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Les Voix du livre

Épisode 11 : La prescription littéraire, une force qui nous échappe ?

Épisode 11 : La prescription littéraire, une force qui nous échappe ?

36min |02/10/2024
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Épisode 11 : La prescription littéraire, une force qui nous échappe ?

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Description

Les médias traditionnels continuent-ils d’influencer nos choix de livres ? Critiques littéraires, radio, presse écrite, youtubeurs, influenceurs ou tik tokeurs… les canaux de prescription littéraire sont aujourd’hui nombreux. D’après notre enquête - basée sur 1850 réponses de lecteurs et lectrices - la majorité de ces derniers préfèrent se fier aux recommandations de leurs amis et des libraires. Cependant, les réseaux sociaux, et notamment Tik Tok, s’imposent de plus en plus dans le marché du livre.


Lauren Malka explore dans cette enquête le rôle crucial des libraires et l’influence croissante des créateurs et créatrices de contenu dans la promotion des livres. 


Dans la deuxième partie de l’épisode, Lauren Malka nous fait découvrir la librairie Les Nouveautés, dans le dixième arrondissement de Paris, à la rencontre de Christophe Barbat, responsable du rayon sciences humaines, puis de Myriam Sethom, responsable du rayon jeunesse. 


Enfin, les journalistes de Livres Hebdo accueillent une invitée spéciale, la journaliste littéraire Marie-Madeleine Rigopoulos, pour décrypter les tendances livres de l’automne. Au programme : une nouvelle traduction de L’Illiade d’Homère par Emmanuel Lascoux aux éditions P.O.L. ; It’s been lovely but I have to scream now, postfacé par Camille Cornu et coordonné par Nelly Slim et Marcia Burnier aux éditions Cambourakis ; L’enfance du monde suivi de La science-fiction capitaliste de Michel Nieva, publié aux éditions Bourgois ; Celle qui savait se débrouiller toute seule et Celui qui voulait tout faire très très bien, de la collection Celle et celui qui, d’Alexis Jenni chez Paulsen.


Un podcast réalisé en partenariat avec les éditions DUNOD, l'éditeur de la transmission de tous les savoirs.


Ont participé à cet épisode :


Marie-Madeleine Rigopoulos, Léon Cattan, Charles Knappek, Jacques Braunstein


Sont mentionnés dans cet épisode :


Lilia Hassaine

Cédric Sapin-Defour

éditions Tristram

La Grande Librairie

Librairie Les Nouveautés

Charlotte Brossier

Jean-Hubert Gaillot

Sylvie Martini

Denis Infante

Augustin Trapenard

Marie-Rose Guarnieri

Marie Legrand

Louis Wiard

Marion Escudé


L'Iliade, Emmanuel Lascoux, éditions P.O.L

It’s been lovely but I have to scream now, Nelly Slim et Marcia Burnier, éditions Cambourakis

L’enfance du monde suivi de La science-fiction capitaliste, Michel Nieva, éditions Bourgois

Celle qui était presque toute seule et Celui qui voulait tout faire très très bien, Alexis Jenni, éditions Paulsen.


Crédits :

Émission “Cédric Sapin-Defour : "La nature n'est pas à notre service, elle existe très bien sans nous" sur France Inter: https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-jeudi-06-juillet-2023-7630256




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    "Pour moi, la résonance d'un livre avant son passage dans la Grande Librairie m'importe assez peu. Pour une raison assez simple, c'est qu'effectivement, la Grande Librairie a encore un immense pouvoir de prescription. Je m'en rends compte parce que j'ai les retours des libraires, je m'en rends compte parce que j'ai les retours des lecteurs, et puis je m'en rends compte, par exemple, quand un primo-romancier comme Denis Infante, qui publie aux éditions Tristram un livre qui s'appelle Rousse, sort un livre qui est tiré à 1500 exemplaires et en vend 15 000. Ce dont je m'en rends compte également, c'est que le lancement d'un livre, s'il y a un premier passage dans la grande librairie, ça donne quelque chose d'extraordinaire pour le livre. Et avec beaucoup de modestie, je dis, ça n'est pas à moi. Déjà, c'est quelque chose que François a construit depuis 16 ans et parce que c'est une dynamique médiatique. C'est quelque chose, moi,qui m'échappe, ce sont les forces qui m'échappent."

  • Speaker #1

    Des forces qui nous échappent: c'est ainsi, comme le dit Augustin Trapenat, que l'on pourrait définir la prescription littéraire en 2024. Critique littéraire à la télé, radio, presse écrite, youtubeur, instagrameuse, tiktoker, tiktokeuse, qui sont les prescripteurs de livres aujourd'hui ? Un mélange de tout cela ? Un alignement de planètes ? Oui, mais dans quel ordre ? Et en pariant sur quelle comète ? C'est le sujet d'ouverture de cet épisode. Je m'appelle Lauren Malka, je suis journaliste indépendante et vous écoutez Les Voix du Livre, un podcast conçu en partenariat avec les éditions Dunod. Chaque mois, je vous embarque chez Livres Hebdo, pour entendre le bruit que ça fait quand les pages du magazine du livre se mettent à parler. Au sommaire, en deuxième partie, je rends visite à la librairie Les Nouveautés, qui a ouvert en 2016 à Paris suite à une mobilisation citoyenne, un récit peu banal qui vaut le détour. À la fin de l'épisode, la clique de Livres Hebdo accueille une invitée, Marie-Madeleine Rigopoulos, pour décrypter les tendances livres de l'automne. Avant cela, je vous raconte mon enquête sur la prescription de livres aujourd'hui.

  • Speaker #2

    Les voix du livre: en ouverture:

  • Speaker #1

    L'idée de cette enquête, on l'a eue à Livres Hebdo au début de l'été. On a eu envie, au moment où les gens se demandaient avec quels livres partir en vacances, de lancer un sondage auprès des lecteurs et lectrices, professionnels ou non, pour savoir quelle était leur source de prescription littéraire préférée. Parmi les 1850 personnes qui ont répondu à ce questionnaire -on les remercie- une grande majorité, 80%, affirme n'être influencée ni par la presse, ni par les réseaux sociaux, mais par les conseils d'amis et de libraires. La question se pose donc, même si elle ne fait pas forcément plaisir: les médias littéraires ont-ils encore leur mot à dire ? Pour Lilia Hassaine, qu'on a appelée juste après l'enregistrement de sa toute première émission littéraire Etcetera, sur France Inter, prescrire des livres est-il un objectif important ? La réponse est claire.

  • Speaker #3

    "Évidemment. L'idée, c'est que les gens courent en librairie après avoir écouté l'émission, évidemment. Aujourd'hui, on connaît quand même l'état de la librairie en France, à quel point c'est compliqué pour eux. Je me dis qu'heureusement qu'il y a des émissions littéraires. Et c'est aussi pour ça que, quand on m'a proposé d'imaginer une nouvelle émission, j'étais ravie parce qu'il n'y a jamais assez d'émissions."

  • Speaker #1

    Les émissions consacrées aux livres, à la télé et à la radio sont devenues très rares, en effet. Mais cette rareté ne les empêche pas de jouer un rôle de premier plan dans la fabrique des plus grands best-sellers récents. Exemple: Cédric Sapin-Desfours. Le 6 juillet 2023, l'écrivain, voyageur et alpiniste, auteur du premier roman Son odeur après la pluie chez Stock, est reçu dans la matinale de France Inter. Charlotte Brossier, directrice marketing chez Stock, se rappelle que cette émission, point d'orgue d'une succession d'éloges unanimes dans la presse (Jérôme Garcin dans l'Obs, Bernard Lehut sur RTL, Olivia de Lamberterie dans Télématin) a contribué à faire basculer le destin de ce livre. Elle a retrouvé pour nous les chiffres de l'époque:

  • Speaker #4

    "Et alors là, d'un coup, cette semaine-là, on en vend plus de 5000. Et après, ça a continué de monter tout l'été. On en vend 5 000, 6 000 par semaine. Ça, je m'en rappelle parce que j'ai géré des réimpressions tout l'été." Un an et demi plus tard, le tirage s'élève à 422 000 exemplaires, l'un des plus grands succès de l'année. L'emballement de la presse a joué, bien sûr. Mais en réalité, pour ce livre comme pour d'autres, les médias ne produisent de miracles que si le terrain est prêt. Jean-Hubert Gaillot, qui co-dirige avec Sylvie Martini les éditions Tristram et qui a édité un autre best-seller inattendu en 2023, le roman Rousse, signé Denis Infante, le résume très bien. La question que je lui posais simple: Denis Infante, primo-romancier de 70 ans, inconnu jusque-là et reçu par Augustin Trapenard à la Grande Librairie, doit-il son succès à cette émission ? "L'impact de la Grande Librairie est indiscutable, mais je crois que s'il a été si fort, c'est parce que le terrain était prêt du côté des librairies. Autrement dit, c'est la conjonction de ces deux phénomènes, adhésion large de très nombreux libraires et une émission réussie en début de rentrée littéraire, qui a fait que l'étincelle s'est produite et que la situation s'est enflammée de la sorte. Revenons donc au rôle du libraire. D'après les lecteurs et lectrices qui ont répondu à notre sondage et les éditeurs et éditrices que j'ai interrogés, c'est très souvent en librairie que le destin d'un livre se décide vraiment aujourd'hui. Marie-Rose Guarnieri, célèbre fondatrice de la librairie des Abbesses, le sent: le rôle du libraire a beaucoup évolué ces dernières années. "Oui, tout à fait. Là, vraiment, on sent que les personnes viennent un peu auprès de librairies comme les nôtres, les librairies de quartier, indépendantes. Ils sentent qu'il y a d'abord une vraie expertise littéraire. Ce qui les apaise beaucoup, c'est quand même qu'on n'a pas toute la production, on fait des choix nous aussi. On a une sorte de ligne éditoriale. Ils sont très sensibles au fait qu'il y ait une ligne éditoriale. Avant, vous savez, au début du métier, on obligeait les libraires à avoir un office obligatoire de tout ce qui sortait. Et là maintenant, comme les libraires se sont défendus, ils se sont dit non, on veut que notre lieu corresponde aussi à ce que l'on veut défendre ou ce que l'on sait défendre et puis aussi à la clientèle qui nous fréquente. D'autres libraires, de quartier ou même au-delà, confirment que les livres mis en avant sur leur table de coup de cœur, même s'ils n'ont pas été chroniqués par la presse, se vendent très bien. Une façon peut-être de sortir de la dictature des best-sellers, comme ils disent souvent, et de diversifier la prescription. Et les réseaux sociaux alors ? Est-il vrai qu'ils montent en puissance et ont de l'impact auprès des lecteurs et lectrices ? La réponse est oui, surtout pour ce qui concerne certains genres littéraires boudés par la presse traditionnelle. Exemples: la romance, le manga... De façon générale, les littératures de genre. Marie Legrand, directrice de HLab et BMR, les labels de littérature de genre et de romance chez Hachette, m'explique que dans son domaine, YouTube, Instagram et désormais TikTok sont des piliers incontournables de son travail de promotion. "En tout cas, chez nous, c'est très puissant. C'est-à-dire que si les gens en parlent sur TikTok, on a des millions de vues et des centaines de milliers d'exemplaires vendus."

  • Speaker #0

    C'est notamment grâce à TikTok qu'elle a vendu 10 000 exemplaires du tome 1 de Captive, une romance de Sarah Rivens, en deux heures seulement, juste après avoir annoncé la mise en vente sur le réseau. La question que se pose désormais Marie Legrand, comme de nombreux professionnels du livre, c'est comment anticiper ces phénomènes TikTok ? Et pourquoi pas, comment les provoquer ? Chaque année, Marie Legrand lance un appel à candidatures auprès des créateurs et créatrices de contenu sur les réseaux sociaux pour recruter des prescripteurs. Voilà sa méthode:

  • Speaker #1

    "On fait un appel à candidatures en fin d'année et on évalue non seulement la force de la communauté, mais aussi la qualité. Donc, ce n'est pas parce que vous avez un million de followers qu'on va vous prendre,si ce million de followers ne s'intéressent pas du tout au livre, ne commentent pas, n'interragissent pas. Et en fait, on leur envoie toutes nos parutions pour qu'elles puissent les chroniquer, créer des contenus et en parler au moment de la sortie du titre.

  • Speaker #0

    "Et jusque-là, je crois qu'en fin de l'année dernière, on a eu presque 2 500 candidatures pour faire partie de nos partenaires." "C'est l'équivalent de notre service presse, quoi." "Ah oui, et vous avez un service de presse aussi ?" "Non." Plus de service de presse, donc. Les journalistes littéraires sont-ils menacés de disparaître face au pouvoir de prescription croissant des réseaux sociaux ? D'après notre sondage, ce n'est pas d'actualité. Mais Louis Wiard, chercheur et spécialiste de la prescription littéraire, observe tout de même que la médiatisation du livre a changé. Les journalistes, comme les éditeurs, libraires et autres professionnels du livre, essayent de fairetoutes et tous d'adopter les codes de communication des influenceurs sur les réseaux sociaux en postant des photos et des vidéos qui imitent d'après lui le fait maison.

  • Speaker #2

    "Les influenceurs du livre sont devenus des personnages, des personnalités du web relativement importants avec lesquels un certain nombre de maisons d'édition collaborent. Et ils ont permis de populariser des manières de faire, des codes de communication, des manières de prescrire le livre, d'échanger autour du livre, qui sont récupérées par des prescripteurs traditionnels, par des journalistes qui vont eux aussi se mettre à ouvrir leurs propres comptes sur les réseaux sociaux et à créer des vidéos à la manière de TikTok et à reprendre les mêmes codes de communication."

  • Speaker #0

    Les créateurs et créatrices de contenus sur les réseaux sociaux prescrivent donc non seulement les livres à lire, mais aussi la façon d'en parler, jusqu'à modifier les formats journalistiques. Certains diraient que c'est le monde à l'envers. Problème, les influenceurs en question n'aiment pas trop qu'on les surveille, ni qu'on les imite. Marion Miralta, éditrice et tiktokeuse influente, m'a confié que les prochains best-sellers se fabriquaient désormais à l'abri des regards intéressés, à savoir sur des plateformes de discussion privées, comme Telegram. Bientôt, la prescription littéraire deviendra plus qu'une force qui nous échappe, Le secret le mieux gardé de la bookosphère. L'enquête intégrale sur ce sujet est à retrouver dans le numéro d'octobre de Livres Hebdo. En chemin: Nous sommes le 4 septembre 2024 à Paris, entre la rentrée des classes et les prix littéraires. L'occasion ou jamais de venir dans le quartier très écolier, mais aussi lettré du métro Goncourt. Je m'apprête à entrer dans la vaste librairie des nouveautés qui s'est installée en 2016, suite à une mobilisation du quartier. Christophe Barbat, responsable du rayon sciences humaines, va tout nous raconter. "Bonjour !"

