que ça avant, il y a aussi l'idée d'une féminité qui enferme, qui atteint un peu son sommet avec la crinoline. Alors là, la robe devient tellement volumineuse que le déplacement des femmes de la bonne société devient un vrai problème. Véritable problème et au fond en comparant un peu les deux, on voit l'excès de la robe, la robe excessive qui montre cette espèce de féminité qui doit absolument s'affirmer dans le costume.

  • Speaker #2

    Voilà, c'est la différence des genres, elle peut s'accroître ou se réduire selon les époques. d'une manière politique, mais aussi d'une manière vestimentaire. Et sous l'Ancien Régime, les apparences vestimentaires sont plus proches qu'elles ne le sont au XIXe siècle. Et ça correspond à un moment de renforcement de la domination masculine. Donc c'est un petit peu ça le fil conducteur du livre. C'est que le vêtement, la différence vestimentaire entre les genres, est un baromètre de l'égalité ou de l'inégalité des sexes. Et c'est flagrant au XIXe siècle.

  • Speaker #0

    Il y a une question que je voulais vous poser, vous l'avez déjà abordée, à propos des Saint-Simoniennes. Pendant longtemps, pour ma part et avec beaucoup d'autres, j'ai pensé que les Vésuviennes, ce sont des femmes en 1848 qu'on représente comme des femmes habillées en pantalon et portant les armes. C'est-à-dire les armes et le pantalon, ça va aussi ensemble, c'est très très important. Et alors, merveille, on se dit formidable. Il y a eu les Vésuviennes, et vous nous dites, les Vésuviennes, elles n'ont pas existé. Voilà. Alors, j'aimerais bien que vous nous disiez pourquoi.

  • Speaker #2

    Oui, toutes les historiennes et historiens du féminisme auraient eu envie d'y croire. Une société d'ouvrières, pendant la révolution de 1848, qui a des revendications très radicales, qu'on n'avait peut-être pas regardées d'assez près, parce que c'est complètement extravagant qu'elles portent le pantalon, qu'elles prétendent entrer dans la garde nationale. Il y a une floraison de dessins humoristiques qui attirent l'attention du public sur ces Vésuviennes qu'on représente effectivement en pantalon et en uniforme, pantalon d'uniforme. Et si on regarde de près, cette affaire, on s'aperçoit qu'il s'agit d'une mystification à but antiféministe et qui va atteindre son but d'une manière redoutablement efficace. Les clubs de femmes vont fermer. Et l'épouvantail des Vésuviennes n'y est pas étranger à cette décision de fermeture, donc rebelote, comme sous la Révolution française, on agite l'épouvantail de la femme en pantalon. Et si on regarde de près, par exemple, un texte qui s'appelle « La constitution des Vésuviennes » , on voit bien qu'on retrouve tous les poncifs du rire misogyne. Et en même temps, les questions qui hantent l'époque, parce qu'il y a des peurs sociales derrière tout ça, bien évidemment, des peurs très profondes, peur d'émancipation des femmes, alors avec des thèmes dominants qui changent selon l'époque. Et là, c'est le divorce qui revient dans l'actualité, le divorce qui a été interdit sous la restauration et que certains voudraient autoriser à nouveau. Et ça, c'est quand même un des thèmes forts, en dehors du thème proprement politique, l'exclusion des femmes de la citoyenneté. sous la Deuxième République, c'est quand même ça.

  • Speaker #0

    Juste un mot, ça fait penser l'histoire des Vésuviennes aux Amazones. Et là aussi, les Amazones, il y a eu un moment du féminisme, où notamment aux États-Unis, on voulait croire à la réalité des Amazones. Et les historiennes comme Pauline Schmitt, Pantel, nous ont dit, non, les Amazones, ce n'est pas du tout une réalité, c'est une représentation. Et c'est une représentation de la peur, au fond, que les hommes ont. de l'émancipation des femmes. Si elles s'émancipent, d'abord elles sont plus féminines, les amazones ont le sein coupé, donc ce ne sont plus vraiment des femmes. Et c'est très important, et c'est pourquoi le pantalon est si intéressant, parce qu'il est aux limites, bien sûr du masculin et du féminin, c'est notre objet, mais du réel et de l'imaginaire, du symbolique et du concret quotidien.

  • Speaker #2

    Je reviens sur les Vésuviennes. Qu'est-ce qu'on trouve comme revendication invraisemblable ? L'enrôlement des citoyennes dans les armées pour les jeunes filles âgées de 15 à 20 ans. Jamais les féministes, à l'exception de Madeleine Pelletier, n'ont réclamé le service militaire pour les femmes. Le mariage obligatoire pour les deux sexes. Les contrevenants risquant le service militaire à perpétuité. L'obligation de partager les travaux domestiques sous peine de condamnation. Mais aussi l'acquisition de la nationalité pour une étrangère qui adopterait un vieillard français.

  • Speaker #1

    Tout un programme.

  • Speaker #0

    Merveilleux.

  • Speaker #1

    Alors ce qui est aussi très... Parce qu'il faut le dire et je pense qu'il ne faut jamais hésiter à le dire et ça concerne évidemment au combien les travaux de Michel Perrault mais également les vôtres, Christine Barre. C'est aussi un livre... formidablement agréable à lire, bien écrit, c'est un vrai plaisir de lecture. Si c'est aussi un vrai plaisir de lecture, c'est parce que vous redonnez vie à un certain nombre de figures plus ou moins connues qui ont marqué cette histoire autour du pantalon. Et parmi elles, j'aimerais qu'on revienne notamment sur Amelia Bloomer. Est-ce que vous pouvez nous en parler ? Parce que... Ça nous permet d'aborder une autre question qui est celle évidemment de l'influence peut-être des modèles étrangers dans la culture du pantalon en France.

  • Speaker #2

    Oui, parce qu'effectivement la France n'est pas le berceau du pantalon. C'est aux États-Unis, dans les États-Unis du 19e siècle, que le pantalon s'est développé. En prenant un sens d'ailleurs à la fois féministe et un peu puritain, puisque c'est dans l'opposition au mode féminine parisienne qui était accusée d'être immorale que le pantalon a été inventé par Amelia Blumer. En fait c'est une invention collective, c'est plus compliqué que ça. Mais enfin, les dirigeantes du mouvement féministe américain qui s'organisent à partir de 1848 vont pendant quelques années, après 1850, porter ce pantalon qu'on appelle « Bloomer » du nom d'Amelia Bloomer. Et donc la dimension religieuse, émancipatrice, féministe, mais aussi religieuse de ce pantalon est à mettre en évidence, et c'était déjà le cas dans les communautés socialistes, mais aussi chrétiennes. des années 1820 aux États-Unis, où là d'ailleurs le pantalon avait été imposé par les dirigeants de certaines communautés aux femmes, les femmes ayant plutôt mal réagi à ce pantalon qui les infantilisait en quelque sorte, parce que les jeunes filles, les petites filles portaient des pantalons comme ça, donc mettre un pantalon aux femmes, surtout s'il a la même forme, Celui des petites filles, évidemment, c'était une manière de les priver de leur statut de femmes séduisantes, qui peuvent s'habiller de manière adulte. Donc ça m'a beaucoup fait réfléchir cette histoire des communautés socialistes et féministes des années 1820, où on impose le pantalon aux femmes pour les désexualiser, les désérotiser en quelque sorte. Parce que ça montre que le pantalon n'a pas un sens intrinsèquement émancipateur pour les femmes, que tout est affaire de contexte. et de rapports de force sociaux et politiques entre hommes et femmes. Mais en l'occurrence, là, on ne peut pas dire, quand le pantalon est imposé aux femmes, qu'il a une valeur d'égalité des sexes. Le pantalon, selon qu'il est choisi ou imposé, n'a pas le même sens.

