- Speaker #0
Les Invisibles, juin 2020. Ma vie bascule du jour au lendemain dans une maladie neurologique, rare, qui n'a de poétique que le nom. Le syndrome du mal de débarquement. Les symptômes qu'elle m'amène vivent en colocation avec moi, 7 jours sur 7, 24h sur 24, et ne prennent jamais leur week-end. Je n'ai donc pas la place pour un autre combat. Du moins, c'est ce que je crois. Puis vient ce jour où, je témoigne dans une émission télé, dans l'espoir de rendre visible l'invisibilité du syndrome dont je suis atteinte. À peine sortie du plateau, forte de cette expérience, et encore dans mes talons rouges, une évidence s'installe. Je n'en resterai pas là. Dans le train du retour, je rejoins à la fois ma maison et mon nouveau combat. Donner un espace de parole au travers d'un podcast, aux personnes qui luttent, bien souvent en silence, contre des maladies invisibles, et contre les regards de sociétés qui ne croient que ce qu'elles voient, de combats plus souvent subis que choisis. Et si, comme le dit Antoine de Saint-Exupéry, l'essentiel est invisible pour les yeux,
- Speaker #1
ici,
- Speaker #0
On compte bien le faire entendre. Bonne écoute ! adulte avec cette maladie. C'est avec son cœur grand ouvert qu'elle nous évoque les choix, parfois douloureux mais nécessaires, auxquels elle s'est confrontée, comme mettre de côté son métier de cœur, celui de sage-femme. C'est avec des mots doux mais puissants qu'elle évoque son travail d'acceptation et la vie qu'elle mène pour vivre le plus harmonieusement possible malgré les contraintes et les douleurs que lui amène la maladie. Ses philosophies de vie et sa clairvoyance font de Justine une personne qui parcourt sans cesse les chemins de la résilience. Ces mots sont comme un sparadrap que je n'ai pas besoin d'arracher et dont je me recouvre souvent depuis l'enregistrement. C'est donc un plaisir immense pour moi de vous partager ce premier épisode rempli d'une joie communicative. Salut Justine !
- Speaker #1
Salut Tamara !
- Speaker #0
Je te remercie tout particulièrement d'être là aujourd'hui parce que tu es le premier témoignage reçu par le podcast Les Invisibles. Du coup, c'est vraiment un plaisir de te recevoir aujourd'hui.
- Speaker #1
Merci de m'accueillir et c'est aussi un plaisir de venir aujourd'hui pour partager mon vécu, mon expérience et c'est un honneur de témoigner pour ce podcast.
- Speaker #0
Trop chouette, on a hâte. Et du coup, toi tu viens témoigner d'une maladie qui s'appelle la spondylarthrite ankylosante, c'est un nom assez particulier.
- Speaker #1
Oui, c'est un nom qui peut faire peur au début, c'est une maladie auto-immune. Dans la famille des polyarthrites, c'est la petite sœur de la polyarthrite, rhumatoïde. La spondylarthrite ankylosante est une maladie auto-immune de douleurs chroniques, de rhumatisme. D'accord.
- Speaker #0
Tu parles du coup de douleurs et ces douleurs, elles se situent à quel endroit dans le corps ?
- Speaker #1
Ça peut dépendre de tellement de facteurs différents. Les plus petites, c'était les hanches, les talons qui étaient souvent touchés. Avec l'adolescence, ça a été plutôt le dos, épaules, hanches encore un peu. Et puis aujourd'hui, à l'âge adulte, c'est plutôt le haut du dos. Chez moi, principalement, c'est le dos.
- Speaker #0
Ok. Et tu sais comment ça se fait que ça a évolué ? Que c'est parti plutôt, ça a l'air d'être parti plus du bas et que c'est remonté comme ça ?
- Speaker #1
Aucune idée. Je n'ai pas vraiment recherché la cause de ces fluctuations de zones de douleur. C'est vrai que... Je me dis que quand j'ai mal, j'ai mal. Et peu importe où, finalement, c'est ça.
- Speaker #0
Et du coup, moi, je me posais la question, c'est une maladie que tu as depuis combien de temps ? Est-ce que c'est depuis ta naissance ? Est-ce que c'est venu plus tard ?
- Speaker #1
Donc, c'est une maladie héréditaire. Donc, je l'avais à ma naissance. C'est un gène. La spondylarthrite ankylosante est aussi appelée la maladie de Bestereff. Et elle peut se diagnostiquer par la prise de sang en recherchant le gène HLA-B27. D'accord. Et donc, ce qui s'est passé pour moi, je pense, c'est que ce gène était endormi. et qui s'est réveillée un jour et j'ai été diagnostiquée à l'âge de 7 ans. Ok. J'ai cette maladie auto-immune et merci parce que j'ai pu apprendre depuis mes 7 ans jusqu'à maintenant à vivre avec et on en parlera je pense de comment ça se passe. Mais c'est une chance pour moi d'avoir été diagnostiquée aussi jeune.
- Speaker #0
Le diagnostic a été posé parce que les douleurs avaient déjà commencé et que vous êtes allée rechercher ce gène ou c'était vraiment sachant que le gène était peut-être dans la famille, vous êtes allée voir avant que se manifestent des douleurs ou quelconque souffrance ?
- Speaker #1
Non, alors j'avais des douleurs dans les genoux aussi, talons, hanches quand j'étais petite. Les médecins disaient que je grandissais, donc c'était normal d'avoir un mal. Et ma mère qui... qui accompagnait ma grand-mère dans une polyarthrite rhumatoïde, a vu des similitudes. Donc, il savait qu'il y avait un gène potentiel dans la famille. Et donc, c'est battu pour qu'on fasse les tests nécessaires. Et c'est mon rhumatologue, qui est encore mon médecin actuellement, deux ans, qui a posé le diagnostic. Et je pense que ça a été autant un soulagement que le début d'une histoire.
- Speaker #0
Oui. Du coup, moi, ce que je trouve, je me pose la question, comment, à l'âge de 7 ans, on accueille un diagnostic en fait, en tant qu'enfant ?
- Speaker #1
Alors moi, j'ai peu de souvenirs de l'accueil du diagnostic. Je savais que j'étais malade. Mais pas malade en mourir. Je savais que j'étais différente.
- Speaker #0
D'accord. Mais il y avait de la peur du coup ou pas spécialement ?
- Speaker #1
C'était la peur du regard des autres parce que je manquais parfois l'école. Parce que parfois j'avais des béquilles à l'école, donc c'était les moqueries, etc. Dans mes souvenirs, c'est plutôt ça. Parce que le reste, j'étais toujours très bien entourée avec beaucoup d'amour, de compréhension, d'aide, de soutien. Donc c'était plutôt le regard des autres autour de ce cocon de confort qui était plus difficile. Mais j'ai peu de souvenirs autres que cela de mon enfance. J'ai plus la phase préadolescence, adolescence et âge adulte, évidemment, vu que c'est le plus proche de moi là maintenant.
- Speaker #0
Parce que du coup, à l'adolescence, tu te confrontes à quoi en ayant cette maladie-là ?
- Speaker #1
Je ne m'en suis complètement pas confrontée du tout. J'ai fait un énorme déni de ma maladie, je pense. Je disais aux gens que j'avais des petits problèmes d'articulation. Donc non, je ne pouvais pas trop aller faire du foot partout, en cours de gym. Ou non, j'évite les activités un peu trop brutales parce que je n'aime pas ça. En plus, c'est vrai, mais je n'aime pas ça et j'ai des petits problèmes d'articulation. Et c'est assez marrant d'en reparler maintenant. Je me cachais derrière cette excuse alors que je savais qu'en rentrant chez moi, ce n'était pas des petits problèmes d'articulation.
- Speaker #0
Et que tu étais consciente, mais plutôt c'était l'image que tu voulais renvoyer aux autres ?
- Speaker #1
Alors, j'étais consciente. que j'avais ce problème de santé, mais je ne me suis jamais considérée malade.
- Speaker #0
Ouais.
- Speaker #1
J'ai refusé tout traitement, même à l'adolescence, j'étais... Je ne devais pas être très facile dans les séances avec les médecins ou autres parce que c'était non catégorique. Laissez-moi vivre ma vie. J'ai envie de sortir, j'ai envie de faire des activités, j'ai envie de danser, de tomber amoureuse, de retomber amoureuse encore et de souffrir d'amour et de recommencer. Voilà, croquer la vie à pleines dents, comme on dit. Et donc, c'était hors de question pour moi qu'on me mette cette étiquette de personne à problème ou malade ou attention, il faut s'en occuper, elle est fragile. Pas du tout, je me suis considérée adolescente. Je me voyais comme une guerrière super forte qui menait à un combat que personne ne voyait. Et c'est ce qui a fait certainement que j'ai pu passer cette phase d'adolescence qui n'est déjà pas facile avec un peu plus de force que si je m'étais considérée comme malade. où là je pense que j'aurais pu sombrer dans je suis une petite chose fragile c'est quelque chose que j'ai toujours détesté qu'on me dise qu'on me voit comme une petite chose fragile et qu'on me laisse justement cette étiquette de de
- Speaker #0
cette pauvre petite malade en fait j'ai toujours détesté cette image là ce serait intéressant aussi de voir après à l'âge adulte si c'est toujours un peu cette même vision que t'as de toi enfin Mais du coup, j'ai entendu parler, tu parlais de traitements et du fait que tu t'y opposais plus jeune. Et du coup, pour savoir, est-ce qu'il y a des traitements qui soulagent quand même cette maladie-là ?