  • Speaker #2

    "Bonjour, enchanté, je suis l'adjointe du futur responsable de la librairie des nouveautés. Et donc oui, cette librairie s'est installée en décembre 2016, avec l'action du voisinage. En fait, l'immeuble a été créé en 2016 avec des logements sociaux. Il y avait pas mal de lieux pour des boutiques et donc un Monoprix s'était proposé pour s'installer. Le voisinage était contre, donc le voisinage s'est organisé pour pousser le gérant d'une autre librairie patrimoine, les Guetteurs de vent, à ouvrir une nouvelle librairie.

  • Speaker #0

    Parce que la population, enfin le voisinage, était quand même vent debout contre l'idée qu'un Monoprix s'installe." "Oui, voilà, c'est ça. Il y a des supermarchés un peu partout. La rue du Faubourg du Temple était en train de changer. Il y avait des magasins qui ouvraient, qui fermaient. Voilà, le but, c'était d'installer un lieu culturel ici, qui puisse convenir à tout le monde. D'où l'intérêt du voisinage, qui a de suite permis à la librairie de marcher très, très bien." "Alors, la surface de cette librairie, elle est impressionnante. C'est ça qui est tout de suite étonnant quand on rentre ici."

  • Speaker #2

    "Alors, une librairie qui fait à peu près un peu plus de 150 mètres carrés, avec un gros rayon littérature francophone et étrangère, un beau rayon aussi beaux-arts, tourisme, musique, cinéma... On a vraiment une librairie généraliste avec à peu près 20 000 références, ce qui est quand même pas mal. Donc avec un lectorat qui est notre lectorat de voisinage et aussi beaucoup de passages, ce qui nous pousse à prendre un peu tous les titres."

  • Speaker #0

    "Quand je vous ai appelé, vous m'avez parlé du fait de défendre des livres pour ne pas qu'ils soient vendus forcément sur Amazon."

  • Speaker #2

    "Oui, voilà. On a une librairie indépendante qui fait partie du réseau Librest, qui essaye de mettre en commun leur stock pour faire des commandes très rapides. Mais on essaye aussi de mettre en avant des petits éditeurs indépendants. Et certains éditeurs ne veulent pas être vendus sur Amazon. Ça fait partie de leur charte maintenant. Donc ça, c'est des éditeurs qu'on essaye de mettre en avant, puisque justement, on ne pourra les trouver que dans les librairies indépendantes. On va prendre aussi les gros éditeurs, Albin Michel ou d'autres, Gallimard... Mais on essaie de mettre en avant aussi ces petits éditeurs qui sont très importants pour la vie culturelle et pour aussi le foisonnement de la librairie. C'est un combat. C'est un combat pour que les librairies continuent à vivre. Et on voit bien, lorsqu'il y a eu la période du Covid, pas mal de gens qui étaient dans le quartier ont découvert qu'ils avaient une librairie en bas de chez eux. Les gens commandaient sur Internet, sur Amazon ou autre chose. Ils s'apercevaient que là, les ouvrages, on les avait en rayon. Donc pas besoin de les commander, qu'on les avait en 3-4 jours. Et c'était surtout vraiment pour s'ancrer aussi dans le quartier."

  • Speaker #0

    "Moi, je viens souvent dans votre librairie et un jour, il y a des jeunes filles qui ont demandé à l'une de vos collègues si elles pouvaient accéder à une partie cachée de votre librairie."

  • Speaker #2

    Je pense que ça doit être la partie romance.

  • Speaker #0

    Ça doit être ça.

  • Speaker #2

    Notre collègue Myriam qui a implanté ce rayon, qui a pris de plus en plus d'ampleur.

  • Speaker #0

    Alors, vous m'emmenez voir Myriam Sétom, qui est, je crois, responsable du rayon jeunesse. Bonjour Myriam. Bonjour. Est-ce que vous pouvez me montrer cette partie très secrète de la librairie ?

  • Speaker #3

    La partie très secrète de la librairie ?

  • Speaker #0

    Cette partie si convoitée.

  • Speaker #3

    Tout à fait. Vous arrivez du côté grand ado et vous poussez une bibliothèque coulissante.

  • Speaker #0

    Donc on pousse la bibliothèque coulissante sur laquelle il est écrit. Poussez-moi, rayon plus 18 ans. avec des romans publics avertis.

  • Speaker #3

    Alors c'est un rayon qui rassemble tous les ouvrages de romances, ce qu'on appelle romances new adult, donc à partir de 18 ans mais qui sont majoritairement à destination d'un public de 18-40 ans. Et effectivement, public averti, moi, ça me semblait important de l'indiquer sur les ouvrages, dans la mesure où le rayon était situé pas très loin des grands ados de 16 ans, 17 ans. Et pour moi, c'était important aussi d'apporter un petit avertissement, tant pour les lecteurs, mais aussi pour les parents, qui se retrouvent parfois un petit peu désemparés par rapport au choix de leurs ados. C'était important de faire un petit disclaimer, si on peut autoriser cet anglicisme. Là,

  • Speaker #0

    il est 15h et quelques, les jeunes lecteurs et lectrices sont à l'école. Moi, d'habitude, je viens plutôt aux alentours de 18h et on ne peut pas accéder à ce rayon tant il y a surtout de jeunes lectrices.

  • Speaker #3

    Oui, complètement. On a observé un boom de cette littérature. Moi, j'avais inséré le rayon il y a deux ans et demi déjà, quand je commençais à voir qu'il y avait des petits prémices. J'ai constaté qu'on faisait pas mal de commandes clients et j'ai commencé par une demi-étagère, une étagère. Et ensuite, on a vraiment pris la décision de consacrer une bibliothèque entière à ce rayon-là. Et effectivement, je pense que l'impact des réseaux sociaux, du booktalk, du bookstagram, a des conséquences claires et précises sur les ventes de ce secteur-là. Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    On parle aussi de plus en plus de dark romance. Est-ce que vous avez dû vous former, lire tous ces livres ?

  • Speaker #3

    Alors, j'en ai lu quelques-uns, pas tous. Il y a quand même des ouvrages de dark romance. Donc, pour rappeler, c'est des romances qui mettent en scène des relations qu'on qualifierait de toxiques. Les ouvrages qui sont vraiment... vraiment très problématiques, j'ai tendance à les donner à ma collègue qui s'occupe du rayon érotique du côté littérature adulte. Et donc voilà, je préfère faire ce tri.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il vous arrive de déconseiller les livres aux parents ou aux lecteurs-lectrices ?

  • Speaker #3

    Complètement, ça m'est arrivé plusieurs fois d'ailleurs. Des jeunes lectrices qui venaient avec leurs parents et qui, les parents étant, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, assez désemparés parce que ne sachant pas en fait, clairement. de quoi il était question. Et donc du coup, je me suis un peu insérée dans la conversation en indiquant aux parents que ce n'était pas forcément la lecture appropriée. Mais ça me permet de rebondir aussi et de proposer des lectures dans le même style, donc de la romance, mais qui soient plus adaptées pour les âges concernés, que ce soit 15 ans, voire 12.

  • Speaker #0

    Un exemple ?

  • Speaker #3

    Un exemple ? Le Captive, forcément ! Le Cap-Ti ou plus récemment les romans de Colleen Hoover. Et pour cette autrice-là, j'ai tendance à indiquer éventuellement un de ses livres qui serait adapté à des lectrices de 15 ans parce que ne comportant pas de scènes de sexe de façon graphique et donc qui pourrait tout à fait correspondre pour du young adulte.

  • Speaker #0

    Et vous êtes écoutée dans vos conseils ? Généralement,

  • Speaker #3

    oui. Mais après, je me dis que je n'ai pas un rôle de censeur. Le dernier mot, il revient toujours aux parents.

  • Speaker #0

    histoire ?

  • Speaker #2

    Alors, pour la librairie des nouveautés, le rayon histoire, on a plutôt axé sur une histoire engagée, donc en rapport avec la colonisation, décolonisation, en plus, moi, c'est des sujets qui m'intéressent énormément, donc moi, je vais axer mes commandes et mes choix sur ce type de livre. Et par exemple, vous avez un éditeur dont le créateur est mort, là, cet été, c'est Eric Hazan pour La Fabrique, on fait partie, justement. Vous avez d'autres éditeurs plus classiques comme Perrin, Fayard, Albain Michel. Le point le plus important, c'est le sujet et comment il va être traité. Est-ce que c'est quelque chose de nouveau, une nouvelle approche ? Par exemple, pour Armand Collin, j'ai été enseignant pendant une dizaine d'années il y a quelque temps. Dans ma tête, ça restait des ouvrages très universitaires ou très scolaires. Et là, on voit le changement depuis quelques années. La charte graphique a changé, les sujets ont changé. On a invité Julien Dupont pour Imaginer Demain. Lui est géographe dans un établissement scolaire. Il présente des cartes du futur, du monde, avec un petit mélange de littérature, de philo. Il invente des cartes. Ça, c'est des sujets intéressants. On propose une nouvelle approche de la géographie. Donc voilà, ça, c'est des petites choses qu'on attend des éditeurs. Ce qui se passe, c'est que les sciences humaines, il y a le prix aussi qui entre en jeu. Ça, c'est un petit élément qu'on voit un peu dans tous les rayons. Les gens font attention. Lorsqu'il y a une sortie grand format, ils attendent de plus en plus la sortie. poche. Surtout en sciences humaines, des fois les ouvrages sont assez onéreux, d'où l'intérêt de se positionner beaucoup aussi sur les formats poche.

  • Speaker #0

    Merci aux éditions DUNEAU pour cette séquence de transmission des savoirs. Christophe, qu'est-ce qu'on peut souhaiter à la librairie Les Nouveautés et peut-être plus généralement aux librairies indépendantes de l'Est de Paris ?

  • Speaker #2

    Alors, si on reste sur notre librairie, il y a un petit changement. Le gérant, le créateur, parle à retrait, donc c'est repris par d'autres libraires. Donc, on reste une librairie indépendante, on le restera. Les librairies de l'Est parisien aussi, avec leur système de libre-Est, ça marche très, très bien. Elles sont bien implantées dans leur quartier. c'est un élément moteur. Ça permet à des librairies indépendantes d'être présentes, d'être vivantes encore, puisque le prix du livre est exactement le même partout, que ce soit sur Internet ou en magasin. Donc en fait, on trouve les mêmes ouvrages partout au même prix. La petite chose en plus qu'on n'a pas sur Internet, c'est que vous avez les libraires qui sont présents dans le magasin et qui, eux, peuvent vous conseiller. Mais ça, c'est le petit plus qu'on n'a pas sur Internet. Pour ça, il faut que les librairies indépendantes soient vivantes ou présentes. Quand il n'y aura plus de librairies indépendantes et qu'on aura tout sur Internet, on va se retrouver avec 5-6 éditeurs. une quinzaine de titres et puis ça sera la fin.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Christophe. Merci.

  • Speaker #2

    Merci Myriam.

  • Speaker #0

    C'est la troisième partie de cet épisode, la rubrique en haut de la pile. Autour de moi, la clique critique de Livres Hebdo, Léon Catan, Charles Knapek et Jacques Braunstein. Bonjour à vous trois. Bonjour. Et une invitée spéciale. Bonjour Marie-Madeleine Rigopoulos. Bonjour Lorraine. Merci d'être avec nous. Le milieu littéraire te connaît bien. Grande lectrice qui sait interroger les écrivains et écrivaines comme personne, en festival ou ailleurs. Tu es chroniqueuse pour Le Nouvel Économiste et tu réalises un podcast hebdomadaire qui s'appelle Conversations littéraires. Marie-Madeleine, en première partie de cet épisode, on a parlé de prescriptions littéraires. J'avais envie de te demander pour commencer, toi, qu'est-ce que tu penses de la prescription littéraire par les journalistes aujourd'hui ? Est-ce que tu penses que les médias ont encore de l'impact ?

  • Speaker #4

    Alors, je vais le dire avec un petit pincement au cœur parce qu'évidemment, ça ne me fait pas du bien de le dire, mais j'ai l'impression que quand même un peu moins qu'avant. En revanche, j'ai le sentiment que les festivals sont de plus en plus prescripteurs, c'est-à-dire que le contact humain, les événements autour du livre, les lectures, les débats, les rencontres, génèrent une forme d'engouement de plus en plus fort. Et j'ai le sentiment que le festival est en train un peu de prendre le pas sur la prescription journalistique.

  • Speaker #0

    Jacques ?

  • Speaker #5

    Moi, mon impression, c'est que ce n'est pas que les journalistes soient oubliés, mais c'est que dans un monde de plus en plus horizontal, les festivals, les influenceurs, les libraires... les journalistes, on est tous finalement des influenceurs du livre. Il n'y a plus un magistère des journalistes. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas qu'ils continuent à faire leur travail et qu'ils essayent de le faire bien.

  • Speaker #4

    Oui, je suis assez d'accord. Le rôle est partagé et c'est devenu plus caléidoscopique la prescription. On n'a plus la statue du commandeur, du grand journaliste, même s'il y en a et qu'ils ont des très belles plumes.

  • Speaker #0

    Alors ici, à Livres Hebdo, on estime qu'on n'est jamais assez nombreux pour prescrire des livres et ouvrir le champ des découvertes. On va donc... entendre vos coups de cœur et des cryptages. Mais avant cela, Jacques, quel est le chiffre du mois ?

  • Speaker #5

    Le chiffre du mois, c'est 50. 50, c'est le nombre d'éditeurs dans le Global 50, le Global 50, qui est un classement international que nous réalisons avec nos confrères de Publisher Weekly, du Bookseller et d'autres journaux professionnels du livre à travers le monde. Ce mois-ci, nous pouvons donc donner les résultats des plus grands éditeurs du monde et de nos clients. pour l'année 2023. Alors, d'abord, un petit cocorico, c'est que les éditeurs français et les groupes français se maintiennent très bien, puisque Hachette est toujours 7e éditeur du Monde et 3e éditeur de littérature générale. Editis est toujours 25e. Média Participation est passé de la 29e à la 25e place. Madrigal, de la 33e à la 32e place. Et Albin Michel, de la 46e à la 45e place. L'autre information... importante de ce Global 50, pardon pour l'anglicisme, mais c'est un classement international, c'est que le métier change avec l'intelligence artificielle. L'exemple le plus intéressant, c'est celui de Relix Group, je ne sais jamais comment il faut dire, qui est le premier éditeur du monde qui fait beaucoup de choses en digital. C'est un éditeur professionnel. Aujourd'hui, 90% de son activité est en digital. Il a créé un robot conversationnel qui s'appelle Lexi AI. Son revenu est en hausse de 7%. au premier semestre. Et là où c'est une bonne nouvelle, c'est que le cabinet Goldman Sachs avait identifié Relix comme un des futurs perdants de l'IA. Eh bien, non, au contraire, il a réalisé de très bons résultats en s'adaptant. Et alors, il y en a même d'autres qui s'adaptent énormément. Je pense notamment à l'éditeur professionnel allemand Hoff, qui a décidé qu'il n'était plus un éditeur. Et il a demandé à ce qu'on le retire du classement du Global 50, puisqu'il est qu'il a changé de métier. Voilà un des effets un peu inattendus de lire.

