Speaker #0Au nom de la liberté. Une série documentaire de Radio Zinzine en 8 épisodes. Liberté ! Liberté ! Liberté ! Liberté ! Au nom de la liberté. Une réflexion autour de la notion de liberté s'appuyant sur l'expérience du Café des Libertés à Fort-Calquier. Les prises de son de terrain s'étalent entre janvier et avril 2022. Épisode 1 Évidemment, tout le monde s'est toujours, depuis, revendiqué de la liberté, que ce soit les anarchistes ou que ce soit l'extrême droite, le mot liberté, il est partout, en vérité. Je crois qu'il y a eu des affiches de Marine Le Pen, là, avec liberté. Donc, si liberté, c'est un concept complètement abstrait, complètement... On peut le remplir de tout. On peut être libre de commettre des crimes. Il n'a pas de contenu en soi. Libre de quoi ? Déjà libre par rapport à quoi et libre de quoi ? Ça c'est les deux questions qu'il faut se poser. Manifestation contre le pass sanitaire, 15 janvier 2022, Fort-Calquin. La liberté, si je n'ai pas ma liberté, quand vous écrivez ça, dans la liberté, vous mettez quoi ? Je mets le fait que je n'aime pas qu'on m'impose les choses. Je veux bien qu'on me l'exprime et qu'on m'explique pourquoi c'est bien ou c'est pas bien, mais je suis libre de ma balance bénéficiaire. La liberté, c'est avoir le choix. C'est-à-dire que c'est ce qu'on n'a plus maintenant. On n'a plus le choix. On est obligé de suivre justement cette parole unique dont je parlais tout à l'heure. Et là, il y a un truc qui ne va pas. Peut-être ce qui est beaucoup plus facile à comprendre pour les gens d'aujourd'hui, c'est la question de la liberté individuelle. Je suis libre de faire ce que je veux, sous la question du Covid, elle a beaucoup mis ça en avant. Je suis libre de prendre les médicaments que je veux, de me faire vacciner quand je veux, de porter un masque si je veux ou pas, etc. Le choix libre, je suis libre aussi d'acheter des produits au supermarché ou à la Biocop, ou choisir entre deux marques de yaourt, etc. Je suis libre. On a souvent distingué deux concepts de liberté, la liberté des anciens, donc la liberté antique, liée à la démocratie, au partage du pouvoir, et la liberté des modernes, liée au libéralisme. Pour les modernes, la liberté ne signifiait pas tant le partage du pouvoir que le fait d'être protégé dans un certain nombre de droits fondamentaux de tout exercice arbitraire du pouvoir. C'est quoi l'idée ? Avec les temps modernes... Il s'est développé l'idée que chaque individu avait un certain nombre de droits naturels qui devaient être respectés par l'État et par l'ensemble des... des autres individus, des droits fondamentaux qui vont être listés notamment dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen pendant la Révolution française en 1789. Et ça c'est une conception libérale, individualiste de la liberté, basée sur l'idée qu'on a des droits fondamentaux qui définissent donc une sphère de vie privée sur laquelle personne n'a le droit d'empiéter et que l'État est censé garantir. La liberté, c'est quand même une notion fondamentale dans notre pays. Il faut aussi y penser. Déjà, une sorte de citoyenneté reconnue pour tous, de non-ségrégation, quand même c'est inscrit dans les constitutions. Vous avez oublié ça ? Moi, j'ai fait des études, un petit peu, pour passer des concours de la constitution. Et la déclaration des droits de l'homme, mais c'est fondamental, on n'arrête pas de le dire, mais il faut le redire, relisez-le, je ne sais pas moi, on devrait l'apprendre à l'école d'ailleurs. Scandée dans tant de bouches qui nous semblent si différentes, situées aux quatre coins de l'échec qui est politique ou même en dehors, que peut recouvrir alors le terme de liberté ? Cette question rencontre un terrain proche, le café des libertés. Un mouvement hétérogène né du confinement débute alors une réflexion au long cours. Le Café des Libertés, ça a commencé en février. Février mars 2020, non mars peut-être, au moment du confinement, je ne sais plus très bien exactement. Personnes rencontrées au Café des Libertés. Ça a été une réponse à un appel national, national des bistrots et des cafés-restaurants qui voulaient faire une journée. On ouvre pour lutter contre leur fermeture. C'est parti de