Speaker #0Vous écoutez le podcast fiction des enfants de Gaïa. Au commencement était Gaïa, mère créatrice de la terre et des cieux, origine de toute vie. Elle façonna d'abord les douze divinités, êtres majestueux dotés de pouvoirs extraordinaires. Fartent ensuite les humains, fragiles et modestes, mais pleins de potentiel. Les premiers n'acceptèrent pas les seconds. Une guerre fratricide menaça d'anéantir tous les enfants de Gaïa. Gaïa entra alors dans une colère folle et exila les douze divinités loin de la terre qui fut confiée aux humains. Où furent-elles exilées ? Jusqu'à quand ? Pourront-elles ou voudront-elles revenir un jour sur Terre ? Ceci est le témoignage de Corlène, troisième née de Gaïa, troisième divinité. Traumasvertissement, violence, fratricide. Pourquoi t'es là ? Tu veux quoi ? Ma version de l'histoire ? Mais quelle histoire ? La mienne ? Comment je me suis retrouvée là ? Pas intéressant. Tu peux repartir. T'es encore là ? Tu vas pas me lâcher, pas vrai ? Je te connais. Bon. Pour la faire courte, je suis là parce que j'ai pété un plomb. Que j'ai blessé mes frères et sœurs, sans le vouloir. Que j'ai tué des humains. Que je me suis blessée moi-même. Mon exil ? Mais de quel exil tu parles ? Gaïa ne nous a pas exilés. Elle nous a protégés. Elle nous a sauvés. De quoi ? Mais de la destruction, du chaos, de la folie des humains. Elle nous a permis de nous soigner, de nous reconstruire en sécurité. Regarde autour de toi. Tu trouves que ça ressemble à une prison, à une punition ? Honnêtement, j'aurais pas pu imaginer un endroit que j'aime plus qu'ici. T'as croisé qui pour le moment ? Myra et Raph ? Et là où elles sont ? Ça ressemblait à une prison ? L'océan et la plage. Ça m'étonne pas. Ça leur correspond bien. Je sais pas ce que t'en penses, mais moi je vois pas de punition. La solitude, c'est un mal nécessaire. Pour pouvoir entendre tes propres pensées, t'as besoin d'être seule. Pour pouvoir leur répondre aussi. Pour pouvoir être en paix avec toi-même. Tu sais que j'aime pas beaucoup parler. Je préfère agir. Et les humains, pour la majorité, c'est le contraire. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour eux. Tu le sais. Je les ai aimés. C'était nos petites sœurs et nos petits frères après tout. C'est ma faute si j'ai perdu le contrôle. J'assume. Mais je regrette rien. Ils étaient allés trop loin. J'ai adopté un de leurs petits. Je l'ai même élevé. Patiemment. Tu sais comme ça demande de la patience de faire grandir un humain. Tout prend du temps. Tout. Le moindre truc nouveau, ils doivent repasser dessus minimum une centaine de fois avant de le comprendre et de l'intégrer. C'est long, trop long. Mais ce petit gars, je l'ai aimé. Comme si c'était un de mes fils. Tu sais que c'est vrai. Ma compagne aussi, elle l'aimait comme l'un des siens. Et génétiquement parlant, c'était le cas. Il a grandi avec nous, dans notre famille. On lui a tout appris. Patiemment. Nos propres enfants étaient plus forts, plus intelligents, plus rapides que lui. Mais avec lui, on a pris le temps qu'il fallait. On a répété, encore et encore. Les plus rapides ralentissaient pour marcher à sa hauteur. Les plus intelligents simplifiaient leurs opérations pour qu'ils les comprennent. Les plus forts s'abaissaient pour lui laisser une chance. Il a reçu autant, sinon plus d'amour que mes propres enfants. Et comment il nous a remerciés ? Il a ramené des étrangers D'autres humains Ils venaient nous étudier C'est ce qu'ils nous ont dit Nous étudier Comme si on était différents Différents d'eux Au début ils ont juste observé J'aimais pas ça Mais bon je les sais faire Ils faisaient pas de mal Pas encore Puis ils ont commencé à attirer les plus jeunes à l'écart, à leur parler, à les convaincre de faire des trucs en échange de récompenses. Des tours de magie, des tours d'adresse, des démonstrations de force. Et les enfants acceptaient, et ils agissaient comme si c'était une démonstration. Comme des bêtes de foire devant les humains. Comme des animaux savants, comme des singes. Là, j'ai montré les dents. J'ai grondé. J'ai fait peur. Mais j'ai pas usé de violence. Même quand les humains ont commencé à prélever des échantillons de notre sang, toujours pour nous, Zé, étudier. Je suis restée calme. Mais j'ai parlé à mon fils humain et je lui ai demandé de s'en aller et d'emmener tous les autres humains avec lui. Il a baissé la tête. Il a promis de leur parler. Mais il pouvait rien promettre de plus. Et là, je me suis mis en colère. Une colère noire. Mais j'ai toujours pas usé de violence. Et j'ai décidé de partir. Si les humains ne nous laissaient pas tranquilles, nous les forcerons à nous laisser tranquilles. Nous, nous partirons. Tous. Fuir ? Mais bien sûr que c'était fuir. La