  • Speaker #0

    Merci Jacques. Marie-Madeleine, à toi l'honneur. Tu nous parles d'un office littéraire qui a eu lieu quelques siècles avant Jésus-Christ.

  • Speaker #4

    Oui, une fois n'est pas coutume. Et puis surtout pour montrer à quel point la littérature peut être atemporelle. Et qui plus est cette littérature, j'ai nommé Homer. le plus grand écrivain du monde de l'histoire. Je suis grec, je ne vais pas me priver. Homer, l'Iliade, une nouvelle traduction par Emmanuel Lascoux aux éditions POL. Une traduction absolument magnifique. Pourquoi magnifique ? On l'avait déjà vu avec Emmanuel Lascoux en 2021, il avait traduit l'Odyssée. D'ailleurs, il a fait les choses à l'envers. Il s'en est pris d'abord à l'Odyssée avant de passer à l'Iliade. Parce que l'Odyssée est quand même... un petit peu plus facile, je mets des normes guillemets évidemment, mais comparé à l'Iliade qui est plus ardue, qui est plus longue aussi, je pense qu'il avait un petit peu peur de s'y attaquer. Il avait tort parce que le résultat est exceptionnel, c'est une très très belle traduction, mais surtout la particularité de la traduction d'Emmanuel Lascaux, c'est qu'elle est d'une modernité extraordinaire. Il est allé chercher ce phrasé, cette scansion, qui en fait revient d'une certaine manière à l'original, dans le sens où... Au départ, l'Iliade, c'est un chant, c'est parler, c'est chanter. C'est un texte qui était fait pour être raconté aux gens au coin du feu et partagé. Et il a retrouvé cette musicalité, il a retrouvé cette modernité dans le langage. Il prend des libertés, d'ailleurs, avec des onomatopées, avec un peu d'argot très contemporain. Et l'autre particularité d'Emmanuel Lascaux, c'est qu'il est musicien en plus d'être héléniste. Et ça, c'est très, très important parce que, justement, il a ce sens de l'ascension et de l'art rythmique. D'ailleurs, il fait des lectures en langue originale, c'est-à-dire en grec ancien, qui sont assez épiques.

  • Speaker #5

    Moi, ce qui me frappe, c'est que Frédéric Boyer, qui dirige les éditions POL, lorsqu'il était aux éditions Bayard, avait retraduit les évangiles avec notamment Emmanuel Carrère. Et je trouve ça formidable, effectivement, cette volonté et ce fil rouge de toujours retraduire les grands textes et de faire que chaque jour, il reste actuel.

  • Speaker #4

    Actuel en rappelant que ce sont des textes qui nous... concerne. Moi, c'est ça que je trouve extraordinaire. C'est-à-dire que c'est pas une niche, en fait. C'est ça qu'on commence à comprendre, c'est que ça redevient une partie de l'actualité littéraire, comme si ces textes venaient de paraître. Et moi, c'est ça que j'aime. Et c'est aussi une manière intelligente de l'aborder, parce que l'Odyssée et l'Iliade, c'est la base de toutes les dramaturgies du monde, même de la soap opéra. Vous regardez la soap opéra, c'est les atrides. C'est tout le monde couche avec tout le monde, tout le monde s'entretue, tout le monde se trahit. C'est la base de la narration contemporaine.

  • Speaker #0

    L'Iliade de Homer, traduit du grec ancien par Emmanuel Lascoux, ça sort le 3 octobre chez POL, ça fait 672 pages. Merci Marie-Madeleine. Léon Catan, on fait un bond de quelques siècles en avant avec toi. Qu'est-ce que tu nous apportes ?

  • Speaker #1

    Oui, alors pour parler de ce livre, j'aimerais bien qu'on remonte un petit peu en avant, bien avant sa conception dans les années 90 aux Etats-Unis, quand un groupe d'étudiantes prennent d'assaut la scène... punk locales. Elles ont des groupes qui s'appellent Bikini Kill, Brat Mobile ou encore Slater Kiné. Et on ne voit qu'elles quand elles décident de commencer à faire des concerts. Elles ont des jupes d'écolières, des insultes sexistes qui barrent leur torse. Elles savent à peine faire de la musique mais par contre elles savent crier et surtout elles crient des choses très intéressantes. En fait elles lancent ce qu'on appelle le mouvement Riot Girl, un mouvement de contestation par rapport à l'entre-soi masculin des lieux alternatifs. Et du coup, pour allier le geste à la parole, elles essaient de communiquer par des moyens plus subversifs, on va dire, et donc à travers le zine, ce petit livret fabriqué à la va-vite dans des imprimeries locales. L'idée, ce n'est vraiment pas de faire un bel objet, mais plutôt de créer un espace d'expérimentation poétique, artistique. Et en fait, c'est ce même élan créatif qu'on va retrouver chez Nelly Slim et Marcia Burnier, qui décident de lancer leur propre zine en 2017. Elles ne veulent pas s'embêter avec des fioritures ou de polir sur les bords ce qu'elles ont à dire. Elles vont vraiment lancer un appel à texte un peu comme ça, qui va du coup donner le zine It's been lovely, but I have to scream now Donc encore une fois, quelque chose qu'elles font du fin fond de la creuse avec des ciseaux à bout rond en allant squatter les imprimantes des copines. Et en fait, elles lancent du coup un appel à texte et surprise, ça marche hyper bien. Et du coup, elles se retrouvent avec énormément de contributions de femmes et de personnes queer. Ça peut être du slam, des pamphlets politiques, de la prose, enfin bref, plein de choses. Et en fait, elles vont carrément pouvoir pousser l'aventure jusqu'à 16 volumes qui vont circuler un peu sous le manteau à prix libre. Et justement, aux éditions, Kambourakis sort ce mois-ci une sorte de synthèse de Toulzine, en fait, avec une quinzaine de textes à peu près. On va retrouver des textes anonymes, mais aussi des figures un petit peu plus connues des milieux alternatifs. comme Daria Marx qui est une militante anti-grossophobie. Et en fait, ce qui est vraiment intéressant, je trouve, c'est de voir aussi l'évolution à travers ces textes de 2017 à 2020 où entre-temps il y a MeToo qui se produit. Isabelle Kambourakis, par exemple, m'avait expliqué qu'en 2017, elle recevait très peu de textes. Elle, elle pense que c'est parce que c'était une génération de femmes qui n'osaient pas forcément prendre la plume, ou en tout cas de manière un peu périphérique, justement, dans des zines ou sur Internet. Et là, du coup, voilà, il y a vraiment quelque chose qui change et le zine cristallise très bien tout ça. Et je trouve que justement, avoir ce testament de cette époque, ça fait qu'on espère que les femmes et les personnes queer vont prendre de plus en plus de place dans l'édition conventionnelle, mais aussi que ces lieux d'expression subversif et inclusif vont continuer de fleurir. On a un peu de chemin encore avant que tout le monde puisse prendre la parole.

  • Speaker #0

    Marie-Madeleine, une réaction ?

  • Speaker #1

    Moi,

  • Speaker #4

    ce que je voudrais juste dire, c'est quand même très réjouissant de voir qu'il y a des initiatives collectives qui se font autour de l'édition et du livre. Je trouve que ça démontre qu'il ne faudrait peut-être pas trop vite pleurer sur la mort de l'édition et de la littérature. Parce que quand on entend ce genre d'aventure, on se dit que ce n'est pas de main la veille.

  • Speaker #0

    Donc ça s'appelle It's been lovely, but I have to scream now C'est post-facé par Camille Cornu et coordonné par Marcia Burnier et Nelly Slim. Ça sort le 2 octobre chez Cambourakis. Merci Léon. Charles, on a un peu traversé le temps et toi, tu nous parles du futur.

  • Speaker #6

    Oui, Lorraine, je parle du futur, mais finalement, je vais en profiter pour rebondir sur ce que disait Marie-Madeleine à propos de l'Iliade. L'Iliade, on dit souvent que c'est le premier texte d'imaginaire. Moi, je vais vous parler d'un roman de Michel Niewack, un auteur argentin qui est publié dans une nouvelle collection qui s'appelle Chimère aux éditions Christian Bourgois, qui s'appelle L'enfance du monde, qui a cette particularité d'être un diptyque, c'est-à-dire qu'il y a un roman et ensuite une partie essai, qui s'appelle la science-fiction capitaliste. Ces deux textes sont vraiment en regard l'un l'autre. On a d'un côté une histoire complètement folle qui se déroule dans un futur proche, qui est marqué par le réchauffement climatique, et qui met en scène un moustique, un moustique géant, qui va à l'école avec des humains. et qui est victime de harcèlement parce qu'il est différent. Et on lui fait payer sa différence. Alors évidemment, on va comprendre en arrière-plan, ce moustique, c'est un précurseur, c'est un mutant. C'est le premier d'une race de mutants qui est en train de transformer le visage de la population terrestre. Et à un moment, il va se rebiffer, c'est-à-dire il va dire Non mais attendez, moi je suis un moustique géant, j'ai ma petite trompette, là je vais te... Je vais te piquer et puis tu vas voir ce que tu vas voir. Donc c'est un peu ce qui se passe au départ. Et puis ce moustique se lance dans une espèce de vendetta contre les humains et se met à massacrer tout ce qui est humain sur son passage. Et en fait, et c'est là que c'est intéressant, parce qu'en fait, c'est pas vraiment une explication de texte, mais quand il fait son essai qui s'appelle la science-fiction capitaliste... Michel Nieva, qui montre qu'il n'est pas seulement un excellent romancier, mais aussi un très fin connaisseur de la science-fiction et des cultures de l'imaginaire, montre à quel point finalement le capitalisme est tellement pétri des imaginaires de la science-fiction qu'il est prêt déjà aujourd'hui. C'est là que c'est rigolo parce que du coup, Elon Musk et Jeff Bezos et consorts en prennent pour leur grade. Les capitalistes d'aujourd'hui, même si l'environnement n'est pas encore ravagé, en tout cas autant. que dans le roman. Finalement, pour eux, c'est pas un souci, c'est-à-dire qu'on pourra toujours exploiter, on pourra toujours trouver des manières de faire de l'argent, même dans un environnement totalement dégradé. Voilà. Et on se rend compte que l'imaginaire, c'est pas que des histoires pour se divertir, finalement, il y a tout un fond de réflexion, de prospection, c'est de comprendre le monde dans lequel on est, le monde vers lequel on va. Donc c'est ce qui m'a beaucoup plu dans ce texte de Michel Nieva chez Christian Bourgois.

  • Speaker #0

    Marie-Madeleine,

  • Speaker #4

    c'est plus que ça, je dirais, c'est éminemment politique. Les premiers lanceurs d'alerte, d'une certaine façon, c'est les auteurs de science-fiction. Peu que le livre soit de qualité, mais en tout cas, je pense vraiment que la fiction est éminemment politique et philosophique.

  • Speaker #0

    L'enfance du monde, suivi de la science-fiction capitaliste, Michel Nieva s'est traduit de l'espagnol, donc espagnol-argentin, par Sébastien Rutes. Et ça apparaît chez Christian Bourgois le 3 octobre. À mon tour, je vous parle d'une collection de livres que j'ai trouvé éblouissant. pour les tout-petits, porté par le romancier, lauréat du Prix Goncourt, Alexis Gény, chez Paul Seine, sur le thème de l'aventure. Ça s'appelle Celle et celui qui À chaque fois, c'est le portrait d'un aventurier ou d'une aventurière, souvent oubliée de l'histoire, et qui porte des valeurs qu'on n'a pas l'habitude de voir dans les récits d'explorateurs. C'est en cela que je trouve cette collection très moderne. Celle qui savait se débrouiller toute seule c'est le portrait de... Ada Blackjack, originaire d'Alaska, partie à 23 ans pour s'engager dans une expédition sur une île arctique, entourée d'hommes évidemment très méprisants à son égard. Elle a été la seule survivante de cette expédition. Le deuxième livre s'appelle Celui qui voulait tout faire très très bien, illustré par Zafouko Yamamoto. Et c'est l'histoire de Fritjof Nansen, un explorateur polaire du XIXe siècle, qui a la particularité d'avoir cherché toute sa jeunesse à faire mieux, de mieux en mieux. plus loin, plus haut, plus fort, jusqu'à finalement abandonner les explorations et découvrir un moteur, un but inattendu qui l'a amené à sauver des milliers de vies par la création d'un passeport pour les réfugiés. Je ne vous raconte pas par quel détour, c'est tout le sel de l'histoire. Ce que je vous raconte là, en tout cas, c'est vraiment la vision d'Alexigénie qui raconte ses histoires toujours de l'intérieur. C'est très inhabituel. En fait, Alexigénie déteste voyager. Il m'a expliqué qu'il avait horreur des avions, des transports, des déplacements, mais il a une... passion pour l'ailleurs qu'il découvre dans les livres, au point de réussir à faire croire qu'il y a été. Sa façon de raconter les histoires est donc 100% écolo et il assume le récit d'un héroïsme qui n'est pas celui des gros bras, mais celui du doute, du tâtonnement. Les illustrations sont magnifiques, les textes sont très émouvants et drôles. Moi, je parie sur une inversion des rôles en famille. Ce sont les adultes qui supplieront les enfants encore, encore une histoire, s'il te plaît, la dernière. Celle qui savait se débrouiller toute seule et celui qui voulait tout faire très très bien. C'est donc le début d'une aventure d'Alexis Gény chez Paul Sen, le 17 octobre. Sur ce, je vous souhaite de beaux voyages imaginaires à travers les livres. Et on se retrouve en novembre pour un prochain épisode. A bientôt ! C'était Les Voix du Livre, le podcast mensuel de Livres Hebdo présenté par Lorraine Malka. À la musique, Ferdinand Bayard. Si vous avez aimé cet épisode, abonnez-vous au podcast Les Voix du Livre et envoyez-nous des tas de cœurs et d'étoiles. À bientôt !

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • En ouverture: la prescription littéraire, des forces qui nous échappent?

