- Speaker #0
Bonjour à toutes, bonjour à tous. Nous sommes ravis de vous accueillir autour de ce deuxième podcast de la MI2E, Maison de l'innovation et de l'entrepreneuriat de l'étudiant de l'Université Paris-Est-Créteil, consacré à la thématique des lanceurs d'alerte. Le podcast de la MI2E est le nouveau format des rendez-vous de la MI2E. C'est une véritable opportunité de rencontre et de partage d'expertise sur des sujets aussi variés, cruciaux que la protection des lanceurs d'alerte. Il est ouvert à tous. tant les étudiants, les anciens chercheurs, les chefs d'entreprise, les agents de collectivités, les indépendants, membres d'associations, dont les travaux de recherche, les objectifs, les missions, les activités et rôles, les engagements sont très importants pour étayer divers enjeux sociétaux contemporains à l'image de la question des lanceurs d'alerte qui est aujourd'hui devenue un sujet brûlant. un enjeu démocratique majeur. Ce sont des femmes et des hommes des éros du quotidien, devenus des véritables garants de la morale, qui au péril de leur vie, comme dans un combat de David contre Goliath, prennent le courage de défier des puissants chefs d'entreprise, des multinationales, des institutions publiques, des organisations internationales. En dénonçant des pratiques non éthiques, ils sont considérés comme des traîtres. au pire des cas, des ennemis à abattre dans les mesures de représailles. Parmi les plus populaires, nous pouvons citer Julien Assange, Edouard Snowden ou encore Irène Fanchon avec l'affaire Mediator. Selon l'ONG Amnesty International France, un lanceur d'alerte est une personne qui, dans le contexte de sa relation de travail, révèle ou sciale un état de fait mettant en lumière des comportements illicites ou dangereux. qui constitue une menace pour l'homme, l'économie, la société, l'État ou l'environnement, c'est-à-dire pour le bien comme l'intérêt général. Traduction du terme anglo-saxon whistleblower qui veut dire sifflaire la notion de lanceur d'alerte est d'origine américaine, si on peut le dire, avant de gagner l'Europe. D'abord en Angleterre et par la suite en France, sous les plumes du sociologue français Francis Chateauret. depuis les années 90. Il a fallu attendre 2016 pour qu'une première loi, la loi Sapin 2, sur la protection des lanceurs d'alerte voit le jour et qui sera suivie en 2022 par la loi dite Wasermont Alors qui sont les lanceurs d'alerte ? Que dit le droit français sur leur protection ? Quels sont leurs apports à l'éveil des consciences, à la justice sociale, à l'amélioration de la gouvernance démocratique ? La multiplication des lanceurs d'alerte ? Est-elle un signe de bonne santé de notre société ou le contraire ? Pour en parler autour de ce podcast, nous sommes en compagnie de la défenseur des droits, Cécile Barouad Sakhi, adjointe chargée de l'accompagnement des lanceurs d'alerte. Nous avons également Élodie Nance, déléguée générale de la maison des lanceurs d'alerte, Jérémy Florent, juriste et président de Nova Droit. Nous aurons également l'intervention de Mao Francini, maîtresse de conférences en sciences des éditions à l'Université Paris-Est Créteil et de Philippe Amien, président du Collège de Dientologie de l'Inserm. Nous aurons aussi à côté de nous notre dessinateur Didier Maradin pour illustrer ses podcasts. Sans plus tarder, nous allons entrer dans le vif du sujet. Bonjour Mao Francini et merci d'avoir accepté d'introduire ces podcasts. sur la thématique des lanceurs d'alerte. Vous pouvez dans un premier temps vous présenter.
- Speaker #1
Je suis Mao Fanchini, je suis maîtresse de conférence à l'université Paris-Est-Créteil. Je suis chercheuse à l'Institut de recherche en gestion qui est le laboratoire de gestion de l'UPEC et je suis enseignante.
- Speaker #0
Pouvez-vous nous énumérer l'origine, le contexte et l'évolution du concept des lanceurs d'alerte, l'histoire en quelque sorte des lanceurs d'alerte, que dit le droit français par rapport à la définition ? des lanceurs d'alerte.
- Speaker #1
Oui, donc moi je travaille sur les lanceurs d'alerte depuis 2013, qui est en fait l'année du début de ma thèse, que j'ai soutenue en 2018, et c'est aussi l'année où éclate l'affaire Snowden. Mais la recherche sur les lanceurs d'alerte, elle commence dans les années 70 aux États-Unis. Notamment, on dit que le père de la recherche sur les lanceurs d'alerte, c'est l'activiste Ralph Nader, qui est un activiste qui a obligé les constructeurs... automobiles américains à mettre des ceintures de sécurité dans les voitures, entre autres parce qu'il a une grosse carrière d'activiste. Et donc on dit que c'est le premier lanceur d'alerte et c'est vrai que la recherche elle commence aux Etats-Unis. Dans les universités américaines, on va d'abord s'intéresser à la décision de passer à l'acte, donc vraiment qui est le lanceur d'alerte, quelles sont ses motivations, quelles sont les étapes de la décision, donc les chercheurs vont... L'école américaine, si je puis dire, va monter des modèles assez complexes d'étapes. Comment est-ce qu'on passe de l'étape 1 à l'étape 2, à l'étape 3 ? Je vous ferai une petite généalogie de la recherche. Ensuite, dans les années 90, on va s'intéresser aussi au représailles. Il faut savoir que la recherche sur les lanceurs d'alerte, elle s'inscrit au carrefour de plusieurs traditions disciplinaires. Le droit d'abord, les business studies de manière générale, le management et puis aussi la sociologie. Et puis dans les années 90, il y a la tradition française qui émerge avec les travaux de Francis Château-Rénault. qui avec son livre Les sombres précurseurs va parler de cette figure qui a émergé. Mais lui, il va d'abord y avoir une petite querelle de traduction, puisqu'il refuse le terme de whistleblower. Il trouve que c'est un terme qui est péjoratif dans le contexte de délation, qui pourrait encourager la délation. Et donc, il préfère le terme de lanceur d'alerte. Aujourd'hui, en 2024, il n'y a plus tellement de discussion sur la traduction du terme de lanceur d'alerte. Ensuite, depuis les années 2000, en gros, il y a toujours une école américaine assez présente qui s'intéresse à ce que j'appelle profiler l'employé susceptible de lancer l'alerte. C'est le titre d'un article assez célèbre, Who blows the whistle ? C'est vraiment qui est l'employé ? On va essayer d'identifier. Est-ce qu'il est marié ? Est-ce qu'il est catholique ? Vraiment des variables, une forme de déterminisme social. Mais à l'inverse, il y a aussi une autre tradition plutôt issue des business ethics qui va, elle, plutôt s'intéresser à… à la subjectivité, au rôle des normes, aux enjeux de pouvoir aussi. Et surtout, moi ce qui m'intéresse, c'est aux conditions de réception du discours. Et donc depuis assez peu de temps, on va dire depuis les années 2010-2020, enfin depuis 2010, il y a des chercheurs et des chercheuses qui appartiennent à un petit réseau européen, on est une quinzaine à peu près, qui travaillent en fait sur, moi ce qui m'intéresse particulièrement, c'est les organisations dans lesquelles des alertes éclatent. Vraiment... arrêter de s'intéresser à la psychologie du lanceur d'alerte qui est moins intéressante que déjà le discours qu'il porte, et aussi de voir dans quelles conditions un discours est entendu par la société, quelles sont les conditions de possibilité du discours. Et donc on va s'intéresser aux ressources, aux associations qui soutiennent les lanceurs d'alerte. Il y a des travaux aussi sur les avocats, sur le rôle des médias, comment est-ce que les médias sélectionnent les cas d'alerte qui nous sont donnés à voir, puisque c'est toujours par les médias qu'on voit les cas d'alerte. Aussi maintenant un peu par le cinéma, il y a quelques travaux sur... la représentation du lanceur d'alerte au cinéma. Et donc voilà, pour terminer, là où nous en sommes sur la recherche, il y a toujours une tradition de modélisation un petit peu, on va dire, mainstream, un peu lourde, à mon sens, vraiment dans la causalité, la relation de cause à FM. Il y a aussi une approche peut-être qui s'appuie sur des méthodes plus qualitatives, qui va essayer d'identifier finalement les conditions, les enjeux de pouvoir, un point de vue un peu critique, avec des travaux par exemple qui croisent le genre et les alertes.
