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S2E1 - Natacha Raab (Fred Paris, LVMH) - La patronne du luxe, une main de fer dans un gant de velours cover
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Les Sages - le podcast des plus grands leader·euse(s) humanistes

S2E1 - Natacha Raab (Fred Paris, LVMH) - La patronne du luxe, une main de fer dans un gant de velours

S2E1 - Natacha Raab (Fred Paris, LVMH) - La patronne du luxe, une main de fer dans un gant de velours

1h45 |08/09/2024
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1h45 |08/09/2024
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Description

Pour ce premier épisode de la Saison 2 des Sages, je reçois au micro Natacha Raab, la dirigeante de Fred Paris, maison de joaillerie légendaire, du groupe LVMH.


Natacha marque les esprits, et ceux à plusieurs titres :

  • C'est d'abord une grande professionnelle, fidèle du groupe LVMH, qui a su gravir les échelons un à un, jusqu'à prendre la (co) direction d'une filiale du groupe, dirigé par Bernard Arnault. Elle est passée auparavant par les maisons Sephora, Louis Vuitton, et Dior. Elle nous raconte ses expériences, les hommes qui ont marqué sa carrière, et assume d'être motivée "par le pouvoir".


  • Natacha, au-delà de son activité principale de dirigeante, est une femme engagée pour "l'empowerment féminin" : elle soutient de jeunes entrepreneures et agit en coulisse pour que les femmes prennent toutes leurs places dans le monde du business. Elle est aussi membre du conseil d'administration des alumnis de l'ESSEC, et du Jury de Forbes Under 30.


  • Enfin, Natacha est surtout une femme pleine de gentillesse et d'attention envers les autres. Elle est à l'aise avec ses émotions, nous raconte ses succès, et notamment sa médaille de Chevalière de l'Ordre Nationale du Mérite. Mais aussi les passages plus compliqués de sa vie, comme son hospitalisation pour anorexie durant ses études.


Au sein de cet épisode, nous avons également évoqué sa préparation au concours de l'ENA, Bernard Arnault, de ses origines polonaises, de la "bande à Natach'" durant son enfance, de l'IA dans le luxe, de running ...


Bon voyage avec Les Sages !


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Transcription

  • Speaker #0

    Les sages, c'est avant tout une histoire personnelle. Je m'appelle Nicolas Jeanne et j'entreprends depuis que j'ai 19 ans. Sur ce chemin, j'ai eu la chance de rencontrer des personnes que j'appelle les sages. Vous savez, ce sont ceux qui, d'un conseil bienveillant, peuvent changer votre journée, votre projet, votre vie. Souvent des personnes avec qui il y a un avant et un après. A mes yeux, ce sont des leaders authentiques mais surtout des leaders humanistes. Ça, c'est important pour moi. Ceux qui vont vous faire grandir sans s'en rendre compte. Plus que n'importe quel livre ou cours, des témoignages qui viennent du cœur et de la réalité. Et surtout du cœur. Aujourd'hui, je vous propose de partir à leur rencontre, dans un format inédit, et négocier avec eux. Un format où l'on se dira tout, naturellement, et aucune question ou anecdote sera interdite. Ça, vous avez ma parole. Un format axé sur leur activité, bien sûr, mais qui, évidemment, dérivera vers la vie, la société et les émotions. Mon but, c'est clairement de mettre en valeur l'aspect humain de ces personnalités qui me paraissent exceptionnelles, et de casser la carapace. Casser la carapace, vous le sentez, c'est pas un mot par hasard. Pourquoi ? parce que je pense que ça va vous permettre d'apprendre sur les plus grands leaders et leaduses qui ont bâti et bâtissent la société. La France est une terre bourrée de talents et de leaders, et nous allons en leur en compte. Bon voyage avec les sages. Pour commencer cette saison 2, je suis heureux de recevoir une grande dame, Natacha Rave. Natacha risque de marquer votre journée. Cette grande rousse élégante et charismatique, dirigeante de la maison Fred Paris, maison de joaillerie du groupe LVMH, est aussi une personnalité très authentique. Elle a su transformer sa vulnérabilité pour être une lideuse respectée dans le monde de luxe. Natacha nous raconte tout. De comment elle a gravi les échelons chez LVMH, de son goût du challenge et du pouvoir, qu'elle assume, mais aussi de son hospitalisation pour anorexie durant ses études. Elle tente l'ENA, juste après, comme une revanche sur la vie. C'est le style de Natacha. Allez, on y va avec Natacha Rab. Bonjour Natacha, et merci d'avoir accepté notre invitation dans les sages. Comment tu vas ?

  • Speaker #1

    Écoute, je vais très bien. Merci à toi pour ton invitation.

  • Speaker #0

    Avec plaisir. Est-ce que pour démarrer, je peux te demander de te présenter en quelques phrases, s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Bien sûr. Je m'appelle Natacha, j'ai 51 ans, je suis l'heureuse mère de deux jeunes adultes, on va dire, un fils de 18 ans et une fille de 16 ans. Je suis divorcée depuis deux ans et j'évolue depuis 25 ans dans l'univers du luxe avec la chance d'évoluer dans le groupe leader, à savoir LVMH.

  • Speaker #0

    Ok, écoute, on va y revenir dans un second temps. Si je peux te poser quelques questions sur ton enfance ? quand j'ai préparé l'interview j'ai vu que tes grands-parents sont polonais est-ce que toi t'es franco-polonaise du coup ?

  • Speaker #1

    Alors moi je suis 100% française née en France de parents eux-mêmes nés en France mais effectivement mes grands-parents mes 4 grands-parents sont nés en Pologne ils ont fui la Pologne dans les années 30 au moment où il y avait des pogroms contre la population juive je suis de religion juive et du coup ils sont arrivés en France avec une valise et pas grand-chose dedans et entre autres ils ont appris le français en lisant les noms des stations de métro voilà et Mais je suis très française et je me sens complètement française avec des origines, effectivement, on va dire de l'Est. D'où mon prénom aussi, un petit peu slave.

  • Speaker #0

    Et est-ce que quand tu étais jeune, tu avais des passions particulières ? Est-ce que tu étais scolaire ?

  • Speaker #1

    Alors, hyper scolaire. Je crois que je le suis encore d'ailleurs. Mais non, hyper scolaire, j'ai adoré l'école. Pour moi, l'école, c'était le lieu où j'avais des amis. J'étais très scolaire dans le sens où, naturellement, je pense que je suis une bonne élève. Donc, j'aimais faire plaisir à mes maîtresses. J'étais toujours très proche du corps professoral. Et donc, super, super scolaire et quelque part fière de l'être. Pas du tout de honte par rapport à ça. Après, des passions, j'étais très entourée aussi. Il y avait une bande à Natacha à l'école. Donc, est-ce que c'était le début du leadership ? Je ne sais pas. Mais la vie sociale et la vie amicale est très importante pour moi.

  • Speaker #0

    C'est quoi le leadership pour toi ?

  • Speaker #1

    Alors, le leadership, c'est, je dirais d'abord, une influence. D'être capable d'embarquer des gens derrière soi. une vision commune, et c'est du collectif, par définition.

  • Speaker #0

    Ok, et c'est quelque chose que toi, tu as quelque chose, que tu as depuis que tu es née un petit peu, ou tu l'as travaillé aussi, tu en as pris conscience ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas trop, alors je pense que de façon assez innée, on me décrira comme charismatique, assez influente. Ma mère raconte souvent cette histoire de bande à Natache, parce que c'était mon surnom, Natache, quand j'étais petite, donc il y a probablement des choses qui sont assez induites. Et puis après, je pense que naturellement, dans la société, on prend une position. Et c'est vrai que moi, j'aime mettre numéro un. Est-ce que ça s'acquiert probablement un petit peu avec le temps ? Et puis, si on a cette inspiration en soi, peut-être qu'on la nourrit aussi. Et on est inspiré peut-être par des gens plus leaders. Et du coup, on veut suivre l'exemple. En tout cas, ça a été mon cas.

  • Speaker #0

    Ok, super intéressant. Et du coup, la bande à Natash, est-ce que vous aviez des activités en particulier ? Vous étiez sportive déjà à l'époque ?

  • Speaker #1

    Alors, j'ai reçu une éducation très bourgeoise, donc j'ai fait des sports type le tennis, j'ai fait du basket. Donc, j'étais assez sportive parce que je pense que mes parents m'ont initiée à cette hygiène de vie que le sport peut apporter, à savoir un corps sain dans un esprit sain, un esprit sain dans un corps sain, pardon. Et je pense que ça, c'est important. J'ai fait de la musique aussi, donc ça fait partie d'une éducation, on va dire, globalement bourgeoise. Et les activités de la bande, non, c'était plutôt des activités, on va dire, d'amusement. On était jeunes, on était à l'école. En revanche, moi, j'ai un frère aîné. Et du coup, j'étais, contrairement aux apparences aujourd'hui, très garçon manqué. Donc, je montais aux arbres, je jouais au foot. Voilà, enfin, je faisais du karaté. Il y a ce côté en moi très inspiré par mon grand frère, qui était mon idole et qui reste quelqu'un d'important pour moi. Mais oui, j'étais très garçon manqué. Donc, peut-être assez contre nature par rapport à ce qu'on voit de moi aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Et avec ton grand frère et ta famille, du coup, tu as grandi à Paris ?

  • Speaker #1

    Oui, on est parisiens. Il y en a assez peu, mais on est vraiment parisiens et je suis très parisienne. Très attachée à la vie active de Paris, à la richesse culturelle, à la beauté de la ville. On est en plein French bashing des JO, mais moi, je reste émerveillée, même si c'est parfois un petit peu compliqué en termes de trafic en ce moment, etc. Mais je reste émerveillée par la beauté de Paris.

  • Speaker #0

    Je comprends. On en reparlera, mais en plus, je pense que tu voyages un petit peu dans ton métier.

  • Speaker #1

    Exactement. Et je suis toujours très contente de revenir à Paris.

  • Speaker #0

    Oui, ça te donne l'opportunité de voir que des fois, c'est vrai qu'on est un peu French basher, je ne sais pas comment on dit, mais en tout cas, oui, que quand on vient en France, ce n'est pas si mal sur certains aspects.

  • Speaker #1

    Oui, complètement.

  • Speaker #0

    Ok, et si on revient dans ta jeunesse, alors dans les sages, on aime bien raconter un peu les hauts et les bas et que les grands leaders sont aussi parfois vulnérables. Quand tu étais jeune, je crois que tu as eu un épisode anorexique. Est-ce que tu peux nous en parler ?

  • Speaker #1

    Oui, complètement. C'est un moment hyper structurant de ma vie que j'ai eu finalement. Assez tard pour ce qu'on appelle l'anorexie, souvent c'est une maladie qui se déclare au moment de l'adolescence, vers 13-14 ans, quand le corps se transforme, en particulier pour les jeunes filles. Moi je suis tombée malade un petit peu plus tard, je sortais du lycée, je sortais même de prépa et je rentrais en école de commerce, donc j'avais 18 ans, 19 ans, donc assez tard par rapport au modèle classique des anorexiques, mais tôt dans ma vie d'adulte, et ça a été hyper violent. hyper violent dans le sens où d'abord physiquement c'est une souffrance mentalement c'est une maladie mentale et on n'en parle pas assez c'est une maladie grave, c'est une maladie dont on meurt et qui est un combat entre soi-même en fait c'est toi et toi-même, toi et ton esprit généralement la personne veut disparaître au profit de l'esprit, donc elle veut que le corps disparaisse au profit de l'esprit pour être pur intellect donc c'est une maladie qui touche des personnes assez perfectionnistes assez puissants mentalement Mais moi je me suis retrouvée pendant un certain nombre de mois, voire d'années, à l'hôpital. Donc déconnectée de la vraie vie, avec une urgence critique physique et mentale qui fait que je n'étais pas autonome. Et ça, ça a été un énorme choc, mais qui m'a probablement vachement construit sur la suite de ma vie. Donc j'ai eu la chance d'être... extrêmement bien entourée, d'abord d'un point de vue familial, avec des parents médecins qui ont vu la chose venir assez tôt. J'ai reçu beaucoup d'amour quand j'étais jeune, et encore plus, je pense, je me suis sentie très soutenue à ce moment-là de ma vie, même si j'étais isolée dans une chambre, je savais que mes parents étaient là pour moi. J'ai eu la chance d'évoluer aussi dans un milieu financier très favorable, donc j'ai été hospitalisée dans des très bonnes conditions, y compris dans des cliniques privées, qui peuvent parfois aider face à la maladie. Et j'ai eu d'excellents médecins. Je pense que le psychiatre qui m'a sauvé la vie n'est plus de ce monde malheureusement aujourd'hui, mais quelqu'un d'hyper important dans ma vie. C'est le premier à qui j'ai annoncé que j'allais me marier. C'est le premier à qui, après ma famille évidemment, mais c'est le premier à qui j'ai dit que j'étais enceinte. Donc, face à cette adversité, j'ai eu beaucoup, beaucoup de chance. Et je pense que j'ai eu besoin d'aller un peu au fond de la piscine, comme on dit, pour remonter, mais beaucoup ne remontent pas. Donc moi ça m'a aidée parce qu'à 20 ans, quand mes copains passaient les meilleures années de leur vie, moi j'étais en psychanalyse, en psychothérapie, parce que quand tout le monde vivait les premiers amours, moi je posais 40 kilos, je ressemblais à rien et personne ne me regardait. Parce que pendant que mes copains de promo commençaient à exceller dans leur premier stage ou leur vie professionnelle pour ceux qui ont commencé tôt, moi je... Entre guillemets, j'étais un peu à la ramasse, hospitalisée et finalement le temps passait. Et je suis sortie de là. Bon déjà, je m'en suis sortie, donc ça c'est important. Je pense que j'avais toujours eu envie de vivre. C'est une maladie, encore une fois, qui peut être létale. Mais moi, j'avais peur de la mort et ça m'a aidée, je pense, à un moment donné de me dire c'est soit la mort, soit la vie. Et j'ai choisi la vie. Et derrière, ça a été un accélérateur d'énormément de choses. Comme souvent quand on est confronté à la maladie, je me suis rendu compte combien les petites choses peuvent être merveilleuses. Entre autres, quand j'étais malade, c'est souvent le cas, j'étais hospitalisée dans une chambre isolée, donc je ne sortais pas de ma chambre. C'est un peu une prison, même si les gens autour de toi sont très bienveillants. Mais j'avais une clé qui ouvrait une fois ou deux fois par jour pour me déposer de la nourriture et nettoyer ma chambre. Donc je vivais au son des clés. Et le fait de retrouver un espace libre, de revenir chez mes parents ou plus tard dans un appartement seul et de pouvoir être libre de mes mouvements, c'est quelque chose que j'ai apprécié à très très haut niveau, alors qu'avant d'être malade, j'avais tout ça. Donc ça remet quand même un peu le curseur à zéro, voire à moins 10 pour recommencer à plus 100. Et puis j'ai eu une espèce de niaque derrière qui était waouh, la vie est belle et il faut en profiter et il faut en plus rattraper le temps perdu Donc le bulldozer, c'est un peu mis en place derrière.

  • Speaker #0

    Ok, écoute, merci pour ta sincérité. En effet, moi, c'est un sujet évidemment qui me touche. Et ce que j'aime bien dans ce que tu dis, c'est que tu parles de maladie. Parce que la anorexie, pour les gens qui ne connaissent pas, ils pourraient penser que c'est une jeune fille.

  • Speaker #1

    Les jeunes filles qui veulent faire comme dans les pubs, pour perdre du poids. Mais pas du tout, c'est une maladie mentale.

  • Speaker #0

    Et est-ce que ça touche les jeunes hommes aussi ?

  • Speaker #1

    Beaucoup moins, mais oui. Moi, j'ai été hospitalisée avec un jeune homme. Et je pense que c'est encore plus difficile pour eux parce que le... Le regard social est très peu éduqué sur les jeunes hommes. Alors, je n'ai pas de statistiques. Et puis, moi, c'était il y a un certain nombre d'années, plusieurs décennies. Mais il faut dire que c'est une maladie et mentale. C'est une maladie. Tout à fait. Très importante.

  • Speaker #0

    Et est-ce que je me demandais, est-ce qu'on sait, cette maladie, elle arrive ? Il y a des raisons ? Il y a des causes ?

  • Speaker #1

    Alors, écoute, il y a différentes théories. Moi, je pense que j'avais en moi ce côté extrêmement perfectionniste de contrôle aussi. Je pense que c'est une maladie où tu veux toujours être dans le contrôle, parce que finalement, quand tu commences à moins manger, tu contrôles ce qu'il y a dans ton assiette, tu calcules les calories, tu as une vision de toi-même aussi très... Il y a une distorsion, en fait, de la vision du corps. Il y a peu de temps, quelqu'un m'interrogeait sur, quand tu étais malade, est-ce que tu te trouvais grosse ? Oui, à 37 kilos, je me trouvais grosse. J'en fais 58 aujourd'hui. Donc, 20 kilos de moins, j'étais très, très maigre, et je me trouvais grosse. Donc, il y a... Il y a vraiment, oui, il y a cet aspect très compliqué de ne pas accepter, d'être dans le déni, en fait, de la maladie. Et je pense, pour revenir à ta question précédente, que la vulnérabilité est quelque chose d'hyper important dans la vie, de façon globale. Et je crois que pour être leader, ou en tout cas pour être... Pour réussir entre guillemets sa vie, après à chacun de définir comment on réussit sa vie, il faut accepter ses échecs et il faut accepter la souffrance et le fait qu'on ait des faiblesses. On a des forces, mais on a des faiblesses. Et moi, mes faiblesses ont finalement toujours été la base de la constitution de mes futures forces.

  • Speaker #0

    Ok, c'est hyper intéressant. J'allais te demander justement comment tu définissais la vulnérabilité.

  • Speaker #1

    Moi, je crois que c'est humain. En fait, un être humain, il a le droit de tomber. Après, c'est comment tu te relèves qui fait la différence. Mais je ne crois absolument pas. aux gens qui t'expliquent qu'ils n'ont pas de problème et que tout va bien dans leur vie et qu'ils ne sont pas vulnérables, qu'ils sont super strong. Je n'y crois absolument pas.

  • Speaker #0

    Moi, je pense aussi que tu crées des relations humaines fortes avec les gens en te montrant authentique. Et authentique, c'est avec toutes les facettes de ta personnalité. Et parfois, c'est celle-là qui touche le plus. C'est celle où tu es un petit peu plus vulnérable.

  • Speaker #1

    Et je pense que la première, c'est accepter soi-même d'être vulnérable et d'accepter effectivement d'être authentique, sa sincérité et de savoir que ça ne va pas toujours très bien. Ça va passer. Ouais, et dans la relation, tu vois même, je trouve, d'attraction d'un homme et une femme. Moi, un homme qui m'explique qu'il ne pleure jamais, il peut passer son chemin. Alors ça,

  • Speaker #0

    c'est un super message.

  • Speaker #1

    Non, c'est pas possible. C'est un no-brainer et je pense que c'est important et que c'est une étape hyper structurante de l'épanouissement d'accepter ses faiblesses.

  • Speaker #0

    Et pour tous les hommes qui nous écoutent, je pense qu'il y a beaucoup plus de femmes que vous pensez qui aiment justement parfois cette sensibilité chez les hommes.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Et puis, voilà, c'est normal d'être sensible. On est tous des êtres humains et à commencer par les hommes.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    La vie aux hommes qui pleurent, voilà.

  • Speaker #0

    Et donc, après cet épisode, déjà, encore merci de nous avoir partagé ça. Tu sors de l'hôpital et tu te considères guérie quand tu as 18, 19 ans ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. Je rentre à l'hôpital, j'ai 19 ans. Moi, je suis tombée malade assez tard, entre guillemets, parce qu'encore une fois, c'est souvent une maladie de l'adolescence. Et non, je m'estime guérie quand je ne prends plus de médicaments, quand je retrouve un cycle menstruel régulier. Parce qu'un des indicateurs, en tout cas pour les femmes, c'est que si tu n'as plus tes règles, ton corps ne fonctionne pas bien. Donc le jour où j'ai mes règles, je saute de joie et je me dis que tout va mieux. Et globalement, c'est 7 ans. de maladie. 7 ans, c'est long 7 ans dans une vie de jeune adulte. Et on m'a toujours expliqué que la vingtaine c'était génial. Bon moi forcément ma vingtaine elle a été marquée par 7 ans de maladie. Donc j'ai été beaucoup plus heureuse à partir de la trentaine, encore plus la quarantaine et encore plus la cinquantaine. C'est crescendo.

  • Speaker #0

    Comme tu l'as dit, tu as voulu rattraper le temps perdu et je pense que tu as réussi. Et donc malgré tout tu rentres à l'ESSEC ?

  • Speaker #1

    Ouais j'étais à l'ESSEC, je suis tombée malade quand j'étais à l'ESSEC. J'ai réussi bon an, mal an à faire ma scolarité à peu près correctement. Je dois souligner ici que l'ESSEC a été top parce qu'ils m'ont vachement accompagnée. J'ai été hospitalisée une partie du temps où j'étais étudiante. J'ai réussi à faire des choses à distance, à recevoir des cours. Donc voilà, ça aussi, c'est aussi une intelligence, on va dire, de l'établissement, de ne pas te stigmatiser et de te donner les moyens de continuer à travailler quand bien même tu n'es pas physiquement présent. Aujourd'hui, ça nous paraît évident parce qu'il y a beaucoup de distanciel. Mais en 92, 93, 1900, je précise, il n'y avait pas tout ça. Donc non, je suis très, très reconnaissante aux différentes écoles que j'ai faites de m'avoir accompagnée là-dedans.

  • Speaker #0

    Et donc, une bonne expérience à l'ESSEC où tu as beaucoup appris. Et après, du coup, tu as tenté l'ENA. C'est l'heure de remercier notre partenaire Oslo, sans qui ce podcast ne serait pas possible, malheureusement. Oslo, c'est un cabinet d'avocats à taille humaine, dirigé par Édouard Wells et Marion Fabre, que je connais personnellement depuis plus de dix ans. Il est composé d'une équipe lidée par... Edouard et Marion, qui est issu de cabinets d'affaires de premier plan. Mais surtout, au-delà de la qualité de leurs prestations juridiques, ce que j'aime chez Oslo, c'est leur engagement pour un droit un peu différent. Sur leur description, ils mettent Nous accordons une importance particulière aux qualités humaines et relationnelles, tout particulièrement au respect, à la simplicité, à l'humilité et à l'élégance. Ça pourrait paraître bullshit comme ça, mais pour bien les connaître, tu peux vous assurer que ça se ressent vraiment. Et pour preuve, ils ont accepté de sponsoriser ce podcast dès sa création. Ils offrent une heure de conseils juridiques avec le code les sages et je mettrai leurs coordonnées dans la description du podcast. Allez, on y retourne.

  • Speaker #1

    Exactement. Donc en fait, après l'ESSEC, j'étais apprentie pendant que j'étais à l'ESSEC. J'aimais beaucoup l'idée d'être apprentie. C'était la première génération d'apprentissage. Donc j'ai travaillé en entreprise pendant deux ans en alternance et l'entreprise qui m'accueillait était Cartier. C'était quand même le début d'un démarrage de l'industrie du luxe et de la découverte de l'univers du luxe. Et après Cartier, j'avais de toute façon en ligne de mire de vouloir tenter l'ENA un jour dans ma vie. Et donc, j'ai fait Sciences Po. Je suis rentrée directement en deuxième année de Sciences Po grâce à mon diplôme de l'ESSEC et un concours que j'ai passé, mais un concours d'admission sur titre. Et donc, je suis rentrée dans la fameuse filière droit public et préparation, classe préparatoire au concours de l'ENA. Concours que je n'ai pas passé au final. Donc, en fait, l'année de préparation s'est plutôt globalement bien passée, mais je sentais que je n'étais pas assez bonne pour intégrer l'école. la première année du concours et je n'étais pas capable d'accepter un échec. C'est-à-dire que j'avais déjà fait pas mal de concours, j'avais fait mes deux ans de prépa, j'avais intégré l'ESSEC, j'avais eu la maladie, j'étais malade aussi pendant que j'étais à Sciences Po, donc ce n'était pas simple. Et le fait de présenter le concours mais de ne pas le réussir me semblait trop difficile comme épreuve pour moi. Et du coup, j'étais inscrite mais je n'y suis pas allée. Donc je ne saurais jamais ce que je pouvais valoir face à ce concours. Maintenant, intrinsèquement, je savais que je ne l'aurais pas. Donc, j'ai décidé d'abandonner cette voie-là. Bon, c'est peut-être le seul jour, la seule fois où j'ai vraiment abandonné. Mais c'était aligné avec moi-même à ce moment-là. Et puis, je n'ai pas regretté. J'ai eu un petit pic à l'ego quand mes camarades ont intégré. J'ai des camarades qui ont intégré, j'ai été ravie pour eux. Et je me disais, tiens, j'aurais pu faire partie de cette belle promotion. Mais je n'étais pas prête, je n'avais pas l'énergie pour recommencer une année de prépa.

  • Speaker #0

    Et si je reviens rapidement, du coup, tu as fait sur ton alternance, on reviendra sur Léna après parce que j'ai une petite question à te poser, mais sur ton alternance, du coup, en effet, à l'époque, c'était plutôt rare, j'imagine.

  • Speaker #1

    En fait, c'était la première année que l'ESSEC mettait en place ce système d'alternance et à la base, les entreprises qui avaient été identifiées étaient plutôt des entreprises mass market, Danone, Procter, en tout cas en marketing, qui était la dominante que je faisais. Et moi, j'avais fait mon stage de fin de première année chez Cartier, ça s'était super bien passé. Et donc j'avais noué de très bonnes relations avec mes maîtres de stage et avec l'entreprise de façon globale. Et je les avais sollicitées de façon proactive en leur disant écoutez moi ça m'intéresse de rester. L'école propose cette alternance où on passe six mois de l'année dans l'entreprise et six mois à l'école. Est-ce que ça peut vous intéresser que je reste ? Et ils étaient d'accord. Et du coup je suis retournée voir l'ESSEC en disant écoutez moi j'ai une entreprise qui veut bien m'accepter mais qui n'est pas dans le pool entre guillemets des entreprises que vous avez identifiées au démarrage. Et en fait ça s'est fait comme ça et j'ai ouvert cette voie. Ça s'est super bien passé. J'ai encore aujourd'hui des contacts avec les gens avec qui j'ai travaillé chez Cartier dans les années 93, 94 ou 94, 95. Donc, c'était top.

  • Speaker #0

    Et pourquoi alors le luxe ?

  • Speaker #1

    Alors pourquoi le luxe ? D'abord j'ai des parents esthètes, j'ai des parents qui aiment bien les belles choses, qui aiment l'art, qui aiment les produits haut de gamme, des parents assez bourgeois. Donc j'étais quand même un petit peu éduquée, je savais où était l'avenue Montaigne, ma mère n'est pas forcément cliente des marques de l'avenue Montaigne, mais j'ai un grand-père fourreur et un autre tailleur, donc on a toujours été dans le prêt-à-porter, plutôt haut de gamme. Et puis je pense que mon oeil s'est arrêté sur les beaux produits, sur le savoir-faire. Et puis, il y avait déjà ce rayonnement de la France à l'étranger, je pense, qui m'attirait. De me dire, c'est quand même dingue d'avoir une industrie qui fait rêver tout le monde. En fait, il y avait le côté aussi émotionnel où je me disais, c'est génial de travailler pour des très beaux produits, en tout cas, qui me semblaient très beaux à mes yeux et qui, en plus, font rêver les gens. Donc, avoir un métier où on fait rêver les gens, je trouve que c'est pas mal.

  • Speaker #0

    Oui, ça a du sens, c'est clair. Et donc, si je reviens rapidement sur l'ENA, l'ENA, j'imagine que c'était... aussi prestigieux entre guillemets que maintenant. Alors maintenant, je crois que ça n'existe plus ou ça a changé de nom.

  • Speaker #1

    C'est moins prestigieux peut-être, mais... Écoute, l'ENA pour moi, c'était le symbole du pouvoir en France. C'était le top du top. À l'époque, tous nos présidents sortaient de l'ENA. Tous les gens, entre guillemets, qui faisaient ce monde, il n'y avait pas de start-upers. Enfin, je vous parle des années 90. Moi, j'ai passé mon bac en 1990. Ça n'existait pas la start-up nation. Donc, il y avait des entrepreneurs ou des petites entreprises. mais on ne les valorisait pas du tout de la même façon. Et c'est vrai que le pouvoir était entre les mains, globalement, en partie de cette élite qu'on appelait les énarques. Et puis, tu m'avais posé la question rapidement, mais quand j'étais jeune, moi, je voulais être présidente de la République. Donc, ça fait un peu le lien. Alors, pourquoi ? J'en sais rien. Mais c'est vrai qu'à 5-6 ans, je déclarais à qui voulait l'entendre, je veux être présidente de la République.

  • Speaker #0

    OK. Donc,

  • Speaker #1

    il y avait quand même une espèce de logique et de cohérence dans le parcours.

  • Speaker #0

    Et donc, quand tu as tenté l'ENA, est-ce que tu t'es dit après, peut-être, je vais faire de la politique directement ?

  • Speaker #1

    À un moment donné, oui, la politique m'intéressait. D'abord, j'étais fascinée parce qu'à l'époque, on avait des dirigeants qui étaient des grands intellectuels, qui étaient hyper intelligents. Enfin, je veux dire, dans l'intelligence intellectuelle, au sens intellectuel du terme. Alors, est-ce qu'ils étaient concrètement intelligents dans les actions qu'ils mettaient en place ? J'étais un peu trop jeune, probablement, pour m'en rendre compte. mais non ça m'a traversé l'esprit dans le sens où j'étais attirée par ce milieu après concrètement je pense que j'ai un franc-parler et une espèce d'honnêteté de droiture qui malheureusement a été un problème dans cet univers où il faut faire beaucoup de compromis et des compromis sur des valeurs où moi j'ai des valeurs qui m'animent au quotidien et sur lesquelles je suis assez stricte et je pense que je me suis rendue compte assez rapidement que c'était un métier très difficile

  • Speaker #0

    Tu serais plus à l'aise dans le privé, du coup ?

  • Speaker #1

    Oui. Et d'ailleurs, dès le départ, quand je voulais faire l'ENA, je disais toujours que je le faisais pour le titre honorifique et pour l'aura que ça représentait, mais que je voulais travailler dans la sphère privée.

  • Speaker #0

    Et du coup, ta première expérience, on va dire full-time et en CDI peut-être, c'était dans le groupe LVMH chez Sephora, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Donc Sephora, on est en 99. Le groupe rachète la marque en 1997, donc on est deux ans après le rachat. Et à l'époque, beaucoup ne se rendent pas compte, mais Sephora c'était une toute petite boîte. Dans le sens où on était un siège social, il y avait une cinquantaine de personnes dans un hôtel particulier dans le 9ème. Donc on a du mal à imaginer que les gens du siège étaient tous rassemblés dans un si petit lieu. C'est une maison qui perdait de l'argent à l'époque et dont le concurrent principal, Mariono, était beaucoup plus important. Ce qui n'est plus du tout le cas aujourd'hui. Donc moi, je suis arrivée dans cette petite maison à une époque où on a voulu préempter, on va dire, le changement et la nouvelle stratégie qui ont été le terreau du succès de Sephora aujourd'hui. Mais voilà, c'était très entrepreneurial et c'est ce que j'ai adoré dans cette maison d'ailleurs, parce que j'étais toute jeune, c'était mon premier job et on faisait un peu tout. Après, avec une instabilité managériale qui n'était pas évidente. au quotidien parce que moi j'avais besoin d'un boss et puis tous les six mois j'avais un nouveau boss en fait parce que ça fonctionnait pas hyper bien mais j'ai beaucoup beaucoup appris et j'ai surtout appris ce qu'était le retail donc il n'y a que des boutiques en retail chez Sephora, il n'y avait pas encore ou très peu la partie e-commerce et donc j'avais face à moi, j'étais sur une fonction de marketing opérationnel Et j'avais face à moi des directeurs de boutiques qui étaient hyper structurants dans l'entreprise parce que c'est eux qui généraient le chiffre d'affaires. Et moi, je ne connaissais pas les boutiques, je ne connaissais pas l'univers des boutiques. Donc, j'ai appris à voyager un peu partout, à comprendre ce dont ils avaient besoin et à faire en sorte que du haut de mes 25 ans, et quand bien même j'avais des super diplômes, je sois au service. des gens dans le retail. Et ça, ça a été un changement de mindset hyper important pour moi.

  • Speaker #0

    Et tu disais, quand tu es arrivée chez Sephora, il y avait une cinquantaine de personnes.

  • Speaker #1

    Aussi, évidemment, après, il y avait toute la force de vente. Oui,

  • Speaker #0

    toutes les boutiques. Mais ça devait faire peut-être quelques centaines, quelques milliers.

  • Speaker #1

    Je ne m'en rappelle même plus, mais il y avait déjà pas mal de boutiques. Mais effectivement, ça n'a rien à voir avec le Sephora d'aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Parce que j'ai regardé quand même, en amont de cette interview, le Sephora d'aujourd'hui, c'est 46 000 employés environ et 10 milliards de CERN.

  • Speaker #1

    Voilà, on n'était pas du tout là-dessus. Et moi, je me souviens de fournisseurs, donc des marques qu'on distribuait chez Sephora, qui nous appelaient en disant, de toutes les façons, vous allez être vendus bientôt. Enfin, on était un peu les losers, quoi. Mais à l'époque, il y avait M6, qui était la chaîne de télévision qui montait aussi. Et la pub de M6, c'était la petite chaîne qui monte, qui monte, qui monte. Et on nous faisait souvent le parallèle en disant, vous êtes la petite boîte qui monte, qui monte, qui monte. Mais on était petits. Et ça, c'est quand même un mindset assez intéressant de se dire, quand on est petit, on doit se battre. pour tout. On doit se battre pour gagner des parts de marché, on doit se battre pour garder nos emplois, on doit se battre pour... Voilà, il y avait cette espèce d'énergie combative qui me convenait énormément en termes d'état d'esprit.

  • Speaker #0

    Du coup, entre guillemets, la petite entreprise, ça a été une bonne école pour toi ?

  • Speaker #1

    Ah ouais. Hyper bonne école, j'ai tout appris. Je raconte souvent en disant, bon, j'ai appris le métier parce que moi, je ne savais pas faire grand-chose, je sortais de mon apprentissage, mais... globalement, je ne savais pas faire grand-chose. J'ai appris le retail. Et j'allais acheter mes fournitures à la boutique d'à côté, dans le coin de la rue, parce qu'on n'avait pas un service fourniture. Donc, j'envoyais des fax. Oui, oui, exactement. Enfin, c'était... Non, j'ai vraiment tout appris. Et j'ai aussi été inspirée par des dirigeants très charismatiques, ou en tout cas, qui m'ont fait confiance. Ça, c'était important.

  • Speaker #0

    Et pourquoi, du coup, à l'époque, tu disais que Sephora et Marionneau, c'était à peu près kiff-kiff, entre guillemets ? Aujourd'hui, je ne sais pas exactement...

  • Speaker #1

    Marionneau était beaucoup plus gros que Sephora à l'époque.

  • Speaker #0

    D'accord,

  • Speaker #1

    Marionneau. Marionneau était super important sur le territoire français en tous les cas. Marionneau était hyper fort. Marionneau avait un programme de fidélité que Sephora n'avait pas à l'époque. Aujourd'hui, il y a une carte de fidélité et un programme qui fonctionne super bien. Marionneau avait des marques exclusives que Sephora n'arrivait pas à avoir à l'époque parce qu'on était au tout démarrage. Aujourd'hui, je pense que Sephora, c'est l'exemple même de la curation de marques exclusives. et d'aller dénigrer les talents de demain en termes de petites marques ou de marques inconnues. Donc, les rôles se sont totalement inversés. Et ça, c'est magnifique à voir.

  • Speaker #0

    C'est ce que j'allais te demander. Pourquoi, à ton avis, Sephora a distancé Mariono ? C'est l'exculivité des produits, l'innovation au niveau des produits ?

  • Speaker #1

    Il y a une stratégie de refonte de l'efficacité commerciale, d'abord des boutiques, en partant de la logistique, le pricing, évidemment la curation des marques. Parce que je pense qu'aujourd'hui... Un des éléments phares de Sephora, c'est le fait qu'on y trouve toutes les marques connues, mais aussi les futures marques qui vont faire la différence demain. Et la force de Sephora aujourd'hui, c'est d'avoir une clientèle, je pense, qui va de, je n'ose même pas dire de 7 à 77 ans, mais c'est vrai que le ton de la marque permet d'accueillir des clientes ou des clients très jeunes, mais aussi de rassurer les clientèles plus matures et d'avoir une approche omnicanal qui est excellentissime. Ok,

  • Speaker #0

    donc une marque qui englobe... une taille de marché.

  • Speaker #1

    Et puis un développement à l'international. Il y avait déjà les États-Unis quand j'y étais, mais qui étaient un peu une entité à part. Donc toute cette fluidité entre les différents marchés et la capacité à bien comprendre les besoins des clientes et à les devancer en offrant justement des produits exclusifs.

  • Speaker #0

    Et par la suite, du coup, après Sephora, tu rentres chez Louis Vuitton, qui est une maison phare du groupe LVMH. Et j'ai lu que tu faisais, alors ce n'est peut-être pas ta première expérience, mais je sais que tu fais un passage sur le terrain. Et on t'envoie dans le retail ?

  • Speaker #1

    Assez vite. Louis Vuitton, c'est... Quand tu as 30 ans et qu'on te dit que tu vas pouvoir travailler chez Louis Vuitton, tu as des étoiles dans les yeux, les yeux qui pétillent. Et j'ai découvert, de façon très alignée par rapport à l'image que j'avais de la maison, une excellence opérationnelle à tout point de vue. J'ai rencontré des gens brillantissimes, une énergie positive incroyable. Finalement, une boîte déjà très grosse, mais assez familiale, avec un dirigeant très charismatique qui était Yves Carcel. et qui a été pour moi une rencontre absolument incroyable et merveilleuse. Et très tôt, effectivement, j'ai un patron qui était mon président chez Sephora et qui m'a gentiment entre guillemets pris dans ses bagages à une condition qui était, il me dit, je voudrais que tu fasses du retail. Je lui ai dit, du retail, ça veut dire aller en boutique. Donc moi, je sortais quand même de l'ESSEC, j'avais fait Sciences Po, j'avais fait une pré-pénard. Que des écoles où on m'avait expliqué quand même que j'allais diriger le monde un jour peut-être. Et là on me dit tu vas aller en boutique. Je n'ai pas compris. Je n'ai pas compris ce qu'on attendait de moi. Je me suis dit, mais je ne vais pas être vendeuse. Parce que le métier de vendeur, pour moi, était, je suis désolée de dire le terme, mais un peu dégradé par rapport à mon profil et par rapport au background académique que j'avais.

  • Speaker #0

    C'était une régression un peu ?

  • Speaker #1

    C'était un peu une régression. Et en tout cas, je ne comprenais pas bien. Et en fait, il y avait à l'époque chez Louis Vuitton un parcours assez accélérateur de carrière pour, on va dire, des jeunes talents, entre guillemets, ou effectivement le fait de découvrir. Ce qui fait le business au quotidien de l'entreprise, à savoir vendre des produits à des clients dans une boutique, qu'elle soit digitale ou qu'elle soit physique, était hyper important pour comprendre ensuite toutes les opérations autour et donner le meilleur de soi-même au service de ces boutiques. Et donc, parce que je savais que la personne qui me recommandait ce parcours était très bienveillante à mon égard, je me dis Ok, je vais aller voir Alors, je n'étais pas vendeuse, mais j'étais, on va dire, manager en encadrant des équipes de vente.

  • Speaker #0

    ce qui est somme toute vraiment le même type de métier, parce qu'en fait, vous êtes là pour résoudre des problèmes que certains de vos vendeurs vont vous apporter ou vous remonter, et puis pour animer avec une dimension commerciale. Mais j'avais le même rythme de vie, je faisais des ouvertures de boutiques, des fermetures, j'étais en uniforme, je travaillais le samedi. À l'époque, il n'y avait pas encore l'ouverture du dimanche. Aujourd'hui, les équipes de vente, évidemment, travaillent le dimanche. Et mes copains banquiers d'affaires se foutaient de ma gueule, soyons très clairs. J'étais dans un... J'étais l'ovni. de mon environnement social, à commencer par mes parents. J'ai des parents médecins, profession libérale, qui ne connaissent rien de l'entreprise et qui tout d'un coup se sont dit mais ma fille est folle, quoi C'est-à-dire qu'elle a fait des superbes études, elle est brillante et elle est dans sa boutique en uniforme le samedi à vendre des sacs à main. Et en fait, ça a été une aventure exceptionnelle. D'abord, je pense d'un point de vue humain, parce qu'en fait, on m'a offert l'opportunité d'encadrer une équipe, donc de manager. Une équipe de quasiment 25 à 30 personnes, là où dans n'importe quelle autre entreprise, j'aurais eu probablement deux personnes dans mes équipes qui sont mes mini-mini, qui ont fait les mêmes études que moi, mais juste de trois ans de moins, parce que j'étais encore assez jeune. Là, j'avais des vendeurs experts qui étaient excellents dans leur métier et moi, je ne savais pas vendre. Donc, il fallait que je m'adapte d'un point de vue managérial, empathique, à leurs besoins et non pas à faire du top-down en leur expliquant ce que moi, je voulais qu'ils fassent. Et puis, l'univers de la boutique, c'est une micro-société. Vous voyez, en plus, j'étais sur les Champs-Elysées où il y avait un volume très important. Des gens de toute nationalité rentraient dans une boutique. Des milliardaires comme des jeunes hommes qui avaient économisé depuis un an pour acheter un porte-clés à leur petite copine pour la Saint-Valentin. Des clients touristiques qui sont là, qui ont besoin que la transaction se fasse hyper rapidement. Des personnes qui peuvent rester des heures ou qui passent toutes les semaines pour dire bonjour. Parce qu'en fait, c'est un peu une relation sociale qui s'établit entre le vendeur et... Et le client, et puis un environnement merveilleux avec des produits d'une créativité incroyable. Et puis cette pétillance, entre guillemets, dans les yeux du client qui vient acheter un produit qui le fait rêver. Donc, c'est une expérience unique et qui a été hyper accélérateur de ma carrière, je pense. Parce que quand vous comprenez le terrain, vous gagnez cinq ans d'autres métiers où vous n'êtes pas connecté à la réalité, en fait.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'allais dire. Est-ce que... Aujourd'hui, finalement, tu es managing director de la marque de la Maison Fred. Est-ce que tu serais la même leadeuse sans cette expérience ?

  • Speaker #0

    Mais j'ai découvert le commerce, la fibre commerciale, l'énergie et l'espèce de folie ou de furie de est-ce qu'on a fait le chiffre, est-ce qu'on ne l'a pas fait à la fin de la journée ? Et encore aujourd'hui, je reçois les chiffres d'affaires de mes boutiques tous les soirs et je regarde tous les jours le chiffre de la boutique. En fait, peut-être que je ne l'avais pas dans le sang. En tout cas, c'est venu et ça s'est révélé grâce à cette première expérience. Et ça a beaucoup formaté le reste de ma carrière parce que j'ai compris que je voulais être dans une entité business.

  • Speaker #1

    Et tu comprends au bout du bout, on ne se connaît que très peu Natacha, mais j'ai mon grand-père qui est boulanger et l'autre qui était boucher. Donc je suis issu d'un milieu commerçant. Et c'est vrai que quand tu commences à côtoyer le terrain, tu comprends aussi que finalement, au bout du bout, les euros de chiffre d'affaires, c'est eux qui les font.

  • Speaker #0

    Toi aussi. Et fréquemment, j'explique aux équipes ou autour de moi, même dans ma vie sociale, qu'on travaille pour que le chiffre d'affaires soit fait. Et le chiffre d'affaires, il est fait par des gens en boutique. Et donc, ces personnes-là payent nos salaires et on leur doit l'immense respect au quotidien. Après, ça ne veut pas dire qu'on va être permissif. Le niveau d'exigence, on peut le donner, on peut définir le ton d'exigence. Mais derrière, il faut être respectueux des gens qui font les choses.

  • Speaker #1

    Tout à fait. De toute façon, tout le monde a un rôle dans l'entreprise.

  • Speaker #0

    Complètement.

  • Speaker #1

    Après, ton expérience, du coup ? Du coup, chez Louis Vuitton, tu rentres dans la maison Christian Dior, qui fait aussi partie du groupe LVMH. J'imagine que tu continues d'apprendre dans cette maison. Est-ce qu'il y a une différence entre la maison Louis Vuitton et la maison Christian Dior ?

  • Speaker #0

    Chaque maison au sein du groupe est très, très différente. Là, on est sur deux entités assez emblématiques. Louis Vuitton, c'est, comme je le disais tout à l'heure, ça a été une école extraordinaire sur la fluidité des process, les opérations sont excellentes. Tout est extrêmement bien et minutieusement bien organisé. Et Dior, je ne dis pas que ce n'est pas organisé, mais à l'époque où j'ai rejoint la maison, c'est l'univers de la mode. La mode, déjà par définition, elle est saisonnière. Il y a des espèces de coups de feu au moment où on a les défilés, les collections qui découlent des défilés. Et il y a un rythme de vie qui n'a rien à voir. Louis Vuitton est sur des process beaucoup plus homogènes tout au cours de l'année, avec un produit maroquinié, un savoir-faire très différent. Et autour de la mode et donc chez Dior, je découvre cette espèce d'émotion encore décuplée. on va dire, par ce qui se passe autour du défilé. Tout arrive au moment du défilé et derrière, le business, on va dire, vient des collections du défilé. Même s'il y a des collections permanentes, le rythme de l'année et le rythme de l'entreprise est très lié à la partie événementielle autour du défilé. Il y a une émotion hyper forte parce qu'on est sur un produit extrêmement désirable. peut-être un peu moins fonctionnel que le produit de maroquinerie. Et donc, c'est une atmosphère très différente, assez déstabilisante d'ailleurs, quand on est finalement, comme moi, quelqu'un d'assez rationnel. Voilà, moi, je suis assez structurée. Et là, tout d'un coup, il y a des décisions, parfois émotionnelles, qui prennent le pas. On est dans un monde beaucoup plus onirique, j'ai envie de dire. Et derrière, ça reste du business et ça reste très structuré. Mais l'input, et vachement plus animée par l'émotion. Donc, fort niveau d'adaptation pour moi. Des personnalités aussi très différentes en termes du top management et la découverte de ce monde, on va dire, très créatif qu'est la mode. Mais un apprentissage énorme, évidemment, et à titre personnel, en termes de développement personnel, de compétences, une adaptabilité. Je pense que c'est le moment où j'ai donné le plus d'efforts pour m'adapter à la structure qui m'accueillait.

  • Speaker #1

    Et donc, tu passes 20 ans dans le même groupe aujourd'hui chez certains jeunes et moins jeunes. Mais ça peut paraître énorme, 20 ans.

  • Speaker #0

    25 ans même. 25 ans cette année de groupe LVAMAC.

  • Speaker #1

    25 ans de groupe. Est-ce que déjà, alors, est-ce que tu as songé peut-être à aller voir une autre maison ? Est-ce que Kering, déjà, à l'époque, était une maison ? Oui,

  • Speaker #0

    bien sûr. En fait, 25 ans, ça passe super vite. Déjà, donc méfiez-vous, le temps passe très vite. Et une chance inouïe, c'est que j'ai fait des maisons très différentes au sein du groupe. Chaque maison est différente, mais j'ai fait des entités différentes. Donc Sephora, c'est ce qu'on appelle de la distribution sélective. On distribue des produits. C'est une marque forte, mais c'est de la distribution. Ça appartient à une entité qui s'appelle distribution sélective. Ensuite, je suis allée dans la maroquinerie. Donc, comme on se disait, chez Louis Vuitton, il y a de la mode, il y a de l'horlogerie, de la joaillerie. Mais globalement, le cœur du business de Louis Vuitton, c'est une marque globale, mais qui était initiée pas mal par la maroquinerie. Et à l'époque où j'y étais, on était très maroquiner. Ensuite, je suis passée dans la mode. Donc encore une autre maison avec un autre savoir-faire, avec Dior et un rythme très différent. Et puis là, la joaillerie. Et donc en fait, quand on regarde tout ça mis bout à bout, c'est quatre entités très, très différentes. Donc si je faisais un ratio, on va dire très basique, j'ai passé 4-5 ans dans chacune des maisons. Et donc finalement, ce n'est pas si long que ça. Et en plus, j'ai changé de métier. Donc j'ai commencé ma carrière sur du marketing opérationnel. Je suis passée en boutique. Ensuite, j'ai recontinué du marketing et j'ai découvert le clienteling, le CRM, qui était un peu le nouveau métier, on va dire, dans la dernière partie de ma vie chez Louis Vuitton et que j'ai transposé ensuite chez Dior. Et aujourd'hui, chez Fred, dans une entité plus petite, j'ai une fonction beaucoup plus large de direction générale avec un leadership sur un certain nombre de marchés en direct. Donc, métiers différents, industries différentes et entreprises, maisons différentes, avec une culture d'entreprise, on va dire, variée. Et du coup, oui, c'est le même groupe, c'est le même chapeau, mais en fait, c'est des métiers, des univers très différents. Et je crois que j'ai calculé, j'ai eu 15 patrons différents. Il y a eu des mouvements à chaque fois. Donc, on est aussi animé par la personne au-dessus de nous. Et donc, finalement, une variété hyper forte qui a fait que je ne me suis jamais ennuyée. Et il y a ce très commun qui me plaît beaucoup de rester au sein du même groupe dont je partage les valeurs, mais finalement avec une diversité opérationnelle au quotidien.

  • Speaker #1

    Quand tu dis 15 patrons, c'est 15 patrons ? 15 patronnes aussi ?

  • Speaker #0

    Écoute, c'est une excellente question, mais j'ai eu beaucoup, beaucoup de patrons. J'ai eu une patronne en intérimaire à un moment donné, mais sinon, j'ai eu que des patrons et je me suis très, très bien entendue avec mes patrons. Donc, je fais partie de ces femmes qui, on va en parler peut-être après, mais qui défendent beaucoup la place des femmes dans les instances de gouvernance. Mais je suis très positive et reconnaissante aux hommes qui m'ont encadrée parce que c'est des hommes qui m'ont développée, c'est des hommes qui m'ont donné ma chance, c'est des hommes qui m'ont mentorée. Et c'est des hommes qui m'ont donné envie de grandir.

  • Speaker #1

    Comme tu disais, tu es encore 20-25 ans dans la même maison. C'est quoi la différence ? Parce qu'aujourd'hui, on a deux beaux fleurons français qui sont LVMH et le groupe Kering. Est-ce qu'il y a une différence de culture ou une singularité particulière entre LVMH et Kering ?

  • Speaker #0

    Je n'ai pas expérimenté Kering de l'intérieur, donc je ne vais pas en parler. En tout cas, ce que je peux dire par rapport à LVMH, c'est que... Pour moi, c'est un symbole de réussite inégalée, résidé par un homme qui est extrêmement emblématique et que j'admire fondamentalement, qui est Bernard Arnault. Je sais qu'en France, le pouvoir, le succès, la réussite, ça peut déranger certaines personnes. Mais pour moi, il incarne cette excellence. C'est quand même le groupe qui est l'un des plus importants exportateurs à l'extérieur de la France. C'est donc qui ? résonne d'un point de vue économique. C'est le groupe qui crée des emplois. C'est le groupe qui est le symbole du savoir-faire à la française. Voilà, donc... Encore une fois, je ne vais pas parler d'un groupe concurrent qui a des très, très bonnes valeurs également, mais être travaillé au sein du groupe leader, pour moi, c'est important. On parlait de leadership au démarrage. Voilà, moi, je me dis, j'ai une fierté inouïe de pouvoir servir le groupe LVMH et à travers la personne de Bernard Arnault, de pouvoir travailler pour un patron aussi emblématique.

  • Speaker #1

    En plus, on enregistre qu'on est le 1er juillet 2024. On est dans un contexte politique qui est quand même assez particulier. Et on se rend compte finalement que la sphère privée fait aussi avancer la société. Et des grands entrepreneurs comme Barano, je ne sais pas combien d'emplois ils ont créé. Mais je ne sais pas, le groupe LVMH, c'est combien d'emplois ?

  • Speaker #0

    C'est 210 000, je crois. 270 000, 230 000,

  • Speaker #1

    je ne vais pas dire une bêtise. Donc, c'est des groupes qui ont créé énormément d'emplois, qui ont changé des vies, etc.

  • Speaker #0

    Complètement. Et c'est surtout une fierté à l'étranger. C'est-à-dire que je pense que quiconque se balade en Europe, aux Etats-Unis, en Chine ou ailleurs, vous citez le nom des marques du groupe LVMH, tout le monde les connaît. Et donc cette fierté à l'étranger, c'est aussi du business qu'on ramène en France. C'est une image de la France. Et c'est aussi pour ça que je pense que Bernard Arnault est quelqu'un d'extrêmement important pour notre pays. Après souvent ceux qui le critiquent sont ceux qui ne le connaissent pas ou qui l'envient. Mais voilà, on a une chance inouïe d'avoir des grands patrons et il y en a d'autres. d'avoir un grand patron comme celui-là.

  • Speaker #1

    Comment t'expliques, j'imagine que quand Bernard Arnault va aux Etats-Unis ou particulièrement en Asie, je pense que c'est une rockstar, comment t'expliques qu'en France, on a parfois un peu du mal justement avec ses réussites ? C'est culturel,

  • Speaker #0

    mais je pense qu'en France, on a du mal à célébrer des succès. On a du mal à parler d'argent aussi. Ce qui m'échappe complètement parce que je ne comprends pas pourquoi c'est tabou. Donc succès, réussite, c'est des mots qui font un peu peur. Ambition, pouvoir, ce sont des mots qui font un peu peur. Donc c'est assez culturel, je pense, si on compare de façon très évidente avec la culture anglo-saxonne, on est plutôt dans la célébration de ces succès-là. Il faut toujours se justifier en France. Je pense qu'il y a une culture assez judéo-chrétienne, où on n'a pas trop envie de montrer, de se faire plaisir, de parler de soi. Mais je pense qu'on a besoin, on a besoin d'exemples. et on a besoin de se nourrir d'exemples qui sont enrichissants. Après, personne n'est parfait, on en parlait au démarrage de cette interview, mais tout le monde a sa vulnérabilité, tout le monde a ses faiblesses, et même les grands patrons. Je crois que tous les êtres humains ont ça en eux. Pour autant, quand on a des gens inspirants, c'est intéressant de partager. Je pense que le travail que tu fais aussi à travers ce podcast, c'est de donner la parole à des personnes qui peuvent diffuser cette inspiration ou cette envie de partager.

  • Speaker #1

    Et du coup, après, du coup, en décembre 2020, ça fait du coup une vingtaine d'années que tu es dans le groupe LVMH. Oui. Et donc, tu prends la direction générale de la maison de joaillerie Fred, qui fait donc partie de ce groupe, qui a été créé en 1936, donc pour la maison de joaillerie Fred. Est-ce que c'était un souhait de ta part depuis, tu vois, depuis, je ne sais pas, le début de ton parcours ou à mi-parcours, tu te disais, mon goal, entre guillemets, c'est de... de prendre la direction générale d'une maison ou c'était une opportunité, de la chance ?

  • Speaker #0

    Alors, effectivement, je pense qu'on ne peut pas dire que dès le départ, on se voit directrice générale ou présidente ou quoi que ce soit. Mais au fur et à mesure de sa carrière, je pense qu'on se projette un petit peu. Moi, je suis quelqu'un d'assez organisé, donc j'essaye toujours de réfléchir à la step d'après. D'abord, parce que c'est important, quand on veut gérer sa carrière, les choses n'arrivent pas par hasard. Il faut quand même passer des étapes et se donner les moyens d'arriver à son ambition. Et effectivement depuis quelques années j'avais en tête de pouvoir oeuvrer, en tout cas créer de l'impact à un niveau décisionnaire qui soit reconnu. Et du coup dans mes discussions avec la direction des ressources humaines du groupe, je commençais à diffuser l'idée de pouvoir intégrer une plus petite maison, mais où j'aurais un scope plus large qui me permettrait d'avoir une vraie prise de décision, de créer de l'impact, de donner un peu mon point de vue, et non pas un point de vue dilué au milieu de 150 autres personnes. Je précise juste qu'aujourd'hui, je suis directrice générale de la maison, en charge en direct de trois zones, donc l'Europe, le Moyen-Orient, les US et le Japon. Il y a une autre personne qui dirige la partie Chine et Asie-Pacifique, donc je ne suis pas seule. Et je reporte à un président, donc je ne suis pas le numéro un de la maison, on va dire, mais potentiellement le numéro deux. J'ai évidemment comme ambition de passer numéro un un jour, donc ça c'est la next step pour faire le lien sur l'organisation de la carrière. Mais oui, ça faisait... Quelques années en tout cas que je plantais les graines à qui voulait bien l'entendre et aux bonnes personnes en disant j'aimerais bien pouvoir évoluer. Et j'avais compris aussi que pour avoir ce type de poste, potentiellement, il fallait que j'aille dans une maison plus petite. Je savais, j'étais assez honnête et humble avec moi-même. Je n'aurais pas été déléguée de Louis Vuitton ou de Dior et ça m'allait bien. Peut-être qu'un jour je le serais et j'en serais ravie. Mais l'idée de bouger dans une structure plus petite me convenait totalement. Ce qui n'aurait pas été le cas dix ans avant, je pense que j'avais besoin d'être rassurée il y a quelques années sur la carte de visite, la grosse boîte qui impressionne un peu tout le monde. Et voilà, au fur et à mesure, la maturité, l'expérience fait qu'on a des envies et des ambitions différentes. Et puis après, il y a le contexte. L'opportunité s'est présentée et donc le groupe a pensé à moi et m'a appelée sur cette mission-là, qui se libérait, parce que le poste se libérait, ce qui est aussi une réalité, il faut que le poste se libère. Et le timing était parfait et ça s'est fait de façon assez fluide, contre toute attente, en plein Covid. Et ça, c'est aussi intéressant de se dire que dans les périodes de difficultés, je pense qu'il y a beaucoup d'opportunités qui se mettent en place. Et j'en ai été en tout cas l'exemple parfait, puisque au sein d'un contexte très compliqué qu'était quand même le Covid, moi, j'ai eu une très belle opportunité professionnelle dont je me réjouis encore aujourd'hui.

  • Speaker #1

    On reviendra sur la maison Fred, mais ce que j'aime bien chez toi, Natacha, c'est que tu n'as pas peur de l'ambition et de la dire. Quand tu étais toute jeune, tu disais vouloir être présidente de la République. Là, tu dis librement que peut-être un jour, quand le temps sera venu, tu aimerais devenir la numéro un du groupe.

  • Speaker #0

    Du groupe, peut-être pas, parce que de la maison Fred, en tout cas, peut-être, ou d'une autre maison. Non, mais je pense que moi, c'est mon driver. mon driver, c'est l'ambition, en fait. Mon driver, c'est de me dire il y a toujours une next step. Et je pense qu'on est tous individuellement formatés différemment. Et je reviens sur le mot ambition en France qui peut faire peur, en particulier s'il est prononcé par une femme. On se dit tout de suite, oh là là, elle est dans Kiray-le-Parquet, elle va tout écraser sur son chemin. Mais pourquoi ? Je pense que l'ambition, c'est se donner soi-même les moyens d'aller vers quelque chose qui vous motive. Moi, ma motivation, professionnellement, elle vient... par cette capacité à gravir les échelons. Mais on est tous différents. Certains, ça va être l'argent. D'autres, ça va être le nombre de personnes dans vos équipes. D'autres, ça va être le scope international. Chacun a son propre moteur. Moi, mon moteur, c'est de pouvoir effectivement gagner une step hiérarchique. Ce n'est pas être ambitieux pour être une étape au-dessus, pour le plaisir d'être une étape au-dessus, mais parce que je pense que je me bonifie. Et je donne le meilleur de moi-même en étant dans ces zones de leadership, en fait. Et dans ces métiers où finalement, on est plus dans de la coordination d'un super chef d'orchestre qui fait travailler les autres et qui a une vision qu'il partage que dans l'opérationnel pur. Mais ça, c'est des choses qu'on découvre au fur et à mesure des années. Et ma chance, et j'utilise volontiers le terme, c'est d'avoir été malade quand j'étais jeune. Parce qu'en fait, quand j'étais malade, j'ai fait cette psychothérapie et cette introspection. Et en fait, je me connais plutôt très bien et depuis longtemps. Et donc, j'ai appris à décrypter ce qui étaient les éléments importants et mes moteurs. Et quelque part, ce parcours de la maladie m'a, je pense, donné un avantage énorme sur beaucoup d'autres, c'est de se connaître. Et aujourd'hui, j'arrive à aligner, bon an, mal an, mes ambitions, ma motivation avec ma vie au quotidien, dans une sphère professionnelle, mais aussi dans une sphère personnelle.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que c'est vrai qu'aujourd'hui, on parle beaucoup de développement personnel, de connaissances de soi, etc. Je pense qu'à l'époque, on en parlait beaucoup moins. Mais toi, tu as transformé cette période un peu plus sombre dans une période où je pense que tu avais du temps pour réfléchir aussi.

  • Speaker #0

    Je ne pouvais faire que ça. Donc, je n'avais dans ma chambre d'hôtel, l'absurde, mais dans ma chambre d'hôpital, je n'avais rien. Je n'avais pas de télé, je n'avais pas de livre. Je pouvais écrire et penser. Et en fait, c'est aussi une des thérapies de la maladie. C'est de se recentrer sur soi-même. d'accepter qu'on est malade et ensuite d'essayer de trouver les solutions par soi-même avec l'aide du corps hospitalier et médical, évidemment. Mais réfléchir, en fait, profondément, on le fait assez rarement. Et moi, j'étais face à moi-même et je pense que ça m'a beaucoup aidée.

  • Speaker #1

    Pour revenir sur l'ambition, tu disais que c'est potentiellement... Ma question, c'est est-ce que c'est plus dur de porter une ambition quand tu es une femme que quand tu es un homme ?