    00:42

  • A la rencontre de la librairie Les Nouvautés à Paris

    10:23

  • L'équipe critique de Livres Hebdo

    20:23

Description

Les médias traditionnels continuent-ils d’influencer nos choix de livres ? Critiques littéraires, radio, presse écrite, youtubeurs, influenceurs ou tik tokeurs… les canaux de prescription littéraire sont aujourd’hui nombreux. D’après notre enquête - basée sur 1850 réponses de lecteurs et lectrices - la majorité de ces derniers préfèrent se fier aux recommandations de leurs amis et des libraires. Cependant, les réseaux sociaux, et notamment Tik Tok, s’imposent de plus en plus dans le marché du livre.


Lauren Malka explore dans cette enquête le rôle crucial des libraires et l’influence croissante des créateurs et créatrices de contenu dans la promotion des livres. 


Dans la deuxième partie de l’épisode, Lauren Malka nous fait découvrir la librairie Les Nouveautés, dans le dixième arrondissement de Paris, à la rencontre de Christophe Barbat, responsable du rayon sciences humaines, puis de Myriam Sethom, responsable du rayon jeunesse. 


Enfin, les journalistes de Livres Hebdo accueillent une invitée spéciale, la journaliste littéraire Marie-Madeleine Rigopoulos, pour décrypter les tendances livres de l’automne. Au programme : une nouvelle traduction de L’Illiade d’Homère par Emmanuel Lascoux aux éditions P.O.L. ; It’s been lovely but I have to scream now, postfacé par Camille Cornu et coordonné par Nelly Slim et Marcia Burnier aux éditions Cambourakis ; L’enfance du monde suivi de La science-fiction capitaliste de Michel Nieva, publié aux éditions Bourgois ; Celle qui savait se débrouiller toute seule et Celui qui voulait tout faire très très bien, de la collection Celle et celui qui, d’Alexis Jenni chez Paulsen.


Un podcast réalisé en partenariat avec les éditions DUNOD, l'éditeur de la transmission de tous les savoirs.


Ont participé à cet épisode :


Marie-Madeleine Rigopoulos, Léon Cattan, Charles Knappek, Jacques Braunstein


Sont mentionnés dans cet épisode :


Lilia Hassaine

Cédric Sapin-Defour

éditions Tristram

La Grande Librairie

Librairie Les Nouveautés

Charlotte Brossier

Jean-Hubert Gaillot

Sylvie Martini

Denis Infante

Augustin Trapenard

Marie-Rose Guarnieri

Marie Legrand

Louis Wiard

Marion Escudé


L'Iliade, Emmanuel Lascoux, éditions P.O.L

It’s been lovely but I have to scream now, Nelly Slim et Marcia Burnier, éditions Cambourakis

L’enfance du monde suivi de La science-fiction capitaliste, Michel Nieva, éditions Bourgois

Celle qui était presque toute seule et Celui qui voulait tout faire très très bien, Alexis Jenni, éditions Paulsen.


Crédits :

Émission “Cédric Sapin-Defour : "La nature n'est pas à notre service, elle existe très bien sans nous" sur France Inter: https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-jeudi-06-juillet-2023-7630256




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    "Pour moi, la résonance d'un livre avant son passage dans la Grande Librairie m'importe assez peu. Pour une raison assez simple, c'est qu'effectivement, la Grande Librairie a encore un immense pouvoir de prescription. Je m'en rends compte parce que j'ai les retours des libraires, je m'en rends compte parce que j'ai les retours des lecteurs, et puis je m'en rends compte, par exemple, quand un primo-romancier comme Denis Infante, qui publie aux éditions Tristram un livre qui s'appelle Rousse, sort un livre qui est tiré à 1500 exemplaires et en vend 15 000. Ce dont je m'en rends compte également, c'est que le lancement d'un livre, s'il y a un premier passage dans la grande librairie, ça donne quelque chose d'extraordinaire pour le livre. Et avec beaucoup de modestie, je dis, ça n'est pas à moi. Déjà, c'est quelque chose que François a construit depuis 16 ans et parce que c'est une dynamique médiatique. C'est quelque chose, moi,qui m'échappe, ce sont les forces qui m'échappent."

  • Speaker #1

    Des forces qui nous échappent: c'est ainsi, comme le dit Augustin Trapenat, que l'on pourrait définir la prescription littéraire en 2024. Critique littéraire à la télé, radio, presse écrite, youtubeur, instagrameuse, tiktoker, tiktokeuse, qui sont les prescripteurs de livres aujourd'hui ? Un mélange de tout cela ? Un alignement de planètes ? Oui, mais dans quel ordre ? Et en pariant sur quelle comète ? C'est le sujet d'ouverture de cet épisode. Je m'appelle Lauren Malka, je suis journaliste indépendante et vous écoutez Les Voix du Livre, un podcast conçu en partenariat avec les éditions Dunod. Chaque mois, je vous embarque chez Livres Hebdo, pour entendre le bruit que ça fait quand les pages du magazine du livre se mettent à parler. Au sommaire, en deuxième partie, je rends visite à la librairie Les Nouveautés, qui a ouvert en 2016 à Paris suite à une mobilisation citoyenne, un récit peu banal qui vaut le détour. À la fin de l'épisode, la clique de Livres Hebdo accueille une invitée, Marie-Madeleine Rigopoulos, pour décrypter les tendances livres de l'automne. Avant cela, je vous raconte mon enquête sur la prescription de livres aujourd'hui.

  • Speaker #2

    Les voix du livre: en ouverture:

  • Speaker #1

    L'idée de cette enquête, on l'a eue à Livres Hebdo au début de l'été. On a eu envie, au moment où les gens se demandaient avec quels livres partir en vacances, de lancer un sondage auprès des lecteurs et lectrices, professionnels ou non, pour savoir quelle était leur source de prescription littéraire préférée. Parmi les 1850 personnes qui ont répondu à ce questionnaire -on les remercie- une grande majorité, 80%, affirme n'être influencée ni par la presse, ni par les réseaux sociaux, mais par les conseils d'amis et de libraires. La question se pose donc, même si elle ne fait pas forcément plaisir: les médias littéraires ont-ils encore leur mot à dire ? Pour Lilia Hassaine, qu'on a appelée juste après l'enregistrement de sa toute première émission littéraire Etcetera, sur France Inter, prescrire des livres est-il un objectif important ? La réponse est claire.

  • Speaker #3

    "Évidemment. L'idée, c'est que les gens courent en librairie après avoir écouté l'émission, évidemment. Aujourd'hui, on connaît quand même l'état de la librairie en France, à quel point c'est compliqué pour eux. Je me dis qu'heureusement qu'il y a des émissions littéraires. Et c'est aussi pour ça que, quand on m'a proposé d'imaginer une nouvelle émission, j'étais ravie parce qu'il n'y a jamais assez d'émissions."

  • Speaker #1

    Les émissions consacrées aux livres, à la télé et à la radio sont devenues très rares, en effet. Mais cette rareté ne les empêche pas de jouer un rôle de premier plan dans la fabrique des plus grands best-sellers récents. Exemple: Cédric Sapin-Desfours. Le 6 juillet 2023, l'écrivain, voyageur et alpiniste, auteur du premier roman Son odeur après la pluie chez Stock, est reçu dans la matinale de France Inter. Charlotte Brossier, directrice marketing chez Stock, se rappelle que cette émission, point d'orgue d'une succession d'éloges unanimes dans la presse (Jérôme Garcin dans l'Obs, Bernard Lehut sur RTL, Olivia de Lamberterie dans Télématin) a contribué à faire basculer le destin de ce livre. Elle a retrouvé pour nous les chiffres de l'époque:

  • Speaker #4

    "Et alors là, d'un coup, cette semaine-là, on en vend plus de 5000. Et après, ça a continué de monter tout l'été. On en vend 5 000, 6 000 par semaine. Ça, je m'en rappelle parce que j'ai géré des réimpressions tout l'été." Un an et demi plus tard, le tirage s'élève à 422 000 exemplaires, l'un des plus grands succès de l'année. L'emballement de la presse a joué, bien sûr. Mais en réalité, pour ce livre comme pour d'autres, les médias ne produisent de miracles que si le terrain est prêt. Jean-Hubert Gaillot, qui co-dirige avec Sylvie Martini les éditions Tristram et qui a édité un autre best-seller inattendu en 2023, le roman Rousse, signé Denis Infante, le résume très bien. La question que je lui posais simple: Denis Infante, primo-romancier de 70 ans, inconnu jusque-là et reçu par Augustin Trapenard à la Grande Librairie, doit-il son succès à cette émission ? "L'impact de la Grande Librairie est indiscutable, mais je crois que s'il a été si fort, c'est parce que le terrain était prêt du côté des librairies. Autrement dit, c'est la conjonction de ces deux phénomènes, adhésion large de très nombreux libraires et une émission réussie en début de rentrée littéraire, qui a fait que l'étincelle s'est produite et que la situation s'est enflammée de la sorte. Revenons donc au rôle du libraire. D'après les lecteurs et lectrices qui ont répondu à notre sondage et les éditeurs et éditrices que j'ai interrogés, c'est très souvent en librairie que le destin d'un livre se décide vraiment aujourd'hui. Marie-Rose Guarnieri, célèbre fondatrice de la librairie des Abbesses, le sent: le rôle du libraire a beaucoup évolué ces dernières années. "Oui, tout à fait. Là, vraiment, on sent que les personnes viennent un peu auprès de librairies comme les nôtres, les librairies de quartier, indépendantes. Ils sentent qu'il y a d'abord une vraie expertise littéraire. Ce qui les apaise beaucoup, c'est quand même qu'on n'a pas toute la production, on fait des choix nous aussi. On a une sorte de ligne éditoriale. Ils sont très sensibles au fait qu'il y ait une ligne éditoriale. Avant, vous savez, au début du métier, on obligeait les libraires à avoir un office obligatoire de tout ce qui sortait. Et là maintenant, comme les libraires se sont défendus, ils se sont dit non, on veut que notre lieu corresponde aussi à ce que l'on veut défendre ou ce que l'on sait défendre et puis aussi à la clientèle qui nous fréquente. D'autres libraires, de quartier ou même au-delà, confirment que les livres mis en avant sur leur table de coup de cœur, même s'ils n'ont pas été chroniqués par la presse, se vendent très bien. Une façon peut-être de sortir de la dictature des best-sellers, comme ils disent souvent, et de diversifier la prescription. Et les réseaux sociaux alors ? Est-il vrai qu'ils montent en puissance et ont de l'impact auprès des lecteurs et lectrices ? La réponse est oui, surtout pour ce qui concerne certains genres littéraires boudés par la presse traditionnelle. Exemples: la romance, le manga... De façon générale, les littératures de genre. Marie Legrand, directrice de HLab et BMR, les labels de littérature de genre et de romance chez Hachette, m'explique que dans son domaine, YouTube, Instagram et désormais TikTok sont des piliers incontournables de son travail de promotion. "En tout cas, chez nous, c'est très puissant. C'est-à-dire que si les gens en parlent sur TikTok, on a des millions de vues et des centaines de milliers d'exemplaires vendus."

  • Speaker #0

    C'est notamment grâce à TikTok qu'elle a vendu 10 000 exemplaires du tome 1 de Captive, une romance de Sarah Rivens, en deux heures seulement, juste après avoir annoncé la mise en vente sur le réseau. La question que se pose désormais Marie Legrand, comme de nombreux professionnels du livre, c'est comment anticiper ces phénomènes TikTok ? Et pourquoi pas, comment les provoquer ? Chaque année, Marie Legrand lance un appel à candidatures auprès des créateurs et créatrices de contenu sur les réseaux sociaux pour recruter des prescripteurs. Voilà sa méthode:

  • Speaker #1

    "On fait un appel à candidatures en fin d'année et on évalue non seulement la force de la communauté, mais aussi la qualité. Donc, ce n'est pas parce que vous avez un million de followers qu'on va vous prendre,si ce million de followers ne s'intéressent pas du tout au livre, ne commentent pas, n'interragissent pas. Et en fait, on leur envoie toutes nos parutions pour qu'elles puissent les chroniquer, créer des contenus et en parler au moment de la sortie du titre.

  • Speaker #0

    "Et jusque-là, je crois qu'en fin de l'année dernière, on a eu presque 2 500 candidatures pour faire partie de nos partenaires." "C'est l'équivalent de notre service presse, quoi." "Ah oui, et vous avez un service de presse aussi ?" "Non." Plus de service de presse, donc. Les journalistes littéraires sont-ils menacés de disparaître face au pouvoir de prescription croissant des réseaux sociaux ? D'après notre sondage, ce n'est pas d'actualité. Mais Louis Wiard, chercheur et spécialiste de la prescription littéraire, observe tout de même que la médiatisation du livre a changé. Les journalistes, comme les éditeurs, libraires et autres professionnels du livre, essayent de fairetoutes et tous d'adopter les codes de communication des influenceurs sur les réseaux sociaux en postant des photos et des vidéos qui imitent d'après lui le fait maison.

  • Speaker #2

    "Les influenceurs du livre sont devenus des personnages, des personnalités du web relativement importants avec lesquels un certain nombre de maisons d'édition collaborent. Et ils ont permis de populariser des manières de faire, des codes de communication, des manières de prescrire le livre, d'échanger autour du livre, qui sont récupérées par des prescripteurs traditionnels, par des journalistes qui vont eux aussi se mettre à ouvrir leurs propres comptes sur les réseaux sociaux et à créer des vidéos à la manière de TikTok et à reprendre les mêmes codes de communication."

  • Speaker #0

    Les créateurs et créatrices de contenus sur les réseaux sociaux prescrivent donc non seulement les livres à lire, mais aussi la façon d'en parler, jusqu'à modifier les formats journalistiques. Certains diraient que c'est le monde à l'envers. Problème, les influenceurs en question n'aiment pas trop qu'on les surveille, ni qu'on les imite. Marion Miralta, éditrice et tiktokeuse influente, m'a confié que les prochains best-sellers se fabriquaient désormais à l'abri des regards intéressés, à savoir sur des plateformes de discussion privées, comme Telegram. Bientôt, la prescription littéraire deviendra plus qu'une force qui nous échappe, Le secret le mieux gardé de la bookosphère. L'enquête intégrale sur ce sujet est à retrouver dans le numéro d'octobre de Livres Hebdo. En chemin: Nous sommes le 4 septembre 2024 à Paris, entre la rentrée des classes et les prix littéraires. L'occasion ou jamais de venir dans le quartier très écolier, mais aussi lettré du métro Goncourt. Je m'apprête à entrer dans la vaste librairie des nouveautés qui s'est installée en 2016, suite à une mobilisation du quartier. Christophe Barbat, responsable du rayon sciences humaines, va tout nous raconter. "Bonjour !"

