- Speaker #0
Au nom de la liberté
- Speaker #1
Une série documentaire de Radio Zinzine en 8 épisodes
- Speaker #0
Précédemment
- Speaker #1
Bien que le Café des Libertés soit un espace d'échange et de solidarité concret, un malaise nous habite autour de ce mouvement, notamment autour de l'absence de cadre, comme si la liberté ne pouvait se penser que sans limite.
- Speaker #0
Nous avons alors eu besoin de confronter nos interrogations avec des personnes extérieures à ce mouvement. Nous avons mêlé ces voix pour construire un discours qui est le nôtre. Entre expérience de terrain et apport théorique, c'est notre pensée qui se construit et se donne en partage dans cette série radiophonique.
- Speaker #1
Chaque épisode tourne autour d'une question à laquelle nous ne trouverons sûrement pas la réponse, mais dont nous nous emparons pour en appréhender la complexité. L'épisode précédent traite de la liberté d'expression.
- Speaker #2
Merci. Où est le mégaphone ?
- Speaker #3
Il est là-bas.
- Speaker #4
Où est le mégaphone ? Il est là-bas. John, tu peux le prendre et faire Olé à chaque fois. Tu peux prendre le mégaphone et à chaque fois faire Olé Il est là,
- Speaker #2
il dit ça.
- Speaker #0
Au nom de la liberté.
- Speaker #1
Une réflexion autour de la notion de liberté, s'appuyant sur l'expérience du Café des Libertés à Fort-Calquier.
- Speaker #0
Les prises de son de terrain s'étalent entre janvier et avril 2022. Alors que la politique a uni et rallié à certaines époques, Aujourd'hui, la méfiance envers les organisations politiques traditionnelles pourrait amener à penser que l'apolitisme est la clé pour rassembler.
- Speaker #1
Au café des libertés.
- Speaker #3
Il y a deux ou trois choses.
- Speaker #4
Au début, on s'est dit apolitique, ça c'était vraiment important, et asyndical.
- Speaker #2
C'est ce qui fait que tout le monde a toujours plaisir à venir ici parce qu'on ne nous catalogue pas comme étant syndiqués,
- Speaker #1
partis politiques.
- Speaker #4
En tout cas, moi, la manière dont je perce le mouvement, un truc organique qui est sorti et sans vision politique forcément derrière et forcément on se fait rattraper par la politique dès qu'on fait un truc dans la cité donc c'est évident. En tout cas, il y avait ce truc-là où c'était... Au début, il n'y a pas eu cet enjeu-là. Moi,
- Speaker #0
j'explique qu'en fait, la politique, ce n'est pas la politique politicienne. La politique politicienne, ce n'est pas de la politique de toute façon. Et en fait, la politique, c'est ce que tu fais sur le terrain tous les jours. Tu fais de la politique quand tu fais des actions au niveau local. Ça, c'est de la politique de terrain. Moi, je crois à cette politique de terrain. Moi, je pense que si vraiment il y avait une politique de terrain comme ça partout en France,
- Speaker #1
qu'est-ce qu'ils font ?
- Speaker #0
On ne vote pas, on ne va pas voter, on ne va pas dans les urnes. Coluche, il disait que si voter, ça servait à quelque chose, ça fait bien longtemps que ce serait interdit.
- Speaker #1
Lors de la réalisation de ce documentaire, une écoute publique a eu lieu. Les réactions de certaines personnes du Café des Libertés à l'égard de notre travail ont été très vives. Un des principales reproches qui nous a été adressé est que les questions que l'on traite ne sont pas celles qui existent là-bas, que leur intention était de rassembler au-delà des questions de société clivante, que notre démarche rejoue le jeu des dominants et divise.
- Speaker #0
Si nous partageons avec le Café des Libertés l'intention et la nécessité de composer avec une pluralité de regards, les manières de penser et de mettre en œuvre cette nécessité sont bien différentes. Notre démarche ne consiste pas à invisibiliser les divergences, mais à les examiner. S'ouvrir à d'autres visions du monde ne signifie pas pour nous une acceptation inconditionnelle à toute forme de pensée, dans ce qu'elles peuvent engendrer de réalités concrètes.
- Speaker #1
2022 est l'année de remise en cause du droit à l'avortement par la Cour suprême aux Etats-Unis, l'année de l'accession au pouvoir de Giorgia Meloni en Italie. On s'inscrit toujours dans un contexte. Les questions que la rencontre avec le café des libertés soulève pour nous ne sont pas les siennes. Cependant, il les porte malgré lui.