  • Speaker #0

    Alors, je pense que dans le fond, non, ça ne doit pas être plus difficile. Par contre, dans l'acceptation et dans la déclaration, je pense que c'est super dur d'être une femme. Quand on est une femme et qu'on dit qu'on est ambitieuse, honnêtement, je pense qu'il y a peu de personnes qui vous regardent de façon très bienveillante. On est tout de suite catégorisées comme une killeuse. C'est associé, je trouve, de choses négatives et dans un univers très peu altruiste et très peu empathique. Alors que pas du tout. Je pense qu'on peut être ambitieuse, on peut être une femme. on peut réussir en étant avec les autres, en étant un bon manager et en étant dans le collectif. Et je fais un parallèle par rapport au run. Donc moi, je suis une runneuse, on en parlera peut-être tout à l'heure, mais voilà, effectivement, j'aime bien courir, qui est un sport assez facile à pratiquer. Donc c'est aussi très pragmatique. C'est qu'on n'a pas besoin de beaucoup de choses à part ces baskets et un lieu où on peut courir, à savoir dehors. Mais souvent, on dit que le run est solitaire. Pas du tout. Il suffit de regarder n'importe quelle course. C'est hyper collectif, le run. C'est probablement mes expériences de solidarité les plus puissantes sont intervenues dans des courses, au sein d'une course. Et donc, je fais le parallèle parce que je pense que l'ambition, le côté solitaire de l'ambition et destructeur un peu des autres et le run où on court que pour soi-même et pour gagner sa course, c'est pareil pour moi. Il y a cette notion du collectif, de le faire ensemble. Et c'est des a priori assez peu éduqués.

  • Speaker #1

    Et sur le run, alors moi aussi je suis runner, tu t'es montée sur des courses comme des semi-marathons, des marathons ?

  • Speaker #0

    Marathons, semi-marathons, j'ai fait plein de semi, bon j'ai commencé comme tout le monde avec 5 km au bout de ma vie en me disant que jamais je n'y arriverais.

  • Speaker #1

    Faire le tour de la maison.

  • Speaker #0

    Voilà, autour de la maison à côté du bois de Boulogne qui n'est pas très loin, mais vraiment au bout de ma vie, écarlate en me disant non mais je n'arrive pas à respirer, ça n'a aucun intérêt, ça ne me procure aucun plaisir. Pourquoi ce sport ? Pourquoi tant de mal quoi, pourquoi se donner tant de mal. Et comme je suis assez compétitive, je me suis dit, bon, je m'accroche. Une copine m'a embarquée sur la parisienne. Donc, pour ceux et celles qui connaissent la parisienne, c'est 6,7 km. Donc, c'est moins de 7 km. Pour un runner, ça paraît très court. Mais quand c'est une première course, ça m'a paru une montagne. Donc, je l'ai faite plutôt correctement, mais en donnant beaucoup et en m'entraînant énormément avant. Et puis, du coup, je me suis dit, j'arrive à faire ça, je vais faire les 10 km de Paris. Et puis, des 10 km, je me suis dit, je vais faire les 20. Et puis après, j'ai rencontré une personne qui m'a dit Tu sais, si tu veux progresser, tu dois prendre un coach. Et là, je me suis dit Ah, peut-être qu'on peut demander de l'aide. Et j'ai rencontré quelqu'un de super qui m'accompagne encore aujourd'hui et qui m'a dit Mais si tu veux faire un marathon, tu fais le marathon. Et là, je l'ai regardé en lui disant Non, mais t'es gentil, mais en fait, impossible pour moi de faire un marathon. Et il m'a regardé droit dans les yeux et il m'a dit Voilà, si tu veux faire le marathon, l'année prochaine, tu fais le marathon. Et donc, banco, il m'a entraîné pour et j'ai fait un marathon que j'ai adoré. qui est probablement l'une des plus belles expériences de ma vie après la naissance de mes enfants et mon mariage. J'ai pleuré en passant évidemment la ligne d'arrivée, mais une émotion tellement forte que je souhaite à tout le monde. Et depuis, j'ai fait trois marathons. Et j'en ai un prochain à venir qui ne va pas être simple, qui est le marathon des Jeux Olympiques, le marathon pour tous. Donc le 10 août prochain, nocturne, je ferai partie des quelques 20 000, je crois, participants au marathon pour tous. Et le Tchangé... Le challenge est élevé parce que le parcours est compliqué, fort dénivelé, de nuit et avec une température extérieure qui va être à mon avis assez élevée. Donc là, je suis en plein entraînement.

  • Speaker #1

    Pour avoir du dénivelé, c'est où ?

  • Speaker #0

    Alors en fait, on part de l'hôtel de ville, mais on passe par Versailles. Du coup, la fameuse Côte des Gardes qui je crois arrive à peu près au milieu du parcours, qui va être particulièrement difficile et pas mal de haut et bas après. Donc par rapport au marathon de Paris que j'ai fait trois fois, beaucoup plus compliqué.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous parler de la maison Fred, Natacha, en quelques mots ?

  • Speaker #0

    Alors Fred, c'est une magnifique rencontre. En fait, quand on a commencé à me parler de cette maison, j'ai été évidemment regarder sur Internet l'histoire de la maison. Donc déjà, c'est le nom du fondateur qui s'appelle Fred Samuel. Donc ce n'est pas un diminutif et ce n'est pas un nom inventé. C'est vraiment le fondateur qui était pour moi, il a écrit sa biographie, donc j'ai pu la lire, un type exceptionnel, qu'on compare pas mal à Joseph Kessel. C'est un aventurier en fait, c'est quelqu'un qui a été entrepreneur très tôt, qui a grandi en Argentine, donc avec un monde, un univers méditerranéen, beaucoup de couleurs, qui a côtoyé la mer, l'océan, qui est un élément très important pour lui, mais qui a quelque part, qui est ensuite revenu en France et qui a monté son business très jeune, mais qui avait cet altruisme de l'aventurier. D'abord, il était issu d'une famille juive, donc au moment, l'année où il a ouvert sa première boutique à Paris, il se l'est fait confisquer par... les Allemands qui envahissaient le pays. Il s'est engagé dans la Légion étrangère pour combattre le nazisme. Mais comme il n'était pas français, il est allé dans la Légion étrangère. Il a été fait prisonnier deux fois. Il s'est évadé deux fois. Et donc, il a connu cette adversité très forte. Et suite à ça, il a créé sa maison avec de multiples rebondissements. Mais je vous invite à lire sa biographie qui est absolument extraordinaire. Il était adoré de tous. C'est vraiment quelqu'un qui avait un charisme incroyable. Il a été juge au tribunal de commerce. Donc, ayant cette fibre commerciale, il a voulu aider les autres aussi en étant juge. Il a eu une famille absolument incroyable qu'il a aimée d'un amour fou, y compris sa femme pour laquelle il a commencé à faire ses premières parures extraordinaires. Et puis, il a, avant tout le monde, compris ce qu'était le clienteling. C'est-à-dire qu'il a installé sa boutique près des grands hôtels parce qu'il a compris que les touristes on va dire, Fortuné venait s'installer à Paris dans certains hôtels et il allait dans les lobbies des hôtels attendre les grands clients et de lui-même, de façon très proactive, il allait se présenter et nouer cette première relation, on va dire. relationnel, enfin ce premier contact avec un client et c'est comme ça qu'il a eu des histoires incroyables avec des grandes familles, y compris des familles royales la famille du Népal, des familles du Moyen-Orient, où il a commencé à montrer ses pierres et puis montrer les créations qu'il pouvait faire autour de pierres extraordinaires et il avait ce sens unique en fait relationnel qui a été je pense le terreau de son succès entre autres au-delà du produit

  • Speaker #1

    Et c'est quoi la spécificité de la maison Fred par rapport à d'autres maisons dans la joaillerie ?

  • Speaker #0

    Alors c'est une maison qui aime le pas de côté, le petit pas de côté. C'est une maison assez accessible, d'abord qui est mixte quasiment dès la naissance de la maison, donc qui produit des produits de joaillerie pour femmes et pour hommes, ce qui était quand même assez atypique à l'époque, et qui par ailleurs est très lié aux valeurs du sport, parce que Fred Samuel était champion d'aviron et de voile. Et avec son fils, ils ont fait beaucoup de compétitions de voile, d'où est né le produit iconique qui s'appelle Force 10. Force 10 en écho à la force la plus intense du vent, qui fait que quand on porte le bracelet Force 10, on est paré pour faire face à toutes les adversités possibles, y compris le vent le plus fort. Donc c'est une approche assez atypique. Après, il a des créations très colorées. très gai en fait dans les éléments clés de la maison, il y a cette joie de vivre et puis le bleu de la Méditerranée qui a été initié par le bleu de la mer en Argentine parce qu'il s'est installé très tôt dans ce qu'on appelle la French Riviera et donc beaucoup des créations et de nos concepts boutiques et de nos éléments de communication sont liés au soleil pour rendre hommage à sa personnalité solaire mais aussi au bleu de la mer Méditerranée

  • Speaker #1

    Ok, et donc aujourd'hui, tu es managing director Europe, Afrique, Moyen-Orient, US et Japon chez Fred. Concrètement, c'est quoi le quotidien d'une managing director ?

  • Speaker #0

    Le quotidien, c'est de passer beaucoup de temps avec les équipes, à la fois pour partager la vision de la maison, pour bien s'assurer qu'on soit tous dans une même direction. Et puis ensuite, pour leur donner tous les outils et tous les moyens possibles pour délivrer le plus d'efficacité. Quand je dis efficacité, c'est efficacité commerciale. Merci. Le meilleur service possible, c'est faire rêver nos clients, c'est avoir une cohérence de marque dans toutes les actions qu'on mène, que ce soit de la communication au visual merchandising en boutique, à la formation des équipes, aux communications qu'on envoie à nos clients. Donc en fait, quand on est dans un rôle de dirigeant, on est plus chef d'orchestre qu'autre chose. Mais votre rôle fondamental, c'est à la fois de donner le cap. pour reprendre une allégorie, une comparaison, on va dire, maritime. Et puis ensuite, d'être celui qui donne le rythme au rameur pour aller tous dans le même sens. Et beaucoup du temps que je passe est quand même dédié aux équipes. Et à partager, en fait, à répondre à leurs interrogations, à leur expliquer pourquoi on fait certaines actions et pourquoi on n'en fait pas d'autres. Parce qu'on a souvent tendance, en France, à regarder le verre à moitié vide en se disant Ah ben, un tel, l'autre marque, elle fait ci, l'autre marque, elle fait ça. Nous, on fait plein de choses aussi. Et ces choses, elles nous permettent de créer quelque chose de différenciant, ce qui est important pour la maison et dans le bon sens. Et puis ensuite, oui, d'être aussi celle qui va donner le ton de l'exigence en se disant l'ambition, elle est là. Elle est là au niveau du chiffre d'affaires. Elle est là au niveau, on va dire, de la rentabilité. Elle est là au niveau du contrôle des coûts. Elle est là aussi au niveau du message qu'on va envoyer à nos équipes. Et ça, c'est important. Être patron, c'est aussi... être un peu directif, on va dire, pour donner le bon cap, mais tout en expliquant les choses. Donc oui, le temps qu'on passe avec des équipes est très, très important. En tout cas, moi, c'est comme ça que je vois mon métier. Je ne le vois pas dans une façon top-down, comme on dit en anglais, d'imposer un point de vue, mais d'être plutôt dans la récolte des feedbacks et qu'ensemble, on arrive à construire quelque chose et d'expliquer pourquoi on va dans cette direction et pourquoi pas dans une autre. Et si on parle un peu chiffres sur Fred, aujourd'hui, c'est combien de collaborateurs ? C'est quel chiffre d'affaires à peu près ?

  • Speaker #1

    Alors, chiffre d'affaires, on ne va pas en parler là, mais... C'est confidentiel ? C'est confidentiel, oui. C'est confidentiel, mais c'est pratiquement trois fois plus qu'il y a quatre ans. Donc, voilà, ça donne un peu la dynamique de la maison. Et on a environ 500 collaborateurs dans le monde, en incluant les équipes retail, donc les équipes en boutique dans le monde.

  • Speaker #0

    OK. Et sur le chiffre d'affaires, si je reviens, c'est confidentiel, mais quand je l'ai préparé, j'ai quand même vu un chiffre. C'est quoi ? C'est des estimations ? C'est des chiffres qui sortent ?

  • Speaker #1

    Oui, il y a des études. Il y a beaucoup de cabinets de conseil qui font des études de comparaison entre les différentes maisons. Donc, c'est des chiffres qui sortent, mais effectivement, le chiffre n'est pas publié en tant que tel. Donc, ça reste confidentiel.

  • Speaker #0

    Il y a une obligation. Alors, les chiffres sont publiés quand la boîte est cotée en bourse ?

  • Speaker #1

    En fait, LVMH publie ces chiffres. Donc, évidemment, tous les chiffres de LVMH sont publiés. Et ensuite, on a des splits par ce qu'on appelle business unit ou par... on va dire familles de maisons. Et donc, nous, on appartient à une division qui s'appelle les Montréjoairies. Donc, normalement, on trouve sur le rapport annuel de LVMH le chiffre d'affaires de la division Montréjoairie, mais on ne descend pas au niveau de la maison, sachant qu'il y a huit maisons dans la division Montréjoairie. Les chiffres estimatifs, ce que tu as pu lire peut-être en préparant l'interview, sont des chiffres estimatifs que beaucoup font parce que les cabinets de conseil ou d'autres grandes entités ont besoin de comprendre un petit peu quel est le mapping de la concurrence.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il m'intéresse de comprendre, tu parlais d'une vision, de récolter aussi des feedbacks au niveau des collaborateurs. Comment ça se passe concrètement ? Alors, tu vois, moi, j'étais dirigeant de startup. La vision, en vrai, je l'ai créée beaucoup par moi-même et aussi avec mes salariés et le terrain. Mais quand on est dirigeant d'une maison fraîche qui fait partie d'une grande maison à l'LVMH, comment ça se passe concrètement, cette vision ? Tu peux, toi, apporter tes insights à un certain moment de l'année ? Oui,

  • Speaker #1

    parce que c'est la force du groupe aussi, c'est que chaque maison est indépendante, mais on a ces divisions. Nous, appartenant à la division Montréjoaillerie, on avance tous dans un même sens. Mais après, chaque maison a sa personnalité et au sein de la maison, chez Fred, on a un comité de direction présidé par notre président. Moi, je suis membre du comité de direction au même titre que le directeur financier, la directrice des ressources humaines. On est six aujourd'hui dans le comité de direction. Et le but de nos réunions de comité de direction, c'est justement d'alimenter une réflexion commune et de pouvoir nous... Chacun peut s'exprimer sur notre métier en particulier, mais aussi apporter sa pierre à l'édifice dans une réflexion collective et faire en sorte que quand on présente un plan stratégique, ça ne soit pas seulement issu du grand patron, mais qu'on puisse tous y contribuer. Et après, de façon en escalade, quand on prépare par exemple un plan strat, moi je le prépare avec mes équipes et donc on fait pas mal d'itérations avec les équipes et de réflexions, de brainstorming pour utiliser le mot. on va dire anglo-saxon, pour remonter un peu les idées de tout le monde. Et puis ensuite, mon rôle, c'est de fédérer et d'en faire sortir quelque chose qui soit intéressant, que je peux remonter au niveau du comité de direction. Mais tout ça se fait à chaque niveau, il y a quand même beaucoup de collectifs.

  • Speaker #0

    Tout le monde participe à la construction de cette vision.

  • Speaker #1

    Voilà, après, on va dire, évidemment, il faut qu'il y ait quelque chose à dire. Mais c'est toujours intéressant d'interroger quelles que soient les personnes, il en sort des idées intéressantes. Après, l'idée, c'est de... d'arriver à mettre en commun, à faire une synthèse et d'aller à l'essentiel. On n'a pas les moyens non plus de gérer 150 000 priorités. Donc oui, à un moment donné, quand on est dirigeant, il faut aussi choisir. Et décider de quelles sont les priorités et d'expliquer pourquoi ce point-là va être une priorité et pas le point d'à côté.

  • Speaker #0

    Selon Henri Haddad, choisir, c'est renoncer.

  • Speaker #1

    Et c'est une vraie réalité. Je pense qu'on s'en rend compte tous les jours. Dans notre métier, oui, ça, c'est vraiment quelque chose de super important. Choisir, c'est renoncer. Et je pense qu'un bon dirigeant, c'est celui qui sait prendre des décisions, en fait. Bien sûr. Et ce n'est pas si fréquent.

  • Speaker #0

    Oui, c'est du courage entrepreneurial, managerial.

  • Speaker #1

    Exactement. Mais le courage, typiquement, je pense que c'est une valeur qui, pour moi, m'est hyper chère et très motivante. Mais qui veut dire qu'il faut accepter de se prendre des coups. Parce que quand vous avez le courage de prendre une décision, on ne peut pas satisfaire tout le monde. Et donc, vous avez les insatisfaits qui, par définition, ne vont pas agréer à votre décision. Et ça, il faut l'accepter.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu penses que depuis quelques années, avec un monde de plus en plus mouvant et peut-être incertain dans l'avenir, c'est encore une soft skill encore plus importante, la prise de décision, et qu'il faut aller vite ?

  • Speaker #1

    La prise de décision, et je pense encore plus important, c'est le courage. Moi, je pense que le courage, c'est une valeur assez peu mise en avant dans notre... Je parle de la société française, en tous les cas, et qui devrait s'apprendre en école. Je pense qu'il y a des choses, il y a des fondamentaux qu'on peut... qu'on peut insuffler d'un point de vue éducatif. Mais oui, je pense que le courage est une valeur hyper importante, et encore plus quand on est dans une société un peu mouvante, où il y a beaucoup d'indécision, où il y a beaucoup de flottement. Il faut savoir porter ses valeurs haut et fort.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, c'est une experte du luxe. Si on parle un peu des sujets d'actualité autour du luxe, ce n'est pas que autour du luxe, mais aujourd'hui, on n'entend parler que d'IA, d'intelligence artificielle. Est-ce que dans le luxe, particulièrement dans le joaillerie et peut-être chez Fred, l'IA va changer quelque chose, peut-être dans les parcours clients, l'expérience client ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que le luxe ne fait pas défaut. L'IA est un peu partout et pour les bonnes choses. C'est-à-dire qu'il y a plein d'éléments qu'on arrive à faire de plus en plus rapide, de plus en plus efficace grâce à l'IA. Ça peut être le cas sur des items de production, comment accélérer des chaînes de production de certains éléments, de certains produits. Ça peut être le cas, donc on parlait de parcours client, mais typiquement dans l'identification de clients à fort potentiel, quand on a une base de données. on faisait avant des études, on faisait mouliner un petit peu nos bases de données pour essayer d'identifier le futur top client. Aujourd'hui, on gagne un temps fou avec l'IA parce que vous pouvez appliquer de l'IA sur cette base de données et puis elle va déterminer des algorithmes de comportement d'achat en identifiant hyper rapidement le client de demain. Ça, c'est quand même extraordinaire.

  • Speaker #0

    C'est super intéressant. C'est quand même gagner un temps de dingue. Et la grande question, c'est est-ce que toi, tu utilises ChatGPT en tant que dirigeante au quotidien ?

  • Speaker #1

    Au quotidien, pas du tout. Par contre, quand c'est sorti officiellement, on va dire pour le grand public, j'ai testé tout de suite avec des choses assez marquantes du type business case. On fait tant dans tel pays, on veut se développer dans tel pays, j'ai telle problématique. Qu'en penses-tu et quel est le plan d'action ? Et honnêtement, j'ai été bluffée de voir le plan d'action qui sortait. Et tout ça en mettant assez peu de data dans la machine, puisque pour des raisons de confidentialité. Les chiffres n'étant pas publiés, je n'allais pas donner à l'LGPT et donc à d'autres personnes des informations confidentielles. Donc avec des choses très basiques qu'on peut trouver dans la presse. Et non, j'ai été totalement bluffée. Après, très honnêtement, moi, je l'utilise très peu. Mais c'est assez drôle que tu m'en parles parce qu'on était en séminaire la semaine dernière avec nos équipes. Et puis, on a fait un team building assez sympa. Et la personne qui s'est occupée de l'animation m'a dit que pour la constitution des équipes de notre team building, elle avait fait fonctionner le LGPT. Et donc, c'était drôle. Je pense que les jeunes générations, très clairement, l'utilisent beaucoup plus que moi. J'ai fait un truc assez marrant aussi. J'avais été sollicité pour être jury. Même pas pour être jury, pour être personnalité, pour remettre un diplôme dans la graduation day d'une école. Donc, ils sont 900 et reçoivent leur diplôme. Et je devais faire le discours de graduation day. Et donc, j'ai fait un discours très personnel. Mais au milieu... j'ai glissé un texte de Triad GPT pour faire un test sur un sujet entre le luxe et la RSE, qui est un peu le sujet bateau du moment. Donc, je me suis dit, voilà, ça va me sortir plein de trucs. Et donc, à la fin de mon petit discours, j'ai demandé à l'audience, donc plus de 600 ou 700 personnes, s'ils étaient d'accord avec ce que je disais, s'ils étaient d'accord qu'ils lèvent la main. Ils ont quasiment tous levé la main. Et là, je leur ai dit, écoutez, ce n'est pas moi qui le dis, c'est Triad GPT. Et donc, c'est quand même important de se rendre compte que... Il faut quand même glisser des choses un peu personnelles dans les messages qu'on véhicule parce que je pense qu'il y a un risque à devenir assez moyennisant et assez impersonnel. Mais c'était assez étonnant de voir la véracité et l'authenticité des paroles qui sont sorties dans le discours.

  • Speaker #0

    Bien sûr,

  • Speaker #1

    c'est un outil hyper... Je me suis laissé très impressionné.

  • Speaker #0

    Pareil, des fois, je les utilise et je suis hyper étonné. De toute façon, c'est un outil qui arrive. Et de toute façon, si tu ne l'utilises pas, c'est ton concurrent qui va l'utiliser.

  • Speaker #1

    Oui, puis alors moi, je fais partie. J'ai des enfants qui m'aident beaucoup aussi à rester en de top, on va dire. Mais je trouve que c'est important de comprendre comment la nouvelle génération va travailler, va penser. Tu parlais de fidélité dans une même maison. Voilà, ces comportements d'un jeune collaborateur. Et je pense que CLGPT est beaucoup plus présent chez nos jeunes collaborateurs que sur ma génération. Mais on a besoin de le comprendre. Si on ne comprend pas, demain, on va être déconnectés, en fait. Et ce sont, un, nos talents de demain et deux, nos dirigeants de demain. Donc, il faut qu'on accompagne aussi cette transition.

  • Speaker #0

    Tu parlais de RSE. On sait aujourd'hui qu'il y a une urgence climatique qui va au-delà du monde de l'entreprise. Et pour moi, qui nécessite un peu une mobilisation de toutes les forces, que ce soit les citoyens, les entreprises, les politiques, les associations, etc. Est-ce que tu penses que... Alors, le luxe, c'est plutôt une industrie. Ça ne veut pas dire que le luxe gagne tout le temps énormément d'argent et que tout est très facile, mais c'est plutôt une industrie rentable. Est-ce que tu penses que cette industrie a un rôle... sociétal peut-être plus important ? Un rôle déjà peut-être plus important que d'autres industries ?

  • Speaker #1

    Je pense que l'industrie étant visible et très contributrice à l'économie du pays, par définition, elle a un rôle d'exemplarité. Et elle a un rôle assez, effectivement, sociétal. Et dans le sociétal, je mets le R, le S et le E. Et je pense que les grands acteurs de l'industrie du luxe aujourd'hui sont extrêmement engagés sur le sujet. Il faut éviter de tomber dans l'écueil, de se dire c'est celui qui publie le plus sur LinkedIn qui fait le plus d'actions. Je pense que pour bien parler du sujet, il faut lire les rapports dédiés des différentes maisons ou des différents groupes. On a des très bons exemples avec LVMH, Kering et Hermès. Je pense que toutes les, et Chanel, je ne pourrais pas ne pas citer certains d'entre eux, mais tous les acteurs importants de l'industrie sont extrêmement engagés, en accéléré j'ai envie de dire, très actifs sur le sujet. Et oui, je pense qu'ils sont assez puissants dans leur capacité à faire changer les choses dans notre domaine. On ne peut pas non plus intervenir dans tous les domaines, mais dans le domaine que l'on maîtrise. Et je crois que c'est important de rester dans ce qu'on sait faire et dans ce qu'on maîtrise. Les dernières années ont été extrêmement structurantes et je trouve très exemplaires.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux nous donner quelques exemples, par exemple, de la maison Fred ?

  • Speaker #1

    Alors, dans la maison Fred, on a été assez exemplaires sur la construction des boutiques. On a remplacé depuis assez longtemps tous nos éclairages. L'éclairage en joaillerie est très important parce que, évidemment, si le diamant est bien éclairé, on y voit toutes les facettes et on voit la pureté de la pierre. Donc, tous nos éclairages sont passés en LED depuis hyper longtemps. On a remplacé les boîtes dans lesquelles on livre les produits via le e-commerce. par des boîtes construites de façon très éco-responsable. On a été la première marque, je crois, sauf erreur, de joaillerie du groupe, en tous les cas, à faire un affichage publicitaire sur du papier entièrement recyclé et éco-responsable. Donc voilà, ça va dans tous les domaines. C'est la publicité, c'est nos catalogues. On est hyper digitaux. Un exemple très basique qui est venu d'une impulsion personnelle. Moi, j'ai demandé à ce que toutes les cartes de visite de nos vendeurs ne soient plus imprimées, mais soient remplacées par une carte de visite digitale avec un QR code. Ça paraît bête, mais quand on a 300 vendeurs dans le monde, c'est le cas sur l'Europe, ce n'est pas encore le cas dans tout le monde entier, mais ça fait plus d'un an et demi, presque deux ans aujourd'hui, que nos vendeurs n'ont plus de carte de visite imprimée, mais n'ont qu'une carte digitale. Mais on ne peut pas imaginer l'économie d'impression qu'on a faite. Sans parler de l'aspect financier, mais il suffit de changer le numéro de téléphone ou la personne part. Dans le retail, on a un turnover. Donc, vous avez X% de turnover, vous accueillez des nouveaux vendeurs. À chaque fois, c'est de l'impression qu'il ne servait pas à grand-chose ou en tout cas qui me semblait un peu dépassé. Aujourd'hui, vous avez un QR code qui est généré en deux minutes. En plus, les clients adorent. Et par ailleurs, la carte de visite va directement dans l'annuaire du client. Là où quand vous aviez une carte de visite, vous pouviez la perdre. Il était peu fréquent quand même que le client intègre le vendeur dans son annuaire personnel. Donc, pour de multiples raisons, c'est tellement plus efficace. Et en plus, c'est co-responsable.

  • Speaker #0

    C'est marrant que tu prennes l'exemple de la carte de visite, parce qu'en tant qu'entrepreneur, aussi, quand tu commandes des cartes de visite, c'est typiquement le truc qui est vendu par 200, 300, 500, où tu as une incitation à en acheter beaucoup plus. Ça coûte beaucoup moins cher, marginalement. Et finalement, tu en jettes 80% généralement.

  • Speaker #1

    Exactement. Donc voilà, il y a plein de petites choses. Et moi, je fais partie des gens qui sont convaincus que l'effort collectif, c'est une somme d'efforts individuels. Donc tout le monde peut contribuer. Tout le monde peut avoir sa petite idée. Chaque idée est bonne. Et le tout, c'est de continuer à montrer l'exemple. Et on parlait des sphères personnelles, mais que chacun dans notre sphère personnelle, on arrive à montrer l'exemple.

  • Speaker #0

    Tu nous parles du colibri là.

  • Speaker #1

    Mais voilà, exactement. Non, mais je suis tellement convaincue par ça. Et on a commencé off the microphone une discussion sur la philanthropie. la philanthropie, c'est chacun qui le décide. On peut tous faire quelque chose à notre niveau et on n'est pas obligé de donner des milliers des cents. Mais si déjà chaque année, on donne un petit peu à quelque chose, une cause qui nous parle, ça fait une différence.

  • Speaker #0

    Et ce n'est pas pour faire ma pub, mais par exemple sur Les Sages, la majorité des podcasts vivent par la générosité. Et moi, c'est ce que je dis, si chacun donnait un euro, à mon avis, tous les podcasts seraient rentables.

  • Speaker #1

    Un euro, ce n'est pas douloureux. Tout le monde peut donner un euro. En tout cas, dans la sphère dans laquelle on évolue, je pense que tout le monde peut donner un euro. Et je pense que c'est hyper important, effectivement, d'avoir cette dynamique de ce que j'appelle le bol de riz. Le bol de riz, c'est grain par grain. Et on ne finit pas un bol de riz en l'avalant en une fois.

  • Speaker #0

    Pour finir ce chapitre de ta vie chez Fred, si je croisais tes équipes, qu'est-ce qu'à ton avis, si je leur demandais de te décrire en quelques adjectifs, je te décrirais comment ?

  • Speaker #1

    Alors écoute, ce qui est sûr, c'est qu'il y a au moins quelqu'un qui dirait hyper dynamique, hyper active. Je pense que c'est quelque chose qui me caractérise. Très optimiste et gay. Ce sont des valeurs très fortes aussi au sein de la maison et c'est pour ça que j'ai senti un alignement, je pense, assez naturel. Fred Chanuel, je le disais tout à l'heure, était quelqu'un de très gay, qui portait la joie. Et pour moi, c'était important d'être aligné sur cette valeur-là. Exigeante, exigeante, pouvant dire pas dure, mais exigeante. Donc oui, ça ne rigole pas tous les jours non plus. C'est-à-dire que cette exigence que je m'applique à moi-même avant tout, évidemment, j'essaye de l'appliquer auprès de mes équipes qui, pour certains, prennent le train en marche et peuvent grandir rapidement. Pour d'autres, peut-être, restent un peu sur le quai. Donc, ce n'est pas toujours facile. Donc, ça peut être un peu segmentant. Donc, je pense, assez segmentante. Après, qu'est-ce qu'ils pourraient dire d'autre ? Drôle. Moi, j'utilise beaucoup l'humour. Je pense que c'est quelque chose d'important dans ma vie au quotidien et qui fait partie de mon univers. Voilà, j'aime ça et je trouve que de réussir à maîtriser le premier degré pour aller sur le second, c'est quand même assez sympa. Et puis, dans des instances où il y a souvent un ton un petit peu difficile Et parfois, des négociations un peu ardues, je pense que l'humour aide à sortir de beaucoup de situations.

  • Speaker #0

    Bien sûr, ça permet de détendre et parfois de passer des messages. L'épisode 5 des Sages, on a eu la chance de recevoir François Hollande, qui est un président de la République, qui est connu justement pour son humour.

  • Speaker #1

    Complètement, je n'ai pas eu la chance de le rencontrer, mais effectivement, sa réputation le précède sur sa capacité à gérer beaucoup d'humour.

  • Speaker #0

    Et il nous a dit que c'était pour lui, un jeu de mémoire autant agréable que finalement un outil pour résoudre des situations, comme tu évoquais.

  • Speaker #1

    Et je pense par ailleurs que l'humour était vraiment une espèce de gymnastique intellectuelle intéressante, parce que comme je disais, il faut maîtriser le premier degré pour passer au second. Donc ça veut dire qu'il faut systématiquement aller un coup d'avance et savoir comment est-ce qu'on pourra déstabiliser de façon sympathique la personne en face.

  • Speaker #0

    Écoute, tu me fais une super passerelle, Natacha. On va parler plus de ta manière, de la partie personnelle. Et tu parles de sympathie. Et justement, j'ai une personne qui a souhaité... Faire passer un message justement lors de ce podcast que je vais te lire du coup. Donc c'est... et un altruisme indéniable. Donc, cette personne, c'est Angélique Gérard, qu'on a eu la chance d'accueillir dans les sages lors du premier épisode. Et donc, sa question, c'est Natacha, ton parcours dans l'univers de luxe est impressionnant. Comment arrives-tu dans un monde où la paillette a souvent la part belle pour préserver tes valeurs, ta profondeur, en somme, rester celle que tu es ? Question pas facile.

  • Speaker #1

    Déjà, merci Angélique pour ces mots qui me touchent énormément. Je pense que tout réside dans l'éducation. Moi, j'ai reçu une éducation qui m'a construite avec des parents, je le disais tout à l'heure, très aimants. Des parents qui ont une belle réussite sociale, parce que des parents médecins, spécialistes, mais qui sont issus d'une famille extrêmement modeste, immigrée, comme on le disait en introduction, et qui nous ont élevé, mon frère et moi-même, toujours avec ces valeurs du sens du travail, du sens de l'effort. On a grandi dans un milieu hyper privilégié, j'ai été extrêmement gâtée. Mais je savais que j'avais cette chance, c'est-à-dire que rien n'était dû et le respect de l'autre et le respect du travail étaient quelque chose d'extrêmement structurant et important pour nous. Donc très vite, je pense que j'ai su décoder le fait que dans l'univers du luxe, il y a cette émotion forte, il y a le rêve, mais ce n'est pas la vraie vie. Pour moi, la vraie vie, c'est ce qui se passe quand vous rentrez chez vous, c'est ce qui se passe quand vous observez ce qui se passe autour de vous. et qu'on est là pour vendre des produits exceptionnels à des clients exceptionnels, mais que ce n'est pas forcément notre quotidien. Donc ce côté paillettes, on va dire apparence, parce que c'est vrai que ça participe beaucoup à l'apparence, le luxe, n'est pas incompatible avec qui on est intrinsèquement. Et ce qui m'aide à tenir au-delà de cette éducation, donc il y a mes valeurs, le fait que je n'ai jamais été pervertie en me disant je vais rouler dans une belle voiture et je vais aller dans des restaurants hyper chers et je ne vais avoir que des produits de luxe. C'est ensuite mes racines et ma famille. Je suis mère de deux enfants, j'ai vécu presque 20 ans avec mon ex-mari, donc quand bien même ça s'est soldé par un divorce, on a quand même une magnifique vie commune. Et on a, je pense, partagé ces valeurs qui sont que quand vous avez un enfant malade, vous avez beau avoir un super job, votre enfant il est malade en fait. Donc ça ne change rien à la vie, on est face à la maladie, ou face aux petits éléments du quotidien, aux petits problèmes du quotidien, on doit tous réagir. Et ce que j'essaye de transmettre à mes enfants comme valeur sont celles que moi j'ai reçues. Et du coup, de plutôt animer sur rien n'arrive par hasard. Selon moi, les gens qui me disent on a de la chance, je ne crois pas trop à la chance. Moi, j'ai eu, entre guillemets, je suis née dans une famille, je suis bien née. Mais pour autant, j'ai passé sept ans dans les hôpitaux. Donc, est-ce que c'est une chance ? Je n'en sais rien. Par contre, savoir saisir les opportunités et savoir se dire que si on se donne les moyens, et d'où le lien avec l'ambition. L'ambition, elle peut ne pas être professionnelle, on peut être ambitieux dans plein d'autres domaines, mais se donner les moyens de faire ce qu'on a envie de faire et de trouver son épanouissement, ce sont les valeurs fortes qui, pour moi, sont importantes. Pour moi, pour mes enfants, et que j'essaie de transmettre. Et je pense que cette... Cet ancrage, quelque part, ça évite toute perversion d'un côté un petit peu superficiel. Le luxe, par définition, personne n'a besoin d'un produit de luxe pour vivre. Par contre, comprendre qu'on peut provoquer du plaisir et de l'émotion en contribuant à cette industrie du luxe, c'est quelque chose qui me nourrit. Ça ne veut pas dire que je vais vivre dans un univers du luxe. Donc, il y a souvent cette association. Et en plus, comme je suis un peu élégante et que je travaille dans un milieu où... l'apparence est importante et elle est importante pour moi à titre personnel. Il y a souvent cette première lecture où les gens me catégorisent tout de suite en se disant Ok, c'est cette nana du luxe là. Pour qui elle se prend ? Elle est perché. Pour qui elle se prend ? Elle est hyper hautaine. Et quelque part, ça ne me dérange pas vraiment. Ceux qui vont aller voir un petit peu plus loin, tant mieux parce que je me dis que je leur aurais donné envie d'aller découvrir un petit peu plus ce que je suis intrinsèquement. Et ceux qui s'arrêtent à ça, fine. On n'est pas obligés d'être amis avec tout le monde et on n'est pas obligés de... de satisfaire tout le monde. Ça revient à ce que je disais tout à l'heure. Il faut savoir choisir un petit peu ses combats. Et j'ai la chance d'avoir beaucoup d'amis. En tout cas, pour moi, la relation sociale et la relation amicale est hyper importante. Eh bien, mes amis, ce sont ceux à qui j'ai ouvert cette porte ou qui sont venus aller gratter à la porte et qui ont découvert qui j'étais vraiment en tant que personne et pas qui je suis par ma carte de visite ou par ce que je représente. Soyons clairs, il y a des gens qui m'approchent parce que je bosse dans le groupe LVMH et que je peux avoir des prix sur les produits, des stages, les soldes privés. Je suis très consciente de ça, mais je pense que du haut de mes 51 ans, j'arrive à bien détecter la sincérité du regard ou pas. Et donc, cet ancrage est hyper important et plus j'avance en âge, malgré tout, plus ça devient prégnant. C'est-à-dire que je vais m'entourer de personnes qui me comprennent.

  • Speaker #0

    Et encore une fois, on ne se connaît que très peu, mais le peu, moi, j'ai trouvé juste une personne qu'on connaissait en commun, qui s'appelle Léa Philippot, que je salue ici. Et en fait, la relation que tu as avec Léa, c'est du don, je crois, c'est que tu l'aides en tant que jeune entrepreneuse.

  • Speaker #1

    Effectivement, moi, j'aime beaucoup passer du temps et en tout cas, le give back, comme on dit en anglais, aider des jeunes ou moins jeunes, d'ailleurs, personnes. Mais ça vient probablement aussi du côté très altruiste de mon père, qui a toujours été... Un bon samaritain. Et puis, c'est important pour moi de... Enfin, je suis quelqu'un qui est vraiment dans le partage. Et donc, passer du temps pour écouter, peut-être partager un petit peu mon expérience et répondre en tout cas à des sollicitations, ça me semble une évidence en fait. Et j'aime bien faire plaisir. Ce qui peut être une limite, parce que quand on veut faire plaisir un peu à tout le monde, on s'oublie un peu soi-même. Et ça, c'est vrai que j'ai un peu plus de mal. à m'accorder moi des moments pour moi parce que j'aime beaucoup passer du temps avec les autres. J'ai du mal à dire non aux gens qui me sollicitent. Donc, je suis un peu obligée de trier parce qu'on n'a pas le temps de tout faire. Mais je prends beaucoup, beaucoup de plaisir à aider. C'est un mot quand même assez beau, aider. Et généralement, les gens que j'arrive à aider me le rendent très, très bien. Et je pense que dans le mentorat ou dans le don de soi, égoïstement, on récolte beaucoup, beaucoup pour soi. Je suis marraine d'un programme de mentorat animé par l'ESSEC. Et dans la première étape, je dis toujours à la personne qu'on mentor que, égoïstement, c'est moi qui en retire généralement le plus de profit parce qu'on apprend beaucoup, beaucoup des autres.

  • Speaker #0

    Bien sûr, et ça me fait penser, moi j'accompagne...... certains jeunes entrepreneurs, moi, je suis aussi encore un jeune entrepreneur, mais quand des fois, ils n'osent pas justement aller taper à la porte de patron, je leur dis, mais attendez, vous allez sûrement leur apporter autant que lui ou elle va vous apporter parce que vous avez, vous êtes du sud d'une autre génération, donc vous avez peut-être des connaissances qui sont différentes, etc. Donc, c'est un échange finalement.

  • Speaker #1

    Oui, et puis je pense que c'est une preuve d'humilité aussi de se dire, moi, je suis persuadée qu'on apprend de tous et on apprend surtout à tout âge. Pour parler de sagesse, on dit souvent que les personnes plus âgées sont les plus sages. Mais moi, je pense qu'on apprend vraiment à tout âge et que j'ai ce sentiment de... J'ai besoin d'être nourrie par ma curiosité, d'être toujours nourrie. Donc oui, aller s'ouvrir aux autres et partager est vraiment essentiel pour moi.

  • Speaker #0

    Si on revient sur quelque chose qui est important pour toi, c'est l'égalité homme-femme et en entreprise notamment, qui est peut-être plus de dirigeante sur des postes de direction.

  • Speaker #1

    Moi, je ne comprends pas comment 52% de la population n'est pas représentée de façon équitable dans le haut des strates dirigeantes des entreprises.

  • Speaker #0

    52%,

  • Speaker #1

    c'est le nombre de postages de femmes. Normalement, on devrait avoir... aller à minima 50% de femmes dirigeantes à tout niveau, dans le monde politique, dans le monde de l'entreprise, dans toutes les strates. Normalement, s'il y a cette équité ou en tout cas ce ratio à la base, on devrait le retrouver. Il y a quand même des explications qui sont que l'accès à l'éducation des femmes est arrivé plus tardivement. Aujourd'hui, en France, tout le monde va à l'école et depuis longtemps, mais le droit de vote des femmes n'est pas si ancien. Il y a le fait que les femmes s'autocensurent beaucoup plus que les hommes. Donc, il y a une histoire quand même de posture, de confiance en soi, de syndrome de l'imposteur. Il y a plein de choses, mais on doit accélérer absolument ce process. Il n'y a pas de raison. Et au-delà du fait un peu dogmatique de cet équilibre homme-femme, il y a le fait que la richesse, on vient de le dire, vient de l'échange. Donc, les hommes et les femmes peuvent discuter avec des points de vue différents, au même titre que les cultures, la richesse culturelle doit être mise en avant au sein de l'entreprise. la différence aussi générationnelle. Moi, je trouve hyper intéressant de discuter avec des jeunes qui ne pensent pas du tout, qui n'ont pas les mêmes réflexes de penser que moi, qui n'ont pas les mêmes drivers, qui n'ont pas les mêmes moyens de communication. Donc, cette diversité totale doit être présente au sein de l'entreprise en particulier. Et je crois fondamentalement, même si nos cerveaux, je crois que scientifiquement, sont faits de la même façon, si je ne m'abuse, mais je pense qu'on a une... Les hommes et les femmes réagissent différemment à la prise de décision et il y a tout un contexte un peu émotionnel qui s'inscrit et qu'on a tout intérêt à confronter ces deux points de vue pour faire en sorte qu'au sein de l'entreprise, on puisse avoir une certaine objectivité et puis partager encore une fois la façon de voir les choses. Et les entreprises qui le font d'ailleurs sont généralement plus successfulles, plus efficaces et ça fonctionne très bien. J'ai vraiment du mal à comprendre pourquoi ça prend autant de temps. Encore une fois, il y a quand même une histoire d'éducation, de diplômes, d'accès aux grandes écoles. Si on regarde les femmes ingénieurs, il y a un manque énorme de femmes ingénieurs, parce que quand bien même elles sont premières de la classe en terminale, malheureusement, beaucoup s'autocensurent avant d'aller en classe prépa. Puis les quelques-unes qui vont en classe prépa, elles se retrouvent 10% ou 15% de la population pas super heureuse, parce qu'il y a quand même 85% autres qui mettent un petit peu de pression. Donc, il y a des éléments sociétaux. Et il y a pas mal de choses qui sont faites depuis quelques années maintenant, en accéléré pour rééquilibrer un petit peu tout ça. Donc je supporte pas rôle de cette parité. D'ailleurs, je parle de parité et pas forcément de féminisme, parce que le sens inverse est très dramatique. Je ne suis pas là pour collier 80% de femmes dans les comités de direction des entreprises. En revanche, l'aspect paritaire me semble tout simplement normal, naturel. Mais comme il y a un déficit à la base, on est obligé d'en parler beaucoup. d'accélérer les process et de mettre vraiment le curseur sur cet élément-là pour rééquilibrer assez rapidement la donne.

  • Speaker #0

    Et je crois, tu me dis si je me trompe, mais sur les grands groupes ou les groupes cotés, il n'y a pas la loi Zim...

  • Speaker #1

    Copé-Zimaman, qui a maintenant plus de 10 ans. C'est une loi qui a imposé dans toutes les sociétés du CAC 40 un pourcentage de femmes dans les conseils d'administration. Donc... hyper structurante comme loi qui a permis d'accélérer énormément cette parité dans les conseils d'administration. Or, le seul biais, entre guillemets, enfin qui n'est pas un biais, mais le point sur lequel on essaie de travailler plus à présent, c'est de passer du conseil d'administration qui est une instance de surveillance et pas une instance décisionnaire opérationnelle, au comité de direction et comité exécutif. Et là, il y a une deuxième loi qui a été promulguée en 2021, si je ne m'abuse, qui est la loi Rixin, initiée par la députée Marie-Pierre Rixin. qui, elle, a mis en place cette loi, met en place des quotas de femmes dans les comités de direction et dans les comités exécutifs à horizon d'ici à peu près 5 ans. Et ça, c'est hyper important parce qu'un conseil d'administration, c'est une très bonne chose, mais c'est une instance, encore une fois, de gouvernance et de surveillance. Ce n'est pas l'entité qui dirige l'entreprise. Le comité de direction et le comité exécutif sont les entités qui dirigent l'entreprise. Et là, on est plus dans quelque chose d'opérationnel. Et c'est en train d'être mis en place, puisque la loi a deux échéances, a deux dates différentes, et est en train d'être appliquée. Et puis, une fois qu'on a discuté du CAC 40, des plus grosses entreprises, il y a ensuite le SB 120, qui est la deuxième entité des maisons cotées. Et puis après, il y a tout le reste.

  • Speaker #0

    C'est ce que je voulais te demander, parce que le tissu économique français, en nombre, il est essentiellement composé de PME, de TI. Est-ce que... Alors, je ne suis pas sûr que dans les... toutes les PME et les ETI. Alors, les ETI, je pense qu'il y a des comités de direction, mais toutes les PME, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il faut commencer par quelque chose et c'est vrai qu'on commence par les plus grosses entités pour donner l'exemple aussi. Mais après, il y a des secteurs sur lesquels, effectivement, les choses doivent s'accélérer. J'ai parlé tout à l'heure du secteur de la tech parce qu'on sait qu'on manque drastiquement de femmes ingénieurs. Or, il n'y a pas de raison qu'il n'y ait pas de femmes ingénieurs dans les 5, 10, 15, 20 années qui vont venir. Donc, que ce soit des petites structures ou des grosses structures, il y a des pans entiers de l'industrie sur lesquels on peut avoir des opportunités énormes pour développer la parité. Et il y a des métiers qui, il y a quelques années, étaient assez physiques. Donc, on pouvait comprendre que ce soit plus des hommes parce que des métiers ouvriers où il fallait porter des charges importantes, etc. Mais la modernisation fait qu'il y a de moins en moins de métiers qui sont bloquants pour les femmes d'un point de vue physique. Donc là aussi, il faut sortir des a priori. il y a 50 ou 60 ans, et beaucoup de métiers ont été motorisés, automatisés, on parlait de l'IA et donc optimisés, et derrière, il n'y a pas de raison qu'il y ait moins de femmes.

  • Speaker #0

    Si on parle de mettre en avant, de récompenser les femmes, je crois que récemment, il y a quelques semaines ou quelques jours, tu as été nommée chevalière de l'ordre du mérite. Qu'est-ce que ça signifie ? Comment on devient ? Moi aussi, j'ai l'ambition de devenir chevalier de l'ordre du mérite. Comment on devient et qu'est-ce que ça signifie pour toi ?

  • Speaker #1

    Ça signifie beaucoup, c'est une magnifique reconnaissance pour moi. Donc effectivement, il y a deux promotions civiles pour recevoir l'Ordre national du mérite, une qui est autour de mai-juin et une autre qui est aux alentours du mois de novembre, me semble-t-il. Et donc, j'ai eu la chance de découvrir dans le décret du 9 juin dernier, donc il y a quelques semaines, que je faisais partie de cette promotion, de cette promotion civile.

  • Speaker #0

    Tu n'étais pas au courant ?

  • Speaker #1

    Alors ? En fait, tu es identifié par une personne. Suite à ça, j'étais au courant dans le sens où il y a trois ans, j'avais été identifié par Elisabeth Moreno, qui était la ministre de la Parité de l'époque, aux côtés desquelles j'ai eu la chance de travailler au sein d'un conseil un peu consultatif qu'elle avait constitué à ses côtés. Et donc, on te demande à ce moment-là de... Il y a une petite enquête qui est faite sur toi. Et donc, j'avais eu écho... d'une personne du service des décorations qui m'avait contactée pour avoir des informations me concernant. Mais ça, c'était en juin 2021. Et puis, suite à ça, tu remplis un petit dossier et il se passe quelque chose ou pas. Pour moi, il ne s'était pas passé grand-chose. Et puis, quand ça a été publié au journal officiel, trois ans après, ce qui peut être un peu long, trois ans dans une vie, Non, tu ne le sais pas. C'est-à-dire que quand le journal officiel sort, il n'y a pas quelqu'un qui t'appelle en te disant By the way, ton nom est dans le journal officiel Donc moi, je l'ai appris complètement par hasard. L'histoire est assez cocasse, l'anecdote est assez cocasse. J'étais à Roland-Garros. On est très des sponsors, en tout cas des partenaires de Roland-Garros. Donc on a eu la chance de participer à la finale avec un certain nombre de clients. J'étais assise dans les tribunes avec des clients autour de moi et je reçois un SMS d'un ami qui me dit très gentiment Le bleu te va très bien, félicitations Et là, je portais ce jour-là une veste en jean, donc bleue, et je me dis, c'est hyper sympa, il me fait un petit compliment vestimentaire. Et donc je réponds en lui disant, mais où es-tu dans les gradins ? Puisque donc, je pensais qu'il n'était pas très loin de moi ou qu'il me voyait sur un écran ou autre. Et il me répond, mais pas du tout, tu viens d'être nommé par le Premier ministre dans le journal officiel de vendredi, donc on était dimanche, pour recevoir l'Ordre national du mérite. Donc c'était quand même assez étonnant et ça arrive, je crois, très souvent. de le découvrir un peu par hasard. Et donc moi, trois ans après cette première identification. Pour être très honnête, il faut dix ans de service. Donc il faut avoir travaillé pendant dix ans dans sa vie professionnelle, donc entre guillemets avoir des bulletins de salaire pendant dix ans. Et après, il faut avoir fait des actions reconnues comme méritantes ou en tout cas avoir participé par des engagements à quelque chose qui soit reconnu, à des causes qui soient reconnues par la République. Donc cette magnifique reconnaissance, moi, vient honorer mon engagement justement pour la place des femmes, qui est un engagement de longue date me concernant et sur lequel je suis. extrêmement sincère en tout cas et active de façon totalement bénévole. Tout ce que je fais est complètement bénévole, c'est-à-dire que je ne fais pas partie de structures payantes ou autres. C'est du temps que je passe et c'est de l'engagement, on va dire, solidaire et bénévole. Après, pour être très honnête, et je n'ai aucun scrupule à le dire, moi je l'ai demandé. C'est-à-dire qu'à un moment donné, j'ai exprimé le fait que c'était quelque chose qui pour moi, symboliquement, serait important. Et alors, il y a mon égo. soyons très clairs, ça vient flatter mon égo et je pense que ça me reconfortait dans quelque chose d'important pour moi mais c'est surtout une reconnaissance pour mes parents et mes grands-parents, on a parlé de mes grands-parents tout à l'heure, qui sont arrivés en France qui ne parlaient pas français, qui n'avaient rien, qui ont fui le pays dont ils venaient et ils n'avaient pas demandé à fuir ce pays et ça c'était très important pour moi de me dire que la République pouvait reconnaître quelque chose en ma personne et je me dis que mes grands-parents ou qu'ils soient ils vont être super super fiers et Ça me remplit d'émotions et de joie. Et puis après, il y a l'exemple pour mes enfants, parce qu'on parlait des valeurs du travail et de la persévérance. Et rien n'est gratuit quelque part. Les choses viennent parce que vous avez donné de vous-même. Et c'est pour ça que j'insiste sur le côté bénévole. Moi, je passe et je passerai toujours du temps à donner des conseils, à encadrer, à mentorer, à manifester, à aider, à répondre à des sollicitations. Parce que je trouve que cette... Ce temps passé, il est méritant. Et le fait que la République ait une reconnaissance pour ça, je trouve ça absolument magique. Et je me dis que ça donne quand même un exemple à mes enfants qui, j'espère, les orientera de la meilleure façon possible dans leur vie future. Et donc, je suis super fière. Je suis super fière, mais je me suis aussi, entre guillemets, débattue. En tout cas, j'ai exprimé le fait que c'était important pour moi. Évidemment, il y a les actions derrière.

  • Speaker #0

    dans ton parcours Natacha est-ce qu'il y a des personnes en particulier qui t'ont inspiré ou qui t'inspirent encore aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ah ben il y en a plein alors je pense que j'ai besoin de personnes qui m'inspirent il y a évidemment les figures familiales je pense que les parcours de mes grands-parents la pugnacité, la tenacité de mes parents ce sont des gens qui m'inspirent ça paraît bateau mais je pense que j'ai la chance d'avoir cette famille hyper aimante et inspirante J'ai eu des mentors professionnels aussi. Mon premier patron, vrai grand patron chez Sephora, c'est la personne qui m'a prise dans ses bagages quand je suis partie chez Louis Vuitton. Je l'ai rejoint ensuite chez Christian Dior. C'est quelqu'un qui s'appelle Serge Brunswick et qui a cru en moi alors que je n'étais personne. Enfin, je démarrais tout le bus dans ma vie professionnelle et je pense qu'il a vu en moi une personne authentique et une personne avec du potentiel. Et je pense que c'est... Hyper important de pouvoir croiser dans sa vie des gens qui vous donnent votre chance. Dans la vie professionnelle, il y a plein d'autres personnes qui m'ont inspirée, mais entre autres, je me souviens d'un patron qui m'a fait faire mon premier 360. Un 360, c'est une évaluation de feedback. Vous êtes évalué par vos supérieurs, mais aussi par vos collaborateurs. Donc généralement, quand on est bon élève comme moi, votre boss, il vous aime beaucoup parce que vous faites bien le travail. Mais vous pouvez être peut-être un peu dur avec l'équipe. Et ce manager m'avait fait faire ce 360 et je me suis rendu compte. Assez jeune dans ma vie de manager, que je faisais super bien mon boulot, mais que j'écrasais un petit peu mes collaborateurs. Et donc ça, ça a été très important dans ma vie professionnelle. J'ai compris que j'étais là plus pour mes équipes plutôt que de satisfaire seulement mon patron. Et puis après, il y a des figures emblématiques. On a parlé il y a quelques moments de Marie-Pierre Rixin. J'ai eu la chance de la rencontrer. C'est une femme incroyable. C'est une femme qui a été députée jusqu'à la dissolution il y a quelques jours, mais qui se bat sur le terrain. Et qui est vraiment animée par une vraie sincérité, qui fait les choses pour faire avancer le pays, en fait. Qui donne de son temps, beaucoup autour d'elle. Et qui est extrêmement passionnée, intelligente, engagée, authentique. Donc voilà, c'est une femme pour moi très, très, très inspirante. Et puis après, il y a des figures... emblématique dans le programme de mentorat dont j'ai la chance d'être marraine on donne un nom de promo et cette année donc en 2023 2024 j'ai donné le nom de la promo à le nom de promo en reprenant le nom de Simone Veil. Pour moi, c'est difficile de faire une interview sans parler de Simone Veil. Elle incarne un exemple extraordinaire, toutes les causes et les valeurs qui me sont chères. Et puis, elle a évidemment un passé qui rejoint beaucoup celui de ma famille. Elle a vécu les camps d'extermination, elle incarne cette résilience, cette intelligence, ce courage, parce que... Parce que se mettre devant, enfin être une femme politique à son époque, il fallait être extrêmement courageux. Et puis, elle a pris des positions extrêmement fermes. Que ce soit évidemment pour l'IVG, ma mère étant gynécologue, c'est quelque chose qui était très important pour moi aussi. Que ce soit pour aider les femmes dans les prisons algériennes, que ce soit... Enfin voilà, c'est bon évidemment pour l'Europe. Donc, ça peut paraître bateau aussi, mais au risque d'être bateau, je veux bien conclure avec elle. Ça me va bien.

  • Speaker #0

    Et je pense que, si je peux me permettre, on pourrait peut-être ajouter, parce que je sais que c'est quelqu'un qui, je ne sais pas si qui t'a inspiré, mais qui t'a touché, un monsieur qui s'appelle Olivier Goua.

  • Speaker #1

    Évidemment, je pense que c'est sa réaction et sa façon de réagir contre la maladie. Je pense que quand on est touché par une maladie dont on sait qu'elle aura le dernier mot, c'est... C'est quelque chose qui, évidemment, change une vie. Et d'avoir ce don de soi pour se dire que les derniers moments de sa présence avec nous sont dédiés à faire parler de cette maladie, à faire en sorte que les gens se mobilisent pour la recherche, parce que c'est bien de faire des choses sur LinkedIn, etc. Mais il faut surtout donner des sous pour aider la recherche. Et cette capacité qu'il a à faire face, moi, je suis... Je ne peux même pas dire admirative. Je ne peux pas. Oui, boule bée et je pense que c'est extraordinaire d'avoir des gens comme ça et d'avoir la capacité à communiquer aussi ça. Parce que je pense qu'il y a beaucoup de gens extraordinaires qui font face à des épreuves terribles. Mais d'utiliser cette visibilité qu'il s'est donnée lui-même aujourd'hui pour faire avancer le sujet et d'accepter malgré tout que le monde entier le voit se diminuer. Mais pour cette cause-là, je trouve ça absolument extraordinaire. Et j'ai évidemment vu le film Invincibillité et je trouve qu'il a une espèce de sérénité que beaucoup d'entre nous n'avons pas alors que nous sommes pleinement vivants, en pleine forme et que nous avons la vie devant nous. C'est pour moi une leçon de vie et je pense qu'il y a beaucoup d'Olivier Gouin un peu partout, mais qu'il est le porte-parole de cette résilience et de cette capacité à rester optimiste et à rester engagé et surtout à faire. J'ai un jour un patron qui m'a dit quelque chose de très intéressant. Il m'a dit, connais-tu la différence entre dire et faire ? Eh bien, c'est faire. Et je trouve que c'est très vrai.

  • Speaker #0

    Je l'avais tellement entendu.

  • Speaker #1

    Elle est quand même très simple, mais assez impactante.

  • Speaker #0

    Et pour les auditeurs qui nous écoutent, Olivier Gouas, c'est le fondateur de October, anciennement Lendix, et surtout un monsieur qui malheureusement est atteint de la maladie de Charcot depuis un peu plus de trois ans et qui se bat becs et ongles. finalement pas pour lui parce que lui malheureusement ne bénéficiera pas d'un traitement potentiel sur la maladie de Charcot mais pour les autres et donc il est sur la saison 1 des sages Natacha on arrive au bout de cette interview est-ce que tu as quelques conseils à donner à des jeunes qui veulent globalement entreprendre leur vie

  • Speaker #1

    C'est difficile de donner des conseils sur la vie. Ce que je trouve essentiel, c'est quand même de privilégier son alignement. Moi, c'est un mot que j'aime beaucoup. Je pense qu'il faut être heureux, il faut être libre et il faut être soi-même. Angélique citait dans son petit mot mon cheveu sur la langue. C'est une anecdote, mais oui, j'ai un cheveu sur la langue, tout le monde va l'entendre aujourd'hui. Tout le monde me dit c'est trop mignon, c'est cool, c'est charmant, tout ce que tu veux. Bon, ça s'appelle un défaut de prononciation. Par définition, quand on dit défaut, ce n'est pas forcément un super atout, mais c'est qui je suis. Et quand j'étais enfant, ma mère a évidemment essayé de me faire corriger ce défaut de prononciation à travers un orthophoniste. Et assez rapidement, je me suis dit, c'est qui je suis et ce n'est pas grave. Donc cet alignement pour faire revenir à... en dehors de la digression il faut je pense que le conseil que je donnerais c'est d'assumer qui on est de trouver qui on a envie d'être parce que ça c'est pas évident et ça prend un petit peu de temps et chacun son rythme il n'y a pas de règles il n'y a pas de il n'y a pas d'imposition sociale sur il faut être comme ci il faut être comme ça par contre une fois que vous avez trouvé qui vous vouliez être et trouvé qui vous étiez donnez-vous les moyens de vivre pleinement cette vie-là Ça prend du temps aussi, chacun son rythme. Moi, j'estime que ces dernières années, et c'est vrai que j'ai divorcé il y a quelques années, j'ai eu une vie magnifique avec mon ex-mari avant, mais les choses faisant, je ne me suis pas vue, finalement, peut-être vivre avec lui toute ma vie. Mais cette liberté des possibles, cette liberté de choix, d'assumer, alors que j'étais la petite fille parfaite qui cochait toutes les cases, elle était mariée, elle a deux beaux enfants, et patati et patata. Soyez vous-même et assumez et soyez heureux. Et heureux, ça ne veut pas dire... Il n'y a pas de définition à être heureux. Chacun trouvera sa propre définition. Mais cet alignement-là, ne l'oubliez pas. C'est le meilleur des remèdes possibles.

  • Speaker #0

    Merci pour ces jolis mots. Qu'est-ce qu'on peut te souhaiter ?

  • Speaker #1

    De continuer à être heureuse, de continuer à être moi-même et de continuer à rencontrer des gens extraordinaires. Et je voudrais en profiter pour te remercier. D'abord, le titre de ton podcast est extrêmement aspirant, Les Sages. Et je suis particulièrement flattée de faire partie de tes invités quand je vois la qualité des autres invités. Bon, évidemment, j'ai mon petit syndrome de l'imposteur en me disant pourquoi moi ? Mais j'ai écouté pas mal des épisodes précédents et on vient de parler d'Olivier Gouin. Oui, c'est ça. J'ai écouté récemment ton interview de Mathieu Ricard. Je trouve que tu as une chance inouïe de faire un très beau métier, mais j'ai une chance inouïe aussi de rencontrer des personnes comme toi qui met la lumière sur des sages. Donc, merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, Natacha. Merci pour votre écoute des sages sur cette nouvelle saison. Si vous avez aimé, vous avez été inspiré, vous avez appris quelque chose, il n'y a qu'un moyen de me remercier. Si vous êtes sur Spotify ou Apple Podcast, abonnez-vous. et mettez 5 étoiles. 30 secondes de votre temps mais qui nous permettent d'être toujours plus visibles et que d'autres personnes découvrent les sages. Avant de se quitter, une dernière chose. N'hésitez pas à m'envoyer un message sur LinkedIn. Nicolas Jeanne. Jeanne, J-A-N-E. Pour me dire ce que vous en avez pensé, vos retours, des suggestions d'invités. Vos retours nous font grandir. Merci.

