- Seynabou Thiam
En Afrique, on a le continent où il y a le taux d'entreprenariat féminin le plus élevé. Il faut donner les compétences aux femmes pour qu'elles puissent naviguer de manière sereine dans cette société, mais tout en ne s'oubliant pas et en n'oubliant pas leurs ambitions aussi.
- Chloé Girardin
Hello, c'est lundi et tu fais bien d'écouter les Mennos pour lancer ta semaine avec une dose d'inspiration. C'est Chloé, ta podcasteuse préférée. Et aujourd'hui, j'accueille Seynabou Thiam. On a une discussion passionnante sur l'entrepreneuriat et le digital au Sénégal. On confond nos quotidiens et elle nous partage ses engagements auprès des Sénégalaises qui souhaitent entreprendre. Tu vas kiffer Allez, installe-toi confortablement C'est bon Alors c'est parti Bonne écoute Et si l'épisode te plaît, pense à le partager Bonjour Seynabou, comment est-ce que tu vas
- Seynabou Thiam
Bonjour Chloé, ça va très bien et toi
- Chloé Girardin
Écoute, ça va aussi. Je suis très contente de t'avoir aujourd'hui. Pour les personnes qui ne te connaissent pas, est-ce que tu peux te présenter, s'il te plaît ?
- Seynabou Thiam
Alors, moi, je m'appelle Seynabou Thiam. Je suis Sénégalaise et je vis au Sénégal aussi. J'ai un peu bougé, on va dire, à droite, à gauche, mais maintenant, je suis revenue au Sénégal. Alors, je suis la fondatrice de Smart Ecosystem for Women. qui est en fait une agence spécialisée dans l'accompagnement du plein potentiel des femmes partout en Afrique. Et c'est quelque chose qu'on fait maintenant depuis six ans.
- Chloé Girardin
Génial. On va revenir un petit peu sur ce que tu fais aujourd'hui. Et je te propose d'abord qu'on passe un petit peu dans le passé pour savoir comment est-ce que tu es tombée dans le digital et la tech.
- Seynabou Thiam
Alors moi, je suis tombée dedans par hasard. Vraiment par hasard, en fait. Un besoin qu'on avait à l'époque quand je suis revenue au Sénégal. Quand je suis rentrée au Sénégal, je suis rentrée avec mon fils qui avait à l'époque tout juste 4 ans. Et j'avais déjà eu une fille en France et quand je l'ai eue à l'époque, ça m'avait beaucoup aidée de trouver des forums de maman en ligne pour trouver vraiment plein d'informations utiles. J'étais loin de chez moi, sans ma maman à moi et sans non plus ma famille. Donc, je suis un peu isolée par rapport à ça et ça m'avait énormément aidée. Et quand je suis rentrée au Sénégal, c'est vrai que ça m'avait manqué. Et j'avais à l'époque aussi ma meilleure amie qui attendait son enfant pour une césarienne. Elle était assez angoissée par cette idée et voulait aussi partager, avoir accès à l'expérience d'autres mamans. On s'est dit, ben tiens, on va peut-être créer un forum, mais on n'avait pas du tout... Les compétences techniques pour ça, on est allé au plus simple. On est allé sur Facebook pour créer un groupe Facebook. On s'est dit qu'on allait juste inviter nos copines, nos collègues, nos connaissances. Mais on s'est réveillé et on s'est retrouvé à 300, 600 en moins d'une semaine. Et on s'est très vite rendu compte qu'il y avait ce même besoin. Il devait être partagé par beaucoup d'autres mamans. C'est là... qu'a démarré cette aventure sur le digital en créant d'abord ce forum-là sur Facebook et ensuite qu'on a fait grandir avec plein d'autres activités. Mais je pense que je pourrais détailler ensuite.
- Chloé Girardin
Oui, carrément. Du coup, ça naît d'un besoin de maman. Donc, on va chercher sur Internet le soutien. Donc, déjà, incroyable, cette vague qui a eu énormément de monde. Tu ne t'es pas sentie trop dépassée au début par les événements
- Seynabou Thiam
Si, totalement dépassée. Et à l'époque, j'avais un boulot à côté dans mon domaine d'activité qui était le mien à l'époque, dans la santé. Parce que moi, j'ai fait des études en biologie, j'ai évolué dans l'industrie pharma, dans la promotion pharmaceutique. Et quand je suis rentrée au Sénégal, j'ai cherché un boulot dans ça. Et donc, j'avais un boulot. Et quand je rentrais à la maison, je me mettais sur le groupe. Je faisais la modération, je faisais les choses, etc. Et très vite, ça a pris beaucoup, beaucoup de temps. Je me retrouvais jusqu'à une heure du matin à être dessus. Et on s'est rendu compte qu'il y avait un potentiel pour faire quelque chose. Et ça tombait bien parce qu'à l'époque, cette meilleure amie avec qui on a fondé, cofondé cette plateforme, son mari venait de lancer une des premières agences de marketing digital au Sénégal. Et il nous a dit, tiens, venez. de développer cette plateforme dans l'entreprise. Et on a discuté, c'est parti vraiment d'une conversation assez spontanée comme ça, où on s'est dit, tiens, ce serait intéressant de voir ce que ça peut donner, d'aller jusqu'au bout du concept. Et moi, j'ai arrêté ce que je faisais pour rejoindre l'agence. Et j'ai rejoint dans un format d'intrapreneur, où en fait, l'idée, c'est que je venais pour développer cette plateforme qui allait devenir un peu le produit vitrine de l'agence de marketing. Et je pouvais puiser dans les ressources de l'agence pour ça. Et c'est comme ça qu'on a commencé à faire ça. Et moi, finalement, je me suis auto-formée. à tout ce qu'il fallait faire, à gérer une équipe de développeurs, à gérer des équipes de designers, à commencer à réfléchir à des stratégies de community building en ligne, à mettre en place des stratégies pareilles de community management, etc. Donc, j'ai vraiment, j'ai été auto-formée, enfin, je me suis auto-formée. Et merci YouTube parce que c'était comme ça que... Et c'est ce que je répète toujours maintenant à mes collaborateurs. YouTube est un meilleur ami parce qu'on peut tout apprendre sur YouTube. Et je me suis juste, j'étais tellement animée par une envie d'apprendre et j'étais curieuse. Et c'est quelque chose que j'ai toujours aimé. J'ai toujours été attirée un peu par le digital, mais sans pour autant que ce soit mon métier. Et j'ai plus ou moins été à l'aise. J'ai toujours été un peu à l'aise là-dessus. Et donc, pour moi, c'était vraiment une opportunité. pour aller un peu plus loin, au-delà de ma curiosité, et commencer vraiment à acquérir des compétences un peu plus techniques et aussi tout ce qui concernait le vocabulaire. Je ne suis pas allée dans le coding, je suis restée vraiment dans la partie communication digitale. Mais après, acquérir tout ce qui est process et vocabulaire pour pouvoir gérer des équipes de développeurs qui après étaient censés nous développer des applications mobiles, des choses comme ça. Donc c'est comme ça que ça s'est passé vraiment en auto-formation.