- Speaker #0
Pour tenter de clarifier notre trouble, nous sollicitons des voix alentours, de personnes extérieures au mouvement.
- Speaker #2
Dès le départ, en fait, il y a quelque chose qui est profondément politique, en réalité, dans la manière dont les gens s'organisent, et puis pourquoi ils sont là, et pourquoi est-ce qu'ils font des choses ensemble. En tout cas, il y a la volonté d'intervenir politiquement, dans un espace. C'est éminemment politique.
- Speaker #5
Le premier versant de la liberté, la liberté comme démocratie, on va dire, partage du pouvoir, c'est la conception spécifiquement antique de la liberté.
- Speaker #1
Aurélien, auteur du livre Terre et Liberté.
- Speaker #5
Pour les Grecs notamment, à qui on associe souvent le concept de liberté, même s'il y a des occurrences bien sûr de l'idée de liberté avant les Grecs, mais voilà, les Grecs, on dit qu'ils ont inventé la démocratie, ils ont inventé au moins le mot. Des pratiques de partage du pouvoir existaient déjà depuis longtemps sous d'autres formes, mais en effet, il y a eu un moment dans la culture grecque, qui est assez important dans notre imaginaire politique occidental, qui est le moment de la démocratie grecque, où les rois et les aristocrates, qui avaient l'habitude de monopoliser le pouvoir, ont dû partager le pouvoir. Avec l'ensemble des citoyens, c'est-à-dire non pas tout le monde, puisque les citoyens désignaient une catégorie très restreinte de personnes, c'était sans doute 20% maximum de la population totale, c'était les hommes libres, c'est-à-dire ceux qui portent les armes, par opposition aux esclaves. Donc ça faisait une petite minorité, mais ça faisait quand même, pour une ville qui a compté entre 100 000 et 200 000 habitants, ça faisait entre 20 000 et 40 000 personnes qui se réunissaient régulièrement. pour discuter les grandes questions engageant l'allocation des ressources collectives et le destin commun de la communauté. Voilà, la liberté, il y a tout cet imaginaire-là, de partage de pouvoir, de souveraineté populaire, de démocratie contre les formes oligarchiques ou monarchiques de pouvoir. C'est l'idée de liberté sans doute fondamentale. qu'on hérite de l'Antiquité.
- Speaker #2
Que ce soit les ronds-points des Gilets jaunes ou l'ASDAC à Fort-Calquet ou d'autres endroits, ce sont des lieux qui sont des lieux de subjectivation politique pour les personnes qui y passent du temps. Les gens qui viennent traîner à l'ASDAC, qui sont venus sur les ronds-points, qui vivent une expérience de rencontre, une expérience intense politiquement, une expérience d'organisation, de la possibilité de la diversité, de soudain avoir la possibilité d'avoir un immense espace dans lequel on peut faire plein de choses. Faire se rencontrer des sortes de dynamiques, des gens, tout ça, c'est quand même un truc un peu... Enfin, c'est un peu dingue, quand même, dans une vie. Et du coup, c'est extrêmement puissant, ce que ça produit chez les gens qui viennent y passer du temps. Et là, il y a aussi une responsabilité politique. C'est-à-dire qu'à un moment donné, tu produis... Enfin, t'es responsable de la direction dans laquelle va l'espèce de puissance que t'es en train de produire collectivement pour les gens qui viennent, qui passent du temps et tout ça. Enfin, du coup, si jamais c'est pas la même chose sur un... Politiquement, ce n'est pas la même chose si jamais il y a, je ne sais pas, 1000 faf qui sortent de l'expérience de l'ASDAC, ou si jamais il y a 1000 personnes qui ressortent de là en étant sur des intitulés politiques, ou un peu des valeurs comme ça, qui sont plutôt autour des valeurs d'émancipation, ou des valeurs, je ne sais pas, proches d'une certaine gauche ou quoi.
- Speaker #6
Effectivement, tu as une responsabilité, une image publique, etc.
- Speaker #1
Personne rencontré au Café des Libertés.
- Speaker #6
Quand ton groupe monte en puissance, il y a des gens qui vont se rallier à ta cause. Effectivement, s'il y a un moment où tu ne te positionnes pas et que tu n'arrives pas à clarifier les choses, oui, tu portes une responsabilité des actes, de l'image que tu donnes, déjà dans la vie individuelle et sans que ça soit médiatisé.
- Speaker #2
Parce que là, collectivement, les gens sont responsables du fait que Merlin a laissé... Merlin ou d'autres, en tout cas, qu'il y a des personnes comme ça qui sont... qui ont la possibilité de définir, ou la possibilité de ne pas définir, les lignes politiques et ce qui est raconté des lignes politiques du mouvement.