Description

Pour ce premier épisode de la Saison 2 des Sages, je reçois au micro Natacha Raab, la dirigeante de Fred Paris, maison de joaillerie légendaire, du groupe LVMH.


Natacha marque les esprits, et ceux à plusieurs titres :

  • C'est d'abord une grande professionnelle, fidèle du groupe LVMH, qui a su gravir les échelons un à un, jusqu'à prendre la (co) direction d'une filiale du groupe, dirigé par Bernard Arnault. Elle est passée auparavant par les maisons Sephora, Louis Vuitton, et Dior. Elle nous raconte ses expériences, les hommes qui ont marqué sa carrière, et assume d'être motivée "par le pouvoir".


  • Natacha, au-delà de son activité principale de dirigeante, est une femme engagée pour "l'empowerment féminin" : elle soutient de jeunes entrepreneures et agit en coulisse pour que les femmes prennent toutes leurs places dans le monde du business. Elle est aussi membre du conseil d'administration des alumnis de l'ESSEC, et du Jury de Forbes Under 30.


  • Enfin, Natacha est surtout une femme pleine de gentillesse et d'attention envers les autres. Elle est à l'aise avec ses émotions, nous raconte ses succès, et notamment sa médaille de Chevalière de l'Ordre Nationale du Mérite. Mais aussi les passages plus compliqués de sa vie, comme son hospitalisation pour anorexie durant ses études.


Au sein de cet épisode, nous avons également évoqué sa préparation au concours de l'ENA, Bernard Arnault, de ses origines polonaises, de la "bande à Natach'" durant son enfance, de l'IA dans le luxe, de running ...


Bon voyage avec Les Sages !


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Transcription

  • Speaker #0

    Les sages, c'est avant tout une histoire personnelle. Je m'appelle Nicolas Jeanne et j'entreprends depuis que j'ai 19 ans. Sur ce chemin, j'ai eu la chance de rencontrer des personnes que j'appelle les sages. Vous savez, ce sont ceux qui, d'un conseil bienveillant, peuvent changer votre journée, votre projet, votre vie. Souvent des personnes avec qui il y a un avant et un après. A mes yeux, ce sont des leaders authentiques mais surtout des leaders humanistes. Ça, c'est important pour moi. Ceux qui vont vous faire grandir sans s'en rendre compte. Plus que n'importe quel livre ou cours, des témoignages qui viennent du cœur et de la réalité. Et surtout du cœur. Aujourd'hui, je vous propose de partir à leur rencontre, dans un format inédit, et négocier avec eux. Un format où l'on se dira tout, naturellement, et aucune question ou anecdote sera interdite. Ça, vous avez ma parole. Un format axé sur leur activité, bien sûr, mais qui, évidemment, dérivera vers la vie, la société et les émotions. Mon but, c'est clairement de mettre en valeur l'aspect humain de ces personnalités qui me paraissent exceptionnelles, et de casser la carapace. Casser la carapace, vous le sentez, c'est pas un mot par hasard. Pourquoi ? parce que je pense que ça va vous permettre d'apprendre sur les plus grands leaders et leaduses qui ont bâti et bâtissent la société. La France est une terre bourrée de talents et de leaders, et nous allons en leur en compte. Bon voyage avec les sages. Pour commencer cette saison 2, je suis heureux de recevoir une grande dame, Natacha Rave. Natacha risque de marquer votre journée. Cette grande rousse élégante et charismatique, dirigeante de la maison Fred Paris, maison de joaillerie du groupe LVMH, est aussi une personnalité très authentique. Elle a su transformer sa vulnérabilité pour être une lideuse respectée dans le monde de luxe. Natacha nous raconte tout. De comment elle a gravi les échelons chez LVMH, de son goût du challenge et du pouvoir, qu'elle assume, mais aussi de son hospitalisation pour anorexie durant ses études. Elle tente l'ENA, juste après, comme une revanche sur la vie. C'est le style de Natacha. Allez, on y va avec Natacha Rab. Bonjour Natacha, et merci d'avoir accepté notre invitation dans les sages. Comment tu vas ?

  • Speaker #1

    Écoute, je vais très bien. Merci à toi pour ton invitation.

  • Speaker #0

    Avec plaisir. Est-ce que pour démarrer, je peux te demander de te présenter en quelques phrases, s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Bien sûr. Je m'appelle Natacha, j'ai 51 ans, je suis l'heureuse mère de deux jeunes adultes, on va dire, un fils de 18 ans et une fille de 16 ans. Je suis divorcée depuis deux ans et j'évolue depuis 25 ans dans l'univers du luxe avec la chance d'évoluer dans le groupe leader, à savoir LVMH.

  • Speaker #0

    Ok, écoute, on va y revenir dans un second temps. Si je peux te poser quelques questions sur ton enfance ? quand j'ai préparé l'interview j'ai vu que tes grands-parents sont polonais est-ce que toi t'es franco-polonaise du coup ?

  • Speaker #1

    Alors moi je suis 100% française née en France de parents eux-mêmes nés en France mais effectivement mes grands-parents mes 4 grands-parents sont nés en Pologne ils ont fui la Pologne dans les années 30 au moment où il y avait des pogroms contre la population juive je suis de religion juive et du coup ils sont arrivés en France avec une valise et pas grand-chose dedans et entre autres ils ont appris le français en lisant les noms des stations de métro voilà et Mais je suis très française et je me sens complètement française avec des origines, effectivement, on va dire de l'Est. D'où mon prénom aussi, un petit peu slave.

  • Speaker #0

    Et est-ce que quand tu étais jeune, tu avais des passions particulières ? Est-ce que tu étais scolaire ?

  • Speaker #1

    Alors, hyper scolaire. Je crois que je le suis encore d'ailleurs. Mais non, hyper scolaire, j'ai adoré l'école. Pour moi, l'école, c'était le lieu où j'avais des amis. J'étais très scolaire dans le sens où, naturellement, je pense que je suis une bonne élève. Donc, j'aimais faire plaisir à mes maîtresses. J'étais toujours très proche du corps professoral. Et donc, super, super scolaire et quelque part fière de l'être. Pas du tout de honte par rapport à ça. Après, des passions, j'étais très entourée aussi. Il y avait une bande à Natacha à l'école. Donc, est-ce que c'était le début du leadership ? Je ne sais pas. Mais la vie sociale et la vie amicale est très importante pour moi.

  • Speaker #0

    C'est quoi le leadership pour toi ?

  • Speaker #1

    Alors, le leadership, c'est, je dirais d'abord, une influence. D'être capable d'embarquer des gens derrière soi. une vision commune, et c'est du collectif, par définition.

  • Speaker #0

    Ok, et c'est quelque chose que toi, tu as quelque chose, que tu as depuis que tu es née un petit peu, ou tu l'as travaillé aussi, tu en as pris conscience ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas trop, alors je pense que de façon assez innée, on me décrira comme charismatique, assez influente. Ma mère raconte souvent cette histoire de bande à Natache, parce que c'était mon surnom, Natache, quand j'étais petite, donc il y a probablement des choses qui sont assez induites. Et puis après, je pense que naturellement, dans la société, on prend une position. Et c'est vrai que moi, j'aime mettre numéro un. Est-ce que ça s'acquiert probablement un petit peu avec le temps ? Et puis, si on a cette inspiration en soi, peut-être qu'on la nourrit aussi. Et on est inspiré peut-être par des gens plus leaders. Et du coup, on veut suivre l'exemple. En tout cas, ça a été mon cas.

  • Speaker #0

    Ok, super intéressant. Et du coup, la bande à Natash, est-ce que vous aviez des activités en particulier ? Vous étiez sportive déjà à l'époque ?

  • Speaker #1

    Alors, j'ai reçu une éducation très bourgeoise, donc j'ai fait des sports type le tennis, j'ai fait du basket. Donc, j'étais assez sportive parce que je pense que mes parents m'ont initiée à cette hygiène de vie que le sport peut apporter, à savoir un corps sain dans un esprit sain, un esprit sain dans un corps sain, pardon. Et je pense que ça, c'est important. J'ai fait de la musique aussi, donc ça fait partie d'une éducation, on va dire, globalement bourgeoise. Et les activités de la bande, non, c'était plutôt des activités, on va dire, d'amusement. On était jeunes, on était à l'école. En revanche, moi, j'ai un frère aîné. Et du coup, j'étais, contrairement aux apparences aujourd'hui, très garçon manqué. Donc, je montais aux arbres, je jouais au foot. Voilà, enfin, je faisais du karaté. Il y a ce côté en moi très inspiré par mon grand frère, qui était mon idole et qui reste quelqu'un d'important pour moi. Mais oui, j'étais très garçon manqué. Donc, peut-être assez contre nature par rapport à ce qu'on voit de moi aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Et avec ton grand frère et ta famille, du coup, tu as grandi à Paris ?

  • Speaker #1

    Oui, on est parisiens. Il y en a assez peu, mais on est vraiment parisiens et je suis très parisienne. Très attachée à la vie active de Paris, à la richesse culturelle, à la beauté de la ville. On est en plein French bashing des JO, mais moi, je reste émerveillée, même si c'est parfois un petit peu compliqué en termes de trafic en ce moment, etc. Mais je reste émerveillée par la beauté de Paris.

  • Speaker #0

    Je comprends. On en reparlera, mais en plus, je pense que tu voyages un petit peu dans ton métier.

  • Speaker #1

    Exactement. Et je suis toujours très contente de revenir à Paris.

  • Speaker #0

    Oui, ça te donne l'opportunité de voir que des fois, c'est vrai qu'on est un peu French basher, je ne sais pas comment on dit, mais en tout cas, oui, que quand on vient en France, ce n'est pas si mal sur certains aspects.

  • Speaker #1

    Oui, complètement.

  • Speaker #0

    Ok, et si on revient dans ta jeunesse, alors dans les sages, on aime bien raconter un peu les hauts et les bas et que les grands leaders sont aussi parfois vulnérables. Quand tu étais jeune, je crois que tu as eu un épisode anorexique. Est-ce que tu peux nous en parler ?

  • Speaker #1

    Oui, complètement. C'est un moment hyper structurant de ma vie que j'ai eu finalement. Assez tard pour ce qu'on appelle l'anorexie, souvent c'est une maladie qui se déclare au moment de l'adolescence, vers 13-14 ans, quand le corps se transforme, en particulier pour les jeunes filles. Moi je suis tombée malade un petit peu plus tard, je sortais du lycée, je sortais même de prépa et je rentrais en école de commerce, donc j'avais 18 ans, 19 ans, donc assez tard par rapport au modèle classique des anorexiques, mais tôt dans ma vie d'adulte, et ça a été hyper violent. hyper violent dans le sens où d'abord physiquement c'est une souffrance mentalement c'est une maladie mentale et on n'en parle pas assez c'est une maladie grave, c'est une maladie dont on meurt et qui est un combat entre soi-même en fait c'est toi et toi-même, toi et ton esprit généralement la personne veut disparaître au profit de l'esprit, donc elle veut que le corps disparaisse au profit de l'esprit pour être pur intellect donc c'est une maladie qui touche des personnes assez perfectionnistes assez puissants mentalement Mais moi je me suis retrouvée pendant un certain nombre de mois, voire d'années, à l'hôpital. Donc déconnectée de la vraie vie, avec une urgence critique physique et mentale qui fait que je n'étais pas autonome. Et ça, ça a été un énorme choc, mais qui m'a probablement vachement construit sur la suite de ma vie. Donc j'ai eu la chance d'être... extrêmement bien entourée, d'abord d'un point de vue familial, avec des parents médecins qui ont vu la chose venir assez tôt. J'ai reçu beaucoup d'amour quand j'étais jeune, et encore plus, je pense, je me suis sentie très soutenue à ce moment-là de ma vie, même si j'étais isolée dans une chambre, je savais que mes parents étaient là pour moi. J'ai eu la chance d'évoluer aussi dans un milieu financier très favorable, donc j'ai été hospitalisée dans des très bonnes conditions, y compris dans des cliniques privées, qui peuvent parfois aider face à la maladie. Et j'ai eu d'excellents médecins. Je pense que le psychiatre qui m'a sauvé la vie n'est plus de ce monde malheureusement aujourd'hui, mais quelqu'un d'hyper important dans ma vie. C'est le premier à qui j'ai annoncé que j'allais me marier. C'est le premier à qui, après ma famille évidemment, mais c'est le premier à qui j'ai dit que j'étais enceinte. Donc, face à cette adversité, j'ai eu beaucoup, beaucoup de chance. Et je pense que j'ai eu besoin d'aller un peu au fond de la piscine, comme on dit, pour remonter, mais beaucoup ne remontent pas. Donc moi ça m'a aidée parce qu'à 20 ans, quand mes copains passaient les meilleures années de leur vie, moi j'étais en psychanalyse, en psychothérapie, parce que quand tout le monde vivait les premiers amours, moi je posais 40 kilos, je ressemblais à rien et personne ne me regardait. Parce que pendant que mes copains de promo commençaient à exceller dans leur premier stage ou leur vie professionnelle pour ceux qui ont commencé tôt, moi je... Entre guillemets, j'étais un peu à la ramasse, hospitalisée et finalement le temps passait. Et je suis sortie de là. Bon déjà, je m'en suis sortie, donc ça c'est important. Je pense que j'avais toujours eu envie de vivre. C'est une maladie, encore une fois, qui peut être létale. Mais moi, j'avais peur de la mort et ça m'a aidée, je pense, à un moment donné de me dire c'est soit la mort, soit la vie. Et j'ai choisi la vie. Et derrière, ça a été un accélérateur d'énormément de choses. Comme souvent quand on est confronté à la maladie, je me suis rendu compte combien les petites choses peuvent être merveilleuses. Entre autres, quand j'étais malade, c'est souvent le cas, j'étais hospitalisée dans une chambre isolée, donc je ne sortais pas de ma chambre. C'est un peu une prison, même si les gens autour de toi sont très bienveillants. Mais j'avais une clé qui ouvrait une fois ou deux fois par jour pour me déposer de la nourriture et nettoyer ma chambre. Donc je vivais au son des clés. Et le fait de retrouver un espace libre, de revenir chez mes parents ou plus tard dans un appartement seul et de pouvoir être libre de mes mouvements, c'est quelque chose que j'ai apprécié à très très haut niveau, alors qu'avant d'être malade, j'avais tout ça. Donc ça remet quand même un peu le curseur à zéro, voire à moins 10 pour recommencer à plus 100. Et puis j'ai eu une espèce de niaque derrière qui était waouh, la vie est belle et il faut en profiter et il faut en plus rattraper le temps perdu Donc le bulldozer, c'est un peu mis en place derrière.

  • Speaker #0

    Ok, écoute, merci pour ta sincérité. En effet, moi, c'est un sujet évidemment qui me touche. Et ce que j'aime bien dans ce que tu dis, c'est que tu parles de maladie. Parce que la anorexie, pour les gens qui ne connaissent pas, ils pourraient penser que c'est une jeune fille.

  • Speaker #1

    Les jeunes filles qui veulent faire comme dans les pubs, pour perdre du poids. Mais pas du tout, c'est une maladie mentale.

  • Speaker #0

    Et est-ce que ça touche les jeunes hommes aussi ?

  • Speaker #1

    Beaucoup moins, mais oui. Moi, j'ai été hospitalisée avec un jeune homme. Et je pense que c'est encore plus difficile pour eux parce que le... Le regard social est très peu éduqué sur les jeunes hommes. Alors, je n'ai pas de statistiques. Et puis, moi, c'était il y a un certain nombre d'années, plusieurs décennies. Mais il faut dire que c'est une maladie et mentale. C'est une maladie. Tout à fait. Très importante.

  • Speaker #0

    Et est-ce que je me demandais, est-ce qu'on sait, cette maladie, elle arrive ? Il y a des raisons ? Il y a des causes ?

  • Speaker #1

    Alors, écoute, il y a différentes théories. Moi, je pense que j'avais en moi ce côté extrêmement perfectionniste de contrôle aussi. Je pense que c'est une maladie où tu veux toujours être dans le contrôle, parce que finalement, quand tu commences à moins manger, tu contrôles ce qu'il y a dans ton assiette, tu calcules les calories, tu as une vision de toi-même aussi très... Il y a une distorsion, en fait, de la vision du corps. Il y a peu de temps, quelqu'un m'interrogeait sur, quand tu étais malade, est-ce que tu te trouvais grosse ? Oui, à 37 kilos, je me trouvais grosse. J'en fais 58 aujourd'hui. Donc, 20 kilos de moins, j'étais très, très maigre, et je me trouvais grosse. Donc, il y a... Il y a vraiment, oui, il y a cet aspect très compliqué de ne pas accepter, d'être dans le déni, en fait, de la maladie. Et je pense, pour revenir à ta question précédente, que la vulnérabilité est quelque chose d'hyper important dans la vie, de façon globale. Et je crois que pour être leader, ou en tout cas pour être... Pour réussir entre guillemets sa vie, après à chacun de définir comment on réussit sa vie, il faut accepter ses échecs et il faut accepter la souffrance et le fait qu'on ait des faiblesses. On a des forces, mais on a des faiblesses. Et moi, mes faiblesses ont finalement toujours été la base de la constitution de mes futures forces.

  • Speaker #0

    Ok, c'est hyper intéressant. J'allais te demander justement comment tu définissais la vulnérabilité.

  • Speaker #1

    Moi, je crois que c'est humain. En fait, un être humain, il a le droit de tomber. Après, c'est comment tu te relèves qui fait la différence. Mais je ne crois absolument pas. aux gens qui t'expliquent qu'ils n'ont pas de problème et que tout va bien dans leur vie et qu'ils ne sont pas vulnérables, qu'ils sont super strong. Je n'y crois absolument pas.

  • Speaker #0

    Moi, je pense aussi que tu crées des relations humaines fortes avec les gens en te montrant authentique. Et authentique, c'est avec toutes les facettes de ta personnalité. Et parfois, c'est celle-là qui touche le plus. C'est celle où tu es un petit peu plus vulnérable.

  • Speaker #1

    Et je pense que la première, c'est accepter soi-même d'être vulnérable et d'accepter effectivement d'être authentique, sa sincérité et de savoir que ça ne va pas toujours très bien. Ça va passer. Ouais, et dans la relation, tu vois même, je trouve, d'attraction d'un homme et une femme. Moi, un homme qui m'explique qu'il ne pleure jamais, il peut passer son chemin. Alors ça,

  • Speaker #0

    c'est un super message.

  • Speaker #1

    Non, c'est pas possible. C'est un no-brainer et je pense que c'est important et que c'est une étape hyper structurante de l'épanouissement d'accepter ses faiblesses.

  • Speaker #0

    Et pour tous les hommes qui nous écoutent, je pense qu'il y a beaucoup plus de femmes que vous pensez qui aiment justement parfois cette sensibilité chez les hommes.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Et puis, voilà, c'est normal d'être sensible. On est tous des êtres humains et à commencer par les hommes.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    La vie aux hommes qui pleurent, voilà.

  • Speaker #0

    Et donc, après cet épisode, déjà, encore merci de nous avoir partagé ça. Tu sors de l'hôpital et tu te considères guérie quand tu as 18, 19 ans ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. Je rentre à l'hôpital, j'ai 19 ans. Moi, je suis tombée malade assez tard, entre guillemets, parce qu'encore une fois, c'est souvent une maladie de l'adolescence. Et non, je m'estime guérie quand je ne prends plus de médicaments, quand je retrouve un cycle menstruel régulier. Parce qu'un des indicateurs, en tout cas pour les femmes, c'est que si tu n'as plus tes règles, ton corps ne fonctionne pas bien. Donc le jour où j'ai mes règles, je saute de joie et je me dis que tout va mieux. Et globalement, c'est 7 ans. de maladie. 7 ans, c'est long 7 ans dans une vie de jeune adulte. Et on m'a toujours expliqué que la vingtaine c'était génial. Bon moi forcément ma vingtaine elle a été marquée par 7 ans de maladie. Donc j'ai été beaucoup plus heureuse à partir de la trentaine, encore plus la quarantaine et encore plus la cinquantaine. C'est crescendo.

  • Speaker #0

    Comme tu l'as dit, tu as voulu rattraper le temps perdu et je pense que tu as réussi. Et donc malgré tout tu rentres à l'ESSEC ?

  • Speaker #1

    Ouais j'étais à l'ESSEC, je suis tombée malade quand j'étais à l'ESSEC. J'ai réussi bon an, mal an à faire ma scolarité à peu près correctement. Je dois souligner ici que l'ESSEC a été top parce qu'ils m'ont vachement accompagnée. J'ai été hospitalisée une partie du temps où j'étais étudiante. J'ai réussi à faire des choses à distance, à recevoir des cours. Donc voilà, ça aussi, c'est aussi une intelligence, on va dire, de l'établissement, de ne pas te stigmatiser et de te donner les moyens de continuer à travailler quand bien même tu n'es pas physiquement présent. Aujourd'hui, ça nous paraît évident parce qu'il y a beaucoup de distanciel. Mais en 92, 93, 1900, je précise, il n'y avait pas tout ça. Donc non, je suis très, très reconnaissante aux différentes écoles que j'ai faites de m'avoir accompagnée là-dedans.

  • Speaker #0

    Et donc, une bonne expérience à l'ESSEC où tu as beaucoup appris. Et après, du coup, tu as tenté l'ENA. C'est l'heure de remercier notre partenaire Oslo, sans qui ce podcast ne serait pas possible, malheureusement. Oslo, c'est un cabinet d'avocats à taille humaine, dirigé par Édouard Wells et Marion Fabre, que je connais personnellement depuis plus de dix ans. Il est composé d'une équipe lidée par... Edouard et Marion, qui est issu de cabinets d'affaires de premier plan. Mais surtout, au-delà de la qualité de leurs prestations juridiques, ce que j'aime chez Oslo, c'est leur engagement pour un droit un peu différent. Sur leur description, ils mettent Nous accordons une importance particulière aux qualités humaines et relationnelles, tout particulièrement au respect, à la simplicité, à l'humilité et à l'élégance. Ça pourrait paraître bullshit comme ça, mais pour bien les connaître, tu peux vous assurer que ça se ressent vraiment. Et pour preuve, ils ont accepté de sponsoriser ce podcast dès sa création. Ils offrent une heure de conseils juridiques avec le code les sages et je mettrai leurs coordonnées dans la description du podcast. Allez, on y retourne.

  • Speaker #1

    Exactement. Donc en fait, après l'ESSEC, j'étais apprentie pendant que j'étais à l'ESSEC. J'aimais beaucoup l'idée d'être apprentie. C'était la première génération d'apprentissage. Donc j'ai travaillé en entreprise pendant deux ans en alternance et l'entreprise qui m'accueillait était Cartier. C'était quand même le début d'un démarrage de l'industrie du luxe et de la découverte de l'univers du luxe. Et après Cartier, j'avais de toute façon en ligne de mire de vouloir tenter l'ENA un jour dans ma vie. Et donc, j'ai fait Sciences Po. Je suis rentrée directement en deuxième année de Sciences Po grâce à mon diplôme de l'ESSEC et un concours que j'ai passé, mais un concours d'admission sur titre. Et donc, je suis rentrée dans la fameuse filière droit public et préparation, classe préparatoire au concours de l'ENA. Concours que je n'ai pas passé au final. Donc, en fait, l'année de préparation s'est plutôt globalement bien passée, mais je sentais que je n'étais pas assez bonne pour intégrer l'école. la première année du concours et je n'étais pas capable d'accepter un échec. C'est-à-dire que j'avais déjà fait pas mal de concours, j'avais fait mes deux ans de prépa, j'avais intégré l'ESSEC, j'avais eu la maladie, j'étais malade aussi pendant que j'étais à Sciences Po, donc ce n'était pas simple. Et le fait de présenter le concours mais de ne pas le réussir me semblait trop difficile comme épreuve pour moi. Et du coup, j'étais inscrite mais je n'y suis pas allée. Donc je ne saurais jamais ce que je pouvais valoir face à ce concours. Maintenant, intrinsèquement, je savais que je ne l'aurais pas. Donc, j'ai décidé d'abandonner cette voie-là. Bon, c'est peut-être le seul jour, la seule fois où j'ai vraiment abandonné. Mais c'était aligné avec moi-même à ce moment-là. Et puis, je n'ai pas regretté. J'ai eu un petit pic à l'ego quand mes camarades ont intégré. J'ai des camarades qui ont intégré, j'ai été ravie pour eux. Et je me disais, tiens, j'aurais pu faire partie de cette belle promotion. Mais je n'étais pas prête, je n'avais pas l'énergie pour recommencer une année de prépa.

  • Speaker #0

    Et si je reviens rapidement, du coup, tu as fait sur ton alternance, on reviendra sur Léna après parce que j'ai une petite question à te poser, mais sur ton alternance, du coup, en effet, à l'époque, c'était plutôt rare, j'imagine.

  • Speaker #1

    En fait, c'était la première année que l'ESSEC mettait en place ce système d'alternance et à la base, les entreprises qui avaient été identifiées étaient plutôt des entreprises mass market, Danone, Procter, en tout cas en marketing, qui était la dominante que je faisais. Et moi, j'avais fait mon stage de fin de première année chez Cartier, ça s'était super bien passé. Et donc j'avais noué de très bonnes relations avec mes maîtres de stage et avec l'entreprise de façon globale. Et je les avais sollicitées de façon proactive en leur disant écoutez moi ça m'intéresse de rester. L'école propose cette alternance où on passe six mois de l'année dans l'entreprise et six mois à l'école. Est-ce que ça peut vous intéresser que je reste ? Et ils étaient d'accord. Et du coup je suis retournée voir l'ESSEC en disant écoutez moi j'ai une entreprise qui veut bien m'accepter mais qui n'est pas dans le pool entre guillemets des entreprises que vous avez identifiées au démarrage. Et en fait ça s'est fait comme ça et j'ai ouvert cette voie. Ça s'est super bien passé. J'ai encore aujourd'hui des contacts avec les gens avec qui j'ai travaillé chez Cartier dans les années 93, 94 ou 94, 95. Donc, c'était top.

  • Speaker #0

    Et pourquoi alors le luxe ?

  • Speaker #1

    Alors pourquoi le luxe ? D'abord j'ai des parents esthètes, j'ai des parents qui aiment bien les belles choses, qui aiment l'art, qui aiment les produits haut de gamme, des parents assez bourgeois. Donc j'étais quand même un petit peu éduquée, je savais où était l'avenue Montaigne, ma mère n'est pas forcément cliente des marques de l'avenue Montaigne, mais j'ai un grand-père fourreur et un autre tailleur, donc on a toujours été dans le prêt-à-porter, plutôt haut de gamme. Et puis je pense que mon oeil s'est arrêté sur les beaux produits, sur le savoir-faire. Et puis, il y avait déjà ce rayonnement de la France à l'étranger, je pense, qui m'attirait. De me dire, c'est quand même dingue d'avoir une industrie qui fait rêver tout le monde. En fait, il y avait le côté aussi émotionnel où je me disais, c'est génial de travailler pour des très beaux produits, en tout cas, qui me semblaient très beaux à mes yeux et qui, en plus, font rêver les gens. Donc, avoir un métier où on fait rêver les gens, je trouve que c'est pas mal.

  • Speaker #0

    Oui, ça a du sens, c'est clair. Et donc, si je reviens rapidement sur l'ENA, l'ENA, j'imagine que c'était... aussi prestigieux entre guillemets que maintenant. Alors maintenant, je crois que ça n'existe plus ou ça a changé de nom.

  • Speaker #1

    C'est moins prestigieux peut-être, mais... Écoute, l'ENA pour moi, c'était le symbole du pouvoir en France. C'était le top du top. À l'époque, tous nos présidents sortaient de l'ENA. Tous les gens, entre guillemets, qui faisaient ce monde, il n'y avait pas de start-upers. Enfin, je vous parle des années 90. Moi, j'ai passé mon bac en 1990. Ça n'existait pas la start-up nation. Donc, il y avait des entrepreneurs ou des petites entreprises. mais on ne les valorisait pas du tout de la même façon. Et c'est vrai que le pouvoir était entre les mains, globalement, en partie de cette élite qu'on appelait les énarques. Et puis, tu m'avais posé la question rapidement, mais quand j'étais jeune, moi, je voulais être présidente de la République. Donc, ça fait un peu le lien. Alors, pourquoi ? J'en sais rien. Mais c'est vrai qu'à 5-6 ans, je déclarais à qui voulait l'entendre, je veux être présidente de la République.

  • Speaker #0

    OK. Donc,

  • Speaker #1

    il y avait quand même une espèce de logique et de cohérence dans le parcours.

  • Speaker #0

    Et donc, quand tu as tenté l'ENA, est-ce que tu t'es dit après, peut-être, je vais faire de la politique directement ?

  • Speaker #1

    À un moment donné, oui, la politique m'intéressait. D'abord, j'étais fascinée parce qu'à l'époque, on avait des dirigeants qui étaient des grands intellectuels, qui étaient hyper intelligents. Enfin, je veux dire, dans l'intelligence intellectuelle, au sens intellectuel du terme. Alors, est-ce qu'ils étaient concrètement intelligents dans les actions qu'ils mettaient en place ? J'étais un peu trop jeune, probablement, pour m'en rendre compte. mais non ça m'a traversé l'esprit dans le sens où j'étais attirée par ce milieu après concrètement je pense que j'ai un franc-parler et une espèce d'honnêteté de droiture qui malheureusement a été un problème dans cet univers où il faut faire beaucoup de compromis et des compromis sur des valeurs où moi j'ai des valeurs qui m'animent au quotidien et sur lesquelles je suis assez stricte et je pense que je me suis rendue compte assez rapidement que c'était un métier très difficile

  • Speaker #0

    Tu serais plus à l'aise dans le privé, du coup ?

  • Speaker #1

    Oui. Et d'ailleurs, dès le départ, quand je voulais faire l'ENA, je disais toujours que je le faisais pour le titre honorifique et pour l'aura que ça représentait, mais que je voulais travailler dans la sphère privée.

  • Speaker #0

    Et du coup, ta première expérience, on va dire full-time et en CDI peut-être, c'était dans le groupe LVMH chez Sephora, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Donc Sephora, on est en 99. Le groupe rachète la marque en 1997, donc on est deux ans après le rachat. Et à l'époque, beaucoup ne se rendent pas compte, mais Sephora c'était une toute petite boîte. Dans le sens où on était un siège social, il y avait une cinquantaine de personnes dans un hôtel particulier dans le 9ème. Donc on a du mal à imaginer que les gens du siège étaient tous rassemblés dans un si petit lieu. C'est une maison qui perdait de l'argent à l'époque et dont le concurrent principal, Mariono, était beaucoup plus important. Ce qui n'est plus du tout le cas aujourd'hui. Donc moi, je suis arrivée dans cette petite maison à une époque où on a voulu préempter, on va dire, le changement et la nouvelle stratégie qui ont été le terreau du succès de Sephora aujourd'hui. Mais voilà, c'était très entrepreneurial et c'est ce que j'ai adoré dans cette maison d'ailleurs, parce que j'étais toute jeune, c'était mon premier job et on faisait un peu tout. Après, avec une instabilité managériale qui n'était pas évidente. au quotidien parce que moi j'avais besoin d'un boss et puis tous les six mois j'avais un nouveau boss en fait parce que ça fonctionnait pas hyper bien mais j'ai beaucoup beaucoup appris et j'ai surtout appris ce qu'était le retail donc il n'y a que des boutiques en retail chez Sephora, il n'y avait pas encore ou très peu la partie e-commerce et donc j'avais face à moi, j'étais sur une fonction de marketing opérationnel Et j'avais face à moi des directeurs de boutiques qui étaient hyper structurants dans l'entreprise parce que c'est eux qui généraient le chiffre d'affaires. Et moi, je ne connaissais pas les boutiques, je ne connaissais pas l'univers des boutiques. Donc, j'ai appris à voyager un peu partout, à comprendre ce dont ils avaient besoin et à faire en sorte que du haut de mes 25 ans, et quand bien même j'avais des super diplômes, je sois au service. des gens dans le retail. Et ça, ça a été un changement de mindset hyper important pour moi.

  • Speaker #0

    Et tu disais, quand tu es arrivée chez Sephora, il y avait une cinquantaine de personnes.

  • Speaker #1

    Aussi, évidemment, après, il y avait toute la force de vente. Oui,

  • Speaker #0

    toutes les boutiques. Mais ça devait faire peut-être quelques centaines, quelques milliers.

  • Speaker #1

    Je ne m'en rappelle même plus, mais il y avait déjà pas mal de boutiques. Mais effectivement, ça n'a rien à voir avec le Sephora d'aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Parce que j'ai regardé quand même, en amont de cette interview, le Sephora d'aujourd'hui, c'est 46 000 employés environ et 10 milliards de CERN.

  • Speaker #1

    Voilà, on n'était pas du tout là-dessus. Et moi, je me souviens de fournisseurs, donc des marques qu'on distribuait chez Sephora, qui nous appelaient en disant, de toutes les façons, vous allez être vendus bientôt. Enfin, on était un peu les losers, quoi. Mais à l'époque, il y avait M6, qui était la chaîne de télévision qui montait aussi. Et la pub de M6, c'était la petite chaîne qui monte, qui monte, qui monte. Et on nous faisait souvent le parallèle en disant, vous êtes la petite boîte qui monte, qui monte, qui monte. Mais on était petits. Et ça, c'est quand même un mindset assez intéressant de se dire, quand on est petit, on doit se battre. pour tout. On doit se battre pour gagner des parts de marché, on doit se battre pour garder nos emplois, on doit se battre pour... Voilà, il y avait cette espèce d'énergie combative qui me convenait énormément en termes d'état d'esprit.

  • Speaker #0

    Du coup, entre guillemets, la petite entreprise, ça a été une bonne école pour toi ?

  • Speaker #1

    Ah ouais. Hyper bonne école, j'ai tout appris. Je raconte souvent en disant, bon, j'ai appris le métier parce que moi, je ne savais pas faire grand-chose, je sortais de mon apprentissage, mais... globalement, je ne savais pas faire grand-chose. J'ai appris le retail. Et j'allais acheter mes fournitures à la boutique d'à côté, dans le coin de la rue, parce qu'on n'avait pas un service fourniture. Donc, j'envoyais des fax. Oui, oui, exactement. Enfin, c'était... Non, j'ai vraiment tout appris. Et j'ai aussi été inspirée par des dirigeants très charismatiques, ou en tout cas, qui m'ont fait confiance. Ça, c'était important.

  • Speaker #0

    Et pourquoi, du coup, à l'époque, tu disais que Sephora et Marionneau, c'était à peu près kiff-kiff, entre guillemets ? Aujourd'hui, je ne sais pas exactement...

  • Speaker #1

    Marionneau était beaucoup plus gros que Sephora à l'époque.

  • Speaker #0

    D'accord,

  • Speaker #1

    Marionneau. Marionneau était super important sur le territoire français en tous les cas. Marionneau était hyper fort. Marionneau avait un programme de fidélité que Sephora n'avait pas à l'époque. Aujourd'hui, il y a une carte de fidélité et un programme qui fonctionne super bien. Marionneau avait des marques exclusives que Sephora n'arrivait pas à avoir à l'époque parce qu'on était au tout démarrage. Aujourd'hui, je pense que Sephora, c'est l'exemple même de la curation de marques exclusives. et d'aller dénigrer les talents de demain en termes de petites marques ou de marques inconnues. Donc, les rôles se sont totalement inversés. Et ça, c'est magnifique à voir.

  • Speaker #0

    C'est ce que j'allais te demander. Pourquoi, à ton avis, Sephora a distancé Mariono ? C'est l'exculivité des produits, l'innovation au niveau des produits ?

  • Speaker #1

    Il y a une stratégie de refonte de l'efficacité commerciale, d'abord des boutiques, en partant de la logistique, le pricing, évidemment la curation des marques. Parce que je pense qu'aujourd'hui... Un des éléments phares de Sephora, c'est le fait qu'on y trouve toutes les marques connues, mais aussi les futures marques qui vont faire la différence demain. Et la force de Sephora aujourd'hui, c'est d'avoir une clientèle, je pense, qui va de, je n'ose même pas dire de 7 à 77 ans, mais c'est vrai que le ton de la marque permet d'accueillir des clientes ou des clients très jeunes, mais aussi de rassurer les clientèles plus matures et d'avoir une approche omnicanal qui est excellentissime. Ok,

  • Speaker #0

    donc une marque qui englobe... une taille de marché.

  • Speaker #1

    Et puis un développement à l'international. Il y avait déjà les États-Unis quand j'y étais, mais qui étaient un peu une entité à part. Donc toute cette fluidité entre les différents marchés et la capacité à bien comprendre les besoins des clientes et à les devancer en offrant justement des produits exclusifs.

  • Speaker #0

    Et par la suite, du coup, après Sephora, tu rentres chez Louis Vuitton, qui est une maison phare du groupe LVMH. Et j'ai lu que tu faisais, alors ce n'est peut-être pas ta première expérience, mais je sais que tu fais un passage sur le terrain. Et on t'envoie dans le retail ?

  • Speaker #1

    Assez vite. Louis Vuitton, c'est... Quand tu as 30 ans et qu'on te dit que tu vas pouvoir travailler chez Louis Vuitton, tu as des étoiles dans les yeux, les yeux qui pétillent. Et j'ai découvert, de façon très alignée par rapport à l'image que j'avais de la maison, une excellence opérationnelle à tout point de vue. J'ai rencontré des gens brillantissimes, une énergie positive incroyable. Finalement, une boîte déjà très grosse, mais assez familiale, avec un dirigeant très charismatique qui était Yves Carcel. et qui a été pour moi une rencontre absolument incroyable et merveilleuse. Et très tôt, effectivement, j'ai un patron qui était mon président chez Sephora et qui m'a gentiment entre guillemets pris dans ses bagages à une condition qui était, il me dit, je voudrais que tu fasses du retail. Je lui ai dit, du retail, ça veut dire aller en boutique. Donc moi, je sortais quand même de l'ESSEC, j'avais fait Sciences Po, j'avais fait une pré-pénard. Que des écoles où on m'avait expliqué quand même que j'allais diriger le monde un jour peut-être. Et là on me dit tu vas aller en boutique. Je n'ai pas compris. Je n'ai pas compris ce qu'on attendait de moi. Je me suis dit, mais je ne vais pas être vendeuse. Parce que le métier de vendeur, pour moi, était, je suis désolée de dire le terme, mais un peu dégradé par rapport à mon profil et par rapport au background académique que j'avais.

  • Speaker #0

    C'était une régression un peu ?

  • Speaker #1

    C'était un peu une régression. Et en tout cas, je ne comprenais pas bien. Et en fait, il y avait à l'époque chez Louis Vuitton un parcours assez accélérateur de carrière pour, on va dire, des jeunes talents, entre guillemets, ou effectivement le fait de découvrir. Ce qui fait le business au quotidien de l'entreprise, à savoir vendre des produits à des clients dans une boutique, qu'elle soit digitale ou qu'elle soit physique, était hyper important pour comprendre ensuite toutes les opérations autour et donner le meilleur de soi-même au service de ces boutiques. Et donc, parce que je savais que la personne qui me recommandait ce parcours était très bienveillante à mon égard, je me dis Ok, je vais aller voir Alors, je n'étais pas vendeuse, mais j'étais, on va dire, manager en encadrant des équipes de vente.

  • Speaker #0

    ce qui est somme toute vraiment le même type de métier, parce qu'en fait, vous êtes là pour résoudre des problèmes que certains de vos vendeurs vont vous apporter ou vous remonter, et puis pour animer avec une dimension commerciale. Mais j'avais le même rythme de vie, je faisais des ouvertures de boutiques, des fermetures, j'étais en uniforme, je travaillais le samedi. À l'époque, il n'y avait pas encore l'ouverture du dimanche. Aujourd'hui, les équipes de vente, évidemment, travaillent le dimanche. Et mes copains banquiers d'affaires se foutaient de ma gueule, soyons très clairs. J'étais dans un... J'étais l'ovni. de mon environnement social, à commencer par mes parents. J'ai des parents médecins, profession libérale, qui ne connaissent rien de l'entreprise et qui tout d'un coup se sont dit mais ma fille est folle, quoi C'est-à-dire qu'elle a fait des superbes études, elle est brillante et elle est dans sa boutique en uniforme le samedi à vendre des sacs à main. Et en fait, ça a été une aventure exceptionnelle. D'abord, je pense d'un point de vue humain, parce qu'en fait, on m'a offert l'opportunité d'encadrer une équipe, donc de manager. Une équipe de quasiment 25 à 30 personnes, là où dans n'importe quelle autre entreprise, j'aurais eu probablement deux personnes dans mes équipes qui sont mes mini-mini, qui ont fait les mêmes études que moi, mais juste de trois ans de moins, parce que j'étais encore assez jeune. Là, j'avais des vendeurs experts qui étaient excellents dans leur métier et moi, je ne savais pas vendre. Donc, il fallait que je m'adapte d'un point de vue managérial, empathique, à leurs besoins et non pas à faire du top-down en leur expliquant ce que moi, je voulais qu'ils fassent. Et puis, l'univers de la boutique, c'est une micro-société. Vous voyez, en plus, j'étais sur les Champs-Elysées où il y avait un volume très important. Des gens de toute nationalité rentraient dans une boutique. Des milliardaires comme des jeunes hommes qui avaient économisé depuis un an pour acheter un porte-clés à leur petite copine pour la Saint-Valentin. Des clients touristiques qui sont là, qui ont besoin que la transaction se fasse hyper rapidement. Des personnes qui peuvent rester des heures ou qui passent toutes les semaines pour dire bonjour. Parce qu'en fait, c'est un peu une relation sociale qui s'établit entre le vendeur et... Et le client, et puis un environnement merveilleux avec des produits d'une créativité incroyable. Et puis cette pétillance, entre guillemets, dans les yeux du client qui vient acheter un produit qui le fait rêver. Donc, c'est une expérience unique et qui a été hyper accélérateur de ma carrière, je pense. Parce que quand vous comprenez le terrain, vous gagnez cinq ans d'autres métiers où vous n'êtes pas connecté à la réalité, en fait.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'allais dire. Est-ce que... Aujourd'hui, finalement, tu es managing director de la marque de la Maison Fred. Est-ce que tu serais la même leadeuse sans cette expérience ?

  • Speaker #0

    Mais j'ai découvert le commerce, la fibre commerciale, l'énergie et l'espèce de folie ou de furie de est-ce qu'on a fait le chiffre, est-ce qu'on ne l'a pas fait à la fin de la journée ? Et encore aujourd'hui, je reçois les chiffres d'affaires de mes boutiques tous les soirs et je regarde tous les jours le chiffre de la boutique. En fait, peut-être que je ne l'avais pas dans le sang. En tout cas, c'est venu et ça s'est révélé grâce à cette première expérience. Et ça a beaucoup formaté le reste de ma carrière parce que j'ai compris que je voulais être dans une entité business.

  • Speaker #1

    Et tu comprends au bout du bout, on ne se connaît que très peu Natacha, mais j'ai mon grand-père qui est boulanger et l'autre qui était boucher. Donc je suis issu d'un milieu commerçant. Et c'est vrai que quand tu commences à côtoyer le terrain, tu comprends aussi que finalement, au bout du bout, les euros de chiffre d'affaires, c'est eux qui les font.

  • Speaker #0

    Toi aussi. Et fréquemment, j'explique aux équipes ou autour de moi, même dans ma vie sociale, qu'on travaille pour que le chiffre d'affaires soit fait. Et le chiffre d'affaires, il est fait par des gens en boutique. Et donc, ces personnes-là payent nos salaires et on leur doit l'immense respect au quotidien. Après, ça ne veut pas dire qu'on va être permissif. Le niveau d'exigence, on peut le donner, on peut définir le ton d'exigence. Mais derrière, il faut être respectueux des gens qui font les choses.

  • Speaker #1

    Tout à fait. De toute façon, tout le monde a un rôle dans l'entreprise.

  • Speaker #0

    Complètement.

  • Speaker #1

    Après, ton expérience, du coup ? Du coup, chez Louis Vuitton, tu rentres dans la maison Christian Dior, qui fait aussi partie du groupe LVMH. J'imagine que tu continues d'apprendre dans cette maison. Est-ce qu'il y a une différence entre la maison Louis Vuitton et la maison Christian Dior ?

  • Speaker #0

    Chaque maison au sein du groupe est très, très différente. Là, on est sur deux entités assez emblématiques. Louis Vuitton, c'est, comme je le disais tout à l'heure, ça a été une école extraordinaire sur la fluidité des process, les opérations sont excellentes. Tout est extrêmement bien et minutieusement bien organisé. Et Dior, je ne dis pas que ce n'est pas organisé, mais à l'époque où j'ai rejoint la maison, c'est l'univers de la mode. La mode, déjà par définition, elle est saisonnière. Il y a des espèces de coups de feu au moment où on a les défilés, les collections qui découlent des défilés. Et il y a un rythme de vie qui n'a rien à voir. Louis Vuitton est sur des process beaucoup plus homogènes tout au cours de l'année, avec un produit maroquinié, un savoir-faire très différent. Et autour de la mode et donc chez Dior, je découvre cette espèce d'émotion encore décuplée. on va dire, par ce qui se passe autour du défilé. Tout arrive au moment du défilé et derrière, le business, on va dire, vient des collections du défilé. Même s'il y a des collections permanentes, le rythme de l'année et le rythme de l'entreprise est très lié à la partie événementielle autour du défilé. Il y a une émotion hyper forte parce qu'on est sur un produit extrêmement désirable. peut-être un peu moins fonctionnel que le produit de maroquinerie. Et donc, c'est une atmosphère très différente, assez déstabilisante d'ailleurs, quand on est finalement, comme moi, quelqu'un d'assez rationnel. Voilà, moi, je suis assez structurée. Et là, tout d'un coup, il y a des décisions, parfois émotionnelles, qui prennent le pas. On est dans un monde beaucoup plus onirique, j'ai envie de dire. Et derrière, ça reste du business et ça reste très structuré. Mais l'input, et vachement plus animée par l'émotion. Donc, fort niveau d'adaptation pour moi. Des personnalités aussi très différentes en termes du top management et la découverte de ce monde, on va dire, très créatif qu'est la mode. Mais un apprentissage énorme, évidemment, et à titre personnel, en termes de développement personnel, de compétences, une adaptabilité. Je pense que c'est le moment où j'ai donné le plus d'efforts pour m'adapter à la structure qui m'accueillait.

  • Speaker #1

    Et donc, tu passes 20 ans dans le même groupe aujourd'hui chez certains jeunes et moins jeunes. Mais ça peut paraître énorme, 20 ans.

  • Speaker #0

    25 ans même. 25 ans cette année de groupe LVAMAC.

  • Speaker #1

    25 ans de groupe. Est-ce que déjà, alors, est-ce que tu as songé peut-être à aller voir une autre maison ? Est-ce que Kering, déjà, à l'époque, était une maison ? Oui,

  • Speaker #0

    bien sûr. En fait, 25 ans, ça passe super vite. Déjà, donc méfiez-vous, le temps passe très vite. Et une chance inouïe, c'est que j'ai fait des maisons très différentes au sein du groupe. Chaque maison est différente, mais j'ai fait des entités différentes. Donc Sephora, c'est ce qu'on appelle de la distribution sélective. On distribue des produits. C'est une marque forte, mais c'est de la distribution. Ça appartient à une entité qui s'appelle distribution sélective. Ensuite, je suis allée dans la maroquinerie. Donc, comme on se disait, chez Louis Vuitton, il y a de la mode, il y a de l'horlogerie, de la joaillerie. Mais globalement, le cœur du business de Louis Vuitton, c'est une marque globale, mais qui était initiée pas mal par la maroquinerie. Et à l'époque où j'y étais, on était très maroquiner. Ensuite, je suis passée dans la mode. Donc encore une autre maison avec un autre savoir-faire, avec Dior et un rythme très différent. Et puis là, la joaillerie. Et donc en fait, quand on regarde tout ça mis bout à bout, c'est quatre entités très, très différentes. Donc si je faisais un ratio, on va dire très basique, j'ai passé 4-5 ans dans chacune des maisons. Et donc finalement, ce n'est pas si long que ça. Et en plus, j'ai changé de métier. Donc j'ai commencé ma carrière sur du marketing opérationnel. Je suis passée en boutique. Ensuite, j'ai recontinué du marketing et j'ai découvert le clienteling, le CRM, qui était un peu le nouveau métier, on va dire, dans la dernière partie de ma vie chez Louis Vuitton et que j'ai transposé ensuite chez Dior. Et aujourd'hui, chez Fred, dans une entité plus petite, j'ai une fonction beaucoup plus large de direction générale avec un leadership sur un certain nombre de marchés en direct. Donc, métiers différents, industries différentes et entreprises, maisons différentes, avec une culture d'entreprise, on va dire, variée. Et du coup, oui, c'est le même groupe, c'est le même chapeau, mais en fait, c'est des métiers, des univers très différents. Et je crois que j'ai calculé, j'ai eu 15 patrons différents. Il y a eu des mouvements à chaque fois. Donc, on est aussi animé par la personne au-dessus de nous. Et donc, finalement, une variété hyper forte qui a fait que je ne me suis jamais ennuyée. Et il y a ce très commun qui me plaît beaucoup de rester au sein du même groupe dont je partage les valeurs, mais finalement avec une diversité opérationnelle au quotidien.

  • Speaker #1

    Quand tu dis 15 patrons, c'est 15 patrons ? 15 patronnes aussi ?

  • Speaker #0

    Écoute, c'est une excellente question, mais j'ai eu beaucoup, beaucoup de patrons. J'ai eu une patronne en intérimaire à un moment donné, mais sinon, j'ai eu que des patrons et je me suis très, très bien entendue avec mes patrons. Donc, je fais partie de ces femmes qui, on va en parler peut-être après, mais qui défendent beaucoup la place des femmes dans les instances de gouvernance. Mais je suis très positive et reconnaissante aux hommes qui m'ont encadrée parce que c'est des hommes qui m'ont développée, c'est des hommes qui m'ont donné ma chance, c'est des hommes qui m'ont mentorée. Et c'est des hommes qui m'ont donné envie de grandir.

  • Speaker #1

    Comme tu disais, tu es encore 20-25 ans dans la même maison. C'est quoi la différence ? Parce qu'aujourd'hui, on a deux beaux fleurons français qui sont LVMH et le groupe Kering. Est-ce qu'il y a une différence de culture ou une singularité particulière entre LVMH et Kering ?

  • Speaker #0

    Je n'ai pas expérimenté Kering de l'intérieur, donc je ne vais pas en parler. En tout cas, ce que je peux dire par rapport à LVMH, c'est que... Pour moi, c'est un symbole de réussite inégalée, résidé par un homme qui est extrêmement emblématique et que j'admire fondamentalement, qui est Bernard Arnault. Je sais qu'en France, le pouvoir, le succès, la réussite, ça peut déranger certaines personnes. Mais pour moi, il incarne cette excellence. C'est quand même le groupe qui est l'un des plus importants exportateurs à l'extérieur de la France. C'est donc qui ? résonne d'un point de vue économique. C'est le groupe qui crée des emplois. C'est le groupe qui est le symbole du savoir-faire à la française. Voilà, donc... Encore une fois, je ne vais pas parler d'un groupe concurrent qui a des très, très bonnes valeurs également, mais être travaillé au sein du groupe leader, pour moi, c'est important. On parlait de leadership au démarrage. Voilà, moi, je me dis, j'ai une fierté inouïe de pouvoir servir le groupe LVMH et à travers la personne de Bernard Arnault, de pouvoir travailler pour un patron aussi emblématique.

  • Speaker #1

    En plus, on enregistre qu'on est le 1er juillet 2024. On est dans un contexte politique qui est quand même assez particulier. Et on se rend compte finalement que la sphère privée fait aussi avancer la société. Et des grands entrepreneurs comme Barano, je ne sais pas combien d'emplois ils ont créé. Mais je ne sais pas, le groupe LVMH, c'est combien d'emplois ?

  • Speaker #0

    C'est 210 000, je crois. 270 000, 230 000,

  • Speaker #1

    je ne vais pas dire une bêtise. Donc, c'est des groupes qui ont créé énormément d'emplois, qui ont changé des vies, etc.

  • Speaker #0

    Complètement. Et c'est surtout une fierté à l'étranger. C'est-à-dire que je pense que quiconque se balade en Europe, aux Etats-Unis, en Chine ou ailleurs, vous citez le nom des marques du groupe LVMH, tout le monde les connaît. Et donc cette fierté à l'étranger, c'est aussi du business qu'on ramène en France. C'est une image de la France. Et c'est aussi pour ça que je pense que Bernard Arnault est quelqu'un d'extrêmement important pour notre pays. Après souvent ceux qui le critiquent sont ceux qui ne le connaissent pas ou qui l'envient. Mais voilà, on a une chance inouïe d'avoir des grands patrons et il y en a d'autres. d'avoir un grand patron comme celui-là.

  • Speaker #1

    Comment t'expliques, j'imagine que quand Bernard Arnault va aux Etats-Unis ou particulièrement en Asie, je pense que c'est une rockstar, comment t'expliques qu'en France, on a parfois un peu du mal justement avec ses réussites ? C'est culturel,

  • Speaker #0

    mais je pense qu'en France, on a du mal à célébrer des succès. On a du mal à parler d'argent aussi. Ce qui m'échappe complètement parce que je ne comprends pas pourquoi c'est tabou. Donc succès, réussite, c'est des mots qui font un peu peur. Ambition, pouvoir, ce sont des mots qui font un peu peur. Donc c'est assez culturel, je pense, si on compare de façon très évidente avec la culture anglo-saxonne, on est plutôt dans la célébration de ces succès-là. Il faut toujours se justifier en France. Je pense qu'il y a une culture assez judéo-chrétienne, où on n'a pas trop envie de montrer, de se faire plaisir, de parler de soi. Mais je pense qu'on a besoin, on a besoin d'exemples. et on a besoin de se nourrir d'exemples qui sont enrichissants. Après, personne n'est parfait, on en parlait au démarrage de cette interview, mais tout le monde a sa vulnérabilité, tout le monde a ses faiblesses, et même les grands patrons. Je crois que tous les êtres humains ont ça en eux. Pour autant, quand on a des gens inspirants, c'est intéressant de partager. Je pense que le travail que tu fais aussi à travers ce podcast, c'est de donner la parole à des personnes qui peuvent diffuser cette inspiration ou cette envie de partager.

  • Speaker #1

    Et du coup, après, du coup, en décembre 2020, ça fait du coup une vingtaine d'années que tu es dans le groupe LVMH. Oui. Et donc, tu prends la direction générale de la maison de joaillerie Fred, qui fait donc partie de ce groupe, qui a été créé en 1936, donc pour la maison de joaillerie Fred. Est-ce que c'était un souhait de ta part depuis, tu vois, depuis, je ne sais pas, le début de ton parcours ou à mi-parcours, tu te disais, mon goal, entre guillemets, c'est de... de prendre la direction générale d'une maison ou c'était une opportunité, de la chance ?

  • Speaker #0

    Alors, effectivement, je pense qu'on ne peut pas dire que dès le départ, on se voit directrice générale ou présidente ou quoi que ce soit. Mais au fur et à mesure de sa carrière, je pense qu'on se projette un petit peu. Moi, je suis quelqu'un d'assez organisé, donc j'essaye toujours de réfléchir à la step d'après. D'abord, parce que c'est important, quand on veut gérer sa carrière, les choses n'arrivent pas par hasard. Il faut quand même passer des étapes et se donner les moyens d'arriver à son ambition. Et effectivement depuis quelques années j'avais en tête de pouvoir oeuvrer, en tout cas créer de l'impact à un niveau décisionnaire qui soit reconnu. Et du coup dans mes discussions avec la direction des ressources humaines du groupe, je commençais à diffuser l'idée de pouvoir intégrer une plus petite maison, mais où j'aurais un scope plus large qui me permettrait d'avoir une vraie prise de décision, de créer de l'impact, de donner un peu mon point de vue, et non pas un point de vue dilué au milieu de 150 autres personnes. Je précise juste qu'aujourd'hui, je suis directrice générale de la maison, en charge en direct de trois zones, donc l'Europe, le Moyen-Orient, les US et le Japon. Il y a une autre personne qui dirige la partie Chine et Asie-Pacifique, donc je ne suis pas seule. Et je reporte à un président, donc je ne suis pas le numéro un de la maison, on va dire, mais potentiellement le numéro deux. J'ai évidemment comme ambition de passer numéro un un jour, donc ça c'est la next step pour faire le lien sur l'organisation de la carrière. Mais oui, ça faisait... Quelques années en tout cas que je plantais les graines à qui voulait bien l'entendre et aux bonnes personnes en disant j'aimerais bien pouvoir évoluer. Et j'avais compris aussi que pour avoir ce type de poste, potentiellement, il fallait que j'aille dans une maison plus petite. Je savais, j'étais assez honnête et humble avec moi-même. Je n'aurais pas été déléguée de Louis Vuitton ou de Dior et ça m'allait bien. Peut-être qu'un jour je le serais et j'en serais ravie. Mais l'idée de bouger dans une structure plus petite me convenait totalement. Ce qui n'aurait pas été le cas dix ans avant, je pense que j'avais besoin d'être rassurée il y a quelques années sur la carte de visite, la grosse boîte qui impressionne un peu tout le monde. Et voilà, au fur et à mesure, la maturité, l'expérience fait qu'on a des envies et des ambitions différentes. Et puis après, il y a le contexte. L'opportunité s'est présentée et donc le groupe a pensé à moi et m'a appelée sur cette mission-là, qui se libérait, parce que le poste se libérait, ce qui est aussi une réalité, il faut que le poste se libère. Et le timing était parfait et ça s'est fait de façon assez fluide, contre toute attente, en plein Covid. Et ça, c'est aussi intéressant de se dire que dans les périodes de difficultés, je pense qu'il y a beaucoup d'opportunités qui se mettent en place. Et j'en ai été en tout cas l'exemple parfait, puisque au sein d'un contexte très compliqué qu'était quand même le Covid, moi, j'ai eu une très belle opportunité professionnelle dont je me réjouis encore aujourd'hui.

  • Speaker #1

    On reviendra sur la maison Fred, mais ce que j'aime bien chez toi, Natacha, c'est que tu n'as pas peur de l'ambition et de la dire. Quand tu étais toute jeune, tu disais vouloir être présidente de la République. Là, tu dis librement que peut-être un jour, quand le temps sera venu, tu aimerais devenir la numéro un du groupe.

  • Speaker #0

    Du groupe, peut-être pas, parce que de la maison Fred, en tout cas, peut-être, ou d'une autre maison. Non, mais je pense que moi, c'est mon driver. mon driver, c'est l'ambition, en fait. Mon driver, c'est de me dire il y a toujours une next step. Et je pense qu'on est tous individuellement formatés différemment. Et je reviens sur le mot ambition en France qui peut faire peur, en particulier s'il est prononcé par une femme. On se dit tout de suite, oh là là, elle est dans Kiray-le-Parquet, elle va tout écraser sur son chemin. Mais pourquoi ? Je pense que l'ambition, c'est se donner soi-même les moyens d'aller vers quelque chose qui vous motive. Moi, ma motivation, professionnellement, elle vient... par cette capacité à gravir les échelons. Mais on est tous différents. Certains, ça va être l'argent. D'autres, ça va être le nombre de personnes dans vos équipes. D'autres, ça va être le scope international. Chacun a son propre moteur. Moi, mon moteur, c'est de pouvoir effectivement gagner une step hiérarchique. Ce n'est pas être ambitieux pour être une étape au-dessus, pour le plaisir d'être une étape au-dessus, mais parce que je pense que je me bonifie. Et je donne le meilleur de moi-même en étant dans ces zones de leadership, en fait. Et dans ces métiers où finalement, on est plus dans de la coordination d'un super chef d'orchestre qui fait travailler les autres et qui a une vision qu'il partage que dans l'opérationnel pur. Mais ça, c'est des choses qu'on découvre au fur et à mesure des années. Et ma chance, et j'utilise volontiers le terme, c'est d'avoir été malade quand j'étais jeune. Parce qu'en fait, quand j'étais malade, j'ai fait cette psychothérapie et cette introspection. Et en fait, je me connais plutôt très bien et depuis longtemps. Et donc, j'ai appris à décrypter ce qui étaient les éléments importants et mes moteurs. Et quelque part, ce parcours de la maladie m'a, je pense, donné un avantage énorme sur beaucoup d'autres, c'est de se connaître. Et aujourd'hui, j'arrive à aligner, bon an, mal an, mes ambitions, ma motivation avec ma vie au quotidien, dans une sphère professionnelle, mais aussi dans une sphère personnelle.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que c'est vrai qu'aujourd'hui, on parle beaucoup de développement personnel, de connaissances de soi, etc. Je pense qu'à l'époque, on en parlait beaucoup moins. Mais toi, tu as transformé cette période un peu plus sombre dans une période où je pense que tu avais du temps pour réfléchir aussi.

  • Speaker #0

    Je ne pouvais faire que ça. Donc, je n'avais dans ma chambre d'hôtel, l'absurde, mais dans ma chambre d'hôpital, je n'avais rien. Je n'avais pas de télé, je n'avais pas de livre. Je pouvais écrire et penser. Et en fait, c'est aussi une des thérapies de la maladie. C'est de se recentrer sur soi-même. d'accepter qu'on est malade et ensuite d'essayer de trouver les solutions par soi-même avec l'aide du corps hospitalier et médical, évidemment. Mais réfléchir, en fait, profondément, on le fait assez rarement. Et moi, j'étais face à moi-même et je pense que ça m'a beaucoup aidée.

  • Speaker #1

    Pour revenir sur l'ambition, tu disais que c'est potentiellement... Ma question, c'est est-ce que c'est plus dur de porter une ambition quand tu es une femme que quand tu es un homme ?