- Speaker #1
Alors, il y a beaucoup de traitements et je ne peux pas tout te dire ce qui existe sur le marché parce qu'honnêtement, je m'en fiche un peu. Ok. Personnellement, il y a des traitements qui sont immunosuppresseurs où là, en fait, on va les supprimer une à... plusieurs, il me semble, chaînes immunitaires de ton système. D'accord. Mais moi, j'ai toujours refusé catégoriquement ce traitement-là parce que je me suis dit, au moindre rhume, ça peut devenir très grave. En fait, le message que j'ai entendu et que j'ai retenu, c'est si tu tousses, va à l'hôpital, tu peux finir en pneumonie. Wow. Et moi, c'est un message compris, donc c'est peut-être pas le message qu'on m'a transmis, mais c'est ce que j'ai intégré et enregistré. Et je me suis dit, attends, attends, attends, moi là, je sors en boîte de nuit, je fume des cigarettes, je bois. Je m'amuse.
- Speaker #0
Encore, il a des signes.
- Speaker #1
Voilà. Et je me suis dit, en fait, je ne peux plus sortir. Je ne peux plus profiter de la vie. C'est déjà assez dur comme ça de vivre dans mon corps. On ne va pas encore m'imposer quelque chose. Donc, j'étais complètement dans la résistance. Aujourd'hui encore, je suis dans la résistance des traitements médicamenteux lourds. Pour moi, j'appelle ça lourd, même si beaucoup de gens, et par les témoignages que j'ai reçus de personnes qui ont cette même problématique de santé, Ils le vivent très bien, ils peuvent reprendre des activités physiques, ils ont moins de douleurs, les examens médicaux sont meilleurs, mais je suis persuadée qu'il y a autre chose. Et pour moi, l'autre chose, c'est tout ce qui est médecine alternative. Yoga, bouger son corps tous les jours, et ça, en oubliant un jour ou deux, c'est qu'à t'as de s'y remettre. De faire attention à son alimentation, éviter tout ce qui peut être inflammatoire, et prendre soin de soi, mais à 200%.
- Speaker #0
Toi, à l'heure actuelle, tu ne prends aucun traitement chimique ?
- Speaker #1
Si, je prends des anti-inflammatoires. Ok.
- Speaker #0
Et ça, c'est tous les jours, de temps en temps ? Ça se passe comment ?
- Speaker #1
Tout dépend des phases dans lesquelles je suis dans cette maladie. Actuellement, par exemple, je suis dans une phase où j'ai beaucoup de douleurs, donc je vais prendre plus facilement des médicaments pour me soulager. Et puis, dans les phases où ça va mieux, j'en prends moins. Mais je dois faire cet effort de compenser avec le mouvement, avec du yoga, avec une alimentation vraiment sans défaut.
- Speaker #0
On va en parler justement. Du coup, tu parlais de phases différentes. Est-ce que tu peux juste nous expliquer qu'est-ce que ça veut dire des phases différentes ? Est-ce qu'il y a des moments où c'est plus ou moins douloureux ? Si oui, est-ce que tu sais s'il y a des déclencheurs ou des choses particulières ? Oui,
- Speaker #1
alors... Pour moi, les phases, je les catégorise au niveau de douleur. Si on dit, et c'est ce qu'on dit dans le corps médical, zéro, il n'y a pas de douleur, juste je t'arrache un bras, où est-ce que tu te situes ? J'ai plusieurs phases. Je n'ai jamais zéro. J'ai toujours un seuil de douleur, peu importe où dans le corps. J'ai toujours une sorte de même dans les phases où je suis au mieux de ma forme. J'ai comme une sorte de filament de douleur interne qui sera continuellement présent. Donc, je ne suis jamais à zéro. Ou j'ai peut-être été dans ma vie à des moments, mais c'est très subtil et c'est éphémère. Ça arrive, ça repart. Donc, j'ai le temps de jouir de quelques secondes de Ah tiens, j'ai mal nulle part ! Et Ah si, en fait !
- Speaker #0
Et est-ce qu'il y a des choses qui peuvent amener cette phase zéro ? Je pense vraiment des choses qui, par exemple, comme l'alcool ou du cannabis ou je n'en sais rien, qui peuvent baisser ça.
- Speaker #1
Non. Non, moi jamais.
- Speaker #0
C'est un moment où tout d'un coup, tu t'observes et tu es surprise de voir que ça peut être à zéro et ça dure quelques minutes.
- Speaker #1
Oui, alors les fois où ça m'est arrivé, ça a duré une à deux minutes maximum, mais ça ne m'a même pas tant apaisé que ça. Ça m'a plutôt inquiétée. Je me suis dit, mais je suis morte. Qu'est-ce qui se passe ? Je ne ressens plus rien. En fait, c'est ça qui pour moi est inquiétant, c'est de ne plus sentir quelque chose. Donc, je suis habituée à la douleur. Maintenant, je n'aime pas ça. Je ne suis pas amoureuse de cette douleur. Je préfère être dans un seuil de douleurs bas, tels que 2, 3, on va dire, où c'est quand même une douleur qui est présente, où je peux faire un faux mouvement et je me dis, ah ben là, il faut que je me pose, tiens, il faudrait que j'aille m'étirer, etc. Que des niveaux de douleurs où j'arrive à 7, 8, là, ça devient plus compliqué et ça atteint mon humeur. Et moi, c'est ça que j'appelle des phases, c'est que des grosses crises, j'en ai eu peut-être 4, 5 dans ma vie. Et là, le seuil de douleur était entre 8 et 10 et j'avais vraiment envie de m'arracher un bras.
- Speaker #0
Et ces grosses crises, elles durent quelques heures, quelques jours, quelques semaines ?
- Speaker #1
Tout dépend.
- Speaker #0
Ça dépend, ok.
- Speaker #1
En général, c'est plusieurs jours à plusieurs semaines parce que l'inflammation, elle monte. Et puis, il faut le temps de la calmer et qu'elle parte. Et en général, dans les grosses crises, je prends de la cortisone. Donc là, ça ne s'est pas produit depuis plusieurs années. Donc, je suis contente. Tant mieux. Mais je prends de la cortisone. Je suis au repos total. Ce n'est pas que je ne peux plus faire des activités de la vie quotidienne, mais c'est que je suis... C'est plus difficile. Je suis plus lente et je suis d'une humeur... exécrable envers les autres parce qu'en fait j'ai tellement mal et je m'en veux et là il y a encore tout l'aspect psychologique qui entre en jeu dans ces maladies là et j'ai l'impression que parfois on le met un peu de côté en disant on va calmer la douleur mais qu'est ce qui se passe émotionnellement et psychologiquement parce que c'est super dur de se battre enfin de se battre de vivre avec des douleurs continuelles et de faire comme si tout allait bien d'être tout le temps heureux quand j'ai mal je suis pas heureuse non donc il faut l'accepter
- Speaker #0
C'est clair. Et puis, on est aussi dans des sociétés qui sont dans le culte de la performance. Et pour tous les sujets de la vie, que ce soit dans son alimentation, son travail, ses relations amoureuses, amicales. Et c'est un peu, on ne peut pas dire que ça ne va pas. Enfin, c'est très compliqué. Et j'ai l'impression encore plus avec des maladies invisibles, justement, où ça ne se voit pas. Donc, l'autre n'entend pas forcément où on en est. Et j'imagine que c'est compliqué aussi à gérer ces moments-là parce que tu dis... que tu peux être dans des grosses crises et tu vas quand même continuer à faire des choses de la vie quotidienne, mais la personne qui t'entoure ou les personnes qui t'entourent ne voient pas forcément où tu en es. Est-ce que toi, tu leur nommes ? À ce moment-là, tu peux leur dire, je ne sais pas, en allant chez une copine, aujourd'hui, je suis à 8 sur 10 de douleur, il va falloir vraiment que je fasse tranquille. Ça te va si on pose dans le canapé, on boit du thé et on regarde un film ? Ou est-ce que tu vas quand même prendre sur toi ? C'est quoi un peu ta stratégie d'adaptation, je dirais, avec ton environnement dans ces moments ?
- Speaker #1
Alors j'ai eu plusieurs stratégies et je crois que celle qui fonctionne bien, c'est celle que j'ai en place actuellement, qui est de m'écouter, en fait totalement.
- Speaker #0
C'est très difficile parce que quand on a un travail, quand on a des responsabilités, et là encore j'ai pas d'enfant, donc je peux pas imaginer ce que c'est d'avoir une maladie auto-immune et d'avoir des enfants à gérer. Je crois que c'est de tout simplement communiquer. Maintenant c'est à nouveau un paradoxe parce qu'il faudrait communiquer, comme tu disais, à son ami, mais voilà, là je suis à tant de douleurs, ou je suis pas bien, je suis dans un mauvais mood, on va juste se poser et même peut-être... de ne pas se parler mais on est ensemble et c'est cool mais quand je suis dans ces phases là j'ai même en fait j'ai envie qu'on soit avec moi mais j'ai envie de voir personne et c'est très difficile de communiquer ça en devient un puzzle enfin un nœud psychologique à démêler après je pense que la meilleure stratégie c'est de vraiment s'écouter et d'oser dire les choses non en fait je vais pas venir ce week-end à ton repas je suis pas au top point Et le soulagement que ça procure. Parce qu'on ne doit pas encore faire un effort de Ah bah si, j'ai dit que j'allais, donc j'y vais, donc je prends sur moi, donc je prends la voiture, ou je prends le bus, et j'y vais. Et du coup, chaque chose devient tellement difficile à faire que ça demande des efforts surhumains. Et le moment passé, est-ce qu'il est vraiment autant agréable que ça ?