là, l'idée. Merlin. Et ces acolytes, ces amis, etc. sont arrivés, ont fait des réunions avec les Gilets jaunes, il y avait quand même dans ce départ de truc un lien avec les Gilets jaunes, ils sont arrivés et ils ont dit, ok, nous on va faire une action ce jour-là, on va sortir des tables dehors, ils ont été voir les restaurateurs, ils ont fait un tour et ils ont dit aux restaurateurs, est-ce que vous voulez ouvrir vos terrasses, on sera là comme appui et tout. Les restaurateurs n'ont pas voulu, mais on dit ce qu'on peut faire c'est qu'on peut cuisiner en portée, etc. Donc la première idée de ce truc-là, c'était de faire une terrasse et des restaurants qui étaient un peu en galère, qui n'en vendaient plus, et de faire un restaurant sauvage dehors, une fois, one shot, en réponse à un appel qui était national. C'est intervenu à une époque où on nous empêchait de nous voir, on empêchait de voir que les gens puissent se voir. Merlin. Initiateur du Café des Libertés Les rassemblements à plus de 6 étaient interdits, le masque obligatoire, il y avait des protocoles très rigoureux pour pouvoir se rencontrer. Du coup on ne pouvait pas non plus se rencontrer au café, c'était l'époque où les terrasses étaient fermées. C'était une époque qui manquait de café et qui manquait de liberté, donc on a monté la terrasse. Moi j'ai reçu ces infos par des réseaux de gilets jaunes dans lesquels je suis depuis 2018. J'ai reçu les infos, j'ai trouvé que c'était une belle idée. Je ne savais pas à cette époque qui était Merlin, qui était... Bon, je m'étais dit, il y a des gens qui sortent... Et donc j'ai été, le premier jour de ce truc, j'ai été acheter mon truc à emporter. J'ai vu plein de monde. Oui, c'était un des seuls espaces à cette époque qui n'était pas fermé, où il ne fallait pas porter de masque. Où il n'y avait pas de limite, pas de frontière, pas de... Dans un monde qui, à un moment donné, là, dans une société qui était ultra balisée, où on avait plein de droits qui me semblent fondamentaux, qui nous étaient retirés. Et donc c'était un moment ouvert, avec plein de gens, ce jour-là il y avait beaucoup de monde, plein de publics différents, que je vois à Forca. D'univers différents. Et c'était un beau moment. Et pour moi c'était un moment de respiration dans un moment où on était un peu privé de tout. Après c'est vrai qu'on ne voulait pas être non plus dans un... Ce n'est pas vraiment un mouvement contestataire. C'est-à-dire qu'on n'est pas là en train de gueuler avec une pancarte à demander quoi que ce soit à qui que ce soit. On est en train de prendre ce qu'on nous a volé. Notre liberté. Actuellement, dans un contexte pandémique où la question de la solidarité sanitaire se pose, comment penser la liberté ? C'était du coup il y a un an. Personne rencontré au Café des Libertés. Après pas mal de confinement, j'avais passé un an à quand même beaucoup rester dans mon cercle proche, amical. et j'avais un gros besoin de rencontrer des nouvelles personnes. Du coup, j'ai trouvé ça trop marrant qu'il y en ait qui foutent un peu le bordel dans cet ordre et dans cette peur qui figeait un peu la société. Et du coup, la première fois que je suis arrivé, il y avait Nico qui m'a détendu tout de suite et qui m'a montré un peu comment il était aligné. Et du coup, cette peur du masque, cette peur du flic que moi j'avais. Et ben voilà quoi... Lui il m'a dit voilà on est libre, on fait ce qui nous semble juste et en conscience. Et voilà là ce qui nous semblait juste c'était de pouvoir nous réunir, prendre un café. Écouter des gens au micro, des chanteurs, et surtout rencontrer du monde. Et on s'est dit, on a besoin de se retrouver, de discuter, c'est-à-dire de boire un café ensemble, pour confronter nos informations, nos points de vue, simplement échanger. Parce qu'il y a eu une peur-panique, il me semble, au début, beaucoup de gens dont je fais partie, qui sont allés acheter du gel hydroalcoolique au supermarché. en se disant qu'il n'y en aura bientôt plus, parce que du PQ. On peut en rire, mais j'en ai fait. Je faisais partie de ces gens-là. Non, mais parce qu'on nous disait... Je me souviens d'images qu'on nous montrait que des gens tombaient dans la rue à Wuhan, comme si, tu vois, la