  • Speaker #0

    Alors, je pense que dans le fond, non, ça ne doit pas être plus difficile. Par contre, dans l'acceptation et dans la déclaration, je pense que c'est super dur d'être une femme. Quand on est une femme et qu'on dit qu'on est ambitieuse, honnêtement, je pense qu'il y a peu de personnes qui vous regardent de façon très bienveillante. On est tout de suite catégorisées comme une killeuse. C'est associé, je trouve, de choses négatives et dans un univers très peu altruiste et très peu empathique. Alors que pas du tout. Je pense qu'on peut être ambitieuse, on peut être une femme. on peut réussir en étant avec les autres, en étant un bon manager et en étant dans le collectif. Et je fais un parallèle par rapport au run. Donc moi, je suis une runneuse, on en parlera peut-être tout à l'heure, mais voilà, effectivement, j'aime bien courir, qui est un sport assez facile à pratiquer. Donc c'est aussi très pragmatique. C'est qu'on n'a pas besoin de beaucoup de choses à part ces baskets et un lieu où on peut courir, à savoir dehors. Mais souvent, on dit que le run est solitaire. Pas du tout. Il suffit de regarder n'importe quelle course. C'est hyper collectif, le run. C'est probablement mes expériences de solidarité les plus puissantes sont intervenues dans des courses, au sein d'une course. Et donc, je fais le parallèle parce que je pense que l'ambition, le côté solitaire de l'ambition et destructeur un peu des autres et le run où on court que pour soi-même et pour gagner sa course, c'est pareil pour moi. Il y a cette notion du collectif, de le faire ensemble. Et c'est des a priori assez peu éduqués.

  • Speaker #1

    Et sur le run, alors moi aussi je suis runner, tu t'es montée sur des courses comme des semi-marathons, des marathons ?

  • Speaker #0

    Marathons, semi-marathons, j'ai fait plein de semi, bon j'ai commencé comme tout le monde avec 5 km au bout de ma vie en me disant que jamais je n'y arriverais.

  • Speaker #1

    Faire le tour de la maison.

  • Speaker #0

    Voilà, autour de la maison à côté du bois de Boulogne qui n'est pas très loin, mais vraiment au bout de ma vie, écarlate en me disant non mais je n'arrive pas à respirer, ça n'a aucun intérêt, ça ne me procure aucun plaisir. Pourquoi ce sport ? Pourquoi tant de mal quoi, pourquoi se donner tant de mal. Et comme je suis assez compétitive, je me suis dit, bon, je m'accroche. Une copine m'a embarquée sur la parisienne. Donc, pour ceux et celles qui connaissent la parisienne, c'est 6,7 km. Donc, c'est moins de 7 km. Pour un runner, ça paraît très court. Mais quand c'est une première course, ça m'a paru une montagne. Donc, je l'ai faite plutôt correctement, mais en donnant beaucoup et en m'entraînant énormément avant. Et puis, du coup, je me suis dit, j'arrive à faire ça, je vais faire les 10 km de Paris. Et puis, des 10 km, je me suis dit, je vais faire les 20. Et puis après, j'ai rencontré une personne qui m'a dit Tu sais, si tu veux progresser, tu dois prendre un coach. Et là, je me suis dit Ah, peut-être qu'on peut demander de l'aide. Et j'ai rencontré quelqu'un de super qui m'accompagne encore aujourd'hui et qui m'a dit Mais si tu veux faire un marathon, tu fais le marathon. Et là, je l'ai regardé en lui disant Non, mais t'es gentil, mais en fait, impossible pour moi de faire un marathon. Et il m'a regardé droit dans les yeux et il m'a dit Voilà, si tu veux faire le marathon, l'année prochaine, tu fais le marathon. Et donc, banco, il m'a entraîné pour et j'ai fait un marathon que j'ai adoré. qui est probablement l'une des plus belles expériences de ma vie après la naissance de mes enfants et mon mariage. J'ai pleuré en passant évidemment la ligne d'arrivée, mais une émotion tellement forte que je souhaite à tout le monde. Et depuis, j'ai fait trois marathons. Et j'en ai un prochain à venir qui ne va pas être simple, qui est le marathon des Jeux Olympiques, le marathon pour tous. Donc le 10 août prochain, nocturne, je ferai partie des quelques 20 000, je crois, participants au marathon pour tous. Et le Tchangé... Le challenge est élevé parce que le parcours est compliqué, fort dénivelé, de nuit et avec une température extérieure qui va être à mon avis assez élevée. Donc là, je suis en plein entraînement.

  • Speaker #1

    Pour avoir du dénivelé, c'est où ?

  • Speaker #0

    Alors en fait, on part de l'hôtel de ville, mais on passe par Versailles. Du coup, la fameuse Côte des Gardes qui je crois arrive à peu près au milieu du parcours, qui va être particulièrement difficile et pas mal de haut et bas après. Donc par rapport au marathon de Paris que j'ai fait trois fois, beaucoup plus compliqué.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous parler de la maison Fred, Natacha, en quelques mots ?

  • Speaker #0

    Alors Fred, c'est une magnifique rencontre. En fait, quand on a commencé à me parler de cette maison, j'ai été évidemment regarder sur Internet l'histoire de la maison. Donc déjà, c'est le nom du fondateur qui s'appelle Fred Samuel. Donc ce n'est pas un diminutif et ce n'est pas un nom inventé. C'est vraiment le fondateur qui était pour moi, il a écrit sa biographie, donc j'ai pu la lire, un type exceptionnel, qu'on compare pas mal à Joseph Kessel. C'est un aventurier en fait, c'est quelqu'un qui a été entrepreneur très tôt, qui a grandi en Argentine, donc avec un monde, un univers méditerranéen, beaucoup de couleurs, qui a côtoyé la mer, l'océan, qui est un élément très important pour lui, mais qui a quelque part, qui est ensuite revenu en France et qui a monté son business très jeune, mais qui avait cet altruisme de l'aventurier. D'abord, il était issu d'une famille juive, donc au moment, l'année où il a ouvert sa première boutique à Paris, il se l'est fait confisquer par... les Allemands qui envahissaient le pays. Il s'est engagé dans la Légion étrangère pour combattre le nazisme. Mais comme il n'était pas français, il est allé dans la Légion étrangère. Il a été fait prisonnier deux fois. Il s'est évadé deux fois. Et donc, il a connu cette adversité très forte. Et suite à ça, il a créé sa maison avec de multiples rebondissements. Mais je vous invite à lire sa biographie qui est absolument extraordinaire. Il était adoré de tous. C'est vraiment quelqu'un qui avait un charisme incroyable. Il a été juge au tribunal de commerce. Donc, ayant cette fibre commerciale, il a voulu aider les autres aussi en étant juge. Il a eu une famille absolument incroyable qu'il a aimée d'un amour fou, y compris sa femme pour laquelle il a commencé à faire ses premières parures extraordinaires. Et puis, il a, avant tout le monde, compris ce qu'était le clienteling. C'est-à-dire qu'il a installé sa boutique près des grands hôtels parce qu'il a compris que les touristes on va dire, Fortuné venait s'installer à Paris dans certains hôtels et il allait dans les lobbies des hôtels attendre les grands clients et de lui-même, de façon très proactive, il allait se présenter et nouer cette première relation, on va dire. relationnel, enfin ce premier contact avec un client et c'est comme ça qu'il a eu des histoires incroyables avec des grandes familles, y compris des familles royales la famille du Népal, des familles du Moyen-Orient, où il a commencé à montrer ses pierres et puis montrer les créations qu'il pouvait faire autour de pierres extraordinaires et il avait ce sens unique en fait relationnel qui a été je pense le terreau de son succès entre autres au-delà du produit

  • Speaker #1

    Et c'est quoi la spécificité de la maison Fred par rapport à d'autres maisons dans la joaillerie ?

  • Speaker #0

    Alors c'est une maison qui aime le pas de côté, le petit pas de côté. C'est une maison assez accessible, d'abord qui est mixte quasiment dès la naissance de la maison, donc qui produit des produits de joaillerie pour femmes et pour hommes, ce qui était quand même assez atypique à l'époque, et qui par ailleurs est très lié aux valeurs du sport, parce que Fred Samuel était champion d'aviron et de voile. Et avec son fils, ils ont fait beaucoup de compétitions de voile, d'où est né le produit iconique qui s'appelle Force 10. Force 10 en écho à la force la plus intense du vent, qui fait que quand on porte le bracelet Force 10, on est paré pour faire face à toutes les adversités possibles, y compris le vent le plus fort. Donc c'est une approche assez atypique. Après, il a des créations très colorées. très gai en fait dans les éléments clés de la maison, il y a cette joie de vivre et puis le bleu de la Méditerranée qui a été initié par le bleu de la mer en Argentine parce qu'il s'est installé très tôt dans ce qu'on appelle la French Riviera et donc beaucoup des créations et de nos concepts boutiques et de nos éléments de communication sont liés au soleil pour rendre hommage à sa personnalité solaire mais aussi au bleu de la mer Méditerranée

  • Speaker #1

    Ok, et donc aujourd'hui, tu es managing director Europe, Afrique, Moyen-Orient, US et Japon chez Fred. Concrètement, c'est quoi le quotidien d'une managing director ?

  • Speaker #0

    Le quotidien, c'est de passer beaucoup de temps avec les équipes, à la fois pour partager la vision de la maison, pour bien s'assurer qu'on soit tous dans une même direction. Et puis ensuite, pour leur donner tous les outils et tous les moyens possibles pour délivrer le plus d'efficacité. Quand je dis efficacité, c'est efficacité commerciale. Merci. Le meilleur service possible, c'est faire rêver nos clients, c'est avoir une cohérence de marque dans toutes les actions qu'on mène, que ce soit de la communication au visual merchandising en boutique, à la formation des équipes, aux communications qu'on envoie à nos clients. Donc en fait, quand on est dans un rôle de dirigeant, on est plus chef d'orchestre qu'autre chose. Mais votre rôle fondamental, c'est à la fois de donner le cap. pour reprendre une allégorie, une comparaison, on va dire, maritime. Et puis ensuite, d'être celui qui donne le rythme au rameur pour aller tous dans le même sens. Et beaucoup du temps que je passe est quand même dédié aux équipes. Et à partager, en fait, à répondre à leurs interrogations, à leur expliquer pourquoi on fait certaines actions et pourquoi on n'en fait pas d'autres. Parce qu'on a souvent tendance, en France, à regarder le verre à moitié vide en se disant Ah ben, un tel, l'autre marque, elle fait ci, l'autre marque, elle fait ça. Nous, on fait plein de choses aussi. Et ces choses, elles nous permettent de créer quelque chose de différenciant, ce qui est important pour la maison et dans le bon sens. Et puis ensuite, oui, d'être aussi celle qui va donner le ton de l'exigence en se disant l'ambition, elle est là. Elle est là au niveau du chiffre d'affaires. Elle est là au niveau, on va dire, de la rentabilité. Elle est là au niveau du contrôle des coûts. Elle est là aussi au niveau du message qu'on va envoyer à nos équipes. Et ça, c'est important. Être patron, c'est aussi... être un peu directif, on va dire, pour donner le bon cap, mais tout en expliquant les choses. Donc oui, le temps qu'on passe avec des équipes est très, très important. En tout cas, moi, c'est comme ça que je vois mon métier. Je ne le vois pas dans une façon top-down, comme on dit en anglais, d'imposer un point de vue, mais d'être plutôt dans la récolte des feedbacks et qu'ensemble, on arrive à construire quelque chose et d'expliquer pourquoi on va dans cette direction et pourquoi pas dans une autre. Et si on parle un peu chiffres sur Fred, aujourd'hui, c'est combien de collaborateurs ? C'est quel chiffre d'affaires à peu près ?

  • Speaker #1

    Alors, chiffre d'affaires, on ne va pas en parler là, mais... C'est confidentiel ? C'est confidentiel, oui. C'est confidentiel, mais c'est pratiquement trois fois plus qu'il y a quatre ans. Donc, voilà, ça donne un peu la dynamique de la maison. Et on a environ 500 collaborateurs dans le monde, en incluant les équipes retail, donc les équipes en boutique dans le monde.

  • Speaker #0

    OK. Et sur le chiffre d'affaires, si je reviens, c'est confidentiel, mais quand je l'ai préparé, j'ai quand même vu un chiffre. C'est quoi ? C'est des estimations ? C'est des chiffres qui sortent ?

  • Speaker #1

    Oui, il y a des études. Il y a beaucoup de cabinets de conseil qui font des études de comparaison entre les différentes maisons. Donc, c'est des chiffres qui sortent, mais effectivement, le chiffre n'est pas publié en tant que tel. Donc, ça reste confidentiel.

  • Speaker #0

    Il y a une obligation. Alors, les chiffres sont publiés quand la boîte est cotée en bourse ?

  • Speaker #1

    En fait, LVMH publie ces chiffres. Donc, évidemment, tous les chiffres de LVMH sont publiés. Et ensuite, on a des splits par ce qu'on appelle business unit ou par... on va dire familles de maisons. Et donc, nous, on appartient à une division qui s'appelle les Montréjoairies. Donc, normalement, on trouve sur le rapport annuel de LVMH le chiffre d'affaires de la division Montréjoairie, mais on ne descend pas au niveau de la maison, sachant qu'il y a huit maisons dans la division Montréjoairie. Les chiffres estimatifs, ce que tu as pu lire peut-être en préparant l'interview, sont des chiffres estimatifs que beaucoup font parce que les cabinets de conseil ou d'autres grandes entités ont besoin de comprendre un petit peu quel est le mapping de la concurrence.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il m'intéresse de comprendre, tu parlais d'une vision, de récolter aussi des feedbacks au niveau des collaborateurs. Comment ça se passe concrètement ? Alors, tu vois, moi, j'étais dirigeant de startup. La vision, en vrai, je l'ai créée beaucoup par moi-même et aussi avec mes salariés et le terrain. Mais quand on est dirigeant d'une maison fraîche qui fait partie d'une grande maison à l'LVMH, comment ça se passe concrètement, cette vision ? Tu peux, toi, apporter tes insights à un certain moment de l'année ? Oui,

  • Speaker #1

    parce que c'est la force du groupe aussi, c'est que chaque maison est indépendante, mais on a ces divisions. Nous, appartenant à la division Montréjoaillerie, on avance tous dans un même sens. Mais après, chaque maison a sa personnalité et au sein de la maison, chez Fred, on a un comité de direction présidé par notre président. Moi, je suis membre du comité de direction au même titre que le directeur financier, la directrice des ressources humaines. On est six aujourd'hui dans le comité de direction. Et le but de nos réunions de comité de direction, c'est justement d'alimenter une réflexion commune et de pouvoir nous... Chacun peut s'exprimer sur notre métier en particulier, mais aussi apporter sa pierre à l'édifice dans une réflexion collective et faire en sorte que quand on présente un plan stratégique, ça ne soit pas seulement issu du grand patron, mais qu'on puisse tous y contribuer. Et après, de façon en escalade, quand on prépare par exemple un plan strat, moi je le prépare avec mes équipes et donc on fait pas mal d'itérations avec les équipes et de réflexions, de brainstorming pour utiliser le mot. on va dire anglo-saxon, pour remonter un peu les idées de tout le monde. Et puis ensuite, mon rôle, c'est de fédérer et d'en faire sortir quelque chose qui soit intéressant, que je peux remonter au niveau du comité de direction. Mais tout ça se fait à chaque niveau, il y a quand même beaucoup de collectifs.

  • Speaker #0

    Tout le monde participe à la construction de cette vision.

  • Speaker #1

    Voilà, après, on va dire, évidemment, il faut qu'il y ait quelque chose à dire. Mais c'est toujours intéressant d'interroger quelles que soient les personnes, il en sort des idées intéressantes. Après, l'idée, c'est de... d'arriver à mettre en commun, à faire une synthèse et d'aller à l'essentiel. On n'a pas les moyens non plus de gérer 150 000 priorités. Donc oui, à un moment donné, quand on est dirigeant, il faut aussi choisir. Et décider de quelles sont les priorités et d'expliquer pourquoi ce point-là va être une priorité et pas le point d'à côté.

  • Speaker #0

    Selon Henri Haddad, choisir, c'est renoncer.

  • Speaker #1

    Et c'est une vraie réalité. Je pense qu'on s'en rend compte tous les jours. Dans notre métier, oui, ça, c'est vraiment quelque chose de super important. Choisir, c'est renoncer. Et je pense qu'un bon dirigeant, c'est celui qui sait prendre des décisions, en fait. Bien sûr. Et ce n'est pas si fréquent.

  • Speaker #0

    Oui, c'est du courage entrepreneurial, managerial.

  • Speaker #1

    Exactement. Mais le courage, typiquement, je pense que c'est une valeur qui, pour moi, m'est hyper chère et très motivante. Mais qui veut dire qu'il faut accepter de se prendre des coups. Parce que quand vous avez le courage de prendre une décision, on ne peut pas satisfaire tout le monde. Et donc, vous avez les insatisfaits qui, par définition, ne vont pas agréer à votre décision. Et ça, il faut l'accepter.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu penses que depuis quelques années, avec un monde de plus en plus mouvant et peut-être incertain dans l'avenir, c'est encore une soft skill encore plus importante, la prise de décision, et qu'il faut aller vite ?

  • Speaker #1

    La prise de décision, et je pense encore plus important, c'est le courage. Moi, je pense que le courage, c'est une valeur assez peu mise en avant dans notre... Je parle de la société française, en tous les cas, et qui devrait s'apprendre en école. Je pense qu'il y a des choses, il y a des fondamentaux qu'on peut... qu'on peut insuffler d'un point de vue éducatif. Mais oui, je pense que le courage est une valeur hyper importante, et encore plus quand on est dans une société un peu mouvante, où il y a beaucoup d'indécision, où il y a beaucoup de flottement. Il faut savoir porter ses valeurs haut et fort.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, c'est une experte du luxe. Si on parle un peu des sujets d'actualité autour du luxe, ce n'est pas que autour du luxe, mais aujourd'hui, on n'entend parler que d'IA, d'intelligence artificielle. Est-ce que dans le luxe, particulièrement dans le joaillerie et peut-être chez Fred, l'IA va changer quelque chose, peut-être dans les parcours clients, l'expérience client ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que le luxe ne fait pas défaut. L'IA est un peu partout et pour les bonnes choses. C'est-à-dire qu'il y a plein d'éléments qu'on arrive à faire de plus en plus rapide, de plus en plus efficace grâce à l'IA. Ça peut être le cas sur des items de production, comment accélérer des chaînes de production de certains éléments, de certains produits. Ça peut être le cas, donc on parlait de parcours client, mais typiquement dans l'identification de clients à fort potentiel, quand on a une base de données. on faisait avant des études, on faisait mouliner un petit peu nos bases de données pour essayer d'identifier le futur top client. Aujourd'hui, on gagne un temps fou avec l'IA parce que vous pouvez appliquer de l'IA sur cette base de données et puis elle va déterminer des algorithmes de comportement d'achat en identifiant hyper rapidement le client de demain. Ça, c'est quand même extraordinaire.

  • Speaker #0

    C'est super intéressant. C'est quand même gagner un temps de dingue. Et la grande question, c'est est-ce que toi, tu utilises ChatGPT en tant que dirigeante au quotidien ?

  • Speaker #1

    Au quotidien, pas du tout. Par contre, quand c'est sorti officiellement, on va dire pour le grand public, j'ai testé tout de suite avec des choses assez marquantes du type business case. On fait tant dans tel pays, on veut se développer dans tel pays, j'ai telle problématique. Qu'en penses-tu et quel est le plan d'action ? Et honnêtement, j'ai été bluffée de voir le plan d'action qui sortait. Et tout ça en mettant assez peu de data dans la machine, puisque pour des raisons de confidentialité. Les chiffres n'étant pas publiés, je n'allais pas donner à l'LGPT et donc à d'autres personnes des informations confidentielles. Donc avec des choses très basiques qu'on peut trouver dans la presse. Et non, j'ai été totalement bluffée. Après, très honnêtement, moi, je l'utilise très peu. Mais c'est assez drôle que tu m'en parles parce qu'on était en séminaire la semaine dernière avec nos équipes. Et puis, on a fait un team building assez sympa. Et la personne qui s'est occupée de l'animation m'a dit que pour la constitution des équipes de notre team building, elle avait fait fonctionner le LGPT. Et donc, c'était drôle. Je pense que les jeunes générations, très clairement, l'utilisent beaucoup plus que moi. J'ai fait un truc assez marrant aussi. J'avais été sollicité pour être jury. Même pas pour être jury, pour être personnalité, pour remettre un diplôme dans la graduation day d'une école. Donc, ils sont 900 et reçoivent leur diplôme. Et je devais faire le discours de graduation day. Et donc, j'ai fait un discours très personnel. Mais au milieu... j'ai glissé un texte de Triad GPT pour faire un test sur un sujet entre le luxe et la RSE, qui est un peu le sujet bateau du moment. Donc, je me suis dit, voilà, ça va me sortir plein de trucs. Et donc, à la fin de mon petit discours, j'ai demandé à l'audience, donc plus de 600 ou 700 personnes, s'ils étaient d'accord avec ce que je disais, s'ils étaient d'accord qu'ils lèvent la main. Ils ont quasiment tous levé la main. Et là, je leur ai dit, écoutez, ce n'est pas moi qui le dis, c'est Triad GPT. Et donc, c'est quand même important de se rendre compte que... Il faut quand même glisser des choses un peu personnelles dans les messages qu'on véhicule parce que je pense qu'il y a un risque à devenir assez moyennisant et assez impersonnel. Mais c'était assez étonnant de voir la véracité et l'authenticité des paroles qui sont sorties dans le discours.

  • Speaker #0

    Bien sûr,

  • Speaker #1

    c'est un outil hyper... Je me suis laissé très impressionné.

  • Speaker #0

    Pareil, des fois, je les utilise et je suis hyper étonné. De toute façon, c'est un outil qui arrive. Et de toute façon, si tu ne l'utilises pas, c'est ton concurrent qui va l'utiliser.

  • Speaker #1

    Oui, puis alors moi, je fais partie. J'ai des enfants qui m'aident beaucoup aussi à rester en de top, on va dire. Mais je trouve que c'est important de comprendre comment la nouvelle génération va travailler, va penser. Tu parlais de fidélité dans une même maison. Voilà, ces comportements d'un jeune collaborateur. Et je pense que CLGPT est beaucoup plus présent chez nos jeunes collaborateurs que sur ma génération. Mais on a besoin de le comprendre. Si on ne comprend pas, demain, on va être déconnectés, en fait. Et ce sont, un, nos talents de demain et deux, nos dirigeants de demain. Donc, il faut qu'on accompagne aussi cette transition.

  • Speaker #0

    Tu parlais de RSE. On sait aujourd'hui qu'il y a une urgence climatique qui va au-delà du monde de l'entreprise. Et pour moi, qui nécessite un peu une mobilisation de toutes les forces, que ce soit les citoyens, les entreprises, les politiques, les associations, etc. Est-ce que tu penses que... Alors, le luxe, c'est plutôt une industrie. Ça ne veut pas dire que le luxe gagne tout le temps énormément d'argent et que tout est très facile, mais c'est plutôt une industrie rentable. Est-ce que tu penses que cette industrie a un rôle... sociétal peut-être plus important ? Un rôle déjà peut-être plus important que d'autres industries ?

  • Speaker #1

    Je pense que l'industrie étant visible et très contributrice à l'économie du pays, par définition, elle a un rôle d'exemplarité. Et elle a un rôle assez, effectivement, sociétal. Et dans le sociétal, je mets le R, le S et le E. Et je pense que les grands acteurs de l'industrie du luxe aujourd'hui sont extrêmement engagés sur le sujet. Il faut éviter de tomber dans l'écueil, de se dire c'est celui qui publie le plus sur LinkedIn qui fait le plus d'actions. Je pense que pour bien parler du sujet, il faut lire les rapports dédiés des différentes maisons ou des différents groupes. On a des très bons exemples avec LVMH, Kering et Hermès. Je pense que toutes les, et Chanel, je ne pourrais pas ne pas citer certains d'entre eux, mais tous les acteurs importants de l'industrie sont extrêmement engagés, en accéléré j'ai envie de dire, très actifs sur le sujet. Et oui, je pense qu'ils sont assez puissants dans leur capacité à faire changer les choses dans notre domaine. On ne peut pas non plus intervenir dans tous les domaines, mais dans le domaine que l'on maîtrise. Et je crois que c'est important de rester dans ce qu'on sait faire et dans ce qu'on maîtrise. Les dernières années ont été extrêmement structurantes et je trouve très exemplaires.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux nous donner quelques exemples, par exemple, de la maison Fred ?

  • Speaker #1

    Alors, dans la maison Fred, on a été assez exemplaires sur la construction des boutiques. On a remplacé depuis assez longtemps tous nos éclairages. L'éclairage en joaillerie est très important parce que, évidemment, si le diamant est bien éclairé, on y voit toutes les facettes et on voit la pureté de la pierre. Donc, tous nos éclairages sont passés en LED depuis hyper longtemps. On a remplacé les boîtes dans lesquelles on livre les produits via le e-commerce. par des boîtes construites de façon très éco-responsable. On a été la première marque, je crois, sauf erreur, de joaillerie du groupe, en tous les cas, à faire un affichage publicitaire sur du papier entièrement recyclé et éco-responsable. Donc voilà, ça va dans tous les domaines. C'est la publicité, c'est nos catalogues. On est hyper digitaux. Un exemple très basique qui est venu d'une impulsion personnelle. Moi, j'ai demandé à ce que toutes les cartes de visite de nos vendeurs ne soient plus imprimées, mais soient remplacées par une carte de visite digitale avec un QR code. Ça paraît bête, mais quand on a 300 vendeurs dans le monde, c'est le cas sur l'Europe, ce n'est pas encore le cas dans tout le monde entier, mais ça fait plus d'un an et demi, presque deux ans aujourd'hui, que nos vendeurs n'ont plus de carte de visite imprimée, mais n'ont qu'une carte digitale. Mais on ne peut pas imaginer l'économie d'impression qu'on a faite. Sans parler de l'aspect financier, mais il suffit de changer le numéro de téléphone ou la personne part. Dans le retail, on a un turnover. Donc, vous avez X% de turnover, vous accueillez des nouveaux vendeurs. À chaque fois, c'est de l'impression qu'il ne servait pas à grand-chose ou en tout cas qui me semblait un peu dépassé. Aujourd'hui, vous avez un QR code qui est généré en deux minutes. En plus, les clients adorent. Et par ailleurs, la carte de visite va directement dans l'annuaire du client. Là où quand vous aviez une carte de visite, vous pouviez la perdre. Il était peu fréquent quand même que le client intègre le vendeur dans son annuaire personnel. Donc, pour de multiples raisons, c'est tellement plus efficace. Et en plus, c'est co-responsable.

  • Speaker #0

    C'est marrant que tu prennes l'exemple de la carte de visite, parce qu'en tant qu'entrepreneur, aussi, quand tu commandes des cartes de visite, c'est typiquement le truc qui est vendu par 200, 300, 500, où tu as une incitation à en acheter beaucoup plus. Ça coûte beaucoup moins cher, marginalement. Et finalement, tu en jettes 80% généralement.

  • Speaker #1

    Exactement. Donc voilà, il y a plein de petites choses. Et moi, je fais partie des gens qui sont convaincus que l'effort collectif, c'est une somme d'efforts individuels. Donc tout le monde peut contribuer. Tout le monde peut avoir sa petite idée. Chaque idée est bonne. Et le tout, c'est de continuer à montrer l'exemple. Et on parlait des sphères personnelles, mais que chacun dans notre sphère personnelle, on arrive à montrer l'exemple.

  • Speaker #0

    Tu nous parles du colibri là.

  • Speaker #1

    Mais voilà, exactement. Non, mais je suis tellement convaincue par ça. Et on a commencé off the microphone une discussion sur la philanthropie. la philanthropie, c'est chacun qui le décide. On peut tous faire quelque chose à notre niveau et on n'est pas obligé de donner des milliers des cents. Mais si déjà chaque année, on donne un petit peu à quelque chose, une cause qui nous parle, ça fait une différence.

  • Speaker #0

    Et ce n'est pas pour faire ma pub, mais par exemple sur Les Sages, la majorité des podcasts vivent par la générosité. Et moi, c'est ce que je dis, si chacun donnait un euro, à mon avis, tous les podcasts seraient rentables.

  • Speaker #1

    Un euro, ce n'est pas douloureux. Tout le monde peut donner un euro. En tout cas, dans la sphère dans laquelle on évolue, je pense que tout le monde peut donner un euro. Et je pense que c'est hyper important, effectivement, d'avoir cette dynamique de ce que j'appelle le bol de riz. Le bol de riz, c'est grain par grain. Et on ne finit pas un bol de riz en l'avalant en une fois.

  • Speaker #0

    Pour finir ce chapitre de ta vie chez Fred, si je croisais tes équipes, qu'est-ce qu'à ton avis, si je leur demandais de te décrire en quelques adjectifs, je te décrirais comment ?

  • Speaker #1

    Alors écoute, ce qui est sûr, c'est qu'il y a au moins quelqu'un qui dirait hyper dynamique, hyper active. Je pense que c'est quelque chose qui me caractérise. Très optimiste et gay. Ce sont des valeurs très fortes aussi au sein de la maison et c'est pour ça que j'ai senti un alignement, je pense, assez naturel. Fred Chanuel, je le disais tout à l'heure, était quelqu'un de très gay, qui portait la joie. Et pour moi, c'était important d'être aligné sur cette valeur-là. Exigeante, exigeante, pouvant dire pas dure, mais exigeante. Donc oui, ça ne rigole pas tous les jours non plus. C'est-à-dire que cette exigence que je m'applique à moi-même avant tout, évidemment, j'essaye de l'appliquer auprès de mes équipes qui, pour certains, prennent le train en marche et peuvent grandir rapidement. Pour d'autres, peut-être, restent un peu sur le quai. Donc, ce n'est pas toujours facile. Donc, ça peut être un peu segmentant. Donc, je pense, assez segmentante. Après, qu'est-ce qu'ils pourraient dire d'autre ? Drôle. Moi, j'utilise beaucoup l'humour. Je pense que c'est quelque chose d'important dans ma vie au quotidien et qui fait partie de mon univers. Voilà, j'aime ça et je trouve que de réussir à maîtriser le premier degré pour aller sur le second, c'est quand même assez sympa. Et puis, dans des instances où il y a souvent un ton un petit peu difficile Et parfois, des négociations un peu ardues, je pense que l'humour aide à sortir de beaucoup de situations.

  • Speaker #0

    Bien sûr, ça permet de détendre et parfois de passer des messages. L'épisode 5 des Sages, on a eu la chance de recevoir François Hollande, qui est un président de la République, qui est connu justement pour son humour.

  • Speaker #1

    Complètement, je n'ai pas eu la chance de le rencontrer, mais effectivement, sa réputation le précède sur sa capacité à gérer beaucoup d'humour.

  • Speaker #0

    Et il nous a dit que c'était pour lui, un jeu de mémoire autant agréable que finalement un outil pour résoudre des situations, comme tu évoquais.

  • Speaker #1

    Et je pense par ailleurs que l'humour était vraiment une espèce de gymnastique intellectuelle intéressante, parce que comme je disais, il faut maîtriser le premier degré pour passer au second. Donc ça veut dire qu'il faut systématiquement aller un coup d'avance et savoir comment est-ce qu'on pourra déstabiliser de façon sympathique la personne en face.

  • Speaker #0

    Écoute, tu me fais une super passerelle, Natacha. On va parler plus de ta manière, de la partie personnelle. Et tu parles de sympathie. Et justement, j'ai une personne qui a souhaité... Faire passer un message justement lors de ce podcast que je vais te lire du coup. Donc c'est... et un altruisme indéniable. Donc, cette personne, c'est Angélique Gérard, qu'on a eu la chance d'accueillir dans les sages lors du premier épisode. Et donc, sa question, c'est Natacha, ton parcours dans l'univers de luxe est impressionnant. Comment arrives-tu dans un monde où la paillette a souvent la part belle pour préserver tes valeurs, ta profondeur, en somme, rester celle que tu es ? Question pas facile.

  • Speaker #1

    Déjà, merci Angélique pour ces mots qui me touchent énormément. Je pense que tout réside dans l'éducation. Moi, j'ai reçu une éducation qui m'a construite avec des parents, je le disais tout à l'heure, très aimants. Des parents qui ont une belle réussite sociale, parce que des parents médecins, spécialistes, mais qui sont issus d'une famille extrêmement modeste, immigrée, comme on le disait en introduction, et qui nous ont élevé, mon frère et moi-même, toujours avec ces valeurs du sens du travail, du sens de l'effort. On a grandi dans un milieu hyper privilégié, j'ai été extrêmement gâtée. Mais je savais que j'avais cette chance, c'est-à-dire que rien n'était dû et le respect de l'autre et le respect du travail étaient quelque chose d'extrêmement structurant et important pour nous. Donc très vite, je pense que j'ai su décoder le fait que dans l'univers du luxe, il y a cette émotion forte, il y a le rêve, mais ce n'est pas la vraie vie. Pour moi, la vraie vie, c'est ce qui se passe quand vous rentrez chez vous, c'est ce qui se passe quand vous observez ce qui se passe autour de vous. et qu'on est là pour vendre des produits exceptionnels à des clients exceptionnels, mais que ce n'est pas forcément notre quotidien. Donc ce côté paillettes, on va dire apparence, parce que c'est vrai que ça participe beaucoup à l'apparence, le luxe, n'est pas incompatible avec qui on est intrinsèquement. Et ce qui m'aide à tenir au-delà de cette éducation, donc il y a mes valeurs, le fait que je n'ai jamais été pervertie en me disant je vais rouler dans une belle voiture et je vais aller dans des restaurants hyper chers et je ne vais avoir que des produits de luxe. C'est ensuite mes racines et ma famille. Je suis mère de deux enfants, j'ai vécu presque 20 ans avec mon ex-mari, donc quand bien même ça s'est soldé par un divorce, on a quand même une magnifique vie commune. Et on a, je pense, partagé ces valeurs qui sont que quand vous avez un enfant malade, vous avez beau avoir un super job, votre enfant il est malade en fait. Donc ça ne change rien à la vie, on est face à la maladie, ou face aux petits éléments du quotidien, aux petits problèmes du quotidien, on doit tous réagir. Et ce que j'essaye de transmettre à mes enfants comme valeur sont celles que moi j'ai reçues. Et du coup, de plutôt animer sur rien n'arrive par hasard. Selon moi, les gens qui me disent on a de la chance, je ne crois pas trop à la chance. Moi, j'ai eu, entre guillemets, je suis née dans une famille, je suis bien née. Mais pour autant, j'ai passé sept ans dans les hôpitaux. Donc, est-ce que c'est une chance ? Je n'en sais rien. Par contre, savoir saisir les opportunités et savoir se dire que si on se donne les moyens, et d'où le lien avec l'ambition. L'ambition, elle peut ne pas être professionnelle, on peut être ambitieux dans plein d'autres domaines, mais se donner les moyens de faire ce qu'on a envie de faire et de trouver son épanouissement, ce sont les valeurs fortes qui, pour moi, sont importantes. Pour moi, pour mes enfants, et que j'essaie de transmettre. Et je pense que cette... Cet ancrage, quelque part, ça évite toute perversion d'un côté un petit peu superficiel. Le luxe, par définition, personne n'a besoin d'un produit de luxe pour vivre. Par contre, comprendre qu'on peut provoquer du plaisir et de l'émotion en contribuant à cette industrie du luxe, c'est quelque chose qui me nourrit. Ça ne veut pas dire que je vais vivre dans un univers du luxe. Donc, il y a souvent cette association. Et en plus, comme je suis un peu élégante et que je travaille dans un milieu où... l'apparence est importante et elle est importante pour moi à titre personnel. Il y a souvent cette première lecture où les gens me catégorisent tout de suite en se disant Ok, c'est cette nana du luxe là. Pour qui elle se prend ? Elle est perché. Pour qui elle se prend ? Elle est hyper hautaine. Et quelque part, ça ne me dérange pas vraiment. Ceux qui vont aller voir un petit peu plus loin, tant mieux parce que je me dis que je leur aurais donné envie d'aller découvrir un petit peu plus ce que je suis intrinsèquement. Et ceux qui s'arrêtent à ça, fine. On n'est pas obligés d'être amis avec tout le monde et on n'est pas obligés de... de satisfaire tout le monde. Ça revient à ce que je disais tout à l'heure. Il faut savoir choisir un petit peu ses combats. Et j'ai la chance d'avoir beaucoup d'amis. En tout cas, pour moi, la relation sociale et la relation amicale est hyper importante. Eh bien, mes amis, ce sont ceux à qui j'ai ouvert cette porte ou qui sont venus aller gratter à la porte et qui ont découvert qui j'étais vraiment en tant que personne et pas qui je suis par ma carte de visite ou par ce que je représente. Soyons clairs, il y a des gens qui m'approchent parce que je bosse dans le groupe LVMH et que je peux avoir des prix sur les produits, des stages, les soldes privés. Je suis très consciente de ça, mais je pense que du haut de mes 51 ans, j'arrive à bien détecter la sincérité du regard ou pas. Et donc, cet ancrage est hyper important et plus j'avance en âge, malgré tout, plus ça devient prégnant. C'est-à-dire que je vais m'entourer de personnes qui me comprennent.

  • Speaker #0

    Et encore une fois, on ne se connaît que très peu, mais le peu, moi, j'ai trouvé juste une personne qu'on connaissait en commun, qui s'appelle Léa Philippot, que je salue ici. Et en fait, la relation que tu as avec Léa, c'est du don, je crois, c'est que tu l'aides en tant que jeune entrepreneuse.

  • Speaker #1

    Effectivement, moi, j'aime beaucoup passer du temps et en tout cas, le give back, comme on dit en anglais, aider des jeunes ou moins jeunes, d'ailleurs, personnes. Mais ça vient probablement aussi du côté très altruiste de mon père, qui a toujours été... Un bon samaritain. Et puis, c'est important pour moi de... Enfin, je suis quelqu'un qui est vraiment dans le partage. Et donc, passer du temps pour écouter, peut-être partager un petit peu mon expérience et répondre en tout cas à des sollicitations, ça me semble une évidence en fait. Et j'aime bien faire plaisir. Ce qui peut être une limite, parce que quand on veut faire plaisir un peu à tout le monde, on s'oublie un peu soi-même. Et ça, c'est vrai que j'ai un peu plus de mal. à m'accorder moi des moments pour moi parce que j'aime beaucoup passer du temps avec les autres. J'ai du mal à dire non aux gens qui me sollicitent. Donc, je suis un peu obligée de trier parce qu'on n'a pas le temps de tout faire. Mais je prends beaucoup, beaucoup de plaisir à aider. C'est un mot quand même assez beau, aider. Et généralement, les gens que j'arrive à aider me le rendent très, très bien. Et je pense que dans le mentorat ou dans le don de soi, égoïstement, on récolte beaucoup, beaucoup pour soi. Je suis marraine d'un programme de mentorat animé par l'ESSEC. Et dans la première étape, je dis toujours à la personne qu'on mentor que, égoïstement, c'est moi qui en retire généralement le plus de profit parce qu'on apprend beaucoup, beaucoup des autres.

  • Speaker #0

    Bien sûr, et ça me fait penser, moi j'accompagne...... certains jeunes entrepreneurs, moi, je suis aussi encore un jeune entrepreneur, mais quand des fois, ils n'osent pas justement aller taper à la porte de patron, je leur dis, mais attendez, vous allez sûrement leur apporter autant que lui ou elle va vous apporter parce que vous avez, vous êtes du sud d'une autre génération, donc vous avez peut-être des connaissances qui sont différentes, etc. Donc, c'est un échange finalement.

  • Speaker #1

    Oui, et puis je pense que c'est une preuve d'humilité aussi de se dire, moi, je suis persuadée qu'on apprend de tous et on apprend surtout à tout âge. Pour parler de sagesse, on dit souvent que les personnes plus âgées sont les plus sages. Mais moi, je pense qu'on apprend vraiment à tout âge et que j'ai ce sentiment de... J'ai besoin d'être nourrie par ma curiosité, d'être toujours nourrie. Donc oui, aller s'ouvrir aux autres et partager est vraiment essentiel pour moi.

  • Speaker #0

    Si on revient sur quelque chose qui est important pour toi, c'est l'égalité homme-femme et en entreprise notamment, qui est peut-être plus de dirigeante sur des postes de direction.

  • Speaker #1

    Moi, je ne comprends pas comment 52% de la population n'est pas représentée de façon équitable dans le haut des strates dirigeantes des entreprises.

  • Speaker #0

    52%,

  • Speaker #1

    c'est le nombre de postages de femmes. Normalement, on devrait avoir... aller à minima 50% de femmes dirigeantes à tout niveau, dans le monde politique, dans le monde de l'entreprise, dans toutes les strates. Normalement, s'il y a cette équité ou en tout cas ce ratio à la base, on devrait le retrouver. Il y a quand même des explications qui sont que l'accès à l'éducation des femmes est arrivé plus tardivement. Aujourd'hui, en France, tout le monde va à l'école et depuis longtemps, mais le droit de vote des femmes n'est pas si ancien. Il y a le fait que les femmes s'autocensurent beaucoup plus que les hommes. Donc, il y a une histoire quand même de posture, de confiance en soi, de syndrome de l'imposteur. Il y a plein de choses, mais on doit accélérer absolument ce process. Il n'y a pas de raison. Et au-delà du fait un peu dogmatique de cet équilibre homme-femme, il y a le fait que la richesse, on vient de le dire, vient de l'échange. Donc, les hommes et les femmes peuvent discuter avec des points de vue différents, au même titre que les cultures, la richesse culturelle doit être mise en avant au sein de l'entreprise. la différence aussi générationnelle. Moi, je trouve hyper intéressant de discuter avec des jeunes qui ne pensent pas du tout, qui n'ont pas les mêmes réflexes de penser que moi, qui n'ont pas les mêmes drivers, qui n'ont pas les mêmes moyens de communication. Donc, cette diversité totale doit être présente au sein de l'entreprise en particulier. Et je crois fondamentalement, même si nos cerveaux, je crois que scientifiquement, sont faits de la même façon, si je ne m'abuse, mais je pense qu'on a une... Les hommes et les femmes réagissent différemment à la prise de décision et il y a tout un contexte un peu émotionnel qui s'inscrit et qu'on a tout intérêt à confronter ces deux points de vue pour faire en sorte qu'au sein de l'entreprise, on puisse avoir une certaine objectivité et puis partager encore une fois la façon de voir les choses. Et les entreprises qui le font d'ailleurs sont généralement plus successfulles, plus efficaces et ça fonctionne très bien. J'ai vraiment du mal à comprendre pourquoi ça prend autant de temps. Encore une fois, il y a quand même une histoire d'éducation, de diplômes, d'accès aux grandes écoles. Si on regarde les femmes ingénieurs, il y a un manque énorme de femmes ingénieurs, parce que quand bien même elles sont premières de la classe en terminale, malheureusement, beaucoup s'autocensurent avant d'aller en classe prépa. Puis les quelques-unes qui vont en classe prépa, elles se retrouvent 10% ou 15% de la population pas super heureuse, parce qu'il y a quand même 85% autres qui mettent un petit peu de pression. Donc, il y a des éléments sociétaux. Et il y a pas mal de choses qui sont faites depuis quelques années maintenant, en accéléré pour rééquilibrer un petit peu tout ça. Donc je supporte pas rôle de cette parité. D'ailleurs, je parle de parité et pas forcément de féminisme, parce que le sens inverse est très dramatique. Je ne suis pas là pour collier 80% de femmes dans les comités de direction des entreprises. En revanche, l'aspect paritaire me semble tout simplement normal, naturel. Mais comme il y a un déficit à la base, on est obligé d'en parler beaucoup. d'accélérer les process et de mettre vraiment le curseur sur cet élément-là pour rééquilibrer assez rapidement la donne.

  • Speaker #0

    Et je crois, tu me dis si je me trompe, mais sur les grands groupes ou les groupes cotés, il n'y a pas la loi Zim...

  • Speaker #1

    Copé-Zimaman, qui a maintenant plus de 10 ans. C'est une loi qui a imposé dans toutes les sociétés du CAC 40 un pourcentage de femmes dans les conseils d'administration. Donc... hyper structurante comme loi qui a permis d'accélérer énormément cette parité dans les conseils d'administration. Or, le seul biais, entre guillemets, enfin qui n'est pas un biais, mais le point sur lequel on essaie de travailler plus à présent, c'est de passer du conseil d'administration qui est une instance de surveillance et pas une instance décisionnaire opérationnelle, au comité de direction et comité exécutif. Et là, il y a une deuxième loi qui a été promulguée en 2021, si je ne m'abuse, qui est la loi Rixin, initiée par la députée Marie-Pierre Rixin. qui, elle, a mis en place cette loi, met en place des quotas de femmes dans les comités de direction et dans les comités exécutifs à horizon d'ici à peu près 5 ans. Et ça, c'est hyper important parce qu'un conseil d'administration, c'est une très bonne chose, mais c'est une instance, encore une fois, de gouvernance et de surveillance. Ce n'est pas l'entité qui dirige l'entreprise. Le comité de direction et le comité exécutif sont les entités qui dirigent l'entreprise. Et là, on est plus dans quelque chose d'opérationnel. Et c'est en train d'être mis en place, puisque la loi a deux échéances, a deux dates différentes, et est en train d'être appliquée. Et puis, une fois qu'on a discuté du CAC 40, des plus grosses entreprises, il y a ensuite le SB 120, qui est la deuxième entité des maisons cotées. Et puis après, il y a tout le reste.

  • Speaker #0

    C'est ce que je voulais te demander, parce que le tissu économique français, en nombre, il est essentiellement composé de PME, de TI. Est-ce que... Alors, je ne suis pas sûr que dans les... toutes les PME et les ETI. Alors, les ETI, je pense qu'il y a des comités de direction, mais toutes les PME, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il faut commencer par quelque chose et c'est vrai qu'on commence par les plus grosses entités pour donner l'exemple aussi. Mais après, il y a des secteurs sur lesquels, effectivement, les choses doivent s'accélérer. J'ai parlé tout à l'heure du secteur de la tech parce qu'on sait qu'on manque drastiquement de femmes ingénieurs. Or, il n'y a pas de raison qu'il n'y ait pas de femmes ingénieurs dans les 5, 10, 15, 20 années qui vont venir. Donc, que ce soit des petites structures ou des grosses structures, il y a des pans entiers de l'industrie sur lesquels on peut avoir des opportunités énormes pour développer la parité. Et il y a des métiers qui, il y a quelques années, étaient assez physiques. Donc, on pouvait comprendre que ce soit plus des hommes parce que des métiers ouvriers où il fallait porter des charges importantes, etc. Mais la modernisation fait qu'il y a de moins en moins de métiers qui sont bloquants pour les femmes d'un point de vue physique. Donc là aussi, il faut sortir des a priori. il y a 50 ou 60 ans, et beaucoup de métiers ont été motorisés, automatisés, on parlait de l'IA et donc optimisés, et derrière, il n'y a pas de raison qu'il y ait moins de femmes.

  • Speaker #0

    Si on parle de mettre en avant, de récompenser les femmes, je crois que récemment, il y a quelques semaines ou quelques jours, tu as été nommée chevalière de l'ordre du mérite. Qu'est-ce que ça signifie ? Comment on devient ? Moi aussi, j'ai l'ambition de devenir chevalier de l'ordre du mérite. Comment on devient et qu'est-ce que ça signifie pour toi ?

  • Speaker #1

    Ça signifie beaucoup, c'est une magnifique reconnaissance pour moi. Donc effectivement, il y a deux promotions civiles pour recevoir l'Ordre national du mérite, une qui est autour de mai-juin et une autre qui est aux alentours du mois de novembre, me semble-t-il. Et donc, j'ai eu la chance de découvrir dans le décret du 9 juin dernier, donc il y a quelques semaines, que je faisais partie de cette promotion, de cette promotion civile.

  • Speaker #0

    Tu n'étais pas au courant ?

  • Speaker #1

    Alors ? En fait, tu es identifié par une personne. Suite à ça, j'étais au courant dans le sens où il y a trois ans, j'avais été identifié par Elisabeth Moreno, qui était la ministre de la Parité de l'époque, aux côtés desquelles j'ai eu la chance de travailler au sein d'un conseil un peu consultatif qu'elle avait constitué à ses côtés. Et donc, on te demande à ce moment-là de... Il y a une petite enquête qui est faite sur toi. Et donc, j'avais eu écho... d'une personne du service des décorations qui m'avait contactée pour avoir des informations me concernant. Mais ça, c'était en juin 2021. Et puis, suite à ça, tu remplis un petit dossier et il se passe quelque chose ou pas. Pour moi, il ne s'était pas passé grand-chose. Et puis, quand ça a été publié au journal officiel, trois ans après, ce qui peut être un peu long, trois ans dans une vie, Non, tu ne le sais pas. C'est-à-dire que quand le journal officiel sort, il n'y a pas quelqu'un qui t'appelle en te disant By the way, ton nom est dans le journal officiel Donc moi, je l'ai appris complètement par hasard. L'histoire est assez cocasse, l'anecdote est assez cocasse. J'étais à Roland-Garros. On est très des sponsors, en tout cas des partenaires de Roland-Garros. Donc on a eu la chance de participer à la finale avec un certain nombre de clients. J'étais assise dans les tribunes avec des clients autour de moi et je reçois un SMS d'un ami qui me dit très gentiment Le bleu te va très bien, félicitations Et là, je portais ce jour-là une veste en jean, donc bleue, et je me dis, c'est hyper sympa, il me fait un petit compliment vestimentaire. Et donc je réponds en lui disant, mais où es-tu dans les gradins ? Puisque donc, je pensais qu'il n'était pas très loin de moi ou qu'il me voyait sur un écran ou autre. Et il me répond, mais pas du tout, tu viens d'être nommé par le Premier ministre dans le journal officiel de vendredi, donc on était dimanche, pour recevoir l'Ordre national du mérite. Donc c'était quand même assez étonnant et ça arrive, je crois, très souvent. de le découvrir un peu par hasard. Et donc moi, trois ans après cette première identification. Pour être très honnête, il faut dix ans de service. Donc il faut avoir travaillé pendant dix ans dans sa vie professionnelle, donc entre guillemets avoir des bulletins de salaire pendant dix ans. Et après, il faut avoir fait des actions reconnues comme méritantes ou en tout cas avoir participé par des engagements à quelque chose qui soit reconnu, à des causes qui soient reconnues par la République. Donc cette magnifique reconnaissance, moi, vient honorer mon engagement justement pour la place des femmes, qui est un engagement de longue date me concernant et sur lequel je suis. extrêmement sincère en tout cas et active de façon totalement bénévole. Tout ce que je fais est complètement bénévole, c'est-à-dire que je ne fais pas partie de structures payantes ou autres. C'est du temps que je passe et c'est de l'engagement, on va dire, solidaire et bénévole. Après, pour être très honnête, et je n'ai aucun scrupule à le dire, moi je l'ai demandé. C'est-à-dire qu'à un moment donné, j'ai exprimé le fait que c'était quelque chose qui pour moi, symboliquement, serait important. Et alors, il y a mon égo. soyons très clairs, ça vient flatter mon égo et je pense que ça me reconfortait dans quelque chose d'important pour moi mais c'est surtout une reconnaissance pour mes parents et mes grands-parents, on a parlé de mes grands-parents tout à l'heure, qui sont arrivés en France qui ne parlaient pas français, qui n'avaient rien, qui ont fui le pays dont ils venaient et ils n'avaient pas demandé à fuir ce pays et ça c'était très important pour moi de me dire que la République pouvait reconnaître quelque chose en ma personne et je me dis que mes grands-parents ou qu'ils soient ils vont être super super fiers et Ça me remplit d'émotions et de joie. Et puis après, il y a l'exemple pour mes enfants, parce qu'on parlait des valeurs du travail et de la persévérance. Et rien n'est gratuit quelque part. Les choses viennent parce que vous avez donné de vous-même. Et c'est pour ça que j'insiste sur le côté bénévole. Moi, je passe et je passerai toujours du temps à donner des conseils, à encadrer, à mentorer, à manifester, à aider, à répondre à des sollicitations. Parce que je trouve que cette... Ce temps passé, il est méritant. Et le fait que la République ait une reconnaissance pour ça, je trouve ça absolument magique. Et je me dis que ça donne quand même un exemple à mes enfants qui, j'espère, les orientera de la meilleure façon possible dans leur vie future. Et donc, je suis super fière. Je suis super fière, mais je me suis aussi, entre guillemets, débattue. En tout cas, j'ai exprimé le fait que c'était important pour moi. Évidemment, il y a les actions derrière.

  • Speaker #0

    dans ton parcours Natacha est-ce qu'il y a des personnes en particulier qui t'ont inspiré ou qui t'inspirent encore aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ah ben il y en a plein alors je pense que j'ai besoin de personnes qui m'inspirent il y a évidemment les figures familiales je pense que les parcours de mes grands-parents la pugnacité, la tenacité de mes parents ce sont des gens qui m'inspirent ça paraît bateau mais je pense que j'ai la chance d'avoir cette famille hyper aimante et inspirante J'ai eu des mentors professionnels aussi. Mon premier patron, vrai grand patron chez Sephora, c'est la personne qui m'a prise dans ses bagages quand je suis partie chez Louis Vuitton. Je l'ai rejoint ensuite chez Christian Dior. C'est quelqu'un qui s'appelle Serge Brunswick et qui a cru en moi alors que je n'étais personne. Enfin, je démarrais tout le bus dans ma vie professionnelle et je pense qu'il a vu en moi une personne authentique et une personne avec du potentiel. Et je pense que c'est... Hyper important de pouvoir croiser dans sa vie des gens qui vous donnent votre chance. Dans la vie professionnelle, il y a plein d'autres personnes qui m'ont inspirée, mais entre autres, je me souviens d'un patron qui m'a fait faire mon premier 360. Un 360, c'est une évaluation de feedback. Vous êtes évalué par vos supérieurs, mais aussi par vos collaborateurs. Donc généralement, quand on est bon élève comme moi, votre boss, il vous aime beaucoup parce que vous faites bien le travail. Mais vous pouvez être peut-être un peu dur avec l'équipe. Et ce manager m'avait fait faire ce 360 et je me suis rendu compte. Assez jeune dans ma vie de manager, que je faisais super bien mon boulot, mais que j'écrasais un petit peu mes collaborateurs. Et donc ça, ça a été très important dans ma vie professionnelle. J'ai compris que j'étais là plus pour mes équipes plutôt que de satisfaire seulement mon patron. Et puis après, il y a des figures emblématiques. On a parlé il y a quelques moments de Marie-Pierre Rixin. J'ai eu la chance de la rencontrer. C'est une femme incroyable. C'est une femme qui a été députée jusqu'à la dissolution il y a quelques jours, mais qui se bat sur le terrain. Et qui est vraiment animée par une vraie sincérité, qui fait les choses pour faire avancer le pays, en fait. Qui donne de son temps, beaucoup autour d'elle. Et qui est extrêmement passionnée, intelligente, engagée, authentique. Donc voilà, c'est une femme pour moi très, très, très inspirante. Et puis après, il y a des figures... emblématique dans le programme de mentorat dont j'ai la chance d'être marraine on donne un nom de promo et cette année donc en 2023 2024 j'ai donné le nom de la promo à le nom de promo en reprenant le nom de Simone Veil. Pour moi, c'est difficile de faire une interview sans parler de Simone Veil. Elle incarne un exemple extraordinaire, toutes les causes et les valeurs qui me sont chères. Et puis, elle a évidemment un passé qui rejoint beaucoup celui de ma famille. Elle a vécu les camps d'extermination, elle incarne cette résilience, cette intelligence, ce courage, parce que... Parce que se mettre devant, enfin être une femme politique à son époque, il fallait être extrêmement courageux. Et puis, elle a pris des positions extrêmement fermes. Que ce soit évidemment pour l'IVG, ma mère étant gynécologue, c'est quelque chose qui était très important pour moi aussi. Que ce soit pour aider les femmes dans les prisons algériennes, que ce soit... Enfin voilà, c'est bon évidemment pour l'Europe. Donc, ça peut paraître bateau aussi, mais au risque d'être bateau, je veux bien conclure avec elle. Ça me va bien.

  • Speaker #0

    Et je pense que, si je peux me permettre, on pourrait peut-être ajouter, parce que je sais que c'est quelqu'un qui, je ne sais pas si qui t'a inspiré, mais qui t'a touché, un monsieur qui s'appelle Olivier Goua.

  • Speaker #1

    Évidemment, je pense que c'est sa réaction et sa façon de réagir contre la maladie. Je pense que quand on est touché par une maladie dont on sait qu'elle aura le dernier mot, c'est... C'est quelque chose qui, évidemment, change une vie. Et d'avoir ce don de soi pour se dire que les derniers moments de sa présence avec nous sont dédiés à faire parler de cette maladie, à faire en sorte que les gens se mobilisent pour la recherche, parce que c'est bien de faire des choses sur LinkedIn, etc. Mais il faut surtout donner des sous pour aider la recherche. Et cette capacité qu'il a à faire face, moi, je suis... Je ne peux même pas dire admirative. Je ne peux pas. Oui, boule bée et je pense que c'est extraordinaire d'avoir des gens comme ça et d'avoir la capacité à communiquer aussi ça. Parce que je pense qu'il y a beaucoup de gens extraordinaires qui font face à des épreuves terribles. Mais d'utiliser cette visibilité qu'il s'est donnée lui-même aujourd'hui pour faire avancer le sujet et d'accepter malgré tout que le monde entier le voit se diminuer. Mais pour cette cause-là, je trouve ça absolument extraordinaire. Et j'ai évidemment vu le film Invincibillité et je trouve qu'il a une espèce de sérénité que beaucoup d'entre nous n'avons pas alors que nous sommes pleinement vivants, en pleine forme et que nous avons la vie devant nous. C'est pour moi une leçon de vie et je pense qu'il y a beaucoup d'Olivier Gouin un peu partout, mais qu'il est le porte-parole de cette résilience et de cette capacité à rester optimiste et à rester engagé et surtout à faire. J'ai un jour un patron qui m'a dit quelque chose de très intéressant. Il m'a dit, connais-tu la différence entre dire et faire ? Eh bien, c'est faire. Et je trouve que c'est très vrai.

  • Speaker #0

    Je l'avais tellement entendu.

  • Speaker #1

    Elle est quand même très simple, mais assez impactante.

  • Speaker #0

    Et pour les auditeurs qui nous écoutent, Olivier Gouas, c'est le fondateur de October, anciennement Lendix, et surtout un monsieur qui malheureusement est atteint de la maladie de Charcot depuis un peu plus de trois ans et qui se bat becs et ongles. finalement pas pour lui parce que lui malheureusement ne bénéficiera pas d'un traitement potentiel sur la maladie de Charcot mais pour les autres et donc il est sur la saison 1 des sages Natacha on arrive au bout de cette interview est-ce que tu as quelques conseils à donner à des jeunes qui veulent globalement entreprendre leur vie

  • Speaker #1

    C'est difficile de donner des conseils sur la vie. Ce que je trouve essentiel, c'est quand même de privilégier son alignement. Moi, c'est un mot que j'aime beaucoup. Je pense qu'il faut être heureux, il faut être libre et il faut être soi-même. Angélique citait dans son petit mot mon cheveu sur la langue. C'est une anecdote, mais oui, j'ai un cheveu sur la langue, tout le monde va l'entendre aujourd'hui. Tout le monde me dit c'est trop mignon, c'est cool, c'est charmant, tout ce que tu veux. Bon, ça s'appelle un défaut de prononciation. Par définition, quand on dit défaut, ce n'est pas forcément un super atout, mais c'est qui je suis. Et quand j'étais enfant, ma mère a évidemment essayé de me faire corriger ce défaut de prononciation à travers un orthophoniste. Et assez rapidement, je me suis dit, c'est qui je suis et ce n'est pas grave. Donc cet alignement pour faire revenir à... en dehors de la digression il faut je pense que le conseil que je donnerais c'est d'assumer qui on est de trouver qui on a envie d'être parce que ça c'est pas évident et ça prend un petit peu de temps et chacun son rythme il n'y a pas de règles il n'y a pas de il n'y a pas d'imposition sociale sur il faut être comme ci il faut être comme ça par contre une fois que vous avez trouvé qui vous vouliez être et trouvé qui vous étiez donnez-vous les moyens de vivre pleinement cette vie-là Ça prend du temps aussi, chacun son rythme. Moi, j'estime que ces dernières années, et c'est vrai que j'ai divorcé il y a quelques années, j'ai eu une vie magnifique avec mon ex-mari avant, mais les choses faisant, je ne me suis pas vue, finalement, peut-être vivre avec lui toute ma vie. Mais cette liberté des possibles, cette liberté de choix, d'assumer, alors que j'étais la petite fille parfaite qui cochait toutes les cases, elle était mariée, elle a deux beaux enfants, et patati et patata. Soyez vous-même et assumez et soyez heureux. Et heureux, ça ne veut pas dire... Il n'y a pas de définition à être heureux. Chacun trouvera sa propre définition. Mais cet alignement-là, ne l'oubliez pas. C'est le meilleur des remèdes possibles.

  • Speaker #0

    Merci pour ces jolis mots. Qu'est-ce qu'on peut te souhaiter ?

  • Speaker #1

    De continuer à être heureuse, de continuer à être moi-même et de continuer à rencontrer des gens extraordinaires. Et je voudrais en profiter pour te remercier. D'abord, le titre de ton podcast est extrêmement aspirant, Les Sages. Et je suis particulièrement flattée de faire partie de tes invités quand je vois la qualité des autres invités. Bon, évidemment, j'ai mon petit syndrome de l'imposteur en me disant pourquoi moi ? Mais j'ai écouté pas mal des épisodes précédents et on vient de parler d'Olivier Gouin. Oui, c'est ça. J'ai écouté récemment ton interview de Mathieu Ricard. Je trouve que tu as une chance inouïe de faire un très beau métier, mais j'ai une chance inouïe aussi de rencontrer des personnes comme toi qui met la lumière sur des sages. Donc, merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, Natacha. Merci pour votre écoute des sages sur cette nouvelle saison. Si vous avez aimé, vous avez été inspiré, vous avez appris quelque chose, il n'y a qu'un moyen de me remercier. Si vous êtes sur Spotify ou Apple Podcast, abonnez-vous. et mettez 5 étoiles. 30 secondes de votre temps mais qui nous permettent d'être toujours plus visibles et que d'autres personnes découvrent les sages. Avant de se quitter, une dernière chose. N'hésitez pas à m'envoyer un message sur LinkedIn. Nicolas Jeanne. Jeanne, J-A-N-E. Pour me dire ce que vous en avez pensé, vos retours, des suggestions d'invités. Vos retours nous font grandir. Merci.