- Speaker #1
Donc je crois que c'est beaucoup d'efforts pour que peut-être tu vives l'instant difficilement parce que tu es justement trop mal. Complètement. Mais j'imagine quand même que c'est une position difficile à assumer. En effet, quand il y a des engagements, il y a forcément une attente de l'autre côté. Et d'oser et pouvoir dire, je ne vais pas pouvoir venir, est-ce que c'est entendu en fait ?
- Speaker #0
C'était une de mes principales peurs aussi, de me dire, est-ce que ça va être entendu que j'ai mal ? Ou même, je ne le dis même pas que j'ai mal, mais que ça ne va pas être possible pour moi. Il y a de la culpabilité, de la frustration. Parce que peut-être que j'ai vraiment envie d'aller, mais c'est peut-être le trajet ou c'est peut-être le fait que ça ne va pas être possible pour moi de tenir une soirée assise sur un canapé sans bouger plus que ça et devoir me tenir bien. Et je crois qu'en fait, il faut laisser aller tout ça, tous ces sentiments de culpabilité, de qu'est-ce qu'on va dire si ce n'est pas entendu. Là où j'en suis aujourd'hui, c'est que dans ma manière de penser, si ce n'est pas entendu, ce n'est pas grave. C'est OK. Ça vous appartient. Moi, ça m'appartient de m'écouter. Oui,
- Speaker #1
ça c'est sûr, mais je trouve que ça ne doit pas être évident, en tout cas, à mettre en place ça. Mais je me pose la question, tu dis que tu n'aimes pas forcément que tu as mal. Tu dis plutôt, ce n'est pas possible pour moi. Tu sais pourquoi tu n'aimes pas ? Est-ce que tu n'as pas envie de rentrer dans les détails ? Est-ce qu'il y a des gens qui ne sont peut-être pas encore au courant de ta maladie ?
- Speaker #0
Alors oui, je pense qu'il y a des personnes qui ne sont pas encore au courant. Je n'en parle pas, je ne le crie pas sur tous les toits. J'ai beaucoup plus de faciliteurs à en parler aujourd'hui. Et c'est aussi pour ça que je suis OK de témoigner. C'est que je pense que j'ai fait tout ce travail en amont d'acceptation et de me dire que ça fait partie de moi. Ce n'est pas ce que je suis, mais ça fait partie de moi. Et plus je vais aller dans l'acceptation, mieux je vais vivre. Et je crois que c'est... C'est juste parce que j'ai juste pas envie d'amener, comment on dit, une forme de compassion aux gens, ou pas de pitié, le mot est fort, pitié, mais de compassion, ou qu'on me dise, mais on fera attention à toi, ou même si c'est bienveillant, c'est gentil de la part des gens, des proches, etc. Je crois que dans ces moments-là, j'ai justement pas envie qu'on voit comme une petite chose. Et leur vision... C'est leur vision et c'est moi qui interprète ça. Et donc, je préfère dire que je ne suis pas au top et je serai moi-même ma petite chose sur mon canapé, mais personne ne le saura. Et ça me va bien comme ça.
- Speaker #1
Et ces moments de solitude, ils sont comment à gérer avec une douleur très intense, des événements, par exemple, annulés, alors que, comme tu dis, tu avais peut-être envie d'y participer et tu te retrouves, je ne sais pas, chez toi, seule, pas bien. Est-ce que c'est OK ? Comment tu le vis ?
- Speaker #0
Totalement. C'est ok parce que si ça doit se passer comme ça, c'est que ça doit se passer comme ça. Et je ne suis pas fataliste du tout, je suis plutôt dans l'acceptation de ce qui est. Et avec le temps, je suis devenue beaucoup plus casanière, beaucoup plus cocooning. Et ces moments-là, j'en profite pour me laisser aller. Et je crois que quand on se laisse aller, au bout d'un moment, si on descend vraiment bien au fond de ce qui ne va pas, on ne peut que rebondir. Ou alors on creuse et là, il y a autre chose. On ne peut que rebondir. Voilà. Et moi, j'ai besoin. J'ai besoin à des moments... Je suis quelqu'un qui est très sociable, mais j'ai... J'ai une grande solitude, je pense que quand on a une maladie invisible, que ce soit auto-immune ou autre, on est très seul. Et moi j'ai besoin parfois de me confronter, enfin parfois souvent, à ma solitude. Et c'est pas triste, au contraire, ça me fait du bien d'aller rechercher à l'intérieur de moi ces petites pépites, de me poser, de me dire ok j'en suis là. Ok là on a besoin de prendre un bain, de regarder un film, de boycotter le téléphone. Ou juste parfois, j'ai besoin d'appeler ma mère en pleurant, alors j'ai presque 30 ans. Elle me dira j'ai mal mais c'est des moments qui sont essentiels.
- Speaker #1
Donc là, tu nommes des choses intéressantes. C'est que tu as quand même, a priori, des activités ou des petites choses qui semblent t'apaiser ou faire un peu de bien. Je ne sais pas, je marche sur des œufs parce que peut-être ça ne t'apaisse pas du tout, mais ça empêche d'être pire. Quelles sont ces différentes choses ? Tu mets en place dans ta vie, dans ces moments-là, tu parlais avant du yoga et de l'alimentation, est-ce que tu peux peut-être nous en parler un peu plus ?
- Speaker #0
Oui, bien sûr. Ce qui me sauve et ce qui m'a sauvée, je pense, c'est toutes les rencontres que j'ai pu faire qui m'ont amené des outils tels que le yoga. Donc, le yoga, mais à nouveau, c'est s'écouter, c'est d'y aller tranquille, sans frustration. Et notre corps est capable de faire des choses merveilleuses, il ne faut juste pas le pousser non plus trop. Un petit peu, parce que sinon, on reste sur son canapé. L'alimentation, là, pour moi, c'est un gros sujet. Ça a commencé à l'âge de mes 11 ans, ce changement alimentaire avec la méthode du docteur Seignalet, qui est une très bonne méthode, je pense.
- Speaker #1
Qui est peut-être juste pour le rappeler, une méthode d'alimentation anti-inflammatoire,
- Speaker #0
c'est ça ? Exactement. Et lui, il cite plusieurs éléments, enfin, aliments. inflammatoire à éviter au maximum, voire à proscrire totalement de son alimentation. Et ce que moi j'ai pris de cette méthode-là, c'est le sans gluten, sans maïs, sans produits laitiers. Et voilà. Principalement. Après j'essaie de manger le plus sainement possible. Parfois j'ai fait des écarts, si demain je veux un hamburger, un cheeseburger, plein de fromage. Je le mangerai, mais je sais qu'il y a des conséquences derrière. Donc, c'est moins drôle après de le payer.
- Speaker #1
Les conséquences, tu t'en rends compte tout de suite ?
- Speaker #0
Non, c'est plusieurs semaines après, en général.
- Speaker #1
Donc, tu vas manger un burger le 12 février et peut-être que le 29.
- Speaker #0
Exact.
- Speaker #1
Tu vas sentir. Et tu arriveras à faire ce lien à ce moment-là ?
- Speaker #0
Pas vraiment. Je n'arrive pas à savoir si c'est cet élément-là. Cet écart-là, exactement le 12 février, qui a fait que... Parce qu'il y a aussi tout le lien émotionnel. Moi, ma maladie, elle a été déclenchée par de l'émotionnel, mais on y reviendra. Et donc, je sais que quand il y a de l'émotionnel, je peux avoir des douleurs. Donc, si ça se mélange avec un petit cheeseburger parti par là, voilà.
- Speaker #1
Ce n'est pas le bon cocktail.
- Speaker #0
Ce n'est pas le bon cocktail, mais... Non, je sais que je me dis, j'ai peut-être fait une petite erreur alimentaire récemment. Oui. J'en suis consciente.
- Speaker #1
Donc, à l'âge de 11 ans, tu as commencé un régime alimentaire différent que la majorité des gens. Et comment c'était ? Parce que moi, ça me frappe quand même cet aspect où à 7 ans, oui, il y a un diagnostic, tu ne le vis pas comme ça, mais tu sais déjà qu'il y a quelque chose qui te rend différent des autres. À 11 ans, tu dois faire gaffe à ton alimentation. C'est des choses qui sont, j'imagine, lourdes quand même pour une enfant. Et voilà, comment est-ce que c'est vécu à ce moment-là, tu sais ?
- Speaker #0
Alors, le régime alimentaire, horrible, parce qu'à l'époque, il n'y avait pas tout ce qu'il y a aujourd'hui dans les supermarchés. C'est clair. Donc, ma mère...
- Speaker #1
Tu as dit ton âge ?
- Speaker #0
J'ai 29 ans bientôt. Donc, à l'époque, il n'y avait pas autant de choses. Il existait de la farine de châtaigne, voilà. Moi, je me souviens d'un jour où ma mère, qui m'a toujours apporté énormément d'amour, et je pense pour ça que mon enfance n'a pas été traumatisante en lien avec la maladie, c'est que j'ai eu énormément d'amour autour de moi et de soutien. Mais je la revois faire des petits pains à la châtaigne, les sortir du four et on les goûte. Et ils étaient absolument immondes. Mais je vois parce qu'on en rigolait, mais j'ai vu aussi dans ses yeux. Parce qu'il fallait faire des efforts et ma mère élevait deux enfants en travaillant à 100% et c'est vrai que l'alimentation ça a été bretonne en plus, donc en Bretagne c'est du beurre, de la farine, du lait. C'est pas très anti-inflammatoire.
