- Speaker #0
Au nom de la liberté.
- Speaker #1
Une série documentaire de Radio Zinzine en 8 épisodes.
- Speaker #0
Précédemment. La liberté. Mot scandé dans tant de bouches qui nous semblent si différentes, situées aux quatre coins de l'échiquier politique ou même en dehors. Que peut-il recouvrir ? Libre par rapport à quoi et libre de quoi ?
- Speaker #1
Ces questions rencontrent un terrain proche. Le café des libertés. Mouvement hétérogène, issu du confinement. Espaces de rencontre et de solidarité entre les habitants et les habitantes de Fort-Calquier et alentour. Il est le terrain d'où émerge notre réflexion. Cependant, notre désir n'est pas d'en dresser un portrait.
- Speaker #0
Le Café des Libertés est pour nous le reflet d'un climat social et de formes émergentes de contestation, telles que les Gilets jaunes. C'est de ce climat social et de ces enjeux dont nous souhaitons parler.
- Speaker #1
Ils ont besoin de nous !
- Speaker #2
La police a besoin de nous !
- Speaker #0
Au nom de la liberté.
- Speaker #1
Une réflexion autour de la notion de liberté, s'appuyant sur l'expérience du Café des Libertés à Fort-Calquier.
- Speaker #0
Les prises de son de terrain s'étalent entre janvier et avril 2022.
- Speaker #1
Épisode 2
- Speaker #3
Le Café des Libertés, en fait c'était juste avant qu'il essaye d'arrêter mon beau-frère. J'avais été à une réunion d'anciens Gilets jaunes pour voir ce qu'ils se disaient.
- Speaker #0
Merlin, initiateur du Café des Libertés.
- Speaker #3
Et du coup, il y a un petit vieux qui est venu, qui m'a interpellé, qui m'a dit Ce serait bien de pouvoir créer un espace où on puisse discuter librement et tout ça. Et du coup, il m'a dit Oui, j'ai pensé à un nom, le Café des Solidarités, machin. Il y a d'ailleurs Gros Bigup à Lille, et en fait l'idée elle est là. Du coup il y a pas mal de monde, on a une conférence de Solaris la semaine prochaine qui était déjà venue aussi pour nous expliquer un peu le système de communication. Il y a des mecs qui viennent nous faire une conférence sur nos origines extraterrestres, le micro est libre, du coup tout le monde peut parler, on apprend de tout le monde, c'est cool.
- Speaker #1
Dans un contexte de pandémie, les personnes se retrouvant isolées, coupées des espaces de sociabilité habituels, trouvent un écho dans l'initiative du Café des Libertés.
- Speaker #0
Celui-ci répond alors à ce besoin de se retrouver, d'échanger sans limite. Le micro est ouvert.
- Speaker #4
Il y a une volonté dans ces endroits-là, effectivement, de ne pas donner de limites aux gens et de ne pas bloquer les paroles. Et c'est plutôt un truc que je trouve positif, moi.
- Speaker #1
Personne rencontré au Café des Libertés.
- Speaker #4
Mais ça, c'est ma vision sur les êtres humains et la société dans laquelle on vit. On est des tas de gens, qu'on est tas de vies. Les gros spuscules nazis, ça existe. C'est pas hors de notre monde, ça existe. En fait, ça existe depuis très longtemps. Euh... Je ne dis pas que c'est pour ça qu'on doit leur donner la parole, justement, tu vois, médiatiquement, leur donner des micros, et on le voit que dans notre société c'est fait quand même, très largement, là on a admis quand même depuis, je pense, 5-10 dernières années, on admet une parole totalement déplacée dans des grands médias publics qui touchent beaucoup plus que de ce qu'on parle du Café des Libertés. Et là pour le coup, là ça me dérange, parce que là ça touche des gens, que c'est des espèces de rouleaux compresseurs, etc. Après dans le quotidien, c'est dur d'expliquer ça, parce que c'est une vraie contradiction à l'intérieur de moi-même, j'arrive pas à le dire. Je ne vais pas prendre position claire là-dessus. A la fois, je trouve que des espaces comme ça, qui laissent les gens s'exprimer de tout ce qu'ils sont, de tout ce qu'ils sont, c'est précieux. Parce que ça existe, il y a des gens qui existent et qui ont des pensées racistes, des évolutions racistes, etc. Qui puisse le dire quelque part ? Bah ça me semble être dans la pute liberté d'expression, là on s'enjolasse du terme. Et j'entends que le Café des Libertés ne veut pas, parce que prône cette espèce de liberté totalement de dire non, on ne censurera pas les gens. J'ai jamais entendu au Café des Libertés en même temps, c'est compliqué. J'ai jamais entendu de propos comme ça tenus au micro. J'ai entendu des propos délirants, oui, sur les vaccins, la santé, les puces qu'on allait... Oui, j'ai entendu des gens prendre sur ce truc-là, qui moi me paraissent délirants. Mais d'autres gens ont rattrapé le micro et ont recadré aussi. Donc à un moment, il y a plusieurs paroles qui sont là. Et je comprends qu'ils n'ont pas envie de censurer. Ils n'ont pas envie de se poser comme des gens qui sont des chefs et qui censurent ta parole, ta manière de vivre, etc.