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Description

Pour ce premier épisode de la Saison 2 des Sages, je reçois au micro Natacha Raab, la dirigeante de Fred Paris, maison de joaillerie légendaire, du groupe LVMH.


Natacha marque les esprits, et ceux à plusieurs titres :

  • C'est d'abord une grande professionnelle, fidèle du groupe LVMH, qui a su gravir les échelons un à un, jusqu'à prendre la (co) direction d'une filiale du groupe, dirigé par Bernard Arnault. Elle est passée auparavant par les maisons Sephora, Louis Vuitton, et Dior. Elle nous raconte ses expériences, les hommes qui ont marqué sa carrière, et assume d'être motivée "par le pouvoir".


  • Natacha, au-delà de son activité principale de dirigeante, est une femme engagée pour "l'empowerment féminin" : elle soutient de jeunes entrepreneures et agit en coulisse pour que les femmes prennent toutes leurs places dans le monde du business. Elle est aussi membre du conseil d'administration des alumnis de l'ESSEC, et du Jury de Forbes Under 30.


  • Enfin, Natacha est surtout une femme pleine de gentillesse et d'attention envers les autres. Elle est à l'aise avec ses émotions, nous raconte ses succès, et notamment sa médaille de Chevalière de l'Ordre Nationale du Mérite. Mais aussi les passages plus compliqués de sa vie, comme son hospitalisation pour anorexie durant ses études.


Au sein de cet épisode, nous avons également évoqué sa préparation au concours de l'ENA, Bernard Arnault, de ses origines polonaises, de la "bande à Natach'" durant son enfance, de l'IA dans le luxe, de running ...


Bon voyage avec Les Sages !


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Transcription

  • Speaker #0

    Les sages, c'est avant tout une histoire personnelle. Je m'appelle Nicolas Jeanne et j'entreprends depuis que j'ai 19 ans. Sur ce chemin, j'ai eu la chance de rencontrer des personnes que j'appelle les sages. Vous savez, ce sont ceux qui, d'un conseil bienveillant, peuvent changer votre journée, votre projet, votre vie. Souvent des personnes avec qui il y a un avant et un après. A mes yeux, ce sont des leaders authentiques mais surtout des leaders humanistes. Ça, c'est important pour moi. Ceux qui vont vous faire grandir sans s'en rendre compte. Plus que n'importe quel livre ou cours, des témoignages qui viennent du cœur et de la réalité. Et surtout du cœur. Aujourd'hui, je vous propose de partir à leur rencontre, dans un format inédit, et négocier avec eux. Un format où l'on se dira tout, naturellement, et aucune question ou anecdote sera interdite. Ça, vous avez ma parole. Un format axé sur leur activité, bien sûr, mais qui, évidemment, dérivera vers la vie, la société et les émotions. Mon but, c'est clairement de mettre en valeur l'aspect humain de ces personnalités qui me paraissent exceptionnelles, et de casser la carapace. Casser la carapace, vous le sentez, c'est pas un mot par hasard. Pourquoi ? parce que je pense que ça va vous permettre d'apprendre sur les plus grands leaders et leaduses qui ont bâti et bâtissent la société. La France est une terre bourrée de talents et de leaders, et nous allons en leur en compte. Bon voyage avec les sages. Pour commencer cette saison 2, je suis heureux de recevoir une grande dame, Natacha Rave. Natacha risque de marquer votre journée. Cette grande rousse élégante et charismatique, dirigeante de la maison Fred Paris, maison de joaillerie du groupe LVMH, est aussi une personnalité très authentique. Elle a su transformer sa vulnérabilité pour être une lideuse respectée dans le monde de luxe. Natacha nous raconte tout. De comment elle a gravi les échelons chez LVMH, de son goût du challenge et du pouvoir, qu'elle assume, mais aussi de son hospitalisation pour anorexie durant ses études. Elle tente l'ENA, juste après, comme une revanche sur la vie. C'est le style de Natacha. Allez, on y va avec Natacha Rab. Bonjour Natacha, et merci d'avoir accepté notre invitation dans les sages. Comment tu vas ?

  • Speaker #1

    Écoute, je vais très bien. Merci à toi pour ton invitation.

  • Speaker #0

    Avec plaisir. Est-ce que pour démarrer, je peux te demander de te présenter en quelques phrases, s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Bien sûr. Je m'appelle Natacha, j'ai 51 ans, je suis l'heureuse mère de deux jeunes adultes, on va dire, un fils de 18 ans et une fille de 16 ans. Je suis divorcée depuis deux ans et j'évolue depuis 25 ans dans l'univers du luxe avec la chance d'évoluer dans le groupe leader, à savoir LVMH.

  • Speaker #0

    Ok, écoute, on va y revenir dans un second temps. Si je peux te poser quelques questions sur ton enfance ? quand j'ai préparé l'interview j'ai vu que tes grands-parents sont polonais est-ce que toi t'es franco-polonaise du coup ?

  • Speaker #1

    Alors moi je suis 100% française née en France de parents eux-mêmes nés en France mais effectivement mes grands-parents mes 4 grands-parents sont nés en Pologne ils ont fui la Pologne dans les années 30 au moment où il y avait des pogroms contre la population juive je suis de religion juive et du coup ils sont arrivés en France avec une valise et pas grand-chose dedans et entre autres ils ont appris le français en lisant les noms des stations de métro voilà et Mais je suis très française et je me sens complètement française avec des origines, effectivement, on va dire de l'Est. D'où mon prénom aussi, un petit peu slave.

  • Speaker #0

    Et est-ce que quand tu étais jeune, tu avais des passions particulières ? Est-ce que tu étais scolaire ?

  • Speaker #1

    Alors, hyper scolaire. Je crois que je le suis encore d'ailleurs. Mais non, hyper scolaire, j'ai adoré l'école. Pour moi, l'école, c'était le lieu où j'avais des amis. J'étais très scolaire dans le sens où, naturellement, je pense que je suis une bonne élève. Donc, j'aimais faire plaisir à mes maîtresses. J'étais toujours très proche du corps professoral. Et donc, super, super scolaire et quelque part fière de l'être. Pas du tout de honte par rapport à ça. Après, des passions, j'étais très entourée aussi. Il y avait une bande à Natacha à l'école. Donc, est-ce que c'était le début du leadership ? Je ne sais pas. Mais la vie sociale et la vie amicale est très importante pour moi.

  • Speaker #0

    C'est quoi le leadership pour toi ?

  • Speaker #1

    Alors, le leadership, c'est, je dirais d'abord, une influence. D'être capable d'embarquer des gens derrière soi. une vision commune, et c'est du collectif, par définition.

  • Speaker #0

    Ok, et c'est quelque chose que toi, tu as quelque chose, que tu as depuis que tu es née un petit peu, ou tu l'as travaillé aussi, tu en as pris conscience ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas trop, alors je pense que de façon assez innée, on me décrira comme charismatique, assez influente. Ma mère raconte souvent cette histoire de bande à Natache, parce que c'était mon surnom, Natache, quand j'étais petite, donc il y a probablement des choses qui sont assez induites. Et puis après, je pense que naturellement, dans la société, on prend une position. Et c'est vrai que moi, j'aime mettre numéro un. Est-ce que ça s'acquiert probablement un petit peu avec le temps ? Et puis, si on a cette inspiration en soi, peut-être qu'on la nourrit aussi. Et on est inspiré peut-être par des gens plus leaders. Et du coup, on veut suivre l'exemple. En tout cas, ça a été mon cas.

  • Speaker #0

    Ok, super intéressant. Et du coup, la bande à Natash, est-ce que vous aviez des activités en particulier ? Vous étiez sportive déjà à l'époque ?

  • Speaker #1

    Alors, j'ai reçu une éducation très bourgeoise, donc j'ai fait des sports type le tennis, j'ai fait du basket. Donc, j'étais assez sportive parce que je pense que mes parents m'ont initiée à cette hygiène de vie que le sport peut apporter, à savoir un corps sain dans un esprit sain, un esprit sain dans un corps sain, pardon. Et je pense que ça, c'est important. J'ai fait de la musique aussi, donc ça fait partie d'une éducation, on va dire, globalement bourgeoise. Et les activités de la bande, non, c'était plutôt des activités, on va dire, d'amusement. On était jeunes, on était à l'école. En revanche, moi, j'ai un frère aîné. Et du coup, j'étais, contrairement aux apparences aujourd'hui, très garçon manqué. Donc, je montais aux arbres, je jouais au foot. Voilà, enfin, je faisais du karaté. Il y a ce côté en moi très inspiré par mon grand frère, qui était mon idole et qui reste quelqu'un d'important pour moi. Mais oui, j'étais très garçon manqué. Donc, peut-être assez contre nature par rapport à ce qu'on voit de moi aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Et avec ton grand frère et ta famille, du coup, tu as grandi à Paris ?

  • Speaker #1

    Oui, on est parisiens. Il y en a assez peu, mais on est vraiment parisiens et je suis très parisienne. Très attachée à la vie active de Paris, à la richesse culturelle, à la beauté de la ville. On est en plein French bashing des JO, mais moi, je reste émerveillée, même si c'est parfois un petit peu compliqué en termes de trafic en ce moment, etc. Mais je reste émerveillée par la beauté de Paris.

  • Speaker #0

    Je comprends. On en reparlera, mais en plus, je pense que tu voyages un petit peu dans ton métier.

  • Speaker #1

    Exactement. Et je suis toujours très contente de revenir à Paris.

  • Speaker #0

    Oui, ça te donne l'opportunité de voir que des fois, c'est vrai qu'on est un peu French basher, je ne sais pas comment on dit, mais en tout cas, oui, que quand on vient en France, ce n'est pas si mal sur certains aspects.

  • Speaker #1

    Oui, complètement.

  • Speaker #0

    Ok, et si on revient dans ta jeunesse, alors dans les sages, on aime bien raconter un peu les hauts et les bas et que les grands leaders sont aussi parfois vulnérables. Quand tu étais jeune, je crois que tu as eu un épisode anorexique. Est-ce que tu peux nous en parler ?

  • Speaker #1

    Oui, complètement. C'est un moment hyper structurant de ma vie que j'ai eu finalement. Assez tard pour ce qu'on appelle l'anorexie, souvent c'est une maladie qui se déclare au moment de l'adolescence, vers 13-14 ans, quand le corps se transforme, en particulier pour les jeunes filles. Moi je suis tombée malade un petit peu plus tard, je sortais du lycée, je sortais même de prépa et je rentrais en école de commerce, donc j'avais 18 ans, 19 ans, donc assez tard par rapport au modèle classique des anorexiques, mais tôt dans ma vie d'adulte, et ça a été hyper violent. hyper violent dans le sens où d'abord physiquement c'est une souffrance mentalement c'est une maladie mentale et on n'en parle pas assez c'est une maladie grave, c'est une maladie dont on meurt et qui est un combat entre soi-même en fait c'est toi et toi-même, toi et ton esprit généralement la personne veut disparaître au profit de l'esprit, donc elle veut que le corps disparaisse au profit de l'esprit pour être pur intellect donc c'est une maladie qui touche des personnes assez perfectionnistes assez puissants mentalement Mais moi je me suis retrouvée pendant un certain nombre de mois, voire d'années, à l'hôpital. Donc déconnectée de la vraie vie, avec une urgence critique physique et mentale qui fait que je n'étais pas autonome. Et ça, ça a été un énorme choc, mais qui m'a probablement vachement construit sur la suite de ma vie. Donc j'ai eu la chance d'être... extrêmement bien entourée, d'abord d'un point de vue familial, avec des parents médecins qui ont vu la chose venir assez tôt. J'ai reçu beaucoup d'amour quand j'étais jeune, et encore plus, je pense, je me suis sentie très soutenue à ce moment-là de ma vie, même si j'étais isolée dans une chambre, je savais que mes parents étaient là pour moi. J'ai eu la chance d'évoluer aussi dans un milieu financier très favorable, donc j'ai été hospitalisée dans des très bonnes conditions, y compris dans des cliniques privées, qui peuvent parfois aider face à la maladie. Et j'ai eu d'excellents médecins. Je pense que le psychiatre qui m'a sauvé la vie n'est plus de ce monde malheureusement aujourd'hui, mais quelqu'un d'hyper important dans ma vie. C'est le premier à qui j'ai annoncé que j'allais me marier. C'est le premier à qui, après ma famille évidemment, mais c'est le premier à qui j'ai dit que j'étais enceinte. Donc, face à cette adversité, j'ai eu beaucoup, beaucoup de chance. Et je pense que j'ai eu besoin d'aller un peu au fond de la piscine, comme on dit, pour remonter, mais beaucoup ne remontent pas. Donc moi ça m'a aidée parce qu'à 20 ans, quand mes copains passaient les meilleures années de leur vie, moi j'étais en psychanalyse, en psychothérapie, parce que quand tout le monde vivait les premiers amours, moi je posais 40 kilos, je ressemblais à rien et personne ne me regardait. Parce que pendant que mes copains de promo commençaient à exceller dans leur premier stage ou leur vie professionnelle pour ceux qui ont commencé tôt, moi je... Entre guillemets, j'étais un peu à la ramasse, hospitalisée et finalement le temps passait. Et je suis sortie de là. Bon déjà, je m'en suis sortie, donc ça c'est important. Je pense que j'avais toujours eu envie de vivre. C'est une maladie, encore une fois, qui peut être létale. Mais moi, j'avais peur de la mort et ça m'a aidée, je pense, à un moment donné de me dire c'est soit la mort, soit la vie. Et j'ai choisi la vie. Et derrière, ça a été un accélérateur d'énormément de choses. Comme souvent quand on est confronté à la maladie, je me suis rendu compte combien les petites choses peuvent être merveilleuses. Entre autres, quand j'étais malade, c'est souvent le cas, j'étais hospitalisée dans une chambre isolée, donc je ne sortais pas de ma chambre. C'est un peu une prison, même si les gens autour de toi sont très bienveillants. Mais j'avais une clé qui ouvrait une fois ou deux fois par jour pour me déposer de la nourriture et nettoyer ma chambre. Donc je vivais au son des clés. Et le fait de retrouver un espace libre, de revenir chez mes parents ou plus tard dans un appartement seul et de pouvoir être libre de mes mouvements, c'est quelque chose que j'ai apprécié à très très haut niveau, alors qu'avant d'être malade, j'avais tout ça. Donc ça remet quand même un peu le curseur à zéro, voire à moins 10 pour recommencer à plus 100. Et puis j'ai eu une espèce de niaque derrière qui était waouh, la vie est belle et il faut en profiter et il faut en plus rattraper le temps perdu Donc le bulldozer, c'est un peu mis en place derrière.

  • Speaker #0

    Ok, écoute, merci pour ta sincérité. En effet, moi, c'est un sujet évidemment qui me touche. Et ce que j'aime bien dans ce que tu dis, c'est que tu parles de maladie. Parce que la anorexie, pour les gens qui ne connaissent pas, ils pourraient penser que c'est une jeune fille.

  • Speaker #1

    Les jeunes filles qui veulent faire comme dans les pubs, pour perdre du poids. Mais pas du tout, c'est une maladie mentale.

  • Speaker #0

    Et est-ce que ça touche les jeunes hommes aussi ?

  • Speaker #1

    Beaucoup moins, mais oui. Moi, j'ai été hospitalisée avec un jeune homme. Et je pense que c'est encore plus difficile pour eux parce que le... Le regard social est très peu éduqué sur les jeunes hommes. Alors, je n'ai pas de statistiques. Et puis, moi, c'était il y a un certain nombre d'années, plusieurs décennies. Mais il faut dire que c'est une maladie et mentale. C'est une maladie. Tout à fait. Très importante.

  • Speaker #0

    Et est-ce que je me demandais, est-ce qu'on sait, cette maladie, elle arrive ? Il y a des raisons ? Il y a des causes ?

  • Speaker #1

    Alors, écoute, il y a différentes théories. Moi, je pense que j'avais en moi ce côté extrêmement perfectionniste de contrôle aussi. Je pense que c'est une maladie où tu veux toujours être dans le contrôle, parce que finalement, quand tu commences à moins manger, tu contrôles ce qu'il y a dans ton assiette, tu calcules les calories, tu as une vision de toi-même aussi très... Il y a une distorsion, en fait, de la vision du corps. Il y a peu de temps, quelqu'un m'interrogeait sur, quand tu étais malade, est-ce que tu te trouvais grosse ? Oui, à 37 kilos, je me trouvais grosse. J'en fais 58 aujourd'hui. Donc, 20 kilos de moins, j'étais très, très maigre, et je me trouvais grosse. Donc, il y a... Il y a vraiment, oui, il y a cet aspect très compliqué de ne pas accepter, d'être dans le déni, en fait, de la maladie. Et je pense, pour revenir à ta question précédente, que la vulnérabilité est quelque chose d'hyper important dans la vie, de façon globale. Et je crois que pour être leader, ou en tout cas pour être... Pour réussir entre guillemets sa vie, après à chacun de définir comment on réussit sa vie, il faut accepter ses échecs et il faut accepter la souffrance et le fait qu'on ait des faiblesses. On a des forces, mais on a des faiblesses. Et moi, mes faiblesses ont finalement toujours été la base de la constitution de mes futures forces.

  • Speaker #0

    Ok, c'est hyper intéressant. J'allais te demander justement comment tu définissais la vulnérabilité.

  • Speaker #1

    Moi, je crois que c'est humain. En fait, un être humain, il a le droit de tomber. Après, c'est comment tu te relèves qui fait la différence. Mais je ne crois absolument pas. aux gens qui t'expliquent qu'ils n'ont pas de problème et que tout va bien dans leur vie et qu'ils ne sont pas vulnérables, qu'ils sont super strong. Je n'y crois absolument pas.

  • Speaker #0

    Moi, je pense aussi que tu crées des relations humaines fortes avec les gens en te montrant authentique. Et authentique, c'est avec toutes les facettes de ta personnalité. Et parfois, c'est celle-là qui touche le plus. C'est celle où tu es un petit peu plus vulnérable.

  • Speaker #1

    Et je pense que la première, c'est accepter soi-même d'être vulnérable et d'accepter effectivement d'être authentique, sa sincérité et de savoir que ça ne va pas toujours très bien. Ça va passer. Ouais, et dans la relation, tu vois même, je trouve, d'attraction d'un homme et une femme. Moi, un homme qui m'explique qu'il ne pleure jamais, il peut passer son chemin. Alors ça,

  • Speaker #0

    c'est un super message.

  • Speaker #1

    Non, c'est pas possible. C'est un no-brainer et je pense que c'est important et que c'est une étape hyper structurante de l'épanouissement d'accepter ses faiblesses.

  • Speaker #0

    Et pour tous les hommes qui nous écoutent, je pense qu'il y a beaucoup plus de femmes que vous pensez qui aiment justement parfois cette sensibilité chez les hommes.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Et puis, voilà, c'est normal d'être sensible. On est tous des êtres humains et à commencer par les hommes.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    La vie aux hommes qui pleurent, voilà.

  • Speaker #0

    Et donc, après cet épisode, déjà, encore merci de nous avoir partagé ça. Tu sors de l'hôpital et tu te considères guérie quand tu as 18, 19 ans ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. Je rentre à l'hôpital, j'ai 19 ans. Moi, je suis tombée malade assez tard, entre guillemets, parce qu'encore une fois, c'est souvent une maladie de l'adolescence. Et non, je m'estime guérie quand je ne prends plus de médicaments, quand je retrouve un cycle menstruel régulier. Parce qu'un des indicateurs, en tout cas pour les femmes, c'est que si tu n'as plus tes règles, ton corps ne fonctionne pas bien. Donc le jour où j'ai mes règles, je saute de joie et je me dis que tout va mieux. Et globalement, c'est 7 ans. de maladie. 7 ans, c'est long 7 ans dans une vie de jeune adulte. Et on m'a toujours expliqué que la vingtaine c'était génial. Bon moi forcément ma vingtaine elle a été marquée par 7 ans de maladie. Donc j'ai été beaucoup plus heureuse à partir de la trentaine, encore plus la quarantaine et encore plus la cinquantaine. C'est crescendo.

  • Speaker #0

    Comme tu l'as dit, tu as voulu rattraper le temps perdu et je pense que tu as réussi. Et donc malgré tout tu rentres à l'ESSEC ?

  • Speaker #1

    Ouais j'étais à l'ESSEC, je suis tombée malade quand j'étais à l'ESSEC. J'ai réussi bon an, mal an à faire ma scolarité à peu près correctement. Je dois souligner ici que l'ESSEC a été top parce qu'ils m'ont vachement accompagnée. J'ai été hospitalisée une partie du temps où j'étais étudiante. J'ai réussi à faire des choses à distance, à recevoir des cours. Donc voilà, ça aussi, c'est aussi une intelligence, on va dire, de l'établissement, de ne pas te stigmatiser et de te donner les moyens de continuer à travailler quand bien même tu n'es pas physiquement présent. Aujourd'hui, ça nous paraît évident parce qu'il y a beaucoup de distanciel. Mais en 92, 93, 1900, je précise, il n'y avait pas tout ça. Donc non, je suis très, très reconnaissante aux différentes écoles que j'ai faites de m'avoir accompagnée là-dedans.

  • Speaker #0

    Et donc, une bonne expérience à l'ESSEC où tu as beaucoup appris. Et après, du coup, tu as tenté l'ENA. C'est l'heure de remercier notre partenaire Oslo, sans qui ce podcast ne serait pas possible, malheureusement. Oslo, c'est un cabinet d'avocats à taille humaine, dirigé par Édouard Wells et Marion Fabre, que je connais personnellement depuis plus de dix ans. Il est composé d'une équipe lidée par... Edouard et Marion, qui est issu de cabinets d'affaires de premier plan. Mais surtout, au-delà de la qualité de leurs prestations juridiques, ce que j'aime chez Oslo, c'est leur engagement pour un droit un peu différent. Sur leur description, ils mettent Nous accordons une importance particulière aux qualités humaines et relationnelles, tout particulièrement au respect, à la simplicité, à l'humilité et à l'élégance. Ça pourrait paraître bullshit comme ça, mais pour bien les connaître, tu peux vous assurer que ça se ressent vraiment. Et pour preuve, ils ont accepté de sponsoriser ce podcast dès sa création. Ils offrent une heure de conseils juridiques avec le code les sages et je mettrai leurs coordonnées dans la description du podcast. Allez, on y retourne.

  • Speaker #1

    Exactement. Donc en fait, après l'ESSEC, j'étais apprentie pendant que j'étais à l'ESSEC. J'aimais beaucoup l'idée d'être apprentie. C'était la première génération d'apprentissage. Donc j'ai travaillé en entreprise pendant deux ans en alternance et l'entreprise qui m'accueillait était Cartier. C'était quand même le début d'un démarrage de l'industrie du luxe et de la découverte de l'univers du luxe. Et après Cartier, j'avais de toute façon en ligne de mire de vouloir tenter l'ENA un jour dans ma vie. Et donc, j'ai fait Sciences Po. Je suis rentrée directement en deuxième année de Sciences Po grâce à mon diplôme de l'ESSEC et un concours que j'ai passé, mais un concours d'admission sur titre. Et donc, je suis rentrée dans la fameuse filière droit public et préparation, classe préparatoire au concours de l'ENA. Concours que je n'ai pas passé au final. Donc, en fait, l'année de préparation s'est plutôt globalement bien passée, mais je sentais que je n'étais pas assez bonne pour intégrer l'école. la première année du concours et je n'étais pas capable d'accepter un échec. C'est-à-dire que j'avais déjà fait pas mal de concours, j'avais fait mes deux ans de prépa, j'avais intégré l'ESSEC, j'avais eu la maladie, j'étais malade aussi pendant que j'étais à Sciences Po, donc ce n'était pas simple. Et le fait de présenter le concours mais de ne pas le réussir me semblait trop difficile comme épreuve pour moi. Et du coup, j'étais inscrite mais je n'y suis pas allée. Donc je ne saurais jamais ce que je pouvais valoir face à ce concours. Maintenant, intrinsèquement, je savais que je ne l'aurais pas. Donc, j'ai décidé d'abandonner cette voie-là. Bon, c'est peut-être le seul jour, la seule fois où j'ai vraiment abandonné. Mais c'était aligné avec moi-même à ce moment-là. Et puis, je n'ai pas regretté. J'ai eu un petit pic à l'ego quand mes camarades ont intégré. J'ai des camarades qui ont intégré, j'ai été ravie pour eux. Et je me disais, tiens, j'aurais pu faire partie de cette belle promotion. Mais je n'étais pas prête, je n'avais pas l'énergie pour recommencer une année de prépa.

  • Speaker #0

    Et si je reviens rapidement, du coup, tu as fait sur ton alternance, on reviendra sur Léna après parce que j'ai une petite question à te poser, mais sur ton alternance, du coup, en effet, à l'époque, c'était plutôt rare, j'imagine.

  • Speaker #1

    En fait, c'était la première année que l'ESSEC mettait en place ce système d'alternance et à la base, les entreprises qui avaient été identifiées étaient plutôt des entreprises mass market, Danone, Procter, en tout cas en marketing, qui était la dominante que je faisais. Et moi, j'avais fait mon stage de fin de première année chez Cartier, ça s'était super bien passé. Et donc j'avais noué de très bonnes relations avec mes maîtres de stage et avec l'entreprise de façon globale. Et je les avais sollicitées de façon proactive en leur disant écoutez moi ça m'intéresse de rester. L'école propose cette alternance où on passe six mois de l'année dans l'entreprise et six mois à l'école. Est-ce que ça peut vous intéresser que je reste ? Et ils étaient d'accord. Et du coup je suis retournée voir l'ESSEC en disant écoutez moi j'ai une entreprise qui veut bien m'accepter mais qui n'est pas dans le pool entre guillemets des entreprises que vous avez identifiées au démarrage. Et en fait ça s'est fait comme ça et j'ai ouvert cette voie. Ça s'est super bien passé. J'ai encore aujourd'hui des contacts avec les gens avec qui j'ai travaillé chez Cartier dans les années 93, 94 ou 94, 95. Donc, c'était top.

  • Speaker #0

    Et pourquoi alors le luxe ?

  • Speaker #1

    Alors pourquoi le luxe ? D'abord j'ai des parents esthètes, j'ai des parents qui aiment bien les belles choses, qui aiment l'art, qui aiment les produits haut de gamme, des parents assez bourgeois. Donc j'étais quand même un petit peu éduquée, je savais où était l'avenue Montaigne, ma mère n'est pas forcément cliente des marques de l'avenue Montaigne, mais j'ai un grand-père fourreur et un autre tailleur, donc on a toujours été dans le prêt-à-porter, plutôt haut de gamme. Et puis je pense que mon oeil s'est arrêté sur les beaux produits, sur le savoir-faire. Et puis, il y avait déjà ce rayonnement de la France à l'étranger, je pense, qui m'attirait. De me dire, c'est quand même dingue d'avoir une industrie qui fait rêver tout le monde. En fait, il y avait le côté aussi émotionnel où je me disais, c'est génial de travailler pour des très beaux produits, en tout cas, qui me semblaient très beaux à mes yeux et qui, en plus, font rêver les gens. Donc, avoir un métier où on fait rêver les gens, je trouve que c'est pas mal.

  • Speaker #0

    Oui, ça a du sens, c'est clair. Et donc, si je reviens rapidement sur l'ENA, l'ENA, j'imagine que c'était... aussi prestigieux entre guillemets que maintenant. Alors maintenant, je crois que ça n'existe plus ou ça a changé de nom.

  • Speaker #1

    C'est moins prestigieux peut-être, mais... Écoute, l'ENA pour moi, c'était le symbole du pouvoir en France. C'était le top du top. À l'époque, tous nos présidents sortaient de l'ENA. Tous les gens, entre guillemets, qui faisaient ce monde, il n'y avait pas de start-upers. Enfin, je vous parle des années 90. Moi, j'ai passé mon bac en 1990. Ça n'existait pas la start-up nation. Donc, il y avait des entrepreneurs ou des petites entreprises. mais on ne les valorisait pas du tout de la même façon. Et c'est vrai que le pouvoir était entre les mains, globalement, en partie de cette élite qu'on appelait les énarques. Et puis, tu m'avais posé la question rapidement, mais quand j'étais jeune, moi, je voulais être présidente de la République. Donc, ça fait un peu le lien. Alors, pourquoi ? J'en sais rien. Mais c'est vrai qu'à 5-6 ans, je déclarais à qui voulait l'entendre, je veux être présidente de la République.

  • Speaker #0

    OK. Donc,

  • Speaker #1

    il y avait quand même une espèce de logique et de cohérence dans le parcours.

  • Speaker #0

    Et donc, quand tu as tenté l'ENA, est-ce que tu t'es dit après, peut-être, je vais faire de la politique directement ?

  • Speaker #1

    À un moment donné, oui, la politique m'intéressait. D'abord, j'étais fascinée parce qu'à l'époque, on avait des dirigeants qui étaient des grands intellectuels, qui étaient hyper intelligents. Enfin, je veux dire, dans l'intelligence intellectuelle, au sens intellectuel du terme. Alors, est-ce qu'ils étaient concrètement intelligents dans les actions qu'ils mettaient en place ? J'étais un peu trop jeune, probablement, pour m'en rendre compte. mais non ça m'a traversé l'esprit dans le sens où j'étais attirée par ce milieu après concrètement je pense que j'ai un franc-parler et une espèce d'honnêteté de droiture qui malheureusement a été un problème dans cet univers où il faut faire beaucoup de compromis et des compromis sur des valeurs où moi j'ai des valeurs qui m'animent au quotidien et sur lesquelles je suis assez stricte et je pense que je me suis rendue compte assez rapidement que c'était un métier très difficile

  • Speaker #0

    Tu serais plus à l'aise dans le privé, du coup ?

  • Speaker #1

    Oui. Et d'ailleurs, dès le départ, quand je voulais faire l'ENA, je disais toujours que je le faisais pour le titre honorifique et pour l'aura que ça représentait, mais que je voulais travailler dans la sphère privée.

  • Speaker #0

    Et du coup, ta première expérience, on va dire full-time et en CDI peut-être, c'était dans le groupe LVMH chez Sephora, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Donc Sephora, on est en 99. Le groupe rachète la marque en 1997, donc on est deux ans après le rachat. Et à l'époque, beaucoup ne se rendent pas compte, mais Sephora c'était une toute petite boîte. Dans le sens où on était un siège social, il y avait une cinquantaine de personnes dans un hôtel particulier dans le 9ème. Donc on a du mal à imaginer que les gens du siège étaient tous rassemblés dans un si petit lieu. C'est une maison qui perdait de l'argent à l'époque et dont le concurrent principal, Mariono, était beaucoup plus important. Ce qui n'est plus du tout le cas aujourd'hui. Donc moi, je suis arrivée dans cette petite maison à une époque où on a voulu préempter, on va dire, le changement et la nouvelle stratégie qui ont été le terreau du succès de Sephora aujourd'hui. Mais voilà, c'était très entrepreneurial et c'est ce que j'ai adoré dans cette maison d'ailleurs, parce que j'étais toute jeune, c'était mon premier job et on faisait un peu tout. Après, avec une instabilité managériale qui n'était pas évidente. au quotidien parce que moi j'avais besoin d'un boss et puis tous les six mois j'avais un nouveau boss en fait parce que ça fonctionnait pas hyper bien mais j'ai beaucoup beaucoup appris et j'ai surtout appris ce qu'était le retail donc il n'y a que des boutiques en retail chez Sephora, il n'y avait pas encore ou très peu la partie e-commerce et donc j'avais face à moi, j'étais sur une fonction de marketing opérationnel Et j'avais face à moi des directeurs de boutiques qui étaient hyper structurants dans l'entreprise parce que c'est eux qui généraient le chiffre d'affaires. Et moi, je ne connaissais pas les boutiques, je ne connaissais pas l'univers des boutiques. Donc, j'ai appris à voyager un peu partout, à comprendre ce dont ils avaient besoin et à faire en sorte que du haut de mes 25 ans, et quand bien même j'avais des super diplômes, je sois au service. des gens dans le retail. Et ça, ça a été un changement de mindset hyper important pour moi.

  • Speaker #0

    Et tu disais, quand tu es arrivée chez Sephora, il y avait une cinquantaine de personnes.

  • Speaker #1

    Aussi, évidemment, après, il y avait toute la force de vente. Oui,

  • Speaker #0

    toutes les boutiques. Mais ça devait faire peut-être quelques centaines, quelques milliers.

  • Speaker #1

    Je ne m'en rappelle même plus, mais il y avait déjà pas mal de boutiques. Mais effectivement, ça n'a rien à voir avec le Sephora d'aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Parce que j'ai regardé quand même, en amont de cette interview, le Sephora d'aujourd'hui, c'est 46 000 employés environ et 10 milliards de CERN.

  • Speaker #1

    Voilà, on n'était pas du tout là-dessus. Et moi, je me souviens de fournisseurs, donc des marques qu'on distribuait chez Sephora, qui nous appelaient en disant, de toutes les façons, vous allez être vendus bientôt. Enfin, on était un peu les losers, quoi. Mais à l'époque, il y avait M6, qui était la chaîne de télévision qui montait aussi. Et la pub de M6, c'était la petite chaîne qui monte, qui monte, qui monte. Et on nous faisait souvent le parallèle en disant, vous êtes la petite boîte qui monte, qui monte, qui monte. Mais on était petits. Et ça, c'est quand même un mindset assez intéressant de se dire, quand on est petit, on doit se battre. pour tout. On doit se battre pour gagner des parts de marché, on doit se battre pour garder nos emplois, on doit se battre pour... Voilà, il y avait cette espèce d'énergie combative qui me convenait énormément en termes d'état d'esprit.

  • Speaker #0

    Du coup, entre guillemets, la petite entreprise, ça a été une bonne école pour toi ?

  • Speaker #1

    Ah ouais. Hyper bonne école, j'ai tout appris. Je raconte souvent en disant, bon, j'ai appris le métier parce que moi, je ne savais pas faire grand-chose, je sortais de mon apprentissage, mais... globalement, je ne savais pas faire grand-chose. J'ai appris le retail. Et j'allais acheter mes fournitures à la boutique d'à côté, dans le coin de la rue, parce qu'on n'avait pas un service fourniture. Donc, j'envoyais des fax. Oui, oui, exactement. Enfin, c'était... Non, j'ai vraiment tout appris. Et j'ai aussi été inspirée par des dirigeants très charismatiques, ou en tout cas, qui m'ont fait confiance. Ça, c'était important.

  • Speaker #0

    Et pourquoi, du coup, à l'époque, tu disais que Sephora et Marionneau, c'était à peu près kiff-kiff, entre guillemets ? Aujourd'hui, je ne sais pas exactement...

  • Speaker #1

    Marionneau était beaucoup plus gros que Sephora à l'époque.

  • Speaker #0

    D'accord,

  • Speaker #1

    Marionneau. Marionneau était super important sur le territoire français en tous les cas. Marionneau était hyper fort. Marionneau avait un programme de fidélité que Sephora n'avait pas à l'époque. Aujourd'hui, il y a une carte de fidélité et un programme qui fonctionne super bien. Marionneau avait des marques exclusives que Sephora n'arrivait pas à avoir à l'époque parce qu'on était au tout démarrage. Aujourd'hui, je pense que Sephora, c'est l'exemple même de la curation de marques exclusives. et d'aller dénigrer les talents de demain en termes de petites marques ou de marques inconnues. Donc, les rôles se sont totalement inversés. Et ça, c'est magnifique à voir.

  • Speaker #0

    C'est ce que j'allais te demander. Pourquoi, à ton avis, Sephora a distancé Mariono ? C'est l'exculivité des produits, l'innovation au niveau des produits ?

  • Speaker #1

    Il y a une stratégie de refonte de l'efficacité commerciale, d'abord des boutiques, en partant de la logistique, le pricing, évidemment la curation des marques. Parce que je pense qu'aujourd'hui... Un des éléments phares de Sephora, c'est le fait qu'on y trouve toutes les marques connues, mais aussi les futures marques qui vont faire la différence demain. Et la force de Sephora aujourd'hui, c'est d'avoir une clientèle, je pense, qui va de, je n'ose même pas dire de 7 à 77 ans, mais c'est vrai que le ton de la marque permet d'accueillir des clientes ou des clients très jeunes, mais aussi de rassurer les clientèles plus matures et d'avoir une approche omnicanal qui est excellentissime. Ok,

  • Speaker #0

    donc une marque qui englobe... une taille de marché.

  • Speaker #1

    Et puis un développement à l'international. Il y avait déjà les États-Unis quand j'y étais, mais qui étaient un peu une entité à part. Donc toute cette fluidité entre les différents marchés et la capacité à bien comprendre les besoins des clientes et à les devancer en offrant justement des produits exclusifs.

  • Speaker #0

    Et par la suite, du coup, après Sephora, tu rentres chez Louis Vuitton, qui est une maison phare du groupe LVMH. Et j'ai lu que tu faisais, alors ce n'est peut-être pas ta première expérience, mais je sais que tu fais un passage sur le terrain. Et on t'envoie dans le retail ?

  • Speaker #1

    Assez vite. Louis Vuitton, c'est... Quand tu as 30 ans et qu'on te dit que tu vas pouvoir travailler chez Louis Vuitton, tu as des étoiles dans les yeux, les yeux qui pétillent. Et j'ai découvert, de façon très alignée par rapport à l'image que j'avais de la maison, une excellence opérationnelle à tout point de vue. J'ai rencontré des gens brillantissimes, une énergie positive incroyable. Finalement, une boîte déjà très grosse, mais assez familiale, avec un dirigeant très charismatique qui était Yves Carcel. et qui a été pour moi une rencontre absolument incroyable et merveilleuse. Et très tôt, effectivement, j'ai un patron qui était mon président chez Sephora et qui m'a gentiment entre guillemets pris dans ses bagages à une condition qui était, il me dit, je voudrais que tu fasses du retail. Je lui ai dit, du retail, ça veut dire aller en boutique. Donc moi, je sortais quand même de l'ESSEC, j'avais fait Sciences Po, j'avais fait une pré-pénard. Que des écoles où on m'avait expliqué quand même que j'allais diriger le monde un jour peut-être. Et là on me dit tu vas aller en boutique. Je n'ai pas compris. Je n'ai pas compris ce qu'on attendait de moi. Je me suis dit, mais je ne vais pas être vendeuse. Parce que le métier de vendeur, pour moi, était, je suis désolée de dire le terme, mais un peu dégradé par rapport à mon profil et par rapport au background académique que j'avais.

  • Speaker #0

    C'était une régression un peu ?

  • Speaker #1

    C'était un peu une régression. Et en tout cas, je ne comprenais pas bien. Et en fait, il y avait à l'époque chez Louis Vuitton un parcours assez accélérateur de carrière pour, on va dire, des jeunes talents, entre guillemets, ou effectivement le fait de découvrir. Ce qui fait le business au quotidien de l'entreprise, à savoir vendre des produits à des clients dans une boutique, qu'elle soit digitale ou qu'elle soit physique, était hyper important pour comprendre ensuite toutes les opérations autour et donner le meilleur de soi-même au service de ces boutiques. Et donc, parce que je savais que la personne qui me recommandait ce parcours était très bienveillante à mon égard, je me dis Ok, je vais aller voir Alors, je n'étais pas vendeuse, mais j'étais, on va dire, manager en encadrant des équipes de vente.

  • Speaker #0

    ce qui est somme toute vraiment le même type de métier, parce qu'en fait, vous êtes là pour résoudre des problèmes que certains de vos vendeurs vont vous apporter ou vous remonter, et puis pour animer avec une dimension commerciale. Mais j'avais le même rythme de vie, je faisais des ouvertures de boutiques, des fermetures, j'étais en uniforme, je travaillais le samedi. À l'époque, il n'y avait pas encore l'ouverture du dimanche. Aujourd'hui, les équipes de vente, évidemment, travaillent le dimanche. Et mes copains banquiers d'affaires se foutaient de ma gueule, soyons très clairs. J'étais dans un... J'étais l'ovni. de mon environnement social, à commencer par mes parents. J'ai des parents médecins, profession libérale, qui ne connaissent rien de l'entreprise et qui tout d'un coup se sont dit mais ma fille est folle, quoi C'est-à-dire qu'elle a fait des superbes études, elle est brillante et elle est dans sa boutique en uniforme le samedi à vendre des sacs à main. Et en fait, ça a été une aventure exceptionnelle. D'abord, je pense d'un point de vue humain, parce qu'en fait, on m'a offert l'opportunité d'encadrer une équipe, donc de manager. Une équipe de quasiment 25 à 30 personnes, là où dans n'importe quelle autre entreprise, j'aurais eu probablement deux personnes dans mes équipes qui sont mes mini-mini, qui ont fait les mêmes études que moi, mais juste de trois ans de moins, parce que j'étais encore assez jeune. Là, j'avais des vendeurs experts qui étaient excellents dans leur métier et moi, je ne savais pas vendre. Donc, il fallait que je m'adapte d'un point de vue managérial, empathique, à leurs besoins et non pas à faire du top-down en leur expliquant ce que moi, je voulais qu'ils fassent. Et puis, l'univers de la boutique, c'est une micro-société. Vous voyez, en plus, j'étais sur les Champs-Elysées où il y avait un volume très important. Des gens de toute nationalité rentraient dans une boutique. Des milliardaires comme des jeunes hommes qui avaient économisé depuis un an pour acheter un porte-clés à leur petite copine pour la Saint-Valentin. Des clients touristiques qui sont là, qui ont besoin que la transaction se fasse hyper rapidement. Des personnes qui peuvent rester des heures ou qui passent toutes les semaines pour dire bonjour. Parce qu'en fait, c'est un peu une relation sociale qui s'établit entre le vendeur et... Et le client, et puis un environnement merveilleux avec des produits d'une créativité incroyable. Et puis cette pétillance, entre guillemets, dans les yeux du client qui vient acheter un produit qui le fait rêver. Donc, c'est une expérience unique et qui a été hyper accélérateur de ma carrière, je pense. Parce que quand vous comprenez le terrain, vous gagnez cinq ans d'autres métiers où vous n'êtes pas connecté à la réalité, en fait.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'allais dire. Est-ce que... Aujourd'hui, finalement, tu es managing director de la marque de la Maison Fred. Est-ce que tu serais la même leadeuse sans cette expérience ?

  • Speaker #0

    Mais j'ai découvert le commerce, la fibre commerciale, l'énergie et l'espèce de folie ou de furie de est-ce qu'on a fait le chiffre, est-ce qu'on ne l'a pas fait à la fin de la journée ? Et encore aujourd'hui, je reçois les chiffres d'affaires de mes boutiques tous les soirs et je regarde tous les jours le chiffre de la boutique. En fait, peut-être que je ne l'avais pas dans le sang. En tout cas, c'est venu et ça s'est révélé grâce à cette première expérience. Et ça a beaucoup formaté le reste de ma carrière parce que j'ai compris que je voulais être dans une entité business.

  • Speaker #1

    Et tu comprends au bout du bout, on ne se connaît que très peu Natacha, mais j'ai mon grand-père qui est boulanger et l'autre qui était boucher. Donc je suis issu d'un milieu commerçant. Et c'est vrai que quand tu commences à côtoyer le terrain, tu comprends aussi que finalement, au bout du bout, les euros de chiffre d'affaires, c'est eux qui les font.

  • Speaker #0

    Toi aussi. Et fréquemment, j'explique aux équipes ou autour de moi, même dans ma vie sociale, qu'on travaille pour que le chiffre d'affaires soit fait. Et le chiffre d'affaires, il est fait par des gens en boutique. Et donc, ces personnes-là payent nos salaires et on leur doit l'immense respect au quotidien. Après, ça ne veut pas dire qu'on va être permissif. Le niveau d'exigence, on peut le donner, on peut définir le ton d'exigence. Mais derrière, il faut être respectueux des gens qui font les choses.

  • Speaker #1

    Tout à fait. De toute façon, tout le monde a un rôle dans l'entreprise.

  • Speaker #0

    Complètement.

  • Speaker #1

    Après, ton expérience, du coup ? Du coup, chez Louis Vuitton, tu rentres dans la maison Christian Dior, qui fait aussi partie du groupe LVMH. J'imagine que tu continues d'apprendre dans cette maison. Est-ce qu'il y a une différence entre la maison Louis Vuitton et la maison Christian Dior ?

  • Speaker #0

    Chaque maison au sein du groupe est très, très différente. Là, on est sur deux entités assez emblématiques. Louis Vuitton, c'est, comme je le disais tout à l'heure, ça a été une école extraordinaire sur la fluidité des process, les opérations sont excellentes. Tout est extrêmement bien et minutieusement bien organisé. Et Dior, je ne dis pas que ce n'est pas organisé, mais à l'époque où j'ai rejoint la maison, c'est l'univers de la mode. La mode, déjà par définition, elle est saisonnière. Il y a des espèces de coups de feu au moment où on a les défilés, les collections qui découlent des défilés. Et il y a un rythme de vie qui n'a rien à voir. Louis Vuitton est sur des process beaucoup plus homogènes tout au cours de l'année, avec un produit maroquinié, un savoir-faire très différent. Et autour de la mode et donc chez Dior, je découvre cette espèce d'émotion encore décuplée. on va dire, par ce qui se passe autour du défilé. Tout arrive au moment du défilé et derrière, le business, on va dire, vient des collections du défilé. Même s'il y a des collections permanentes, le rythme de l'année et le rythme de l'entreprise est très lié à la partie événementielle autour du défilé. Il y a une émotion hyper forte parce qu'on est sur un produit extrêmement désirable. peut-être un peu moins fonctionnel que le produit de maroquinerie. Et donc, c'est une atmosphère très différente, assez déstabilisante d'ailleurs, quand on est finalement, comme moi, quelqu'un d'assez rationnel. Voilà, moi, je suis assez structurée. Et là, tout d'un coup, il y a des décisions, parfois émotionnelles, qui prennent le pas. On est dans un monde beaucoup plus onirique, j'ai envie de dire. Et derrière, ça reste du business et ça reste très structuré. Mais l'input, et vachement plus animée par l'émotion. Donc, fort niveau d'adaptation pour moi. Des personnalités aussi très différentes en termes du top management et la découverte de ce monde, on va dire, très créatif qu'est la mode. Mais un apprentissage énorme, évidemment, et à titre personnel, en termes de développement personnel, de compétences, une adaptabilité. Je pense que c'est le moment où j'ai donné le plus d'efforts pour m'adapter à la structure qui m'accueillait.

  • Speaker #1

    Et donc, tu passes 20 ans dans le même groupe aujourd'hui chez certains jeunes et moins jeunes. Mais ça peut paraître énorme, 20 ans.

  • Speaker #0

    25 ans même. 25 ans cette année de groupe LVAMAC.

  • Speaker #1

    25 ans de groupe. Est-ce que déjà, alors, est-ce que tu as songé peut-être à aller voir une autre maison ? Est-ce que Kering, déjà, à l'époque, était une maison ? Oui,

  • Speaker #0

    bien sûr. En fait, 25 ans, ça passe super vite. Déjà, donc méfiez-vous, le temps passe très vite. Et une chance inouïe, c'est que j'ai fait des maisons très différentes au sein du groupe. Chaque maison est différente, mais j'ai fait des entités différentes. Donc Sephora, c'est ce qu'on appelle de la distribution sélective. On distribue des produits. C'est une marque forte, mais c'est de la distribution. Ça appartient à une entité qui s'appelle distribution sélective. Ensuite, je suis allée dans la maroquinerie. Donc, comme on se disait, chez Louis Vuitton, il y a de la mode, il y a de l'horlogerie, de la joaillerie. Mais globalement, le cœur du business de Louis Vuitton, c'est une marque globale, mais qui était initiée pas mal par la maroquinerie. Et à l'époque où j'y étais, on était très maroquiner. Ensuite, je suis passée dans la mode. Donc encore une autre maison avec un autre savoir-faire, avec Dior et un rythme très différent. Et puis là, la joaillerie. Et donc en fait, quand on regarde tout ça mis bout à bout, c'est quatre entités très, très différentes. Donc si je faisais un ratio, on va dire très basique, j'ai passé 4-5 ans dans chacune des maisons. Et donc finalement, ce n'est pas si long que ça. Et en plus, j'ai changé de métier. Donc j'ai commencé ma carrière sur du marketing opérationnel. Je suis passée en boutique. Ensuite, j'ai recontinué du marketing et j'ai découvert le clienteling, le CRM, qui était un peu le nouveau métier, on va dire, dans la dernière partie de ma vie chez Louis Vuitton et que j'ai transposé ensuite chez Dior. Et aujourd'hui, chez Fred, dans une entité plus petite, j'ai une fonction beaucoup plus large de direction générale avec un leadership sur un certain nombre de marchés en direct. Donc, métiers différents, industries différentes et entreprises, maisons différentes, avec une culture d'entreprise, on va dire, variée. Et du coup, oui, c'est le même groupe, c'est le même chapeau, mais en fait, c'est des métiers, des univers très différents. Et je crois que j'ai calculé, j'ai eu 15 patrons différents. Il y a eu des mouvements à chaque fois. Donc, on est aussi animé par la personne au-dessus de nous. Et donc, finalement, une variété hyper forte qui a fait que je ne me suis jamais ennuyée. Et il y a ce très commun qui me plaît beaucoup de rester au sein du même groupe dont je partage les valeurs, mais finalement avec une diversité opérationnelle au quotidien.

  • Speaker #1

    Quand tu dis 15 patrons, c'est 15 patrons ? 15 patronnes aussi ?

  • Speaker #0

    Écoute, c'est une excellente question, mais j'ai eu beaucoup, beaucoup de patrons. J'ai eu une patronne en intérimaire à un moment donné, mais sinon, j'ai eu que des patrons et je me suis très, très bien entendue avec mes patrons. Donc, je fais partie de ces femmes qui, on va en parler peut-être après, mais qui défendent beaucoup la place des femmes dans les instances de gouvernance. Mais je suis très positive et reconnaissante aux hommes qui m'ont encadrée parce que c'est des hommes qui m'ont développée, c'est des hommes qui m'ont donné ma chance, c'est des hommes qui m'ont mentorée. Et c'est des hommes qui m'ont donné envie de grandir.

  • Speaker #1

    Comme tu disais, tu es encore 20-25 ans dans la même maison. C'est quoi la différence ? Parce qu'aujourd'hui, on a deux beaux fleurons français qui sont LVMH et le groupe Kering. Est-ce qu'il y a une différence de culture ou une singularité particulière entre LVMH et Kering ?

  • Speaker #0

    Je n'ai pas expérimenté Kering de l'intérieur, donc je ne vais pas en parler. En tout cas, ce que je peux dire par rapport à LVMH, c'est que... Pour moi, c'est un symbole de réussite inégalée, résidé par un homme qui est extrêmement emblématique et que j'admire fondamentalement, qui est Bernard Arnault. Je sais qu'en France, le pouvoir, le succès, la réussite, ça peut déranger certaines personnes. Mais pour moi, il incarne cette excellence. C'est quand même le groupe qui est l'un des plus importants exportateurs à l'extérieur de la France. C'est donc qui ? résonne d'un point de vue économique. C'est le groupe qui crée des emplois. C'est le groupe qui est le symbole du savoir-faire à la française. Voilà, donc... Encore une fois, je ne vais pas parler d'un groupe concurrent qui a des très, très bonnes valeurs également, mais être travaillé au sein du groupe leader, pour moi, c'est important. On parlait de leadership au démarrage. Voilà, moi, je me dis, j'ai une fierté inouïe de pouvoir servir le groupe LVMH et à travers la personne de Bernard Arnault, de pouvoir travailler pour un patron aussi emblématique.

  • Speaker #1

    En plus, on enregistre qu'on est le 1er juillet 2024. On est dans un contexte politique qui est quand même assez particulier. Et on se rend compte finalement que la sphère privée fait aussi avancer la société. Et des grands entrepreneurs comme Barano, je ne sais pas combien d'emplois ils ont créé. Mais je ne sais pas, le groupe LVMH, c'est combien d'emplois ?

  • Speaker #0

    C'est 210 000, je crois. 270 000, 230 000,

  • Speaker #1

    je ne vais pas dire une bêtise. Donc, c'est des groupes qui ont créé énormément d'emplois, qui ont changé des vies, etc.

  • Speaker #0

    Complètement. Et c'est surtout une fierté à l'étranger. C'est-à-dire que je pense que quiconque se balade en Europe, aux Etats-Unis, en Chine ou ailleurs, vous citez le nom des marques du groupe LVMH, tout le monde les connaît. Et donc cette fierté à l'étranger, c'est aussi du business qu'on ramène en France. C'est une image de la France. Et c'est aussi pour ça que je pense que Bernard Arnault est quelqu'un d'extrêmement important pour notre pays. Après souvent ceux qui le critiquent sont ceux qui ne le connaissent pas ou qui l'envient. Mais voilà, on a une chance inouïe d'avoir des grands patrons et il y en a d'autres. d'avoir un grand patron comme celui-là.

  • Speaker #1

    Comment t'expliques, j'imagine que quand Bernard Arnault va aux Etats-Unis ou particulièrement en Asie, je pense que c'est une rockstar, comment t'expliques qu'en France, on a parfois un peu du mal justement avec ses réussites ? C'est culturel,

  • Speaker #0

    mais je pense qu'en France, on a du mal à célébrer des succès. On a du mal à parler d'argent aussi. Ce qui m'échappe complètement parce que je ne comprends pas pourquoi c'est tabou. Donc succès, réussite, c'est des mots qui font un peu peur. Ambition, pouvoir, ce sont des mots qui font un peu peur. Donc c'est assez culturel, je pense, si on compare de façon très évidente avec la culture anglo-saxonne, on est plutôt dans la célébration de ces succès-là. Il faut toujours se justifier en France. Je pense qu'il y a une culture assez judéo-chrétienne, où on n'a pas trop envie de montrer, de se faire plaisir, de parler de soi. Mais je pense qu'on a besoin, on a besoin d'exemples. et on a besoin de se nourrir d'exemples qui sont enrichissants. Après, personne n'est parfait, on en parlait au démarrage de cette interview, mais tout le monde a sa vulnérabilité, tout le monde a ses faiblesses, et même les grands patrons. Je crois que tous les êtres humains ont ça en eux. Pour autant, quand on a des gens inspirants, c'est intéressant de partager. Je pense que le travail que tu fais aussi à travers ce podcast, c'est de donner la parole à des personnes qui peuvent diffuser cette inspiration ou cette envie de partager.

  • Speaker #1

    Et du coup, après, du coup, en décembre 2020, ça fait du coup une vingtaine d'années que tu es dans le groupe LVMH. Oui. Et donc, tu prends la direction générale de la maison de joaillerie Fred, qui fait donc partie de ce groupe, qui a été créé en 1936, donc pour la maison de joaillerie Fred. Est-ce que c'était un souhait de ta part depuis, tu vois, depuis, je ne sais pas, le début de ton parcours ou à mi-parcours, tu te disais, mon goal, entre guillemets, c'est de... de prendre la direction générale d'une maison ou c'était une opportunité, de la chance ?

  • Speaker #0

    Alors, effectivement, je pense qu'on ne peut pas dire que dès le départ, on se voit directrice générale ou présidente ou quoi que ce soit. Mais au fur et à mesure de sa carrière, je pense qu'on se projette un petit peu. Moi, je suis quelqu'un d'assez organisé, donc j'essaye toujours de réfléchir à la step d'après. D'abord, parce que c'est important, quand on veut gérer sa carrière, les choses n'arrivent pas par hasard. Il faut quand même passer des étapes et se donner les moyens d'arriver à son ambition. Et effectivement depuis quelques années j'avais en tête de pouvoir oeuvrer, en tout cas créer de l'impact à un niveau décisionnaire qui soit reconnu. Et du coup dans mes discussions avec la direction des ressources humaines du groupe, je commençais à diffuser l'idée de pouvoir intégrer une plus petite maison, mais où j'aurais un scope plus large qui me permettrait d'avoir une vraie prise de décision, de créer de l'impact, de donner un peu mon point de vue, et non pas un point de vue dilué au milieu de 150 autres personnes. Je précise juste qu'aujourd'hui, je suis directrice générale de la maison, en charge en direct de trois zones, donc l'Europe, le Moyen-Orient, les US et le Japon. Il y a une autre personne qui dirige la partie Chine et Asie-Pacifique, donc je ne suis pas seule. Et je reporte à un président, donc je ne suis pas le numéro un de la maison, on va dire, mais potentiellement le numéro deux. J'ai évidemment comme ambition de passer numéro un un jour, donc ça c'est la next step pour faire le lien sur l'organisation de la carrière. Mais oui, ça faisait... Quelques années en tout cas que je plantais les graines à qui voulait bien l'entendre et aux bonnes personnes en disant j'aimerais bien pouvoir évoluer. Et j'avais compris aussi que pour avoir ce type de poste, potentiellement, il fallait que j'aille dans une maison plus petite. Je savais, j'étais assez honnête et humble avec moi-même. Je n'aurais pas été déléguée de Louis Vuitton ou de Dior et ça m'allait bien. Peut-être qu'un jour je le serais et j'en serais ravie. Mais l'idée de bouger dans une structure plus petite me convenait totalement. Ce qui n'aurait pas été le cas dix ans avant, je pense que j'avais besoin d'être rassurée il y a quelques années sur la carte de visite, la grosse boîte qui impressionne un peu tout le monde. Et voilà, au fur et à mesure, la maturité, l'expérience fait qu'on a des envies et des ambitions différentes. Et puis après, il y a le contexte. L'opportunité s'est présentée et donc le groupe a pensé à moi et m'a appelée sur cette mission-là, qui se libérait, parce que le poste se libérait, ce qui est aussi une réalité, il faut que le poste se libère. Et le timing était parfait et ça s'est fait de façon assez fluide, contre toute attente, en plein Covid. Et ça, c'est aussi intéressant de se dire que dans les périodes de difficultés, je pense qu'il y a beaucoup d'opportunités qui se mettent en place. Et j'en ai été en tout cas l'exemple parfait, puisque au sein d'un contexte très compliqué qu'était quand même le Covid, moi, j'ai eu une très belle opportunité professionnelle dont je me réjouis encore aujourd'hui.

  • Speaker #1

    On reviendra sur la maison Fred, mais ce que j'aime bien chez toi, Natacha, c'est que tu n'as pas peur de l'ambition et de la dire. Quand tu étais toute jeune, tu disais vouloir être présidente de la République. Là, tu dis librement que peut-être un jour, quand le temps sera venu, tu aimerais devenir la numéro un du groupe.

  • Speaker #0

    Du groupe, peut-être pas, parce que de la maison Fred, en tout cas, peut-être, ou d'une autre maison. Non, mais je pense que moi, c'est mon driver. mon driver, c'est l'ambition, en fait. Mon driver, c'est de me dire il y a toujours une next step. Et je pense qu'on est tous individuellement formatés différemment. Et je reviens sur le mot ambition en France qui peut faire peur, en particulier s'il est prononcé par une femme. On se dit tout de suite, oh là là, elle est dans Kiray-le-Parquet, elle va tout écraser sur son chemin. Mais pourquoi ? Je pense que l'ambition, c'est se donner soi-même les moyens d'aller vers quelque chose qui vous motive. Moi, ma motivation, professionnellement, elle vient... par cette capacité à gravir les échelons. Mais on est tous différents. Certains, ça va être l'argent. D'autres, ça va être le nombre de personnes dans vos équipes. D'autres, ça va être le scope international. Chacun a son propre moteur. Moi, mon moteur, c'est de pouvoir effectivement gagner une step hiérarchique. Ce n'est pas être ambitieux pour être une étape au-dessus, pour le plaisir d'être une étape au-dessus, mais parce que je pense que je me bonifie. Et je donne le meilleur de moi-même en étant dans ces zones de leadership, en fait. Et dans ces métiers où finalement, on est plus dans de la coordination d'un super chef d'orchestre qui fait travailler les autres et qui a une vision qu'il partage que dans l'opérationnel pur. Mais ça, c'est des choses qu'on découvre au fur et à mesure des années. Et ma chance, et j'utilise volontiers le terme, c'est d'avoir été malade quand j'étais jeune. Parce qu'en fait, quand j'étais malade, j'ai fait cette psychothérapie et cette introspection. Et en fait, je me connais plutôt très bien et depuis longtemps. Et donc, j'ai appris à décrypter ce qui étaient les éléments importants et mes moteurs. Et quelque part, ce parcours de la maladie m'a, je pense, donné un avantage énorme sur beaucoup d'autres, c'est de se connaître. Et aujourd'hui, j'arrive à aligner, bon an, mal an, mes ambitions, ma motivation avec ma vie au quotidien, dans une sphère professionnelle, mais aussi dans une sphère personnelle.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que c'est vrai qu'aujourd'hui, on parle beaucoup de développement personnel, de connaissances de soi, etc. Je pense qu'à l'époque, on en parlait beaucoup moins. Mais toi, tu as transformé cette période un peu plus sombre dans une période où je pense que tu avais du temps pour réfléchir aussi.

  • Speaker #0

    Je ne pouvais faire que ça. Donc, je n'avais dans ma chambre d'hôtel, l'absurde, mais dans ma chambre d'hôpital, je n'avais rien. Je n'avais pas de télé, je n'avais pas de livre. Je pouvais écrire et penser. Et en fait, c'est aussi une des thérapies de la maladie. C'est de se recentrer sur soi-même. d'accepter qu'on est malade et ensuite d'essayer de trouver les solutions par soi-même avec l'aide du corps hospitalier et médical, évidemment. Mais réfléchir, en fait, profondément, on le fait assez rarement. Et moi, j'étais face à moi-même et je pense que ça m'a beaucoup aidée.

  • Speaker #1

    Pour revenir sur l'ambition, tu disais que c'est potentiellement... Ma question, c'est est-ce que c'est plus dur de porter une ambition quand tu es une femme que quand tu es un homme ?