- Chloé Girardin
Génial. Déjà, je te rejoins sur la partie YouTube, le meilleur ami. On peut tout apprendre. C'est ça qui est merveilleux, c'est qu'il y a de tout. Je trouve ça très chouette. Tu passes du domaine de la santé, au final, tu rentres au Sénégal et tu arrives à un projet qui était un petit projet censé être entre copines qui devient au final un projet entrepreneurial. Est-ce qu'avant, tu t'étais dit j'ai envie de devenir entrepreneur, de faire des choses comme ça C'est vraiment en fait par la nature et par les événements, comment ça s'est construit comme ça
- Seynabou Thiam
Oui, c'est vraiment, on va dire, l'occasion a fait l'opportunité. L'opportunité m'a donné cette occasion-là. Je n'ai jamais été vraiment dans une idée, dans une démarche de monter une entreprise. J'ai toujours été salariée et quand je faisais ça, j'avais déjà une quinzaine d'années. de vie professionnelle derrière moi. Et donc, ce n'était pas vraiment un objectif professionnel pour moi. C'était un monde que je découvrais. Parce qu'ensuite, il a fallu se rendre compte que... Et ce qui était intéressant dans ça, c'est de voir... Parce qu'on avait une... Moi, j'avais en tout cas personnellement une perception du business comme quelque chose qui s'arrêtait à peut-être certains business classiques. Et que finalement, le digital n'en faisait pas partie. Et c'était vraiment une découverte de voir comment on pouvait structurer en fait une activité et développer une entreprise autour du digital, vendre des services et tout ça. Et donc c'est quelque chose aussi qu'on a dû apprendre, tout ce qui est, tout l'aspect entrepreneurial. On est devenu entrepreneur, moi je suis devenue entrepreneur sur le tas. J'ai dû apprendre à gérer une structure, à gérer des équipes et tout ça. Et vraiment, c'était quelque chose qui n'était pas du tout prémédité. Pas du tout.
- Chloé Girardin
Et du coup, tu as tout appris sur le tas. Donc, c'est bien, ça vient un peu renforcer l'idée que le digital, c'est quand même quelque chose qui peut être accessible à tout le monde au final. Parce qu'on voit souvent l'univers de la tech comme quelque chose de très technique, comme son nom l'indique. Et on n'imagine pas que n'importe qui, avec l'envie, la soif d'apprendre, peut se former sur tout ça. Aujourd'hui, c'est ce que tu fais, tu accompagnes les femmes à prendre leur place sur les réseaux et sur la partie digitale. Comment ça se passe Comment est-ce que ça se traduit Et qu'est-ce que tu leur partages
- Seynabou Thiam
Oui, effectivement, moi je suis devenue entrepreneur de manière, on va dire, un peu sur le tas comme ça. Et on a fait vivre cette plateforme de maman pendant des années. On a fait énormément de choses. On a essayé de monétiser. On a développé des applications, des sites, etc. Et quand le COVID est arrivé, le digital a pris vraiment encore plus de place dans nos vies de plusieurs manières. Et en fait, je me suis, à l'époque aussi, je pense pour plusieurs personnes, le COVID a fait un peu un électrochoc. On se posait des questions. Et moi, j'avais envie aussi d'explorer d'autres choses. Et je me suis dit, comment je peux continuer à faire ce que je faisais au service des mamans et capitaliser en fait sur toutes ces années-là. Et c'est vrai que dans les conversations qu'on avait sur la plateforme, il y avait beaucoup les questions économiques et d'entreprenariat. Et je me suis dit, en fait, moi, de la manière dont j'ai appris beaucoup de choses sur le tas, je suis sûre qu'aussi beaucoup de femmes ont besoin d'être accompagnées dans leur aventure entrepreneuriale. Et c'est là où j'ai compris... créer donc SEAL, Smart Ecosystem for Women, et où je me suis positionnée plus sur l'accompagnement des femmes du point de vue économique, donc les entrepreneurs, et plus tard, de plus en plus maintenant, l'accompagnement du développement de carrière, mais vraiment sur la partie ambition professionnelle, que ce soit entrepreneuriat ou en salariat. Et effectivement, on porte beaucoup de programmes pour développer les compétences des femmes. sur le digital, parce que même si, en fait, moi, des fois, je me dis, bon, j'ai appris beaucoup de choses, mais je me dis, j'ai encore de la marge, j'ai encore tellement de choses à apprendre. Je me rends compte que même ça, en fait, ça peut être énorme pour d'autres personnes. C'est des compétences que moi, je considère peut-être de base, mais que beaucoup ne vont pas avoir. Et effectivement, ça contribue énormément, en fait, à la... la productivité des entreprises. Et souvent, les entrepreneurs, quand ils se lancent, ils font tout eux-mêmes. On est notre propre comptable, notre propre community manager, etc. Et on a besoin justement de ce socle de compétences de base pour aller maintenant à d'autres niveaux où effectivement on peut commencer à recruter des personnes pour faire ça pour nous. Mais je pense que l'entrepreneur en tant que tel, elle-même, doit avoir quand même un minimum, ce que j'appelle... le minimum de survie pour pouvoir être autonome quand même, quelles que soient les situations. Donc, c'est comme ça, en fait, qu'on a démarré l'aventure et on a eu la chance d'avoir un premier partenaire, Meta, anciennement Facebook, qui avait ce type de programme où il fallait outiller les entrepreneurs pour mieux maîtriser la communication digitale et utiliser en tout cas les plateformes sociales comme... lieux de vente et d'accès au marché. Et c'est comme ça qu'on a lancé l'aventure en portant en fait ce type de programme-là où on formait les femmes et on les accompagnait à développer leurs compétences digitales.
