Speaker #0Vous écoutez le podcast fiction des enfants de Gaïa. Au commencement était Gaïa, mère créatrice de la terre et des cieux, origine de toute vie. Elle façonna d'abord les douze divinités, êtres majestueux dotés de pouvoirs extraordinaires. Fartent ensuite les humains, fragiles et modestes, mais pleins de potentiel. Les premiers n'acceptèrent pas les seconds. Une guerre fratricide menaça d'anéantir tous les enfants de Gaïa. Gaïa entra alors dans une colère folle et exila les douze divinités loin de la terre qui fut confiée aux humains. Où furent-elles exilées ? Jusqu'à quand ? Pourront-elles ou voudront-elles revenir un jour sur terre ? Ceci est le témoignage de Raphaël, deuxième né de Gaïa, deuxième divinité, incarné par la voix de Mafalda Vidal. Trône avertissement, trouble de l'attention, trouble anxieux, enfant parentalisé. Ok, donc ça tourne ? Super. Alors bonjour, je m'appelle Raphaël, je suis la cadette et j'ai, oula, beaucoup trop d'années au compteur mais l'âge c'est dans la tête, pas vrai ? Et puis quand on est une divinité, on compte pas vraiment en fait. Le temps passe et nous, on est là, c'est tout. Ça n'a pas vraiment d'importance. Enfin, pour moi ça devrait, un peu. Je suis censée me souvenir de tout. Parce que t'as raison tu sais de venir me demander à moi. Parce que c'est moi la gardienne de la mémoire, enfin... C'était moi, avant les humains, je veux dire. Avec tout leur bruit et leur sollicitation constante, ça m'a fait un peu perdre le fil. Enfin, un peu beaucoup, je veux dire. Mais depuis que je suis toute seule ici, ça va mieux. Les souvenirs reviennent, et presque dans le bon ordre. Alors c'est sûr, je me sens un peu seule. Et puis, ici, il se passe pas grand-chose. On va dire que je suis au chômage technique. C'est comme ça qu'ils disent, non, les humains ? C'est un peu ironique, en fait, quand on y pense. Une gardienne de la mémoire amnésique. Enfin, c'est pire. Une gardienne de la mémoire qui n'a plus rien à garder. Enfin non, c'est encore pire. Une gardienne de la mémoire qui n'a plus personne à qui raconter sa mémoire. Ouais, c'est ça le pire. D'un autre côté, j'ai du temps pour moi. Tu veux que je te montre mes amis Guilhoumi ? Tu sais pas ce que c'est ? Ah, mais c'est trop mignon, tu vas voir. Attends. Regarde, c'est des petites peluches en crochet, j'en ai plein, de toutes les sortes, des dragons, des lapins, des dinosaures, et c'est marrant leur nom, Amigurumi, parce que maintenant ici, c'est un peu mes seuls amis. Ils sont très calmes, et silencieux aussi, ça me change des humains. Je leur parle parfois. Ok, souvent. Ils m'aident à me souvenir. Ils m'apaisent. Ils me soignent, en fait. C'est un peu mes nouveaux frères et sœurs. Ou mes enfants. Vu que c'est moi qui les crée, j'imagine que c'est plutôt mes enfants. Mais j'aime pas trop penser à eux comme ça. Je ferai jamais peser le poids de mes problèmes sur mes enfants. C'est pas leur rôle. Et ça, malgré les humains, les cris, les crises, je l'ai jamais oublié, tu vois. Et oui, en disant ça, je pense à maman. Et à tous les autres. À nous. D'ailleurs, t'as vu quelqu'un avant moi ou je suis la première ? Myra ? T'as vu Myra ? Oh, Myra a été exilée aussi alors ? Elle me manque. Comment elle va ? C'est elle qui a le plus souffert dans toute cette histoire. Elle t'a raconté quoi ? Tu sais, je pensais que maman l'épargnerait. Qu'elle nous punirait nous, oui. Oui, parce qu'on le méritait. Enfin, pas tous. Enfin, si, tous, mais un peu. Enfin, bref. Mais pas Myra. Après tout ce que Myra a fait pour elle, tout ce qu'elle a sacrifié. Et en plus, elle croyait que tout était de sa faute. Je lui ai dit que ce n'était pas son rôle de maintenir l'harmonie entre nous. D'ailleurs, c'était le rôle de personne. On était assez grands pour le faire tout seul. Mais tu sais qui aurait dû lui dire ? Maman. Maman aurait dû lui dire. Tu sais, je pense que c'est son silence qui nous a fait le plus de mal. Et encore plus Amira. Alors attends, j'aime maman, j'aime Gaïa, mais je crois qu'elle a eu trop d'enfants en fait. Elle nous aimait, ah oui, là c'est sûr, aucun doute là-dessus. Mais bon, je ne suis pas certaine qu'elle nous considérait comme des vraies personnes, plus comme des poupées, ou alors des bibelots, enfin des trucs sages qui ne bougent pas