- Speaker #1
Pas du tout.
- Speaker #0
Donc voilà, c'était quelque chose à mettre en place. Aujourd'hui il y a tellement de produits qui peuvent se faire. Et là, je me dis, mais ce serait même débile d'être en résistance avec ça, parce qu'il y a des choses super bonnes.
- Speaker #1
Les possibilités sont nombreuses.
- Speaker #0
Complètement. Et voilà. Donc, l'alimentation, l'exercice physique, d'aller marcher, de... De faire du yoga, d'aller nager quand c'est possible. Actuellement, pas, mais d'aller nager. Et puis, après, c'est de prendre soin de moi à fond. C'est-à-dire faire des massages, mettre du chaud dans les endroits où j'ai mal, avoir un bon matelas. Récemment, je me suis offert un bon matelas, enfin, pour mon dos. Mais c'est quelque chose qui me sauve la vie. Et ça fait partie de mon traitement à moi.
- Speaker #1
Donc, en fait... C'est presque une sorte d'hygiène de vie. Vraiment, tu ne vas pas que dans des phases de crise, aller marcher, manger d'une certaine manière. C'est vraiment, tu es comme ça de manière perpétuelle en fait. Tu dois tout le temps être dans ce rythme-là, de faire ton yoga, de manger bien. C'est comme une hygiène de vie pour toi.
- Speaker #0
Ah oui, c'est une recherche de perfection totale. C'est une hygiène de vie qui, si je dépasse d'un poil, ouais. Il y a forcément une forme de conséquences à subir derrière. C'est là récemment, pendant 3-4 jours, j'ai pas fait d'exercice physique parce que j'étais pas en forme. Donc j'aurais dû le faire, mais... Et la reprise et les mouvements, et je vois que ça se... que je... Oui, que je deviens très raide dans mon corps. Et je me dis, waouh, il y avait juste 3-4 jours. Une nuit où je dors moins bien, la journée d'après, c'est de faire des efforts continuels pour que mon corps se réadapte, en fait. Donc oui, c'est une hygiène de vie et je ne suis pas quelqu'un de parfait. Et la perfection ne m'intéresse pas. Mais ce qui est dur pour moi, c'est qu'il faut que je sois parfaite dans mon alimentation, dans mon style de vie, d'exercice physique. de m'écouter, de dormir 8 bonnes heures par nuit. C'est fatiguant.
- Speaker #1
En fait, ce qui n'est pas évident, c'est que ça demande une exigence tout le temps. Une sorte de contrôle, quelque part. Pas forcément choisi. Et tu finis par être dans le contrôle et l'exigence de toi-même parce que tu sais que ça aura des conséquences moins négatives. Mais la maladie qui fatigue aussi fait que c'est plus difficile d'avoir ces exigences-là. Donc je trouve que c'est... C'est là où est tellement un énorme dilemme. C'est que tu sais que tu devrais tous les jours faire ton yoga, ta natation, manger, te faire des plats sains anti-inflammatoires et en même temps, ton état fait que c'est plus compliqué d'avoir cette hygiène-là aussi. Donc, ce n'est vraiment pas évident.
- Speaker #0
Non, et il y a aussi tout ce qui est du plaisir derrière. C'est un équilibre qui est hyper subtil à trouver. Oui. Et ce n'est pas toujours un peu... tangible, je suis jamais sur la bonne ligne d'équilibre mais il y a aussi le plaisir l'envie de tiens aujourd'hui j'ai juste envie de rien faire ou j'ai envie de manger ce super cheeseburger ou ce cheesecake et voilà et au bout d'un moment je crois aussi qu'on a qu'une vie et qu'il faut profiter de tout ce qu'elle peut nous apporter sans exagération après il y a aussi un élément qui est important j'en ai discuté tout à l'heure C'est le côté émotionnel et je crois qu'il faut vraiment prendre soin de soi, mais aussi de ses émotions. Ça peut être des moments d'écriture, de partage, écouter des podcasts.
- Speaker #1
Surtout !
- Speaker #0
Surtout des podcasts, de méditer, des moments où on lâche des choses. Et je te disais tout à l'heure, moi, ça était lié à l'émotionnel. Là, aujourd'hui, tu me reçois pour l'enregistrement de ce podcast. Et j'ai la nuque coincée.
- Speaker #1
Oui, tu nous expliquais un peu tout l'aspect émotionnel à travailler. En tout cas, que toi, tu travailles dans le présent, et qui te fait du bien, et semble aussi te soulager. Et de ne pas être que dans le corps, et aussi tout ce qui se passe dans la tête, et on sait à quel point c'est lié. Et du coup, moi, je me demandais, tu nous disais tout à l'heure que pour toi, la maladie s'était déclenchée à l'âge de 7 ans. Donc, on a bien compris, ça fait partie des gènes. Donc, la maladie, elle est là, elle est endormie. Et puis, à un moment donné, il y a un facteur extérieur qui l'amène. Est-ce que tu serais d'accord de nous en dire quelques mots ?
- Speaker #0
Oui, alors le facteur extérieur, pour moi, a été très émotionnel. On m'a expliqué dans tout ce parcours de personnes atteintes d'une maladie auto-immune que... Si maladie pouvait se déclencher avec un choc émotionnel. Moi, le choc émotionnel, ça a été la rencontre de mon père à l'âge de 7 ans. Donc après, je ne vais pas étayer cette histoire-là. Première rencontre à l'âge de 7 ans. À l'âge de 7 ans, oui, exactement. Et puis, choc émotionnel. Alors, est-ce que c'est vraiment ça qui a déclenché ou est-ce que c'est autre chose ? C'est juste que ce que j'ai pu mettre en... ensemble en fait c'était ce diagnostic avec la rencontre de mon père à cet âge là et ce que je remarque c'est que quand je ne prends pas vraiment soin de mon émotionnel, quand je m'écoute pas, quand je dis oui alors j'ai envie de dire non ou inversement quand quand je dois faire plus d'efforts, quand quand je sens des frustrations, des ressentis qui sont pas forcément agréables, j'ai quelques douleurs qui arrivent Du moment où j'en ai conscience et où j'accepte, je laisse passer, je laisse les émotions traverser, vivre et s'en aller, j'ai moins de douleur. Ouais.
- Speaker #1
Donc ça, je pense que tu as quand même pas mal acquis avec la méditation, le côté je laisse traverser ce qui se passe, j'observe.
- Speaker #0
Méditation et j'étais entourée de personnes vraiment super dans les thérapies alternatives. Et dans ma famille, j'ai une mère qui est aussi thérapeute psychocorporelle. Donc elle a fait beaucoup de massages avant, j'étais sa cobaye, donc moi je ne disais pas non. En plus avec les douleurs, beaucoup de thérapie et qui m'a amenée aussi sur des chemins, qui m'a accompagnée pour que je puisse trouver ma voie de guérison qui me corresponde le plus. Donc j'ai testé plusieurs méthodes, les méditations, l'hypnose, enfin je me la testais tellement je ne pourrais pas toutes les citer et je crois qu'il faut prendre un peu de chaque méthode. Une méthode à soi.
- Speaker #1
Une salade mêlée.
- Speaker #0
Exactement. Une belle salade mêlée et donc croquer les feuilles quand on en a besoin.
- Speaker #1
Il y a des choses qui te restent justement de ces thérapies alternatives ou de ces méthodes. Tu dis, voilà, tu prends un peu tout. Est-ce qu'il y a des choses comme ça que tu pourrais dire ou ça fait déjà partie de ce que tu as dit avant, l'écriture, la méditation ou il y a d'autres choses que tu pourrais mettre en avant qui t'ont aidé dans ces méthodes-là plus alternatives ?
- Speaker #0
Je pense que ça dépend vraiment de comment on vit la maladie. Comme moi, je l'ai expliqué, c'est le côté très émotionnel. Donc tout ce qui est douleur, sensations physiques, raideur, etc., médication, je le mets à part parce que c'est des choses peut-être qui peuvent être similaires avec d'autres personnes. Quand je parle des émotions, c'est tellement personnel, des ressentis. Et moi, je fais le lien entre les deux. Mais j'arrive quand même un peu à les séparer. Pour moi, je dirais que les choses qui fonctionnent, c'est de prendre soin de ses émotions à fond, de son mental, de s'en libérer. Alors, il y a tellement de choses maintenant de développement personnel. Je ne peux pas lancer le sujet du développement personnel, mais il y a vraiment de bonnes choses à prendre dans toutes les méthodes, dans tout ce qui peut être dit. Il y a de très bons livres à lire sur les maladies, sur le fait de... De ne pas être le nombril du monde parce que parfois, et encore aujourd'hui, je me sens comme la personne la plus importante au monde parce que j'ai mal et pas à toi. Et c'est pas normal. Et donc c'est encore un travail à faire. Je le fais tous les jours, c'est un travail quotidien à faire. Quand on a mal, on ne sait pas ce que vivent les autres. Mais c'est aussi de pouvoir se lâcher et de se dire ok, c'est ok, tout est ok. Aussi, avec une maladie auto-immune, ce qui s'est vraiment beaucoup développé chez moi, c'est la capacité de résilience. Donc, je ne suis pas fataliste du tout, mais c'est OK. Et je m'adapte à tellement de choses, aux changements, parce que je me suis adaptée à mon corps, à tout ce qui pouvait me faire vivre. Mais ce que je lui fais vivre aussi au quotidien, parce qu'on accuse souvent le corps et tout, mais le pauvre, on lui en fiche des choses. Et ouais, du moment qu'on accepte qui on est, comment on est, on trouve ces méthodes pour s'aider justement à accepter. Ouais. Je ne sais pas si tu...