  • Speaker #2

    "Bonjour, enchanté, je suis l'adjointe du futur responsable de la librairie des nouveautés. Et donc oui, cette librairie s'est installée en décembre 2016, avec l'action du voisinage. En fait, l'immeuble a été créé en 2016 avec des logements sociaux. Il y avait pas mal de lieux pour des boutiques et donc un Monoprix s'était proposé pour s'installer. Le voisinage était contre, donc le voisinage s'est organisé pour pousser le gérant d'une autre librairie patrimoine, les Guetteurs de vent, à ouvrir une nouvelle librairie.

  • Speaker #0

    Parce que la population, enfin le voisinage, était quand même vent debout contre l'idée qu'un Monoprix s'installe." "Oui, voilà, c'est ça. Il y a des supermarchés un peu partout. La rue du Faubourg du Temple était en train de changer. Il y avait des magasins qui ouvraient, qui fermaient. Voilà, le but, c'était d'installer un lieu culturel ici, qui puisse convenir à tout le monde. D'où l'intérêt du voisinage, qui a de suite permis à la librairie de marcher très, très bien." "Alors, la surface de cette librairie, elle est impressionnante. C'est ça qui est tout de suite étonnant quand on rentre ici."

  • Speaker #2

    "Alors, une librairie qui fait à peu près un peu plus de 150 mètres carrés, avec un gros rayon littérature francophone et étrangère, un beau rayon aussi beaux-arts, tourisme, musique, cinéma... On a vraiment une librairie généraliste avec à peu près 20 000 références, ce qui est quand même pas mal. Donc avec un lectorat qui est notre lectorat de voisinage et aussi beaucoup de passages, ce qui nous pousse à prendre un peu tous les titres."

  • Speaker #0

    "Quand je vous ai appelé, vous m'avez parlé du fait de défendre des livres pour ne pas qu'ils soient vendus forcément sur Amazon."

  • Speaker #2

    "Oui, voilà. On a une librairie indépendante qui fait partie du réseau Librest, qui essaye de mettre en commun leur stock pour faire des commandes très rapides. Mais on essaye aussi de mettre en avant des petits éditeurs indépendants. Et certains éditeurs ne veulent pas être vendus sur Amazon. Ça fait partie de leur charte maintenant. Donc ça, c'est des éditeurs qu'on essaye de mettre en avant, puisque justement, on ne pourra les trouver que dans les librairies indépendantes. On va prendre aussi les gros éditeurs, Albin Michel ou d'autres, Gallimard... Mais on essaie de mettre en avant aussi ces petits éditeurs qui sont très importants pour la vie culturelle et pour aussi le foisonnement de la librairie. C'est un combat. C'est un combat pour que les librairies continuent à vivre. Et on voit bien, lorsqu'il y a eu la période du Covid, pas mal de gens qui étaient dans le quartier ont découvert qu'ils avaient une librairie en bas de chez eux. Les gens commandaient sur Internet, sur Amazon ou autre chose. Ils s'apercevaient que là, les ouvrages, on les avait en rayon. Donc pas besoin de les commander, qu'on les avait en 3-4 jours. Et c'était surtout vraiment pour s'ancrer aussi dans le quartier."

  • Speaker #0

    "Moi, je viens souvent dans votre librairie et un jour, il y a des jeunes filles qui ont demandé à l'une de vos collègues si elles pouvaient accéder à une partie cachée de votre librairie."

  • Speaker #2

    Je pense que ça doit être la partie romance.

  • Speaker #0

    Ça doit être ça.

  • Speaker #2

    Notre collègue Myriam qui a implanté ce rayon, qui a pris de plus en plus d'ampleur.

  • Speaker #0

    Alors, vous m'emmenez voir Myriam Sétom, qui est, je crois, responsable du rayon jeunesse. Bonjour Myriam. Bonjour. Est-ce que vous pouvez me montrer cette partie très secrète de la librairie ?

  • Speaker #3

    La partie très secrète de la librairie ?

  • Speaker #0

    Cette partie si convoitée.

  • Speaker #3

    Tout à fait. Vous arrivez du côté grand ado et vous poussez une bibliothèque coulissante.

  • Speaker #0

    Donc on pousse la bibliothèque coulissante sur laquelle il est écrit. Poussez-moi, rayon plus 18 ans. avec des romans publics avertis.

  • Speaker #3

    Alors c'est un rayon qui rassemble tous les ouvrages de romances, ce qu'on appelle romances new adult, donc à partir de 18 ans mais qui sont majoritairement à destination d'un public de 18-40 ans. Et effectivement, public averti, moi, ça me semblait important de l'indiquer sur les ouvrages, dans la mesure où le rayon était situé pas très loin des grands ados de 16 ans, 17 ans. Et pour moi, c'était important aussi d'apporter un petit avertissement, tant pour les lecteurs, mais aussi pour les parents, qui se retrouvent parfois un petit peu désemparés par rapport au choix de leurs ados. C'était important de faire un petit disclaimer, si on peut autoriser cet anglicisme. Là,

  • Speaker #0

    il est 15h et quelques, les jeunes lecteurs et lectrices sont à l'école. Moi, d'habitude, je viens plutôt aux alentours de 18h et on ne peut pas accéder à ce rayon tant il y a surtout de jeunes lectrices.

  • Speaker #3

    Oui, complètement. On a observé un boom de cette littérature. Moi, j'avais inséré le rayon il y a deux ans et demi déjà, quand je commençais à voir qu'il y avait des petits prémices. J'ai constaté qu'on faisait pas mal de commandes clients et j'ai commencé par une demi-étagère, une étagère. Et ensuite, on a vraiment pris la décision de consacrer une bibliothèque entière à ce rayon-là. Et effectivement, je pense que l'impact des réseaux sociaux, du booktalk, du bookstagram, a des conséquences claires et précises sur les ventes de ce secteur-là. Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    On parle aussi de plus en plus de dark romance. Est-ce que vous avez dû vous former, lire tous ces livres ?

  • Speaker #3

    Alors, j'en ai lu quelques-uns, pas tous. Il y a quand même des ouvrages de dark romance. Donc, pour rappeler, c'est des romances qui mettent en scène des relations qu'on qualifierait de toxiques. Les ouvrages qui sont vraiment... vraiment très problématiques, j'ai tendance à les donner à ma collègue qui s'occupe du rayon érotique du côté littérature adulte. Et donc voilà, je préfère faire ce tri.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il vous arrive de déconseiller les livres aux parents ou aux lecteurs-lectrices ?

  • Speaker #3

    Complètement, ça m'est arrivé plusieurs fois d'ailleurs. Des jeunes lectrices qui venaient avec leurs parents et qui, les parents étant, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, assez désemparés parce que ne sachant pas en fait, clairement. de quoi il était question. Et donc du coup, je me suis un peu insérée dans la conversation en indiquant aux parents que ce n'était pas forcément la lecture appropriée. Mais ça me permet de rebondir aussi et de proposer des lectures dans le même style, donc de la romance, mais qui soient plus adaptées pour les âges concernés, que ce soit 15 ans, voire 12.

  • Speaker #0

    Un exemple ?

  • Speaker #3

    Un exemple ? Le Captive, forcément ! Le Cap-Ti ou plus récemment les romans de Colleen Hoover. Et pour cette autrice-là, j'ai tendance à indiquer éventuellement un de ses livres qui serait adapté à des lectrices de 15 ans parce que ne comportant pas de scènes de sexe de façon graphique et donc qui pourrait tout à fait correspondre pour du young adulte.

  • Speaker #0

    Et vous êtes écoutée dans vos conseils ? Généralement,

  • Speaker #3

    oui. Mais après, je me dis que je n'ai pas un rôle de censeur. Le dernier mot, il revient toujours aux parents.

  • Speaker #0

    histoire ?

  • Speaker #2

    Alors, pour la librairie des nouveautés, le rayon histoire, on a plutôt axé sur une histoire engagée, donc en rapport avec la colonisation, décolonisation, en plus, moi, c'est des sujets qui m'intéressent énormément, donc moi, je vais axer mes commandes et mes choix sur ce type de livre. Et par exemple, vous avez un éditeur dont le créateur est mort, là, cet été, c'est Eric Hazan pour La Fabrique, on fait partie, justement. Vous avez d'autres éditeurs plus classiques comme Perrin, Fayard, Albain Michel. Le point le plus important, c'est le sujet et comment il va être traité. Est-ce que c'est quelque chose de nouveau, une nouvelle approche ? Par exemple, pour Armand Collin, j'ai été enseignant pendant une dizaine d'années il y a quelque temps. Dans ma tête, ça restait des ouvrages très universitaires ou très scolaires. Et là, on voit le changement depuis quelques années. La charte graphique a changé, les sujets ont changé. On a invité Julien Dupont pour Imaginer Demain. Lui est géographe dans un établissement scolaire. Il présente des cartes du futur, du monde, avec un petit mélange de littérature, de philo. Il invente des cartes. Ça, c'est des sujets intéressants. On propose une nouvelle approche de la géographie. Donc voilà, ça, c'est des petites choses qu'on attend des éditeurs. Ce qui se passe, c'est que les sciences humaines, il y a le prix aussi qui entre en jeu. Ça, c'est un petit élément qu'on voit un peu dans tous les rayons. Les gens font attention. Lorsqu'il y a une sortie grand format, ils attendent de plus en plus la sortie. poche. Surtout en sciences humaines, des fois les ouvrages sont assez onéreux, d'où l'intérêt de se positionner beaucoup aussi sur les formats poche.

  • Speaker #0

    Merci aux éditions DUNEAU pour cette séquence de transmission des savoirs. Christophe, qu'est-ce qu'on peut souhaiter à la librairie Les Nouveautés et peut-être plus généralement aux librairies indépendantes de l'Est de Paris ?

  • Speaker #2

    Alors, si on reste sur notre librairie, il y a un petit changement. Le gérant, le créateur, parle à retrait, donc c'est repris par d'autres libraires. Donc, on reste une librairie indépendante, on le restera. Les librairies de l'Est parisien aussi, avec leur système de libre-Est, ça marche très, très bien. Elles sont bien implantées dans leur quartier. c'est un élément moteur. Ça permet à des librairies indépendantes d'être présentes, d'être vivantes encore, puisque le prix du livre est exactement le même partout, que ce soit sur Internet ou en magasin. Donc en fait, on trouve les mêmes ouvrages partout au même prix. La petite chose en plus qu'on n'a pas sur Internet, c'est que vous avez les libraires qui sont présents dans le magasin et qui, eux, peuvent vous conseiller. Mais ça, c'est le petit plus qu'on n'a pas sur Internet. Pour ça, il faut que les librairies indépendantes soient vivantes ou présentes. Quand il n'y aura plus de librairies indépendantes et qu'on aura tout sur Internet, on va se retrouver avec 5-6 éditeurs. une quinzaine de titres et puis ça sera la fin.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Christophe. Merci.

  • Speaker #2

    Merci Myriam.

  • Speaker #0

    C'est la troisième partie de cet épisode, la rubrique en haut de la pile. Autour de moi, la clique critique de Livres Hebdo, Léon Catan, Charles Knapek et Jacques Braunstein. Bonjour à vous trois. Bonjour. Et une invitée spéciale. Bonjour Marie-Madeleine Rigopoulos. Bonjour Lorraine. Merci d'être avec nous. Le milieu littéraire te connaît bien. Grande lectrice qui sait interroger les écrivains et écrivaines comme personne, en festival ou ailleurs. Tu es chroniqueuse pour Le Nouvel Économiste et tu réalises un podcast hebdomadaire qui s'appelle Conversations littéraires. Marie-Madeleine, en première partie de cet épisode, on a parlé de prescriptions littéraires. J'avais envie de te demander pour commencer, toi, qu'est-ce que tu penses de la prescription littéraire par les journalistes aujourd'hui ? Est-ce que tu penses que les médias ont encore de l'impact ?

  • Speaker #4

    Alors, je vais le dire avec un petit pincement au cœur parce qu'évidemment, ça ne me fait pas du bien de le dire, mais j'ai l'impression que quand même un peu moins qu'avant. En revanche, j'ai le sentiment que les festivals sont de plus en plus prescripteurs, c'est-à-dire que le contact humain, les événements autour du livre, les lectures, les débats, les rencontres, génèrent une forme d'engouement de plus en plus fort. Et j'ai le sentiment que le festival est en train un peu de prendre le pas sur la prescription journalistique.

  • Speaker #0

    Jacques ?

  • Speaker #5

    Moi, mon impression, c'est que ce n'est pas que les journalistes soient oubliés, mais c'est que dans un monde de plus en plus horizontal, les festivals, les influenceurs, les libraires... les journalistes, on est tous finalement des influenceurs du livre. Il n'y a plus un magistère des journalistes. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas qu'ils continuent à faire leur travail et qu'ils essayent de le faire bien.

  • Speaker #4

    Oui, je suis assez d'accord. Le rôle est partagé et c'est devenu plus caléidoscopique la prescription. On n'a plus la statue du commandeur, du grand journaliste, même s'il y en a et qu'ils ont des très belles plumes.

  • Speaker #0

    Alors ici, à Livres Hebdo, on estime qu'on n'est jamais assez nombreux pour prescrire des livres et ouvrir le champ des découvertes. On va donc... entendre vos coups de cœur et des cryptages. Mais avant cela, Jacques, quel est le chiffre du mois ?

  • Speaker #5

    Le chiffre du mois, c'est 50. 50, c'est le nombre d'éditeurs dans le Global 50, le Global 50, qui est un classement international que nous réalisons avec nos confrères de Publisher Weekly, du Bookseller et d'autres journaux professionnels du livre à travers le monde. Ce mois-ci, nous pouvons donc donner les résultats des plus grands éditeurs du monde et de nos clients. pour l'année 2023. Alors, d'abord, un petit cocorico, c'est que les éditeurs français et les groupes français se maintiennent très bien, puisque Hachette est toujours 7e éditeur du Monde et 3e éditeur de littérature générale. Editis est toujours 25e. Média Participation est passé de la 29e à la 25e place. Madrigal, de la 33e à la 32e place. Et Albin Michel, de la 46e à la 45e place. L'autre information... importante de ce Global 50, pardon pour l'anglicisme, mais c'est un classement international, c'est que le métier change avec l'intelligence artificielle. L'exemple le plus intéressant, c'est celui de Relix Group, je ne sais jamais comment il faut dire, qui est le premier éditeur du monde qui fait beaucoup de choses en digital. C'est un éditeur professionnel. Aujourd'hui, 90% de son activité est en digital. Il a créé un robot conversationnel qui s'appelle Lexi AI. Son revenu est en hausse de 7%. au premier semestre. Et là où c'est une bonne nouvelle, c'est que le cabinet Goldman Sachs avait identifié Relix comme un des futurs perdants de l'IA. Eh bien, non, au contraire, il a réalisé de très bons résultats en s'adaptant. Et alors, il y en a même d'autres qui s'adaptent énormément. Je pense notamment à l'éditeur professionnel allemand Hoff, qui a décidé qu'il n'était plus un éditeur. Et il a demandé à ce qu'on le retire du classement du Global 50, puisqu'il est qu'il a changé de métier. Voilà un des effets un peu inattendus de lire.

