Laurent PettitiLe 13 mai dernier à Luxembourg a été signée la première convention internationale sur la protection de la profession d'avocat par 17 États membres du Conseil de l'Europe. Cette convention a été élaborée dans un contexte d'inquiétude croissante concernant la sécurité et l'indépendance des avocats en Europe. Les avocats, nous le savons, sont fréquemment la cible d'agressions, de menaces, d'actes de harcèlement ou d'intimidation, ainsi que d'obstruction ou d'ingérence indue dans l'exercice de leurs fonctions. Ces attaques compromettent non seulement la sécurité des avocats, mais aussi l'état de droit et l'accès à la justice pour tous. La profession d'avocat, pilier de la démocratie et de la protection des droits fondamentaux, a vu ses membres confrontés à des pressions croissantes, notamment lorsqu'ils défendent des causes sensibles ou impopulaires. La Convention a donc été... conçu pour fournir un cadre juridique contraignant, là où les instruments internationaux existants, comme les principes de base de l'ONU sur le rôle du barreau, n'étaient que déclaratifs et difficilement applicables dans la pratique. Le processus d'élaboration a impliqué une large consultation, notamment des associations européennes et internationales professionnelles d'avocats qui ont joué un rôle central dans la définition des besoins de la profession et dans la formulation des garanties nécessaires à leur exercice indépendant. La diversité des systèmes juridiques européens a été prise en compte pour assurer une protection efficace, quel que soit le contexte national. Cette convention énonce un ensemble de droits et de garanties pour les avocats et leurs associations professionnelles, structurées autour de plusieurs axes majeurs. La première, c'est l'indépendance et l'autonomie de la profession. Les États partis, signataires de cette convention, doivent garantir l'indépendance et l'autonomie des associations professionnelles d'avocats, notamment dans l'élection de leurs organes dirigeants. et dans l'exercice de leur mission de représentation, de défense, des intérêts, d'élaboration de normes de conduite, d'accès à la formation continue et initiale. Les associations professionnelles doivent également être consultées de manière effective sur toute réforme législative ou réglementaire affectant directement la profession. Sont également prévues par cette Convention les questions relatives au droit d'exercer la profession, l'admission, le maintien, la réadmission dans la profession doivent reposer sur des critères objectifs, transparents et non discriminatoires, appliqués dans le cadre d'une procédure équitable. Un certain nombre de droits professionnels des avocats sont énumérés dans cet instrument international. Les avocats doivent par exemple pouvoir offrir des conseils, assister et représenter librement leurs clients, y compris dans la défense des droits humains. Ils ont évidemment le droit de choisir leur client, de mettre fin à la relation, d'accéder sans délai à leur client, même détenu, d'accéder aux pièces pertinentes, de participer pleinement aux procédures et d'informer le public de leur service. La responsabilité civile ou pénale des avocats ne peut être engagée que pour des déclarations faites de bonne foi. dans le cadre de procédures judiciaires. La confidentialité des échanges avec les clients est strictement protégée, sauf exception prévue par la loi et nécessaire dans une société démocratique. Bien évidemment, la liberté d'expression de l'avocat est réaffirmée dans cette Convention. Les avocats et leurs associations ont le droit de s'exprimer sur les affaires de leurs clients, sur l'administration de la justice, sur l'état de droit et de proposer des réformes sous réserve. bien évidemment de restrictions légales nécessaires et proportionnées. Sont également évidemment prévues des dispositions relatives aux procédures disciplinaires, sachant que les sanctions disciplinaires doivent être fondées sur des normes de conduite professionnelle prévues par la loi, respectant les droits fondamentaux et être prononcées par une instance indépendante dans le respect du contradictoire avec possibilité de recours. Des mesures de protection spécifiques sont également prévues par le texte. Les avocats bénéficient de garanties spécifiques en cas de privation de liberté, de perquisition ou de saisie, le droit à l'assistance d'un représentant de leur association professionnelle, une information rapide des motifs et du lieu de détention. Ce qui est tout à fait important dans cette convention, c'est le mécanisme de suivi international qui a été envisagé. Un groupe d'experts, le GRAVO, le groupe des rapporteurs sur les avocats, est chargé de veiller à la mise en œuvre de la Convention avec des pouvoirs d'évaluation, de visite, de réunion. de rapports et de recommandations garantissant ainsi une surveillance indépendante et transparente. Ce mécanisme prévoit aussi une procédure d'urgence en cas de violation grave et une coopération avec d'autres organismes internationaux. Finalement, du point de vue des avocats, la Convention représente une avancée majeure pour la protection de leur indépendance, de leur sécurité et de leur capacité à défendre efficacement leurs clients sans craindre de représailles ou d'entraves arbitraires. Elles consacrent des principes essentiels pour l'exercice de la profession tout en instaurant des garanties procédurales robustes contre les abus de pouvoir et les pressions qu'elles proviennent des autorités publiques ou d'autres acteurs. Les associations professionnelles voient dans cette Convention la reconnaissance de leur rôle central non seulement dans la défense des intérêts de la profession, mais aussi dans la préservation de l'état de droit et de la protection des droits fondamentaux. Leur implication dans l'élaboration et la mise en œuvre de la Convention est une garantie supplémentaire. de son adaptation aux réalités du terrain et de son efficacité. En conclusion, je dirais que cette Convention du Conseil de l'Europe pour la protection de la profession d'avocat répond à une demande forte de la profession pour un cadre juridique contraignant, garantissant l'indépendance et la sécurité des avocats. Elle dote la profession d'outil de protection concret, tout en affirmant son rôle essentiel dans la défense de l'état de droit et des droits humains.