fuite, c'est pas une solution facile, t'es bien placé pour le savoir. Mais quand des vies dépendent de toi, c'est la seule solution. Ma fierté ? Me parle pas de fierté. Ma fierté, c'est ma famille. Ils sont vivants, heureux, en sécurité. Je suis fière. Le reste n'a aucune importance. Fuir, c'est pas être lâche. Au contraire, selon ce que tu fuis, c'est être intelligent. C'est pas parce que le lâche s'enfuit que la fuite est systématiquement lâche. Tu confonds les causes et les conséquences. Les paroles qui rapportent les actions et les actions elles-mêmes. Mais c'est pas la même chose. Et je répète, je préfère l'action aux belles paroles. Je suis partie avec ma famille. Ma vraie famille. Mon fils humain devait rester en arrière, retenir les autres humains. Il a fait le contraire. Il leur a montré le chemin pour nous retrouver. Les humains se sont cachés. Je les ai sentis, mais je ne les voyais pas. Les petits ont commencé à disparaître. Mes petits. Et là, je suis devenue fou. Je pouvais plus partir, des membres de ma tribu manquaient. Et je pouvais pas attaquer, mes ennemis étaient invisibles. Mais invisibles ou pas, je voulais les punir. Je les voulais pas morts, mais je voulais les punir. Alors, j'ai fait appel à Bas. Je sais, j'aurais pas dû, mais j'étais désemparée, désespérée. Je devenais fou. J'avais besoin d'aide, et je ne pouvais pas demander à une vraie divinité. Elle ne pouvait pas m'aider, ou plutôt, je ne voulais pas qu'elle m'aide. Parce qu'alors, elles auraient été complices de fratricides, et leur imposer ça, même dans mon état de colère, je ne me laisserais jamais pardonner. Et avec Ba, je sais pas, c'était différent. Ba était différente de nous. Elle était la treizième sur les douze prévues, elle ne faisait pas partie des douze. Elle est arrivée quelques secondes après Guéra. Des jumelles, je m'en souviens très bien. Une blanche et une noire. Gaïa était la première surprise. Elle, elle avait prévu douze divinités et voilà qu'elle en avait une treizième sur les bras. Ba était ma sœur. Elle est ma sœur. Je l'aime. Mais je sais pas, elle a toujours été à part. Et puis, elle avait déjà tué. Des humains, des animaux, des animax, des humax. Sans avoir à y réfléchir à deux fois et sans regrets apparents, alors... Bref, Ba a accepté de m'aider. Elle m'a dit où trouver les humains. Et mes enfants aussi. Et j'ai pas réfléchi. J'ai pas douté une seule seconde. J'ai quitté notre cachette et j'ai foncé pour retrouver les miens. Et punir les humains s'ils m'en empêchaient. À ce moment-là, je voulais pas encore les exterminer. Sauf qu'à l'endroit indiqué, il y avait personne. Et là, j'ai entendu les cris. Les cris qui venaient de la cachette que je venais de quitter. Des appels à l'aide, c'était les voix de ma compagne, de mes enfants, de mes amis. J'ai rebroussé chemin, bien sûr j'ai couru, mais quand je suis arrivée c'était trop tard, il n'y avait plus personne. Il n'y avait plus que leur odeur, partout. L'odeur des miens, celle des humains, l'odeur de la poudre aussi, du métal, celle du sang, du sang des miens. C'est là que Ba m'a retrouvée. Et je vais m'arrêter là. Non, je vais pas continuer. Tu sais très bien que je vais continuer. très bien ce qui s'est passé après. Tu connais Bas. Tu sais qu'elle m'a tendu un piège, elle aussi. Elle voulait exciter ma colère et ma haine. Elle voulait me rendre aveugle. Elle voulait que je les extermine. Elle voulait me rendre fou. Et toi aussi, t'es en train de me rendre fou. Arrête. J'ai dit stop. Je refuse de revenir sur ça. Ça fait trop mal. Et raconter ce qui s'est passé ne changera rien. Rappelle-toi, les actions sont plus importantes que les paroles. Ils sont morts, toutes et tous. Le dire ne changera rien. Les miens sont morts, les humains aussi. Avec l'Hercule, Maman, enfin Gaïa, elle aurait dû suivre ton conseil. Elle aurait dû tuer Ba tout de suite, dès la naissance. Ça aurait évité bien des catastrophes. Mais bon, comment tu peux tuer un de tes propres enfants ? Comment tu peux même le blesser ? Gaïa était une maman. Elle est une maman. Notre maman. Elle nous aime. Elle ne peut pas nous faire du mal. Et elle ne nous en fera jamais. C'est pour ça que ton histoire d'exil punitif ne tient pas debout. Elle ne veut que notre bonheur et notre bien. Et ça me tue que tu remettes tout ça en doute. Allez maintenant, va-t'en. T'as eu ce que tu voulais. Ramasse tes miettes et va-t'en. Va embêter les autres. Laisse-moi. Va-t'en, je te dis. Allez, pars ! Pars ! Ce témoignage touche à sa fin. Merci de l'avoir écouté jusqu'au bout. S'il vous a plu, dites-le à votre plateforme d'écoute en vous abonnant, en commentant, en notant ce podcast. Si Gaïa le permet, rendez-vous la semaine prochaine pour le témoignage suivant. Signé K