- Speaker #1
Tout à fait. Tu parlais de la guérison avant, la voie de la guérison pour toi. Qu'est-ce que la guérison pour une personne qui a une maladie ?
- Speaker #0
Ben, tout et rien. Parce que, pour moi en tout cas, Je ne pourrais jamais en guérir de cette maladie, c'est à vie. C'est un gène qui s'est déclenché et qui sera là à vie. À mes yeux, la voie de la guérison, c'est ce chemin coloré, joyeux, qui sent bon, qui est apaisant, qui soulage, qui est plein d'amour. Je vis un peu dans le monde des bisounours, mais c'est mon chemin de la guérison. Et c'est ce qui me fait du bien. Et c'est ce chemin où je suis entièrement moi-même et où je me fais du bien. Pour moi, c'est ça. Du moment où je me fais du mal, donc je vais dire non quand j'ai envie de dire oui, ou inverse. Quand je mange un cheeseburger, même si sur le moment le goût est super bon, et je me dis c'est trop génial ma vie, ce que je suis en train de vivre là maintenant. Je sais, je me fais du mal. Là, je m'éloigne de la voie de la guérison.
- Speaker #1
Pour revenir justement à ces petits plaisirs aussi, quand est-ce que tu acceptes de te les accorder tout en te disant il y aura peut-être des conséquences ? Est-ce qu'il y a des moments où tu te dis genre là je me fais ce plaisir-là, là je me fais une soirée jusqu'à 5h du matin, ça va être l'horreur peut-être le lendemain, les jours, les semaines à venir ? Enfin, est-ce qu'il y a des moments où tu es d'accord de ne pas rentrer dans une négociation avec toi-même et te dire ok, je fais ça, ça va certainement me déglinguer, mais je le fais ?
- Speaker #0
mais là on sort du contrôle dans ces moments là c'est spontané je peux même pas te dire quand c'est spontané maintenant je dois quand même avouer que ça fait 3-4 ans que j'ai plus fait de grosses soirées jusqu'à 5-6h du matin où je fais quand même attention parce que je remarque le résultat je paye plus cher en fait que l'entier de la soirée même si c'était magique ouais Donc les soirées jusqu'à 5-6 heures, oui, quand c'est cocooning, mais plus boîte de nuit, non, ça fait longtemps que je n'ai pas fait ça. Je crois que c'est spontané, c'est sur le moment. Oui. C'est sur le moment de la vie et heureusement que ça peut être spontané, sinon tout est dans le contrôle.
- Speaker #1
Et dans ces moments-là, il se passe quoi par exemple ? Moi, j'ai donné l'exemple des soirées, mais ça peut être autre chose, un petit plaisir que tu as. Je ne sais pas, tu te retrouves avec des amis l'été à boire du vin. Est-ce qu'il y a un moment donné où ça peut être sur autre chose, mais qui, tu sais, va te faire du mal, mais sur le moment, te fait du bien ? Qu'est-ce qui se passe à ce moment-là ? Tu te dis, bon, tant pis, c'est beaucoup trop bon, j'y vais. Est-ce qu'il y a des idées ? Parce que tu parles de la spontanéité, mais je pense qu'il y a quand même le corps qui doit sentir une mini-résistance à un moment donné, être là genre Attention, ça va être hard
- Speaker #0
Ah oui, alors là, moi, j'ai le petit ange et le petit diable sur les épaules et tu as le petit ange qui me dit Ne fais pas ça. Tu verras, demain, tu ne seras pas bien. Dans quelques semaines, si tu manges ce super gâteau meringué à la framboise, tu vas souffrir. Et le diable qui dit Mais vas-y, tu pourrais mourir demain. Et en fait... Dans ce moment-là, quand je décide d'acheter ce petit cake meringué à la framboise, c'est un exemple, je vais le déguster, mais de toute mon âme. Ouais. Et c'est en pleine conscience et chaque bouchée est un pur plaisir parce que si je le mange à la va-vite, comme si c'était rien du tout, déjà j'ai acheté quelque chose pour ne pas vraiment l'apprécier. Puis en plus de ça, je vais avoir une conséquence qui peut être de la douleur. Donc si je choisis... c'est assez contrôlant le terme je choisis le côté spontané si je vais dans la spontanéité du moment je me dis ah mais ça moi c'est maintenant et tout mon corps limite ça va dans les tripes cette envie de manger ce cake et du
- Speaker #1
coup je le mange mais alors sans aucun scrupule sans aucun scrupule easy peasy easy peasy clairement moi je trouve hyper beau ce que tu dis parce que J'aurais un peu cette sensation que sur le moment, tu peux te dire, bon, j'y vais, je vais le prendre, ce gâteau, ce cake à la framboise, ce meringue, je ne sais. Mais en même temps, finir par le manger dans la culpabilité. Et du coup, pas du tout de profiter de l'instant présent. Et c'est souvent ce qui peut arriver, même dans des régimes ou des choses comme ça. C'est que tu finis par céder et puis tu ne profites même pas. Alors que paraîtrait-il qu'il vaut mieux dans ces moments-là craquer et vraiment vivre cet instant et le prendre de tout son corps. Et c'est ce que j'entends dans ton discours et que je trouve quelque part très beau, c'est que tu t'accordes des plages comme ça, mais au moins tu les vis vraiment et tu n'es pas en décalage. Et je trouve que c'est une très belle philosophie de vie, en tout cas, à prendre.
- Speaker #0
Et ça, ça se passe quand j'aime les choses, parce que l'énième verre de vin en fin de soirée... Si je sais que, par exemple, ça ne me ferait pas forcément du bien, et en plus, je ne l'aime pas parce que j'ai assez bu et que je n'ai plus envie, je ne vais pas le prendre.
- Speaker #1
C'est sûr que tu ne vas plus forcer les choses.
- Speaker #0
Voilà, je ne force plus.
- Speaker #1
Mais toutes ces belles choses, je trouve très positives, font me demander, est-ce que, malgré toutes les difficultés, évidemment, qui amènent cette maladie pour toi, est-ce que tu arrives à en retirer des choses positives ? Est-ce que tu arrives à... C'est peut-être un peu fort, et arrête-moi si jamais, mais est-ce que tu arrives à dire merci des fois à cette maladie pour certaines choses ?
- Speaker #0
Oui, clairement. Merci d'être arrivée si tôt dans ma vie, parce que j'ai tellement appris. J'ai grandi très vite, j'ai été mature très vite, pour plein de raisons différentes, mais principalement parce que je devais prendre soin de moi. C'est moi qui vivais ces douleurs intensément, ce n'est pas mes parents. des amis, c'est que moi et encore aujourd'hui. Donc je peux m'en vouloir qu'à moi-même, entre guillemets, si je faute. Donc merci à cette maladie d'être arrivée si tôt dans ma vie parce que ça m'a appris à prendre soin de moi et à écouter, à regarder aussi autre chose que mon nombril, peut-être à des moments, de penser que si pour moi c'était possible, pour d'autres ça l'était aussi. Et puis je crois que c'est une grande force, ça m'a appris... À être forte, à être résiliente, à être compréhensive. Et en même temps, avoir ce caractère de quand c'est non, c'est non. Parce que tout mon corps dira non et quand c'est non, c'est non. Ouais. Et cette... Ouais, cette... Pas cette rage de vivre. J'aime pas ce terme, rage de vivre, comme si c'était le dernier truc au monde. Il fallait s'y accrocher.
- Speaker #1
Est-ce que désir de vivre, ça te parle plus ?
- Speaker #0
Ouais, après j'ai jamais été... Ma vie n'a jamais été en... Ma maladie n'est pas létale. Donc, finalement, c'est...
- Speaker #1
Oui, mais tu peux, je pense, quand même, à un certain stade, faire le choix de ne plus pouvoir te battre, de ne plus en avoir envie, d'être dans la colère. Et je pense que, je ne sais pas, mais la colère t'a peut-être traversé souvent, la frustration. Donc, je ne sais pas, mais les termes rage de vivre ou désir de vivre, je pense qu'elles ont du sens aussi, parce qu'il y a un moment donné, tu dois choisir aussi un bout. Même si tout n'est pas noir et blanc et que des fois, tu es plus dans le désir de vivre et le lendemain, tu as plutôt envie de te laisser aller. Mais je trouve que ce sont des émotions qui sont fortes, qui sont obligées de t'animer pour continuer alors qu'il y a des douleurs, des frustrations et des difficultés.