  • Speaker #1

    Oui, d'ailleurs, évidemment, même si vous faites une histoire politique du pantalon...

  • Speaker #0

    Montrez bien aussi qu'il y a d'autres facteurs dans l'histoire qui participent de l'adoption, qui favorisent l'adoption du pantalon et des facteurs très très triviaux et notamment purement pratiques. Vous parlez du sport, le sport joue un grand rôle, vous pouvez nous en parler dans un instant. Mais vous consacrez également de belles pages à, alors on dit Jane de Dieu la foi ?

  • Speaker #1

    Jeanne

  • Speaker #0

    qui est une... Je pensais pas susciter...

  • Speaker #1

    Parce que Jeanne Dieu Lafoye...

  • Speaker #0

    C'est extraordinaire cette histoire.

  • Speaker #1

    Elle est extraordinaire. Jeanne Dieu Lafoye, elle est archéologue. Elle est mariée à un archéologue. Et tous les deux s'en vont en Perse, en Syrie, si l'on peut dire. Ils font des découvertes fondamentales dans le domaine de l'histoire assyrienne. Il y a d'ailleurs au Louvre une salle qui s'appelle la salle Dieu la foi, parce qu'ils ont découvert parmi les fameuses frises des archers, c'est eux. Et le couple était assez égalitaire d'ailleurs, et Jeanne, c'est intéressant parce que c'est un milieu d'origine catholique, c'est pas la gauche, c'est un milieu d'origine catholique. Et elle, elle veut absolument boulonner dans cette histoire d'archéologie, elle n'est pas du tout à l'aise évidemment en jupe, et elle lui dit je porte le pantalon. Elle le porte pendant ses expéditions en Perse, mais quand elle est rentrée en France, elle ne peut plus et elle ne veut plus se remettre en jupe et elle est la femme aux pantalons. Et du coup, elle suscite un intérêt extraordinaire. Les journalistes viennent la voir, il y a plein d'articles sur elle et elle a beaucoup, elle a laissé beaucoup de traces. Moi je sais que dans ma famille, des femmes... des mortes maintenant, se souvenaient très bien de Jeanne-Dieu Lafoye. On parlait, oh Jeanne-Dieu Lafoye, quelle femme tout à fait étonnante. Elle était assez remarquable parce que, en dehors même de son intérêt pour l'archéologie, elle avait voulu, et ça c'est quand même formidable, enquêter sur les femmes des pays dans lesquels elle était. Et elle disait d'ailleurs que souvent ces femmes portaient des pantalons. Une espèce de pantalon bouffant qui était tout simplement le costume qu'elles avaient. Donc Jeanne et pas Jane. Jeanne, Jeanne.

  • Speaker #2

    Très française et très patriote.

  • Speaker #0

    Pourquoi Jane ? Pourquoi d'ailleurs son prénom ?

  • Speaker #2

    Non parce que ça se faisait beaucoup à l'époque. Il y avait une anglomanie qui poussait. Jeanne, E-A-N-E, c'était trop banal. Bon, il y a la part de... Elle devient femme de lettres aussi après. Il faut se faire remarquer, c'est déjà difficile de percer, de percer quand on est une femme. Donc être en travesti, changer son prénom, ça fait partie des petits trucs qui vont attirer l'attention des médias. Alors un exemple dans l'assiette au beurre, on montre le couple Dieu la foi avec la légende indispensable, Monsieur Dieu la foi est à gauche. Voilà, donc on se moque aussi de ce couple avec un homme, un mari qu'on trouve un petit peu étrange d'accepter autant d'exemplicité de la part de sa femme. Et elle, elle a une vraie vocation militaire aussi. Elle participe à la guerre de 1870 comme front-tireur. Et en 1914, elle est à l'origine d'une pétition. pour demander l'entrée des femmes dans l'armée française et elle s'engage c'est tout à fait à la fin de sa vie en 1914 elle s'engage comme infirmière pas comme d'ailleurs la france refuse les femmes dans l'armée on a du mal à quitter jeanne dieu la foi on

  • Speaker #1

    va pas trop s'y attarder quand même mais elle elle avait les cheveux courts aussi elle bien avant bien avant 14 elle fait partie de ces garçons que vous avez étudié dans un autre livre avec les cheveux très très court, et sur Monsieur de la Foi, Monsieur Dieu Lafoye était soupçonné à la limite d'homosexualité. Étant donné qu'il tolérait que sa femme ait une allure de garçon, est-ce que ça n'était pas suspect ? Franchement, c'est difficile à un homme d'être pour l'égalité. C'est franchement pas simple.

  • Speaker #0

    Si elle portait les cheveux courts aussi, vous expliquez, Christy Clark, que c'était pour des raisons aussi pratiques et non militantes.

  • Speaker #2

    Oui, alors attention, le pratique, il a mon dos entre guillemets. C'est plus facile de dire je préfère le pantalon pour des raisons pratiques que de dire j'aime le pantalon parce qu'il symbolise l'égalité, qu'il montre que je suis une femme libre. Voilà, donc on invoque très, très souvent le pratique pour cacher d'autres mobiles.

  • Speaker #0

    Alors là, on s'amuse et on sourit, mais ce qu'il faut bien dire aussi, c'est que le pantalon continue véritablement de faire scandale, encore au XXe siècle, à diverses reprises, et ça vous le racontez également très bien. je voudrais qu'on s'attarde peut-être sur deux moments sur lesquels vous revenez dans votre livre. D'abord, le scandale des jupes-culottes en 19... 11, c'est bien ça. Là, c'est une initiative du couturier Paul Poiret qui suscite un véritable débat dans le Paris de la Belle Époque.

  • Speaker #2

    Oui, mais un Paris de la Belle Époque qui commence à être habitué à ces débats qui mêlent émancipation des femmes et réforme du costume féminin, parce qu'on l'a dit tout à l'heure, le vêtement féminin, il est fait d'entraves, et d'entraves très érotisées. Et c'est très difficile de se débarrasser finalement de ces entraves. Il faut l'opinion des médecins. Les hygiénistes sont de plus en plus influents. La mode du sport contribue beaucoup à une évolution. Et finalement, la mode est loin d'être une instance très progressiste par rapport à la différence des genres dans le vêtement. Très très loin. Et donc, il faut des couturiers assez novateurs ou des couturières pour tenter des évolutions. La jupe-culotte pourrait être le compromis idéal entre le pantalon et la jupe. Et finalement, ça ne prend pas. Et les mannequins qui défilent aux courses avec ces jupes-culottes sont hués, sifflés. C'est un échec commercial. Mais on est déjà habitué à ces débats parce que vraiment, à mon avis, le grand, grand débat marquant, c'est celui des années 1880-1890 sur la bicyclette. Les femmes peuvent-elles ou non porter une culotte cycliste ? une culotte de zouave, une culotte un peu bouffante pour pratiquer la bicyclette. Et on n'y croit pas quand on lit les journaux de l'époque. Tant d'opposition, tellement passionnelle. Là on voit que ça soulève des tas de choses qui vont beaucoup plus loin, que c'est un vêtement pratique ou pas. Ça renvoie vraiment à la notion de travestissement, d'inversion des sexes, d'angers. de l'inversion de la domination, pourquoi pas, parce que derrière l'égalité, on voit tout le temps le risque qu'il y ait un basculement et que les femmes dominent les hommes. Donc ça renvoie à des imaginaires précis, les Amazones, etc. Et on est dans des redites, ça fonctionne d'autant mieux que c'est déjà un petit peu connu qu'il y a des redites. Donc échec des jupes-culottes, scandale, en même temps ça serre la réputation de Paul Poiré quelque part. Et Paul Poiré, d'ailleurs, il faut quand même mettre des bémols à sa réputation novatrice. On dit toujours que c'est lui qui a libéré la femme du corset. Il n'était pas le seul à enlever le corset de ses modèles. C'est lui qui a inventé la jupe entravée, qui est vraiment une horreur. Parce que ça restreint au niveau des genoux la circonférence de la jupe. Et ça oblige les femmes à faire des tout petits pas, puisqu'elles sont bloquées au niveau du genou, donc ça fait des petits pas comme ça. Et c'est un début de l'entrave, vraiment, c'est d'entraver la capacité de circuler, de marcher et de courir. Et j'ai été très frappée par un passage des mémoires de Maurice Saxe, un écrivain un peu oublié de l'entre-deux-guerres, qui s'amuse, a suivi, il dit ça en toute naïveté presque, qui suit une femme qui porte une jupe entravée, et cette femme prend peur. elle imagine le pire, elle essaie de courir et elle ne peut pas. Et elle dit, qu'est-ce que je me suis amusée. Et voilà, la jupe entravée, c'est ça concrètement. Là, on a un exemple, une source fiable de l'effet de la jupe entravée.