- Speaker #0
Quelle différence faites-vous entre un lanceur d'alerte, un activiste et la désobéissance civile ?
- Speaker #1
Donc effectivement, on l'a vu, la question de la définition du lanceur d'alerte, elle est très importante. Et en fait, je constate qu'elle prend tout de suite un tour juridique, puisque... La définition du lanceur d'alerte, elle est avant tout juridique parce que derrière, il y a l'énorme enjeu de la protection et de qui a le droit de se qualifier lanceur d'alerte. Derrière découle qui peut bénéficier de la protection garantie par la loi. Or, on l'a vu, il y a aussi une perspective presque plus sociologique qui est de dire qui peut se qualifier en termes de conditions de possibilité de lanceur d'alerte. Pour répondre à votre question, quelle différence faites-vous entre un lanceur d'alerte, un activiste et la désobéissance civile ? Personnellement, en tant que chercheuse, je n'en fais pas, parce que je m'intéresse moins à l'individu qu'au discours et aux conditions de construction du discours. Je pense que ce qui est intéressant, c'est de voir qu'on assiste à une forme de collectivisation de l'alerte, c'est-à-dire que par les associations, par le travail de la Maison des lanceurs d'alerte, par le travail du Défenseur des droits, par le travail Wikileaks par exemple, on voit aussi qu'il y a des associations, des collectifs qui... font le même travail que le lanceur d'alerte individuel. Donc à mon sens, ce sont des termes qui définissent un engagement démocratique, qu'il soit individuel ou porté à plusieurs. Et les différences, elles sont essentiellement d'ordre juridique pour moi.
- Speaker #0
Pourquoi un journaliste ou des personnalités morales, comme Greenpeace, Transparency International, le GIEC, qui se proclament lanceurs d'alerte ? ne sont pas reconnues comme un lanceur d'alerte par la loi.
- Speaker #1
Alors ça, c'est vraiment une excellente question que vous posez, qui a interrogé même la défenseuse des droits dans son rapport... sur la protection des lanceurs d'alerte. Effectivement, pourquoi est-ce que des personnalités morales comme Greenpeace, Transparency International, mais aussi Anticor ou d'autres associations, la maison des lanceurs d'alerte, ne pourraient pas être reconnues comme lanceurs d'alerte par la loi ? Dans la loi, il faut que ce soit un individu qui porte la démarche d'alerte pour bénéficier de la protection. Les organisations de la société civile, elles peuvent être partie prenante et protégées. Ça ne veut pas dire qu'elles ne sont pas protégées, parce qu'elles sont protégées par association aux lanceurs d'alerte. La loi produit en fait un nouveau statut qui est celui de facilitateur. Et elle s'arrête un peu là, c'est-à-dire qu'on ne sait pas exactement quels sont les moyens donnés à ces facilitateurs, on ne sait pas quels sont les contours du facilitateur par rapport aux lanceurs d'alerte. On sait qu'il y a aussi beaucoup de représailles vis-à-vis des lanceurs d'alerte. On sait que les autorités externes agréées, elles ont aussi du mal à dégager des moyens. Je pense que c'est un point d'amélioration de la loi que de donner aux personnalités morales la possibilité d'être aussi protégé au titre de lanceur d'alerte. Est-ce que le législateur a voulu éviter de donner trop de poids à des associations au moment où il retirait son agrément aussi à une association comme Anticor ? C'est peut-être une hypothèse de travail, en tout cas sérieusement envisagée, pour améliorer et progresser la loi.
- Speaker #0
Et qu'en est-il du rôle des universités ? politiques dans la protection des lanceurs d'alerte ?
- Speaker #1
Je vais d'abord répondre en tant que chercheuse à quoi sert de produire de la connaissance sur les lanceurs d'alerte. Il y a quelque chose qui me semble très important et qui rejoint le rôle des universités et des politiques, c'est de renverser une histoire du lanceur d'alerte comme un héros solitaire, un peu une vision américaine qu'on retrouve dans les biopics consacrés aux lanceurs d'alerte d'un individu seul et qui va aussi porter les représailles seul. qui est une image qui tient à distance la figure du lanceur d'alerte. Vous allez voir un film de lanceur d'alerte, vous vous dites, super, il a été hyper courageux, jamais je n'ai pas du tout envie de faire ce qu'il a fait. Donc c'est aussi pour ça que moi je refuse de faire de la recherche sur les représailles, parce que je trouve que c'est un épouvantail qui contribue à tenir à distance. La question c'est pourquoi est-ce qu'on cherche collectivement à tenir à distance cette figure repoussoire ? du lanceur d'alerte, il y a des articles de journaux qui vont titrer prêtre ou héros À mon avis, il faut sortir de la lecture individuelle du lanceur d'alerte. Et on peut construire une image beaucoup plus positive du lanceur d'alerte, au sens d'un collectif citoyen qui, face à des angoisses liées par exemple à la transition climatique, se meut, se déplace, bouge. Et c'est dans l'action qu'on peut, pour une certaine part, repousser cette angoisse-là. Donc pour moi, le rôle des chercheurs, c'est de produire de la connaissance qui soit positive. Je pense que la figure du lanceur d'alerte doit être une figure désirable pour chacun de nous en tant que citoyens et citoyennes. Et pour les universités, un vrai... J'ai entendu la défenseuse des droits qui dit qu'il faut financer des campagnes de politique publique qui enseignent un véritable droit à l'alerte, une culture du droit à l'alerte. je crois qu'il faudrait que ce soit enseigné à l'université. Donc ça, c'est le rôle des universités. On pourrait tout à fait imaginer des cours, toutes et tous demain, lanceurs et lanceuses d'alerte. En fait, imaginer une société dans laquelle ils soient valorisés, d'être engagés en tant que citoyennes et citoyens. Les termes du Conseil d'État, c'est la figure renouvelée. Le lanceur d'alerte est une figure renouvelée du citoyen vigilant. Donc il y a quelque chose de positif là-dedans. Le Conseil de l'Europe, c'est lancer l'alerte, doit devenir un réflexe normal pour tous citoyens. Donc je pense qu'il faut vraiment travailler une lecture positive, désirable, vraiment désirable de la figure du lanceur d'alerte. Et je crois que c'est possible à la condition de travailler aussi la tranquillité des lanceurs et des lanceuses d'alerte. Quand je lis que, par exemple, certaines autorités refusent de traiter les alertes anonymes, pour moi, c'est un non-sens, parce qu'en fait, les lanceurs d'alerte ont droit à la tranquillité de tout citoyen vigilant qui, de bonne foi, a dénoncé des scandales sanitaires, par exemple. Donc... Voilà, pour vous répondre, je crois qu'on peut renverser le paradigme, construire une figure désirable et travailler la tranquillité des lanceurs et des lanceuses d'alerte. C'est trois axes de travail qui me semblent intéressants.