  • Speaker #0

    Merci Jacques. Marie-Madeleine, à toi l'honneur. Tu nous parles d'un office littéraire qui a eu lieu quelques siècles avant Jésus-Christ.

  • Speaker #4

    Oui, une fois n'est pas coutume. Et puis surtout pour montrer à quel point la littérature peut être atemporelle. Et qui plus est cette littérature, j'ai nommé Homer. le plus grand écrivain du monde de l'histoire. Je suis grec, je ne vais pas me priver. Homer, l'Iliade, une nouvelle traduction par Emmanuel Lascoux aux éditions POL. Une traduction absolument magnifique. Pourquoi magnifique ? On l'avait déjà vu avec Emmanuel Lascoux en 2021, il avait traduit l'Odyssée. D'ailleurs, il a fait les choses à l'envers. Il s'en est pris d'abord à l'Odyssée avant de passer à l'Iliade. Parce que l'Odyssée est quand même... un petit peu plus facile, je mets des normes guillemets évidemment, mais comparé à l'Iliade qui est plus ardue, qui est plus longue aussi, je pense qu'il avait un petit peu peur de s'y attaquer. Il avait tort parce que le résultat est exceptionnel, c'est une très très belle traduction, mais surtout la particularité de la traduction d'Emmanuel Lascaux, c'est qu'elle est d'une modernité extraordinaire. Il est allé chercher ce phrasé, cette scansion, qui en fait revient d'une certaine manière à l'original, dans le sens où... Au départ, l'Iliade, c'est un chant, c'est parler, c'est chanter. C'est un texte qui était fait pour être raconté aux gens au coin du feu et partagé. Et il a retrouvé cette musicalité, il a retrouvé cette modernité dans le langage. Il prend des libertés, d'ailleurs, avec des onomatopées, avec un peu d'argot très contemporain. Et l'autre particularité d'Emmanuel Lascaux, c'est qu'il est musicien en plus d'être héléniste. Et ça, c'est très, très important parce que, justement, il a ce sens de l'ascension et de l'art rythmique. D'ailleurs, il fait des lectures en langue originale, c'est-à-dire en grec ancien, qui sont assez épiques.

  • Speaker #5

    Moi, ce qui me frappe, c'est que Frédéric Boyer, qui dirige les éditions POL, lorsqu'il était aux éditions Bayard, avait retraduit les évangiles avec notamment Emmanuel Carrère. Et je trouve ça formidable, effectivement, cette volonté et ce fil rouge de toujours retraduire les grands textes et de faire que chaque jour, il reste actuel.

  • Speaker #4

    Actuel en rappelant que ce sont des textes qui nous... concerne. Moi, c'est ça que je trouve extraordinaire. C'est-à-dire que c'est pas une niche, en fait. C'est ça qu'on commence à comprendre, c'est que ça redevient une partie de l'actualité littéraire, comme si ces textes venaient de paraître. Et moi, c'est ça que j'aime. Et c'est aussi une manière intelligente de l'aborder, parce que l'Odyssée et l'Iliade, c'est la base de toutes les dramaturgies du monde, même de la soap opéra. Vous regardez la soap opéra, c'est les atrides. C'est tout le monde couche avec tout le monde, tout le monde s'entretue, tout le monde se trahit. C'est la base de la narration contemporaine.

  • Speaker #0

    L'Iliade de Homer, traduit du grec ancien par Emmanuel Lascoux, ça sort le 3 octobre chez POL, ça fait 672 pages. Merci Marie-Madeleine. Léon Catan, on fait un bond de quelques siècles en avant avec toi. Qu'est-ce que tu nous apportes ?

  • Speaker #1

    Oui, alors pour parler de ce livre, j'aimerais bien qu'on remonte un petit peu en avant, bien avant sa conception dans les années 90 aux Etats-Unis, quand un groupe d'étudiantes prennent d'assaut la scène... punk locales. Elles ont des groupes qui s'appellent Bikini Kill, Brat Mobile ou encore Slater Kiné. Et on ne voit qu'elles quand elles décident de commencer à faire des concerts. Elles ont des jupes d'écolières, des insultes sexistes qui barrent leur torse. Elles savent à peine faire de la musique mais par contre elles savent crier et surtout elles crient des choses très intéressantes. En fait elles lancent ce qu'on appelle le mouvement Riot Girl, un mouvement de contestation par rapport à l'entre-soi masculin des lieux alternatifs. Et du coup, pour allier le geste à la parole, elles essaient de communiquer par des moyens plus subversifs, on va dire, et donc à travers le zine, ce petit livret fabriqué à la va-vite dans des imprimeries locales. L'idée, ce n'est vraiment pas de faire un bel objet, mais plutôt de créer un espace d'expérimentation poétique, artistique. Et en fait, c'est ce même élan créatif qu'on va retrouver chez Nelly Slim et Marcia Burnier, qui décident de lancer leur propre zine en 2017. Elles ne veulent pas s'embêter avec des fioritures ou de polir sur les bords ce qu'elles ont à dire. Elles vont vraiment lancer un appel à texte un peu comme ça, qui va du coup donner le zine It's been lovely, but I have to scream now Donc encore une fois, quelque chose qu'elles font du fin fond de la creuse avec des ciseaux à bout rond en allant squatter les imprimantes des copines. Et en fait, elles lancent du coup un appel à texte et surprise, ça marche hyper bien. Et du coup, elles se retrouvent avec énormément de contributions de femmes et de personnes queer. Ça peut être du slam, des pamphlets politiques, de la prose, enfin bref, plein de choses. Et en fait, elles vont carrément pouvoir pousser l'aventure jusqu'à 16 volumes qui vont circuler un peu sous le manteau à prix libre. Et justement, aux éditions, Kambourakis sort ce mois-ci une sorte de synthèse de Toulzine, en fait, avec une quinzaine de textes à peu près. On va retrouver des textes anonymes, mais aussi des figures un petit peu plus connues des milieux alternatifs. comme Daria Marx qui est une militante anti-grossophobie. Et en fait, ce qui est vraiment intéressant, je trouve, c'est de voir aussi l'évolution à travers ces textes de 2017 à 2020 où entre-temps il y a MeToo qui se produit. Isabelle Kambourakis, par exemple, m'avait expliqué qu'en 2017, elle recevait très peu de textes. Elle, elle pense que c'est parce que c'était une génération de femmes qui n'osaient pas forcément prendre la plume, ou en tout cas de manière un peu périphérique, justement, dans des zines ou sur Internet. Et là, du coup, voilà, il y a vraiment quelque chose qui change et le zine cristallise très bien tout ça. Et je trouve que justement, avoir ce testament de cette époque, ça fait qu'on espère que les femmes et les personnes queer vont prendre de plus en plus de place dans l'édition conventionnelle, mais aussi que ces lieux d'expression subversif et inclusif vont continuer de fleurir. On a un peu de chemin encore avant que tout le monde puisse prendre la parole.

  • Speaker #0

    Marie-Madeleine, une réaction ?

  • Speaker #1

    Moi,

  • Speaker #4

    ce que je voudrais juste dire, c'est quand même très réjouissant de voir qu'il y a des initiatives collectives qui se font autour de l'édition et du livre. Je trouve que ça démontre qu'il ne faudrait peut-être pas trop vite pleurer sur la mort de l'édition et de la littérature. Parce que quand on entend ce genre d'aventure, on se dit que ce n'est pas de main la veille.

  • Speaker #0

    Donc ça s'appelle It's been lovely, but I have to scream now C'est post-facé par Camille Cornu et coordonné par Marcia Burnier et Nelly Slim. Ça sort le 2 octobre chez Cambourakis. Merci Léon. Charles, on a un peu traversé le temps et toi, tu nous parles du futur.

  • Speaker #6

    Oui, Lorraine, je parle du futur, mais finalement, je vais en profiter pour rebondir sur ce que disait Marie-Madeleine à propos de l'Iliade. L'Iliade, on dit souvent que c'est le premier texte d'imaginaire. Moi, je vais vous parler d'un roman de Michel Niewack, un auteur argentin qui est publié dans une nouvelle collection qui s'appelle Chimère aux éditions Christian Bourgois, qui s'appelle L'enfance du monde, qui a cette particularité d'être un diptyque, c'est-à-dire qu'il y a un roman et ensuite une partie essai, qui s'appelle la science-fiction capitaliste. Ces deux textes sont vraiment en regard l'un l'autre. On a d'un côté une histoire complètement folle qui se déroule dans un futur proche, qui est marqué par le réchauffement climatique, et qui met en scène un moustique, un moustique géant, qui va à l'école avec des humains. et qui est victime de harcèlement parce qu'il est différent. Et on lui fait payer sa différence. Alors évidemment, on va comprendre en arrière-plan, ce moustique, c'est un précurseur, c'est un mutant. C'est le premier d'une race de mutants qui est en train de transformer le visage de la population terrestre. Et à un moment, il va se rebiffer, c'est-à-dire il va dire Non mais attendez, moi je suis un moustique géant, j'ai ma petite trompette, là je vais te... Je vais te piquer et puis tu vas voir ce que tu vas voir. Donc c'est un peu ce qui se passe au départ. Et puis ce moustique se lance dans une espèce de vendetta contre les humains et se met à massacrer tout ce qui est humain sur son passage. Et en fait, et c'est là que c'est intéressant, parce qu'en fait, c'est pas vraiment une explication de texte, mais quand il fait son essai qui s'appelle la science-fiction capitaliste... Michel Nieva, qui montre qu'il n'est pas seulement un excellent romancier, mais aussi un très fin connaisseur de la science-fiction et des cultures de l'imaginaire, montre à quel point finalement le capitalisme est tellement pétri des imaginaires de la science-fiction qu'il est prêt déjà aujourd'hui. C'est là que c'est rigolo parce que du coup, Elon Musk et Jeff Bezos et consorts en prennent pour leur grade. Les capitalistes d'aujourd'hui, même si l'environnement n'est pas encore ravagé, en tout cas autant. que dans le roman. Finalement, pour eux, c'est pas un souci, c'est-à-dire qu'on pourra toujours exploiter, on pourra toujours trouver des manières de faire de l'argent, même dans un environnement totalement dégradé. Voilà. Et on se rend compte que l'imaginaire, c'est pas que des histoires pour se divertir, finalement, il y a tout un fond de réflexion, de prospection, c'est de comprendre le monde dans lequel on est, le monde vers lequel on va. Donc c'est ce qui m'a beaucoup plu dans ce texte de Michel Nieva chez Christian Bourgois.

  • Speaker #0

    Marie-Madeleine,

  • Speaker #4

    c'est plus que ça, je dirais, c'est éminemment politique. Les premiers lanceurs d'alerte, d'une certaine façon, c'est les auteurs de science-fiction. Peu que le livre soit de qualité, mais en tout cas, je pense vraiment que la fiction est éminemment politique et philosophique.

  • Speaker #0

    L'enfance du monde, suivi de la science-fiction capitaliste, Michel Nieva s'est traduit de l'espagnol, donc espagnol-argentin, par Sébastien Rutes. Et ça apparaît chez Christian Bourgois le 3 octobre. À mon tour, je vous parle d'une collection de livres que j'ai trouvé éblouissant. pour les tout-petits, porté par le romancier, lauréat du Prix Goncourt, Alexis Gény, chez Paul Seine, sur le thème de l'aventure. Ça s'appelle Celle et celui qui À chaque fois, c'est le portrait d'un aventurier ou d'une aventurière, souvent oubliée de l'histoire, et qui porte des valeurs qu'on n'a pas l'habitude de voir dans les récits d'explorateurs. C'est en cela que je trouve cette collection très moderne. Celle qui savait se débrouiller toute seule c'est le portrait de... Ada Blackjack, originaire d'Alaska, partie à 23 ans pour s'engager dans une expédition sur une île arctique, entourée d'hommes évidemment très méprisants à son égard. Elle a été la seule survivante de cette expédition. Le deuxième livre s'appelle Celui qui voulait tout faire très très bien, illustré par Zafouko Yamamoto. Et c'est l'histoire de Fritjof Nansen, un explorateur polaire du XIXe siècle, qui a la particularité d'avoir cherché toute sa jeunesse à faire mieux, de mieux en mieux. plus loin, plus haut, plus fort, jusqu'à finalement abandonner les explorations et découvrir un moteur, un but inattendu qui l'a amené à sauver des milliers de vies par la création d'un passeport pour les réfugiés. Je ne vous raconte pas par quel détour, c'est tout le sel de l'histoire. Ce que je vous raconte là, en tout cas, c'est vraiment la vision d'Alexigénie qui raconte ses histoires toujours de l'intérieur. C'est très inhabituel. En fait, Alexigénie déteste voyager. Il m'a expliqué qu'il avait horreur des avions, des transports, des déplacements, mais il a une... passion pour l'ailleurs qu'il découvre dans les livres, au point de réussir à faire croire qu'il y a été. Sa façon de raconter les histoires est donc 100% écolo et il assume le récit d'un héroïsme qui n'est pas celui des gros bras, mais celui du doute, du tâtonnement. Les illustrations sont magnifiques, les textes sont très émouvants et drôles. Moi, je parie sur une inversion des rôles en famille. Ce sont les adultes qui supplieront les enfants encore, encore une histoire, s'il te plaît, la dernière. Celle qui savait se débrouiller toute seule et celui qui voulait tout faire très très bien. C'est donc le début d'une aventure d'Alexis Gény chez Paul Sen, le 17 octobre. Sur ce, je vous souhaite de beaux voyages imaginaires à travers les livres. Et on se retrouve en novembre pour un prochain épisode. A bientôt ! C'était Les Voix du Livre, le podcast mensuel de Livres Hebdo présenté par Lorraine Malka. À la musique, Ferdinand Bayard. Si vous avez aimé cet épisode, abonnez-vous au podcast Les Voix du Livre et envoyez-nous des tas de cœurs et d'étoiles. À bientôt !

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • En ouverture: la prescription littéraire, des forces qui nous échappent?