  • Speaker #0

    Alors, avant qu'on revienne sur le deuxième moment qui montre que autour de ce pantalon peuvent se nouer des enjeux assez graves, on parlera de Violette Maurice tout à l'heure. Mais puisqu'on parlait de mode et vous parlez des couturiers qui étaient la plupart du temps assez conservateurs, il y en a un à qui vous rendez un très bel hommage et qui a joué un rôle majeur dans cette histoire, c'est Yves Saint-Laurent. Yves Saint-Laurent, parce que c'est très intéressant finalement ce que vous dites d'Yves Saint-Laurent, notamment, évidemment, vous vous rappelez l'événement qu'a été, je crois en 1966, l'arrivée du smoking pour femmes. Ça a été un véritable événement à l'époque et vous montrez bien comment Yves Saint-Laurent élabore toute une réflexion, parce qu'il s'exprime beaucoup, non pas seulement sur la conquête par les femmes de vêtements masculins, mais également sur la féminisation de certains vêtements masculins. Il y a tout un jeu assez subtil qui se joue autour d'Yves Saint-Laurent, Christine Barr.

  • Speaker #2

    Oui, mais le but n'était quand même pas de faire une histoire de la mode. Mais bien sûr, la mode intervient dans cette histoire, forcément. Mais pour beaucoup de gens, l'histoire du vêtement et l'histoire de la mode, c'est la même chose. Ça en dit long, quand même. Mais je ne cherche pas du tout à rendre un hommage. Il s'en rend, ce n'est pas ma démarche historienne.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas un hommage,

  • Speaker #2

    mais je dirais que vous le... Il y en a tant d'autres qui le font que, franchement, je ne serais pas utile tellement. Il suffit de lire... Voilà, tous ceux et celles qui ont écrit sur Yves Saint Laurent. J'ai simplement essayé de chercher des extraits de ses déclarations, de ses commentaires sur ses vêtements, où il évoque des évolutions sociales, les rapports hommes-femmes, le genre, enfin il n'emploie pas le mot. Et puis il est ambigu parce qu'il n'a quand même pas une pensée très élaborée non plus sur cette question, il sent des choses assez bien. Mais par exemple sur Georges Sand. Il fait plusieurs fois allusion à Georges Sand, parfois pour la condamner. C'est l'exemple même, à travers la caricature qu'il connaît, de la femme masculinisée et donc indigne d'intérêt pour un couturier. Et à d'autres moments, il l'idéalise un petit peu en la prenant comme un beau modèle. Donc il oscille par exemple dans sa vision de Georges Sand. Donc voilà, ce n'est pas une pensée politiquement élaborée. Et puis en plus, je relativise sur le smoking. Marlène Dietrich venait déjà à Paris dans les années 30, s'acheter des smokings. Donc l'inspiration d'Yves Saint Laurent, elle est rétro. Là où il est innovateur, c'est en tant que couturier qui accepte une inspiration rétro. Et puis tous les couturiers, les grands couturiers des années 60, proposent des pantalons. Et personnellement, moi, je suis plus intéressée par ceux qui ont une inspiration futuriste. Courrèges, Paco Rabanne, qui vont vraiment essayer d'inventer des formes, alors qu'Yves Saint Laurent, c'est plus le style. C'est plus le style. Il préfère le style à l'innovation vraiment formelle, qui peut être amusante. Il recherche l'élégance, Yves Saint Laurent, donc d'une certaine manière quelque chose d'un peu intemporel, d'un peu rétro. Tandis que Courrèges ou Paco Rabanne, avec des... des combinaisons métalliques ou des... vraiment, inventent tous azimuts et là, moi je trouve qu'on sent mieux l'esprit des années 60 chez d'autres couturiers.

  • Speaker #0

    Michel Perrault...

  • Speaker #1

    Moi j'aime beaucoup Saint-Laurent quand même ! Et je trouve que côté style,

  • Speaker #2

    pas mal !

  • Speaker #1

    Le style,

  • Speaker #2

    mais l'innovation avec des salopettes, des combinaisons intégrales avec pantalons, etc. C'est pas chez lui ! qu'il faut chercher.

  • Speaker #1

    Oui, mais il est quand même passionnant parce que non seulement il donne accès aux femmes, justement, aux pantalons et à beaucoup d'autres choses, mais vous l'avez dit, Thomas Wider, il y a aussi cette féminisation d'un autre côté pour les hommes.

  • Speaker #0

    On ne peut pas masculiniser la femme.

  • Speaker #2

    Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça. Ce qui est passionnant chez lui, c'est qu'il est homosexuel, bien sûr, et tout le monde le sait, et justement, il s'intéresse. Beaucoup au costume féminin et je trouve que ce mélange là, ces passages sont extrêmement intéressants justement pour l'histoire du genre et par ailleurs les femmes un peu féministes, peut-être pas dans leur théorie, on peut pas demander à Yves Saint Laurent d'être un théoricien du féminisme, ni un historien du féminisme, il a autre chose à faire mais je trouve que les femmes un peu libres de cette époque là aiment bien porter du Saint-Laurent et sont du côté de Saint-Laurent et vont à l'ouverture des, enfin comment est-ce qu'on dit, les collections des filets de Saint-Laurent. C'est quand même intéressant, c'est intéressant.

  • Speaker #2

    Je voulais juste apporter un bémol, parce qu'on le célèbre tellement, c'est un peu injuste pour les autres qui ont aussi fait preuve d'innovation.

  • Speaker #0

    De toute façon,

  • Speaker #1

    il se moque un petit peu de ce qu'on peut dire en ce moment. Je voulais juste dire quelque chose comme ça au passage. Benoît de Groult est une descendante de Paul Poiret. Elle est extrêmement vibrante quand on parle de Paul Poiret. Même si Paul Poiret n'a pas été non plus un parangon du féminisme, on ne peut pas demander aux gens à leur époque de penser comme nous. Ça, ce n'est pas possible.