- Speaker #0
Bonjour, Cécile Barrois de Sarreilly.
- Speaker #2
Bonjour, monsieur.
- Speaker #0
C'est un plaisir de vous avoir avec nous aujourd'hui autour de ce podcast. Vous êtes adjointe chargée de l'accompagnement des lanceurs d'alerte, du défenseur des droits. qui est une autorité administrative indépendante de rang constitutionnel créée en 2011, chargée de veiller au respect des libertés et des droits des citoyens. Vous êtes à l'origine d'ailleurs de plusieurs rapports et recommandations aux plus hautes autorités de la République. En quel comment pouvez-vous présenter le défenseur des droits, ses missions et ses rôles ?
- Speaker #2
Tout d'abord, je vous remercie d'avoir convié le défenseur des droits à cette réunion. Et évidemment, oui, je peux vous présenter le défenseur des droits. Comme vous l'avez rappelé, le défenseur des droits est une autorité administrative, mais indépendante. C'est-à-dire que... Elle est dans l'administration, mais en capacité d'avoir une certaine indépendance pour critiquer tout ce qui ne va pas et le relever. Cette autorité a été créée par la révision constitutionnelle de 2008, du 23 juillet 2008, qui a été complétée par une loi organique du mois d'octobre 2011, de mars 2011. Donc l'autorité existe bien et bien opérationnelle depuis 2011. Le Défenseur des droits intervient dans cinq champs de compétences qui sont les relations avec les services publics, la défense et la promotion des droits de l'enfant, la lutte contre les discriminations, le respect de la déontologie par les professionnels de sécurité et depuis 2016, et la loi Sapin que vous avez indiqué, le Défenseur des droits est également l'institution qui en France accompagne les lanceurs d'alerte. Dans ces cinq champs de compétences, nous intervenons de deux manières. Tout d'abord, nous traitons les réclamations qui nous sont adressées. Les individus s'adressent à nous pour dénoncer des situations et nous essayons de les aider. Et puis par ailleurs, nous faisons ce qu'on appelle de la promotion des droits. Donc on va mettre en avant l'existence de certains droits. S'agissant des lanceurs d'alerte, je m'arrête un instant, nous avons deux types de missions. Tout d'abord, nous traitons des alertes. Dans nos champs de compétences, on peut recevoir des alertes qui concernent la situation des droits de l'enfant ou bien des situations de discrimination. Donc nous allons traiter des alertes. Et puis depuis 2016, nous avons une mission particulière qui a été renforcée par la loi du 21 mars 2022, la loi Wasserman que vous avez également évoquée. Une mission particulière d'accompagnement des lanceurs d'alerte. Alors derrière ce mot accompagnement des lanceurs d'alerte, on met plusieurs choses. Tout d'abord, une information des lanceurs d'alerte. sur leurs droits. On a publié notamment un guide du lanceur d'alerte pour mettre en avant les droits et de voir aussi des lanceurs d'alerte pour qu'ils puissent être véritablement protégés.
- Speaker #0
Alors, en ce qui concerne ces guides, pouvez-vous en dire plus ?
- Speaker #2
Alors, c'est un guide que l'institution a entrepris et élaboré dès le mois de mars 2023, juste après que l'ensemble de la législation a été adoptée avec La loi du 21 mars 2022 et un décret très important qui la complète, qui est un décret du mois d'octobre 2022. Ce guide, il est destiné aux lanceurs d'alerte et il est censé expliquer aux lanceurs d'alerte ce que le droit lui permet de faire, comment le droit peut le protéger, comment le défenseur des droits peut l'accompagner et quelles sont les conditions qui sont posées par la loi pour être protégé. protégé en tant que lanceur d'alerte, il faut à la fois répondre à la définition du lanceur d'alerte et également avoir lancé l'alerte dans les conditions prévues par la loi. Alors, nous publions ce genre de document, nous publions ce guide, qui est un document qui répond à un certain besoin, puisqu'il s'agit du document qui est le plus téléchargé sur le site du Défenseur des droits, qui, comme vous le disiez, produit de nombreux rapports.
- Speaker #0
Ça prouve que le guide sert à... Beaucoup, c'est-à-dire des tuyaux pour les lanceurs d'alerte et pour tout individu qui aimerait s'imprégner de la question, de la procédure du lanceur d'alerte.
- Speaker #2
Je crois en effet. Par ailleurs, nous proposons d'accompagner le lanceur d'alerte pour l'orienter. C'est-à-dire qu'on a des personnes qui nous saisissent en nous indiquant qu'elles souhaitent lancer une alerte dans un domaine, par exemple le domaine de la santé, mais elles ne savent pas. à quelle autorité s'adresser. Donc nous avons la possibilité de ce qu'on appelle orienter les lanceurs d'alerte vers la bonne autorité pour traiter leur alerte. Et puis ensuite, nous intervenons également à titre individuel, auprès des individus, pour essayer de les protéger d'éventuels représailles en lien avec leur alerte. Alors là, nous avons deux moyens d'action et je crois que c'est important d'insister dessus. Nous avons la possibilité de rendre ce qu'on appelle une certification de lanceur d'alerte, un avis sur la qualité de lanceur d'alerte. C'est-à-dire qu'on peut, l'institution a cette mission de dire à quelqu'un, oui. Du point de vue du défenseur des droits, donc d'une autorité publique indépendante, vous êtes un lanceur d'alerte et vous pouvez bénéficier d'un ensemble de protections liées à cette qualité. Ce qui est un document qui permet de conforter un peu la situation de personnes qui ont lancé l'alerte. Et puis nous avons également la possibilité, lorsque les personnes sont victimes de représailles, de les accompagner devant les juridictions en produisant des observations en justice, ou bien d'adresser des recommandations à leur employeur.