- Chloé Girardin
Super. Et j'aimerais bien que tu me parles un petit peu de l'entrepreneuriat, l'écosystème entrepreneurial qui se passe au Sénégal. Parce que tu m'avais parlé, raconté, quand on a préparé l'épisode, que c'était un système parfois très informel, notamment pour les femmes. Et donc, j'aimerais bien un peu en savoir plus comment ça se construit par rapport à ce que tu as pu voir aussi en France et voir un petit peu déconstruire peut-être des idées reçues qu'il peut y avoir et qu'on peut avoir en France ou en Europe par rapport à l'entrepreneuriat au Sénégal ou même plus globalement en Afrique.
- Seynabou Thiam
Alors, en Afrique, tu termines par l'Afrique. Je vais continuer là-dessus. En Afrique, on a le continent où il y a le taux d'entrepreneuriat féminin le plus élevé. Il est de 25%. Et en fait, ce n'est pas surprenant qu'une étude sorte ça, parce que culturellement, en tout cas même moi au Sénégal, depuis longtemps que je me souviens, les femmes sont entrepreneurs. Alors, tout dépend maintenant de comment on définit cet entrepreneuriat-là. Et je pense que nous, en Afrique, aujourd'hui, on est dans cette phase où on se réapproprie les choses. On redéfinit aussi les termes. de la manière dont ça nous correspond, à savoir qu'en fait, aujourd'hui, l'entrepreneuriat en Afrique, elle peut avoir des formes totalement différentes. Et les femmes sénégalaises, si je reviens au Sénégal, elles sont toutes entrepreneurs. Salariées, pas salariées, formelles, pas formelles, en fait, c'est un mindset. Elles sont hyper-entrepreneuses parce qu'elles sont, en fait, pour le comprendre, il faut... connaître notre société où les femmes sont vraiment en socle de la société et elles sont en socle économique. Parce que depuis longtemps, en fait, même avant qu'on soit dans les temps modernes, les hommes allaient chercher de la richesse et venaient confier la richesse aux femmes qui géraient cette richesse-là. Donc, on a toujours eu, en fait, ce rôle de gestionnaire. Et maintenant, dans les temps modernes où il y a l'entrepreneuriat, il y a maintenant le monde des start-up et tout ça, ça revêt d'autres formes. Mais dans la culture, en termes de culture entrepreneuriale... Les femmes ont toujours été hyper entrepreneurs au Sénégal. Et donc, c'est quelque chose qui continue. Et en fait, le Sénégal a un tissu économique qui est à majorité informel. Donc ça, c'est structurel. Les entreprises, même des fois, qui ne sont pas des petites structures, elles vont être semi-informelles parce que la formalisation, elle coûte de l'argent, ça nécessite des ressources. Et finalement, ce n'est pas toujours à la... portée de tout le monde. Donc, il y a eu des avancées. On essaye aussi de faire un peu de plaidoyer pour qu'il y ait un système qui soit plus inclusif, notamment même pour les micro-entrepreneurs, qu'ils puissent quand même être formalisés et avoir un système fiscal, législatif qui soit beaucoup plus adapté à leur fonctionnement. Donc, il y a quelques avancées, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. Donc, finalement, les gens vont vont lancer leur entreprise, faire des activités, générer des revenus, mais être en fait en marge de la formalisation, qui nécessite quand même beaucoup de ressources, et ce n'est vraiment toujours pas à la portée des entreprises. Et du fait que ce n'est pas à la portée aussi, on a beaucoup d'entrepreneurs qui ne vont pas avoir la culture de la formalisation, c'est-à-dire qu'ils ne vont pas savoir. Comment intégrer, par exemple, le fait de payer les impôts, comment intégrer le fait de payer certains services en comptable, en juriste, des choses comme ça. Elles ne vont juste pas savoir parce que ça ne fait pas partie de la culture, on va dire, populaire, économique du pays. Et ça aussi, il y a certains programmes qui accompagnent dans ça, dans tout ce qui est accès à la formalisation, pour que, de un, en fait, ils aient les ressources pour se formaliser. Et de deux, qu'ils puissent aussi avoir la culture de la formalisation pour mieux comprendre à quoi justement ça sert. Et ça a beaucoup, il y a eu quelques déclics quand même, pas mal de déclics pendant la période du COVID, parce qu'il y a eu beaucoup d'aides qui n'étaient accessibles qu'aux entreprises qui étaient déclarées formalisées. Et donc là, les gens se sont rendus compte que si je ne suis pas connue de l'administration, l'administration ne peut pas m'aider. Mais voilà, mais c'est quelque chose qui... Je pense qu'en cours, chaque gouvernement va venir apporter quelque chose de nouveau et le plaidoyer continue en fait à accompagner cela. Mais majoritairement, on reste encore dans une économie très informelle.