  • Speaker #2

    Non, ce n'est pas le but, mais c'est juste que ça montre un peu les limites de l'interprétation qu'on peut avoir. On a une grille de lecture politique et qu'on veut utiliser le discours des couturiers, effectivement. Ça ne va pas très loin. Il y a une sorte de méfiance à l'égard aussi de ce qui est politique chez les couturiers.

  • Speaker #0

    Mais alors justement, cette méfiance qui touche le pantalon, si on veut essayer de comprendre, et on y reviendra tout à l'heure, la révolution qui s'opère après la Seconde Guerre mondiale et dans les années 60, etc. Pour comprendre ça, il faut rappeler quand même, et vous le faites dans votre livre, qu'encore en 1930, peuvent se passer des choses sérieuses devant des tribunaux. Et là, vous évoquez le procès qui opposa en 1930 la très grande championne Violette Maurice à la Fédération féminine sportive. Est-ce que vous pouvez nous en parler ?

  • Speaker #2

    Oui, c'est tout un chapitre parce qu'on croit en 1930 que l'ordonnance de 1800 est tombée en désuétude. Et le procès va montrer que non. Donc, Violette Maurice est une championne omnisport et notamment qui s'illustre dans des sports très masculins, la conduite automobile, elle boxe, elle fait de l'athlétisme, du football, voilà. Et elle entraîne aussi les jeunes filles de la Fédération Sportive Féminine de France. Et elle se conduit mal, entre guillemets. Elle parle comme un homme, dit-on, donc elle est grossière, c'est ça que ça veut dire. Elle fume, elle s'habille vraiment comme un homme, elle a les cheveux très courts. pas la garçonne, qui serait une coupe au carré, mais vraiment les cheveux très courts. Et dans les vestiaires, dit-on, elle a des gestes déplacés à l'égard des jeunes filles. Officiellement, elle est mariée, mais on sait qu'elle est homosexuelle. Et ça fait beaucoup pour la Fédération sportive féminine de France, qui est confrontée à toutes les attaques contre le sport féminin, accusées de viriliser les femmes, justement. Donc, Violette Maurice leur pose un vrai problème, et la Fédération décide de se séparer de cette athlète embarrassante. et Violette Maurice, elle, est sûre de son bon droit et elle porte plainte contre son employeur qui la prive en plus en lui retirant sa licence du droit de participer à des compétitions et le procès est très intéressant il a été largement commenté dans la presse au moins pendant un mois il oppose donc Violette Maurice qui défend le droit des femmes à porter la culotte ou le pantalon on emploie encore le mot culotte mais bon, c'est un petit peu... parce que c'est amusant de dire le mot culotte et le... Et les avocates de la Fédération qui sont féministes, c'est ça qui est drôlement intéressant, qui sont féministes et qui ressortent des oubliettes l'ordonnance de 1800 pour dire que non, les femmes n'ont pas le droit de s'habiller en pantalon. Et Violette Maurice perd donc son procès en 1930. Donc ça permet de resituer tous les enjeux liés au sport et puis de poser aussi la question de la désuétude d'une ordonnance. On se pose encore la question aujourd'hui, mais on y reviendra peut-être tout à l'heure. le sort de cette ordonnance de 1800.

  • Speaker #0

    Oui, alors ce qu'il faut bien dire aussi, c'est que Violette Maurice n'est pas du tout une féministe.

  • Speaker #1

    Ah non,

  • Speaker #2

    pas du tout. Ah oui, alors on aurait effectivement tort d'associer systématiquement...

  • Speaker #0

    Elle est même proche de l'extrême droite, elle...

  • Speaker #2

    Elle devient nazie.

  • Speaker #0

    Elle devient nazie, oui,

  • Speaker #2

    oui. Elle est très active dans la collaboration, et elle est abattue par la résistance en 1944. Donc parmi les grandes figures de femmes habillées en hommes, on va trouver des Madeleine Pelletier qui sont antifascistes, révolutionnaires, féministes, on ne peut plus radicales, et des Violette Maurice, effectivement.

  • Speaker #0

    Oui, parce que c'est ça au fond qui est aussi très intéressant, c'est que le pantalon est un objet politique, mais difficilement assignable à un camp, assurément. et c'est pas parce que Il aura été pendant des décennies l'emblème de l'émancipation qu'il faut ancrer le pantalon à gauche, forcément. Et de la même façon, ce n'est pas pour cela qu'il faut faire de l'adoption du pantalon et du droit de porter le pantalon la revendication de tous les féministes, puisqu'il y a un vrai débat chez les féministes, et ça, vous le montrez bien. Vous montrez bien qu'entre une Madeleine Pelletier, à qui vous avez d'ailleurs consacré tout un ouvrage, entre une Madeleine Pelletier qui a cette phrase qui dit « il faut être des hommes socialement » et qui donc porte de façon ostensible le pantalon, et par exemple une féministe peut-être moins connue mais tout aussi importante, Maria de Rheim, grande figure du féminisme républicain, et qui elle s'oppose, en tous les cas est très... voit d'un mauvais oeil justement le port par les femmes du pantalon, il y a tout un éventail d'idées.

  • Speaker #2

    Oui, d'ailleurs je n'ai pas encore eu l'occasion de le dire, mais je suis historienne du féminisme, depuis ma thèse, mais je le suis toujours. C'est parce que je suis historienne du féminisme que j'ai écrit cette histoire du pantalon. Et vous disiez, c'est un objet historique novateur, le pantalon. Oui et non. Parce que quand on fait de l'histoire du féminisme, on voit à quel point le pantalon a quand même préoccupé les penseuses féministes du 19e et du début du 20e siècle. Madeleine Pelletier a attiré notre attention sur le pantalon. Elle est si peu connue aujourd'hui. ... Simone de Beauvoir, qui note que ce n'est pas naturel de s'habiller en femme. Je commence le livre avec cette citation, jusqu'à Colette Guillaumin, une théoricienne du féminisme radical, importante dans les années 70-80. Donc là, il y a effectivement toute une tendance égalitariste, universaliste. Et puis des féministes qui sont peut-être plus différentialistes, encore que, qui sont pour l'égalité des droits, mais qui trouvent que, dans le domaine des apparences, La différence est quelque chose d'intéressant, qu'il faut défendre. Maria de Rheim dit qu'elle est très attachée aux couleurs, aux tissus portés par les femmes, et que les hommes sont si tristes habillés tous de la même manière en noir, pourquoi vouloir les imiter ? Donc là, elle se refuse finalement à aller du côté d'une interprétation symbolique et politique du vêtement masculin. Et elle en reste à un jugement esthétique où elle trouve que les femmes ont un privilège esthétique et qu'il faut qu'elles le gardent. Elle ne va pas jusque là, mais aujourd'hui on pourrait reprendre ce raisonnement de Maria de Rheim et dire oui c'est vrai, il y a une supériorité esthétique féminine dans le domaine du vêtement et des apparences, disons depuis deux siècles, mais ça n'empêche pas de penser l'égalité. Et l'égalité ça serait de défendre le droit des hommes aujourd'hui à la parure, le droit des hommes à la jupe. Donc, Madeleine, Maria de Rheim n'a pas nécessairement tort quand elle dit « Ah bah oui, mais comment on pourrait renoncer esthétiquement à tout ce qui fait la beauté, la séduction de la féminité ? » Essayons de réconcilier Maria de Rheim et Madeleine Pelletier. C'est la jupe pour homme, c'est la jupe pour homme qui les réconcilie. Et quand j'ai trouvé ça, je vous assure que j'étais vraiment une faveureuse. ça m'a tellement hanté Madeleine Pelletier et sa théorie de la virilisation des femmes, j'avais envie d'adhérer politiquement, je trouvais ça très logique voilà, la pensée de Madeleine Pelletier très logique, et en même temps en moi parce qu'on fait de l'histoire aussi avec ses tripes avec sa sensibilité son propre rapport aux vêtements bien sûr il y avait quelque chose qui résistait en moi à Madeleine Pelletier pourquoi pas des vêtements plus androgynes que ceux que nous portons oui bien sûr, j'aime bien Non. Je suis très éclectique dans mes goûts, mais oui, Maria de Rheim, je trouvais qu'elle avait un petit peu raison aussi. Donc partageons le droit à la parure pour créer plus d'égalité entre les... Oui,