- Speaker #0
Je voulais répondre sur l'un de vos rapports que vous avez rendus concernant le rapport bisannuel 2022-2023 du Défenseur des droits sur le fonctionnement global de la protection des lanceurs d'alerte. Pourquoi ce choix d'un rapport spécifique bisannuel ?
- Speaker #2
La rédaction de ce rapport, la production de ce rapport par le Défenseur des droits, elle est désormais prévue par la loi organique. Nous avons depuis 2022 l'obligation de faire le point et de publier un rapport sur le fonctionnement global de la protection des lanceurs d'alerte. C'est un rapport que nous remettons au président de la République, au président de l'Assemblée nationale et au président du Sénat. C'est très important pour nous d'avoir cette obligation parce que ça nous oblige tous les deux ans à faire un point sur la législation et sur la pratique. Le premier de ces rapports... Il vient d'être publié, vous l'avez souligné, à la fin du mois de septembre 2024. Il nous a permis de faire le point sur deux années, 2022-2023, deux années de protection des lanceurs d'alerte. Il se divise en deux parties, une partie sur la protection et une partie sur le traitement des alertes. C'est très important parce que la première demande du lanceur d'alerte, c'est de voir son alerte traité. Et la partie traitement est fondamentale. S'il alerte... est prise au sérieux et traitée, on s'aperçoit qu'il y a moins de représailles. C'est aussi parce que la parole du lanceur d'alerte est prise au sérieux. Donc, on a fait des constats sur la protection et sur le traitement. Et je précise que les constats que l'on fait sur le traitement, on les fait avec 41 autorités administratives.
- Speaker #0
Y compris le défenseur des droits parmi les 41.
- Speaker #2
Tout à fait. J'ai indiqué tout à l'heure que... L'une de nos missions, c'était de traiter des alertes. Donc nous faisons partie des 41 autorités qui ont été désignées par les pouvoirs publics comme autorités chargées de traiter les alertes. Et ces autorités ont l'obligation légale, également désormais, chaque année de faire rapport sur le nombre d'alertes qu'elles reçoivent et les difficultés qu'elles rencontrent dans le traitement de ces alertes. Et c'est ce qui occupe la deuxième partie de notre premier rapport bisannuel. Merci. Et puis la première partie, c'est les constats, nos observations sur la protection des lanceurs d'alerte aujourd'hui en France.
- Speaker #0
Je voulais rebondir encore sur ces rapports bisannuels, ce que vous appelez à mieux soutenir les auteurs des signalements, notamment financièrement, ainsi qu'à concrétiser le droit de l'alerte par une meilleure information du public. Quels sont les avancées dans l'application du nouveau dispositif de protection des lanceurs d'alerte et de l'air ? traitement, si je peux revenir dessus.
- Speaker #1
Tout à fait.
- Speaker #2
Alors, s'agissant de la protection, le Défenseur des droits avait appelé à compter de 2016 à une meilleure protection des lanceurs d'alerte et le droit, c'est le constat de l'institution, le droit a véritablement progressé. Il a progressé avec la loi Wasserman du 21 mars 2022. Pourquoi ? Notamment parce qu'on a supprimé, je crois que c'était quelque chose de très important, on a supprimé l'obligation pour le lanceur d'alerte de commencer... par formaliser son alerte en interne de son entreprise notamment. Et ça, ça bloquait de nombreux lanceurs d'alerte. Donc aujourd'hui, le lanceur d'alerte a le choix. Soit il s'adresse à son employeur pour alerter, soit, ou à la personne mise en cause, soit il peut s'adresser directement à une autorité externe. Donc ça, potentiellement, ça peut libérer la parole des lanceurs d'alerte. Par ailleurs, la loi a renforcé... les garanties qui entourent la démarche d'alerte, renforcer l'immunité pénale du lanceur d'alerte, en lien avec son alerte, poser les conditions d'une irresponsabilité civile. Donc ça, ce sont des facteurs également qui peuvent donner confiance aux lanceurs d'alerte. La loi a renforcé également les sanctions contre les procédures dites baillons c'est-à-dire les procédures qui émanent des sociétés ou des entités mises en cause pour baillonner le lanceur d'alerte.
- Speaker #0
Sans des représailles.
- Speaker #2
Exactement. Donc aujourd'hui, le cadre légal est bien meilleur. Ce dont on s'aperçoit toutefois dans le... dans le cadre de sa mise en œuvre, c'est qu'il est encore très largement méconnu. Et ça, c'est un vrai sujet. C'est-à-dire qu'on s'aperçoit qu'il existe des personnes qui sont lanceurs d'alerte qui ne le savent pas. Pire encore, des personnes qui se disent lanceurs d'alerte et qui n'ont pas conscience qu'un régime juridique existe qui peut les protéger. Et ça, c'est quand même assez dommage et c'est assez dramatique. Et donc, nous, nous demandons aux défenseurs des droits que les pouvoirs publics mettent en avant cette notion de lanceur d'alerte, vulgarisent la notion, réhabilitent. Vous avez posé une question intéressante tout à l'heure, réhabilitent la notion de lanceur d'alerte. Vous avez demandé est-ce que c'est un signe de bonne santé pour une démocratie ? Oui, la réponse est oui et sans ambiguïté. Mais ça, c'est aussi un message qui appartient au pouvoir public de porter, valoriser la démarche de signalement. On constate, donc ça c'est un de nos constats, et puis par ailleurs, on constate qu'il y a quand même des lacunes dans le dispositif tel qu'il existe aujourd'hui. et notamment en ce qui concerne le soutien économique, le soutien financier et psychologique des lanceurs d'alerte. Le besoin existe et la loi n'est pas allée assez loin. Aujourd'hui, la loi confie aux fameuses 41 autorités la possibilité de soutenir économiquement et psychologiquement les lanceurs d'alerte, mais sans prévoir aucun dispositif et surtout sans avoir accompagné cette promesse d'un fonds, des moyens qui permettent aux autorités d'y répondre.
- Speaker #0
Si je comprends bien, vous êtes satisfait de l'amélioration des conditions des lanceurs d'alerte, de l'air protection, depuis la loi de 2016, la loi Sapin 2, et aujourd'hui avec la loi Weizermann. Alors, en parlant de cette satisfait-ci, le défenseur des droits est en quelque sorte, pour moi, même si ce n'est pas cadré par la loi, Le défenseur des droits est une sorte de lanceur d'alerte aussi. Au niveau institutionnel, je peux le dire, parce que vous êtes l'espoir des lanceurs d'alerte, parce que vous portez les recommandations vers les plus hautes institutions, autorités. Comme je venais de dire, vous rendez directement vos rapports au président de la République, au Sénat, et ainsi de suite. Est-ce qu'il y a encore des insuffisances à corriger, c'est-à-dire des limites ? Si oui, et quelles sont les pistes d'amélioration ? Nous sommes en train de finir notre interrogation, je ne sais pas, sur ces questions qui pourront beaucoup plus lever l'équivoque sur la suite. Comme je disais tantôt que vous êtes aussi une sorte de, c'est-à-dire vous êtes le porte-drapeau des lanceurs d'alerte au niveau des institutions.