- Speaker #1
Au Café des Libertés
- Speaker #5
Ici, tu vas avoir toutes sortes de mentalités. Après, évidemment, on n'a pas spécialement envie qu'il y ait des gens d'extrême droite ici. ou qui aient des pensées comme ça, mais en même temps, comme dit Marilyn, en fait, il faut parler avec tout le monde. Si tu ne parles pas avec des gens qui sont d'extrême droite et qui n'aiment pas les étrangers, etc., tu ne leur permets pas de changer d'avis, et quelque part, tu les mets aussi. En fait, toutes ces personnes, pour avoir déjà parlé avec des personnes d'extrême droite, certes, ils ont des côtés de leur personnalité qui sont... horrible pour moi, mais je leur trouve quand même des super qualités au fond d'humanité. Tout le monde a ça quand même, en fait.
- Speaker #3
Et moi, je supporte plus quand ils me disent Ah ouais,
- Speaker #6
mais lui,
- Speaker #3
Oussaba, ça c'est d'extrême droite. En vrai, comment ça ?
- Speaker #6
Il ne faudrait pas leur parler. Parce que nous, on estime qu'eux, c'est les méchants.
- Speaker #3
Mais allons leur parler, peut-être qu'eux, ils vont penser que c'est nous,
- Speaker #6
les méchants, en fait. Et c'est toute cette complexité,
- Speaker #3
cette vision parcellaire de la réalité qu'on a tous, de croire que nous, on a la bonne vision de la réalité,
- Speaker #6
nous, on est les gentils, eux, c'est les méchants.
- Speaker #3
Mais ça, moi, je ne suis pas du tout en phase avec ça. C'est quoi aussi la liberté ?
- Speaker #6
En fait, elle me disait, là on est dans un moment où les gens s'expriment, et si tu as un problème avec ce qu'ils disent, va en discuter avec eux. Et du coup,
- Speaker #3
ça permet d'enrichir un peu le débat, mais en tout cas, ici au Quai de la liberté, personne ne va être viré, parce qu'en fait,
- Speaker #6
personne n'a de pouvoir sur l'autre. tu as bien vu que tu n'es pas d'accord et qu'il n'y a aucune des parties qui ne va bouger vers l'autre. Moi, si tu me demandes si quelqu'un de raciste essaie de me convaincre que c'est bien d'être raciste, ça n'avancera pas, ça ne bougera pas. Mais on vit dans le même monde. Si on regarde au niveau de la localité, la Fort-Calquier environ, on vit ensemble, on va se croiser au supermarché, on va peut-être faire, je ne sais pas, de la course à pied ensemble ou de la montagne ou je ne sais trop quoi. Donc, il faut... Alors, OK, on va arrêter de parler de sujets qui vont tout faire péter. Alors, on va peut-être boire un café, boire une bière, parler rando, parler récolte des olives ou autre chose. Voilà, bon, c'est déjà pas mal. Et c'est ça la démocratie, c'est qu'on ne pense pas à tout, on confronte nos idées, on se rend compte qu'on a tort ou pas tout à fait raison, qu'on avait oublié un élément dans sa réflexion et on échange. Parce que si on ne réfléchit qu'avec les informations qu'on nous fournit dans nos petits médias locaux, que je ne veux pas les citer, mais de presse par exemple ou télévisuel, on n'a plus de cervelle, on va se mettre à faire meuh, vite fait, bien fait. Alors que là, on a cet échange, et en plus on est de milieux différents, d'âges différents, c'est-à-dire qu'il y a des... vraiment, c'est de 7 à 77 ans, c'est intense, je crois, et plus. Mais non, c'est vraiment utile. Il y en a, ils ne sont pas français, c'est-à-dire qu'ils viennent d'autres pays. Il y a des parcours complètement différents et ça enrichit le débat, la discussion, l'échange d'idées. Et c'est extrêmement important, je pense, dans une démocratie, parce que la démocratie, c'est bien beau, mais il faut être suffisamment éclairé, intelligent, pas intelligent dans le sens de QI élevé, mais pour pouvoir voter, pour la faire vivre, pour voter, pour choisir, pour critiquer. Voilà, c'est une démocratie, un système démocratique de moutons. C'est pas ce qu'on veut, c'est pas la peine.