  • Speaker #1

    finalement, le risque, c'est toujours de créer de nouvelles normes. À partir du moment où les choses deviennent normes, il faut se méfier beaucoup. et par conséquent les libertés Vous parliez du droit aux hommes portés le pantalon. La question c'est de savoir s'ils en ont envie. Je ne sais pas, c'est une vraie question. J'ai posé cette question à des hommes. Certains m'ont dit, bien sûr, pourquoi pas, c'est agréable, confortable. Si, ça ne se fait pas encore beaucoup. Nous avons plus qu'ils les deux. C'est intéressant d'ailleurs. de voir que les femmes, à l'heure actuelle, peuvent porter indifféremment les deux. On reviendra peut-être sur l'histoire de la jupe. Sur la jupe, on va sans doute revenir sur la jupe. Mais c'est vrai que, moi comme vous, j'aime beaucoup Madeleine Pelletier, qui est quand même une femme extraordinaire, mais en même temps, elle fait un petit peu froid dans le dos. Parce que, c'est vrai, elle se barricade comme ça dans une masculinité. qui pourrait l'illégalité, au point d'ailleurs de se refuser toute sexualité. C'est quand même un problème.

  • Speaker #2

    Ça dépend pour qui, visiblement. Est-ce que ça a été un problème pour elle ? On ne sait pas.

  • Speaker #1

    Donc voilà, le cas d'Adelaine Pelletier, c'est vrai que c'est...

  • Speaker #2

    Il nous interroge depuis longtemps. Il nous interroge beaucoup. Mais le psychologue Adler appelait ça la protestation virile, en fait. Et il démontre que c'est une forme de compensation plutôt... Positives en fait pour les femmes qui souffrent d'une injustice sociale flagrante, à travers l'adoption d'une identité masculine, de rattraper un petit peu ça, de déjouer la discrimination et de vivre autrement que si elles avaient vécu en femme.

  • Speaker #0

    Est-ce que, parce que vous, donc là on parle de... de ces femmes, Maria de Rheim, Madeleine Pelletier, etc., qui incarnent en quelque sorte deux pôles du féminisme, ce que d'un côté on appelle le féminisme en décolleté, et puis ce qu'on pourrait appeler le féminisme en culotte ou en pantalon. Est-ce que cette ligne, cette différence, elle s'est perpétuée après la Deuxième Guerre mondiale ? Et est-ce qu'elle existe encore dans le féminisme contemporain ? En tous les cas, est-ce que les débats autour... du vêtement, des apparences, etc. sont encore présents aujourd'hui ?

  • Speaker #2

    Un peu moins parce qu'après mai 68, on pense qu'il est interdit d'interdire et la mode fonctionne différemment, elle devient polycentrique, le long, le court. Il y a une grande liberté quand même dans la mode féminine depuis les années 68. Et il y a un rejet de ce qui est imposé, des codes trop stricts, de tout ce qui renverrait à l'uniforme, à l'uniformité. Donc ça, c'est tout à fait l'esprit libertaire de ces années-là. Donc les femmes en ont pleinement bénéficié. Il y a eu cette petite période unisexe. Mais pour moi, ce qui me frappe à l'époque du MLF, c'est plutôt la focalisation sur les seins. ... Et le rejet du soutien-gorge, puisque si on cherche un rapport fort entre vêtements, émancipation, libération dans les années 70, c'est plutôt l'idée que les Américaines ont brûlé leur soutien-gorge. C'est ça qui a marqué l'opinion, plus que le pantalon ou la mini-jupe qui était acquis une décennie plus tôt. Et là, ça m'interroge beaucoup parce qu'on peut se demander si vraiment le vêtement n'est pas un langage politique et si les femmes n'ont pas exprimé avec ces changements vestimentaires des aspirations à la liberté. à l'égalité, qui ont été formalisées d'une manière plus idéologique dans les années 70, mais qui étaient déjà présentes avant, qui étaient déjà dans l'ère du temps, qui étaient déjà présentes à la fois sur ces deux vêtements qui sont synchrones, le pantalon féminin légitimé, porté de manière banale, enfin, dans les années 60, et la mini-jupe. Deux vêtements complètement différents et qui pourtant vont... tous les deux incarner une forme de libération des femmes, libération alors là vraiment sexuelle et corporelle.

  • Speaker #0

    Michel Perrault, vous qui avez vécu en jeune historienne et militante aussi d'une certaine façon cette période des années 70, comment est-ce que vous vous souvenez de la propre façon dont vous viviez vous-même votre rapport aux pantalons ou à la jupe ? Est-ce qu'il y avait de la politique là-dedans ? Est-ce que quand vous revêtiez un pantalon, il y avait une conscience d'un geste politique ? Parce qu'au fond, c'est de ça qu'on parle aujourd'hui, à travers ce livre.

  • Speaker #1

    Sentiment de liberté, sûrement, oui, oui. Parce que moi, je ne suis pas toute jeune, malheureusement, et j'ai vécu en robe, en jupe. Et quand j'étais jeune professeur, je ne parle même pas de mes années... d'éducation, mais quand j'étais jeune professeure à Caen, un jour je suis venue en pantalon, parce qu'il faisait froid tout simplement, et je me suis fait, gentiment, gentiment, rabrouer par le censeur, elle était protestante, donc elle était compréhensive quand même, et elle me dit, mademoiselle, je comprends bien, je comprends bien, Mais vous voyez, les lycéennes ne sont pas autorisées à porter le pantalon. Donc je vous demanderais quand même de... Et Colette... Colette Cogné.

  • Speaker #0

    Non, non, non, non, Colette, votre... Celle qui a passé le doctorat...

  • Speaker #1

    Colette Avran.

  • Speaker #0

    Oui, Colette Avran, à la télévision. Vous avez été interviewée à la télévision sur France 2. Elle, sur la télé 2, oui. Et elle a raconté aussi une anecdote tout à fait analogue. Enfin, il n'y a pas...

  • Speaker #1

    On en aurait des milliers et des milliers.

  • Speaker #0

    Et on en aurait des milliers, absolument.