- Speaker #2
Alors oui, on essaye d'être effectivement le porte-voix des lanceurs d'alerte vis-à-vis des institutions. Je vous ai indiqué qu'il y avait un problème de méconnaissance du dispositif, absence de soutien économique et financier. Il y a des choses encore à ajuster et notamment le champ d'application de la protection pourrait être encore plus large. Je crois qu'il y a des efforts encore à faire sur les conditions de traitement des signalements qui ne sont pas optimales. Et notamment les 41 autorités. ont pour certaines découvertes qu'elles étaient autorités de traitement des alertes sans être véritablement accompagnées. Les textes n'ont pas été totalement harmonisés. Et donc ça, ça fait encore partie des choses à faire. Et ça fait partie des recommandations que nous portons à l'égard des pouvoirs publics. Je crois qu'il y aura une question de moyens aussi à un moment. Alors moyens pour aider financièrement et puis moyens aussi pour le défenseur des droits qui a vu les demandes affluer. Là où on avait... 60 à 80 demandes il y a 3 à 4 ans. Aujourd'hui, on a reçu 400 demandes l'année dernière qui nous ont conduit à ouvrir 300 dossiers. Ça, ça implique d'être mobilisé.
- Speaker #0
Beaucoup de mobilisation, exactement.
- Speaker #2
Sachant que la rapidité est essentielle sur ce sujet. C'est-à-dire qu'il faut vite pouvoir être en capacité de dire à quelqu'un Vous êtes lanceur d'alerte Être en capacité... de le soutenir à l'égard de son employeur, je crois que ça c'est assez déterminant.
- Speaker #0
Alors pour finir... Quelles sont les suites de ces recommandations, je peux le dire, de ces rapports, si je me le permets ?
- Speaker #1
Alors les suites, elles sont portées par la défenseur d'abord elle-même, par Claire Hédon, qui a rencontré le président de la République pour lui remettre le rapport, qui a remis le rapport également au président de l'Assemblée nationale et du Sénat. Et puis maintenant, on essaye avec les pouvoirs publics, avec les ministères concernés, je pense notamment au ministre de la Justice, on essaye de travailler avec eux et de voir comment est-ce qu'on peut adopter des textes. qui peut piloter les réformes législatives. Et puis par ailleurs, on travaille avec un ensemble de partenaires, on rencontre les partenaires de la société civile, Madame Nass qui est à côté, nous la voyons également régulièrement pour discuter des sujets, pour rester en prise aussi un peu avec la réalité des lanceurs d'alerte. Et nous travaillons également dans un réseau européen, avec la Commission européenne, donc avec un ensemble de partenaires pour continuer à porter un peu nos recommandations.
- Speaker #0
Alors merci, merci Cécile Barrois de Sarri. Nous allons passer à une autre intervenante, c'est-à-dire nous allons donner la parole à Élodie Nass. Bonjour Élodie Nass.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #0
Vous êtes militante climat, si je peux le dire, vous êtes activiste. Vous avez milité dans plusieurs mouvements citoyens et puis depuis 2024, vous êtes devenue déléguée générale de la maison des lanceurs d'alerte. qui était au départ Mouvement Sciences Citoyens. Pouvez-vous nous présenter votre parcours et le parcours aussi de l'association, si je me permets, ou bien présenter l'association ?
- Speaker #2
Tout d'abord, merci de cette question, parce que c'est vrai que ça peut sembler... Je ne sais pas si ça semble si incongru que ça, que de passer de l'activisme climat. Il se trouve que, de fait, j'ai activement participé à des actions de désobéissance civile. dans un objectif de faire respecter le droit, de faire respecter notamment l'accord de Paris, qui est un accord international important sur les enjeux climatiques. Et puis cet activisme a aussi un enjeu d'intérêt général. Or, ce sont des éléments que j'ai retrouvés à la maison des lanceurs d'alerte, avec aussi cette notion de participation citoyenne. puisque le droit de l'alerte, l'utilisation, l'usage du droit de l'alerte, c'est aussi un droit citoyen que malheureusement on connaît assez mal. Je pense qu'on y reviendra un peu plus tard. Et la Maison des lanceurs d'alerte, c'est une association un peu particulière puisqu'il s'agit davantage d'une organisation d'organisation. Elle rassemble un certain nombre de membres, de syndicats. de syndicats de journalistes également, d'associations qui à la fois sont des associations qui luttent contre la corruption, pour la transparence de la vie publique, aussi qui utilisent le contentieux juridique pour faire avancer certains sujets d'intérêt général. Et on a aussi comme membres de la maison des lanceurs d'alerte, des lanceurs d'alerte eux-mêmes, des journalistes et des avocats. Donc voilà, vraiment... quelque chose de très global qui rassemble un éventail d'acteurs de l'écosystème de l'alerte.
- Speaker #0
D'accord. Alors, c'est pour dire que même les simples citoyens peuvent faire partie des maisons d'alerte. Alors, je veux maintenant en venir au rapport, c'est-à-dire à votre Assemblée générale. C'est-à-dire le 26 septembre dernier, la maison des lanceurs d'alerte a tenu son Assemblée générale. Ce rendez-vous annuel a été l'occasion de faire le point sur les difficultés, les activités, les actions et la préparation de l'avenir de la Maison des lanceurs d'alerte. Quelles sont vos conclusions et vos projets d'avenir ?
- Speaker #2
Alors les défis sont immenses. La Maison des lanceurs d'alerte vient juste de fêter ses six ans et on se rend compte que jamais elle n'a été aussi nécessaire. Le nombre d'alertes, le nombre de signalements est en hausse. constante ces dernières années. Et puis je souhaitais revenir aussi sur la force de la maison des lanceurs d'alerte. Je disais, une de ses premières forces, c'est de pouvoir rassembler des acteurs très divers de l'écosystème de l'alerte et de pouvoir les faire dialoguer. Mais aussi, nous portons une approche individuelle et collective de l'accompagnement des lanceurs d'alerte. Ce qui fait qu'à ce niveau-là, nos projets sont vraiment assez importants. Le premier d'entre eux, c'est de pouvoir former davantage les acteurs de l'écosystème, puisque le lanceur ou la lanceuse d'alerte peuvent se retrouver seules, mais ils ont autour d'eux, autour d'elles, un certain nombre d'acteurs qui peuvent les accompagner, que ce soit les syndicats, que ce soit les journalistes aussi, dans la médiatisation du fonds de l'alerte, et puis les professionnels du droit. Ce que l'on constate, c'est que l'ensemble de ces acteurs ne sont pas assez formés au droit d'alerte et à leur rôle. Et ce qui est peut-être plus surprenant aussi, c'est qu'au sein des professionnels du droit, que ce soit les avocats, les avocates, les magistrats, on constate dans un grand nombre de dossiers un manque de connaissances et un manque d'application du droit de l'alerte. Un autre chantier qu'on mène, c'est... Aussi, contribuer à mettre en œuvre une culture de l'alerte, donc faire davantage connaître le droit d'alerte, et puis peut-être aussi communiquer sur la capacité de chaque citoyen et citoyenne à pouvoir œuvrer pour l'intérêt général, et pouvoir œuvrer aussi à notre capacité à vivre dans une société qui est plus digne. sur tout un tas de sujets. Et donc ça, ça veut dire, en lien aussi avec les conclusions du défenseur de droit et du rapport qui a été précédemment cité, le fait de davantage communiquer et de davantage former au droit de l'alerte.