  • Speaker #0

    Alors, je pense que dans le fond, non, ça ne doit pas être plus difficile. Par contre, dans l'acceptation et dans la déclaration, je pense que c'est super dur d'être une femme. Quand on est une femme et qu'on dit qu'on est ambitieuse, honnêtement, je pense qu'il y a peu de personnes qui vous regardent de façon très bienveillante. On est tout de suite catégorisées comme une killeuse. C'est associé, je trouve, de choses négatives et dans un univers très peu altruiste et très peu empathique. Alors que pas du tout. Je pense qu'on peut être ambitieuse, on peut être une femme. on peut réussir en étant avec les autres, en étant un bon manager et en étant dans le collectif. Et je fais un parallèle par rapport au run. Donc moi, je suis une runneuse, on en parlera peut-être tout à l'heure, mais voilà, effectivement, j'aime bien courir, qui est un sport assez facile à pratiquer. Donc c'est aussi très pragmatique. C'est qu'on n'a pas besoin de beaucoup de choses à part ces baskets et un lieu où on peut courir, à savoir dehors. Mais souvent, on dit que le run est solitaire. Pas du tout. Il suffit de regarder n'importe quelle course. C'est hyper collectif, le run. C'est probablement mes expériences de solidarité les plus puissantes sont intervenues dans des courses, au sein d'une course. Et donc, je fais le parallèle parce que je pense que l'ambition, le côté solitaire de l'ambition et destructeur un peu des autres et le run où on court que pour soi-même et pour gagner sa course, c'est pareil pour moi. Il y a cette notion du collectif, de le faire ensemble. Et c'est des a priori assez peu éduqués.

  • Speaker #1

    Et sur le run, alors moi aussi je suis runner, tu t'es montée sur des courses comme des semi-marathons, des marathons ?

  • Speaker #0

    Marathons, semi-marathons, j'ai fait plein de semi, bon j'ai commencé comme tout le monde avec 5 km au bout de ma vie en me disant que jamais je n'y arriverais.

  • Speaker #1

    Faire le tour de la maison.

  • Speaker #0

    Voilà, autour de la maison à côté du bois de Boulogne qui n'est pas très loin, mais vraiment au bout de ma vie, écarlate en me disant non mais je n'arrive pas à respirer, ça n'a aucun intérêt, ça ne me procure aucun plaisir. Pourquoi ce sport ? Pourquoi tant de mal quoi, pourquoi se donner tant de mal. Et comme je suis assez compétitive, je me suis dit, bon, je m'accroche. Une copine m'a embarquée sur la parisienne. Donc, pour ceux et celles qui connaissent la parisienne, c'est 6,7 km. Donc, c'est moins de 7 km. Pour un runner, ça paraît très court. Mais quand c'est une première course, ça m'a paru une montagne. Donc, je l'ai faite plutôt correctement, mais en donnant beaucoup et en m'entraînant énormément avant. Et puis, du coup, je me suis dit, j'arrive à faire ça, je vais faire les 10 km de Paris. Et puis, des 10 km, je me suis dit, je vais faire les 20. Et puis après, j'ai rencontré une personne qui m'a dit Tu sais, si tu veux progresser, tu dois prendre un coach. Et là, je me suis dit Ah, peut-être qu'on peut demander de l'aide. Et j'ai rencontré quelqu'un de super qui m'accompagne encore aujourd'hui et qui m'a dit Mais si tu veux faire un marathon, tu fais le marathon. Et là, je l'ai regardé en lui disant Non, mais t'es gentil, mais en fait, impossible pour moi de faire un marathon. Et il m'a regardé droit dans les yeux et il m'a dit Voilà, si tu veux faire le marathon, l'année prochaine, tu fais le marathon. Et donc, banco, il m'a entraîné pour et j'ai fait un marathon que j'ai adoré. qui est probablement l'une des plus belles expériences de ma vie après la naissance de mes enfants et mon mariage. J'ai pleuré en passant évidemment la ligne d'arrivée, mais une émotion tellement forte que je souhaite à tout le monde. Et depuis, j'ai fait trois marathons. Et j'en ai un prochain à venir qui ne va pas être simple, qui est le marathon des Jeux Olympiques, le marathon pour tous. Donc le 10 août prochain, nocturne, je ferai partie des quelques 20 000, je crois, participants au marathon pour tous. Et le Tchangé... Le challenge est élevé parce que le parcours est compliqué, fort dénivelé, de nuit et avec une température extérieure qui va être à mon avis assez élevée. Donc là, je suis en plein entraînement.

  • Speaker #1

    Pour avoir du dénivelé, c'est où ?

  • Speaker #0

    Alors en fait, on part de l'hôtel de ville, mais on passe par Versailles. Du coup, la fameuse Côte des Gardes qui je crois arrive à peu près au milieu du parcours, qui va être particulièrement difficile et pas mal de haut et bas après. Donc par rapport au marathon de Paris que j'ai fait trois fois, beaucoup plus compliqué.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous parler de la maison Fred, Natacha, en quelques mots ?

  • Speaker #0

    Alors Fred, c'est une magnifique rencontre. En fait, quand on a commencé à me parler de cette maison, j'ai été évidemment regarder sur Internet l'histoire de la maison. Donc déjà, c'est le nom du fondateur qui s'appelle Fred Samuel. Donc ce n'est pas un diminutif et ce n'est pas un nom inventé. C'est vraiment le fondateur qui était pour moi, il a écrit sa biographie, donc j'ai pu la lire, un type exceptionnel, qu'on compare pas mal à Joseph Kessel. C'est un aventurier en fait, c'est quelqu'un qui a été entrepreneur très tôt, qui a grandi en Argentine, donc avec un monde, un univers méditerranéen, beaucoup de couleurs, qui a côtoyé la mer, l'océan, qui est un élément très important pour lui, mais qui a quelque part, qui est ensuite revenu en France et qui a monté son business très jeune, mais qui avait cet altruisme de l'aventurier. D'abord, il était issu d'une famille juive, donc au moment, l'année où il a ouvert sa première boutique à Paris, il se l'est fait confisquer par... les Allemands qui envahissaient le pays. Il s'est engagé dans la Légion étrangère pour combattre le nazisme. Mais comme il n'était pas français, il est allé dans la Légion étrangère. Il a été fait prisonnier deux fois. Il s'est évadé deux fois. Et donc, il a connu cette adversité très forte. Et suite à ça, il a créé sa maison avec de multiples rebondissements. Mais je vous invite à lire sa biographie qui est absolument extraordinaire. Il était adoré de tous. C'est vraiment quelqu'un qui avait un charisme incroyable. Il a été juge au tribunal de commerce. Donc, ayant cette fibre commerciale, il a voulu aider les autres aussi en étant juge. Il a eu une famille absolument incroyable qu'il a aimée d'un amour fou, y compris sa femme pour laquelle il a commencé à faire ses premières parures extraordinaires. Et puis, il a, avant tout le monde, compris ce qu'était le clienteling. C'est-à-dire qu'il a installé sa boutique près des grands hôtels parce qu'il a compris que les touristes on va dire, Fortuné venait s'installer à Paris dans certains hôtels et il allait dans les lobbies des hôtels attendre les grands clients et de lui-même, de façon très proactive, il allait se présenter et nouer cette première relation, on va dire. relationnel, enfin ce premier contact avec un client et c'est comme ça qu'il a eu des histoires incroyables avec des grandes familles, y compris des familles royales la famille du Népal, des familles du Moyen-Orient, où il a commencé à montrer ses pierres et puis montrer les créations qu'il pouvait faire autour de pierres extraordinaires et il avait ce sens unique en fait relationnel qui a été je pense le terreau de son succès entre autres au-delà du produit

  • Speaker #1

    Et c'est quoi la spécificité de la maison Fred par rapport à d'autres maisons dans la joaillerie ?

  • Speaker #0

    Alors c'est une maison qui aime le pas de côté, le petit pas de côté. C'est une maison assez accessible, d'abord qui est mixte quasiment dès la naissance de la maison, donc qui produit des produits de joaillerie pour femmes et pour hommes, ce qui était quand même assez atypique à l'époque, et qui par ailleurs est très lié aux valeurs du sport, parce que Fred Samuel était champion d'aviron et de voile. Et avec son fils, ils ont fait beaucoup de compétitions de voile, d'où est né le produit iconique qui s'appelle Force 10. Force 10 en écho à la force la plus intense du vent, qui fait que quand on porte le bracelet Force 10, on est paré pour faire face à toutes les adversités possibles, y compris le vent le plus fort. Donc c'est une approche assez atypique. Après, il a des créations très colorées. très gai en fait dans les éléments clés de la maison, il y a cette joie de vivre et puis le bleu de la Méditerranée qui a été initié par le bleu de la mer en Argentine parce qu'il s'est installé très tôt dans ce qu'on appelle la French Riviera et donc beaucoup des créations et de nos concepts boutiques et de nos éléments de communication sont liés au soleil pour rendre hommage à sa personnalité solaire mais aussi au bleu de la mer Méditerranée

  • Speaker #1

    Ok, et donc aujourd'hui, tu es managing director Europe, Afrique, Moyen-Orient, US et Japon chez Fred. Concrètement, c'est quoi le quotidien d'une managing director ?

  • Speaker #0

    Le quotidien, c'est de passer beaucoup de temps avec les équipes, à la fois pour partager la vision de la maison, pour bien s'assurer qu'on soit tous dans une même direction. Et puis ensuite, pour leur donner tous les outils et tous les moyens possibles pour délivrer le plus d'efficacité. Quand je dis efficacité, c'est efficacité commerciale. Merci. Le meilleur service possible, c'est faire rêver nos clients, c'est avoir une cohérence de marque dans toutes les actions qu'on mène, que ce soit de la communication au visual merchandising en boutique, à la formation des équipes, aux communications qu'on envoie à nos clients. Donc en fait, quand on est dans un rôle de dirigeant, on est plus chef d'orchestre qu'autre chose. Mais votre rôle fondamental, c'est à la fois de donner le cap. pour reprendre une allégorie, une comparaison, on va dire, maritime. Et puis ensuite, d'être celui qui donne le rythme au rameur pour aller tous dans le même sens. Et beaucoup du temps que je passe est quand même dédié aux équipes. Et à partager, en fait, à répondre à leurs interrogations, à leur expliquer pourquoi on fait certaines actions et pourquoi on n'en fait pas d'autres. Parce qu'on a souvent tendance, en France, à regarder le verre à moitié vide en se disant Ah ben, un tel, l'autre marque, elle fait ci, l'autre marque, elle fait ça. Nous, on fait plein de choses aussi. Et ces choses, elles nous permettent de créer quelque chose de différenciant, ce qui est important pour la maison et dans le bon sens. Et puis ensuite, oui, d'être aussi celle qui va donner le ton de l'exigence en se disant l'ambition, elle est là. Elle est là au niveau du chiffre d'affaires. Elle est là au niveau, on va dire, de la rentabilité. Elle est là au niveau du contrôle des coûts. Elle est là aussi au niveau du message qu'on va envoyer à nos équipes. Et ça, c'est important. Être patron, c'est aussi... être un peu directif, on va dire, pour donner le bon cap, mais tout en expliquant les choses. Donc oui, le temps qu'on passe avec des équipes est très, très important. En tout cas, moi, c'est comme ça que je vois mon métier. Je ne le vois pas dans une façon top-down, comme on dit en anglais, d'imposer un point de vue, mais d'être plutôt dans la récolte des feedbacks et qu'ensemble, on arrive à construire quelque chose et d'expliquer pourquoi on va dans cette direction et pourquoi pas dans une autre. Et si on parle un peu chiffres sur Fred, aujourd'hui, c'est combien de collaborateurs ? C'est quel chiffre d'affaires à peu près ?

  • Speaker #1

    Alors, chiffre d'affaires, on ne va pas en parler là, mais... C'est confidentiel ? C'est confidentiel, oui. C'est confidentiel, mais c'est pratiquement trois fois plus qu'il y a quatre ans. Donc, voilà, ça donne un peu la dynamique de la maison. Et on a environ 500 collaborateurs dans le monde, en incluant les équipes retail, donc les équipes en boutique dans le monde.

  • Speaker #0

    OK. Et sur le chiffre d'affaires, si je reviens, c'est confidentiel, mais quand je l'ai préparé, j'ai quand même vu un chiffre. C'est quoi ? C'est des estimations ? C'est des chiffres qui sortent ?

  • Speaker #1

    Oui, il y a des études. Il y a beaucoup de cabinets de conseil qui font des études de comparaison entre les différentes maisons. Donc, c'est des chiffres qui sortent, mais effectivement, le chiffre n'est pas publié en tant que tel. Donc, ça reste confidentiel.

  • Speaker #0

    Il y a une obligation. Alors, les chiffres sont publiés quand la boîte est cotée en bourse ?

  • Speaker #1

    En fait, LVMH publie ces chiffres. Donc, évidemment, tous les chiffres de LVMH sont publiés. Et ensuite, on a des splits par ce qu'on appelle business unit ou par... on va dire familles de maisons. Et donc, nous, on appartient à une division qui s'appelle les Montréjoairies. Donc, normalement, on trouve sur le rapport annuel de LVMH le chiffre d'affaires de la division Montréjoairie, mais on ne descend pas au niveau de la maison, sachant qu'il y a huit maisons dans la division Montréjoairie. Les chiffres estimatifs, ce que tu as pu lire peut-être en préparant l'interview, sont des chiffres estimatifs que beaucoup font parce que les cabinets de conseil ou d'autres grandes entités ont besoin de comprendre un petit peu quel est le mapping de la concurrence.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il m'intéresse de comprendre, tu parlais d'une vision, de récolter aussi des feedbacks au niveau des collaborateurs. Comment ça se passe concrètement ? Alors, tu vois, moi, j'étais dirigeant de startup. La vision, en vrai, je l'ai créée beaucoup par moi-même et aussi avec mes salariés et le terrain. Mais quand on est dirigeant d'une maison fraîche qui fait partie d'une grande maison à l'LVMH, comment ça se passe concrètement, cette vision ? Tu peux, toi, apporter tes insights à un certain moment de l'année ? Oui,

  • Speaker #1

    parce que c'est la force du groupe aussi, c'est que chaque maison est indépendante, mais on a ces divisions. Nous, appartenant à la division Montréjoaillerie, on avance tous dans un même sens. Mais après, chaque maison a sa personnalité et au sein de la maison, chez Fred, on a un comité de direction présidé par notre président. Moi, je suis membre du comité de direction au même titre que le directeur financier, la directrice des ressources humaines. On est six aujourd'hui dans le comité de direction. Et le but de nos réunions de comité de direction, c'est justement d'alimenter une réflexion commune et de pouvoir nous... Chacun peut s'exprimer sur notre métier en particulier, mais aussi apporter sa pierre à l'édifice dans une réflexion collective et faire en sorte que quand on présente un plan stratégique, ça ne soit pas seulement issu du grand patron, mais qu'on puisse tous y contribuer. Et après, de façon en escalade, quand on prépare par exemple un plan strat, moi je le prépare avec mes équipes et donc on fait pas mal d'itérations avec les équipes et de réflexions, de brainstorming pour utiliser le mot. on va dire anglo-saxon, pour remonter un peu les idées de tout le monde. Et puis ensuite, mon rôle, c'est de fédérer et d'en faire sortir quelque chose qui soit intéressant, que je peux remonter au niveau du comité de direction. Mais tout ça se fait à chaque niveau, il y a quand même beaucoup de collectifs.

  • Speaker #0

    Tout le monde participe à la construction de cette vision.

  • Speaker #1

    Voilà, après, on va dire, évidemment, il faut qu'il y ait quelque chose à dire. Mais c'est toujours intéressant d'interroger quelles que soient les personnes, il en sort des idées intéressantes. Après, l'idée, c'est de... d'arriver à mettre en commun, à faire une synthèse et d'aller à l'essentiel. On n'a pas les moyens non plus de gérer 150 000 priorités. Donc oui, à un moment donné, quand on est dirigeant, il faut aussi choisir. Et décider de quelles sont les priorités et d'expliquer pourquoi ce point-là va être une priorité et pas le point d'à côté.

  • Speaker #0

    Selon Henri Haddad, choisir, c'est renoncer.

  • Speaker #1

    Et c'est une vraie réalité. Je pense qu'on s'en rend compte tous les jours. Dans notre métier, oui, ça, c'est vraiment quelque chose de super important. Choisir, c'est renoncer. Et je pense qu'un bon dirigeant, c'est celui qui sait prendre des décisions, en fait. Bien sûr. Et ce n'est pas si fréquent.

  • Speaker #0

    Oui, c'est du courage entrepreneurial, managerial.

  • Speaker #1

    Exactement. Mais le courage, typiquement, je pense que c'est une valeur qui, pour moi, m'est hyper chère et très motivante. Mais qui veut dire qu'il faut accepter de se prendre des coups. Parce que quand vous avez le courage de prendre une décision, on ne peut pas satisfaire tout le monde. Et donc, vous avez les insatisfaits qui, par définition, ne vont pas agréer à votre décision. Et ça, il faut l'accepter.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu penses que depuis quelques années, avec un monde de plus en plus mouvant et peut-être incertain dans l'avenir, c'est encore une soft skill encore plus importante, la prise de décision, et qu'il faut aller vite ?

  • Speaker #1

    La prise de décision, et je pense encore plus important, c'est le courage. Moi, je pense que le courage, c'est une valeur assez peu mise en avant dans notre... Je parle de la société française, en tous les cas, et qui devrait s'apprendre en école. Je pense qu'il y a des choses, il y a des fondamentaux qu'on peut... qu'on peut insuffler d'un point de vue éducatif. Mais oui, je pense que le courage est une valeur hyper importante, et encore plus quand on est dans une société un peu mouvante, où il y a beaucoup d'indécision, où il y a beaucoup de flottement. Il faut savoir porter ses valeurs haut et fort.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, c'est une experte du luxe. Si on parle un peu des sujets d'actualité autour du luxe, ce n'est pas que autour du luxe, mais aujourd'hui, on n'entend parler que d'IA, d'intelligence artificielle. Est-ce que dans le luxe, particulièrement dans le joaillerie et peut-être chez Fred, l'IA va changer quelque chose, peut-être dans les parcours clients, l'expérience client ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que le luxe ne fait pas défaut. L'IA est un peu partout et pour les bonnes choses. C'est-à-dire qu'il y a plein d'éléments qu'on arrive à faire de plus en plus rapide, de plus en plus efficace grâce à l'IA. Ça peut être le cas sur des items de production, comment accélérer des chaînes de production de certains éléments, de certains produits. Ça peut être le cas, donc on parlait de parcours client, mais typiquement dans l'identification de clients à fort potentiel, quand on a une base de données. on faisait avant des études, on faisait mouliner un petit peu nos bases de données pour essayer d'identifier le futur top client. Aujourd'hui, on gagne un temps fou avec l'IA parce que vous pouvez appliquer de l'IA sur cette base de données et puis elle va déterminer des algorithmes de comportement d'achat en identifiant hyper rapidement le client de demain. Ça, c'est quand même extraordinaire.

  • Speaker #0

    C'est super intéressant. C'est quand même gagner un temps de dingue. Et la grande question, c'est est-ce que toi, tu utilises ChatGPT en tant que dirigeante au quotidien ?

  • Speaker #1

    Au quotidien, pas du tout. Par contre, quand c'est sorti officiellement, on va dire pour le grand public, j'ai testé tout de suite avec des choses assez marquantes du type business case. On fait tant dans tel pays, on veut se développer dans tel pays, j'ai telle problématique. Qu'en penses-tu et quel est le plan d'action ? Et honnêtement, j'ai été bluffée de voir le plan d'action qui sortait. Et tout ça en mettant assez peu de data dans la machine, puisque pour des raisons de confidentialité. Les chiffres n'étant pas publiés, je n'allais pas donner à l'LGPT et donc à d'autres personnes des informations confidentielles. Donc avec des choses très basiques qu'on peut trouver dans la presse. Et non, j'ai été totalement bluffée. Après, très honnêtement, moi, je l'utilise très peu. Mais c'est assez drôle que tu m'en parles parce qu'on était en séminaire la semaine dernière avec nos équipes. Et puis, on a fait un team building assez sympa. Et la personne qui s'est occupée de l'animation m'a dit que pour la constitution des équipes de notre team building, elle avait fait fonctionner le LGPT. Et donc, c'était drôle. Je pense que les jeunes générations, très clairement, l'utilisent beaucoup plus que moi. J'ai fait un truc assez marrant aussi. J'avais été sollicité pour être jury. Même pas pour être jury, pour être personnalité, pour remettre un diplôme dans la graduation day d'une école. Donc, ils sont 900 et reçoivent leur diplôme. Et je devais faire le discours de graduation day. Et donc, j'ai fait un discours très personnel. Mais au milieu... j'ai glissé un texte de Triad GPT pour faire un test sur un sujet entre le luxe et la RSE, qui est un peu le sujet bateau du moment. Donc, je me suis dit, voilà, ça va me sortir plein de trucs. Et donc, à la fin de mon petit discours, j'ai demandé à l'audience, donc plus de 600 ou 700 personnes, s'ils étaient d'accord avec ce que je disais, s'ils étaient d'accord qu'ils lèvent la main. Ils ont quasiment tous levé la main. Et là, je leur ai dit, écoutez, ce n'est pas moi qui le dis, c'est Triad GPT. Et donc, c'est quand même important de se rendre compte que... Il faut quand même glisser des choses un peu personnelles dans les messages qu'on véhicule parce que je pense qu'il y a un risque à devenir assez moyennisant et assez impersonnel. Mais c'était assez étonnant de voir la véracité et l'authenticité des paroles qui sont sorties dans le discours.

  • Speaker #0

    Bien sûr,

  • Speaker #1

    c'est un outil hyper... Je me suis laissé très impressionné.

  • Speaker #0

    Pareil, des fois, je les utilise et je suis hyper étonné. De toute façon, c'est un outil qui arrive. Et de toute façon, si tu ne l'utilises pas, c'est ton concurrent qui va l'utiliser.

  • Speaker #1

    Oui, puis alors moi, je fais partie. J'ai des enfants qui m'aident beaucoup aussi à rester en de top, on va dire. Mais je trouve que c'est important de comprendre comment la nouvelle génération va travailler, va penser. Tu parlais de fidélité dans une même maison. Voilà, ces comportements d'un jeune collaborateur. Et je pense que CLGPT est beaucoup plus présent chez nos jeunes collaborateurs que sur ma génération. Mais on a besoin de le comprendre. Si on ne comprend pas, demain, on va être déconnectés, en fait. Et ce sont, un, nos talents de demain et deux, nos dirigeants de demain. Donc, il faut qu'on accompagne aussi cette transition.

  • Speaker #0

    Tu parlais de RSE. On sait aujourd'hui qu'il y a une urgence climatique qui va au-delà du monde de l'entreprise. Et pour moi, qui nécessite un peu une mobilisation de toutes les forces, que ce soit les citoyens, les entreprises, les politiques, les associations, etc. Est-ce que tu penses que... Alors, le luxe, c'est plutôt une industrie. Ça ne veut pas dire que le luxe gagne tout le temps énormément d'argent et que tout est très facile, mais c'est plutôt une industrie rentable. Est-ce que tu penses que cette industrie a un rôle... sociétal peut-être plus important ? Un rôle déjà peut-être plus important que d'autres industries ?

  • Speaker #1

    Je pense que l'industrie étant visible et très contributrice à l'économie du pays, par définition, elle a un rôle d'exemplarité. Et elle a un rôle assez, effectivement, sociétal. Et dans le sociétal, je mets le R, le S et le E. Et je pense que les grands acteurs de l'industrie du luxe aujourd'hui sont extrêmement engagés sur le sujet. Il faut éviter de tomber dans l'écueil, de se dire c'est celui qui publie le plus sur LinkedIn qui fait le plus d'actions. Je pense que pour bien parler du sujet, il faut lire les rapports dédiés des différentes maisons ou des différents groupes. On a des très bons exemples avec LVMH, Kering et Hermès. Je pense que toutes les, et Chanel, je ne pourrais pas ne pas citer certains d'entre eux, mais tous les acteurs importants de l'industrie sont extrêmement engagés, en accéléré j'ai envie de dire, très actifs sur le sujet. Et oui, je pense qu'ils sont assez puissants dans leur capacité à faire changer les choses dans notre domaine. On ne peut pas non plus intervenir dans tous les domaines, mais dans le domaine que l'on maîtrise. Et je crois que c'est important de rester dans ce qu'on sait faire et dans ce qu'on maîtrise. Les dernières années ont été extrêmement structurantes et je trouve très exemplaires.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux nous donner quelques exemples, par exemple, de la maison Fred ?

  • Speaker #1

    Alors, dans la maison Fred, on a été assez exemplaires sur la construction des boutiques. On a remplacé depuis assez longtemps tous nos éclairages. L'éclairage en joaillerie est très important parce que, évidemment, si le diamant est bien éclairé, on y voit toutes les facettes et on voit la pureté de la pierre. Donc, tous nos éclairages sont passés en LED depuis hyper longtemps. On a remplacé les boîtes dans lesquelles on livre les produits via le e-commerce. par des boîtes construites de façon très éco-responsable. On a été la première marque, je crois, sauf erreur, de joaillerie du groupe, en tous les cas, à faire un affichage publicitaire sur du papier entièrement recyclé et éco-responsable. Donc voilà, ça va dans tous les domaines. C'est la publicité, c'est nos catalogues. On est hyper digitaux. Un exemple très basique qui est venu d'une impulsion personnelle. Moi, j'ai demandé à ce que toutes les cartes de visite de nos vendeurs ne soient plus imprimées, mais soient remplacées par une carte de visite digitale avec un QR code. Ça paraît bête, mais quand on a 300 vendeurs dans le monde, c'est le cas sur l'Europe, ce n'est pas encore le cas dans tout le monde entier, mais ça fait plus d'un an et demi, presque deux ans aujourd'hui, que nos vendeurs n'ont plus de carte de visite imprimée, mais n'ont qu'une carte digitale. Mais on ne peut pas imaginer l'économie d'impression qu'on a faite. Sans parler de l'aspect financier, mais il suffit de changer le numéro de téléphone ou la personne part. Dans le retail, on a un turnover. Donc, vous avez X% de turnover, vous accueillez des nouveaux vendeurs. À chaque fois, c'est de l'impression qu'il ne servait pas à grand-chose ou en tout cas qui me semblait un peu dépassé. Aujourd'hui, vous avez un QR code qui est généré en deux minutes. En plus, les clients adorent. Et par ailleurs, la carte de visite va directement dans l'annuaire du client. Là où quand vous aviez une carte de visite, vous pouviez la perdre. Il était peu fréquent quand même que le client intègre le vendeur dans son annuaire personnel. Donc, pour de multiples raisons, c'est tellement plus efficace. Et en plus, c'est co-responsable.

  • Speaker #0

    C'est marrant que tu prennes l'exemple de la carte de visite, parce qu'en tant qu'entrepreneur, aussi, quand tu commandes des cartes de visite, c'est typiquement le truc qui est vendu par 200, 300, 500, où tu as une incitation à en acheter beaucoup plus. Ça coûte beaucoup moins cher, marginalement. Et finalement, tu en jettes 80% généralement.

  • Speaker #1

    Exactement. Donc voilà, il y a plein de petites choses. Et moi, je fais partie des gens qui sont convaincus que l'effort collectif, c'est une somme d'efforts individuels. Donc tout le monde peut contribuer. Tout le monde peut avoir sa petite idée. Chaque idée est bonne. Et le tout, c'est de continuer à montrer l'exemple. Et on parlait des sphères personnelles, mais que chacun dans notre sphère personnelle, on arrive à montrer l'exemple.

  • Speaker #0

    Tu nous parles du colibri là.

  • Speaker #1

    Mais voilà, exactement. Non, mais je suis tellement convaincue par ça. Et on a commencé off the microphone une discussion sur la philanthropie. la philanthropie, c'est chacun qui le décide. On peut tous faire quelque chose à notre niveau et on n'est pas obligé de donner des milliers des cents. Mais si déjà chaque année, on donne un petit peu à quelque chose, une cause qui nous parle, ça fait une différence.

  • Speaker #0

    Et ce n'est pas pour faire ma pub, mais par exemple sur Les Sages, la majorité des podcasts vivent par la générosité. Et moi, c'est ce que je dis, si chacun donnait un euro, à mon avis, tous les podcasts seraient rentables.

  • Speaker #1

    Un euro, ce n'est pas douloureux. Tout le monde peut donner un euro. En tout cas, dans la sphère dans laquelle on évolue, je pense que tout le monde peut donner un euro. Et je pense que c'est hyper important, effectivement, d'avoir cette dynamique de ce que j'appelle le bol de riz. Le bol de riz, c'est grain par grain. Et on ne finit pas un bol de riz en l'avalant en une fois.

  • Speaker #0

    Pour finir ce chapitre de ta vie chez Fred, si je croisais tes équipes, qu'est-ce qu'à ton avis, si je leur demandais de te décrire en quelques adjectifs, je te décrirais comment ?

  • Speaker #1

    Alors écoute, ce qui est sûr, c'est qu'il y a au moins quelqu'un qui dirait hyper dynamique, hyper active. Je pense que c'est quelque chose qui me caractérise. Très optimiste et gay. Ce sont des valeurs très fortes aussi au sein de la maison et c'est pour ça que j'ai senti un alignement, je pense, assez naturel. Fred Chanuel, je le disais tout à l'heure, était quelqu'un de très gay, qui portait la joie. Et pour moi, c'était important d'être aligné sur cette valeur-là. Exigeante, exigeante, pouvant dire pas dure, mais exigeante. Donc oui, ça ne rigole pas tous les jours non plus. C'est-à-dire que cette exigence que je m'applique à moi-même avant tout, évidemment, j'essaye de l'appliquer auprès de mes équipes qui, pour certains, prennent le train en marche et peuvent grandir rapidement. Pour d'autres, peut-être, restent un peu sur le quai. Donc, ce n'est pas toujours facile. Donc, ça peut être un peu segmentant. Donc, je pense, assez segmentante. Après, qu'est-ce qu'ils pourraient dire d'autre ? Drôle. Moi, j'utilise beaucoup l'humour. Je pense que c'est quelque chose d'important dans ma vie au quotidien et qui fait partie de mon univers. Voilà, j'aime ça et je trouve que de réussir à maîtriser le premier degré pour aller sur le second, c'est quand même assez sympa. Et puis, dans des instances où il y a souvent un ton un petit peu difficile Et parfois, des négociations un peu ardues, je pense que l'humour aide à sortir de beaucoup de situations.

  • Speaker #0

    Bien sûr, ça permet de détendre et parfois de passer des messages. L'épisode 5 des Sages, on a eu la chance de recevoir François Hollande, qui est un président de la République, qui est connu justement pour son humour.

  • Speaker #1

    Complètement, je n'ai pas eu la chance de le rencontrer, mais effectivement, sa réputation le précède sur sa capacité à gérer beaucoup d'humour.

  • Speaker #0

    Et il nous a dit que c'était pour lui, un jeu de mémoire autant agréable que finalement un outil pour résoudre des situations, comme tu évoquais.

  • Speaker #1

    Et je pense par ailleurs que l'humour était vraiment une espèce de gymnastique intellectuelle intéressante, parce que comme je disais, il faut maîtriser le premier degré pour passer au second. Donc ça veut dire qu'il faut systématiquement aller un coup d'avance et savoir comment est-ce qu'on pourra déstabiliser de façon sympathique la personne en face.

  • Speaker #0

    Écoute, tu me fais une super passerelle, Natacha. On va parler plus de ta manière, de la partie personnelle. Et tu parles de sympathie. Et justement, j'ai une personne qui a souhaité... Faire passer un message justement lors de ce podcast que je vais te lire du coup. Donc c'est... et un altruisme indéniable. Donc, cette personne, c'est Angélique Gérard, qu'on a eu la chance d'accueillir dans les sages lors du premier épisode. Et donc, sa question, c'est Natacha, ton parcours dans l'univers de luxe est impressionnant. Comment arrives-tu dans un monde où la paillette a souvent la part belle pour préserver tes valeurs, ta profondeur, en somme, rester celle que tu es ? Question pas facile.

  • Speaker #1

    Déjà, merci Angélique pour ces mots qui me touchent énormément. Je pense que tout réside dans l'éducation. Moi, j'ai reçu une éducation qui m'a construite avec des parents, je le disais tout à l'heure, très aimants. Des parents qui ont une belle réussite sociale, parce que des parents médecins, spécialistes, mais qui sont issus d'une famille extrêmement modeste, immigrée, comme on le disait en introduction, et qui nous ont élevé, mon frère et moi-même, toujours avec ces valeurs du sens du travail, du sens de l'effort. On a grandi dans un milieu hyper privilégié, j'ai été extrêmement gâtée. Mais je savais que j'avais cette chance, c'est-à-dire que rien n'était dû et le respect de l'autre et le respect du travail étaient quelque chose d'extrêmement structurant et important pour nous. Donc très vite, je pense que j'ai su décoder le fait que dans l'univers du luxe, il y a cette émotion forte, il y a le rêve, mais ce n'est pas la vraie vie. Pour moi, la vraie vie, c'est ce qui se passe quand vous rentrez chez vous, c'est ce qui se passe quand vous observez ce qui se passe autour de vous. et qu'on est là pour vendre des produits exceptionnels à des clients exceptionnels, mais que ce n'est pas forcément notre quotidien. Donc ce côté paillettes, on va dire apparence, parce que c'est vrai que ça participe beaucoup à l'apparence, le luxe, n'est pas incompatible avec qui on est intrinsèquement. Et ce qui m'aide à tenir au-delà de cette éducation, donc il y a mes valeurs, le fait que je n'ai jamais été pervertie en me disant je vais rouler dans une belle voiture et je vais aller dans des restaurants hyper chers et je ne vais avoir que des produits de luxe. C'est ensuite mes racines et ma famille. Je suis mère de deux enfants, j'ai vécu presque 20 ans avec mon ex-mari, donc quand bien même ça s'est soldé par un divorce, on a quand même une magnifique vie commune. Et on a, je pense, partagé ces valeurs qui sont que quand vous avez un enfant malade, vous avez beau avoir un super job, votre enfant il est malade en fait. Donc ça ne change rien à la vie, on est face à la maladie, ou face aux petits éléments du quotidien, aux petits problèmes du quotidien, on doit tous réagir. Et ce que j'essaye de transmettre à mes enfants comme valeur sont celles que moi j'ai reçues. Et du coup, de plutôt animer sur rien n'arrive par hasard. Selon moi, les gens qui me disent on a de la chance, je ne crois pas trop à la chance. Moi, j'ai eu, entre guillemets, je suis née dans une famille, je suis bien née. Mais pour autant, j'ai passé sept ans dans les hôpitaux. Donc, est-ce que c'est une chance ? Je n'en sais rien. Par contre, savoir saisir les opportunités et savoir se dire que si on se donne les moyens, et d'où le lien avec l'ambition. L'ambition, elle peut ne pas être professionnelle, on peut être ambitieux dans plein d'autres domaines, mais se donner les moyens de faire ce qu'on a envie de faire et de trouver son épanouissement, ce sont les valeurs fortes qui, pour moi, sont importantes. Pour moi, pour mes enfants, et que j'essaie de transmettre. Et je pense que cette... Cet ancrage, quelque part, ça évite toute perversion d'un côté un petit peu superficiel. Le luxe, par définition, personne n'a besoin d'un produit de luxe pour vivre. Par contre, comprendre qu'on peut provoquer du plaisir et de l'émotion en contribuant à cette industrie du luxe, c'est quelque chose qui me nourrit. Ça ne veut pas dire que je vais vivre dans un univers du luxe. Donc, il y a souvent cette association. Et en plus, comme je suis un peu élégante et que je travaille dans un milieu où... l'apparence est importante et elle est importante pour moi à titre personnel. Il y a souvent cette première lecture où les gens me catégorisent tout de suite en se disant Ok, c'est cette nana du luxe là. Pour qui elle se prend ? Elle est perché. Pour qui elle se prend ? Elle est hyper hautaine. Et quelque part, ça ne me dérange pas vraiment. Ceux qui vont aller voir un petit peu plus loin, tant mieux parce que je me dis que je leur aurais donné envie d'aller découvrir un petit peu plus ce que je suis intrinsèquement. Et ceux qui s'arrêtent à ça, fine. On n'est pas obligés d'être amis avec tout le monde et on n'est pas obligés de... de satisfaire tout le monde. Ça revient à ce que je disais tout à l'heure. Il faut savoir choisir un petit peu ses combats. Et j'ai la chance d'avoir beaucoup d'amis. En tout cas, pour moi, la relation sociale et la relation amicale est hyper importante. Eh bien, mes amis, ce sont ceux à qui j'ai ouvert cette porte ou qui sont venus aller gratter à la porte et qui ont découvert qui j'étais vraiment en tant que personne et pas qui je suis par ma carte de visite ou par ce que je représente. Soyons clairs, il y a des gens qui m'approchent parce que je bosse dans le groupe LVMH et que je peux avoir des prix sur les produits, des stages, les soldes privés. Je suis très consciente de ça, mais je pense que du haut de mes 51 ans, j'arrive à bien détecter la sincérité du regard ou pas. Et donc, cet ancrage est hyper important et plus j'avance en âge, malgré tout, plus ça devient prégnant. C'est-à-dire que je vais m'entourer de personnes qui me comprennent.

  • Speaker #0

    Et encore une fois, on ne se connaît que très peu, mais le peu, moi, j'ai trouvé juste une personne qu'on connaissait en commun, qui s'appelle Léa Philippot, que je salue ici. Et en fait, la relation que tu as avec Léa, c'est du don, je crois, c'est que tu l'aides en tant que jeune entrepreneuse.

  • Speaker #1

    Effectivement, moi, j'aime beaucoup passer du temps et en tout cas, le give back, comme on dit en anglais, aider des jeunes ou moins jeunes, d'ailleurs, personnes. Mais ça vient probablement aussi du côté très altruiste de mon père, qui a toujours été... Un bon samaritain. Et puis, c'est important pour moi de... Enfin, je suis quelqu'un qui est vraiment dans le partage. Et donc, passer du temps pour écouter, peut-être partager un petit peu mon expérience et répondre en tout cas à des sollicitations, ça me semble une évidence en fait. Et j'aime bien faire plaisir. Ce qui peut être une limite, parce que quand on veut faire plaisir un peu à tout le monde, on s'oublie un peu soi-même. Et ça, c'est vrai que j'ai un peu plus de mal. à m'accorder moi des moments pour moi parce que j'aime beaucoup passer du temps avec les autres. J'ai du mal à dire non aux gens qui me sollicitent. Donc, je suis un peu obligée de trier parce qu'on n'a pas le temps de tout faire. Mais je prends beaucoup, beaucoup de plaisir à aider. C'est un mot quand même assez beau, aider. Et généralement, les gens que j'arrive à aider me le rendent très, très bien. Et je pense que dans le mentorat ou dans le don de soi, égoïstement, on récolte beaucoup, beaucoup pour soi. Je suis marraine d'un programme de mentorat animé par l'ESSEC. Et dans la première étape, je dis toujours à la personne qu'on mentor que, égoïstement, c'est moi qui en retire généralement le plus de profit parce qu'on apprend beaucoup, beaucoup des autres.

  • Speaker #0

    Bien sûr, et ça me fait penser, moi j'accompagne...... certains jeunes entrepreneurs, moi, je suis aussi encore un jeune entrepreneur, mais quand des fois, ils n'osent pas justement aller taper à la porte de patron, je leur dis, mais attendez, vous allez sûrement leur apporter autant que lui ou elle va vous apporter parce que vous avez, vous êtes du sud d'une autre génération, donc vous avez peut-être des connaissances qui sont différentes, etc. Donc, c'est un échange finalement.

  • Speaker #1

    Oui, et puis je pense que c'est une preuve d'humilité aussi de se dire, moi, je suis persuadée qu'on apprend de tous et on apprend surtout à tout âge. Pour parler de sagesse, on dit souvent que les personnes plus âgées sont les plus sages. Mais moi, je pense qu'on apprend vraiment à tout âge et que j'ai ce sentiment de... J'ai besoin d'être nourrie par ma curiosité, d'être toujours nourrie. Donc oui, aller s'ouvrir aux autres et partager est vraiment essentiel pour moi.

  • Speaker #0

    Si on revient sur quelque chose qui est important pour toi, c'est l'égalité homme-femme et en entreprise notamment, qui est peut-être plus de dirigeante sur des postes de direction.

  • Speaker #1

    Moi, je ne comprends pas comment 52% de la population n'est pas représentée de façon équitable dans le haut des strates dirigeantes des entreprises.

  • Speaker #0

    52%,

  • Speaker #1

    c'est le nombre de postages de femmes. Normalement, on devrait avoir... aller à minima 50% de femmes dirigeantes à tout niveau, dans le monde politique, dans le monde de l'entreprise, dans toutes les strates. Normalement, s'il y a cette équité ou en tout cas ce ratio à la base, on devrait le retrouver. Il y a quand même des explications qui sont que l'accès à l'éducation des femmes est arrivé plus tardivement. Aujourd'hui, en France, tout le monde va à l'école et depuis longtemps, mais le droit de vote des femmes n'est pas si ancien. Il y a le fait que les femmes s'autocensurent beaucoup plus que les hommes. Donc, il y a une histoire quand même de posture, de confiance en soi, de syndrome de l'imposteur. Il y a plein de choses, mais on doit accélérer absolument ce process. Il n'y a pas de raison. Et au-delà du fait un peu dogmatique de cet équilibre homme-femme, il y a le fait que la richesse, on vient de le dire, vient de l'échange. Donc, les hommes et les femmes peuvent discuter avec des points de vue différents, au même titre que les cultures, la richesse culturelle doit être mise en avant au sein de l'entreprise. la différence aussi générationnelle. Moi, je trouve hyper intéressant de discuter avec des jeunes qui ne pensent pas du tout, qui n'ont pas les mêmes réflexes de penser que moi, qui n'ont pas les mêmes drivers, qui n'ont pas les mêmes moyens de communication. Donc, cette diversité totale doit être présente au sein de l'entreprise en particulier. Et je crois fondamentalement, même si nos cerveaux, je crois que scientifiquement, sont faits de la même façon, si je ne m'abuse, mais je pense qu'on a une... Les hommes et les femmes réagissent différemment à la prise de décision et il y a tout un contexte un peu émotionnel qui s'inscrit et qu'on a tout intérêt à confronter ces deux points de vue pour faire en sorte qu'au sein de l'entreprise, on puisse avoir une certaine objectivité et puis partager encore une fois la façon de voir les choses. Et les entreprises qui le font d'ailleurs sont généralement plus successfulles, plus efficaces et ça fonctionne très bien. J'ai vraiment du mal à comprendre pourquoi ça prend autant de temps. Encore une fois, il y a quand même une histoire d'éducation, de diplômes, d'accès aux grandes écoles. Si on regarde les femmes ingénieurs, il y a un manque énorme de femmes ingénieurs, parce que quand bien même elles sont premières de la classe en terminale, malheureusement, beaucoup s'autocensurent avant d'aller en classe prépa. Puis les quelques-unes qui vont en classe prépa, elles se retrouvent 10% ou 15% de la population pas super heureuse, parce qu'il y a quand même 85% autres qui mettent un petit peu de pression. Donc, il y a des éléments sociétaux. Et il y a pas mal de choses qui sont faites depuis quelques années maintenant, en accéléré pour rééquilibrer un petit peu tout ça. Donc je supporte pas rôle de cette parité. D'ailleurs, je parle de parité et pas forcément de féminisme, parce que le sens inverse est très dramatique. Je ne suis pas là pour collier 80% de femmes dans les comités de direction des entreprises. En revanche, l'aspect paritaire me semble tout simplement normal, naturel. Mais comme il y a un déficit à la base, on est obligé d'en parler beaucoup. d'accélérer les process et de mettre vraiment le curseur sur cet élément-là pour rééquilibrer assez rapidement la donne.

  • Speaker #0

    Et je crois, tu me dis si je me trompe, mais sur les grands groupes ou les groupes cotés, il n'y a pas la loi Zim...

  • Speaker #1

    Copé-Zimaman, qui a maintenant plus de 10 ans. C'est une loi qui a imposé dans toutes les sociétés du CAC 40 un pourcentage de femmes dans les conseils d'administration. Donc... hyper structurante comme loi qui a permis d'accélérer énormément cette parité dans les conseils d'administration. Or, le seul biais, entre guillemets, enfin qui n'est pas un biais, mais le point sur lequel on essaie de travailler plus à présent, c'est de passer du conseil d'administration qui est une instance de surveillance et pas une instance décisionnaire opérationnelle, au comité de direction et comité exécutif. Et là, il y a une deuxième loi qui a été promulguée en 2021, si je ne m'abuse, qui est la loi Rixin, initiée par la députée Marie-Pierre Rixin. qui, elle, a mis en place cette loi, met en place des quotas de femmes dans les comités de direction et dans les comités exécutifs à horizon d'ici à peu près 5 ans. Et ça, c'est hyper important parce qu'un conseil d'administration, c'est une très bonne chose, mais c'est une instance, encore une fois, de gouvernance et de surveillance. Ce n'est pas l'entité qui dirige l'entreprise. Le comité de direction et le comité exécutif sont les entités qui dirigent l'entreprise. Et là, on est plus dans quelque chose d'opérationnel. Et c'est en train d'être mis en place, puisque la loi a deux échéances, a deux dates différentes, et est en train d'être appliquée. Et puis, une fois qu'on a discuté du CAC 40, des plus grosses entreprises, il y a ensuite le SB 120, qui est la deuxième entité des maisons cotées. Et puis après, il y a tout le reste.

  • Speaker #0

    C'est ce que je voulais te demander, parce que le tissu économique français, en nombre, il est essentiellement composé de PME, de TI. Est-ce que... Alors, je ne suis pas sûr que dans les... toutes les PME et les ETI. Alors, les ETI, je pense qu'il y a des comités de direction, mais toutes les PME, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il faut commencer par quelque chose et c'est vrai qu'on commence par les plus grosses entités pour donner l'exemple aussi. Mais après, il y a des secteurs sur lesquels, effectivement, les choses doivent s'accélérer. J'ai parlé tout à l'heure du secteur de la tech parce qu'on sait qu'on manque drastiquement de femmes ingénieurs. Or, il n'y a pas de raison qu'il n'y ait pas de femmes ingénieurs dans les 5, 10, 15, 20 années qui vont venir. Donc, que ce soit des petites structures ou des grosses structures, il y a des pans entiers de l'industrie sur lesquels on peut avoir des opportunités énormes pour développer la parité. Et il y a des métiers qui, il y a quelques années, étaient assez physiques. Donc, on pouvait comprendre que ce soit plus des hommes parce que des métiers ouvriers où il fallait porter des charges importantes, etc. Mais la modernisation fait qu'il y a de moins en moins de métiers qui sont bloquants pour les femmes d'un point de vue physique. Donc là aussi, il faut sortir des a priori. il y a 50 ou 60 ans, et beaucoup de métiers ont été motorisés, automatisés, on parlait de l'IA et donc optimisés, et derrière, il n'y a pas de raison qu'il y ait moins de femmes.

  • Speaker #0

    Si on parle de mettre en avant, de récompenser les femmes, je crois que récemment, il y a quelques semaines ou quelques jours, tu as été nommée chevalière de l'ordre du mérite. Qu'est-ce que ça signifie ? Comment on devient ? Moi aussi, j'ai l'ambition de devenir chevalier de l'ordre du mérite. Comment on devient et qu'est-ce que ça signifie pour toi ?

  • Speaker #1

    Ça signifie beaucoup, c'est une magnifique reconnaissance pour moi. Donc effectivement, il y a deux promotions civiles pour recevoir l'Ordre national du mérite, une qui est autour de mai-juin et une autre qui est aux alentours du mois de novembre, me semble-t-il. Et donc, j'ai eu la chance de découvrir dans le décret du 9 juin dernier, donc il y a quelques semaines, que je faisais partie de cette promotion, de cette promotion civile.

  • Speaker #0

    Tu n'étais pas au courant ?

  • Speaker #1

    Alors ? En fait, tu es identifié par une personne. Suite à ça, j'étais au courant dans le sens où il y a trois ans, j'avais été identifié par Elisabeth Moreno, qui était la ministre de la Parité de l'époque, aux côtés desquelles j'ai eu la chance de travailler au sein d'un conseil un peu consultatif qu'elle avait constitué à ses côtés. Et donc, on te demande à ce moment-là de... Il y a une petite enquête qui est faite sur toi. Et donc, j'avais eu écho... d'une personne du service des décorations qui m'avait contactée pour avoir des informations me concernant. Mais ça, c'était en juin 2021. Et puis, suite à ça, tu remplis un petit dossier et il se passe quelque chose ou pas. Pour moi, il ne s'était pas passé grand-chose. Et puis, quand ça a été publié au journal officiel, trois ans après, ce qui peut être un peu long, trois ans dans une vie, Non, tu ne le sais pas. C'est-à-dire que quand le journal officiel sort, il n'y a pas quelqu'un qui t'appelle en te disant By the way, ton nom est dans le journal officiel Donc moi, je l'ai appris complètement par hasard. L'histoire est assez cocasse, l'anecdote est assez cocasse. J'étais à Roland-Garros. On est très des sponsors, en tout cas des partenaires de Roland-Garros. Donc on a eu la chance de participer à la finale avec un certain nombre de clients. J'étais assise dans les tribunes avec des clients autour de moi et je reçois un SMS d'un ami qui me dit très gentiment Le bleu te va très bien, félicitations Et là, je portais ce jour-là une veste en jean, donc bleue, et je me dis, c'est hyper sympa, il me fait un petit compliment vestimentaire. Et donc je réponds en lui disant, mais où es-tu dans les gradins ? Puisque donc, je pensais qu'il n'était pas très loin de moi ou qu'il me voyait sur un écran ou autre. Et il me répond, mais pas du tout, tu viens d'être nommé par le Premier ministre dans le journal officiel de vendredi, donc on était dimanche, pour recevoir l'Ordre national du mérite. Donc c'était quand même assez étonnant et ça arrive, je crois, très souvent. de le découvrir un peu par hasard. Et donc moi, trois ans après cette première identification. Pour être très honnête, il faut dix ans de service. Donc il faut avoir travaillé pendant dix ans dans sa vie professionnelle, donc entre guillemets avoir des bulletins de salaire pendant dix ans. Et après, il faut avoir fait des actions reconnues comme méritantes ou en tout cas avoir participé par des engagements à quelque chose qui soit reconnu, à des causes qui soient reconnues par la République. Donc cette magnifique reconnaissance, moi, vient honorer mon engagement justement pour la place des femmes, qui est un engagement de longue date me concernant et sur lequel je suis. extrêmement sincère en tout cas et active de façon totalement bénévole. Tout ce que je fais est complètement bénévole, c'est-à-dire que je ne fais pas partie de structures payantes ou autres. C'est du temps que je passe et c'est de l'engagement, on va dire, solidaire et bénévole. Après, pour être très honnête, et je n'ai aucun scrupule à le dire, moi je l'ai demandé. C'est-à-dire qu'à un moment donné, j'ai exprimé le fait que c'était quelque chose qui pour moi, symboliquement, serait important. Et alors, il y a mon égo. soyons très clairs, ça vient flatter mon égo et je pense que ça me reconfortait dans quelque chose d'important pour moi mais c'est surtout une reconnaissance pour mes parents et mes grands-parents, on a parlé de mes grands-parents tout à l'heure, qui sont arrivés en France qui ne parlaient pas français, qui n'avaient rien, qui ont fui le pays dont ils venaient et ils n'avaient pas demandé à fuir ce pays et ça c'était très important pour moi de me dire que la République pouvait reconnaître quelque chose en ma personne et je me dis que mes grands-parents ou qu'ils soient ils vont être super super fiers et Ça me remplit d'émotions et de joie. Et puis après, il y a l'exemple pour mes enfants, parce qu'on parlait des valeurs du travail et de la persévérance. Et rien n'est gratuit quelque part. Les choses viennent parce que vous avez donné de vous-même. Et c'est pour ça que j'insiste sur le côté bénévole. Moi, je passe et je passerai toujours du temps à donner des conseils, à encadrer, à mentorer, à manifester, à aider, à répondre à des sollicitations. Parce que je trouve que cette... Ce temps passé, il est méritant. Et le fait que la République ait une reconnaissance pour ça, je trouve ça absolument magique. Et je me dis que ça donne quand même un exemple à mes enfants qui, j'espère, les orientera de la meilleure façon possible dans leur vie future. Et donc, je suis super fière. Je suis super fière, mais je me suis aussi, entre guillemets, débattue. En tout cas, j'ai exprimé le fait que c'était important pour moi. Évidemment, il y a les actions derrière.

  • Speaker #0

    dans ton parcours Natacha est-ce qu'il y a des personnes en particulier qui t'ont inspiré ou qui t'inspirent encore aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ah ben il y en a plein alors je pense que j'ai besoin de personnes qui m'inspirent il y a évidemment les figures familiales je pense que les parcours de mes grands-parents la pugnacité, la tenacité de mes parents ce sont des gens qui m'inspirent ça paraît bateau mais je pense que j'ai la chance d'avoir cette famille hyper aimante et inspirante J'ai eu des mentors professionnels aussi. Mon premier patron, vrai grand patron chez Sephora, c'est la personne qui m'a prise dans ses bagages quand je suis partie chez Louis Vuitton. Je l'ai rejoint ensuite chez Christian Dior. C'est quelqu'un qui s'appelle Serge Brunswick et qui a cru en moi alors que je n'étais personne. Enfin, je démarrais tout le bus dans ma vie professionnelle et je pense qu'il a vu en moi une personne authentique et une personne avec du potentiel. Et je pense que c'est... Hyper important de pouvoir croiser dans sa vie des gens qui vous donnent votre chance. Dans la vie professionnelle, il y a plein d'autres personnes qui m'ont inspirée, mais entre autres, je me souviens d'un patron qui m'a fait faire mon premier 360. Un 360, c'est une évaluation de feedback. Vous êtes évalué par vos supérieurs, mais aussi par vos collaborateurs. Donc généralement, quand on est bon élève comme moi, votre boss, il vous aime beaucoup parce que vous faites bien le travail. Mais vous pouvez être peut-être un peu dur avec l'équipe. Et ce manager m'avait fait faire ce 360 et je me suis rendu compte. Assez jeune dans ma vie de manager, que je faisais super bien mon boulot, mais que j'écrasais un petit peu mes collaborateurs. Et donc ça, ça a été très important dans ma vie professionnelle. J'ai compris que j'étais là plus pour mes équipes plutôt que de satisfaire seulement mon patron. Et puis après, il y a des figures emblématiques. On a parlé il y a quelques moments de Marie-Pierre Rixin. J'ai eu la chance de la rencontrer. C'est une femme incroyable. C'est une femme qui a été députée jusqu'à la dissolution il y a quelques jours, mais qui se bat sur le terrain. Et qui est vraiment animée par une vraie sincérité, qui fait les choses pour faire avancer le pays, en fait. Qui donne de son temps, beaucoup autour d'elle. Et qui est extrêmement passionnée, intelligente, engagée, authentique. Donc voilà, c'est une femme pour moi très, très, très inspirante. Et puis après, il y a des figures... emblématique dans le programme de mentorat dont j'ai la chance d'être marraine on donne un nom de promo et cette année donc en 2023 2024 j'ai donné le nom de la promo à le nom de promo en reprenant le nom de Simone Veil. Pour moi, c'est difficile de faire une interview sans parler de Simone Veil. Elle incarne un exemple extraordinaire, toutes les causes et les valeurs qui me sont chères. Et puis, elle a évidemment un passé qui rejoint beaucoup celui de ma famille. Elle a vécu les camps d'extermination, elle incarne cette résilience, cette intelligence, ce courage, parce que... Parce que se mettre devant, enfin être une femme politique à son époque, il fallait être extrêmement courageux. Et puis, elle a pris des positions extrêmement fermes. Que ce soit évidemment pour l'IVG, ma mère étant gynécologue, c'est quelque chose qui était très important pour moi aussi. Que ce soit pour aider les femmes dans les prisons algériennes, que ce soit... Enfin voilà, c'est bon évidemment pour l'Europe. Donc, ça peut paraître bateau aussi, mais au risque d'être bateau, je veux bien conclure avec elle. Ça me va bien.

  • Speaker #0

    Et je pense que, si je peux me permettre, on pourrait peut-être ajouter, parce que je sais que c'est quelqu'un qui, je ne sais pas si qui t'a inspiré, mais qui t'a touché, un monsieur qui s'appelle Olivier Goua.

  • Speaker #1

    Évidemment, je pense que c'est sa réaction et sa façon de réagir contre la maladie. Je pense que quand on est touché par une maladie dont on sait qu'elle aura le dernier mot, c'est... C'est quelque chose qui, évidemment, change une vie. Et d'avoir ce don de soi pour se dire que les derniers moments de sa présence avec nous sont dédiés à faire parler de cette maladie, à faire en sorte que les gens se mobilisent pour la recherche, parce que c'est bien de faire des choses sur LinkedIn, etc. Mais il faut surtout donner des sous pour aider la recherche. Et cette capacité qu'il a à faire face, moi, je suis... Je ne peux même pas dire admirative. Je ne peux pas. Oui, boule bée et je pense que c'est extraordinaire d'avoir des gens comme ça et d'avoir la capacité à communiquer aussi ça. Parce que je pense qu'il y a beaucoup de gens extraordinaires qui font face à des épreuves terribles. Mais d'utiliser cette visibilité qu'il s'est donnée lui-même aujourd'hui pour faire avancer le sujet et d'accepter malgré tout que le monde entier le voit se diminuer. Mais pour cette cause-là, je trouve ça absolument extraordinaire. Et j'ai évidemment vu le film Invincibillité et je trouve qu'il a une espèce de sérénité que beaucoup d'entre nous n'avons pas alors que nous sommes pleinement vivants, en pleine forme et que nous avons la vie devant nous. C'est pour moi une leçon de vie et je pense qu'il y a beaucoup d'Olivier Gouin un peu partout, mais qu'il est le porte-parole de cette résilience et de cette capacité à rester optimiste et à rester engagé et surtout à faire. J'ai un jour un patron qui m'a dit quelque chose de très intéressant. Il m'a dit, connais-tu la différence entre dire et faire ? Eh bien, c'est faire. Et je trouve que c'est très vrai.

  • Speaker #0

    Je l'avais tellement entendu.

  • Speaker #1

    Elle est quand même très simple, mais assez impactante.

  • Speaker #0

    Et pour les auditeurs qui nous écoutent, Olivier Gouas, c'est le fondateur de October, anciennement Lendix, et surtout un monsieur qui malheureusement est atteint de la maladie de Charcot depuis un peu plus de trois ans et qui se bat becs et ongles. finalement pas pour lui parce que lui malheureusement ne bénéficiera pas d'un traitement potentiel sur la maladie de Charcot mais pour les autres et donc il est sur la saison 1 des sages Natacha on arrive au bout de cette interview est-ce que tu as quelques conseils à donner à des jeunes qui veulent globalement entreprendre leur vie

  • Speaker #1

    C'est difficile de donner des conseils sur la vie. Ce que je trouve essentiel, c'est quand même de privilégier son alignement. Moi, c'est un mot que j'aime beaucoup. Je pense qu'il faut être heureux, il faut être libre et il faut être soi-même. Angélique citait dans son petit mot mon cheveu sur la langue. C'est une anecdote, mais oui, j'ai un cheveu sur la langue, tout le monde va l'entendre aujourd'hui. Tout le monde me dit c'est trop mignon, c'est cool, c'est charmant, tout ce que tu veux. Bon, ça s'appelle un défaut de prononciation. Par définition, quand on dit défaut, ce n'est pas forcément un super atout, mais c'est qui je suis. Et quand j'étais enfant, ma mère a évidemment essayé de me faire corriger ce défaut de prononciation à travers un orthophoniste. Et assez rapidement, je me suis dit, c'est qui je suis et ce n'est pas grave. Donc cet alignement pour faire revenir à... en dehors de la digression il faut je pense que le conseil que je donnerais c'est d'assumer qui on est de trouver qui on a envie d'être parce que ça c'est pas évident et ça prend un petit peu de temps et chacun son rythme il n'y a pas de règles il n'y a pas de il n'y a pas d'imposition sociale sur il faut être comme ci il faut être comme ça par contre une fois que vous avez trouvé qui vous vouliez être et trouvé qui vous étiez donnez-vous les moyens de vivre pleinement cette vie-là Ça prend du temps aussi, chacun son rythme. Moi, j'estime que ces dernières années, et c'est vrai que j'ai divorcé il y a quelques années, j'ai eu une vie magnifique avec mon ex-mari avant, mais les choses faisant, je ne me suis pas vue, finalement, peut-être vivre avec lui toute ma vie. Mais cette liberté des possibles, cette liberté de choix, d'assumer, alors que j'étais la petite fille parfaite qui cochait toutes les cases, elle était mariée, elle a deux beaux enfants, et patati et patata. Soyez vous-même et assumez et soyez heureux. Et heureux, ça ne veut pas dire... Il n'y a pas de définition à être heureux. Chacun trouvera sa propre définition. Mais cet alignement-là, ne l'oubliez pas. C'est le meilleur des remèdes possibles.

  • Speaker #0

    Merci pour ces jolis mots. Qu'est-ce qu'on peut te souhaiter ?

  • Speaker #1

    De continuer à être heureuse, de continuer à être moi-même et de continuer à rencontrer des gens extraordinaires. Et je voudrais en profiter pour te remercier. D'abord, le titre de ton podcast est extrêmement aspirant, Les Sages. Et je suis particulièrement flattée de faire partie de tes invités quand je vois la qualité des autres invités. Bon, évidemment, j'ai mon petit syndrome de l'imposteur en me disant pourquoi moi ? Mais j'ai écouté pas mal des épisodes précédents et on vient de parler d'Olivier Gouin. Oui, c'est ça. J'ai écouté récemment ton interview de Mathieu Ricard. Je trouve que tu as une chance inouïe de faire un très beau métier, mais j'ai une chance inouïe aussi de rencontrer des personnes comme toi qui met la lumière sur des sages. Donc, merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, Natacha. Merci pour votre écoute des sages sur cette nouvelle saison. Si vous avez aimé, vous avez été inspiré, vous avez appris quelque chose, il n'y a qu'un moyen de me remercier. Si vous êtes sur Spotify ou Apple Podcast, abonnez-vous. et mettez 5 étoiles. 30 secondes de votre temps mais qui nous permettent d'être toujours plus visibles et que d'autres personnes découvrent les sages. Avant de se quitter, une dernière chose. N'hésitez pas à m'envoyer un message sur LinkedIn. Nicolas Jeanne. Jeanne, J-A-N-E. Pour me dire ce que vous en avez pensé, vos retours, des suggestions d'invités. Vos retours nous font grandir. Merci.