- Chloé Girardin
Merci pour la stade du début que je ne connaissais pas et que je trouve génial pour avoir été au Sénégal. C'est vrai qu'en y repensant, tu vois et tu sens cette vague d'aller. essayer de se débrouiller, de vendre, de mettre en place des choses. Et donc, tu me disais, aujourd'hui, il manque encore des ressources, il manque encore peut-être de l'accompagnement sur un mindset pour formaliser tout ça. Est-ce qu'il manque d'autres choses Et toi, comment tu accompagnes ces personnes-là Quelles sont leurs interrogations quand elles viennent te voir, leurs blocages et comment est-ce que tu les aides sur tout ça
- Seynabou Thiam
Il manque, il va toujours manquer, je pense, des choses parce que le monde change, le monde évolue. On est, par exemple, passé à un monde de l'intelligence artificielle. Là, ça y est, maintenant, ce n'est plus de la théorie. On l'a en pratique dans nos vies. Et je vois aussi l'inquiétude que ça crée pour certains entrepreneurs qui se sentent un peu largués par rapport à ça. Tant qu'il y aura du digital, il y aura en fait un accompagnement continu parce que l'innovation, elle est permanente dans le digital. Donc, il y a toujours cet aspect-là à accompagner. Sinon, à côté de ça, en termes de choses qui doivent encore être améliorées. Et à côté de ça, il y a vraiment la question du financement. Alors, l'accès au financement au Sénégal et dans beaucoup de pays d'Afrique, je n'ai pas généralisé, mais dans beaucoup de pays d'Afrique, pays d'Afrique, reste encore très compliqué, notamment aussi pour les femmes qui sont encore victimes de beaucoup de biais et de stéréotypes liés au genre. Mais indépendamment de ça, structurellement, en fait, les banques en Afrique sont très peu, en tout cas, adaptées aux entrepreneurs et aux petites structures. C'est très difficile d'avoir accès au crédit, c'est très difficile d'avoir accès au financement et notamment les financements adaptés aux activités parce qu'on va avoir un tissu économique avec une majorité de TPE ou de micro-entreprises qui ne sont absolument pas, par exemple, la cible des VCs, des capitales investisseurs. qui ont des montants, des tickets minimums d'un million d'euros, alors qu'on est en fait en face d'entrepreneurs qui ont plutôt des besoins de 5 000 euros, par exemple. Donc, il y a vraiment le secteur financier qui n'est pas structuré suffisamment, adapté au type d'activité qu'il va y avoir. Et encore une fois, ça, il y a encore beaucoup d'avancées qui se font. Jusqu'à présent, on avait ce qu'on appelait le microcrédit au Sénégal, qui était... le plus populaire pour le financement, notamment des femmes entrepreneurs, mais avec des taux d'intérêt qui sont excessivement élevés et du coup qui sont très coûteux. Et entre-temps, on a eu aussi l'État qui fait beaucoup d'efforts, qui crée des agences d'accompagnement à l'entrepreneuriat. On a vu la naissance de la direction de l'entrepreneuriat rapide des femmes et des jeunes et qui disposait en fait d'un fonds pour... financer les entrepreneurs et ils continuent à faire ce financement-là et qui propose justement des tickets qui étaient accessibles. On a même vu, par exemple, la création de véhicules de financement, des micro-financements journaliers pour, par exemple, les femmes qui vont vendre du poisson au marché. C'est-à-dire que chaque matin, elles pouvaient aller à un guichet, emprunter de quoi acheter le poisson et une fois qu'elles vendent la journée, elles vont rembourser. Et donc, on voit ces innovations-là qui arrivent quand même un peu. Mais globalement, aujourd'hui, quand on est une PME ou une petite entreprise sénégalaise, on a très peu de chances d'avoir accès, en tout cas, au crédit, parce que les process de risque sont encore faits pour... des grosses entreprises qui ont des garanties que les petites entreprises ne peuvent pas avoir, et ça, ça reste encore très compliqué. Et le dernier élément en termes de choses encore à faire, c'est vraiment tout ce qui est accompagnement au développement des compétences humaines, les soft skills, mais pas que pour les femmes. Nous, au début, on a commencé par accompagner tout ce qui est le développement du leadership, développement personnel, connaissance de soi, etc. Tout ce qui est communication, les règles de communication et communication non violente. Et on s'est très vite rendu compte qu'en accompagnant les femmes, il fallait aussi accompagner les hommes à ça. Parce que les femmes évoluent aussi dans un monde où il y a des hommes, elles ont leur maison où il y a des hommes, elles sont dans des entreprises où il y a des hommes. Et donc, il faut aussi faire ce travail-là. du point de vue de la société. Donc vraiment tout ce qui est développement personnel, leadership, connaissance de soi, ça on voit réellement les transformations que ça fait, les déblocages que ça peut faire, notamment pour les femmes sur tout ce qui est confiance en soi et ambition, se donner les moyens, oser, la capacité à oser. Ça vraiment, ça débloque énormément de choses. D'autant plus qu'il faut ramener ça à un contexte culturel qui est particulier, qui est le nôtre, mais où la société a une énorme place dans la vie des femmes notamment. Et donc, il faut donner les compétences aux femmes pour qu'elles puissent naviguer de manière sereine dans cette société, mais tout en ne s'oubliant pas et en n'oubliant pas leurs ambitions aussi.
- Chloé Girardin
Oui, il y a beaucoup de travail, beaucoup de choses à faire. Après, il y a la société sénégalaise et je trouve qu'il y a quand même des similarités. Je pense que dans le monde entier, en tant que femme, il faut arriver à se dire...
- Seynabou Thiam
Une femme dans chaque continent, on prend un café ensemble, je pense qu'on va arriver à parler des mêmes choses.