- Speaker #0
Exactement.
- Speaker #2
Ouais. Ensuite, on contribue également à l'application de la loi Wasserman et à la mise en œuvre d'autres lois, notamment sur la question de la transposition de... La loi contre les procédures Bayon, qui est un énorme chantier également. Un des enjeux qui a également été cité précédemment, c'est de permettre aux lanceurs d'alerte de faire avancer les batailles sur leur sujet. Puisque quand on lance l'alerte, finalement, on se retrouve peut-être plus à se protéger soi-même, à réclamer son statut pour se protéger des représailles. Et ce pourquoi on a lancé l'alerte peut... parfois passer au second plan. Et ça, c'est vraiment important qu'on puisse faire raisonner cette parole et du coup faire condamner, par exemple, des entreprises. Je prends l'exemple d'une entreprise pharmaceutique qui distribue un médicament qui a des impacts très forts sur la santé, sans avertir ceux qui le prennent. Et donc pour ça, pour conclure... Je dirais, donc là, vous voyez l'ensemble des projets, des activités qu'on peut mener. Et donc, pour ça, on a clairement besoin de plus de moyens pour répondre à l'ensemble des signalements qui augmentent. Et puis, effectivement, de pouvoir répondre rapidement. C'est un enjeu qui a également été cité précédemment. Et de pouvoir apporter un accompagnement qui est complet, juridique, mais aussi hors juridique.
- Speaker #0
OK. Alors, c'est qui concerne les... Les différentes phases de recueillement et de traitement des signalements, ce que nous n'avons pas encore parlé, pouvez-vous nous en faire part ?
- Speaker #2
Tout à fait, notamment s'il y a des étudiants et étudiantes qui nous écoutent et qui se demandent comment nous pouvons les accompagner. Sur notre site internet, il y a une plateforme qui est confidentielle et sécurisée, dans laquelle... Vous pouvez déposer un dossier, faire un signalement. On va vous demander de remplir un questionnaire pour essayer de mieux comprendre quel est le sujet et quels sont les faits qui sont mis en cause et quels sont les représailles que vous avez peut-être subies. Et vous demandez d'y télécharger un certain nombre de pièces qui viennent étayer votre signalement. Notre équipe de juristes va regarder ce signalement, va pouvoir étudier aussi les pièces. Et si ça rentre dans le cadre des critères de la loi et de notre objet social à la Maison des lanceurs d'alerte, qui est le respect de l'intérêt général, nous allons pouvoir vous accompagner. Et donc, notamment... pour dans certains cas pouvoir produire une note qu'on appelle une note de soutien juridique qui est en fait un argumentaire qui explique qu'au vu de ce qu'on a vu de votre dossier, vous pouvez prétendre au statut du lanceur et à la protection de lanceur d'alerte. Et cette note, elle va être remise à l'avocat ou l'avocate, à une juridiction pour pouvoir étayer. En fait, finalement, on fait ce travail de... de mieux faire connaître, de formation, de présentation du droit de l'alerte et comment simplifier la prise de conscience. Et pendant ce trajet, ce chemin d'accompagnement, dans certains cas et dans la mesure de nos moyens, qui malheureusement sont aussi un peu limités, on peut vous proposer un accompagnement psychologique ? Un accompagnement socio-économique également.
- Speaker #0
En parlant de l'accompagnement psychologique, je voulais répondre sur l'affaire Nathalie Gouthorpe. Vous l'avez mentionné sur votre site internet, vous l'avez rélevé, c'est-à-dire l'enquête de Mediapart du 29 septembre 2024 sur les circonstances ayant conduit au suicide de Nathalie Gouthorpe. qui est aussi lanceuse d'alerte et chef de cabinet à la mairie de Rouen et Rouennais agglomération. Ces drames lèvent l'équivoque sur la question de la santé mentale des lanceurs et lanceuses d'alerte qui dans la plupart des cas se retrouvent dans des situations de solitude et de souffrance. Nous savons très bien qu'il y a des accompagnements psychologiques qui sont prévus par la loi et dans vos activités. Alors pouvez-vous nous en dire plus sur la santé mentale des auteurs de signalement ? Après, par exemple, l'alerte, c'est-à-dire qu'un lanceur d'alerte fait un signalement et puis après, ça se gère comment ? C'est-à-dire toutes ces procédures.
- Speaker #2
Alors malheureusement, il y a très peu de littérature sur le sujet, ce qui fait que c'est difficile d'avoir des données. Et puis... On ne peut pas non plus faire de généralisation sur les situations des lanceurs d'alerte et de leur santé mentale, car il y a beaucoup de choses qui dépendent d'abord de leur situation, de leur histoire personnelle, qui peut aussi accroître les risques. Et puis leur exposition à l'isolement, aux difficultés financières que le lancement d'alerte peut engendrer, l'exposition médiatique. aussi parfois qui est difficile. L'intensité et la durée de représailles, tout ça, ça peut accentuer les impacts en santé mentale. Et puis, ces personnes ont aussi des ressources qui sont inégales. Elles peuvent trouver de la solidarité au travail. Elles peuvent avoir le soutien des institutions, que ce soit les syndicats, que ce soit la défenseur de droit, que ce soit la maison des lanceurs d'alerte. Elles peuvent être aussi accompagnées juridiquement notamment par un avocat ou une avocate de qualité. Elles peuvent avoir accès à des prestations sociales et médicales qui accroissent aussi, en tout cas qui pallient à ces problématiques de santé mentale. La médiatisation peut aussi être un plus parfois. Du coup, c'est difficile de vraiment donner quelque chose de très clair sur la santé mentale des lanceurs d'alerte. Mais ce qu'on constate, c'est quand même généralement des symptômes de burn-out, de dépression, et ça peut aller jusqu'à un syndrome de stress post-traumatique. Nous, on a mis en place un dispositif global d'accompagnement psychologique, qui veut dire à la fois la possibilité d'être accompagné par un ou une psychologue bénévole. On forme aussi notre équipe de juristes à pouvoir... détecter des symptômes de détresse et pouvoir les réorienter. Et puis on essaye de se protéger aussi, parce que ce n'est pas forcément évident de se retrouver face à ces situations. Clairement, on voit qu'on a besoin d'aller beaucoup plus loin dans la mise en place de l'accompagnement psychologique. Et je pense que c'est vrai qu'on voit aussi les lacunes de la loi ou de la mise en application de la loi, et que... Encore une fois, c'est malheureusement souvent le cas, mais c'est le secteur associatif qui vient aussi pallier les insuffisances des pouvoirs publics.