- Speaker #1
La rencontre avec le Café des Libertés nous amène finalement plus de questions que de réponses. Ce lieu permet des espaces d'échange autour d'un café, d'un film ou encore d'un concert. et offre de véritables espaces de solidarité, avec notamment la mise à disposition gratuite de vêtements, de jouets et de nourriture.
- Speaker #0
Cependant, un malaise nous habite autour de ce mouvement, notamment autour de l'absence de cadre, comme si la liberté ne pouvait se penser que sans limite. Nous avons alors eu besoin de confronter nos doutes, nos réflexions, nos ressentis, avec des personnes extérieures. Nous avons mêlé ces voix pour construire un discours qui est le nôtre.
- Speaker #1
Nous, deux femmes blanches, toi, ayant fait des études universitaires en sciences politiques et participé à des mouvements sociaux, tu habites aujourd'hui dans un collectif où les enjeux politiques se questionnent et s'éprouvent régulièrement.
- Speaker #0
Toi, mère célibataire au foyer, n'ayant pas vraiment entraîné à la fac, tu travailles la matière sonore en autodidacte. Tu te nourris intellectuellement par des livres et des rencontres, et côtoies dans ton quotidien des personnes ayant participé au Café des Libertés.
- Speaker #1
Entre expériences de terrain et apports théoriques, c'est notre pensée qui se construit et se donne en partage dans cette série radiophonique. Chaque épisode tourne autour d'une question à laquelle nous ne trouverons sûrement pas de réponse, mais dont nous nous emparerons pour en appréhender la complexité.
- Speaker #0
Dans cet épisode, c'est la notion de liberté d'expression qui est regardée. Droit constitutionnel, issu de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, il lui est pourtant légalement apposé des limites. L'incitation à la haine raciale, ethnique ou religieuse, l'apologie de crimes de guerre, les propos discriminatoires à raison d'orientations sexuelles ou d'un handicap, l'incitation à l'usage de produits stupéfiants, Le négationnisme. Ce cadre n'est pas clairement formulé au sein du Café des Libertés. On y prône un micro ouvert, un espace d'échange sans limite, afin de rassembler largement.
- Speaker #5
L'idée, enfin moi ce que j'entends dans les mouvements, et puis dans les mouvements dans lesquels moi je peux me mettre.
- Speaker #0
Personnes alentours, extérieurs aux mouvements.
- Speaker #5
C'est en effet, on a envie de requestionner le système, l'échiquier politique actuel, le système d'organisation de la société, mais si avec l'idée de ne pas reproduire les mêmes travers et donc avant tout d'ouvrir le débat. Nous on l'a déjà, on l'avait pas mal vécu sur des, voilà par exemple par rapport à la ZAD à Sivins il y a longtemps. On est contre ça, on est pour ça, mais en décortiquant, et puis là-bas il y a eu vraiment des exemples concrets, en décortiquant, les gens n'étaient pas pour. Pour la même raison, ou contre pour la même raison. En fait, il y a plein de raisons différentes et c'est important de débattre de ça et puis d'essayer d'avancer ensemble. Et puis peut-être d'acter quand on n'a pas les mêmes positionnements. Et c'est très bien qu'on n'ait pas tous les mêmes positionnements. En tout cas, de ne pas refuser le débat, sinon on reproduit exactement la même chose que ce qu'on critique. Et du coup, ça perd son sens aussi.