  • Speaker #1

    Les femmes qui ont plus de 60 ans ont toutes connu l'interdiction du pantalon à l'école. L'interdiction du pantalon à l'école. Sauf l'hiver, avec une jupe au-dessus, généralement. Oui, c'est ça. Avec des renvois à la maison. C'était des règlements intérieurs qui imposaient ça. Il n'y avait pas non plus une conscience tellement politique derrière tout ça. Non, c'est ça. C'était une aspiration aussi à la modernité. Le pantalon était déjà dans la mode, en fait. Et là, c'était plus des jeunes filles qui aspiraient à être des filles à la mode, même à l'école, et qui ne pouvaient pas l'être. Donc, il y avait une forte tension avec... Les images de la modernité, c'était la femme active en pantalon, et puis les impossibilités des adolescentes encore très surveillées à l'école. La situation est un peu tendue à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Il y a plus un processus, je pense que Christian a tout à fait raison, un processus que 68 et les années 70 accélèrent, ne serait-ce d'ailleurs qu'en raison des manifestations aussi. En 68, les femmes... Les jeunes filles, les étudiantes, bon, participent beaucoup aux manifestations. En 68, d'ailleurs, leurs revendications sont tout à fait... On n'en parle pas du tout, mais c'est quand même commode pour manifester le pantalon. Donc, il y a ça. Mais, mais, mais, mais, dans les années 70-72, il y avait aussi une revendication, justement, à la féminité, féminité entre guillemets, des longues jupes. des tenues un peu baba cool, voilà, il y avait tout ça. Autrement dit, c'est beaucoup plus mélangé du point de vue de la mode. Il y a quelque chose de très mélangé. En effet, nous sommes des femmes, nous le voulons comme des femmes, nous ne voulons pas nécessairement nous enfermer dans un vêtement d'homme. On veut aussi les grandes jupes et tout ça, et les longs cheveux. Il y a toute une image des filles de 68 qui est comme ça aussi.

  • Speaker #1

    Et après, à partir du milieu des années 70, ça change avec une plus grande visibilité des lesbiennes dans le mouvement féministe et puis l'émergence d'un mouvement lesbien un petit peu plus tard. Et là, pendant un moment, pendant je dirais une grande décennie, il y a un uniforme militant lesbien qui passe par le pantalon, des chaussures plates, des chaussures ultra courtes, le sac à dos. Et donc on va un peu comme dans le passé, plaquer les deux images l'une sur l'autre et assimiler féminisme et lesbianisme et montrer de préférence des militantes féministes. On pourrait le faire, l'analyse des représentations des féministes dans les médias, y compris le Nouvel Obs, où on va montrer de préférence des femmes très masculines plutôt que des femmes très féminines. qui sont aussi féministes.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y a, parce que vous consacrez quelques pages, le titre du sous-chapitre, c'est « Le pantalon des femmes politiques » . Alors il y a des scènes assez amusantes. C'est formidable. Évidemment, comme cette arrivée de Michel Alliomari en 1972. Elle est conseillère d'Edgar Ford à l'époque. Elle arrive à l'Assemblée nationale et un huissier l'empêche d'entrer en lui faisant remarquer qu'elle porte un pantalon. Et elle, elle s'en se de la répartie déjà à l'époque et elle répond, si mon pantalon vous gêne, je peux l'enlever si vous voulez. Alors évidemment, Lucier est un peu déconcerté. Est-ce qu'il y a une différence entre le pantalon des femmes politiques de droite et le pantalon des femmes politiques de gauche ?

  • Speaker #1

    Comme la droite était au pouvoir dans les années 70, là où beaucoup de choses changent... Celles qui sont sous le feu des médias, c'est par exemple Alice Saunier-Seyité, qui est la première femme ministre qui ose mettre un pantalon. Et Jacques Chirac, Premier ministre, lui dit qu'elle déshonore la France et la fonction. Donc on a aussi très peu de femmes de gauche et de gauche.

  • Speaker #2

    Et Giscard d'Estaing qui ne manque pas une occasion de...

  • Speaker #1

    De contraste avec Chirac. Avec Chirac,

  • Speaker #2

    la félicite au contraire.

  • Speaker #1

    Pour son élégance. Voilà. Oui, Ça me fait penser à une anecdote sur une cliente d'Yves Saint Laurent qui est en costume pantalon et à qui l'on refuse l'entrée d'un restaurant et qui revient habillée juste avec sa tunique ultra courte et que l'on accepte en tunique ultra courte. Donc ça montre bien encore à quel point le pantalon en soi pose problème, que ce n'est pas une question de pudeur, d'impudeur. Alors les femmes... Bon. Voyons les sources. C'est vrai que les sources nous parlent plus de femmes politiques de droite qui sont peut-être plus visibles dans les années 70. Et j'ai tenté, mais Yvette Roudy ou notre première femme Premier ministre... Édith Cresson. Merci. Édith Cresson. Elle porte des pantalons, Édith Cresson. Oui, mais bon, elles ont quand même, quand elles étaient au pouvoir, joué plutôt une carte assez conventionnelle. voilà, alors bon Ce n'est pas le tailleur Chanel de Simone Veil, mais c'est quand même une féminité assez, je dirais, conventionnelle. Elles se coulent dans la fonction. Il y a déjà tellement d'obstacles pour elles qu'elles n'ont pas... semble-t-il pas envie ni le courage de briser d'autres tabous. Moi je trouve que Michèle Alliomarie, elle tient effectivement une place importante dans cette histoire, parce qu'elle devient la première femme ministre de la Défense, et qu'en tant que ministre de la Défense, elle porte le pantalon, y compris un pantalon d'uniforme, et qu'elle le porte avec une élégance très naturelle, parce que c'est une femme sportive qui a toujours porté le pantalon, et elle est bien dans la fonction. et donc là Ça se calme un peu, cette hostilité à l'égard des femmes en pantalon. Elle ne suscite pas tellement de réactions négatives. Il faut aussi remarquer, en histoire, les silences. Là, il y a quelque chose qui fonctionne assez bien. Puis il y a les jupettes aussi. Alors les jupettes, au double sens de jupettes, parce que là, on voit à quel point ces jupettes, elles étaient en position fragile au gouvernement. Elles étaient réellement toutes en jupe. Il y a une photo dans le livre que je montre, les jupettes avec Alain Juppé, elles sont encore toutes en jupe.

  • Speaker #2

    C'est pour ça qu'elles ne sont pas restées très longtemps ?

  • Speaker #1

    À mon avis, oui. Elles auraient mieux fait de pratiquer l'empowerment, qui consiste à se mettre en pantalon. Et les femmes ministres en 2007 l'ont compris, elles sont majoritaires à être en pantalon, sauf Michel Alliomarie. Se distingue pour une fois. Donc oui, non, c'est pas... Enfin la première femme députée officiellement en pantalon, c'est quand même une femme communiste. Et je... Ça semble pas un hasard. Non, c'est pas un hasard. En même temps, d'autres femmes communistes ne le font pas. Mais dans sa manière d'argumenter, je trouve qu'on retrouve les valeurs de gauche et une réflexion intéressante sur ce que ça veut dire être représentante. Pour elle, c'est un lieu de travail. Il est normal d'y aller en pantalon et pas en dimanché, pas en bourgeoisie. Le pantalon, c'est son vêtement de travail. C'est son identité. Elle refuse tout vêtement de fonction qui serait pour une femme un tailleur avec une jupe. Donc, bon, voilà.

  • Speaker #0

    Comment est-ce qu'elle s'appelait ?