- Chloé Girardin
C'est ça qui est assez fou. Je ne sais pas si c'est fou dans le bon sens, mais dans le sens où au moins, on ne peut pas se sentir seule parce qu'on trouvera... Toujours des copines et des oreilles qui peuvent nous entendre et nous comprendre, même si le quotidien est forcément différent parce qu'on évolue dans des pays différents. Et tu disais aussi sur la partie financement. Aujourd'hui, tu vois, je prends l'exemple de la France. C'est un peu ralenti, mais la tech est quand même un secteur où il y a énormément de levées de fonds, où il y a beaucoup de startups qui naissent et beaucoup de projets comme ça. Est-ce que ce sont des choses où, pareil au Sénégal, la tech est un secteur qui génère beaucoup d'argent et fait naître beaucoup de valeur Où est-ce qu'on en est par rapport à tout ça Est-ce qu'on retrouve des similarités par rapport à ce qu'on a en Europe
- Seynabou Thiam
Alors, on ne va pas du tout avoir le même type d'écosystème quand on parle de tech. Il faut savoir qu'en fait, et encore une fois, c'est cette question de redéfinir les choses par rapport à la réalité des environnements, des pays. Et pour nous au Sénégal, on est déjà dans des... Le Sénégal c'est un petit marché, on est un pays de 17 millions d'habitants, c'est vraiment très petit. Et donc c'est très compliqué de construire des start-up sénégalaises à moins qu'en fait c'est ça. et des produits qui vont avoir un rayonnement africain, voire international. Et par exemple, la seule qu'on ait vraiment licorne, c'est Wave, qui est une fintech, mais effectivement qui va avoir un rayonnement international, c'est de la fintech. Mais en termes, par exemple, on ne va pas pouvoir avoir la même dynamique de levée de fonds, etc. Par contre... On va avoir une dynamique d'innovation dans le quotidien des gens où on va voir vraiment le digital prendre une place dans toutes les choses du quotidien. Par exemple, la grande innovation en tout cas que l'Afrique a pu opérer en faisant d'ailleurs écho à la bancarisation, à l'accès aux banques qui a toujours été compliqué en Afrique, c'est le fait de créer en fait des portefeuilles électroniques. pour les personnes et que n'importe qui peut payer n'importe quoi en scannant de son téléphone. Et je pense que ça, on a été très en avance, même avant l'Europe, etc., sur ce type de produits. Et aujourd'hui, par exemple, même le chauffeur de taxi qui n'a pas d'éducation digitale ni quoi que ce soit, a un portefeuille électronique où il peut encaisser ses courses à travers ça. Donc nous, en fait, c'est comme ça qu'on va voir la présence du digital en termes d'innovation, vraiment des innovations qui vont être très ancrées sur le quotidien, des innovations qui vont être très pratico-pratiques sur notre quotidien. Mais on ne va pas avoir cette dynamique vraiment de start-up où on va avoir des grosses start-up qui vont lever des millions d'euros, etc. Mais au fond, quand on regarde quand même, Je trouve que les innovations qui sont là, elles sont proches de notre réalité et c'est ça qui permet en fait de changer la vie des gens et l'impact qu'on cherche. Parce que finalement, quand on entreprend, que ce soit dans la tech ou ailleurs, ce qu'on cherche à faire, c'est d'impacter la vie des gens, de transformer leur quotidien, de transformer leur vie. Et nous, en fait, je pense que les entrepreneurs, ils comprennent ça et c'est ce qu'ils essaient vraiment. de faire à travers les innovations. On a beaucoup de choses dans l'agri-tech où effectivement, on va beaucoup accompagner les cultivateurs à mieux maîtriser l'arrosage, un arrosage intelligent, parce que nous, on est dans un pays semi-aride où on n'a pas la même pluviométrie que certains pays qui vont être beaucoup plus arrosés. Et donc là, pour le coup, on voit vraiment des entrepreneurs qui sont à l'écoute de la réalité des gens pour pouvoir les proposer. proposer des innovations, proposer des innovations aux pêcheurs pour qu'ils sachent, par exemple, jusqu'à où ils peuvent aller, notamment en termes de frontières, parce que souvent, on a des petites guerrières entre les pays, parce qu'on est allé sur l'espace maritime de l'autre, etc. Et donc, il y a des innovations comme ça pour permettre de gérer son stock en termes d'agriculteurs avec juste des SMS, par exemple. Donc, c'est à ça que ressemble aujourd'hui, nous, notre écosystème entrepreneurial. qui va être extrêmement créatif en termes d'innovation, qui correspond à vos besoins, et moins en fait dans cette, on va dire, culture Silicon Valley, où on va aller chercher pour monter des trucs qui vont très très vite, qui lèvent des fonds, mais qui ont certainement aussi leur impact, mais je pense que ce qu'on est en train de faire aussi est très très utile. Je suis tout à fait d'accord avec toi. Au moins, on voit que les innovations servent à des réels besoins du quotidien et viennent vraiment avoir de l'impact, comme tu dis. Parce que parfois, quand on voit un petit peu l'univers tech, que ce soit en Europe, mais encore plus aux États-Unis, tu te dis que c'est un peu en perdre la tête. Tu vois des trucs popés qui lèvent des millions d'euros ou de dollars. Et tu te dis, mais ça sert à quoi Quel est l'impact Donc, c'est bien de voir qu'il y a énormément d'innovation, mais que l'impact est vraiment pour les besoins du Sénégal et pas forcément pour aller chercher que du profit, du profit, ce qui parfois fait un peu... Ça donne un petit peu le tournis. Et du coup, ça vient à la question que j'aime bien poser et je sais que ça va te plaire, c'est... question de l'image qu'on a de la tech, où c'est être un geek, codé dans sa chambre, caché, et mine de rien, même encore aujourd'hui, en 2025, il y a encore cette image-là. Si on déconstruit ça ensemble, si on fait cet exercice, pour toi, est-ce que tu peux me donner une définition autre de la tech Surtout, par exemple, pour les nombreuses femmes qui entreprennent et que tu accompagnes, qui n'ont pas forcément de background technique. pour vraiment que ce soit un peu plus fidèle à la réalité, notamment la réalité au Sénégal.