- Speaker #0
Exactement. Alors, je reviens encore sur la question de l'évolution des lois, c'est-à-dire de la protection des lanceurs d'alerte. J'en avais posé à la défenseur des droits, je reviens aussi te poser la même question concernant l'évolution. C'est-à-dire l'amélioration des lois, c'est-à-dire de la loi Sapin 2 à la loi Westerman. C'est-à-dire, pouvez-vous nous en dire plus sur les axes d'amélioration ? Parce que nous sommes sur, par exemple, la question psychologique, l'accompagnement psychologique des lanceurs d'alerte. Pouvez-vous nous donner votre avis sur l'évolution ? Est-ce que vous êtes satisfait comme... comme la défenseur des droits ou bien pour vous, vous pensez qu'il y a encore des choses à améliorer ?
- Speaker #2
Alors côté maison des lanceurs d'alerte, on fait un constat assez proche de celui du défenseur des droits et qui est évoqué dans le rapport, notamment sur les lacunes de l'application de la loi. Donc je ne vais pas revenir sur la non mise en place des accompagnements psychologiques et financiers, sur le manque de moyens ou le manque de... comment dire, de mise en œuvre des compétences attribuées par les autorités externes. Peut-être pour donner un peu plus de détails, dans la loi, il n'y a pas de contrainte de délai de réponse après un signalement. C'est-à-dire qu'on lance l'alerte sur un sujet, on saisit l'autorité externe qui est compétente, il n'y a pas de réponse. Il n'y a pas de délai de réponse, donc on ne sait pas quand est-ce que l'autorité externe va répondre. Et en fait... Il n'y a pas de contrainte non plus de réponse tout court. Donc l'autorité peut ne pas répondre, ce qui est quand même un enjeu quand on est lanceur d'alerte. Et peut-être un autre enjeu qui n'a pas été évoqué, c'est la question de la réintégration des personnes qui ont été licenciées, qui ont été licenciées abusivement, et globalement la question d'employabilité des lanceurs d'alerte après avoir lancé l'alerte, qui est un sujet qui doit nous préoccuper pour la suite.
- Speaker #0
Exactement. Alors pour finir, juste... Une question concernant le rôle des universités, c'est-à-dire quel rôle doivent jouer les universités selon vous ?
- Speaker #2
Alors c'est une très bonne question. Je dirais qu'il y a deux enjeux pour les universités. D'abord, mieux former les étudiantes et les étudiants au droit d'alerte en tant que futurs professionnels et ce, quel que soit leur domaine, leur secteur d'activité, que ce soit dans le public ou que ce soit dans le privé. Et puis enfin de mettre en place une procédure d'alerte interne, c'est-à-dire un ou une référente déontologue, pour que toutes les personnes à l'université, que ce soit les étudiants et les étudiantes, mais aussi les professeurs et les salariés aussi de l'administration, se sentent en confiance. Et je tiens aussi à signaler que de notre côté, on reçoit de plus en plus d'alertes de l'université, des universités, et c'est quelque chose qui nous questionne aussi.
- Speaker #0
Merci beaucoup pour tout, pour vos riches interventions qui, je pense, ont beaucoup bénéficié, surtout aux étudiants de l'Université Paris-Est-Créteil. Alors, sans plus tarder, je vais devoir me tourner vers Jérémy Florent pour en discuter davantage de la question des lanceurs d'alerte au sein de l'université, voir quels sont... C'est-à-dire le degré d'évolution, c'est-à-dire de la mobilisation derrière la question des lanceurs d'alerte. Jérémy Florent, bonjour.
- Speaker #3
Bonjour.
- Speaker #0
Vous êtes un ancien étudiant de l'UPEC, de la Faculté des droits, fondateur et président de NovaDroit, qui est une association d'accès aux droits et d'entraide entre les étudiants. Pouvez-vous présenter davantage, si possible ? quelques mots sur votre expérience étudiante en droit et votre engagement.
- Speaker #3
Oui, bien sûr. Alors, j'ai fait mes études de droit à l'UPEC, où j'ai obtenu ma licence, puis un master de justice procès-procédure sous la direction du professeur Antoine Bolz il y a deux ans à peine. Aujourd'hui, je suis juriste et président fondateur de NovaDroit. Et comme la plupart de mes camarades étudiants, j'étais livré à moi-même. sans avoir d'interlocuteur direct au sein de l'université en cas de problème. J'ai fait le constat que les étudiants ne connaissaient pas leurs droits, moi y compris à l'époque. Et pendant mes études, j'ai eu l'occasion d'effectuer plusieurs stages, notamment dans des cabinets d'avocats, mais aussi au sein même du ministère de la Justice, plus précisément au bureau de l'accès au droit et de la médiation. Là-bas, j'ai pu travailler sur des dossiers d'envergure, notamment en matière d'accès au droit. Et j'ai pu discuter avec les interlocuteurs directs dans ce domaine. Au sein du ministère de la Justice, j'ai donc pu constater que les jeunes n'étaient pas les seuls à ne pas savoir vers qui s'orienter en cas de difficulté. Finalement, peu importe l'âge ou le milieu social, beaucoup de personnes ignorent leurs droits. Puis dans de rares occasions où ils connaissent leurs droits, ils ne savent pas vers qui se tourner ni la procédure à suivre. C'est cette situation qui m'a poussé à créer l'association NovaDroit. J'ai voulu simplifier le droit en impliquant à la fois des étudiants et des professionnels. Notre but est de rapprocher la justice du citoyen tout en favorisant l'entraide entre étudiants.
- Speaker #0
Merci. Alors, NovaDroit est lauréat de Bourse BNB Paribas de l'Université Paris-Est-Créteil. NovaDroit est une association d'accès aux droits et à l'entraide étudiants. Pouvez-vous décrire vos actions ? Parce que ça fait déjà quelques temps que NovaDroit est fonctionnel. Donc, si vous pouvez décrire vos actions, c'est-à-dire les différentes activités.
- Speaker #3
Effectivement, j'ai remporté le prix BNP Paribas de l'Université Paris-Escréteil en 2022, qui récompense les meilleurs projets d'insertion professionnelle. Et c'est grâce à cette bourse que j'ai pu fonder NovaDroit la même année. L'association s'articule autour de deux grands axes, l'accès au droit d'un côté et l'entrée d'étudiante de l'autre. Nous vulgarisons le droit, notamment sur les réseaux sociaux, pour les rendre accessibles à tous, notamment à travers des revues de presse hebdomadaires. où nous décryptons l'actualité, nous assistons également à des procès qui, je le rappelle à toute fin utile, sont publics. Puis on rédige des comptes rendus d'audience qui sont pédagogiques. L'objectif, c'est de mieux faire comprendre le fonctionnement de l'institution judiciaire et de lutter contre les préjugés sur la justice. Notre association anime également un podcast qui s'intitule La Voix du Droit et qui permet à la jeunesse de s'exprimer librement sur des sujets juridiques à des fins pédagogiques. Par ailleurs, nous... Nous collaborons activement avec le Conseil départemental de l'accès aux droits du Val-de-Marne pour mener à bien nos projets et assurer un soutien concret aux étudiants qui rencontrent des difficultés juridiques. Notre permanence juridique à NovaDroit reçoit des justiciables afin de les informer sur leurs droits et les orienter vers les professionnels qui sont compétents. Enfin, nous organisons également des séances de tutorat tous les samedis pour accompagner les étudiants vers le chemin de la réussite. Et grâce à ces sessions pratiques et des discussions ouvertes, parfois la parole se libère. C'est parfois à cette occasion que l'on sort légèrement du cadre des études de droit et que des étudiants se livrent sur leurs problèmes un peu plus personnels.