peste épouvantable. Voilà, puis tout d'un coup, on s'est rendu compte que, ben non, on ne tombait pas dans la rue, que la cathédrale à Fort-Calquier, ça ne sonnait pas toutes les quatre matins pour enterrer les morts. Donc, on s'est mis à se poser des questions, puis à se dire aussi, on ne doit pas vivre comme ça, avec la trouille. de rester chez soi, il faut qu'on se voit, qu'on échange. Donc c'était ça le Café des Libertés. Il n'y avait pas une idéologie derrière, il n'y avait pas un objectif de faire, de créer quelque chose. Il y avait un besoin. de s'asseoir ensemble, spontané, de discuter, faire dialoguer différentes voies d'ici, en suivre les fils, pour tenter d'appréhender ce mouvement, habité de tant d'autres, émanant chacun à leur manière, d'une colère, à la recherche de balises pour habiter une époque troublée. Le Mât des Prés, c'est un bâtiment qui fait 2500 m2, qui peut accueillir plus d'une centaine de personnes, et qui est une partie du résultat de toutes les initiatives qu'on a prises, et de toutes les initiatives qu'on a engagées. Il faut savoir que ce lieu est vide. Laissé à l'abandon par la propriétaire depuis plus de 20 ans, il y a 35 logements qui sont vides. Dans une période où les gens ont besoin d'être accueillis, on a une gratuiterie juste là, on a des habits, on fait... Du don de nourriture, c'est plus à l'ASDAQ, ici on fait au moins le public. Pour les femmes, vous avez toute une armoire, donc il y a trois mois. Oui, c'est bien rangé. On a des gens qui prennent du temps. Chacun prend un peu de temps et s'assure de la bonne tenue du lieu. Après ça fait un mois, un peu plus d'un mois qu'on est là, et ça nous a pris un temps de dingue, d'équiper toutes les chambres en lit, d'équiper toutes les chambres en radiateur, d'équiper, voilà, de créer un niveau de confort acceptable pour des gens qui quittent leur loyer, leur vie, et qui n'ont plus de salaire surtout. Donc en fait, si je comprends bien, le Café des Libertés à Fort-Calqué, il est plus le lieu de passage du public, un peu vivant, social. Et ici, c'est plus... Un endroit pour être logé, est-ce que c'est ça un peu la manière dont ça va ? Oui, c'est ça. Ici, c'est pour la base, c'est pour la partie sociale, événementielle, la partie éducation aussi. Il y a énormément d'ateliers ludiques pour les enfants. On est mercredi, c'est leur journée aujourd'hui, en tout cas à l'ASDAC, à la zone de défense active de la culture, c'est leur journée. Il y a des ateliers musique, des ateliers cirque. tout ce qu'ils pouvaient faire avant sans masque, ils le font ici sans masque. Cette réflexion autour de la notion de liberté s'appuie sur le café des libertés. Il est le terrain d'où elle émerge. Cependant, notre désir n'est pas d'endresser un portrait. Le café des libertés est pour nous le reflet d'un climat social et de formes émergentes de contestation telles que les Gilets jaunes. C'est de ce climat social et de ces enjeux dont nous souhaitons parler. Aujourd'hui, le renouveau du débat, de ce truc de pouvoir échanger, il passe aussi par ces espaces physiques. Les Gilets jaunes, ils étaient sur des ronds-points qu'ils occupaient, qui étaient un lieu physique de réappropriation. Donc ils se réappropriaient à un lieu... citoyens on va dire, pour pouvoir échanger aussi, débattre, etc. Les, comment ça s'appelait, les nuits debout, tous ces trucs-là qui existaient aussi, qui étaient, ouais, on utilise une place publique, on y reste, on discute dans toute la France. Les ZAD, il y en a un peu partout, que ce soit la ZAP de Pertuis, la ZAD de Sif, enfin, Abur, aujourd'hui, ça, et depuis, ça commence au Larzac, quoi. Mais cette histoire de... et au Lerzac c'est pareil, il y avait déjà ce mouvement-là où en fait à partir du moment où on se réapproprie aussi quelque chose, un territoire, un espace, ça peut être aussi un espace du coup de liberté puisque c'est quelque chose qu'on fait, qu'on a déconstruit quelque chose. On a déconstruit la propriété privée, on a déconstruit un peu ces choses-là et on se le fait, on est différent et du coup on se retrouve tous là et là on fait quoi maintenant ? Vous venez d'entendre l'épisode numéro 1 d'Au nom de la liberté, une série documentaire de Radio Zanzine.