Description

Pour ce premier épisode de la Saison 2 des Sages, je reçois au micro Natacha Raab, la dirigeante de Fred Paris, maison de joaillerie légendaire, du groupe LVMH.


Natacha marque les esprits, et ceux à plusieurs titres :

  • C'est d'abord une grande professionnelle, fidèle du groupe LVMH, qui a su gravir les échelons un à un, jusqu'à prendre la (co) direction d'une filiale du groupe, dirigé par Bernard Arnault. Elle est passée auparavant par les maisons Sephora, Louis Vuitton, et Dior. Elle nous raconte ses expériences, les hommes qui ont marqué sa carrière, et assume d'être motivée "par le pouvoir".


  • Natacha, au-delà de son activité principale de dirigeante, est une femme engagée pour "l'empowerment féminin" : elle soutient de jeunes entrepreneures et agit en coulisse pour que les femmes prennent toutes leurs places dans le monde du business. Elle est aussi membre du conseil d'administration des alumnis de l'ESSEC, et du Jury de Forbes Under 30.


  • Enfin, Natacha est surtout une femme pleine de gentillesse et d'attention envers les autres. Elle est à l'aise avec ses émotions, nous raconte ses succès, et notamment sa médaille de Chevalière de l'Ordre Nationale du Mérite. Mais aussi les passages plus compliqués de sa vie, comme son hospitalisation pour anorexie durant ses études.


Au sein de cet épisode, nous avons également évoqué sa préparation au concours de l'ENA, Bernard Arnault, de ses origines polonaises, de la "bande à Natach'" durant son enfance, de l'IA dans le luxe, de running ...


Bon voyage avec Les Sages !


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les sages, c'est avant tout une histoire personnelle. Je m'appelle Nicolas Jeanne et j'entreprends depuis que j'ai 19 ans. Sur ce chemin, j'ai eu la chance de rencontrer des personnes que j'appelle les sages. Vous savez, ce sont ceux qui, d'un conseil bienveillant, peuvent changer votre journée, votre projet, votre vie. Souvent des personnes avec qui il y a un avant et un après. A mes yeux, ce sont des leaders authentiques mais surtout des leaders humanistes. Ça, c'est important pour moi. Ceux qui vont vous faire grandir sans s'en rendre compte. Plus que n'importe quel livre ou cours, des témoignages qui viennent du cœur et de la réalité. Et surtout du cœur. Aujourd'hui, je vous propose de partir à leur rencontre, dans un format inédit, et négocier avec eux. Un format où l'on se dira tout, naturellement, et aucune question ou anecdote sera interdite. Ça, vous avez ma parole. Un format axé sur leur activité, bien sûr, mais qui, évidemment, dérivera vers la vie, la société et les émotions. Mon but, c'est clairement de mettre en valeur l'aspect humain de ces personnalités qui me paraissent exceptionnelles, et de casser la carapace. Casser la carapace, vous le sentez, c'est pas un mot par hasard. Pourquoi ? parce que je pense que ça va vous permettre d'apprendre sur les plus grands leaders et leaduses qui ont bâti et bâtissent la société. La France est une terre bourrée de talents et de leaders, et nous allons en leur en compte. Bon voyage avec les sages. Pour commencer cette saison 2, je suis heureux de recevoir une grande dame, Natacha Rave. Natacha risque de marquer votre journée. Cette grande rousse élégante et charismatique, dirigeante de la maison Fred Paris, maison de joaillerie du groupe LVMH, est aussi une personnalité très authentique. Elle a su transformer sa vulnérabilité pour être une lideuse respectée dans le monde de luxe. Natacha nous raconte tout. De comment elle a gravi les échelons chez LVMH, de son goût du challenge et du pouvoir, qu'elle assume, mais aussi de son hospitalisation pour anorexie durant ses études. Elle tente l'ENA, juste après, comme une revanche sur la vie. C'est le style de Natacha. Allez, on y va avec Natacha Rab. Bonjour Natacha, et merci d'avoir accepté notre invitation dans les sages. Comment tu vas ?

  • Speaker #1

    Écoute, je vais très bien. Merci à toi pour ton invitation.

  • Speaker #0

    Avec plaisir. Est-ce que pour démarrer, je peux te demander de te présenter en quelques phrases, s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Bien sûr. Je m'appelle Natacha, j'ai 51 ans, je suis l'heureuse mère de deux jeunes adultes, on va dire, un fils de 18 ans et une fille de 16 ans. Je suis divorcée depuis deux ans et j'évolue depuis 25 ans dans l'univers du luxe avec la chance d'évoluer dans le groupe leader, à savoir LVMH.

  • Speaker #0

    Ok, écoute, on va y revenir dans un second temps. Si je peux te poser quelques questions sur ton enfance ? quand j'ai préparé l'interview j'ai vu que tes grands-parents sont polonais est-ce que toi t'es franco-polonaise du coup ?

  • Speaker #1

    Alors moi je suis 100% française née en France de parents eux-mêmes nés en France mais effectivement mes grands-parents mes 4 grands-parents sont nés en Pologne ils ont fui la Pologne dans les années 30 au moment où il y avait des pogroms contre la population juive je suis de religion juive et du coup ils sont arrivés en France avec une valise et pas grand-chose dedans et entre autres ils ont appris le français en lisant les noms des stations de métro voilà et Mais je suis très française et je me sens complètement française avec des origines, effectivement, on va dire de l'Est. D'où mon prénom aussi, un petit peu slave.

  • Speaker #0

    Et est-ce que quand tu étais jeune, tu avais des passions particulières ? Est-ce que tu étais scolaire ?

  • Speaker #1

    Alors, hyper scolaire. Je crois que je le suis encore d'ailleurs. Mais non, hyper scolaire, j'ai adoré l'école. Pour moi, l'école, c'était le lieu où j'avais des amis. J'étais très scolaire dans le sens où, naturellement, je pense que je suis une bonne élève. Donc, j'aimais faire plaisir à mes maîtresses. J'étais toujours très proche du corps professoral. Et donc, super, super scolaire et quelque part fière de l'être. Pas du tout de honte par rapport à ça. Après, des passions, j'étais très entourée aussi. Il y avait une bande à Natacha à l'école. Donc, est-ce que c'était le début du leadership ? Je ne sais pas. Mais la vie sociale et la vie amicale est très importante pour moi.

  • Speaker #0

    C'est quoi le leadership pour toi ?

  • Speaker #1

    Alors, le leadership, c'est, je dirais d'abord, une influence. D'être capable d'embarquer des gens derrière soi. une vision commune, et c'est du collectif, par définition.

  • Speaker #0

    Ok, et c'est quelque chose que toi, tu as quelque chose, que tu as depuis que tu es née un petit peu, ou tu l'as travaillé aussi, tu en as pris conscience ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas trop, alors je pense que de façon assez innée, on me décrira comme charismatique, assez influente. Ma mère raconte souvent cette histoire de bande à Natache, parce que c'était mon surnom, Natache, quand j'étais petite, donc il y a probablement des choses qui sont assez induites. Et puis après, je pense que naturellement, dans la société, on prend une position. Et c'est vrai que moi, j'aime mettre numéro un. Est-ce que ça s'acquiert probablement un petit peu avec le temps ? Et puis, si on a cette inspiration en soi, peut-être qu'on la nourrit aussi. Et on est inspiré peut-être par des gens plus leaders. Et du coup, on veut suivre l'exemple. En tout cas, ça a été mon cas.

  • Speaker #0

    Ok, super intéressant. Et du coup, la bande à Natash, est-ce que vous aviez des activités en particulier ? Vous étiez sportive déjà à l'époque ?

  • Speaker #1

    Alors, j'ai reçu une éducation très bourgeoise, donc j'ai fait des sports type le tennis, j'ai fait du basket. Donc, j'étais assez sportive parce que je pense que mes parents m'ont initiée à cette hygiène de vie que le sport peut apporter, à savoir un corps sain dans un esprit sain, un esprit sain dans un corps sain, pardon. Et je pense que ça, c'est important. J'ai fait de la musique aussi, donc ça fait partie d'une éducation, on va dire, globalement bourgeoise. Et les activités de la bande, non, c'était plutôt des activités, on va dire, d'amusement. On était jeunes, on était à l'école. En revanche, moi, j'ai un frère aîné. Et du coup, j'étais, contrairement aux apparences aujourd'hui, très garçon manqué. Donc, je montais aux arbres, je jouais au foot. Voilà, enfin, je faisais du karaté. Il y a ce côté en moi très inspiré par mon grand frère, qui était mon idole et qui reste quelqu'un d'important pour moi. Mais oui, j'étais très garçon manqué. Donc, peut-être assez contre nature par rapport à ce qu'on voit de moi aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Et avec ton grand frère et ta famille, du coup, tu as grandi à Paris ?

  • Speaker #1

    Oui, on est parisiens. Il y en a assez peu, mais on est vraiment parisiens et je suis très parisienne. Très attachée à la vie active de Paris, à la richesse culturelle, à la beauté de la ville. On est en plein French bashing des JO, mais moi, je reste émerveillée, même si c'est parfois un petit peu compliqué en termes de trafic en ce moment, etc. Mais je reste émerveillée par la beauté de Paris.

  • Speaker #0

    Je comprends. On en reparlera, mais en plus, je pense que tu voyages un petit peu dans ton métier.

  • Speaker #1

    Exactement. Et je suis toujours très contente de revenir à Paris.

  • Speaker #0

    Oui, ça te donne l'opportunité de voir que des fois, c'est vrai qu'on est un peu French basher, je ne sais pas comment on dit, mais en tout cas, oui, que quand on vient en France, ce n'est pas si mal sur certains aspects.

  • Speaker #1

    Oui, complètement.

  • Speaker #0

    Ok, et si on revient dans ta jeunesse, alors dans les sages, on aime bien raconter un peu les hauts et les bas et que les grands leaders sont aussi parfois vulnérables. Quand tu étais jeune, je crois que tu as eu un épisode anorexique. Est-ce que tu peux nous en parler ?

  • Speaker #1

    Oui, complètement. C'est un moment hyper structurant de ma vie que j'ai eu finalement. Assez tard pour ce qu'on appelle l'anorexie, souvent c'est une maladie qui se déclare au moment de l'adolescence, vers 13-14 ans, quand le corps se transforme, en particulier pour les jeunes filles. Moi je suis tombée malade un petit peu plus tard, je sortais du lycée, je sortais même de prépa et je rentrais en école de commerce, donc j'avais 18 ans, 19 ans, donc assez tard par rapport au modèle classique des anorexiques, mais tôt dans ma vie d'adulte, et ça a été hyper violent. hyper violent dans le sens où d'abord physiquement c'est une souffrance mentalement c'est une maladie mentale et on n'en parle pas assez c'est une maladie grave, c'est une maladie dont on meurt et qui est un combat entre soi-même en fait c'est toi et toi-même, toi et ton esprit généralement la personne veut disparaître au profit de l'esprit, donc elle veut que le corps disparaisse au profit de l'esprit pour être pur intellect donc c'est une maladie qui touche des personnes assez perfectionnistes assez puissants mentalement Mais moi je me suis retrouvée pendant un certain nombre de mois, voire d'années, à l'hôpital. Donc déconnectée de la vraie vie, avec une urgence critique physique et mentale qui fait que je n'étais pas autonome. Et ça, ça a été un énorme choc, mais qui m'a probablement vachement construit sur la suite de ma vie. Donc j'ai eu la chance d'être... extrêmement bien entourée, d'abord d'un point de vue familial, avec des parents médecins qui ont vu la chose venir assez tôt. J'ai reçu beaucoup d'amour quand j'étais jeune, et encore plus, je pense, je me suis sentie très soutenue à ce moment-là de ma vie, même si j'étais isolée dans une chambre, je savais que mes parents étaient là pour moi. J'ai eu la chance d'évoluer aussi dans un milieu financier très favorable, donc j'ai été hospitalisée dans des très bonnes conditions, y compris dans des cliniques privées, qui peuvent parfois aider face à la maladie. Et j'ai eu d'excellents médecins. Je pense que le psychiatre qui m'a sauvé la vie n'est plus de ce monde malheureusement aujourd'hui, mais quelqu'un d'hyper important dans ma vie. C'est le premier à qui j'ai annoncé que j'allais me marier. C'est le premier à qui, après ma famille évidemment, mais c'est le premier à qui j'ai dit que j'étais enceinte. Donc, face à cette adversité, j'ai eu beaucoup, beaucoup de chance. Et je pense que j'ai eu besoin d'aller un peu au fond de la piscine, comme on dit, pour remonter, mais beaucoup ne remontent pas. Donc moi ça m'a aidée parce qu'à 20 ans, quand mes copains passaient les meilleures années de leur vie, moi j'étais en psychanalyse, en psychothérapie, parce que quand tout le monde vivait les premiers amours, moi je posais 40 kilos, je ressemblais à rien et personne ne me regardait. Parce que pendant que mes copains de promo commençaient à exceller dans leur premier stage ou leur vie professionnelle pour ceux qui ont commencé tôt, moi je... Entre guillemets, j'étais un peu à la ramasse, hospitalisée et finalement le temps passait. Et je suis sortie de là. Bon déjà, je m'en suis sortie, donc ça c'est important. Je pense que j'avais toujours eu envie de vivre. C'est une maladie, encore une fois, qui peut être létale. Mais moi, j'avais peur de la mort et ça m'a aidée, je pense, à un moment donné de me dire c'est soit la mort, soit la vie. Et j'ai choisi la vie. Et derrière, ça a été un accélérateur d'énormément de choses. Comme souvent quand on est confronté à la maladie, je me suis rendu compte combien les petites choses peuvent être merveilleuses. Entre autres, quand j'étais malade, c'est souvent le cas, j'étais hospitalisée dans une chambre isolée, donc je ne sortais pas de ma chambre. C'est un peu une prison, même si les gens autour de toi sont très bienveillants. Mais j'avais une clé qui ouvrait une fois ou deux fois par jour pour me déposer de la nourriture et nettoyer ma chambre. Donc je vivais au son des clés. Et le fait de retrouver un espace libre, de revenir chez mes parents ou plus tard dans un appartement seul et de pouvoir être libre de mes mouvements, c'est quelque chose que j'ai apprécié à très très haut niveau, alors qu'avant d'être malade, j'avais tout ça. Donc ça remet quand même un peu le curseur à zéro, voire à moins 10 pour recommencer à plus 100. Et puis j'ai eu une espèce de niaque derrière qui était waouh, la vie est belle et il faut en profiter et il faut en plus rattraper le temps perdu Donc le bulldozer, c'est un peu mis en place derrière.

  • Speaker #0

    Ok, écoute, merci pour ta sincérité. En effet, moi, c'est un sujet évidemment qui me touche. Et ce que j'aime bien dans ce que tu dis, c'est que tu parles de maladie. Parce que la anorexie, pour les gens qui ne connaissent pas, ils pourraient penser que c'est une jeune fille.

  • Speaker #1

    Les jeunes filles qui veulent faire comme dans les pubs, pour perdre du poids. Mais pas du tout, c'est une maladie mentale.

  • Speaker #0

    Et est-ce que ça touche les jeunes hommes aussi ?

  • Speaker #1

    Beaucoup moins, mais oui. Moi, j'ai été hospitalisée avec un jeune homme. Et je pense que c'est encore plus difficile pour eux parce que le... Le regard social est très peu éduqué sur les jeunes hommes. Alors, je n'ai pas de statistiques. Et puis, moi, c'était il y a un certain nombre d'années, plusieurs décennies. Mais il faut dire que c'est une maladie et mentale. C'est une maladie. Tout à fait. Très importante.

  • Speaker #0

    Et est-ce que je me demandais, est-ce qu'on sait, cette maladie, elle arrive ? Il y a des raisons ? Il y a des causes ?

  • Speaker #1

    Alors, écoute, il y a différentes théories. Moi, je pense que j'avais en moi ce côté extrêmement perfectionniste de contrôle aussi. Je pense que c'est une maladie où tu veux toujours être dans le contrôle, parce que finalement, quand tu commences à moins manger, tu contrôles ce qu'il y a dans ton assiette, tu calcules les calories, tu as une vision de toi-même aussi très... Il y a une distorsion, en fait, de la vision du corps. Il y a peu de temps, quelqu'un m'interrogeait sur, quand tu étais malade, est-ce que tu te trouvais grosse ? Oui, à 37 kilos, je me trouvais grosse. J'en fais 58 aujourd'hui. Donc, 20 kilos de moins, j'étais très, très maigre, et je me trouvais grosse. Donc, il y a... Il y a vraiment, oui, il y a cet aspect très compliqué de ne pas accepter, d'être dans le déni, en fait, de la maladie. Et je pense, pour revenir à ta question précédente, que la vulnérabilité est quelque chose d'hyper important dans la vie, de façon globale. Et je crois que pour être leader, ou en tout cas pour être... Pour réussir entre guillemets sa vie, après à chacun de définir comment on réussit sa vie, il faut accepter ses échecs et il faut accepter la souffrance et le fait qu'on ait des faiblesses. On a des forces, mais on a des faiblesses. Et moi, mes faiblesses ont finalement toujours été la base de la constitution de mes futures forces.

  • Speaker #0

    Ok, c'est hyper intéressant. J'allais te demander justement comment tu définissais la vulnérabilité.

  • Speaker #1

    Moi, je crois que c'est humain. En fait, un être humain, il a le droit de tomber. Après, c'est comment tu te relèves qui fait la différence. Mais je ne crois absolument pas. aux gens qui t'expliquent qu'ils n'ont pas de problème et que tout va bien dans leur vie et qu'ils ne sont pas vulnérables, qu'ils sont super strong. Je n'y crois absolument pas.

  • Speaker #0

    Moi, je pense aussi que tu crées des relations humaines fortes avec les gens en te montrant authentique. Et authentique, c'est avec toutes les facettes de ta personnalité. Et parfois, c'est celle-là qui touche le plus. C'est celle où tu es un petit peu plus vulnérable.

  • Speaker #1

    Et je pense que la première, c'est accepter soi-même d'être vulnérable et d'accepter effectivement d'être authentique, sa sincérité et de savoir que ça ne va pas toujours très bien. Ça va passer. Ouais, et dans la relation, tu vois même, je trouve, d'attraction d'un homme et une femme. Moi, un homme qui m'explique qu'il ne pleure jamais, il peut passer son chemin. Alors ça,

  • Speaker #0

    c'est un super message.

  • Speaker #1

    Non, c'est pas possible. C'est un no-brainer et je pense que c'est important et que c'est une étape hyper structurante de l'épanouissement d'accepter ses faiblesses.

  • Speaker #0

    Et pour tous les hommes qui nous écoutent, je pense qu'il y a beaucoup plus de femmes que vous pensez qui aiment justement parfois cette sensibilité chez les hommes.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Et puis, voilà, c'est normal d'être sensible. On est tous des êtres humains et à commencer par les hommes.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    La vie aux hommes qui pleurent, voilà.

  • Speaker #0

    Et donc, après cet épisode, déjà, encore merci de nous avoir partagé ça. Tu sors de l'hôpital et tu te considères guérie quand tu as 18, 19 ans ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. Je rentre à l'hôpital, j'ai 19 ans. Moi, je suis tombée malade assez tard, entre guillemets, parce qu'encore une fois, c'est souvent une maladie de l'adolescence. Et non, je m'estime guérie quand je ne prends plus de médicaments, quand je retrouve un cycle menstruel régulier. Parce qu'un des indicateurs, en tout cas pour les femmes, c'est que si tu n'as plus tes règles, ton corps ne fonctionne pas bien. Donc le jour où j'ai mes règles, je saute de joie et je me dis que tout va mieux. Et globalement, c'est 7 ans. de maladie. 7 ans, c'est long 7 ans dans une vie de jeune adulte. Et on m'a toujours expliqué que la vingtaine c'était génial. Bon moi forcément ma vingtaine elle a été marquée par 7 ans de maladie. Donc j'ai été beaucoup plus heureuse à partir de la trentaine, encore plus la quarantaine et encore plus la cinquantaine. C'est crescendo.

  • Speaker #0

    Comme tu l'as dit, tu as voulu rattraper le temps perdu et je pense que tu as réussi. Et donc malgré tout tu rentres à l'ESSEC ?

  • Speaker #1

    Ouais j'étais à l'ESSEC, je suis tombée malade quand j'étais à l'ESSEC. J'ai réussi bon an, mal an à faire ma scolarité à peu près correctement. Je dois souligner ici que l'ESSEC a été top parce qu'ils m'ont vachement accompagnée. J'ai été hospitalisée une partie du temps où j'étais étudiante. J'ai réussi à faire des choses à distance, à recevoir des cours. Donc voilà, ça aussi, c'est aussi une intelligence, on va dire, de l'établissement, de ne pas te stigmatiser et de te donner les moyens de continuer à travailler quand bien même tu n'es pas physiquement présent. Aujourd'hui, ça nous paraît évident parce qu'il y a beaucoup de distanciel. Mais en 92, 93, 1900, je précise, il n'y avait pas tout ça. Donc non, je suis très, très reconnaissante aux différentes écoles que j'ai faites de m'avoir accompagnée là-dedans.

  • Speaker #0

    Et donc, une bonne expérience à l'ESSEC où tu as beaucoup appris. Et après, du coup, tu as tenté l'ENA. C'est l'heure de remercier notre partenaire Oslo, sans qui ce podcast ne serait pas possible, malheureusement. Oslo, c'est un cabinet d'avocats à taille humaine, dirigé par Édouard Wells et Marion Fabre, que je connais personnellement depuis plus de dix ans. Il est composé d'une équipe lidée par... Edouard et Marion, qui est issu de cabinets d'affaires de premier plan. Mais surtout, au-delà de la qualité de leurs prestations juridiques, ce que j'aime chez Oslo, c'est leur engagement pour un droit un peu différent. Sur leur description, ils mettent Nous accordons une importance particulière aux qualités humaines et relationnelles, tout particulièrement au respect, à la simplicité, à l'humilité et à l'élégance. Ça pourrait paraître bullshit comme ça, mais pour bien les connaître, tu peux vous assurer que ça se ressent vraiment. Et pour preuve, ils ont accepté de sponsoriser ce podcast dès sa création. Ils offrent une heure de conseils juridiques avec le code les sages et je mettrai leurs coordonnées dans la description du podcast. Allez, on y retourne.

  • Speaker #1

    Exactement. Donc en fait, après l'ESSEC, j'étais apprentie pendant que j'étais à l'ESSEC. J'aimais beaucoup l'idée d'être apprentie. C'était la première génération d'apprentissage. Donc j'ai travaillé en entreprise pendant deux ans en alternance et l'entreprise qui m'accueillait était Cartier. C'était quand même le début d'un démarrage de l'industrie du luxe et de la découverte de l'univers du luxe. Et après Cartier, j'avais de toute façon en ligne de mire de vouloir tenter l'ENA un jour dans ma vie. Et donc, j'ai fait Sciences Po. Je suis rentrée directement en deuxième année de Sciences Po grâce à mon diplôme de l'ESSEC et un concours que j'ai passé, mais un concours d'admission sur titre. Et donc, je suis rentrée dans la fameuse filière droit public et préparation, classe préparatoire au concours de l'ENA. Concours que je n'ai pas passé au final. Donc, en fait, l'année de préparation s'est plutôt globalement bien passée, mais je sentais que je n'étais pas assez bonne pour intégrer l'école. la première année du concours et je n'étais pas capable d'accepter un échec. C'est-à-dire que j'avais déjà fait pas mal de concours, j'avais fait mes deux ans de prépa, j'avais intégré l'ESSEC, j'avais eu la maladie, j'étais malade aussi pendant que j'étais à Sciences Po, donc ce n'était pas simple. Et le fait de présenter le concours mais de ne pas le réussir me semblait trop difficile comme épreuve pour moi. Et du coup, j'étais inscrite mais je n'y suis pas allée. Donc je ne saurais jamais ce que je pouvais valoir face à ce concours. Maintenant, intrinsèquement, je savais que je ne l'aurais pas. Donc, j'ai décidé d'abandonner cette voie-là. Bon, c'est peut-être le seul jour, la seule fois où j'ai vraiment abandonné. Mais c'était aligné avec moi-même à ce moment-là. Et puis, je n'ai pas regretté. J'ai eu un petit pic à l'ego quand mes camarades ont intégré. J'ai des camarades qui ont intégré, j'ai été ravie pour eux. Et je me disais, tiens, j'aurais pu faire partie de cette belle promotion. Mais je n'étais pas prête, je n'avais pas l'énergie pour recommencer une année de prépa.

  • Speaker #0

    Et si je reviens rapidement, du coup, tu as fait sur ton alternance, on reviendra sur Léna après parce que j'ai une petite question à te poser, mais sur ton alternance, du coup, en effet, à l'époque, c'était plutôt rare, j'imagine.

  • Speaker #1

    En fait, c'était la première année que l'ESSEC mettait en place ce système d'alternance et à la base, les entreprises qui avaient été identifiées étaient plutôt des entreprises mass market, Danone, Procter, en tout cas en marketing, qui était la dominante que je faisais. Et moi, j'avais fait mon stage de fin de première année chez Cartier, ça s'était super bien passé. Et donc j'avais noué de très bonnes relations avec mes maîtres de stage et avec l'entreprise de façon globale. Et je les avais sollicitées de façon proactive en leur disant écoutez moi ça m'intéresse de rester. L'école propose cette alternance où on passe six mois de l'année dans l'entreprise et six mois à l'école. Est-ce que ça peut vous intéresser que je reste ? Et ils étaient d'accord. Et du coup je suis retournée voir l'ESSEC en disant écoutez moi j'ai une entreprise qui veut bien m'accepter mais qui n'est pas dans le pool entre guillemets des entreprises que vous avez identifiées au démarrage. Et en fait ça s'est fait comme ça et j'ai ouvert cette voie. Ça s'est super bien passé. J'ai encore aujourd'hui des contacts avec les gens avec qui j'ai travaillé chez Cartier dans les années 93, 94 ou 94, 95. Donc, c'était top.

  • Speaker #0

    Et pourquoi alors le luxe ?

  • Speaker #1

    Alors pourquoi le luxe ? D'abord j'ai des parents esthètes, j'ai des parents qui aiment bien les belles choses, qui aiment l'art, qui aiment les produits haut de gamme, des parents assez bourgeois. Donc j'étais quand même un petit peu éduquée, je savais où était l'avenue Montaigne, ma mère n'est pas forcément cliente des marques de l'avenue Montaigne, mais j'ai un grand-père fourreur et un autre tailleur, donc on a toujours été dans le prêt-à-porter, plutôt haut de gamme. Et puis je pense que mon oeil s'est arrêté sur les beaux produits, sur le savoir-faire. Et puis, il y avait déjà ce rayonnement de la France à l'étranger, je pense, qui m'attirait. De me dire, c'est quand même dingue d'avoir une industrie qui fait rêver tout le monde. En fait, il y avait le côté aussi émotionnel où je me disais, c'est génial de travailler pour des très beaux produits, en tout cas, qui me semblaient très beaux à mes yeux et qui, en plus, font rêver les gens. Donc, avoir un métier où on fait rêver les gens, je trouve que c'est pas mal.

  • Speaker #0

    Oui, ça a du sens, c'est clair. Et donc, si je reviens rapidement sur l'ENA, l'ENA, j'imagine que c'était... aussi prestigieux entre guillemets que maintenant. Alors maintenant, je crois que ça n'existe plus ou ça a changé de nom.

  • Speaker #1

    C'est moins prestigieux peut-être, mais... Écoute, l'ENA pour moi, c'était le symbole du pouvoir en France. C'était le top du top. À l'époque, tous nos présidents sortaient de l'ENA. Tous les gens, entre guillemets, qui faisaient ce monde, il n'y avait pas de start-upers. Enfin, je vous parle des années 90. Moi, j'ai passé mon bac en 1990. Ça n'existait pas la start-up nation. Donc, il y avait des entrepreneurs ou des petites entreprises. mais on ne les valorisait pas du tout de la même façon. Et c'est vrai que le pouvoir était entre les mains, globalement, en partie de cette élite qu'on appelait les énarques. Et puis, tu m'avais posé la question rapidement, mais quand j'étais jeune, moi, je voulais être présidente de la République. Donc, ça fait un peu le lien. Alors, pourquoi ? J'en sais rien. Mais c'est vrai qu'à 5-6 ans, je déclarais à qui voulait l'entendre, je veux être présidente de la République.

  • Speaker #0

    OK. Donc,

  • Speaker #1

    il y avait quand même une espèce de logique et de cohérence dans le parcours.

  • Speaker #0

    Et donc, quand tu as tenté l'ENA, est-ce que tu t'es dit après, peut-être, je vais faire de la politique directement ?

  • Speaker #1

    À un moment donné, oui, la politique m'intéressait. D'abord, j'étais fascinée parce qu'à l'époque, on avait des dirigeants qui étaient des grands intellectuels, qui étaient hyper intelligents. Enfin, je veux dire, dans l'intelligence intellectuelle, au sens intellectuel du terme. Alors, est-ce qu'ils étaient concrètement intelligents dans les actions qu'ils mettaient en place ? J'étais un peu trop jeune, probablement, pour m'en rendre compte. mais non ça m'a traversé l'esprit dans le sens où j'étais attirée par ce milieu après concrètement je pense que j'ai un franc-parler et une espèce d'honnêteté de droiture qui malheureusement a été un problème dans cet univers où il faut faire beaucoup de compromis et des compromis sur des valeurs où moi j'ai des valeurs qui m'animent au quotidien et sur lesquelles je suis assez stricte et je pense que je me suis rendue compte assez rapidement que c'était un métier très difficile

  • Speaker #0

    Tu serais plus à l'aise dans le privé, du coup ?

  • Speaker #1

    Oui. Et d'ailleurs, dès le départ, quand je voulais faire l'ENA, je disais toujours que je le faisais pour le titre honorifique et pour l'aura que ça représentait, mais que je voulais travailler dans la sphère privée.

  • Speaker #0

    Et du coup, ta première expérience, on va dire full-time et en CDI peut-être, c'était dans le groupe LVMH chez Sephora, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Donc Sephora, on est en 99. Le groupe rachète la marque en 1997, donc on est deux ans après le rachat. Et à l'époque, beaucoup ne se rendent pas compte, mais Sephora c'était une toute petite boîte. Dans le sens où on était un siège social, il y avait une cinquantaine de personnes dans un hôtel particulier dans le 9ème. Donc on a du mal à imaginer que les gens du siège étaient tous rassemblés dans un si petit lieu. C'est une maison qui perdait de l'argent à l'époque et dont le concurrent principal, Mariono, était beaucoup plus important. Ce qui n'est plus du tout le cas aujourd'hui. Donc moi, je suis arrivée dans cette petite maison à une époque où on a voulu préempter, on va dire, le changement et la nouvelle stratégie qui ont été le terreau du succès de Sephora aujourd'hui. Mais voilà, c'était très entrepreneurial et c'est ce que j'ai adoré dans cette maison d'ailleurs, parce que j'étais toute jeune, c'était mon premier job et on faisait un peu tout. Après, avec une instabilité managériale qui n'était pas évidente. au quotidien parce que moi j'avais besoin d'un boss et puis tous les six mois j'avais un nouveau boss en fait parce que ça fonctionnait pas hyper bien mais j'ai beaucoup beaucoup appris et j'ai surtout appris ce qu'était le retail donc il n'y a que des boutiques en retail chez Sephora, il n'y avait pas encore ou très peu la partie e-commerce et donc j'avais face à moi, j'étais sur une fonction de marketing opérationnel Et j'avais face à moi des directeurs de boutiques qui étaient hyper structurants dans l'entreprise parce que c'est eux qui généraient le chiffre d'affaires. Et moi, je ne connaissais pas les boutiques, je ne connaissais pas l'univers des boutiques. Donc, j'ai appris à voyager un peu partout, à comprendre ce dont ils avaient besoin et à faire en sorte que du haut de mes 25 ans, et quand bien même j'avais des super diplômes, je sois au service. des gens dans le retail. Et ça, ça a été un changement de mindset hyper important pour moi.

  • Speaker #0

    Et tu disais, quand tu es arrivée chez Sephora, il y avait une cinquantaine de personnes.

  • Speaker #1

    Aussi, évidemment, après, il y avait toute la force de vente. Oui,

  • Speaker #0

    toutes les boutiques. Mais ça devait faire peut-être quelques centaines, quelques milliers.

  • Speaker #1

    Je ne m'en rappelle même plus, mais il y avait déjà pas mal de boutiques. Mais effectivement, ça n'a rien à voir avec le Sephora d'aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Parce que j'ai regardé quand même, en amont de cette interview, le Sephora d'aujourd'hui, c'est 46 000 employés environ et 10 milliards de CERN.

  • Speaker #1

    Voilà, on n'était pas du tout là-dessus. Et moi, je me souviens de fournisseurs, donc des marques qu'on distribuait chez Sephora, qui nous appelaient en disant, de toutes les façons, vous allez être vendus bientôt. Enfin, on était un peu les losers, quoi. Mais à l'époque, il y avait M6, qui était la chaîne de télévision qui montait aussi. Et la pub de M6, c'était la petite chaîne qui monte, qui monte, qui monte. Et on nous faisait souvent le parallèle en disant, vous êtes la petite boîte qui monte, qui monte, qui monte. Mais on était petits. Et ça, c'est quand même un mindset assez intéressant de se dire, quand on est petit, on doit se battre. pour tout. On doit se battre pour gagner des parts de marché, on doit se battre pour garder nos emplois, on doit se battre pour... Voilà, il y avait cette espèce d'énergie combative qui me convenait énormément en termes d'état d'esprit.

  • Speaker #0

    Du coup, entre guillemets, la petite entreprise, ça a été une bonne école pour toi ?

  • Speaker #1

    Ah ouais. Hyper bonne école, j'ai tout appris. Je raconte souvent en disant, bon, j'ai appris le métier parce que moi, je ne savais pas faire grand-chose, je sortais de mon apprentissage, mais... globalement, je ne savais pas faire grand-chose. J'ai appris le retail. Et j'allais acheter mes fournitures à la boutique d'à côté, dans le coin de la rue, parce qu'on n'avait pas un service fourniture. Donc, j'envoyais des fax. Oui, oui, exactement. Enfin, c'était... Non, j'ai vraiment tout appris. Et j'ai aussi été inspirée par des dirigeants très charismatiques, ou en tout cas, qui m'ont fait confiance. Ça, c'était important.

  • Speaker #0

    Et pourquoi, du coup, à l'époque, tu disais que Sephora et Marionneau, c'était à peu près kiff-kiff, entre guillemets ? Aujourd'hui, je ne sais pas exactement...

  • Speaker #1

    Marionneau était beaucoup plus gros que Sephora à l'époque.

  • Speaker #0

    D'accord,

  • Speaker #1

    Marionneau. Marionneau était super important sur le territoire français en tous les cas. Marionneau était hyper fort. Marionneau avait un programme de fidélité que Sephora n'avait pas à l'époque. Aujourd'hui, il y a une carte de fidélité et un programme qui fonctionne super bien. Marionneau avait des marques exclusives que Sephora n'arrivait pas à avoir à l'époque parce qu'on était au tout démarrage. Aujourd'hui, je pense que Sephora, c'est l'exemple même de la curation de marques exclusives. et d'aller dénigrer les talents de demain en termes de petites marques ou de marques inconnues. Donc, les rôles se sont totalement inversés. Et ça, c'est magnifique à voir.

  • Speaker #0

    C'est ce que j'allais te demander. Pourquoi, à ton avis, Sephora a distancé Mariono ? C'est l'exculivité des produits, l'innovation au niveau des produits ?

  • Speaker #1

    Il y a une stratégie de refonte de l'efficacité commerciale, d'abord des boutiques, en partant de la logistique, le pricing, évidemment la curation des marques. Parce que je pense qu'aujourd'hui... Un des éléments phares de Sephora, c'est le fait qu'on y trouve toutes les marques connues, mais aussi les futures marques qui vont faire la différence demain. Et la force de Sephora aujourd'hui, c'est d'avoir une clientèle, je pense, qui va de, je n'ose même pas dire de 7 à 77 ans, mais c'est vrai que le ton de la marque permet d'accueillir des clientes ou des clients très jeunes, mais aussi de rassurer les clientèles plus matures et d'avoir une approche omnicanal qui est excellentissime. Ok,

  • Speaker #0

    donc une marque qui englobe... une taille de marché.

  • Speaker #1

    Et puis un développement à l'international. Il y avait déjà les États-Unis quand j'y étais, mais qui étaient un peu une entité à part. Donc toute cette fluidité entre les différents marchés et la capacité à bien comprendre les besoins des clientes et à les devancer en offrant justement des produits exclusifs.

  • Speaker #0

    Et par la suite, du coup, après Sephora, tu rentres chez Louis Vuitton, qui est une maison phare du groupe LVMH. Et j'ai lu que tu faisais, alors ce n'est peut-être pas ta première expérience, mais je sais que tu fais un passage sur le terrain. Et on t'envoie dans le retail ?

  • Speaker #1

    Assez vite. Louis Vuitton, c'est... Quand tu as 30 ans et qu'on te dit que tu vas pouvoir travailler chez Louis Vuitton, tu as des étoiles dans les yeux, les yeux qui pétillent. Et j'ai découvert, de façon très alignée par rapport à l'image que j'avais de la maison, une excellence opérationnelle à tout point de vue. J'ai rencontré des gens brillantissimes, une énergie positive incroyable. Finalement, une boîte déjà très grosse, mais assez familiale, avec un dirigeant très charismatique qui était Yves Carcel. et qui a été pour moi une rencontre absolument incroyable et merveilleuse. Et très tôt, effectivement, j'ai un patron qui était mon président chez Sephora et qui m'a gentiment entre guillemets pris dans ses bagages à une condition qui était, il me dit, je voudrais que tu fasses du retail. Je lui ai dit, du retail, ça veut dire aller en boutique. Donc moi, je sortais quand même de l'ESSEC, j'avais fait Sciences Po, j'avais fait une pré-pénard. Que des écoles où on m'avait expliqué quand même que j'allais diriger le monde un jour peut-être. Et là on me dit tu vas aller en boutique. Je n'ai pas compris. Je n'ai pas compris ce qu'on attendait de moi. Je me suis dit, mais je ne vais pas être vendeuse. Parce que le métier de vendeur, pour moi, était, je suis désolée de dire le terme, mais un peu dégradé par rapport à mon profil et par rapport au background académique que j'avais.

  • Speaker #0

    C'était une régression un peu ?

  • Speaker #1

    C'était un peu une régression. Et en tout cas, je ne comprenais pas bien. Et en fait, il y avait à l'époque chez Louis Vuitton un parcours assez accélérateur de carrière pour, on va dire, des jeunes talents, entre guillemets, ou effectivement le fait de découvrir. Ce qui fait le business au quotidien de l'entreprise, à savoir vendre des produits à des clients dans une boutique, qu'elle soit digitale ou qu'elle soit physique, était hyper important pour comprendre ensuite toutes les opérations autour et donner le meilleur de soi-même au service de ces boutiques. Et donc, parce que je savais que la personne qui me recommandait ce parcours était très bienveillante à mon égard, je me dis Ok, je vais aller voir Alors, je n'étais pas vendeuse, mais j'étais, on va dire, manager en encadrant des équipes de vente.

  • Speaker #0

    ce qui est somme toute vraiment le même type de métier, parce qu'en fait, vous êtes là pour résoudre des problèmes que certains de vos vendeurs vont vous apporter ou vous remonter, et puis pour animer avec une dimension commerciale. Mais j'avais le même rythme de vie, je faisais des ouvertures de boutiques, des fermetures, j'étais en uniforme, je travaillais le samedi. À l'époque, il n'y avait pas encore l'ouverture du dimanche. Aujourd'hui, les équipes de vente, évidemment, travaillent le dimanche. Et mes copains banquiers d'affaires se foutaient de ma gueule, soyons très clairs. J'étais dans un... J'étais l'ovni. de mon environnement social, à commencer par mes parents. J'ai des parents médecins, profession libérale, qui ne connaissent rien de l'entreprise et qui tout d'un coup se sont dit mais ma fille est folle, quoi C'est-à-dire qu'elle a fait des superbes études, elle est brillante et elle est dans sa boutique en uniforme le samedi à vendre des sacs à main. Et en fait, ça a été une aventure exceptionnelle. D'abord, je pense d'un point de vue humain, parce qu'en fait, on m'a offert l'opportunité d'encadrer une équipe, donc de manager. Une équipe de quasiment 25 à 30 personnes, là où dans n'importe quelle autre entreprise, j'aurais eu probablement deux personnes dans mes équipes qui sont mes mini-mini, qui ont fait les mêmes études que moi, mais juste de trois ans de moins, parce que j'étais encore assez jeune. Là, j'avais des vendeurs experts qui étaient excellents dans leur métier et moi, je ne savais pas vendre. Donc, il fallait que je m'adapte d'un point de vue managérial, empathique, à leurs besoins et non pas à faire du top-down en leur expliquant ce que moi, je voulais qu'ils fassent. Et puis, l'univers de la boutique, c'est une micro-société. Vous voyez, en plus, j'étais sur les Champs-Elysées où il y avait un volume très important. Des gens de toute nationalité rentraient dans une boutique. Des milliardaires comme des jeunes hommes qui avaient économisé depuis un an pour acheter un porte-clés à leur petite copine pour la Saint-Valentin. Des clients touristiques qui sont là, qui ont besoin que la transaction se fasse hyper rapidement. Des personnes qui peuvent rester des heures ou qui passent toutes les semaines pour dire bonjour. Parce qu'en fait, c'est un peu une relation sociale qui s'établit entre le vendeur et... Et le client, et puis un environnement merveilleux avec des produits d'une créativité incroyable. Et puis cette pétillance, entre guillemets, dans les yeux du client qui vient acheter un produit qui le fait rêver. Donc, c'est une expérience unique et qui a été hyper accélérateur de ma carrière, je pense. Parce que quand vous comprenez le terrain, vous gagnez cinq ans d'autres métiers où vous n'êtes pas connecté à la réalité, en fait.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'allais dire. Est-ce que... Aujourd'hui, finalement, tu es managing director de la marque de la Maison Fred. Est-ce que tu serais la même leadeuse sans cette expérience ?

  • Speaker #0

    Mais j'ai découvert le commerce, la fibre commerciale, l'énergie et l'espèce de folie ou de furie de est-ce qu'on a fait le chiffre, est-ce qu'on ne l'a pas fait à la fin de la journée ? Et encore aujourd'hui, je reçois les chiffres d'affaires de mes boutiques tous les soirs et je regarde tous les jours le chiffre de la boutique. En fait, peut-être que je ne l'avais pas dans le sang. En tout cas, c'est venu et ça s'est révélé grâce à cette première expérience. Et ça a beaucoup formaté le reste de ma carrière parce que j'ai compris que je voulais être dans une entité business.

  • Speaker #1

    Et tu comprends au bout du bout, on ne se connaît que très peu Natacha, mais j'ai mon grand-père qui est boulanger et l'autre qui était boucher. Donc je suis issu d'un milieu commerçant. Et c'est vrai que quand tu commences à côtoyer le terrain, tu comprends aussi que finalement, au bout du bout, les euros de chiffre d'affaires, c'est eux qui les font.

  • Speaker #0

    Toi aussi. Et fréquemment, j'explique aux équipes ou autour de moi, même dans ma vie sociale, qu'on travaille pour que le chiffre d'affaires soit fait. Et le chiffre d'affaires, il est fait par des gens en boutique. Et donc, ces personnes-là payent nos salaires et on leur doit l'immense respect au quotidien. Après, ça ne veut pas dire qu'on va être permissif. Le niveau d'exigence, on peut le donner, on peut définir le ton d'exigence. Mais derrière, il faut être respectueux des gens qui font les choses.

  • Speaker #1

    Tout à fait. De toute façon, tout le monde a un rôle dans l'entreprise.

  • Speaker #0

    Complètement.

  • Speaker #1

    Après, ton expérience, du coup ? Du coup, chez Louis Vuitton, tu rentres dans la maison Christian Dior, qui fait aussi partie du groupe LVMH. J'imagine que tu continues d'apprendre dans cette maison. Est-ce qu'il y a une différence entre la maison Louis Vuitton et la maison Christian Dior ?

  • Speaker #0

    Chaque maison au sein du groupe est très, très différente. Là, on est sur deux entités assez emblématiques. Louis Vuitton, c'est, comme je le disais tout à l'heure, ça a été une école extraordinaire sur la fluidité des process, les opérations sont excellentes. Tout est extrêmement bien et minutieusement bien organisé. Et Dior, je ne dis pas que ce n'est pas organisé, mais à l'époque où j'ai rejoint la maison, c'est l'univers de la mode. La mode, déjà par définition, elle est saisonnière. Il y a des espèces de coups de feu au moment où on a les défilés, les collections qui découlent des défilés. Et il y a un rythme de vie qui n'a rien à voir. Louis Vuitton est sur des process beaucoup plus homogènes tout au cours de l'année, avec un produit maroquinié, un savoir-faire très différent. Et autour de la mode et donc chez Dior, je découvre cette espèce d'émotion encore décuplée. on va dire, par ce qui se passe autour du défilé. Tout arrive au moment du défilé et derrière, le business, on va dire, vient des collections du défilé. Même s'il y a des collections permanentes, le rythme de l'année et le rythme de l'entreprise est très lié à la partie événementielle autour du défilé. Il y a une émotion hyper forte parce qu'on est sur un produit extrêmement désirable. peut-être un peu moins fonctionnel que le produit de maroquinerie. Et donc, c'est une atmosphère très différente, assez déstabilisante d'ailleurs, quand on est finalement, comme moi, quelqu'un d'assez rationnel. Voilà, moi, je suis assez structurée. Et là, tout d'un coup, il y a des décisions, parfois émotionnelles, qui prennent le pas. On est dans un monde beaucoup plus onirique, j'ai envie de dire. Et derrière, ça reste du business et ça reste très structuré. Mais l'input, et vachement plus animée par l'émotion. Donc, fort niveau d'adaptation pour moi. Des personnalités aussi très différentes en termes du top management et la découverte de ce monde, on va dire, très créatif qu'est la mode. Mais un apprentissage énorme, évidemment, et à titre personnel, en termes de développement personnel, de compétences, une adaptabilité. Je pense que c'est le moment où j'ai donné le plus d'efforts pour m'adapter à la structure qui m'accueillait.

  • Speaker #1

    Et donc, tu passes 20 ans dans le même groupe aujourd'hui chez certains jeunes et moins jeunes. Mais ça peut paraître énorme, 20 ans.

  • Speaker #0

    25 ans même. 25 ans cette année de groupe LVAMAC.

  • Speaker #1

    25 ans de groupe. Est-ce que déjà, alors, est-ce que tu as songé peut-être à aller voir une autre maison ? Est-ce que Kering, déjà, à l'époque, était une maison ? Oui,

  • Speaker #0

    bien sûr. En fait, 25 ans, ça passe super vite. Déjà, donc méfiez-vous, le temps passe très vite. Et une chance inouïe, c'est que j'ai fait des maisons très différentes au sein du groupe. Chaque maison est différente, mais j'ai fait des entités différentes. Donc Sephora, c'est ce qu'on appelle de la distribution sélective. On distribue des produits. C'est une marque forte, mais c'est de la distribution. Ça appartient à une entité qui s'appelle distribution sélective. Ensuite, je suis allée dans la maroquinerie. Donc, comme on se disait, chez Louis Vuitton, il y a de la mode, il y a de l'horlogerie, de la joaillerie. Mais globalement, le cœur du business de Louis Vuitton, c'est une marque globale, mais qui était initiée pas mal par la maroquinerie. Et à l'époque où j'y étais, on était très maroquiner. Ensuite, je suis passée dans la mode. Donc encore une autre maison avec un autre savoir-faire, avec Dior et un rythme très différent. Et puis là, la joaillerie. Et donc en fait, quand on regarde tout ça mis bout à bout, c'est quatre entités très, très différentes. Donc si je faisais un ratio, on va dire très basique, j'ai passé 4-5 ans dans chacune des maisons. Et donc finalement, ce n'est pas si long que ça. Et en plus, j'ai changé de métier. Donc j'ai commencé ma carrière sur du marketing opérationnel. Je suis passée en boutique. Ensuite, j'ai recontinué du marketing et j'ai découvert le clienteling, le CRM, qui était un peu le nouveau métier, on va dire, dans la dernière partie de ma vie chez Louis Vuitton et que j'ai transposé ensuite chez Dior. Et aujourd'hui, chez Fred, dans une entité plus petite, j'ai une fonction beaucoup plus large de direction générale avec un leadership sur un certain nombre de marchés en direct. Donc, métiers différents, industries différentes et entreprises, maisons différentes, avec une culture d'entreprise, on va dire, variée. Et du coup, oui, c'est le même groupe, c'est le même chapeau, mais en fait, c'est des métiers, des univers très différents. Et je crois que j'ai calculé, j'ai eu 15 patrons différents. Il y a eu des mouvements à chaque fois. Donc, on est aussi animé par la personne au-dessus de nous. Et donc, finalement, une variété hyper forte qui a fait que je ne me suis jamais ennuyée. Et il y a ce très commun qui me plaît beaucoup de rester au sein du même groupe dont je partage les valeurs, mais finalement avec une diversité opérationnelle au quotidien.

  • Speaker #1

    Quand tu dis 15 patrons, c'est 15 patrons ? 15 patronnes aussi ?

  • Speaker #0

    Écoute, c'est une excellente question, mais j'ai eu beaucoup, beaucoup de patrons. J'ai eu une patronne en intérimaire à un moment donné, mais sinon, j'ai eu que des patrons et je me suis très, très bien entendue avec mes patrons. Donc, je fais partie de ces femmes qui, on va en parler peut-être après, mais qui défendent beaucoup la place des femmes dans les instances de gouvernance. Mais je suis très positive et reconnaissante aux hommes qui m'ont encadrée parce que c'est des hommes qui m'ont développée, c'est des hommes qui m'ont donné ma chance, c'est des hommes qui m'ont mentorée. Et c'est des hommes qui m'ont donné envie de grandir.

  • Speaker #1

    Comme tu disais, tu es encore 20-25 ans dans la même maison. C'est quoi la différence ? Parce qu'aujourd'hui, on a deux beaux fleurons français qui sont LVMH et le groupe Kering. Est-ce qu'il y a une différence de culture ou une singularité particulière entre LVMH et Kering ?

  • Speaker #0

    Je n'ai pas expérimenté Kering de l'intérieur, donc je ne vais pas en parler. En tout cas, ce que je peux dire par rapport à LVMH, c'est que... Pour moi, c'est un symbole de réussite inégalée, résidé par un homme qui est extrêmement emblématique et que j'admire fondamentalement, qui est Bernard Arnault. Je sais qu'en France, le pouvoir, le succès, la réussite, ça peut déranger certaines personnes. Mais pour moi, il incarne cette excellence. C'est quand même le groupe qui est l'un des plus importants exportateurs à l'extérieur de la France. C'est donc qui ? résonne d'un point de vue économique. C'est le groupe qui crée des emplois. C'est le groupe qui est le symbole du savoir-faire à la française. Voilà, donc... Encore une fois, je ne vais pas parler d'un groupe concurrent qui a des très, très bonnes valeurs également, mais être travaillé au sein du groupe leader, pour moi, c'est important. On parlait de leadership au démarrage. Voilà, moi, je me dis, j'ai une fierté inouïe de pouvoir servir le groupe LVMH et à travers la personne de Bernard Arnault, de pouvoir travailler pour un patron aussi emblématique.

  • Speaker #1

    En plus, on enregistre qu'on est le 1er juillet 2024. On est dans un contexte politique qui est quand même assez particulier. Et on se rend compte finalement que la sphère privée fait aussi avancer la société. Et des grands entrepreneurs comme Barano, je ne sais pas combien d'emplois ils ont créé. Mais je ne sais pas, le groupe LVMH, c'est combien d'emplois ?

  • Speaker #0

    C'est 210 000, je crois. 270 000, 230 000,

  • Speaker #1

    je ne vais pas dire une bêtise. Donc, c'est des groupes qui ont créé énormément d'emplois, qui ont changé des vies, etc.

  • Speaker #0

    Complètement. Et c'est surtout une fierté à l'étranger. C'est-à-dire que je pense que quiconque se balade en Europe, aux Etats-Unis, en Chine ou ailleurs, vous citez le nom des marques du groupe LVMH, tout le monde les connaît. Et donc cette fierté à l'étranger, c'est aussi du business qu'on ramène en France. C'est une image de la France. Et c'est aussi pour ça que je pense que Bernard Arnault est quelqu'un d'extrêmement important pour notre pays. Après souvent ceux qui le critiquent sont ceux qui ne le connaissent pas ou qui l'envient. Mais voilà, on a une chance inouïe d'avoir des grands patrons et il y en a d'autres. d'avoir un grand patron comme celui-là.

  • Speaker #1

    Comment t'expliques, j'imagine que quand Bernard Arnault va aux Etats-Unis ou particulièrement en Asie, je pense que c'est une rockstar, comment t'expliques qu'en France, on a parfois un peu du mal justement avec ses réussites ? C'est culturel,

  • Speaker #0

    mais je pense qu'en France, on a du mal à célébrer des succès. On a du mal à parler d'argent aussi. Ce qui m'échappe complètement parce que je ne comprends pas pourquoi c'est tabou. Donc succès, réussite, c'est des mots qui font un peu peur. Ambition, pouvoir, ce sont des mots qui font un peu peur. Donc c'est assez culturel, je pense, si on compare de façon très évidente avec la culture anglo-saxonne, on est plutôt dans la célébration de ces succès-là. Il faut toujours se justifier en France. Je pense qu'il y a une culture assez judéo-chrétienne, où on n'a pas trop envie de montrer, de se faire plaisir, de parler de soi. Mais je pense qu'on a besoin, on a besoin d'exemples. et on a besoin de se nourrir d'exemples qui sont enrichissants. Après, personne n'est parfait, on en parlait au démarrage de cette interview, mais tout le monde a sa vulnérabilité, tout le monde a ses faiblesses, et même les grands patrons. Je crois que tous les êtres humains ont ça en eux. Pour autant, quand on a des gens inspirants, c'est intéressant de partager. Je pense que le travail que tu fais aussi à travers ce podcast, c'est de donner la parole à des personnes qui peuvent diffuser cette inspiration ou cette envie de partager.

  • Speaker #1

    Et du coup, après, du coup, en décembre 2020, ça fait du coup une vingtaine d'années que tu es dans le groupe LVMH. Oui. Et donc, tu prends la direction générale de la maison de joaillerie Fred, qui fait donc partie de ce groupe, qui a été créé en 1936, donc pour la maison de joaillerie Fred. Est-ce que c'était un souhait de ta part depuis, tu vois, depuis, je ne sais pas, le début de ton parcours ou à mi-parcours, tu te disais, mon goal, entre guillemets, c'est de... de prendre la direction générale d'une maison ou c'était une opportunité, de la chance ?

  • Speaker #0

    Alors, effectivement, je pense qu'on ne peut pas dire que dès le départ, on se voit directrice générale ou présidente ou quoi que ce soit. Mais au fur et à mesure de sa carrière, je pense qu'on se projette un petit peu. Moi, je suis quelqu'un d'assez organisé, donc j'essaye toujours de réfléchir à la step d'après. D'abord, parce que c'est important, quand on veut gérer sa carrière, les choses n'arrivent pas par hasard. Il faut quand même passer des étapes et se donner les moyens d'arriver à son ambition. Et effectivement depuis quelques années j'avais en tête de pouvoir oeuvrer, en tout cas créer de l'impact à un niveau décisionnaire qui soit reconnu. Et du coup dans mes discussions avec la direction des ressources humaines du groupe, je commençais à diffuser l'idée de pouvoir intégrer une plus petite maison, mais où j'aurais un scope plus large qui me permettrait d'avoir une vraie prise de décision, de créer de l'impact, de donner un peu mon point de vue, et non pas un point de vue dilué au milieu de 150 autres personnes. Je précise juste qu'aujourd'hui, je suis directrice générale de la maison, en charge en direct de trois zones, donc l'Europe, le Moyen-Orient, les US et le Japon. Il y a une autre personne qui dirige la partie Chine et Asie-Pacifique, donc je ne suis pas seule. Et je reporte à un président, donc je ne suis pas le numéro un de la maison, on va dire, mais potentiellement le numéro deux. J'ai évidemment comme ambition de passer numéro un un jour, donc ça c'est la next step pour faire le lien sur l'organisation de la carrière. Mais oui, ça faisait... Quelques années en tout cas que je plantais les graines à qui voulait bien l'entendre et aux bonnes personnes en disant j'aimerais bien pouvoir évoluer. Et j'avais compris aussi que pour avoir ce type de poste, potentiellement, il fallait que j'aille dans une maison plus petite. Je savais, j'étais assez honnête et humble avec moi-même. Je n'aurais pas été déléguée de Louis Vuitton ou de Dior et ça m'allait bien. Peut-être qu'un jour je le serais et j'en serais ravie. Mais l'idée de bouger dans une structure plus petite me convenait totalement. Ce qui n'aurait pas été le cas dix ans avant, je pense que j'avais besoin d'être rassurée il y a quelques années sur la carte de visite, la grosse boîte qui impressionne un peu tout le monde. Et voilà, au fur et à mesure, la maturité, l'expérience fait qu'on a des envies et des ambitions différentes. Et puis après, il y a le contexte. L'opportunité s'est présentée et donc le groupe a pensé à moi et m'a appelée sur cette mission-là, qui se libérait, parce que le poste se libérait, ce qui est aussi une réalité, il faut que le poste se libère. Et le timing était parfait et ça s'est fait de façon assez fluide, contre toute attente, en plein Covid. Et ça, c'est aussi intéressant de se dire que dans les périodes de difficultés, je pense qu'il y a beaucoup d'opportunités qui se mettent en place. Et j'en ai été en tout cas l'exemple parfait, puisque au sein d'un contexte très compliqué qu'était quand même le Covid, moi, j'ai eu une très belle opportunité professionnelle dont je me réjouis encore aujourd'hui.

  • Speaker #1

    On reviendra sur la maison Fred, mais ce que j'aime bien chez toi, Natacha, c'est que tu n'as pas peur de l'ambition et de la dire. Quand tu étais toute jeune, tu disais vouloir être présidente de la République. Là, tu dis librement que peut-être un jour, quand le temps sera venu, tu aimerais devenir la numéro un du groupe.

  • Speaker #0

    Du groupe, peut-être pas, parce que de la maison Fred, en tout cas, peut-être, ou d'une autre maison. Non, mais je pense que moi, c'est mon driver. mon driver, c'est l'ambition, en fait. Mon driver, c'est de me dire il y a toujours une next step. Et je pense qu'on est tous individuellement formatés différemment. Et je reviens sur le mot ambition en France qui peut faire peur, en particulier s'il est prononcé par une femme. On se dit tout de suite, oh là là, elle est dans Kiray-le-Parquet, elle va tout écraser sur son chemin. Mais pourquoi ? Je pense que l'ambition, c'est se donner soi-même les moyens d'aller vers quelque chose qui vous motive. Moi, ma motivation, professionnellement, elle vient... par cette capacité à gravir les échelons. Mais on est tous différents. Certains, ça va être l'argent. D'autres, ça va être le nombre de personnes dans vos équipes. D'autres, ça va être le scope international. Chacun a son propre moteur. Moi, mon moteur, c'est de pouvoir effectivement gagner une step hiérarchique. Ce n'est pas être ambitieux pour être une étape au-dessus, pour le plaisir d'être une étape au-dessus, mais parce que je pense que je me bonifie. Et je donne le meilleur de moi-même en étant dans ces zones de leadership, en fait. Et dans ces métiers où finalement, on est plus dans de la coordination d'un super chef d'orchestre qui fait travailler les autres et qui a une vision qu'il partage que dans l'opérationnel pur. Mais ça, c'est des choses qu'on découvre au fur et à mesure des années. Et ma chance, et j'utilise volontiers le terme, c'est d'avoir été malade quand j'étais jeune. Parce qu'en fait, quand j'étais malade, j'ai fait cette psychothérapie et cette introspection. Et en fait, je me connais plutôt très bien et depuis longtemps. Et donc, j'ai appris à décrypter ce qui étaient les éléments importants et mes moteurs. Et quelque part, ce parcours de la maladie m'a, je pense, donné un avantage énorme sur beaucoup d'autres, c'est de se connaître. Et aujourd'hui, j'arrive à aligner, bon an, mal an, mes ambitions, ma motivation avec ma vie au quotidien, dans une sphère professionnelle, mais aussi dans une sphère personnelle.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que c'est vrai qu'aujourd'hui, on parle beaucoup de développement personnel, de connaissances de soi, etc. Je pense qu'à l'époque, on en parlait beaucoup moins. Mais toi, tu as transformé cette période un peu plus sombre dans une période où je pense que tu avais du temps pour réfléchir aussi.

  • Speaker #0

    Je ne pouvais faire que ça. Donc, je n'avais dans ma chambre d'hôtel, l'absurde, mais dans ma chambre d'hôpital, je n'avais rien. Je n'avais pas de télé, je n'avais pas de livre. Je pouvais écrire et penser. Et en fait, c'est aussi une des thérapies de la maladie. C'est de se recentrer sur soi-même. d'accepter qu'on est malade et ensuite d'essayer de trouver les solutions par soi-même avec l'aide du corps hospitalier et médical, évidemment. Mais réfléchir, en fait, profondément, on le fait assez rarement. Et moi, j'étais face à moi-même et je pense que ça m'a beaucoup aidée.

  • Speaker #1

    Pour revenir sur l'ambition, tu disais que c'est potentiellement... Ma question, c'est est-ce que c'est plus dur de porter une ambition quand tu es une femme que quand tu es un homme ?