- Speaker #0
Malgré des désaccords,
- Speaker #2
malgré des dissensus internes, j'imagine, et des discussions qui doivent exister. Peut-être que ça, du coup, ça vient permettre de séparer ces espèces de deux espaces de responsabilité, qui seraient celui vers l'extérieur et celui à l'intérieur du lieu. Peut-être que si Merlin est une figure visibilisée volontairement, comme quasiment une espèce d'outil de com, autour d'un truc un peu pratique comme ça, d'avoir quelque chose de très incarné, autour d'une figure comme ça, enfin voilà, c'est pratique. Pour les médias, ça rend les choses lisibles et tout ça. Peut-être que du coup, ça, ça engage une forme de responsabilité vers l'extérieur, vers les médias, vers les élus, vers l'extérieur du mouvement.
- Speaker #3
Dans ce moment précis-là, puisque là, au moment où je pars, on est juste avant les présidentielles.
- Speaker #0
Personnes alentours, extérieures au mouvement.
- Speaker #3
Et même de fait, au-delà des présidentielles, nous sommes dans une montée du fascisme en France, mais partout en Europe, voire dans le monde, dans plein d'endroits. Alors ça va, ça vient, il y en a qui arrivent en Amérique latine, puis qui repartent, etc. Mais on est face vraiment à des mouvements, des gouvernements qui sont... qui ont des valeurs d'extrême droite et une banalisation de l'extrême droite. Et aujourd'hui, il y a une urgence, vraiment une urgence, à s'opposer à ces mouvements-là et avoir un discours qui soit aussi sur les classes sociales, parce que là, c'est réapproprié par l'extrême droite.
- Speaker #2
Bon, c'est un exemple, mais voilà, quand il y a... quand il y a ce type, le cuisinier rebelle, l'espèce de gars sur Twitter, néo-nazi, qui s'est fait virer son compte, qui est venu au Café des Libertés et qui s'affiche avec... Avec des gens du Café des Libertés, de l'ASDAC et tout ça, sur les réseaux sociaux, en fait les gens se rendent compte qu'il y a quelque chose qui n'est pas possible, qui n'est pas tenable.
- Speaker #4
Mais il y a une question, c'est marrant parce que c'est sorti, il y a un troll, une poule verte, qui n'arrête pas de m'insulter sur les réseaux sociaux.
- Speaker #0
Initiateur du Café des Libertés.
- Speaker #4
Il a sorti une photo où on était ensemble. Il est venu 4 jours chez un ami à moi. Il s'est présenté comme étant un journaliste. Je ne le connaissais pas plus que ça. Un journaliste qui faisait des émissions avec des interviews. Il faisait des trucs de cuisine et en même temps il posait des questions. On a fait une interview. Un interview qu'il a sorti et que je lui ai demandé de supprimer. Une fois que j'ai su qui c'était. Il s'est présenté comme étant... Il a apparemment une chaîne au Canada. Bon, moi, je ne regarde pas sa chaîne au Canada. Il ne s'est pas visité comme un journaliste. Je ne me suis pas renseigné sur vous. Moi, j'en ai discuté avec les copains du Café des Libertés. Voilà, et je voyais aussi passer des posts où il y a des gens qui faisaient passer des messages de Philippot. Donc, moi, j'étais là en mode... Attends, il faut que j'arrive à en parler. Donc j'en ai parlé et en fait qu'est-ce qu'on m'a répondu ? On m'a dit tu crois qu'on est des fachos là gros ou quoi ? Il y a un truc que je n'ai jamais dit mais que je dis on n'est pas d'extrême droite, on refuse l'extrême droite carrément. Mais les gens entendent on est d'extrême droite quand je dis ça. Donc c'est pour ça que je ne le dis pas.
- Speaker #3
C'est là où ça me pose un problème, le Café des Libertés, c'est qu'il n'y a pas de discours par rapport à ça. Il n'y a pas une pensée élaborée, même très simple, une sorte d'antifascisme de base qui serait publique, édite.
- Speaker #2
Il y a quelque chose qui peut ressembler, effectivement, un peu au Gilet jaune, et à ce qui a pu se passer. J'ai l'impression qu'il y a des formes de trajectoires assez similaires finalement, et notamment dans des formes de références qui peuvent y avoir. Mais notamment sur ce truc de drapeau, et c'est pour ça qu'ils ont été un peu convoités par quand même pas mal de gens, et notamment par l'extrême droite, parce qu'il y avait cette espèce de référence-là que potentiellement il y avait moyen d'accrocher.