- Speaker #0
Totalement. Et je crois que c'est parce qu'autour de ça, mon monde n'est pas que douleurs et colères et frustrations. Il y a aussi tellement d'autres choses magnifiques. Et je crois que c'est ça qui m'a raccrochée à des moments où, en fait, c'est trop cool. C'est là, sur Terre, c'est trop cool. Il y a des choses merveilleuses. Il y a des sensations qui sont superbes. Des visions magnifiques. Ouais, après, maintenant, il y a ces douleurs, il y a ces ressentis où c'est génial d'aller escalader une montagne et de voir cette vue sublime sur, je ne sais pas, d'autres montagnes ou des villages ou je n'en sais rien. Mais moi, la montagne, je ne peux pas l'escalader. Donc finalement, c'est aussi tout cet équilibre de dire quand je peux, je le fais et j'en profite à fond. Et la colère, la frustration, encore aujourd'hui, je passe par des moments comme ça, c'est normal. Mais la grosse colère, je l'ai aussi vécue un peu après le déni de l'adolescence, je dirais. Au moment où j'ai réalisé que là, il y avait quand même quelque chose, il fallait que je prenne soin de moi. Et j'ai aussi vécu beaucoup de colère quand j'ai décidé d'arrêter mon métier de base, qui est sage-femme, parce que j'avais trop de douleurs et que je n'arrivais plus à accompagner les couples et les femmes dans la maternité et la parentalité. Et là, je suis passée par des phases. Ça a duré deux ans. J'ai fait une reconversion professionnelle qui a duré deux ans à peu près. J'arrive au terme de ces trois années de reconversion professionnelle. Mais quand j'ai décidé d'arrêter mon métier de cœur, sage-femme, j'ai eu énormément de colère.
- Speaker #1
Mais surtout, parce que tu étais assez jeune, combien de temps tu as pu exercer le métier de sage-femme ?
- Speaker #0
Moins de deux ans.
- Speaker #1
Donc, tu as fait toutes tes études, j'imagine, liées à cette envie-là, de profession-là, et tu l'exerces pendant moins de deux ans, et tu dois accepter à ce moment-là que ce n'est plus possible pour toi.
- Speaker #0
Je n'avais pas le choix d'accepter. C'est soit je continuais et ça n'allait plus parce que j'avais vraiment de grosses douleurs et ça commençait à venir titiller tout le psychique, l'émotionnel, et vraiment je passais par des phases où je me disais, mais là... Là, il faut que j'ai un mois de vacances pour dormir et me reposer. Ou peut-être un petit accident. Mais rien de grave. Mais juste pour qu'on m'oblige à m'arrêter.
- Speaker #1
Parce que j'imagine que... Enfin, je n'en sais rien, mais ton travail, il n'entendait pas forcément les douleurs que tu avais. Le fait que des fois, tu devais être peut-être en arrêt.
- Speaker #0
Non, ça, je n'ai jamais vraiment abordé ces sujets-là. Il savait que j'avais cette maladie. Mais je n'ai pas abordé ces sujets-là. J'ai l'impression que c'est tellement... Plus aujourd'hui, mais à l'époque j'avais l'impression que c'était tellement personnel d'avoir une maladie que le travail c'est le travail.
- Speaker #1
Ouais, tu scindais du coup.
- Speaker #0
Exactement, et aujourd'hui c'est totalement différent. Avec cette reconversion, j'ai vraiment décidé de mettre au cœur de ma vie ma santé. Ce qui fait qu'avant je disais je ne suis pas qu'une maladie mais elle fait partie de moi complètement. Mais pour qu'elle existe, pour qu'on cohabite ensemble, parce qu'elle est là et moi je suis là, mon esprit est là, voilà. Mais pour qu'on puisse être les deux ensemble dans ce corps et qu'on soit du bien, parce qu'il faut qu'on apprenne à s'apprivoiser, à s'aimer et à prendre soin l'une de l'autre en fait. C'est un peu comme ça que j'ai vu les choses au début, où je me suis dit ok, là ça ne va pas. Et c'est soit je me bats encore, je vais dans la bataille contre une maladie, soit je me dis mais en fait déjà une maladie auto-immune, pour rappeler le terme, c'est se battre contre soi-même. Donc, si après, je vais encore me battre contre quelque chose qui se bat contre moi-même, moi, je suis arrivée à un stade où j'ai dit qu'on ne peut plus, en fait. Ouais, j'en peux plus. J'aimerais de la simplicité, j'aimerais que ce soit... que ça coule, que ce soit doux, rempli d'amour, de chaleur. Et là, ce n'était pas du tout ça. C'était froid, méchant, glacial. Et du coup, en mettant ma santé au cœur, de ce choix de reconversion professionnelle, c'était pour me dire Ok, tout ce que je vais choisir ensuite dans le métier que je vais faire, l'environnement de travail, le salaire, tout ce qui fait partie d'un travail, j'avais vraiment besoin que ça aille en lien. Du moment où il y a un drapeau qui s'allumait, il me disait Non, tu vois, la une heure de train ?
- Speaker #1
Ben non. En fait, tu as dû laisser de la place à cette maladie. Sans qu'elle en prenne trop, mais quelque part, tu disais, à la base, tu scindais le travail et cette chose-là personnelle. Et maintenant, tu lui as laissé sa place. Elle est là, en fait, tout le temps avec toi. Ça veut dire qu'elle est même là au travail. Ce n'est pas un besoin de forcément l'exprimer tout le temps, mais de se dire, comment j'adapte ce travail-là à moi et cette partie d'elle aussi, quelque part.
- Speaker #0
C'est à nouveau de s'écouter. La différence avec le métier de sage-femme, que moi j'exerçais les nuits, je faisais parfois des douze heures, des horaires irréguliers. Là, dans le métier que je fais, c'est des horaires de bureau. Pour moi, ça change une vie. À 17h, 18h, je l'ai finie. Donc, j'ai toute la soirée. Je peux faire mon cours de yoga. Je peux me faire un bon plat, me poser devant un film ou aller manger à l'époque, avant le coronavirus au restaurant. D'aller boire l'apéro en été sur une terrasse. Il n'y avait pas tout ce côté où le travail prenait énormément d'ampleur dans ma vie. En fait, j'ai vraiment lâché parce que j'avais accordé une importance au travail qui était... qui était vraiment forte. Et j'ai délaissé du coup ma santé ou moi. Du coup, je me suis délaissée. Malgré que le travail était génial. Vous n'en sachez pas, mais c'est normal d'accorder une importance très forte à ce métier-là. Mais aujourd'hui, mon travail n'a pas une grande importance autant grande. C'est important dans ma vie, je m'y investis. J'aime ce que je fais, bien sûr. Mais ce sera moi d'abord.
- Speaker #1
C'est un des domaines de ta vie.
- Speaker #0
Complètement. C'est pas tout. Non. Et aujourd'hui, c'est... Et ça peut être très égoïste, mais c'est moi, moi, moi et moi. Parce que s'il y a une part de moi-même que je n'écoute pas ou que je ne valorise pas, il y a un moment donné, ça ne va pas. Et je suis quelqu'un de très... Enfin, je suis à l'écoute. Je me trouve à l'écoute, en tout cas. Je me trouve généreuse, compréhensive. Mais je dois penser à moi d'abord. Et c'est... Et j'ai appris. Pendant ces trois dernières années, je crois que toute ma vie, ça m'a demandé à apprendre. Et aussi, merci pour ça. J'ai appris à être égoïste, mais en positif.
- Speaker #1
Et pour pouvoir certainement mieux donner aussi. Ensuite, tu parles de ces qualités que tu as, la générosité et tout. On oublie bien souvent que ça passe en premier par soi pour pouvoir offrir ces choses-là aux autres.
- Speaker #0
Complètement.
- Speaker #1
Mais alors là, on est souvent très loin de ça, malheureusement. Mais du coup, je me demandais aussi, parce que tu parlais de reconversion professionnelle et... Qu'est-ce qui t'a donné cette opportunité-là ? Parce que j'imagine des questions très pratiques ou pratiques, mais quand tu fais une reconversion, peut-être que tu n'as plus de salaire. Comment ça s'est passé un peu pour toi pour pouvoir changer, du coup, semblerait-il professionnellement, assez drastiquement de vie à ce niveau-là ?
- Speaker #0
Je pense qu'il faut aller chercher et bousculer les opportunités quand il le faut. Ce qui s'est passé pour moi, c'est que quand j'ai arrêté le métier de sage-femme, j'avais déjà eu un rendez-vous à l'AI un jour, donc l'assurance invalidité. Je ne sais même plus pourquoi j'avais eu un rendez-vous. Ils avaient ouvert un dossier et ils me proposaient des stages, etc. Et j'étais à un ou deux mois de l'obtention de mon diplôme sage-femme. Moi, à ce moment-là, je ne comprenais pas de quoi on me parlait. Et j'ai... J'ai refusé en fait les mesures d'aide parce que je n'avais pas besoin, vu que j'allais diplômer sage-femme et que ça allait bien dans ma santé. Et en fait, ce qui s'est passé, du coup, quand j'ai arrêté sage-femme, donc à peu près deux ans plus tard...
- Speaker #1
T'as arrêté sur un coup de tête ?