  • Speaker #0

    Alors, je pense que dans le fond, non, ça ne doit pas être plus difficile. Par contre, dans l'acceptation et dans la déclaration, je pense que c'est super dur d'être une femme. Quand on est une femme et qu'on dit qu'on est ambitieuse, honnêtement, je pense qu'il y a peu de personnes qui vous regardent de façon très bienveillante. On est tout de suite catégorisées comme une killeuse. C'est associé, je trouve, de choses négatives et dans un univers très peu altruiste et très peu empathique. Alors que pas du tout. Je pense qu'on peut être ambitieuse, on peut être une femme. on peut réussir en étant avec les autres, en étant un bon manager et en étant dans le collectif. Et je fais un parallèle par rapport au run. Donc moi, je suis une runneuse, on en parlera peut-être tout à l'heure, mais voilà, effectivement, j'aime bien courir, qui est un sport assez facile à pratiquer. Donc c'est aussi très pragmatique. C'est qu'on n'a pas besoin de beaucoup de choses à part ces baskets et un lieu où on peut courir, à savoir dehors. Mais souvent, on dit que le run est solitaire. Pas du tout. Il suffit de regarder n'importe quelle course. C'est hyper collectif, le run. C'est probablement mes expériences de solidarité les plus puissantes sont intervenues dans des courses, au sein d'une course. Et donc, je fais le parallèle parce que je pense que l'ambition, le côté solitaire de l'ambition et destructeur un peu des autres et le run où on court que pour soi-même et pour gagner sa course, c'est pareil pour moi. Il y a cette notion du collectif, de le faire ensemble. Et c'est des a priori assez peu éduqués.

  • Speaker #1

    Et sur le run, alors moi aussi je suis runner, tu t'es montée sur des courses comme des semi-marathons, des marathons ?

  • Speaker #0

    Marathons, semi-marathons, j'ai fait plein de semi, bon j'ai commencé comme tout le monde avec 5 km au bout de ma vie en me disant que jamais je n'y arriverais.

  • Speaker #1

    Faire le tour de la maison.

  • Speaker #0

    Voilà, autour de la maison à côté du bois de Boulogne qui n'est pas très loin, mais vraiment au bout de ma vie, écarlate en me disant non mais je n'arrive pas à respirer, ça n'a aucun intérêt, ça ne me procure aucun plaisir. Pourquoi ce sport ? Pourquoi tant de mal quoi, pourquoi se donner tant de mal. Et comme je suis assez compétitive, je me suis dit, bon, je m'accroche. Une copine m'a embarquée sur la parisienne. Donc, pour ceux et celles qui connaissent la parisienne, c'est 6,7 km. Donc, c'est moins de 7 km. Pour un runner, ça paraît très court. Mais quand c'est une première course, ça m'a paru une montagne. Donc, je l'ai faite plutôt correctement, mais en donnant beaucoup et en m'entraînant énormément avant. Et puis, du coup, je me suis dit, j'arrive à faire ça, je vais faire les 10 km de Paris. Et puis, des 10 km, je me suis dit, je vais faire les 20. Et puis après, j'ai rencontré une personne qui m'a dit Tu sais, si tu veux progresser, tu dois prendre un coach. Et là, je me suis dit Ah, peut-être qu'on peut demander de l'aide. Et j'ai rencontré quelqu'un de super qui m'accompagne encore aujourd'hui et qui m'a dit Mais si tu veux faire un marathon, tu fais le marathon. Et là, je l'ai regardé en lui disant Non, mais t'es gentil, mais en fait, impossible pour moi de faire un marathon. Et il m'a regardé droit dans les yeux et il m'a dit Voilà, si tu veux faire le marathon, l'année prochaine, tu fais le marathon. Et donc, banco, il m'a entraîné pour et j'ai fait un marathon que j'ai adoré. qui est probablement l'une des plus belles expériences de ma vie après la naissance de mes enfants et mon mariage. J'ai pleuré en passant évidemment la ligne d'arrivée, mais une émotion tellement forte que je souhaite à tout le monde. Et depuis, j'ai fait trois marathons. Et j'en ai un prochain à venir qui ne va pas être simple, qui est le marathon des Jeux Olympiques, le marathon pour tous. Donc le 10 août prochain, nocturne, je ferai partie des quelques 20 000, je crois, participants au marathon pour tous. Et le Tchangé... Le challenge est élevé parce que le parcours est compliqué, fort dénivelé, de nuit et avec une température extérieure qui va être à mon avis assez élevée. Donc là, je suis en plein entraînement.

  • Speaker #1

    Pour avoir du dénivelé, c'est où ?

  • Speaker #0

    Alors en fait, on part de l'hôtel de ville, mais on passe par Versailles. Du coup, la fameuse Côte des Gardes qui je crois arrive à peu près au milieu du parcours, qui va être particulièrement difficile et pas mal de haut et bas après. Donc par rapport au marathon de Paris que j'ai fait trois fois, beaucoup plus compliqué.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous parler de la maison Fred, Natacha, en quelques mots ?

  • Speaker #0

    Alors Fred, c'est une magnifique rencontre. En fait, quand on a commencé à me parler de cette maison, j'ai été évidemment regarder sur Internet l'histoire de la maison. Donc déjà, c'est le nom du fondateur qui s'appelle Fred Samuel. Donc ce n'est pas un diminutif et ce n'est pas un nom inventé. C'est vraiment le fondateur qui était pour moi, il a écrit sa biographie, donc j'ai pu la lire, un type exceptionnel, qu'on compare pas mal à Joseph Kessel. C'est un aventurier en fait, c'est quelqu'un qui a été entrepreneur très tôt, qui a grandi en Argentine, donc avec un monde, un univers méditerranéen, beaucoup de couleurs, qui a côtoyé la mer, l'océan, qui est un élément très important pour lui, mais qui a quelque part, qui est ensuite revenu en France et qui a monté son business très jeune, mais qui avait cet altruisme de l'aventurier. D'abord, il était issu d'une famille juive, donc au moment, l'année où il a ouvert sa première boutique à Paris, il se l'est fait confisquer par... les Allemands qui envahissaient le pays. Il s'est engagé dans la Légion étrangère pour combattre le nazisme. Mais comme il n'était pas français, il est allé dans la Légion étrangère. Il a été fait prisonnier deux fois. Il s'est évadé deux fois. Et donc, il a connu cette adversité très forte. Et suite à ça, il a créé sa maison avec de multiples rebondissements. Mais je vous invite à lire sa biographie qui est absolument extraordinaire. Il était adoré de tous. C'est vraiment quelqu'un qui avait un charisme incroyable. Il a été juge au tribunal de commerce. Donc, ayant cette fibre commerciale, il a voulu aider les autres aussi en étant juge. Il a eu une famille absolument incroyable qu'il a aimée d'un amour fou, y compris sa femme pour laquelle il a commencé à faire ses premières parures extraordinaires. Et puis, il a, avant tout le monde, compris ce qu'était le clienteling. C'est-à-dire qu'il a installé sa boutique près des grands hôtels parce qu'il a compris que les touristes on va dire, Fortuné venait s'installer à Paris dans certains hôtels et il allait dans les lobbies des hôtels attendre les grands clients et de lui-même, de façon très proactive, il allait se présenter et nouer cette première relation, on va dire. relationnel, enfin ce premier contact avec un client et c'est comme ça qu'il a eu des histoires incroyables avec des grandes familles, y compris des familles royales la famille du Népal, des familles du Moyen-Orient, où il a commencé à montrer ses pierres et puis montrer les créations qu'il pouvait faire autour de pierres extraordinaires et il avait ce sens unique en fait relationnel qui a été je pense le terreau de son succès entre autres au-delà du produit

  • Speaker #1

    Et c'est quoi la spécificité de la maison Fred par rapport à d'autres maisons dans la joaillerie ?

  • Speaker #0

    Alors c'est une maison qui aime le pas de côté, le petit pas de côté. C'est une maison assez accessible, d'abord qui est mixte quasiment dès la naissance de la maison, donc qui produit des produits de joaillerie pour femmes et pour hommes, ce qui était quand même assez atypique à l'époque, et qui par ailleurs est très lié aux valeurs du sport, parce que Fred Samuel était champion d'aviron et de voile. Et avec son fils, ils ont fait beaucoup de compétitions de voile, d'où est né le produit iconique qui s'appelle Force 10. Force 10 en écho à la force la plus intense du vent, qui fait que quand on porte le bracelet Force 10, on est paré pour faire face à toutes les adversités possibles, y compris le vent le plus fort. Donc c'est une approche assez atypique. Après, il a des créations très colorées. très gai en fait dans les éléments clés de la maison, il y a cette joie de vivre et puis le bleu de la Méditerranée qui a été initié par le bleu de la mer en Argentine parce qu'il s'est installé très tôt dans ce qu'on appelle la French Riviera et donc beaucoup des créations et de nos concepts boutiques et de nos éléments de communication sont liés au soleil pour rendre hommage à sa personnalité solaire mais aussi au bleu de la mer Méditerranée

  • Speaker #1

    Ok, et donc aujourd'hui, tu es managing director Europe, Afrique, Moyen-Orient, US et Japon chez Fred. Concrètement, c'est quoi le quotidien d'une managing director ?

  • Speaker #0

    Le quotidien, c'est de passer beaucoup de temps avec les équipes, à la fois pour partager la vision de la maison, pour bien s'assurer qu'on soit tous dans une même direction. Et puis ensuite, pour leur donner tous les outils et tous les moyens possibles pour délivrer le plus d'efficacité. Quand je dis efficacité, c'est efficacité commerciale. Merci. Le meilleur service possible, c'est faire rêver nos clients, c'est avoir une cohérence de marque dans toutes les actions qu'on mène, que ce soit de la communication au visual merchandising en boutique, à la formation des équipes, aux communications qu'on envoie à nos clients. Donc en fait, quand on est dans un rôle de dirigeant, on est plus chef d'orchestre qu'autre chose. Mais votre rôle fondamental, c'est à la fois de donner le cap. pour reprendre une allégorie, une comparaison, on va dire, maritime. Et puis ensuite, d'être celui qui donne le rythme au rameur pour aller tous dans le même sens. Et beaucoup du temps que je passe est quand même dédié aux équipes. Et à partager, en fait, à répondre à leurs interrogations, à leur expliquer pourquoi on fait certaines actions et pourquoi on n'en fait pas d'autres. Parce qu'on a souvent tendance, en France, à regarder le verre à moitié vide en se disant Ah ben, un tel, l'autre marque, elle fait ci, l'autre marque, elle fait ça. Nous, on fait plein de choses aussi. Et ces choses, elles nous permettent de créer quelque chose de différenciant, ce qui est important pour la maison et dans le bon sens. Et puis ensuite, oui, d'être aussi celle qui va donner le ton de l'exigence en se disant l'ambition, elle est là. Elle est là au niveau du chiffre d'affaires. Elle est là au niveau, on va dire, de la rentabilité. Elle est là au niveau du contrôle des coûts. Elle est là aussi au niveau du message qu'on va envoyer à nos équipes. Et ça, c'est important. Être patron, c'est aussi... être un peu directif, on va dire, pour donner le bon cap, mais tout en expliquant les choses. Donc oui, le temps qu'on passe avec des équipes est très, très important. En tout cas, moi, c'est comme ça que je vois mon métier. Je ne le vois pas dans une façon top-down, comme on dit en anglais, d'imposer un point de vue, mais d'être plutôt dans la récolte des feedbacks et qu'ensemble, on arrive à construire quelque chose et d'expliquer pourquoi on va dans cette direction et pourquoi pas dans une autre. Et si on parle un peu chiffres sur Fred, aujourd'hui, c'est combien de collaborateurs ? C'est quel chiffre d'affaires à peu près ?

  • Speaker #1

    Alors, chiffre d'affaires, on ne va pas en parler là, mais... C'est confidentiel ? C'est confidentiel, oui. C'est confidentiel, mais c'est pratiquement trois fois plus qu'il y a quatre ans. Donc, voilà, ça donne un peu la dynamique de la maison. Et on a environ 500 collaborateurs dans le monde, en incluant les équipes retail, donc les équipes en boutique dans le monde.

  • Speaker #0

    OK. Et sur le chiffre d'affaires, si je reviens, c'est confidentiel, mais quand je l'ai préparé, j'ai quand même vu un chiffre. C'est quoi ? C'est des estimations ? C'est des chiffres qui sortent ?

  • Speaker #1

    Oui, il y a des études. Il y a beaucoup de cabinets de conseil qui font des études de comparaison entre les différentes maisons. Donc, c'est des chiffres qui sortent, mais effectivement, le chiffre n'est pas publié en tant que tel. Donc, ça reste confidentiel.

  • Speaker #0

    Il y a une obligation. Alors, les chiffres sont publiés quand la boîte est cotée en bourse ?

  • Speaker #1

    En fait, LVMH publie ces chiffres. Donc, évidemment, tous les chiffres de LVMH sont publiés. Et ensuite, on a des splits par ce qu'on appelle business unit ou par... on va dire familles de maisons. Et donc, nous, on appartient à une division qui s'appelle les Montréjoairies. Donc, normalement, on trouve sur le rapport annuel de LVMH le chiffre d'affaires de la division Montréjoairie, mais on ne descend pas au niveau de la maison, sachant qu'il y a huit maisons dans la division Montréjoairie. Les chiffres estimatifs, ce que tu as pu lire peut-être en préparant l'interview, sont des chiffres estimatifs que beaucoup font parce que les cabinets de conseil ou d'autres grandes entités ont besoin de comprendre un petit peu quel est le mapping de la concurrence.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il m'intéresse de comprendre, tu parlais d'une vision, de récolter aussi des feedbacks au niveau des collaborateurs. Comment ça se passe concrètement ? Alors, tu vois, moi, j'étais dirigeant de startup. La vision, en vrai, je l'ai créée beaucoup par moi-même et aussi avec mes salariés et le terrain. Mais quand on est dirigeant d'une maison fraîche qui fait partie d'une grande maison à l'LVMH, comment ça se passe concrètement, cette vision ? Tu peux, toi, apporter tes insights à un certain moment de l'année ? Oui,

  • Speaker #1

    parce que c'est la force du groupe aussi, c'est que chaque maison est indépendante, mais on a ces divisions. Nous, appartenant à la division Montréjoaillerie, on avance tous dans un même sens. Mais après, chaque maison a sa personnalité et au sein de la maison, chez Fred, on a un comité de direction présidé par notre président. Moi, je suis membre du comité de direction au même titre que le directeur financier, la directrice des ressources humaines. On est six aujourd'hui dans le comité de direction. Et le but de nos réunions de comité de direction, c'est justement d'alimenter une réflexion commune et de pouvoir nous... Chacun peut s'exprimer sur notre métier en particulier, mais aussi apporter sa pierre à l'édifice dans une réflexion collective et faire en sorte que quand on présente un plan stratégique, ça ne soit pas seulement issu du grand patron, mais qu'on puisse tous y contribuer. Et après, de façon en escalade, quand on prépare par exemple un plan strat, moi je le prépare avec mes équipes et donc on fait pas mal d'itérations avec les équipes et de réflexions, de brainstorming pour utiliser le mot. on va dire anglo-saxon, pour remonter un peu les idées de tout le monde. Et puis ensuite, mon rôle, c'est de fédérer et d'en faire sortir quelque chose qui soit intéressant, que je peux remonter au niveau du comité de direction. Mais tout ça se fait à chaque niveau, il y a quand même beaucoup de collectifs.

  • Speaker #0

    Tout le monde participe à la construction de cette vision.

  • Speaker #1

    Voilà, après, on va dire, évidemment, il faut qu'il y ait quelque chose à dire. Mais c'est toujours intéressant d'interroger quelles que soient les personnes, il en sort des idées intéressantes. Après, l'idée, c'est de... d'arriver à mettre en commun, à faire une synthèse et d'aller à l'essentiel. On n'a pas les moyens non plus de gérer 150 000 priorités. Donc oui, à un moment donné, quand on est dirigeant, il faut aussi choisir. Et décider de quelles sont les priorités et d'expliquer pourquoi ce point-là va être une priorité et pas le point d'à côté.

  • Speaker #0

    Selon Henri Haddad, choisir, c'est renoncer.

  • Speaker #1

    Et c'est une vraie réalité. Je pense qu'on s'en rend compte tous les jours. Dans notre métier, oui, ça, c'est vraiment quelque chose de super important. Choisir, c'est renoncer. Et je pense qu'un bon dirigeant, c'est celui qui sait prendre des décisions, en fait. Bien sûr. Et ce n'est pas si fréquent.

  • Speaker #0

    Oui, c'est du courage entrepreneurial, managerial.

  • Speaker #1

    Exactement. Mais le courage, typiquement, je pense que c'est une valeur qui, pour moi, m'est hyper chère et très motivante. Mais qui veut dire qu'il faut accepter de se prendre des coups. Parce que quand vous avez le courage de prendre une décision, on ne peut pas satisfaire tout le monde. Et donc, vous avez les insatisfaits qui, par définition, ne vont pas agréer à votre décision. Et ça, il faut l'accepter.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu penses que depuis quelques années, avec un monde de plus en plus mouvant et peut-être incertain dans l'avenir, c'est encore une soft skill encore plus importante, la prise de décision, et qu'il faut aller vite ?

  • Speaker #1

    La prise de décision, et je pense encore plus important, c'est le courage. Moi, je pense que le courage, c'est une valeur assez peu mise en avant dans notre... Je parle de la société française, en tous les cas, et qui devrait s'apprendre en école. Je pense qu'il y a des choses, il y a des fondamentaux qu'on peut... qu'on peut insuffler d'un point de vue éducatif. Mais oui, je pense que le courage est une valeur hyper importante, et encore plus quand on est dans une société un peu mouvante, où il y a beaucoup d'indécision, où il y a beaucoup de flottement. Il faut savoir porter ses valeurs haut et fort.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, c'est une experte du luxe. Si on parle un peu des sujets d'actualité autour du luxe, ce n'est pas que autour du luxe, mais aujourd'hui, on n'entend parler que d'IA, d'intelligence artificielle. Est-ce que dans le luxe, particulièrement dans le joaillerie et peut-être chez Fred, l'IA va changer quelque chose, peut-être dans les parcours clients, l'expérience client ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que le luxe ne fait pas défaut. L'IA est un peu partout et pour les bonnes choses. C'est-à-dire qu'il y a plein d'éléments qu'on arrive à faire de plus en plus rapide, de plus en plus efficace grâce à l'IA. Ça peut être le cas sur des items de production, comment accélérer des chaînes de production de certains éléments, de certains produits. Ça peut être le cas, donc on parlait de parcours client, mais typiquement dans l'identification de clients à fort potentiel, quand on a une base de données. on faisait avant des études, on faisait mouliner un petit peu nos bases de données pour essayer d'identifier le futur top client. Aujourd'hui, on gagne un temps fou avec l'IA parce que vous pouvez appliquer de l'IA sur cette base de données et puis elle va déterminer des algorithmes de comportement d'achat en identifiant hyper rapidement le client de demain. Ça, c'est quand même extraordinaire.

  • Speaker #0

    C'est super intéressant. C'est quand même gagner un temps de dingue. Et la grande question, c'est est-ce que toi, tu utilises ChatGPT en tant que dirigeante au quotidien ?

  • Speaker #1

    Au quotidien, pas du tout. Par contre, quand c'est sorti officiellement, on va dire pour le grand public, j'ai testé tout de suite avec des choses assez marquantes du type business case. On fait tant dans tel pays, on veut se développer dans tel pays, j'ai telle problématique. Qu'en penses-tu et quel est le plan d'action ? Et honnêtement, j'ai été bluffée de voir le plan d'action qui sortait. Et tout ça en mettant assez peu de data dans la machine, puisque pour des raisons de confidentialité. Les chiffres n'étant pas publiés, je n'allais pas donner à l'LGPT et donc à d'autres personnes des informations confidentielles. Donc avec des choses très basiques qu'on peut trouver dans la presse. Et non, j'ai été totalement bluffée. Après, très honnêtement, moi, je l'utilise très peu. Mais c'est assez drôle que tu m'en parles parce qu'on était en séminaire la semaine dernière avec nos équipes. Et puis, on a fait un team building assez sympa. Et la personne qui s'est occupée de l'animation m'a dit que pour la constitution des équipes de notre team building, elle avait fait fonctionner le LGPT. Et donc, c'était drôle. Je pense que les jeunes générations, très clairement, l'utilisent beaucoup plus que moi. J'ai fait un truc assez marrant aussi. J'avais été sollicité pour être jury. Même pas pour être jury, pour être personnalité, pour remettre un diplôme dans la graduation day d'une école. Donc, ils sont 900 et reçoivent leur diplôme. Et je devais faire le discours de graduation day. Et donc, j'ai fait un discours très personnel. Mais au milieu... j'ai glissé un texte de Triad GPT pour faire un test sur un sujet entre le luxe et la RSE, qui est un peu le sujet bateau du moment. Donc, je me suis dit, voilà, ça va me sortir plein de trucs. Et donc, à la fin de mon petit discours, j'ai demandé à l'audience, donc plus de 600 ou 700 personnes, s'ils étaient d'accord avec ce que je disais, s'ils étaient d'accord qu'ils lèvent la main. Ils ont quasiment tous levé la main. Et là, je leur ai dit, écoutez, ce n'est pas moi qui le dis, c'est Triad GPT. Et donc, c'est quand même important de se rendre compte que... Il faut quand même glisser des choses un peu personnelles dans les messages qu'on véhicule parce que je pense qu'il y a un risque à devenir assez moyennisant et assez impersonnel. Mais c'était assez étonnant de voir la véracité et l'authenticité des paroles qui sont sorties dans le discours.

  • Speaker #0

    Bien sûr,

  • Speaker #1

    c'est un outil hyper... Je me suis laissé très impressionné.

  • Speaker #0

    Pareil, des fois, je les utilise et je suis hyper étonné. De toute façon, c'est un outil qui arrive. Et de toute façon, si tu ne l'utilises pas, c'est ton concurrent qui va l'utiliser.

  • Speaker #1

    Oui, puis alors moi, je fais partie. J'ai des enfants qui m'aident beaucoup aussi à rester en de top, on va dire. Mais je trouve que c'est important de comprendre comment la nouvelle génération va travailler, va penser. Tu parlais de fidélité dans une même maison. Voilà, ces comportements d'un jeune collaborateur. Et je pense que CLGPT est beaucoup plus présent chez nos jeunes collaborateurs que sur ma génération. Mais on a besoin de le comprendre. Si on ne comprend pas, demain, on va être déconnectés, en fait. Et ce sont, un, nos talents de demain et deux, nos dirigeants de demain. Donc, il faut qu'on accompagne aussi cette transition.

  • Speaker #0

    Tu parlais de RSE. On sait aujourd'hui qu'il y a une urgence climatique qui va au-delà du monde de l'entreprise. Et pour moi, qui nécessite un peu une mobilisation de toutes les forces, que ce soit les citoyens, les entreprises, les politiques, les associations, etc. Est-ce que tu penses que... Alors, le luxe, c'est plutôt une industrie. Ça ne veut pas dire que le luxe gagne tout le temps énormément d'argent et que tout est très facile, mais c'est plutôt une industrie rentable. Est-ce que tu penses que cette industrie a un rôle... sociétal peut-être plus important ? Un rôle déjà peut-être plus important que d'autres industries ?

  • Speaker #1

    Je pense que l'industrie étant visible et très contributrice à l'économie du pays, par définition, elle a un rôle d'exemplarité. Et elle a un rôle assez, effectivement, sociétal. Et dans le sociétal, je mets le R, le S et le E. Et je pense que les grands acteurs de l'industrie du luxe aujourd'hui sont extrêmement engagés sur le sujet. Il faut éviter de tomber dans l'écueil, de se dire c'est celui qui publie le plus sur LinkedIn qui fait le plus d'actions. Je pense que pour bien parler du sujet, il faut lire les rapports dédiés des différentes maisons ou des différents groupes. On a des très bons exemples avec LVMH, Kering et Hermès. Je pense que toutes les, et Chanel, je ne pourrais pas ne pas citer certains d'entre eux, mais tous les acteurs importants de l'industrie sont extrêmement engagés, en accéléré j'ai envie de dire, très actifs sur le sujet. Et oui, je pense qu'ils sont assez puissants dans leur capacité à faire changer les choses dans notre domaine. On ne peut pas non plus intervenir dans tous les domaines, mais dans le domaine que l'on maîtrise. Et je crois que c'est important de rester dans ce qu'on sait faire et dans ce qu'on maîtrise. Les dernières années ont été extrêmement structurantes et je trouve très exemplaires.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux nous donner quelques exemples, par exemple, de la maison Fred ?

  • Speaker #1

    Alors, dans la maison Fred, on a été assez exemplaires sur la construction des boutiques. On a remplacé depuis assez longtemps tous nos éclairages. L'éclairage en joaillerie est très important parce que, évidemment, si le diamant est bien éclairé, on y voit toutes les facettes et on voit la pureté de la pierre. Donc, tous nos éclairages sont passés en LED depuis hyper longtemps. On a remplacé les boîtes dans lesquelles on livre les produits via le e-commerce. par des boîtes construites de façon très éco-responsable. On a été la première marque, je crois, sauf erreur, de joaillerie du groupe, en tous les cas, à faire un affichage publicitaire sur du papier entièrement recyclé et éco-responsable. Donc voilà, ça va dans tous les domaines. C'est la publicité, c'est nos catalogues. On est hyper digitaux. Un exemple très basique qui est venu d'une impulsion personnelle. Moi, j'ai demandé à ce que toutes les cartes de visite de nos vendeurs ne soient plus imprimées, mais soient remplacées par une carte de visite digitale avec un QR code. Ça paraît bête, mais quand on a 300 vendeurs dans le monde, c'est le cas sur l'Europe, ce n'est pas encore le cas dans tout le monde entier, mais ça fait plus d'un an et demi, presque deux ans aujourd'hui, que nos vendeurs n'ont plus de carte de visite imprimée, mais n'ont qu'une carte digitale. Mais on ne peut pas imaginer l'économie d'impression qu'on a faite. Sans parler de l'aspect financier, mais il suffit de changer le numéro de téléphone ou la personne part. Dans le retail, on a un turnover. Donc, vous avez X% de turnover, vous accueillez des nouveaux vendeurs. À chaque fois, c'est de l'impression qu'il ne servait pas à grand-chose ou en tout cas qui me semblait un peu dépassé. Aujourd'hui, vous avez un QR code qui est généré en deux minutes. En plus, les clients adorent. Et par ailleurs, la carte de visite va directement dans l'annuaire du client. Là où quand vous aviez une carte de visite, vous pouviez la perdre. Il était peu fréquent quand même que le client intègre le vendeur dans son annuaire personnel. Donc, pour de multiples raisons, c'est tellement plus efficace. Et en plus, c'est co-responsable.

  • Speaker #0

    C'est marrant que tu prennes l'exemple de la carte de visite, parce qu'en tant qu'entrepreneur, aussi, quand tu commandes des cartes de visite, c'est typiquement le truc qui est vendu par 200, 300, 500, où tu as une incitation à en acheter beaucoup plus. Ça coûte beaucoup moins cher, marginalement. Et finalement, tu en jettes 80% généralement.

  • Speaker #1

    Exactement. Donc voilà, il y a plein de petites choses. Et moi, je fais partie des gens qui sont convaincus que l'effort collectif, c'est une somme d'efforts individuels. Donc tout le monde peut contribuer. Tout le monde peut avoir sa petite idée. Chaque idée est bonne. Et le tout, c'est de continuer à montrer l'exemple. Et on parlait des sphères personnelles, mais que chacun dans notre sphère personnelle, on arrive à montrer l'exemple.

  • Speaker #0

    Tu nous parles du colibri là.

  • Speaker #1

    Mais voilà, exactement. Non, mais je suis tellement convaincue par ça. Et on a commencé off the microphone une discussion sur la philanthropie. la philanthropie, c'est chacun qui le décide. On peut tous faire quelque chose à notre niveau et on n'est pas obligé de donner des milliers des cents. Mais si déjà chaque année, on donne un petit peu à quelque chose, une cause qui nous parle, ça fait une différence.

  • Speaker #0

    Et ce n'est pas pour faire ma pub, mais par exemple sur Les Sages, la majorité des podcasts vivent par la générosité. Et moi, c'est ce que je dis, si chacun donnait un euro, à mon avis, tous les podcasts seraient rentables.

  • Speaker #1

    Un euro, ce n'est pas douloureux. Tout le monde peut donner un euro. En tout cas, dans la sphère dans laquelle on évolue, je pense que tout le monde peut donner un euro. Et je pense que c'est hyper important, effectivement, d'avoir cette dynamique de ce que j'appelle le bol de riz. Le bol de riz, c'est grain par grain. Et on ne finit pas un bol de riz en l'avalant en une fois.

  • Speaker #0

    Pour finir ce chapitre de ta vie chez Fred, si je croisais tes équipes, qu'est-ce qu'à ton avis, si je leur demandais de te décrire en quelques adjectifs, je te décrirais comment ?

  • Speaker #1

    Alors écoute, ce qui est sûr, c'est qu'il y a au moins quelqu'un qui dirait hyper dynamique, hyper active. Je pense que c'est quelque chose qui me caractérise. Très optimiste et gay. Ce sont des valeurs très fortes aussi au sein de la maison et c'est pour ça que j'ai senti un alignement, je pense, assez naturel. Fred Chanuel, je le disais tout à l'heure, était quelqu'un de très gay, qui portait la joie. Et pour moi, c'était important d'être aligné sur cette valeur-là. Exigeante, exigeante, pouvant dire pas dure, mais exigeante. Donc oui, ça ne rigole pas tous les jours non plus. C'est-à-dire que cette exigence que je m'applique à moi-même avant tout, évidemment, j'essaye de l'appliquer auprès de mes équipes qui, pour certains, prennent le train en marche et peuvent grandir rapidement. Pour d'autres, peut-être, restent un peu sur le quai. Donc, ce n'est pas toujours facile. Donc, ça peut être un peu segmentant. Donc, je pense, assez segmentante. Après, qu'est-ce qu'ils pourraient dire d'autre ? Drôle. Moi, j'utilise beaucoup l'humour. Je pense que c'est quelque chose d'important dans ma vie au quotidien et qui fait partie de mon univers. Voilà, j'aime ça et je trouve que de réussir à maîtriser le premier degré pour aller sur le second, c'est quand même assez sympa. Et puis, dans des instances où il y a souvent un ton un petit peu difficile Et parfois, des négociations un peu ardues, je pense que l'humour aide à sortir de beaucoup de situations.

  • Speaker #0

    Bien sûr, ça permet de détendre et parfois de passer des messages. L'épisode 5 des Sages, on a eu la chance de recevoir François Hollande, qui est un président de la République, qui est connu justement pour son humour.

  • Speaker #1

    Complètement, je n'ai pas eu la chance de le rencontrer, mais effectivement, sa réputation le précède sur sa capacité à gérer beaucoup d'humour.

  • Speaker #0

    Et il nous a dit que c'était pour lui, un jeu de mémoire autant agréable que finalement un outil pour résoudre des situations, comme tu évoquais.

  • Speaker #1

    Et je pense par ailleurs que l'humour était vraiment une espèce de gymnastique intellectuelle intéressante, parce que comme je disais, il faut maîtriser le premier degré pour passer au second. Donc ça veut dire qu'il faut systématiquement aller un coup d'avance et savoir comment est-ce qu'on pourra déstabiliser de façon sympathique la personne en face.

  • Speaker #0

    Écoute, tu me fais une super passerelle, Natacha. On va parler plus de ta manière, de la partie personnelle. Et tu parles de sympathie. Et justement, j'ai une personne qui a souhaité... Faire passer un message justement lors de ce podcast que je vais te lire du coup. Donc c'est... et un altruisme indéniable. Donc, cette personne, c'est Angélique Gérard, qu'on a eu la chance d'accueillir dans les sages lors du premier épisode. Et donc, sa question, c'est Natacha, ton parcours dans l'univers de luxe est impressionnant. Comment arrives-tu dans un monde où la paillette a souvent la part belle pour préserver tes valeurs, ta profondeur, en somme, rester celle que tu es ? Question pas facile.

  • Speaker #1

    Déjà, merci Angélique pour ces mots qui me touchent énormément. Je pense que tout réside dans l'éducation. Moi, j'ai reçu une éducation qui m'a construite avec des parents, je le disais tout à l'heure, très aimants. Des parents qui ont une belle réussite sociale, parce que des parents médecins, spécialistes, mais qui sont issus d'une famille extrêmement modeste, immigrée, comme on le disait en introduction, et qui nous ont élevé, mon frère et moi-même, toujours avec ces valeurs du sens du travail, du sens de l'effort. On a grandi dans un milieu hyper privilégié, j'ai été extrêmement gâtée. Mais je savais que j'avais cette chance, c'est-à-dire que rien n'était dû et le respect de l'autre et le respect du travail étaient quelque chose d'extrêmement structurant et important pour nous. Donc très vite, je pense que j'ai su décoder le fait que dans l'univers du luxe, il y a cette émotion forte, il y a le rêve, mais ce n'est pas la vraie vie. Pour moi, la vraie vie, c'est ce qui se passe quand vous rentrez chez vous, c'est ce qui se passe quand vous observez ce qui se passe autour de vous. et qu'on est là pour vendre des produits exceptionnels à des clients exceptionnels, mais que ce n'est pas forcément notre quotidien. Donc ce côté paillettes, on va dire apparence, parce que c'est vrai que ça participe beaucoup à l'apparence, le luxe, n'est pas incompatible avec qui on est intrinsèquement. Et ce qui m'aide à tenir au-delà de cette éducation, donc il y a mes valeurs, le fait que je n'ai jamais été pervertie en me disant je vais rouler dans une belle voiture et je vais aller dans des restaurants hyper chers et je ne vais avoir que des produits de luxe. C'est ensuite mes racines et ma famille. Je suis mère de deux enfants, j'ai vécu presque 20 ans avec mon ex-mari, donc quand bien même ça s'est soldé par un divorce, on a quand même une magnifique vie commune. Et on a, je pense, partagé ces valeurs qui sont que quand vous avez un enfant malade, vous avez beau avoir un super job, votre enfant il est malade en fait. Donc ça ne change rien à la vie, on est face à la maladie, ou face aux petits éléments du quotidien, aux petits problèmes du quotidien, on doit tous réagir. Et ce que j'essaye de transmettre à mes enfants comme valeur sont celles que moi j'ai reçues. Et du coup, de plutôt animer sur rien n'arrive par hasard. Selon moi, les gens qui me disent on a de la chance, je ne crois pas trop à la chance. Moi, j'ai eu, entre guillemets, je suis née dans une famille, je suis bien née. Mais pour autant, j'ai passé sept ans dans les hôpitaux. Donc, est-ce que c'est une chance ? Je n'en sais rien. Par contre, savoir saisir les opportunités et savoir se dire que si on se donne les moyens, et d'où le lien avec l'ambition. L'ambition, elle peut ne pas être professionnelle, on peut être ambitieux dans plein d'autres domaines, mais se donner les moyens de faire ce qu'on a envie de faire et de trouver son épanouissement, ce sont les valeurs fortes qui, pour moi, sont importantes. Pour moi, pour mes enfants, et que j'essaie de transmettre. Et je pense que cette... Cet ancrage, quelque part, ça évite toute perversion d'un côté un petit peu superficiel. Le luxe, par définition, personne n'a besoin d'un produit de luxe pour vivre. Par contre, comprendre qu'on peut provoquer du plaisir et de l'émotion en contribuant à cette industrie du luxe, c'est quelque chose qui me nourrit. Ça ne veut pas dire que je vais vivre dans un univers du luxe. Donc, il y a souvent cette association. Et en plus, comme je suis un peu élégante et que je travaille dans un milieu où... l'apparence est importante et elle est importante pour moi à titre personnel. Il y a souvent cette première lecture où les gens me catégorisent tout de suite en se disant Ok, c'est cette nana du luxe là. Pour qui elle se prend ? Elle est perché. Pour qui elle se prend ? Elle est hyper hautaine. Et quelque part, ça ne me dérange pas vraiment. Ceux qui vont aller voir un petit peu plus loin, tant mieux parce que je me dis que je leur aurais donné envie d'aller découvrir un petit peu plus ce que je suis intrinsèquement. Et ceux qui s'arrêtent à ça, fine. On n'est pas obligés d'être amis avec tout le monde et on n'est pas obligés de... de satisfaire tout le monde. Ça revient à ce que je disais tout à l'heure. Il faut savoir choisir un petit peu ses combats. Et j'ai la chance d'avoir beaucoup d'amis. En tout cas, pour moi, la relation sociale et la relation amicale est hyper importante. Eh bien, mes amis, ce sont ceux à qui j'ai ouvert cette porte ou qui sont venus aller gratter à la porte et qui ont découvert qui j'étais vraiment en tant que personne et pas qui je suis par ma carte de visite ou par ce que je représente. Soyons clairs, il y a des gens qui m'approchent parce que je bosse dans le groupe LVMH et que je peux avoir des prix sur les produits, des stages, les soldes privés. Je suis très consciente de ça, mais je pense que du haut de mes 51 ans, j'arrive à bien détecter la sincérité du regard ou pas. Et donc, cet ancrage est hyper important et plus j'avance en âge, malgré tout, plus ça devient prégnant. C'est-à-dire que je vais m'entourer de personnes qui me comprennent.

  • Speaker #0

    Et encore une fois, on ne se connaît que très peu, mais le peu, moi, j'ai trouvé juste une personne qu'on connaissait en commun, qui s'appelle Léa Philippot, que je salue ici. Et en fait, la relation que tu as avec Léa, c'est du don, je crois, c'est que tu l'aides en tant que jeune entrepreneuse.

  • Speaker #1

    Effectivement, moi, j'aime beaucoup passer du temps et en tout cas, le give back, comme on dit en anglais, aider des jeunes ou moins jeunes, d'ailleurs, personnes. Mais ça vient probablement aussi du côté très altruiste de mon père, qui a toujours été... Un bon samaritain. Et puis, c'est important pour moi de... Enfin, je suis quelqu'un qui est vraiment dans le partage. Et donc, passer du temps pour écouter, peut-être partager un petit peu mon expérience et répondre en tout cas à des sollicitations, ça me semble une évidence en fait. Et j'aime bien faire plaisir. Ce qui peut être une limite, parce que quand on veut faire plaisir un peu à tout le monde, on s'oublie un peu soi-même. Et ça, c'est vrai que j'ai un peu plus de mal. à m'accorder moi des moments pour moi parce que j'aime beaucoup passer du temps avec les autres. J'ai du mal à dire non aux gens qui me sollicitent. Donc, je suis un peu obligée de trier parce qu'on n'a pas le temps de tout faire. Mais je prends beaucoup, beaucoup de plaisir à aider. C'est un mot quand même assez beau, aider. Et généralement, les gens que j'arrive à aider me le rendent très, très bien. Et je pense que dans le mentorat ou dans le don de soi, égoïstement, on récolte beaucoup, beaucoup pour soi. Je suis marraine d'un programme de mentorat animé par l'ESSEC. Et dans la première étape, je dis toujours à la personne qu'on mentor que, égoïstement, c'est moi qui en retire généralement le plus de profit parce qu'on apprend beaucoup, beaucoup des autres.

  • Speaker #0

    Bien sûr, et ça me fait penser, moi j'accompagne...... certains jeunes entrepreneurs, moi, je suis aussi encore un jeune entrepreneur, mais quand des fois, ils n'osent pas justement aller taper à la porte de patron, je leur dis, mais attendez, vous allez sûrement leur apporter autant que lui ou elle va vous apporter parce que vous avez, vous êtes du sud d'une autre génération, donc vous avez peut-être des connaissances qui sont différentes, etc. Donc, c'est un échange finalement.

  • Speaker #1

    Oui, et puis je pense que c'est une preuve d'humilité aussi de se dire, moi, je suis persuadée qu'on apprend de tous et on apprend surtout à tout âge. Pour parler de sagesse, on dit souvent que les personnes plus âgées sont les plus sages. Mais moi, je pense qu'on apprend vraiment à tout âge et que j'ai ce sentiment de... J'ai besoin d'être nourrie par ma curiosité, d'être toujours nourrie. Donc oui, aller s'ouvrir aux autres et partager est vraiment essentiel pour moi.

  • Speaker #0

    Si on revient sur quelque chose qui est important pour toi, c'est l'égalité homme-femme et en entreprise notamment, qui est peut-être plus de dirigeante sur des postes de direction.

  • Speaker #1

    Moi, je ne comprends pas comment 52% de la population n'est pas représentée de façon équitable dans le haut des strates dirigeantes des entreprises.

  • Speaker #0

    52%,

  • Speaker #1

    c'est le nombre de postages de femmes. Normalement, on devrait avoir... aller à minima 50% de femmes dirigeantes à tout niveau, dans le monde politique, dans le monde de l'entreprise, dans toutes les strates. Normalement, s'il y a cette équité ou en tout cas ce ratio à la base, on devrait le retrouver. Il y a quand même des explications qui sont que l'accès à l'éducation des femmes est arrivé plus tardivement. Aujourd'hui, en France, tout le monde va à l'école et depuis longtemps, mais le droit de vote des femmes n'est pas si ancien. Il y a le fait que les femmes s'autocensurent beaucoup plus que les hommes. Donc, il y a une histoire quand même de posture, de confiance en soi, de syndrome de l'imposteur. Il y a plein de choses, mais on doit accélérer absolument ce process. Il n'y a pas de raison. Et au-delà du fait un peu dogmatique de cet équilibre homme-femme, il y a le fait que la richesse, on vient de le dire, vient de l'échange. Donc, les hommes et les femmes peuvent discuter avec des points de vue différents, au même titre que les cultures, la richesse culturelle doit être mise en avant au sein de l'entreprise. la différence aussi générationnelle. Moi, je trouve hyper intéressant de discuter avec des jeunes qui ne pensent pas du tout, qui n'ont pas les mêmes réflexes de penser que moi, qui n'ont pas les mêmes drivers, qui n'ont pas les mêmes moyens de communication. Donc, cette diversité totale doit être présente au sein de l'entreprise en particulier. Et je crois fondamentalement, même si nos cerveaux, je crois que scientifiquement, sont faits de la même façon, si je ne m'abuse, mais je pense qu'on a une... Les hommes et les femmes réagissent différemment à la prise de décision et il y a tout un contexte un peu émotionnel qui s'inscrit et qu'on a tout intérêt à confronter ces deux points de vue pour faire en sorte qu'au sein de l'entreprise, on puisse avoir une certaine objectivité et puis partager encore une fois la façon de voir les choses. Et les entreprises qui le font d'ailleurs sont généralement plus successfulles, plus efficaces et ça fonctionne très bien. J'ai vraiment du mal à comprendre pourquoi ça prend autant de temps. Encore une fois, il y a quand même une histoire d'éducation, de diplômes, d'accès aux grandes écoles. Si on regarde les femmes ingénieurs, il y a un manque énorme de femmes ingénieurs, parce que quand bien même elles sont premières de la classe en terminale, malheureusement, beaucoup s'autocensurent avant d'aller en classe prépa. Puis les quelques-unes qui vont en classe prépa, elles se retrouvent 10% ou 15% de la population pas super heureuse, parce qu'il y a quand même 85% autres qui mettent un petit peu de pression. Donc, il y a des éléments sociétaux. Et il y a pas mal de choses qui sont faites depuis quelques années maintenant, en accéléré pour rééquilibrer un petit peu tout ça. Donc je supporte pas rôle de cette parité. D'ailleurs, je parle de parité et pas forcément de féminisme, parce que le sens inverse est très dramatique. Je ne suis pas là pour collier 80% de femmes dans les comités de direction des entreprises. En revanche, l'aspect paritaire me semble tout simplement normal, naturel. Mais comme il y a un déficit à la base, on est obligé d'en parler beaucoup. d'accélérer les process et de mettre vraiment le curseur sur cet élément-là pour rééquilibrer assez rapidement la donne.

  • Speaker #0

    Et je crois, tu me dis si je me trompe, mais sur les grands groupes ou les groupes cotés, il n'y a pas la loi Zim...

  • Speaker #1

    Copé-Zimaman, qui a maintenant plus de 10 ans. C'est une loi qui a imposé dans toutes les sociétés du CAC 40 un pourcentage de femmes dans les conseils d'administration. Donc... hyper structurante comme loi qui a permis d'accélérer énormément cette parité dans les conseils d'administration. Or, le seul biais, entre guillemets, enfin qui n'est pas un biais, mais le point sur lequel on essaie de travailler plus à présent, c'est de passer du conseil d'administration qui est une instance de surveillance et pas une instance décisionnaire opérationnelle, au comité de direction et comité exécutif. Et là, il y a une deuxième loi qui a été promulguée en 2021, si je ne m'abuse, qui est la loi Rixin, initiée par la députée Marie-Pierre Rixin. qui, elle, a mis en place cette loi, met en place des quotas de femmes dans les comités de direction et dans les comités exécutifs à horizon d'ici à peu près 5 ans. Et ça, c'est hyper important parce qu'un conseil d'administration, c'est une très bonne chose, mais c'est une instance, encore une fois, de gouvernance et de surveillance. Ce n'est pas l'entité qui dirige l'entreprise. Le comité de direction et le comité exécutif sont les entités qui dirigent l'entreprise. Et là, on est plus dans quelque chose d'opérationnel. Et c'est en train d'être mis en place, puisque la loi a deux échéances, a deux dates différentes, et est en train d'être appliquée. Et puis, une fois qu'on a discuté du CAC 40, des plus grosses entreprises, il y a ensuite le SB 120, qui est la deuxième entité des maisons cotées. Et puis après, il y a tout le reste.

  • Speaker #0

    C'est ce que je voulais te demander, parce que le tissu économique français, en nombre, il est essentiellement composé de PME, de TI. Est-ce que... Alors, je ne suis pas sûr que dans les... toutes les PME et les ETI. Alors, les ETI, je pense qu'il y a des comités de direction, mais toutes les PME, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il faut commencer par quelque chose et c'est vrai qu'on commence par les plus grosses entités pour donner l'exemple aussi. Mais après, il y a des secteurs sur lesquels, effectivement, les choses doivent s'accélérer. J'ai parlé tout à l'heure du secteur de la tech parce qu'on sait qu'on manque drastiquement de femmes ingénieurs. Or, il n'y a pas de raison qu'il n'y ait pas de femmes ingénieurs dans les 5, 10, 15, 20 années qui vont venir. Donc, que ce soit des petites structures ou des grosses structures, il y a des pans entiers de l'industrie sur lesquels on peut avoir des opportunités énormes pour développer la parité. Et il y a des métiers qui, il y a quelques années, étaient assez physiques. Donc, on pouvait comprendre que ce soit plus des hommes parce que des métiers ouvriers où il fallait porter des charges importantes, etc. Mais la modernisation fait qu'il y a de moins en moins de métiers qui sont bloquants pour les femmes d'un point de vue physique. Donc là aussi, il faut sortir des a priori. il y a 50 ou 60 ans, et beaucoup de métiers ont été motorisés, automatisés, on parlait de l'IA et donc optimisés, et derrière, il n'y a pas de raison qu'il y ait moins de femmes.

  • Speaker #0

    Si on parle de mettre en avant, de récompenser les femmes, je crois que récemment, il y a quelques semaines ou quelques jours, tu as été nommée chevalière de l'ordre du mérite. Qu'est-ce que ça signifie ? Comment on devient ? Moi aussi, j'ai l'ambition de devenir chevalier de l'ordre du mérite. Comment on devient et qu'est-ce que ça signifie pour toi ?

  • Speaker #1

    Ça signifie beaucoup, c'est une magnifique reconnaissance pour moi. Donc effectivement, il y a deux promotions civiles pour recevoir l'Ordre national du mérite, une qui est autour de mai-juin et une autre qui est aux alentours du mois de novembre, me semble-t-il. Et donc, j'ai eu la chance de découvrir dans le décret du 9 juin dernier, donc il y a quelques semaines, que je faisais partie de cette promotion, de cette promotion civile.

  • Speaker #0

    Tu n'étais pas au courant ?

  • Speaker #1

    Alors ? En fait, tu es identifié par une personne. Suite à ça, j'étais au courant dans le sens où il y a trois ans, j'avais été identifié par Elisabeth Moreno, qui était la ministre de la Parité de l'époque, aux côtés desquelles j'ai eu la chance de travailler au sein d'un conseil un peu consultatif qu'elle avait constitué à ses côtés. Et donc, on te demande à ce moment-là de... Il y a une petite enquête qui est faite sur toi. Et donc, j'avais eu écho... d'une personne du service des décorations qui m'avait contactée pour avoir des informations me concernant. Mais ça, c'était en juin 2021. Et puis, suite à ça, tu remplis un petit dossier et il se passe quelque chose ou pas. Pour moi, il ne s'était pas passé grand-chose. Et puis, quand ça a été publié au journal officiel, trois ans après, ce qui peut être un peu long, trois ans dans une vie, Non, tu ne le sais pas. C'est-à-dire que quand le journal officiel sort, il n'y a pas quelqu'un qui t'appelle en te disant By the way, ton nom est dans le journal officiel Donc moi, je l'ai appris complètement par hasard. L'histoire est assez cocasse, l'anecdote est assez cocasse. J'étais à Roland-Garros. On est très des sponsors, en tout cas des partenaires de Roland-Garros. Donc on a eu la chance de participer à la finale avec un certain nombre de clients. J'étais assise dans les tribunes avec des clients autour de moi et je reçois un SMS d'un ami qui me dit très gentiment Le bleu te va très bien, félicitations Et là, je portais ce jour-là une veste en jean, donc bleue, et je me dis, c'est hyper sympa, il me fait un petit compliment vestimentaire. Et donc je réponds en lui disant, mais où es-tu dans les gradins ? Puisque donc, je pensais qu'il n'était pas très loin de moi ou qu'il me voyait sur un écran ou autre. Et il me répond, mais pas du tout, tu viens d'être nommé par le Premier ministre dans le journal officiel de vendredi, donc on était dimanche, pour recevoir l'Ordre national du mérite. Donc c'était quand même assez étonnant et ça arrive, je crois, très souvent. de le découvrir un peu par hasard. Et donc moi, trois ans après cette première identification. Pour être très honnête, il faut dix ans de service. Donc il faut avoir travaillé pendant dix ans dans sa vie professionnelle, donc entre guillemets avoir des bulletins de salaire pendant dix ans. Et après, il faut avoir fait des actions reconnues comme méritantes ou en tout cas avoir participé par des engagements à quelque chose qui soit reconnu, à des causes qui soient reconnues par la République. Donc cette magnifique reconnaissance, moi, vient honorer mon engagement justement pour la place des femmes, qui est un engagement de longue date me concernant et sur lequel je suis. extrêmement sincère en tout cas et active de façon totalement bénévole. Tout ce que je fais est complètement bénévole, c'est-à-dire que je ne fais pas partie de structures payantes ou autres. C'est du temps que je passe et c'est de l'engagement, on va dire, solidaire et bénévole. Après, pour être très honnête, et je n'ai aucun scrupule à le dire, moi je l'ai demandé. C'est-à-dire qu'à un moment donné, j'ai exprimé le fait que c'était quelque chose qui pour moi, symboliquement, serait important. Et alors, il y a mon égo. soyons très clairs, ça vient flatter mon égo et je pense que ça me reconfortait dans quelque chose d'important pour moi mais c'est surtout une reconnaissance pour mes parents et mes grands-parents, on a parlé de mes grands-parents tout à l'heure, qui sont arrivés en France qui ne parlaient pas français, qui n'avaient rien, qui ont fui le pays dont ils venaient et ils n'avaient pas demandé à fuir ce pays et ça c'était très important pour moi de me dire que la République pouvait reconnaître quelque chose en ma personne et je me dis que mes grands-parents ou qu'ils soient ils vont être super super fiers et Ça me remplit d'émotions et de joie. Et puis après, il y a l'exemple pour mes enfants, parce qu'on parlait des valeurs du travail et de la persévérance. Et rien n'est gratuit quelque part. Les choses viennent parce que vous avez donné de vous-même. Et c'est pour ça que j'insiste sur le côté bénévole. Moi, je passe et je passerai toujours du temps à donner des conseils, à encadrer, à mentorer, à manifester, à aider, à répondre à des sollicitations. Parce que je trouve que cette... Ce temps passé, il est méritant. Et le fait que la République ait une reconnaissance pour ça, je trouve ça absolument magique. Et je me dis que ça donne quand même un exemple à mes enfants qui, j'espère, les orientera de la meilleure façon possible dans leur vie future. Et donc, je suis super fière. Je suis super fière, mais je me suis aussi, entre guillemets, débattue. En tout cas, j'ai exprimé le fait que c'était important pour moi. Évidemment, il y a les actions derrière.

  • Speaker #0

    dans ton parcours Natacha est-ce qu'il y a des personnes en particulier qui t'ont inspiré ou qui t'inspirent encore aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ah ben il y en a plein alors je pense que j'ai besoin de personnes qui m'inspirent il y a évidemment les figures familiales je pense que les parcours de mes grands-parents la pugnacité, la tenacité de mes parents ce sont des gens qui m'inspirent ça paraît bateau mais je pense que j'ai la chance d'avoir cette famille hyper aimante et inspirante J'ai eu des mentors professionnels aussi. Mon premier patron, vrai grand patron chez Sephora, c'est la personne qui m'a prise dans ses bagages quand je suis partie chez Louis Vuitton. Je l'ai rejoint ensuite chez Christian Dior. C'est quelqu'un qui s'appelle Serge Brunswick et qui a cru en moi alors que je n'étais personne. Enfin, je démarrais tout le bus dans ma vie professionnelle et je pense qu'il a vu en moi une personne authentique et une personne avec du potentiel. Et je pense que c'est... Hyper important de pouvoir croiser dans sa vie des gens qui vous donnent votre chance. Dans la vie professionnelle, il y a plein d'autres personnes qui m'ont inspirée, mais entre autres, je me souviens d'un patron qui m'a fait faire mon premier 360. Un 360, c'est une évaluation de feedback. Vous êtes évalué par vos supérieurs, mais aussi par vos collaborateurs. Donc généralement, quand on est bon élève comme moi, votre boss, il vous aime beaucoup parce que vous faites bien le travail. Mais vous pouvez être peut-être un peu dur avec l'équipe. Et ce manager m'avait fait faire ce 360 et je me suis rendu compte. Assez jeune dans ma vie de manager, que je faisais super bien mon boulot, mais que j'écrasais un petit peu mes collaborateurs. Et donc ça, ça a été très important dans ma vie professionnelle. J'ai compris que j'étais là plus pour mes équipes plutôt que de satisfaire seulement mon patron. Et puis après, il y a des figures emblématiques. On a parlé il y a quelques moments de Marie-Pierre Rixin. J'ai eu la chance de la rencontrer. C'est une femme incroyable. C'est une femme qui a été députée jusqu'à la dissolution il y a quelques jours, mais qui se bat sur le terrain. Et qui est vraiment animée par une vraie sincérité, qui fait les choses pour faire avancer le pays, en fait. Qui donne de son temps, beaucoup autour d'elle. Et qui est extrêmement passionnée, intelligente, engagée, authentique. Donc voilà, c'est une femme pour moi très, très, très inspirante. Et puis après, il y a des figures... emblématique dans le programme de mentorat dont j'ai la chance d'être marraine on donne un nom de promo et cette année donc en 2023 2024 j'ai donné le nom de la promo à le nom de promo en reprenant le nom de Simone Veil. Pour moi, c'est difficile de faire une interview sans parler de Simone Veil. Elle incarne un exemple extraordinaire, toutes les causes et les valeurs qui me sont chères. Et puis, elle a évidemment un passé qui rejoint beaucoup celui de ma famille. Elle a vécu les camps d'extermination, elle incarne cette résilience, cette intelligence, ce courage, parce que... Parce que se mettre devant, enfin être une femme politique à son époque, il fallait être extrêmement courageux. Et puis, elle a pris des positions extrêmement fermes. Que ce soit évidemment pour l'IVG, ma mère étant gynécologue, c'est quelque chose qui était très important pour moi aussi. Que ce soit pour aider les femmes dans les prisons algériennes, que ce soit... Enfin voilà, c'est bon évidemment pour l'Europe. Donc, ça peut paraître bateau aussi, mais au risque d'être bateau, je veux bien conclure avec elle. Ça me va bien.

  • Speaker #0

    Et je pense que, si je peux me permettre, on pourrait peut-être ajouter, parce que je sais que c'est quelqu'un qui, je ne sais pas si qui t'a inspiré, mais qui t'a touché, un monsieur qui s'appelle Olivier Goua.

  • Speaker #1

    Évidemment, je pense que c'est sa réaction et sa façon de réagir contre la maladie. Je pense que quand on est touché par une maladie dont on sait qu'elle aura le dernier mot, c'est... C'est quelque chose qui, évidemment, change une vie. Et d'avoir ce don de soi pour se dire que les derniers moments de sa présence avec nous sont dédiés à faire parler de cette maladie, à faire en sorte que les gens se mobilisent pour la recherche, parce que c'est bien de faire des choses sur LinkedIn, etc. Mais il faut surtout donner des sous pour aider la recherche. Et cette capacité qu'il a à faire face, moi, je suis... Je ne peux même pas dire admirative. Je ne peux pas. Oui, boule bée et je pense que c'est extraordinaire d'avoir des gens comme ça et d'avoir la capacité à communiquer aussi ça. Parce que je pense qu'il y a beaucoup de gens extraordinaires qui font face à des épreuves terribles. Mais d'utiliser cette visibilité qu'il s'est donnée lui-même aujourd'hui pour faire avancer le sujet et d'accepter malgré tout que le monde entier le voit se diminuer. Mais pour cette cause-là, je trouve ça absolument extraordinaire. Et j'ai évidemment vu le film Invincibillité et je trouve qu'il a une espèce de sérénité que beaucoup d'entre nous n'avons pas alors que nous sommes pleinement vivants, en pleine forme et que nous avons la vie devant nous. C'est pour moi une leçon de vie et je pense qu'il y a beaucoup d'Olivier Gouin un peu partout, mais qu'il est le porte-parole de cette résilience et de cette capacité à rester optimiste et à rester engagé et surtout à faire. J'ai un jour un patron qui m'a dit quelque chose de très intéressant. Il m'a dit, connais-tu la différence entre dire et faire ? Eh bien, c'est faire. Et je trouve que c'est très vrai.

  • Speaker #0

    Je l'avais tellement entendu.

  • Speaker #1

    Elle est quand même très simple, mais assez impactante.

  • Speaker #0

    Et pour les auditeurs qui nous écoutent, Olivier Gouas, c'est le fondateur de October, anciennement Lendix, et surtout un monsieur qui malheureusement est atteint de la maladie de Charcot depuis un peu plus de trois ans et qui se bat becs et ongles. finalement pas pour lui parce que lui malheureusement ne bénéficiera pas d'un traitement potentiel sur la maladie de Charcot mais pour les autres et donc il est sur la saison 1 des sages Natacha on arrive au bout de cette interview est-ce que tu as quelques conseils à donner à des jeunes qui veulent globalement entreprendre leur vie

  • Speaker #1

    C'est difficile de donner des conseils sur la vie. Ce que je trouve essentiel, c'est quand même de privilégier son alignement. Moi, c'est un mot que j'aime beaucoup. Je pense qu'il faut être heureux, il faut être libre et il faut être soi-même. Angélique citait dans son petit mot mon cheveu sur la langue. C'est une anecdote, mais oui, j'ai un cheveu sur la langue, tout le monde va l'entendre aujourd'hui. Tout le monde me dit c'est trop mignon, c'est cool, c'est charmant, tout ce que tu veux. Bon, ça s'appelle un défaut de prononciation. Par définition, quand on dit défaut, ce n'est pas forcément un super atout, mais c'est qui je suis. Et quand j'étais enfant, ma mère a évidemment essayé de me faire corriger ce défaut de prononciation à travers un orthophoniste. Et assez rapidement, je me suis dit, c'est qui je suis et ce n'est pas grave. Donc cet alignement pour faire revenir à... en dehors de la digression il faut je pense que le conseil que je donnerais c'est d'assumer qui on est de trouver qui on a envie d'être parce que ça c'est pas évident et ça prend un petit peu de temps et chacun son rythme il n'y a pas de règles il n'y a pas de il n'y a pas d'imposition sociale sur il faut être comme ci il faut être comme ça par contre une fois que vous avez trouvé qui vous vouliez être et trouvé qui vous étiez donnez-vous les moyens de vivre pleinement cette vie-là Ça prend du temps aussi, chacun son rythme. Moi, j'estime que ces dernières années, et c'est vrai que j'ai divorcé il y a quelques années, j'ai eu une vie magnifique avec mon ex-mari avant, mais les choses faisant, je ne me suis pas vue, finalement, peut-être vivre avec lui toute ma vie. Mais cette liberté des possibles, cette liberté de choix, d'assumer, alors que j'étais la petite fille parfaite qui cochait toutes les cases, elle était mariée, elle a deux beaux enfants, et patati et patata. Soyez vous-même et assumez et soyez heureux. Et heureux, ça ne veut pas dire... Il n'y a pas de définition à être heureux. Chacun trouvera sa propre définition. Mais cet alignement-là, ne l'oubliez pas. C'est le meilleur des remèdes possibles.

  • Speaker #0

    Merci pour ces jolis mots. Qu'est-ce qu'on peut te souhaiter ?

  • Speaker #1

    De continuer à être heureuse, de continuer à être moi-même et de continuer à rencontrer des gens extraordinaires. Et je voudrais en profiter pour te remercier. D'abord, le titre de ton podcast est extrêmement aspirant, Les Sages. Et je suis particulièrement flattée de faire partie de tes invités quand je vois la qualité des autres invités. Bon, évidemment, j'ai mon petit syndrome de l'imposteur en me disant pourquoi moi ? Mais j'ai écouté pas mal des épisodes précédents et on vient de parler d'Olivier Gouin. Oui, c'est ça. J'ai écouté récemment ton interview de Mathieu Ricard. Je trouve que tu as une chance inouïe de faire un très beau métier, mais j'ai une chance inouïe aussi de rencontrer des personnes comme toi qui met la lumière sur des sages. Donc, merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, Natacha. Merci pour votre écoute des sages sur cette nouvelle saison. Si vous avez aimé, vous avez été inspiré, vous avez appris quelque chose, il n'y a qu'un moyen de me remercier. Si vous êtes sur Spotify ou Apple Podcast, abonnez-vous. et mettez 5 étoiles. 30 secondes de votre temps mais qui nous permettent d'être toujours plus visibles et que d'autres personnes découvrent les sages. Avant de se quitter, une dernière chose. N'hésitez pas à m'envoyer un message sur LinkedIn. Nicolas Jeanne. Jeanne, J-A-N-E. Pour me dire ce que vous en avez pensé, vos retours, des suggestions d'invités. Vos retours nous font grandir. Merci.

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