    00:42

  • A la rencontre de la librairie Les Nouvautés à Paris

    10:23

  • L'équipe critique de Livres Hebdo

    20:23

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Description

Les médias traditionnels continuent-ils d’influencer nos choix de livres ? Critiques littéraires, radio, presse écrite, youtubeurs, influenceurs ou tik tokeurs… les canaux de prescription littéraire sont aujourd’hui nombreux. D’après notre enquête - basée sur 1850 réponses de lecteurs et lectrices - la majorité de ces derniers préfèrent se fier aux recommandations de leurs amis et des libraires. Cependant, les réseaux sociaux, et notamment Tik Tok, s’imposent de plus en plus dans le marché du livre.


Lauren Malka explore dans cette enquête le rôle crucial des libraires et l’influence croissante des créateurs et créatrices de contenu dans la promotion des livres. 


Dans la deuxième partie de l’épisode, Lauren Malka nous fait découvrir la librairie Les Nouveautés, dans le dixième arrondissement de Paris, à la rencontre de Christophe Barbat, responsable du rayon sciences humaines, puis de Myriam Sethom, responsable du rayon jeunesse. 


Enfin, les journalistes de Livres Hebdo accueillent une invitée spéciale, la journaliste littéraire Marie-Madeleine Rigopoulos, pour décrypter les tendances livres de l’automne. Au programme : une nouvelle traduction de L’Illiade d’Homère par Emmanuel Lascoux aux éditions P.O.L. ; It’s been lovely but I have to scream now, postfacé par Camille Cornu et coordonné par Nelly Slim et Marcia Burnier aux éditions Cambourakis ; L’enfance du monde suivi de La science-fiction capitaliste de Michel Nieva, publié aux éditions Bourgois ; Celle qui savait se débrouiller toute seule et Celui qui voulait tout faire très très bien, de la collection Celle et celui qui, d’Alexis Jenni chez Paulsen.


Un podcast réalisé en partenariat avec les éditions DUNOD, l'éditeur de la transmission de tous les savoirs.


Ont participé à cet épisode :


Marie-Madeleine Rigopoulos, Léon Cattan, Charles Knappek, Jacques Braunstein


Sont mentionnés dans cet épisode :


Lilia Hassaine

Cédric Sapin-Defour

éditions Tristram

La Grande Librairie

Librairie Les Nouveautés

Charlotte Brossier

Jean-Hubert Gaillot

Sylvie Martini

Denis Infante

Augustin Trapenard

Marie-Rose Guarnieri

Marie Legrand

Louis Wiard

Marion Escudé


L'Iliade, Emmanuel Lascoux, éditions P.O.L

It’s been lovely but I have to scream now, Nelly Slim et Marcia Burnier, éditions Cambourakis

L’enfance du monde suivi de La science-fiction capitaliste, Michel Nieva, éditions Bourgois

Celle qui était presque toute seule et Celui qui voulait tout faire très très bien, Alexis Jenni, éditions Paulsen.


Crédits :

Émission “Cédric Sapin-Defour : "La nature n'est pas à notre service, elle existe très bien sans nous" sur France Inter: https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-jeudi-06-juillet-2023-7630256




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    "Pour moi, la résonance d'un livre avant son passage dans la Grande Librairie m'importe assez peu. Pour une raison assez simple, c'est qu'effectivement, la Grande Librairie a encore un immense pouvoir de prescription. Je m'en rends compte parce que j'ai les retours des libraires, je m'en rends compte parce que j'ai les retours des lecteurs, et puis je m'en rends compte, par exemple, quand un primo-romancier comme Denis Infante, qui publie aux éditions Tristram un livre qui s'appelle Rousse, sort un livre qui est tiré à 1500 exemplaires et en vend 15 000. Ce dont je m'en rends compte également, c'est que le lancement d'un livre, s'il y a un premier passage dans la grande librairie, ça donne quelque chose d'extraordinaire pour le livre. Et avec beaucoup de modestie, je dis, ça n'est pas à moi. Déjà, c'est quelque chose que François a construit depuis 16 ans et parce que c'est une dynamique médiatique. C'est quelque chose, moi,qui m'échappe, ce sont les forces qui m'échappent."

  • Speaker #1

    Des forces qui nous échappent: c'est ainsi, comme le dit Augustin Trapenat, que l'on pourrait définir la prescription littéraire en 2024. Critique littéraire à la télé, radio, presse écrite, youtubeur, instagrameuse, tiktoker, tiktokeuse, qui sont les prescripteurs de livres aujourd'hui ? Un mélange de tout cela ? Un alignement de planètes ? Oui, mais dans quel ordre ? Et en pariant sur quelle comète ? C'est le sujet d'ouverture de cet épisode. Je m'appelle Lauren Malka, je suis journaliste indépendante et vous écoutez Les Voix du Livre, un podcast conçu en partenariat avec les éditions Dunod. Chaque mois, je vous embarque chez Livres Hebdo, pour entendre le bruit que ça fait quand les pages du magazine du livre se mettent à parler. Au sommaire, en deuxième partie, je rends visite à la librairie Les Nouveautés, qui a ouvert en 2016 à Paris suite à une mobilisation citoyenne, un récit peu banal qui vaut le détour. À la fin de l'épisode, la clique de Livres Hebdo accueille une invitée, Marie-Madeleine Rigopoulos, pour décrypter les tendances livres de l'automne. Avant cela, je vous raconte mon enquête sur la prescription de livres aujourd'hui.

  • Speaker #2

    Les voix du livre: en ouverture:

  • Speaker #1

    L'idée de cette enquête, on l'a eue à Livres Hebdo au début de l'été. On a eu envie, au moment où les gens se demandaient avec quels livres partir en vacances, de lancer un sondage auprès des lecteurs et lectrices, professionnels ou non, pour savoir quelle était leur source de prescription littéraire préférée. Parmi les 1850 personnes qui ont répondu à ce questionnaire -on les remercie- une grande majorité, 80%, affirme n'être influencée ni par la presse, ni par les réseaux sociaux, mais par les conseils d'amis et de libraires. La question se pose donc, même si elle ne fait pas forcément plaisir: les médias littéraires ont-ils encore leur mot à dire ? Pour Lilia Hassaine, qu'on a appelée juste après l'enregistrement de sa toute première émission littéraire Etcetera, sur France Inter, prescrire des livres est-il un objectif important ? La réponse est claire.

  • Speaker #3

    "Évidemment. L'idée, c'est que les gens courent en librairie après avoir écouté l'émission, évidemment. Aujourd'hui, on connaît quand même l'état de la librairie en France, à quel point c'est compliqué pour eux. Je me dis qu'heureusement qu'il y a des émissions littéraires. Et c'est aussi pour ça que, quand on m'a proposé d'imaginer une nouvelle émission, j'étais ravie parce qu'il n'y a jamais assez d'émissions."

  • Speaker #1

    Les émissions consacrées aux livres, à la télé et à la radio sont devenues très rares, en effet. Mais cette rareté ne les empêche pas de jouer un rôle de premier plan dans la fabrique des plus grands best-sellers récents. Exemple: Cédric Sapin-Desfours. Le 6 juillet 2023, l'écrivain, voyageur et alpiniste, auteur du premier roman Son odeur après la pluie chez Stock, est reçu dans la matinale de France Inter. Charlotte Brossier, directrice marketing chez Stock, se rappelle que cette émission, point d'orgue d'une succession d'éloges unanimes dans la presse (Jérôme Garcin dans l'Obs, Bernard Lehut sur RTL, Olivia de Lamberterie dans Télématin) a contribué à faire basculer le destin de ce livre. Elle a retrouvé pour nous les chiffres de l'époque:

  • Speaker #4

    "Et alors là, d'un coup, cette semaine-là, on en vend plus de 5000. Et après, ça a continué de monter tout l'été. On en vend 5 000, 6 000 par semaine. Ça, je m'en rappelle parce que j'ai géré des réimpressions tout l'été." Un an et demi plus tard, le tirage s'élève à 422 000 exemplaires, l'un des plus grands succès de l'année. L'emballement de la presse a joué, bien sûr. Mais en réalité, pour ce livre comme pour d'autres, les médias ne produisent de miracles que si le terrain est prêt. Jean-Hubert Gaillot, qui co-dirige avec Sylvie Martini les éditions Tristram et qui a édité un autre best-seller inattendu en 2023, le roman Rousse, signé Denis Infante, le résume très bien. La question que je lui posais simple: Denis Infante, primo-romancier de 70 ans, inconnu jusque-là et reçu par Augustin Trapenard à la Grande Librairie, doit-il son succès à cette émission ? "L'impact de la Grande Librairie est indiscutable, mais je crois que s'il a été si fort, c'est parce que le terrain était prêt du côté des librairies. Autrement dit, c'est la conjonction de ces deux phénomènes, adhésion large de très nombreux libraires et une émission réussie en début de rentrée littéraire, qui a fait que l'étincelle s'est produite et que la situation s'est enflammée de la sorte. Revenons donc au rôle du libraire. D'après les lecteurs et lectrices qui ont répondu à notre sondage et les éditeurs et éditrices que j'ai interrogés, c'est très souvent en librairie que le destin d'un livre se décide vraiment aujourd'hui. Marie-Rose Guarnieri, célèbre fondatrice de la librairie des Abbesses, le sent: le rôle du libraire a beaucoup évolué ces dernières années. "Oui, tout à fait. Là, vraiment, on sent que les personnes viennent un peu auprès de librairies comme les nôtres, les librairies de quartier, indépendantes. Ils sentent qu'il y a d'abord une vraie expertise littéraire. Ce qui les apaise beaucoup, c'est quand même qu'on n'a pas toute la production, on fait des choix nous aussi. On a une sorte de ligne éditoriale. Ils sont très sensibles au fait qu'il y ait une ligne éditoriale. Avant, vous savez, au début du métier, on obligeait les libraires à avoir un office obligatoire de tout ce qui sortait. Et là maintenant, comme les libraires se sont défendus, ils se sont dit non, on veut que notre lieu corresponde aussi à ce que l'on veut défendre ou ce que l'on sait défendre et puis aussi à la clientèle qui nous fréquente. D'autres libraires, de quartier ou même au-delà, confirment que les livres mis en avant sur leur table de coup de cœur, même s'ils n'ont pas été chroniqués par la presse, se vendent très bien. Une façon peut-être de sortir de la dictature des best-sellers, comme ils disent souvent, et de diversifier la prescription. Et les réseaux sociaux alors ? Est-il vrai qu'ils montent en puissance et ont de l'impact auprès des lecteurs et lectrices ? La réponse est oui, surtout pour ce qui concerne certains genres littéraires boudés par la presse traditionnelle. Exemples: la romance, le manga... De façon générale, les littératures de genre. Marie Legrand, directrice de HLab et BMR, les labels de littérature de genre et de romance chez Hachette, m'explique que dans son domaine, YouTube, Instagram et désormais TikTok sont des piliers incontournables de son travail de promotion. "En tout cas, chez nous, c'est très puissant. C'est-à-dire que si les gens en parlent sur TikTok, on a des millions de vues et des centaines de milliers d'exemplaires vendus."

  • Speaker #0

    C'est notamment grâce à TikTok qu'elle a vendu 10 000 exemplaires du tome 1 de Captive, une romance de Sarah Rivens, en deux heures seulement, juste après avoir annoncé la mise en vente sur le réseau. La question que se pose désormais Marie Legrand, comme de nombreux professionnels du livre, c'est comment anticiper ces phénomènes TikTok ? Et pourquoi pas, comment les provoquer ? Chaque année, Marie Legrand lance un appel à candidatures auprès des créateurs et créatrices de contenu sur les réseaux sociaux pour recruter des prescripteurs. Voilà sa méthode:

  • Speaker #1

    "On fait un appel à candidatures en fin d'année et on évalue non seulement la force de la communauté, mais aussi la qualité. Donc, ce n'est pas parce que vous avez un million de followers qu'on va vous prendre,si ce million de followers ne s'intéressent pas du tout au livre, ne commentent pas, n'interragissent pas. Et en fait, on leur envoie toutes nos parutions pour qu'elles puissent les chroniquer, créer des contenus et en parler au moment de la sortie du titre.

  • Speaker #0

    "Et jusque-là, je crois qu'en fin de l'année dernière, on a eu presque 2 500 candidatures pour faire partie de nos partenaires." "C'est l'équivalent de notre service presse, quoi." "Ah oui, et vous avez un service de presse aussi ?" "Non." Plus de service de presse, donc. Les journalistes littéraires sont-ils menacés de disparaître face au pouvoir de prescription croissant des réseaux sociaux ? D'après notre sondage, ce n'est pas d'actualité. Mais Louis Wiard, chercheur et spécialiste de la prescription littéraire, observe tout de même que la médiatisation du livre a changé. Les journalistes, comme les éditeurs, libraires et autres professionnels du livre, essayent de fairetoutes et tous d'adopter les codes de communication des influenceurs sur les réseaux sociaux en postant des photos et des vidéos qui imitent d'après lui le fait maison.

  • Speaker #2

    "Les influenceurs du livre sont devenus des personnages, des personnalités du web relativement importants avec lesquels un certain nombre de maisons d'édition collaborent. Et ils ont permis de populariser des manières de faire, des codes de communication, des manières de prescrire le livre, d'échanger autour du livre, qui sont récupérées par des prescripteurs traditionnels, par des journalistes qui vont eux aussi se mettre à ouvrir leurs propres comptes sur les réseaux sociaux et à créer des vidéos à la manière de TikTok et à reprendre les mêmes codes de communication."

  • Speaker #0

    Les créateurs et créatrices de contenus sur les réseaux sociaux prescrivent donc non seulement les livres à lire, mais aussi la façon d'en parler, jusqu'à modifier les formats journalistiques. Certains diraient que c'est le monde à l'envers. Problème, les influenceurs en question n'aiment pas trop qu'on les surveille, ni qu'on les imite. Marion Miralta, éditrice et tiktokeuse influente, m'a confié que les prochains best-sellers se fabriquaient désormais à l'abri des regards intéressés, à savoir sur des plateformes de discussion privées, comme Telegram. Bientôt, la prescription littéraire deviendra plus qu'une force qui nous échappe, Le secret le mieux gardé de la bookosphère. L'enquête intégrale sur ce sujet est à retrouver dans le numéro d'octobre de Livres Hebdo. En chemin: Nous sommes le 4 septembre 2024 à Paris, entre la rentrée des classes et les prix littéraires. L'occasion ou jamais de venir dans le quartier très écolier, mais aussi lettré du métro Goncourt. Je m'apprête à entrer dans la vaste librairie des nouveautés qui s'est installée en 2016, suite à une mobilisation du quartier. Christophe Barbat, responsable du rayon sciences humaines, va tout nous raconter. "Bonjour !"