- Speaker #0
Non, c'était une décision assez réfléchie et c'était avec les douleurs que j'avais, j'ai remué. que j'étais longtemps j'ai cogité longtemps dans ma tête sur comment faire pour pouvoir faire les deux mon métier mais en même temps prendre soin de moi et avoir cette maladie est en fait certainement que c'est possible mais comme moi j'aimais les situations d'urgence je travaille dans les services d'urgence à l'époque et après j'ai aussi travaillé dans une petite maternité c'était différent mais il y avait aussi des situations d'urgence moi j'aimais ça donc j'aurais pu être sage femme indépendante, libérale ou juste donner des cours de préparation à la naissance. Mais ce n'était pas ce qui me plaisait. Et je me dis, si je fais un métier juste pour continuer mon métier parce que j'ai peur ou pas le courage de faire autre chose, c'est dommage parce que ce qui m'anime dans ce métier-là, peut-être je ne le verrai plus. Donc en fait, j'ai fait vraiment une grosse croix en rouge sur le métier de sage-femme et j'ai dû faire le deuil quelques années après. Il y a une année environ, j'ai fait le deuil de ce métier-là.
- Speaker #1
hyper dur parce que juste dans tes mots tu parlais de métier de coeur du coup j'imagine toutes les projections positives que t'avais là dedans,
- Speaker #0
tous tes rêves et voilà aussi jeune en plus ça faisait pas longtemps du tout non et ce métier je serais toujours sage-femme ça je l'ai compris dans mon deuil, c'était pas le deuil du métier de la femme, de la maternité des accouchements, c'était le deuil de la profession Mais demain, pas demain, mais dans quelques années peut-être, pourquoi pas avoir un projet où je lis ce métier de cœur avec un autre métier. On ne sait pas de quoi demain est fait, donc pourquoi pas. C'est un outil que j'ai maintenant dans mon bagage professionnel. C'est une part de moi que j'accepte. Et du coup, l'arrêt Sage Femme, ça a réouvert un dossier à l'assurance invalidité. Et ça a été assez compliqué mon parcours parce que... Et là, les invisibles prennent tout son sens. On m'a regardée dans les yeux et on m'a dit mais... Vous êtes bien habillée, vous êtes une jolie nana, pourquoi vous voulez un dossier à la livre ? Vous n'avez pas de douleur, vous n'avez pas de maladie.
- Speaker #1
Donc il faudrait quoi ? Il faudrait mal s'habiller et ne pas rentrer dans les standards de beauté ?
- Speaker #0
Je ne suis même pas rentrée là-dedans, mais j'étais tellement outrée, je me suis dit, waouh, ok, d'accord. Donc c'est quelqu'un de cette institution-là qui me dit ça et vraiment, et j'en parle.
- Speaker #1
Donc ce que vous avez entendu, il n'y a pas de souffrance.
- Speaker #0
Je ne sais pas trop qu'elle s'était sous-entendue. Moi, je n'ai pas bien pris cette remarque-là parce que je me suis dit, je viens déposer un dossier pour avoir une aide. Maintenant, je pense que c'était très maladroit. Je n'accuse vraiment pas cette personne. Si elle nous écoute, merci parce que cette personne a pu m'aider à arriver là où je suis aujourd'hui. C'est aussi grâce à elle. C'est vrai que le premier contact a été reçu très froidement de ma part quand j'ai entendu cette remarque-là. Et c'est quelque chose que je n'accepte plus. D'où le fait que je trouve que le nom de ton podcast est parfait.
- Speaker #1
Quand tu dis que tu n'acceptes plus, qu'est-ce qui se passe pour toi ? Est-ce que tu vas lutter contre ce genre de phrases ?
- Speaker #0
Je ne vais pas lutter, je vais les laisser passer parce que lutter, c'est mener une forme de combat et j'ai autre chose à faire. Mais je ne sais pas, peut-être que des gens prennent connaissance ou de juste... Faire remarquer qu'on ne sait pas ce qui se passe chez les autres. C'est dans le non-jugement, en fait, dans l'accueil de l'autre total. Quelqu'un qui pleure dans la rue, on ne sait pas ce que la personne vit. Et c'est la même chose dans les maladies auto-immunes, dans les maladies invisibles, toutes les maladies confondues. Donc ça me fait rire aujourd'hui d'en parler parce que je me dis, waouh, en trois ans, il y a eu du chemin parcouru quand même et c'est top. Et cette reconversion, là, m'a menée à faire formatrice d'adulte. Donc, de donner des cours en technique de recherche d'emploi à des personnes. Donc, j'étais au début à 30 puis à 50% et à 80. Et là, je suis assistante de direction dans une entreprise. Et de temps en temps, je mets quand même un pied dans la formation. Ok,
- Speaker #1
extra. Et donc, tu as vraiment été soutenue ? pendant cette reconversion par l'assurance invalidité, du coup ?
- Speaker #0
Totalement. OK. Totalement. Ils m'ont aidée à financer tout le brevet fédéral, en fait, que je suis en train de terminer, de formatrice d'adulte. Et puis, après, financièrement, j'avais presque le même salaire, à 20 près, peut-être, mais l'argent n'était tellement pas important. C'était obligé d'avoir de l'argent pour payer ses factures, se nourrir, etc. Mais à ce moment-là, dans ma vie, quand j'ai décidé d'arrêter ce métier de cœur, il y a eu beaucoup de choses qui se sont, entre guillemets, effondrées. J'aime plus trop ce terme, mais financièrement, j'y prêtais moyennement attention. Mais en effet, il n'y avait plus ce salaire sûr de recevoir chaque fin de mois. Professionnellement, on n'en parle pas. Côté famille, j'étais très soutenue, donc ça c'était top. J'étais en couple à l'époque et le couple n'a pas tenu à ça. Donc est-ce que c'est ça qui a fait que le couple n'a pas tenu ou le couple n'aurait pas tenu tout court ? Ça c'est encore une autre histoire. Donc voilà, j'ai eu vraiment l'impression que c'était l'année du je rase tout J'enlève toutes les fondations et je reconstruis quelque chose sur un terrain qui est sain. Et c'est ce qui s'est passé. Et ouais, ce n'était pas évident. C'était un virage dans ma vie, une tornade. Et en fait, c'est une tempête, mais une tempête qui porte mon nom. Donc finalement... Ouais,
- Speaker #1
un sacré bouleversement, mais dans le terme positif.
- Speaker #0
Aujourd'hui, oui. Sur le moment, c'était très difficile.
- Speaker #1
Ouais, j'imagine.
- Speaker #0
Mais en plus, je me suis dit, bon ben, je suis jeune. Et la chance que j'ai à ce moment-là, c'est que je peux tout faire.
- Speaker #1
Ouais, et moi, je trouve joli qu'on puisse adapter le monde professionnel aussi aux maladies des gens. Et même si ça demande à faire des fois des grands deuils, il y a des choses qui sont possibles, de loin pas pour tout le monde et toutes les maladies invisibles, mais pour certaines personnes, il y a des choses possibles. Et des fois, de pouvoir changer dans ce domaine-là, professionnel, ça a un impact sur énormément de choses. Ensuite, de la vie plutôt privée. pour ne pas être tout le temps en lutte, quoi. Et de pouvoir profiter des instants aussi de repos et de ces choses-là, et ne pas être que dans la peur, j'imagine, et la difficulté en allant au travail, dans un travail qui ne convient plus.
- Speaker #0
Complètement, et en fait, c'est sortir d'une zone qui ne nous convient pas. Et pour sortir d'une zone, on parle de zone de confort, on parle de ligne de vie, selon les méthodes quantiques ou autres. Quand on sort d'une zone, ça demande un courage. énorme de faire le pas mais une fois que le pas est fait mais tout se déroule à merveille parce qu'en fait c'est juste la vie elle attendait juste ça ou l'univers ou dieu ou peu importe ce en quoi on peut croire la vie n'attendait juste que ça qu'on se bouge et qu'on dise ah ouais non là en fait l'action je vais la faire pour que tout se déroule et dans mon job à l'époque ça allait pas j'avais des douleurs et du moment où j'ai dit stop et j'ai dit stop mais c'était pas un stop d'appel à l'aide ou un stop de colère ou c'était juste un stop qui était totalement et purement ok et je me souviens j'ai annoncé à des amis J'ai fait tout le monde le même soir j'ai pris à part les gens c'était un nouvel an en plus je me souviens donc j'ai dit à mon compagnon de l'époque demain je suis plus âge par am donc je pense qu'il n'a pas tout compris ma mère aussi je lui ai envoyé un message alors qu'elle était à l'autre bout du monde en me disant demain je ne suis plus sage-femme à d'autres copines etc et les gens étaient dans les réactions c'était attends tu délires, qu'est-ce qu'il y a, qu'est-ce qui se passe qu'est-ce qu'elle nous fait et en fait j'ai clairement dit non, stop, c'est fini Et je crois que c'est une des plus belles choses que je me suis faite pour moi.
- Speaker #1
C'est hyper beau. Et ça a pu être accueilli aussi par l'entourage, justement, à ce moment-là. Après, j'imagine l'effervescence du 31, où tout le monde se dit, elle est en train de nous péter un câble. Est-ce que ça a pu être entendu ? Est-ce que ça a créé des discussions ?