  • Speaker #1

    Chantal Leblanc. Je l'ai retrouvée, je l'ai eue au téléphone. En quelques phrases, elle a parfaitement bien résumé ça. Sa démarche, l'histoire retient plutôt Michel Alliomarie, mais elle n'était pas parlementaire en 1972. Il faut aussi penser à Chantal Leblanc en 1978. Donc c'est tardif. En fait, ce qui est intéressant, c'est de voir que le monde politique, il est en retard par rapport à la société et que les codes... je vous apprends rien et ben voilà ça se confirme avec le vêtement figurez-vous c'est avec un temps de retard que certaines innovations vont être intégrées par les hommes et les femmes politiques. Mais il faut dire que ces malheureuses femmes politiques, elles sont tout le temps vues à travers ce qu'elles portent, toujours trop féminines ou trop masculines, toujours trop. Mais pour répondre à quelque chose que Michel Perrault disait tout à l'heure, moi ça m'a beaucoup interrogé la stratégie vestimentaire de Ségolène Royal en 2007, le fait qu'elle ne soit jamais en pantalon. Alors il y a un droit des femmes à ne pas porter le pantalon, c'est sûr, et qu'il faut défendre vraiment avec beaucoup de fougue à mon avis. Ceci dit, est-ce qu'il y a un droit des candidates à la présidence de la République à ne pas porter le pantalon ? Ça je suis plus nuancée. Pas parce qu'elle a perdu, encore que. Elle n'a pas perdu à cause de ça. Mais elle s'est quand même séparée de l'immense majorité des femmes qui aujourd'hui portent le pantalon. 9 femmes sur 10 dans la rue portent le pantalon. Et la jupe, enfin la féminité vestimentaire, reste quand même quelque chose d'inférieur à ce qui est masculin. C'est la valance différentielle des sexes de Françoise Héritier. Ça fonctionne complètement pour le vêtement. Et ça explique pourquoi si peu d'hommes envisagent de porter une jupe, le pantalon, il est au-dessus de la jupe dans la hiérarchie. porter une jupe c'est se faire objet sexuel, objet du regard, c'est accepter d'érotiser son corps, de montrer ses jambes, de se dévoiler, et c'est considéré comme quelque chose d'inférieur. Nous savons tous que c'est à tort que toutes ces choses sont considérées comme inférieures. Mais voilà, le code il est arbitraire, il est là, on ne peut pas encore s'en émanciper totalement. Donc jouer la carte de la féminité quand on aspire au pouvoir, c'est quand même rappeler quelque part que Il y a cette féminité, tout ce que charrie le genre féminin, toutes les associations d'idées qui vont être faites, la séduction et donc la légèreté, l'incompétence, enfin bon, tous les procès qui ont pu être faits. à Ségolène Royal. Donc d'autres femmes politiques ont cette stratégie à mon avis plus sage de chercher à faire oublier qu'elles sont des femmes à travers un vêtement au moins plus neutre sinon pourquoi pas un vêtement plus masculin. Ça m'a beaucoup amusé dans le monde l'interview de Christine Lagarde je crois que c'était jeudi dernier le titre il ne faut pas imiter les hommes il ne faut pas que les femmes imitent les hommes en matière économique etc Les femmes, quand elles accèdent à des postes de pouvoir, doivent rester femmes, avec des préoccupations de femmes. C'est un petit peu essentialisant tout ça. Et la photo est en contradiction parfaite avec le titre, puisqu'on voit Christine Lagarde avec un costume très masculin, qui jure vraiment avec son propos.

  • Speaker #2

    Alors, vous avez prononcé l'expression, et je pense que c'est important qu'on y revienne, le droit de ne pas porter... porter le pantalon, parce que c'est finalement, vous y consacrez quelques pages, mais qui sont fortes à la fin de votre livre. Si les femmes, au cours de leur histoire, même si pas toutes les femmes et pas toutes les féministes ont revendiqué le droit de porter le pantalon, aujourd'hui, il y a une sorte de retournement qui s'opère, qui est une autre revendication, qui est, et pour des raisons que vous allez nous expliquer, le droit de s'habiller en jupe et de reconquérir la liberté.

  • Speaker #1

    de s'habiller finalement comme on veut en jupe en pantalon mais notamment en jupe parce que pour certaines femmes c'est impossible oui alors qu'elle jupe la jupe a évolué aussi elle est devenue un vêtement exceptionnel une des jupes plus courtes aussi avec la mini jupe qui a fait un retour en 2002 et qui est très présente chez les jeunes les jeunes filles et puis ce qui a attiré mon attention c'est au moment de la naissance de ni pute ni soumise L'émergence d'une nouvelle revendication féministe, le droit à la féminité. Alors qu'est-ce que ça veut dire le droit à la féminité ? C'était surtout vestimentaire en fait. Ça concerne les apparences, avoir le droit de se maquiller, avoir le droit d'être séduisante selon les codes de la féminité en vigueur, ce qu'on trouve dans les journaux de mode, ce qu'on trouve dans les images qui sont présentes partout. Et donc le fait que ce soit une revendication de dipute ni soumise a attiré l'attention sur des... quartiers de relégation sociale, avec une population d'origine immigrée. Bon, d'accord, mais ça, je me demande si ça n'est pas le cliché, puisque le printemps de la jupe, qui s'est développé depuis 2006, a commencé et s'est développé dans une région où on n'a pas, ou moins, ce genre de quartier, et même dans une zone rurale, dans un lycée professionnel agricole, privé, catholique, ou une association extérieure à l'établissement. de prévention des risques est intervenu et a conduit les élèves à réfléchir au regard qu'ils portent sur les filles en jupe. Et on retrouve une culture commune, une culture commune des jeunes face à la jupe, donc cette jupe qui est bien dans certaines circonstances, mais qui en général vous étiquette comme une fille facile, une allumeuse. Pour ne pas dire le mot pute, mais après tout, c'est devenu le mot le plus employé par les jeunes depuis une dizaine d'années pour qualifier ce genre de fille. Et le film La journée de la jupe a complètement rejoint la réalité, en fait, puisque le printemps de la jupe existe. Et je souhaite qu'il se développe et qu'il permette dans beaucoup d'établissements scolaires qu'un dialogue s'établisse entre garçons et filles sur ce que veut dire le code vestimentaire. Et partant à travers le code vestimentaire, on parle de quoi ? Des relations garçons-filles, de la sexualité, de tout ça. Et c'est vraiment fondamental d'aider les jeunes à en discuter. C'est pas simple non plus pour les plus âgés, mais c'est pas simple non plus pour les jeunes. Et on pourrait avoir l'impression qu'ils sont émancipés de tout ça. Non, il y a plein de non-dits entre eux et les discussions sur la jupe le montrent bien. Donc, droit de ne pas porter le pantalon pour les jeunes filles, parce que c'est surtout une catégorie d'âge, me semble-t-il, qui est concernée. Parce qu'au lycée, déjà, on voit plus de filles en jupe. Et à l'université, encore un petit peu plus, même si ça reste minoritaire. Et puis, le droit de ne pas porter le pantalon pour les hommes. Mais ça, je l'ai déjà abordé. On ne va peut-être pas y revenir. Mais c'est vrai que l'aboutissement de ma réflexion historienne sur le pantalon a été la jupe. Le problème aujourd'hui n'est plus tellement le pantalon, c'est la jupe, c'est le vêtement ouvert, c'est pour les deux sexes d'ailleurs. Et c'est pour ça que j'ai écrit un petit livre sur la jupe. Au départ, ça devait être les deux derniers chapitres de ce livre. Et puis, on m'a dit non, ça fait hors sujet tout d'un coup de terminer un livre sur le pantalon avec deux chapitres sur la jupe. Donc, ok. J'ai publié à part un petit livre qui s'appelle « Ce que soulève la jupe » .

  • Speaker #2

    « Ce que soulève la jupe » , c'est autrement.

  • Speaker #1

    Voilà. et où j'approfondis ces questions-là avec une partie historique sur les évolutions de la jupe et toutes les controverses déjà qui portaient sur la longueur de la jupe. La jupe aux genoux dans les années 20, la mini-jupe dans les années 60, la mini-jupe des années 2000. Et puis ensuite, c'est plus un essai sur jupe égale pute, dans un contexte où on cherche à voiler les filles quand même, mais toutes les filles, et puis la jupe des garçons.