- Speaker #7
On peut parler tous ensemble, mais par contre, c'est parfaitement utopique d'imaginer qu'il y aura un point d'accord possible entre tous. Il y a des réalités matérielles qui diffèrent, il y a des valeurs, des histoires différentes, et puis il y a des gens qui portent des choses qui sont complètement antagonistes à un moment. Et du coup, il y a une forme de naïveté politique, je pense, dans le fait d'imaginer qu'en mettant tout le monde autour de la table, on arrivera à quelque chose. Probablement qu'à des petites échelles, à des échelles locales, il y a un enjeu à faire ce truc-là. Potentiellement, à faire se faire parler ensemble des gens ou des forces qui peuvent éventuellement avoir des trucs à se raconter.
- Speaker #2
Je trouve ça hyper chouette que le Café des Libertés, il y a un côté lutte des classes. que j'aime beaucoup. Il y a un côté populaire et un côté où, clairement, on n'est pas dans l'élitisme, on n'est pas dans la pureté idéologique, on n'est pas dans la pureté militante. Et je pense que ça fait beaucoup de bien de ne pas se sentir méprisée parce qu'on n'a pas lu 50 bouquins de philo-politique. Et ça, je veux vraiment bien l'entendre. Mais en fait, on ne peut pas se passer d'idées et de travailler ses automatismes de pensée. Et surtout, on ne peut pas... se nourrir de n'importe quelle information sous prétexte qu'elle va dans notre sens. Moi, j'ai pas mal... Finalement, je me suis pas mal informée sur RéinfoCovid, qui est quand même un site qui est pas mal utilisé par les personnes qui sont antipas, antivax, etc. C'est un endroit... Apparemment, c'est quand même une mine d'or et d'informations au niveau de la santé alternative. Ce que je veux bien croire, et que c'était nécessaire d'avoir un espace comme ça, au moins un site internet qui regroupe beaucoup d'informations là-dessus, je veux bien. Mais n'empêche que c'est quand même un endroit et un lieu qui est ouvert à tous, mais c'est un site internet qui est ouvert à des antisémites, à des négationnistes, donc c'est un peu la même chose. à des personnes de la Manif pour tous, par exemple, à dire homophobes, transphobes, misogynes, anti-avortement, en tout cas, tout ce qui peut libérer sexuellement. Qui sont du coup des personnes qui sont interviewées ou qui ont de la place sur ce site. Mais même Louis Fouché, qui est... qui a interviewé Merlin il n'y a pas longtemps non plus. Enfin voilà, moi je ne parle pas non plus, je n'y suis pas allée, mais je me suis informée et ça ne me donne pas envie d'y aller. Donc, café des libertés. Parce qu'en fait, cet homme-là, il peut se permettre de dire des trucs par rapport à l'avortement qui sont absolument dégueulasses. Je ne sais pas. Et les sources sont lui-même. Écoutez-le et vous verrez. Quand il parle d'avortement... Vous saurez qu'en fait, c'est une personne qui est profondément misogyne, qui peut se permettre de donner son avis. Et ce n'est pas juste un avis. L'avortement, ce n'est pas un avis. C'est juste un droit, en fait. Et quand tu es contre le fait qu'une femme ait le choix de mener à terme ou non une grossesse, si tu es contre ça, je suis désolée, mais moi, je n'ai pas envie de lutter avec toi. Juste ça, déjà, de base. Et quelque part... Après, moi, j'essaie de calmer un peu ce truc d'ennemi politique, mais c'est vrai que ça peut me donner cette envie-là, de me dire, toi, t'es pas mon ami, et même, j'ai plutôt envie de te combattre, j'ai envie de combattre tes idées, et ce que tu prônes, en fait, parce que ça a des impacts sur la réalité qui sont graves.
- Speaker #7
Oui, on a des ennemis, je le pense et je le dis, et vraiment, c'est quelque chose que j'ai envie d'assumer. On a des ennemis politiques, puisque... il y a des gens qui ont d'autres intérêts que les nôtres et qui le défendent ardemment et qui sont aux positions de pouvoir pour le faire et les personnes ne sont pas forcément non plus reléguées à ces idées, c'est-à-dire que moi quand je critique je critique avant tout des idées et des lieux communs qui vont traverser les gens et pas forcément les gens en tant que tels
- Speaker #0
Vous venez d'entendre l'épisode numéro 2 d'Au nom de la liberté Une série documentaire de Radiosensine.