- Speaker #0
Ça a forcément créé des discussions. Je suis en train de dire à tout le monde, je change de vie. Demain, je change de vie. Donc, forcément. Mais c'était une des plus belles décisions que j'ai pu prendre. Ce n'était pas la plus facile. de moi pas, je pense que c'est une des décisions les plus difficiles que j'ai dû prendre dans ma vie. Pas que d'arrêter ce métier-là, mais de tout changer. Et de changer complètement la vision que j'avais de la vie. La vision que j'avais de moi dans cette vie. De ma vie en fait. Et par contre, c'était la plus belle chose que j'ai faite pour moi. Alors oui, forcément que ça crée des questionnements, ça crée des discussions jusqu'à pas d'heure sur le mais est-ce que tu vas bien ? qu'est-ce qui se passe ? en quoi on peut t'aider ? En fait, tout s'est bien déroulé parce que j'ai laissé les choses se faire comme elles devaient se faire. J'ai quand même dû bien me battre, j'appelle ça une bataille parce que j'ai dû batailler pour qu'on me reçoive à certains rendez-vous, j'ai dû batailler pour que ma maladie... me permettent d'avoir des aides parce que comme j'avais choisi le métier de sage femme c'était un peu vous avez choisi donc voilà et donc où il ya eu certaines batailles à faire mais à côté à côté ça s'est fait quoi
- Speaker #1
Oui, c'est super. Je trouve très intéressant aussi ce que tu nommais par rapport... On a beaucoup de projections de soi dans la vie. On s'imagine mille et une choses, très souvent qui viennent de l'extérieur aussi, et des facteurs environnants, l'éducation. Et j'ai vraiment cette sensation que la maladie ou les maladies demandent de déconstruire tous ces schémas. Et des fois, ça peut sembler assez facile parce que ce sont des choses qui ne sont pas forcément encore réalisées. C'est des choses qu'on projette. Et en même temps, ces projections sont tellement énormes et hyper intenses. Et de devoir revoir ça et de se dire, en fait, ma vie ne va pas du tout ressembler à ce que je peux imaginer et les idées avec lesquelles je suis bercée depuis des fois toute petite. Et toi, tu as réussi à mettre de côté, entre guillemets, dans le sens que tu dis, ce sera toujours mon métier de cœur, je serai toujours sage-femme, ce qui est vrai. Et en même temps, je vais mettre ça de côté. Et devoir refaire une vie complètement différente, même si on est d'accord que le domaine professionnel ne fait pas tout, mais c'est beaucoup. Surtout comme toi, tu disais, c'était une valeur importante, le travail. Donc, c'est hyper courageux, en fait, de se dire, j'accepte que ma vie, elle soit différente de la projection qu'il y avait.
- Speaker #0
Totalement, et c'est à l'encontre de ce que la société nous inculque depuis le début, sans parler de ce qui se passe dans la société, des mœurs, etc. Moi, je me voyais... Quand j'étais jeune, je me voyais à... Moi, 30 ans, j'étais déjà âgée quand j'étais jeune. Quand j'arrive aux 30 ans, je me sens encore plus jeune que quand j'en avais 15. Je me voyais maman avec le cliché, mais avec le chien dans le jardin, un travail super, je m'épanouis, mais quel travail, je n'en sais rien. Et aucun manque d'argent, vraiment les choses sont cool. Et en fait, je me rends compte que cette vie-là, Bah si je la veux, il suffit que je claque des doigts et j'y vais quoi. Dans cette vie-là, c'est pas compliqué. Mais finalement, c'est pas du tout la vie qui m'intéresse. Et aussi dans ce qu'on peut nous inculquer de familial, des... Comme je disais, moi j'ai été élevée avec une maman solo. Donc elle nous a protégées et moi ayant cette maladie, je me suis sentie encore plus protégée. Donc je ne peux pas dire que ce n'était pas bien ou bien. J'en ai vraiment bénéficié. Donc je ne peux qu'être reconnaissante de cet amour-là et de ce soutien-là. Mais après, encore aujourd'hui, dans certaines décisions que je peux prendre, je peux avoir des idées qu'elle aurait. Et c'est là de se dire, attends, ma vie, moi, je veux que ce soit comment ? Mais pour tout. Là, je prends l'exemple d'une maman, parce qu'en général, quand on grandit, on grandit avec ses parents, on reprend nos antérotypes avec ses parents, etc. Dans un cadre où les parents vont nous accompagner, nous offrir des possibilités, nous inculquer des valeurs, etc. Et puis souvent, on se calque. Sur ce qu'on nous a transmis, ce qui est logique. Et moi, j'ai appris très tôt à me dire, je ne veux pas, je ne veux pas.
- Speaker #1
Incroyable. Mais du coup, je voulais te poser la question. C'est les deux dernières petites questions de fin. Si tu... Pouvais faire passer un message à toute personne qui a à l'heure actuelle une maladie invisible et on s'en fiche de laquelle. Qu'est-ce que tu voudrais leur transmettre ?
- Speaker #0
Déjà, bravo ! Parce que vous vivez avec quelque chose qui ne doit pas être évident au quotidien. Donc bravo ! Et puis que c'est ok. Mon message c'est que tout est ok. C'est ok de ne pas être bien aujourd'hui ou demain, c'est ok d'aller mieux, c'est ok de ressentir certaines choses, c'est ok de vouloir demander de l'aide et de ne pas rester enfermée en fait. Pas obligée d'en parler forcément si on ne ressent pas le besoin ou qu'on a peur, mais de ne pas rester enfermée, d'être soutenue. Déjà, j'ai l'impression que je dis on mais en tout cas, je me sens très seule, mais ça me va très bien. Déjà qu'il y a cette solitude qui peut être présente quand on a une maladie invisible, l'idée, c'est de ne pas rester dans cette solitude tout le temps, et de ne pas rester dans ce cadre de oh mon Dieu, j'ai ces symptômes, ou je me sens mal, ou il y a ça et de pouvoir contacter nos deux personnes, de s'entourer, d'en parler, comme je disais, si on en ressent le besoin, et que c'est OK. Et un autre message que j'ai envie de faire passer, c'est qu'il y a une histoire avec le roi Salomon, qui a une bague, et dans sa bague, il n'y a que lui qui peut voir ce message inscrit. C'est noté, ça aussi, ça passera. Et moi, ça m'a aidée. Cette douleur aussi, elle passera. Ce sentiment aussi, ça passera. Ça aussi, ça passera. Et de me dire ça passera, ben oui, ça passe, si je me focalise plus là-dessus.
- Speaker #1
Est-ce que tu aurais un message aussi à transmettre à l'entourage des personnes qui ont une maladie invisible ?
- Speaker #0
Ben, c'est que c'est ok aussi. C'est que c'est ok de peut-être se sentir impuissant, de se ressentir triste ou en colère. C'est ok et... De faire preuve de compréhension, c'est tellement dur à demander parce que c'est de compréhension mais d'acceptation. D'où le c'est ok. Que peut-être aujourd'hui, ce n'est pas un bon jour. Peut-être qu'aujourd'hui, c'est difficile. Aujourd'hui, c'est facile, mais moi, j'ai mal dormi. J'étais inquiète pour mon enfant, pour mon compagnon, pour mon frère, ma sœur. J'étais inquiète. Lui, il a super bien dormi, il est en forme, mais moi, ce matin, pas. Oui, mais c'est ok. Et de se dire que vous n'êtes pas cette personne, elle ne sera jamais vous. Et de pouvoir vraiment faire cette différence-là, d'être à deux sans rien de se devoir. C'est tout un travail, bonne chance, mais... À nouveau, mon conseil, c'est que c'est OK, que ça passera, et tant que vous êtes là, c'est que vous êtes déjà un cadeau pour la personne qui vous compte dans son entourage.
- Speaker #1
Et une toute dernière, qui va te sembler peut-être un peu originale, c'est si cette maladie est un super pouvoir, lequel serait-elle ?
- Speaker #0
Ah ouais ! Je crois dans la forme de l'empathie, de l'entraide, c'est grâce à cette maladie que je peux faire des métiers d'accompagnement. Donc, ouais, de guérison, parce que finalement, j'ai tellement d'outils.
- Speaker #1
De compréhension de l'autre ?
- Speaker #0
De l'autre, d'envie de vous dire, prenez votre cahier, allez sur YouTube. Voilà, de transmettre des messages de guérison, en fait, d'aide, en tant que super pouvoir en lui-même. Je ne sais pas pourquoi, ce n'est pas bon pour moi.
- Speaker #1
Oui, mais je pense que c'est difficile à répondre à ces questions et c'est un peu l'exercice que ça demande parce que la maladie est souvent quand même vécue comme quelque chose de difficile et c'est normal avec tout ce qu'elle amène de compliqué dans un quotidien et une vie. Mais c'est tout d'un coup la faire changer de place, tout d'un coup la voir sous un autre rôle. Ça peut être quelque chose de très... Très, très créatif, très imagé, je veux dire. On est bien d'accord que de base, ce n'est pas un super pouvoir. Mais si on pouvait imaginer ça ou la fantasmer par rapport à ta maladie, à toi, qu'est-ce que ça pourrait être ?
- Speaker #0
Moi, je dirais que ça pourrait être mon arme secrète de nouveau de compréhension, d'écoute. Mais j'ai l'impression que comme j'ai tellement travaillé sur moi-même, les émotions, les ressentis, les douleurs physiques, Je capte plus facilement ce qui peut se passer aussi chez les autres. Et puis, je crois que mon super pouvoir, ça peut être la résilience.
- Speaker #1
Carrément.
- Speaker #0
Complètement.
- Speaker #1
Merci.
- Speaker #0
Merci à toi.
- Speaker #1
Je crois que c'est terminé pour nous. En tout cas, c'était super de pouvoir t'interviewer. Vraiment. Et j'ai hâte que ça puisse se diffuser.
- Speaker #0
Merci à toi. C'était un chouette moment. Merci à toi. Ouais, et si il n'y a rien qu'une personne qui nous écoute a pu être touchée, c'est gagné. Ouais,
- Speaker #1
je suis tout à fait d'accord.