- Chloé Girardin
Moi, une définition, c'est compliqué, mais en tout cas, mon point de vue sur la tech au Sénégal, notamment aussi pour les femmes, c'est juste comment aujourd'hui, devant une problématique, la tech peut m'aider à avancer. C'est aussi simple que ça, en fait, que ce soit avec un visuel canevas ou avec un... code rubis hyper chiadé. Non, ça se vaut parce que finalement, à la fin, on a une solution. Parce que c'est ça qu'on cherche à faire. Donc la tech, elle est là pour nous servir. Elle peut nous servir de plusieurs sortes. Donc à nous, et c'est ce que je dis toujours par rapport aux outils, les outils sont là pour nous, à notre service. Ce ne sont pas les outils qui n'ont pas l'ascendance sur nous, ils nous dominent, etc. On prend l'outil, on apprend à l'utiliser et on lui demande de faire quelque chose. Donc, c'est comme ça que ça doit marcher. Et donc, de se dire finalement, je n'ai pas de complexe à dire que je fais de la tech si je fais juste du design sur Canva. Je n'ai pas de complexe à dire que je fais de la tech parce que je fais deux, trois promptes sur ChatGPT. Il n'y a pas de complexe. Je pense qu'il faut totalement décomplexifier ça parce que… Encore plus ici, je reviens à la culture qu'on a sénégalaise. Comme tu disais, il y a des similitudes partout. Mais encore ici, c'est très exacerbé. On a eu beaucoup de mal à lever un peu ce complexe-là de la tête pour les jeunes filles. Et même sur les études techniques, moi je m'en rappelle, même moi à l'époque quand je passais mon bac, il y avait déjà des programmes pour qu'il y ait plus de jeunes filles dans les filières scientifiques. Et c'était très compliqué parce qu'effectivement, très stéréotypé, voilà, t'es une matheuse, t'es un garçon manqué, enfin voilà, toujours les mêmes choses, les mêmes stéréotypes un peu partout. Je pense que les choses sont similaires un peu partout. Et ensuite, après, nous, le problème qu'on va avoir, c'est qu'une fois qu'on a travaillé sur ça et qu'il y avait moins de blocages sur les filières scientifiques, Les femmes, quand elles rentraient dans le marché du travail, elles n'avaient pas les mêmes chances que les hommes dans le sens où elles ont une charge sociale et mentale, ça on le connaît aussi, hyper importante. Et les attentes de la société sont telles que, dès qu'une femme se marie, nous on a fait une étude il n'y a pas longtemps pour un partenaire sur justement... les carrières des femmes dans les milieux de la tech. Mais en fait, le premier décrochage qu'on voyait, c'était partout pareil, c'était le mariage. Elles se marient, on a les 50 on a un drop-out de 50 elles vont aller dans des métiers support, moins techniques, ou elles vont avoir un 9 to 5, ou elles ne vont pas avoir à aller en dépannage à minuit, une heure du matin. Et voilà, parce qu'on est dans une société où pour une femme, c'est très compliqué d'avoir ce genre. de responsabilité. Donc, on est encore dans ces problématiques-là. Et c'est en levant ça qu'on va arriver à une égalité des chances. Mais aujourd'hui, nous au Sénégal, on a un secteur tech. qui est très, très inclusif, où en fait, les femmes, on leur donne la chance, sauf que le problème, c'est que, OK, la chance, elle est là, mais maintenant, comment je suis avec la société et les attendre, etc. Donc, il y a encore ce travail à faire, mais aujourd'hui, on a moins le problème de barrières, moins de barrières à l'entrée. Les femmes sont hyper compétentes. Elles vont de plus en plus dans des formations, dans des parcours de tech, en fait, en termes de formation. Elles restent... hyper girly, hyper féminine et elles sont super compétentes. Donc ça, on a réussi à régler ce problème-là. Mais on a encore beaucoup de travail à faire pour que les femmes aient les mêmes chances d'aller jusqu'au bout de leur carrière quand elles se lancent en tout cas dans la tech. Donc pour moi, en termes de définition, pour revenir à ta question, c'est vraiment de se dire pas de complexe et j'essaie en tout cas de faire en sorte de de me donner toutes les chances pour aller jusqu'au bout parce que c'est possible et il y a plein d'opportunités.
- Seynabou Thiam
Oui, c'est intéressant ce que tu dis, qu'aujourd'hui, que ce soit en termes d'études ou même de travail, il n'y a plus vraiment de barrière, mais qu'en fait, la barrière, elle se passe dans la vie personnelle. Si tu te maries, et je pense encore plus si tu deviens maman, nous, les... Enfin, moi, je... Je lutte au quotidien pour donner plus de place aux femmes et libérer un peu la charge mentale. Où est-ce que vous en êtes, vous, au Sénégal, par rapport à tout ça, au niveau de la charge mentale, de la répartition dans le foyer On est encore sur la femme qui porte un peu tout.
- Chloé Girardin
C'est carabiné. J'ai envie de te dire. Non, non, c'est encore très compliqué. Par contre, je trouve qu'en ce moment, on s'autorise beaucoup plus à en parler. On avait même le problème d'en parler parce qu'une femme qui va s'exprimer sur le fait qu'elle se sent débordée, que c'est trop dur, etc., c'était compliqué pour elle parce que... Au Sénégal, la femme a un statut dans la société, ou un statut plutôt très, on va dire, idéalisé, etc. Et que le statut social est très important ici. Et donc, le fait d'avouer que c'est dur qu'on y arrivait, c'était une perte de statut social, et c'était en tout cas un risque à prendre. Et ça, c'était très compliqué pour les femmes pour le faire. Mais maintenant... Et justement, le digital, les forums, les réseaux sociaux ont beaucoup, on va dire, démocratisé un peu, dédramatisé le fait de parler de ces choses-là. Les femmes se retrouvent beaucoup maintenant aussi en communauté, en réseau pour en discuter. Moi, je vois dans nos programmes, systématiquement, en l'intègre, il y a toujours une composante sur ça. Donc, au moins, on a cette avancée-là où les femmes, maintenant, l'expriment. Elles l'expriment, mais pour autant, elles ont toujours encore, il y a encore beaucoup de travail à faire. Et quand je parlais tout à l'heure de programmes où on a des programmes de développement personnel, c'est là où on voit les transformations se faire. Et il faut le systématiser, mais c'est difficile aujourd'hui, en dehors du cadre de ces programmes-là, parce que les programmes en général, il y a un nombre de personnes qu'on cible, etc. Mais il y en a plein d'autres qui n'ont pas accès à ces programmes-là. et qui n'ont pas ces outils justement pour trouver une façon d'avoir un équilibre vie privée, vie professionnelle. Mais ici, voilà, il y a la charge mentale, mais aussi il y a la charge sociale. C'est très compliqué parce qu'on a la culture, la religion, les pratiques, les traditions. Donc tout ça, tout ça, tout ça cumulé. plus du fait que maintenant aussi les femmes ont des ambitions professionnelles, elles travaillent au même titre que leurs époux, mais elles continuent toujours à faire autant qu'elles faisaient à la maison. C'est-à-dire que ce n'est pas parce que maintenant elles ont accès, elles ont plus accès en tout cas à certaines responsabilités professionnelles qu'on les a déchargées de ça. Donc ce que nous on essaie de faire, notamment en dehors des formations en développement personnel, ce qu'on essaie de faire aussi c'est de de d'ouvrir le débat dans les réseaux qu'on a, les communautés de femmes, pour leur dire qu'en fait, cette charge-là, nous, on a une image de la calbasse, où on met tout, voilà, culturellement, c'est la calbasse qu'on prenait pour aller au marché, mettre nos légumes et voilà, c'est un peu l'image qu'on donne en disant, en fait, quand vous allez au marché, c'est vous qui choisissez de mettre ce que vous voulez mettre dans votre calbasse. Vous pensez de la même manière quand vous pensez à votre charge mentale et ce que vous vous autorisez à mettre et ce que vous vous autorisez à ne pas mettre dedans pour vous alléger. Et donc, on essaie vraiment d'avoir cette conversation permanente entre femmes de manière bienveillante. Et aussi, comme tu disais tout à l'heure, on a toujours quelqu'un qui a su trouver une solution de par son expérience et d'avoir des espaces où les femmes peuvent se partager leur expérience cumulée. Et que chacune puisse profiter de quelqu'un qui est déjà passé dans telle situation, qui va peut-être pouvoir me donner des astuces pour aller un peu plus vite. Et surtout, je pense, juste dédramatiser en fait. Et c'est OK de se dire, je veux être un peu plus sereine dans mon quotidien. Ça ne fait pas de nous de moins mauvaises épouses, de moins mauvaises mères ou de moins mauvaises collaboratrices. Et donc vraiment de... créer des espaces bienveillants pour que les femmes puissent en parler.