  • Speaker #2

    Michel Ferrault, sur le problème aujourd'hui n'est plus le pantalon mais la jupe ?

  • Speaker #0

    Oui, non, mais tout ce que vient de dire Christine, il n'y a pas tellement à y revenir. Le petit bouquin, ce que soulève la jupe, qui avait précédé d'ailleurs, il est paru avant, votre livre sur le pantalon était... très passionnant et le film avec Adjani est formidable, vraiment passionnant et est-ce que vous avez eu contact avec Adjani ?

  • Speaker #1

    Non j'ai utilisé pour le livre ces commentaires que j'ai entendus à la radio que j'ai lu dans les journaux et surtout le rapprochement qu'elle fait entre pantalon et burqa ou voile que j'essaie de commenter Oui. je crois qu'elle était très attachée au message du film elle l'a beaucoup souligné c'est un film engagé pour elle il y a une cause derrière tout ça qui est la liberté des femmes le vêtement est un prétexte pour contrôler les femmes contrôle sexuel, contrôle social contrôle de leur circulation dans l'espace c'est ça qui est intéressant derrière le vêtement c'est tous ces enjeux là bien sûr,

  • Speaker #0

    mais ce qui est très étonnant Dernièrement, il y a eu encore un film sur je ne sais plus quel quartier de banlieue où il a été interviewé des jeunes gens et des jeunes femmes. Et les jeunes femmes disaient, si on veut avoir la paix, il faut porter le pantalon. Autrement dit, la jupe, pour elles, et à cause naturellement de l'attitude des garçons en l'occurrence, c'est le fameux vêtement ouvert, érotique. Et on repartit. encore dans ces problèmes-là, c'est vraiment...

  • Speaker #1

    Mais on voile avec un pantalon aujourd'hui, alors qu'au début du XXe siècle, par exemple, le pantalon était accusé de dévoiler les formes, de souligner de manière précise la forme des jambes, même quand le pantalon était un petit peu large d'ailleurs. On voit à quel point c'est contingent, toutes ces appréciations morales qui sont portées sur le vêtement, c'est toujours dans des contextes précis, il faut les... les analyser et c'est toujours au cœur de controverses. Et il ne faut pas oublier de terminer peut-être sur l'ordonnance de Millefranc.

  • Speaker #0

    J'allais y venir,

  • Speaker #2

    j'allais y venir.

  • Speaker #1

    Parce que ça j'y tiens.

  • Speaker #2

    Cette ordonnance dont l'abrogation n'est toujours pas acquise et dont vous allez nous en parler, mais dont au cours de l'histoire, la question de son abrogation s'est posée, notamment dans les années 60. et euh et Et puis finalement, elle est toujours là, cette ordonnance ?

  • Speaker #1

    Oui, alors, il y a une demande d'abrogation qui est faite en 1969, un an après mai 68, un conseiller municipal de droite à Paris, parce que l'ordonnance de 1800 ne concerne que le département de la Seine, donc aujourd'hui Paris, et c'est la préfecture de police de Paris qui peut abroger cette ordonnance qu'elle a produite en 1800. Et donc, le préfet de police de l'époque, bien connu pour ses idées progressistes, c'est Maurice Grimaud. Et il répond, oh non, on ne sait jamais, il faut prévoir ces changements intempestifs de la mode, il faut mieux conserver cette ordonnance. J'avais du mal à comprendre cette réponse, puisqu'il avait cette réputation quand même plutôt pas féministe, mais bon. Et il m'a répondu gentiment une longue lettre, où il essaie de me démontrer que surtout, Il est féministe, il est bien féministe, qu'il n'a pas compris les enjeux et qu'il avoue à sa grande honte qu'il préfère les femmes en jupe. Et que certes, son appréciation personnelle n'aurait jamais dû rentrer en ligne de compte avec une question aussi importante. Mais que voilà, et que c'était tellement laid toutes ces femmes en jean. Bon, la réponse est intéressante. Donc voilà, affaire classée, ça revient en 2004 avec un député UMP de l'Indre. qui, sensibilisé par le bicentenaire de Georges Sand, a l'idée de demander l'abrogation de la loi de 1800. Voilà un député qui ne prend pas le soin de se renseigner, qui parle d'une loi, qui dit que Georges Sand a demandé l'autorisation, ce qu'elle n'a, je crois, jamais fait. Bon, donc mal renseigné, mais ça lui a permis de passer au journal de France 2 à 13h et aux grosses têtes, ce qui pour un député nouvellement élu et inconnu de tous, est une aubaine. Et ça, c'est le côté pittoresque du sujet qui, voilà, clé bien. Le gouvernement, la ministre de la Parité lui répond que l'ordonnance est tombée en désuétude et que donc il n'y a rien à faire. Et puis, à ma grande surprise, le 1er avril 2010, j'étais vraiment...

  • Speaker #0

    Une extrémiste.

  • Speaker #1

    Une extrémiste. Le livre était rendu. J'ai demandé un droit de faire un post-scriptum, page 380, pour signaler que dix députés radicaux de gauche, pour le 1er avril, ont déposé une proposition de loi, une vraie proposition de loi, demandant l'abrogation de la loi de 1799. Double faute. Et puis, je l'ai réécrit. Ils n'ont pas daigné me répondre. Pourtant, j'aurais aimé les renseigner. Et alors là, le dernier épisode, pour le moment, parce que ce n'est pas terminé, c'est il y a trois semaines, des conseillers municipaux verts et communistes de Paris ont demandé l'abrogation de l'ordonnance de police de 1799. Ok. C'est important de faire de l'histoire. Je pense que nos hommes et femmes politiques n'en ont pas assez. En même temps, je suis sûre qu'ils n'ont pas lu le livre. Ou alors, ils l'ont lu très vite. Mais ils ont dû... La médiatisation du livre, à mon avis, est à l'origine de cette demande. Et le préfet de police a répondu qu'il avait mieux à faire que de l'archéologie législative. L'important, c'était les femmes battues. C'était cette question.

  • Speaker #2

    Qui a le pouvoir de l'abroger ? Le préfet de police.

  • Speaker #1

    Alors il peut aussi dire que c'est anticonstitutionnel, puisque depuis 1946, la constitution de la République française reconnaît l'égalité des sexes, etc. Mais bon, symboliquement, c'est devenu un... Ça leur coûterait pas cher. Le livre tend à montrer quand même que c'est pas juste une question de bout de tissu.

  • Speaker #2

    Bon, je vous encourage vivement à... A lire cette histoire politique du pantalon,

  • Speaker #1

    merci beaucoup et bonne après-midi.

Chapters

  • Générique

    00:00

  • Introduction par Thomas Wieder

    00:32

  • Généralisation du pantalon durant la Révolution française et interdiction du "travestissement" pour les femmes

    03:48

  • Le port du pantalon par les femmes au XIXe siècle, entre caricature antiféministe et émancipation féminine

    07:53

  • Le pantalon des femmes dans la mode et le sport de la Belle époque à la Seconde Guerre Mondiale

    30:21

  • Le pantalon comme objet politique difficilement assignable à un camp

    43:33

  • La banalisation du port du pantalon par les femmes après 1968

    51:10

  • Le pantalon des femmes politiques : les premières fois des années 1970

    57:43

  • Le droit de ne pas porter le pantalon à l'époque contemporaine

    01:05:59

  • 2010 : l'ordonnance du préfet du Paris sur le travestissement des femmes, tombée en désuétude mais pas encore abrogée

    01:12:54

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