- Speaker #6
Et pour moi, ces espaces-là ressemblent beaucoup au rond-point d'Aginé-Jaune. Je fais un amalgame qui n'est peut-être pas juste, mais en tout cas pour moi il l'est. Pour moi le Café des Libertés et l'Asdaq sont dans cette mouvance-là. Cette forme de lutte-là avec ces mêmes gens qui ont seuls levé cette lutte, c'est-à-dire qui n'étaient pas des militants, qui n'étaient pas... Naïveté de lutte, ouais, il y a certainement ça et c'est très beau. Et donc du coup les limites c'est... Quand des gens se lancent dans un truc qu'ils n'ont jamais fait, pas réfléchi, qu'ils se lancent parce qu'ils arrivent à un ras-le-bol qu'ils ne peuvent plus. Il y a une désorganisation. Ils ne sont pas outillés pour parler collectivement. Il n'y a pas d'outils, il n'y a pas de trucs. C'est normal, c'est des gens qui se lancent en vrac, qui sont tous en colère, ils vont ensemble. Et à la fois, ça donne une force d'action qui mène. Et en même temps, ça manque des fois de se poser, de réfléchir à ce qu'on fait.
- Speaker #2
Alors qu'en réalité, il y a quand même pas mal de gens qui se sont positionnés assez rapidement chez les Gilets jaunes. Il y a des gens qui étaient au début plutôt proches, qui avaient des formes d'accointance, avec des discours un peu faffes, avec des discours un peu identitaires, tout ça. Et il a fallu un certain temps pour qu'il y ait certaines figures du mouvement au départ, qui étaient des gens qui n'avaient pas d'expérience politique, qui étaient des gens qui se sont retrouvés sur Youtube et Facebook, à devenir comme ça, avec des vidéos vues des millions de fois, et à porter un peu un espèce de mouvement, ou en tout cas à en devenir des voix audibles.
- Speaker #3
C'est vu comme des gens qui sont perdus, les enfants perdus du capitalisme et qui seraient justement complètement naïfs, en même temps un peu désabusés. On ne sait pas trop, mais en tout cas, on ne pourra pas en faire grand-chose. C'est vraiment problématique à ces endroits-là, puisque moi, la naïveté, je crois que je n'y crois pas trop à ce mot-là. Et d'ailleurs, dans le texte du Café des Libertés, c'est dit de manière assez explicite, parce que je trouve le rappel assez intéressant, pour le coup, sur leur page de présentation. je ne sais plus si c'est sur le site ou sur Facebook, mais ils disent, une des choses qui nous importent, c'est qu'on arrête de nous prendre pour des enfants, que l'État nous considère comme des enfants en permanence. Et moi, ça, j'ai envie de le croire au pied de la lettre. Oui, nous ne sommes pas des enfants, nous sommes une société d'adultes, dans le sens où nous sommes responsables de nos actes, nous avons des choses à penser et on peut se faire confiance. Et ça, vraiment, je trouve ça bien de pouvoir le... le mener et le dire dans le cadre du Café des Libertés, que ça soit assumé publiquement, mais justement, vu que nous ne sommes pas des enfants, attention à nos alliances. Attention à notre naïveté, entre guillemets.
- Speaker #2
On voit bien, il y a des discours qui habillent nos gestes, malgré nous. Qu'est-ce qu'on fait de ça ? Comment est-ce qu'on y répond ? Ne rien en dire, c'est aussi laisser faire ce truc-là. C'est aussi teinter ce qu'on produit, teinter ce qui se passe, à la fois à l'extérieur, mais aussi à l'intérieur, parce que...
- Speaker #4
parce que ça irrigue en fait tout ce qui se joue entre les gens de manière permanente alors maintenant est-ce qu'on est dans un temps de personnes rencontrées au Café des Libertés où ça serait bien de prendre position en disant le Café des Libertés c'est un mouvement, il n'en sait rien en fait mais le Café des Libertés c'est mouvant moi aussi, donc lui donner vraiment une couleur et donner de la visibilité pour l'extérieur moi je trouve que c'est un peu aussi compliqué à défaut de pouvoir dire positivement
- Speaker #2
où tu te positionnes depuis un ensemble de dénoncés politiques clairs, de valeurs claires qui demandent un certain temps ça demande à s'élaborer aussi se positionner politiquement à minima c'est répondre à ces tentatives-là de récupération
- Speaker #0
Vous venez d'entendre l'épisode numéro 3 d'Au nom de la liberté une série documentaire de Radio Zinzine