- Seynabou Thiam
C'est important parce que il y a cette image de la femme qui doit tout faire, qui doit être au travail, qui doit être une maman, qui doit être une femme. Et c'est vrai que j'ai l'impression que les paroles se délient, même par rapport à la maternité. Il y a des choses aujourd'hui qui se disent beaucoup plus des femmes qui ont des difficultés et qui partagent ça. plutôt que dire tout est beau, tout est rose, alors que la réalité, c'est normal. Mais du coup, c'est bien de pouvoir libérer ses paroles parce qu'il suffit qu'il y en ait une, deux, trois qui commencent à en parler. Et du coup, toutes les autres qui vivent la même chose mais qui, du coup, ne disaient rien, peuvent enfin parler et pouvoir se sentir moins seule et échanger. Bon, après, il y a aussi toute la partie... accompagner les femmes à se libérer un peu de tout ça, mais il faut aussi que les hommes fassent aussi leur part de travail et se rendent compte et prennent aussi la charge. Bon, ça, c'est un autre sujet, mais je trouve ça génial déjà tout ce que vous faites. Pour finir, si tu devais un peu imaginer une boîte à outils idéale pour soutenir les femmes qui entreprennent, qu'est-ce qu'on y mettrait dedans
- Chloé Girardin
Je vais commencer par ça. La boîte que j'appelle le kit de survie, ça va être tout ce qui est formation, développement personnel, confiance en soi. Parce que finalement, même, on se rend compte qu'il y a beaucoup de conjoints qui veulent bien faire, mais ils ne savent pas faire. Ou l'épouse, la conjointe ne sait pas bien exprimer son besoin. Donc, tout ce qui est développement personnel, communication interpersonnelle, ça permet vraiment que les personnes soient à l'aise dans leurs relations autour d'elles pour pouvoir exprimer leurs besoins, trouver le soutien dont elles ont besoin et avancer de manière sereine. Donc, ça, c'est la première chose. Moi, je mettrais tout ce qui est, j'appelle ça aussi le kit de survie digitale, tout ce qui est productivité au quotidien. Parce qu'on a, comme je te le disais tout à l'heure, beaucoup de femmes... qui ont des entrepreneurs énormément, mais qui ont des petites organisations où elles font beaucoup de choses toutes seules, elles gagneraient à être plus productives dans leur quotidien avec les outils digitaux. Mais c'est un outil de gestion de projet par-ci, un outil de design par-là, ainsi de suite. Donc vraiment tous ces outils de productivité-là que les femmes puissent être. en tout cas à jour sur ça et de manière continue qu'elles développent leurs compétences. Donc ça, c'est la deuxième chose. Et la dernière chose, je mettrais en fait une carte bancaire d'une banque spécialisée pour les femmes. Voilà. Où en fait, elles peuvent aller et être quasiment sûres d'avoir un crédit parce que la banque est censée être à leur service et pas le contraire. Donc c'est ça que je pense que je mettrais vraiment. dans ça et beaucoup de... Et enfin, oui, il y a une dernière chose, le réseau. le réseau, vraiment une carte de membre, je mettrais une carte de membre à des réseaux de femmes, parce que c'est hyper important, ne serait-ce que ça renforce justement cette confiance qu'on cherche à avoir, mais aussi c'est un lieu d'opportunité pour chacune de nous pour avancer. Et les hommes le font très facilement, ils se mettent facilement en réseau, donc nous il faut... Et on le fait, les femmes sénégalaises sont très communautées, mais je pense qu'il faut plus se structurer et être beaucoup plus dans une approche business où on se dit, OK, on se met en réseau pour aller chercher du business ensemble, pour grandir ensemble, etc. Et bien sûr, grandir en tant que femme, parce que la solution se trouve toujours, en tout cas, entre femmes. Il y en a toujours une qui a une solution. Donc ça, c'est... C'est génial et moi, c'est ce que j'appelle un peu d'avoir son gang à soi. Il faut avoir son gang, les valeurs sûres, deux, trois copines. On sait qu'on peut vraiment, au-delà du réseau très élargi, où c'est plus du réseautage d'opportunités, mais d'avoir aussi ces valeurs sûres, son gang à soi, sa garde rapprochée, sur qui on peut s'approcher. Parce que le système de support pour les femmes, c'est super important. Donc, c'est ça. Je mettrais une carte bleue, une carte de membre, des formations au digital sur la productivité et tout ce qui est développement personnel. Je mettrais aussi des vouchers pour se faire coacher, etc.