trop, tu vois. Elle a fait ça avec nous, et elle a recommencé avec les humains. Ça s'est retourné contre elle d'ailleurs, à ce que j'ai entendu dire. Elles pensaient pouvoir les contrôler, les humains, mais les humains, c'est aussi des personnes. Enfin bon, pas tous des bonnes personnes. Enfin, et surtout des personnes bruyantes. Enfin, pas tous, mais bon, la majorité. Je les aimais bien, moi, les humains. Et je crois qu'eux aussi m'aimaient bien, en fait. Enfin, certains. Enfin, à bien y réfléchir, ils aimaient surtout toutes mes histoires, en fait. Et moi, j'adorais tellement les raconter. Et j'adorais promener leurs petits sur mon dos, explorer le monde avec eux et leur expliquer l'origine de tout. Leur raconter l'histoire de l'univers. Oh, la petite Germaine avec ses joues rondes et ses yeux malicieux. Et puis ces cris quand je m'arrêtais de parler. Pouh ! Je les entends encore si je ferme les yeux. Les heures qu'on a passées au coin du feu à revenir sur les origines du monde et les histoires entre divinités. Parce que... il y en a eu des histoires entre nous. Et pas toutes belles. Des disputes... assez violente et mortelle même. Guerra et Ba étaient à l'initiative de beaucoup. Quelle peste ces deux-là ! Mais tu sais, leur manigance et leur mensonge, je crois que c'est les histoires qui plaisaient le plus aux humains. Comme quoi, y'a pas de secret. Les signes étaient déjà là. Pas étonnant que ça leur ait donné des idées. Les guerres, les destructions, les massacres. En fait, on leur a montré comment faire. On leur a donné l'exemple. Voilà tout. Mais nous, on était 12, enfin 13, et même avec nos pouvoirs, on avait quand même un champ d'action limité. Mais les humains, ok, ils n'ont pas de pouvoirs, ok, individuellement, ils font moins de dégâts, mais ils étaient des milliards, et c'était ça leur pouvoir, le nombre. Et on leur a montré comment faire, et ils ont fait pareil que nous. Alors franchement, on peut s'en prendre qu'à nous-mêmes. Enfin bon. Tout ça pour dire que si Gaïa traitait les humains comme elle a traité Myra, et ben c'est pas étonnant qu'ils se soient rebellés. On récolte ce qu'on sème. Et en fait, c'est bien fait pour elle. T'es pas d'accord ? Ouais ben tu prends pas parti comme d'habitude. Tu lui as dit au moins à Myra que c'était vraiment injuste ce qui lui était arrivé ? Que rien de tout ça n'était sa faute ? Non ? J'aurais dû m'en douter. T'as jamais su te mettre à la place des autres de toute façon. Tu te contentes de regarder de haut et de collecter les faits, brillants ou non. Et tu sais, je dis pas ça pour te faire du mal ou de la peine ou quoi que ce soit. Je ne fais que constater. D'ailleurs, tu sais, c'est une bonne idée ce que tu fais, collecter notre version de l'histoire. Tu crois que Gaïa écoutera ta collection de témoignages ? Peur ? Ah bah non, j'ai pas peur. Au contraire, en fait, c'est tant mieux si elle écoute. Et tu sais, même si je m'ennuie parfois, même si Myra me manque, et aussi Abby et Coco... Mais même s'il ne se passe pas grand-chose, je suis très bien ici. Ici, c'est calme, c'est silencieux. Les vagues me rapportent les échos des nouvelles du monde. Ici, je suis en sécurité, il ne peut rien m'arriver. Alors, Gaïa peut prolonger mon exil, ça m'est bien égal. En fait, tu sais quoi ? Ça m'arrange. Bon, ça me ferait quand même plaisir de voir un peu plus de monde. D'ailleurs, j'ai préparé des tas de bonnets et des amigurumi en crochet. Pour tout le monde. Pour le cas où ça se terminerait, tu sais. D'ailleurs, prends-en un, ça me fait plaisir. Tu préfères lequel ? L'hippopotame ? Ou alors la pieuvre ? Le renard peut-être ? Ah non, je sais ! Le chat ? Tu trouves pas qu'il ressemble à Jabda ? Bah quoi, ça te fait pas rire ? Oh mais allez, c'était il y a longtemps. Si longtemps. Oh non non non, on te vexe pas, reste encore un peu s'il te plaît. Attends, non, reviens, reviens. Tu reviendras ? Dis-moi que tu reviendras. S'il te plaît, reviens. Ne me laisse pas. Ne m'abandonne pas. S'il te plaît. S'il te plaît. Ce témoignage touche à sa fin. Merci de l'avoir écouté jusqu'au bout. S'il vous a plu, dites-le à votre plateforme d'écoute en vous abonnant, en commentant, en notant ce podcast. Si Gaïa le permet, rendez-vous la semaine prochaine pour le témoignage suivant. Signé, K.