- Speaker #0
Ok, d'accord. En mettant ainsi les étudiants au cœur de vos actions, en promouvant la justice du citoyen, vous contribuez à la démocratisation de l'accès au droit des étudiants, bien sûr. Qu'en est-il du sujet de la protection des lanceurs d'alerte en milieu étudiant ?
- Speaker #3
La protection des lanceurs d'alerte en milieu étudiant est un sujet crucial, mais malheureusement méconnu. Beaucoup d'étudiants ne savent pas ce qu'est un lanceur d'alerte. Souvent, à cause d'une information qui n'est ni visible ni accessible, il existe encore une confusion entre lanceur d'alerte et délateur, et beaucoup hésitent à s'exprimer, redoutant de fâcheuses conséquences. que ce soit des sanctions ou tout autre moyen de pression. Notre approche consiste à rendre l'information juridique plus accessible, notamment par l'intermédiaire des réseaux, car c'est là où les jeunes passent la plupart de leur temps et en favorisant l'immersion au sein des institutions elles-mêmes. Lorsque des affaires, par exemple, font la une, des journaux, nous en profitons pour sensibiliser les étudiants sur le rôle du lanceur d'alerte, à titre d'exemple, lors de l'affaire du Mediator l'an dernier. J'ai accompagné une dizaine d'étudiants à la Cour d'appel de Paris afin qu'ils découvrent qui est le docteur Irène Frachon, quel a été son rôle et en quoi sa parole a sauvé des vies en tant que lanceur d'alerte. Ensemble, nous avons discuté du statut du lanceur d'alerte en lui-même, nous avons posté un compte-rendu d'audience et du contenu sur les réseaux sociaux, en reprenant des définitions, en évoquant notamment, entre autres, le défenseur des droits pour qu'il puisse être orienté. L'objectif, c'est de faire prendre conscience de l'importance de dénoncer des pratiques illégales. Nous les aidons donc en ce sens à comprendre que le lanceur d'alerte est un acteur qui sert l'intérêt général et non un délateur. Le lanceur d'alerte est protégé par la loi et il est accompagné notamment par le défenseur des droits. Les lanceurs d'alerte étudiants sont souvent dans une situation de grande précarité et ils manquent d'expérience dans le monde du travail. Ils craignent donc souvent que personne ne les soutienne dans leur démarche, ce qui peut les pousser à ne pas signaler les abus. Notre rôle est de les écouter lors de permanents juridiques, de les orienter vers les professionnels ou les institutions qui sont adaptées à leur situation.
- Speaker #0
Ok, alors si je vois bien, au niveau des universités en général et puis à l'Université Paris-Est en particulier, nous constatons que la... La question de la protection des lanceurs d'alerte n'est pas encore, c'est-à-dire, demande à être vulgarisée davantage, pour que les étudiants puissent être informés sur tous les angles. de la question de la protection des lanceurs d'alerte. J'imagine que la prochaine, c'est-à-dire ton prochain podcast, sera peut-être axé sur cette thématique, si je me le permets. Pour conclure, comment l'université doit protéger les lanceurs d'alerte étudiants ?
- Speaker #3
L'université doit d'abord multiplier les interlocuteurs sur place et les rendre clairement identifiables. C'est le problème... qui arrivent souvent lors de nos permanences, ils ne savent pas vers qui se tourner. Des rencontres avec les étudiants en amont de tout contentieux.
- Speaker #0
Il faut des référents au niveau des universités.
- Speaker #3
Il faut des référents qui soient aussi clairement identifiables, qui puissent se présenter, qui puissent se déplacer vers eux aussi. Je pense que c'est important que les professionnels puissent se déplacer vers les étudiants qui ne sont pas forcément dans le besoin, mais à titre préventif c'est aussi important, en amont de tout contentieux. C'est essentiel pour instaurer une confiance mutuelle dans un premier temps et puis encourager les bonnes pratiques. Ensuite, la communication elle-même doit évoluer pour mieux s'adapter aux usages des jeunes. Les réseaux sociaux doivent être des vecteurs d'informations juridiques. Les mails, par exemple, vont être noyés dans d'autres messages. Ils ne seront peut-être même pas lus. Je donne l'exemple souvent concernant TikTok. Il n'y a pas encore vraiment d'institutions qui sont sur ce réseau. Alors qu'aujourd'hui, c'est celui qui est le plus... plus utilisés par les jeunes. On retrouve effectivement ces institutions sur Instagram, Twitter, aujourd'hui X. Donc ça, c'est une avancée majeure et ça fonctionne plutôt bien. Mais il y a encore d'autres réseaux sur lesquels ils peuvent, je pense, être pleinement impliqués. Et puis, il est crucial de mettre en place des sessions de prise de parole libres où les étudiants peuvent partager leur expérience en toute sécurité et confidentialité. L'université doit garantir aux étudiants lanceurs d'alerte qu'ils ne subiront aucune forme de représailles en offrant des espaces de dialogue protégés avec des professionnels qualifiés. L'ouverture de salles spécialement prévues à ces effets devrait exister au sein de chaque université à mon sens. En définitive, libérer la parole est un impératif absolu pour protéger les lanceurs d'alerte étudiants. Faut-il encore des lieux clairement identifiables au sein même des universités et une communication à la hauteur des enjeux ?
- Speaker #0
Merci beaucoup Jérémy Florin. D'avoir fini sur ces notes beaucoup plus bonnes, beaucoup plus promettrises, parce qu'au niveau de l'université, le combat doit désormais être intense pour amener les étudiants surtout à emprunter ces chemins de dénonciation et puis de lever l'équivoque sur le fait qu'être étudiant, c'est un peu difficile aussi de lancer l'alerte parce qu'après, ils auront des carrières devant eux. Voilà. C'est ça. Donc nous remercions tous les intervenants et nous leur souhaitons une très bonne continuation dans leurs engagements citoyens qui contribuent à la liberté fondamentale de l'expression. Vous trouverez les ressources du podcast et les dessins de Didier Marandin sur la page des rendez-vous de la MI2 sur le site de l'université, sur le site internet de l'université Paris-Est-Créteil. Merci à l'équipe technique Marc et Erwan pour la réalisation et le montage de ce podcast. Sans oublier la dynamique équipe de l'organisation de ces podcasts, Juel Fort, Nabeï Tia, Nicole Brotowski et Choudiba Bordjolbo. Le prochain podcast, Consommez Autrement, s'inscrira dans le mois de l'économie sociale et solidaire.