- Seynabou Thiam
Bien, j'adore ce kit de survie. J'aime. Surtout le gang de copines qui est toujours super.
- Chloé Girardin
Je suis trop à ça, parce que si ça me sort, je suis en galère. Je vais voir le gang. Donc...
- Seynabou Thiam
J'adore.
- Chloé Girardin
C'est réellement... C'est génial.
- Seynabou Thiam
Et pour finir, j'ai deux questions que j'aime bien poser. La première, c'est quels seraient les trois conseils que tu donnerais à Seynabou d'il y a dix ans ?
- Chloé Girardin
Ouh là là ! Il y a dix ans, c'était quoi ? Ah oui, en plus, c'était les débuts de mon aventure entrepreneuriale à peu près. On venait juste de démarrer il y a deux ans. Le premier conseil, ce serait en fait de voir loin, de voir pas forcément grand, mais de voir loin. C'est-à-dire le fait de se projeter sur... Pourquoi je fais ça et jusqu'où je veux l'amener, en fait. Et donc, ça, c'est la première chose. La deuxième chose, en fait, c'est de faire confiance à son intuition. Il y a beaucoup de choses que j'ai pris du temps à faire. Et une fois que je l'ai fait, je me suis dit, mais pourquoi j'ai attendu aussi longtemps ? Donc, de faire confiance à son intuition. Et la troisième chose, c'est vraiment de ne pas hésiter à s'asseoir à la table des grands. On a souvent un peu d'appréhension, par exemple, on va dans des événements, on voit des personnalités, etc. Non, de ne pas avoir de complexe à aller s'asseoir avec eux, discuter avec eux, parce que souvent aussi pareil, c'est des gens normaux comme nous et qui sont très contents de partager. Et donc, ça nous fait avancer énormément. Et donc, c'est aussi une forme de mentorat, c'est-à-dire d'aller soi-même se chercher des mentors. et donc voilà c'est ça les trois conseils que j'aurais donné de ne pas avoir de de complexe à dire qu'ok j'ai aussi ma place à cette table et d'aller ici à soir magnifique
- Seynabou Thiam
j'adore cette force de caractère ça m'inspire beaucoup ouais mais déjà c'est bien 2h ça prend du temps et
- Chloé Girardin
C'est comme tout. Le leadership, moi, je dis tout le temps, c'est un muscle. Ça s'entretient. On s'entraîne. On a des moins bons jours et on a des meilleurs jours. Mais il faut l'entretenir. C'est comme ça. Et on se dit, je fais le maximum de ce que je peux faire aujourd'hui avec ce que j'ai. Et demain, je ferai mieux. Mais il faut toujours faire. Voilà, ça, c'est important. Et avancer. Et pareil dans le digital, je dis souvent ça, notamment dans les formations. En community management, on fait beaucoup de choses sur les réseaux sociaux, etc. Beaucoup de femmes, oui, mais bon, c'est moche, manque ma créa et tout. Je dis, allez voir, moi, je n'ai pas effacé les choses qui étaient sur mon fil d'actualité il y a dix ans. Donc, allez voir ce que je faisais il y a dix ans, c'était moche. Même moi, je regarde ça, c'est horrible. Comment on peut faire des choses pareilles ? Mais je suis très contente de voir l'évolution. Donc, regardez juste, en fait, le delta. C'est ça qui est important. C'est le delta. Est-ce que je progresse ? Et donc, voilà, ça, on essaie aussi d'enlever moins, de mettre moins de complexes, en tout cas, sur ces choses-là, pour qu'elles s'autorisent, en fait, tout simplement.
- Seynabou Thiam
Bien, c'est important. Et ma dernière question, est-ce qu'il y a une personne que tu aimerais entendre dans ce podcast ?
- Chloé Girardin
Ah, est-ce qu'il y a une personne, moi, j'aimerais bien entendre, je ne sais pas si tu l'as, c'est accessible ou pas, mais j'aimerais bien entendre la fondatrice de Canva. Je connais un peu son histoire, mais je trouve que c'est assez intéressant d'entendre son histoire et de voir en fait en tant que femme quelles ont été les choses qu'elle a mobilisées pour créer cet outil extraordinaire.
- Seynabou Thiam
Ouais, ben écoute, je vais tenter. T'as chance,
- Chloé Girardin
t'as chance.
- Seynabou Thiam
Je vais tenter le challenge. Je ne suis pas sûre que j'y arrive, ou peut-être pas de suite, mais OK. Peut-être que la
- Chloé Girardin
50e ou la 67e sera la bonne, mais qui sait
- Seynabou Thiam
C'est clair, t'as bien raison. Écoute, merci beaucoup pour cette conversation, Seynabou. C'était super intéressant de découvrir l'entrepreneuriat. au Sénégal et tout ce que vous faites, tout ce que tu mets en place pour accompagner les femmes et tous les points communs aussi qu'on peut avoir. Et c'était vraiment passionnant. Merci beaucoup.
- Chloé Girardin
Merci à toi, Chloé. J'espère qu'un de ces quatre, on aura l'occasion justement de faire rencontrer des meneuses à des femmes sénégalaises. Ce serait cool. Ah ouais,
- Seynabou Thiam
je kifferais. Je prends mon billet.
- Chloé Girardin
C'est ça. On en parle. Ce serait avec grand plaisir parce que ça aussi, il y a beaucoup de richesses dans les partages transfrontaliers et voilà, entre les communautés de femmes. Donc, ce sera avec plaisir.
- Seynabou Thiam
Merci beaucoup.
- Chloé Girardin
Merci à toi.
- Seynabou Thiam
Un grand merci pour ton écoute. On se retrouve lundi dans deux semaines pour la découverte. d'une nouvelle meneuse. J'espère que l'épisode t'a plu. Si c'est le cas, laisse-moi ton avis sur la plateforme que tu utilises. Et s'il te reste encore un peu de temps, partage cet épisode à ton entourage pour faire un gros big up à notre meneuse du jour. La bise, si tu le veux bien et toujours plein de loutres dans ta vie. Ciao