  • Speaker #2

    "Bonjour, enchanté, je suis l'adjointe du futur responsable de la librairie des nouveautés. Et donc oui, cette librairie s'est installée en décembre 2016, avec l'action du voisinage. En fait, l'immeuble a été créé en 2016 avec des logements sociaux. Il y avait pas mal de lieux pour des boutiques et donc un Monoprix s'était proposé pour s'installer. Le voisinage était contre, donc le voisinage s'est organisé pour pousser le gérant d'une autre librairie patrimoine, les Guetteurs de vent, à ouvrir une nouvelle librairie.

  • Speaker #0

    Parce que la population, enfin le voisinage, était quand même vent debout contre l'idée qu'un Monoprix s'installe." "Oui, voilà, c'est ça. Il y a des supermarchés un peu partout. La rue du Faubourg du Temple était en train de changer. Il y avait des magasins qui ouvraient, qui fermaient. Voilà, le but, c'était d'installer un lieu culturel ici, qui puisse convenir à tout le monde. D'où l'intérêt du voisinage, qui a de suite permis à la librairie de marcher très, très bien." "Alors, la surface de cette librairie, elle est impressionnante. C'est ça qui est tout de suite étonnant quand on rentre ici."

  • Speaker #2

    "Alors, une librairie qui fait à peu près un peu plus de 150 mètres carrés, avec un gros rayon littérature francophone et étrangère, un beau rayon aussi beaux-arts, tourisme, musique, cinéma... On a vraiment une librairie généraliste avec à peu près 20 000 références, ce qui est quand même pas mal. Donc avec un lectorat qui est notre lectorat de voisinage et aussi beaucoup de passages, ce qui nous pousse à prendre un peu tous les titres."

  • Speaker #0

    "Quand je vous ai appelé, vous m'avez parlé du fait de défendre des livres pour ne pas qu'ils soient vendus forcément sur Amazon."

  • Speaker #2

    "Oui, voilà. On a une librairie indépendante qui fait partie du réseau Librest, qui essaye de mettre en commun leur stock pour faire des commandes très rapides. Mais on essaye aussi de mettre en avant des petits éditeurs indépendants. Et certains éditeurs ne veulent pas être vendus sur Amazon. Ça fait partie de leur charte maintenant. Donc ça, c'est des éditeurs qu'on essaye de mettre en avant, puisque justement, on ne pourra les trouver que dans les librairies indépendantes. On va prendre aussi les gros éditeurs, Albin Michel ou d'autres, Gallimard... Mais on essaie de mettre en avant aussi ces petits éditeurs qui sont très importants pour la vie culturelle et pour aussi le foisonnement de la librairie. C'est un combat. C'est un combat pour que les librairies continuent à vivre. Et on voit bien, lorsqu'il y a eu la période du Covid, pas mal de gens qui étaient dans le quartier ont découvert qu'ils avaient une librairie en bas de chez eux. Les gens commandaient sur Internet, sur Amazon ou autre chose. Ils s'apercevaient que là, les ouvrages, on les avait en rayon. Donc pas besoin de les commander, qu'on les avait en 3-4 jours. Et c'était surtout vraiment pour s'ancrer aussi dans le quartier."

  • Speaker #0

    "Moi, je viens souvent dans votre librairie et un jour, il y a des jeunes filles qui ont demandé à l'une de vos collègues si elles pouvaient accéder à une partie cachée de votre librairie."

  • Speaker #2

    Je pense que ça doit être la partie romance.

  • Speaker #0

    Ça doit être ça.

  • Speaker #2

    Notre collègue Myriam qui a implanté ce rayon, qui a pris de plus en plus d'ampleur.

  • Speaker #0

    Alors, vous m'emmenez voir Myriam Sétom, qui est, je crois, responsable du rayon jeunesse. Bonjour Myriam. Bonjour. Est-ce que vous pouvez me montrer cette partie très secrète de la librairie ?

  • Speaker #3

    La partie très secrète de la librairie ?

  • Speaker #0

    Cette partie si convoitée.

  • Speaker #3

    Tout à fait. Vous arrivez du côté grand ado et vous poussez une bibliothèque coulissante.

  • Speaker #0

    Donc on pousse la bibliothèque coulissante sur laquelle il est écrit. Poussez-moi, rayon plus 18 ans. avec des romans publics avertis.

  • Speaker #3

    Alors c'est un rayon qui rassemble tous les ouvrages de romances, ce qu'on appelle romances new adult, donc à partir de 18 ans mais qui sont majoritairement à destination d'un public de 18-40 ans. Et effectivement, public averti, moi, ça me semblait important de l'indiquer sur les ouvrages, dans la mesure où le rayon était situé pas très loin des grands ados de 16 ans, 17 ans. Et pour moi, c'était important aussi d'apporter un petit avertissement, tant pour les lecteurs, mais aussi pour les parents, qui se retrouvent parfois un petit peu désemparés par rapport au choix de leurs ados. C'était important de faire un petit disclaimer, si on peut autoriser cet anglicisme. Là,

  • Speaker #0

    il est 15h et quelques, les jeunes lecteurs et lectrices sont à l'école. Moi, d'habitude, je viens plutôt aux alentours de 18h et on ne peut pas accéder à ce rayon tant il y a surtout de jeunes lectrices.

  • Speaker #3

    Oui, complètement. On a observé un boom de cette littérature. Moi, j'avais inséré le rayon il y a deux ans et demi déjà, quand je commençais à voir qu'il y avait des petits prémices. J'ai constaté qu'on faisait pas mal de commandes clients et j'ai commencé par une demi-étagère, une étagère. Et ensuite, on a vraiment pris la décision de consacrer une bibliothèque entière à ce rayon-là. Et effectivement, je pense que l'impact des réseaux sociaux, du booktalk, du bookstagram, a des conséquences claires et précises sur les ventes de ce secteur-là. Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    On parle aussi de plus en plus de dark romance. Est-ce que vous avez dû vous former, lire tous ces livres ?

  • Speaker #3

    Alors, j'en ai lu quelques-uns, pas tous. Il y a quand même des ouvrages de dark romance. Donc, pour rappeler, c'est des romances qui mettent en scène des relations qu'on qualifierait de toxiques. Les ouvrages qui sont vraiment... vraiment très problématiques, j'ai tendance à les donner à ma collègue qui s'occupe du rayon érotique du côté littérature adulte. Et donc voilà, je préfère faire ce tri.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il vous arrive de déconseiller les livres aux parents ou aux lecteurs-lectrices ?

  • Speaker #3

    Complètement, ça m'est arrivé plusieurs fois d'ailleurs. Des jeunes lectrices qui venaient avec leurs parents et qui, les parents étant, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, assez désemparés parce que ne sachant pas en fait, clairement. de quoi il était question. Et donc du coup, je me suis un peu insérée dans la conversation en indiquant aux parents que ce n'était pas forcément la lecture appropriée. Mais ça me permet de rebondir aussi et de proposer des lectures dans le même style, donc de la romance, mais qui soient plus adaptées pour les âges concernés, que ce soit 15 ans, voire 12.

  • Speaker #0

    Un exemple ?

  • Speaker #3

    Un exemple ? Le Captive, forcément ! Le Cap-Ti ou plus récemment les romans de Colleen Hoover. Et pour cette autrice-là, j'ai tendance à indiquer éventuellement un de ses livres qui serait adapté à des lectrices de 15 ans parce que ne comportant pas de scènes de sexe de façon graphique et donc qui pourrait tout à fait correspondre pour du young adulte.

  • Speaker #0

    Et vous êtes écoutée dans vos conseils ? Généralement,

  • Speaker #3

    oui. Mais après, je me dis que je n'ai pas un rôle de censeur. Le dernier mot, il revient toujours aux parents.

  • Speaker #0

    histoire ?

  • Speaker #2

    Alors, pour la librairie des nouveautés, le rayon histoire, on a plutôt axé sur une histoire engagée, donc en rapport avec la colonisation, décolonisation, en plus, moi, c'est des sujets qui m'intéressent énormément, donc moi, je vais axer mes commandes et mes choix sur ce type de livre. Et par exemple, vous avez un éditeur dont le créateur est mort, là, cet été, c'est Eric Hazan pour La Fabrique, on fait partie, justement. Vous avez d'autres éditeurs plus classiques comme Perrin, Fayard, Albain Michel. Le point le plus important, c'est le sujet et comment il va être traité. Est-ce que c'est quelque chose de nouveau, une nouvelle approche ? Par exemple, pour Armand Collin, j'ai été enseignant pendant une dizaine d'années il y a quelque temps. Dans ma tête, ça restait des ouvrages très universitaires ou très scolaires. Et là, on voit le changement depuis quelques années. La charte graphique a changé, les sujets ont changé. On a invité Julien Dupont pour Imaginer Demain. Lui est géographe dans un établissement scolaire. Il présente des cartes du futur, du monde, avec un petit mélange de littérature, de philo. Il invente des cartes. Ça, c'est des sujets intéressants. On propose une nouvelle approche de la géographie. Donc voilà, ça, c'est des petites choses qu'on attend des éditeurs. Ce qui se passe, c'est que les sciences humaines, il y a le prix aussi qui entre en jeu. Ça, c'est un petit élément qu'on voit un peu dans tous les rayons. Les gens font attention. Lorsqu'il y a une sortie grand format, ils attendent de plus en plus la sortie. poche. Surtout en sciences humaines, des fois les ouvrages sont assez onéreux, d'où l'intérêt de se positionner beaucoup aussi sur les formats poche.

  • Speaker #0

    Merci aux éditions DUNEAU pour cette séquence de transmission des savoirs. Christophe, qu'est-ce qu'on peut souhaiter à la librairie Les Nouveautés et peut-être plus généralement aux librairies indépendantes de l'Est de Paris ?

  • Speaker #2

    Alors, si on reste sur notre librairie, il y a un petit changement. Le gérant, le créateur, parle à retrait, donc c'est repris par d'autres libraires. Donc, on reste une librairie indépendante, on le restera. Les librairies de l'Est parisien aussi, avec leur système de libre-Est, ça marche très, très bien. Elles sont bien implantées dans leur quartier. c'est un élément moteur. Ça permet à des librairies indépendantes d'être présentes, d'être vivantes encore, puisque le prix du livre est exactement le même partout, que ce soit sur Internet ou en magasin. Donc en fait, on trouve les mêmes ouvrages partout au même prix. La petite chose en plus qu'on n'a pas sur Internet, c'est que vous avez les libraires qui sont présents dans le magasin et qui, eux, peuvent vous conseiller. Mais ça, c'est le petit plus qu'on n'a pas sur Internet. Pour ça, il faut que les librairies indépendantes soient vivantes ou présentes. Quand il n'y aura plus de librairies indépendantes et qu'on aura tout sur Internet, on va se retrouver avec 5-6 éditeurs. une quinzaine de titres et puis ça sera la fin.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Christophe. Merci.

  • Speaker #2

    Merci Myriam.

  • Speaker #0

    C'est la troisième partie de cet épisode, la rubrique en haut de la pile. Autour de moi, la clique critique de Livres Hebdo, Léon Catan, Charles Knapek et Jacques Braunstein. Bonjour à vous trois. Bonjour. Et une invitée spéciale. Bonjour Marie-Madeleine Rigopoulos. Bonjour Lorraine. Merci d'être avec nous. Le milieu littéraire te connaît bien. Grande lectrice qui sait interroger les écrivains et écrivaines comme personne, en festival ou ailleurs. Tu es chroniqueuse pour Le Nouvel Économiste et tu réalises un podcast hebdomadaire qui s'appelle Conversations littéraires. Marie-Madeleine, en première partie de cet épisode, on a parlé de prescriptions littéraires. J'avais envie de te demander pour commencer, toi, qu'est-ce que tu penses de la prescription littéraire par les journalistes aujourd'hui ? Est-ce que tu penses que les médias ont encore de l'impact ?

  • Speaker #4

    Alors, je vais le dire avec un petit pincement au cœur parce qu'évidemment, ça ne me fait pas du bien de le dire, mais j'ai l'impression que quand même un peu moins qu'avant. En revanche, j'ai le sentiment que les festivals sont de plus en plus prescripteurs, c'est-à-dire que le contact humain, les événements autour du livre, les lectures, les débats, les rencontres, génèrent une forme d'engouement de plus en plus fort. Et j'ai le sentiment que le festival est en train un peu de prendre le pas sur la prescription journalistique.

  • Speaker #0

    Jacques ?

  • Speaker #5

    Moi, mon impression, c'est que ce n'est pas que les journalistes soient oubliés, mais c'est que dans un monde de plus en plus horizontal, les festivals, les influenceurs, les libraires... les journalistes, on est tous finalement des influenceurs du livre. Il n'y a plus un magistère des journalistes. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas qu'ils continuent à faire leur travail et qu'ils essayent de le faire bien.

  • Speaker #4

    Oui, je suis assez d'accord. Le rôle est partagé et c'est devenu plus caléidoscopique la prescription. On n'a plus la statue du commandeur, du grand journaliste, même s'il y en a et qu'ils ont des très belles plumes.

  • Speaker #0

    Alors ici, à Livres Hebdo, on estime qu'on n'est jamais assez nombreux pour prescrire des livres et ouvrir le champ des découvertes. On va donc... entendre vos coups de cœur et des cryptages. Mais avant cela, Jacques, quel est le chiffre du mois ?

  • Speaker #5

    Le chiffre du mois, c'est 50. 50, c'est le nombre d'éditeurs dans le Global 50, le Global 50, qui est un classement international que nous réalisons avec nos confrères de Publisher Weekly, du Bookseller et d'autres journaux professionnels du livre à travers le monde. Ce mois-ci, nous pouvons donc donner les résultats des plus grands éditeurs du monde et de nos clients. pour l'année 2023. Alors, d'abord, un petit cocorico, c'est que les éditeurs français et les groupes français se maintiennent très bien, puisque Hachette est toujours 7e éditeur du Monde et 3e éditeur de littérature générale. Editis est toujours 25e. Média Participation est passé de la 29e à la 25e place. Madrigal, de la 33e à la 32e place. Et Albin Michel, de la 46e à la 45e place. L'autre information... importante de ce Global 50, pardon pour l'anglicisme, mais c'est un classement international, c'est que le métier change avec l'intelligence artificielle. L'exemple le plus intéressant, c'est celui de Relix Group, je ne sais jamais comment il faut dire, qui est le premier éditeur du monde qui fait beaucoup de choses en digital. C'est un éditeur professionnel. Aujourd'hui, 90% de son activité est en digital. Il a créé un robot conversationnel qui s'appelle Lexi AI. Son revenu est en hausse de 7%. au premier semestre. Et là où c'est une bonne nouvelle, c'est que le cabinet Goldman Sachs avait identifié Relix comme un des futurs perdants de l'IA. Eh bien, non, au contraire, il a réalisé de très bons résultats en s'adaptant. Et alors, il y en a même d'autres qui s'adaptent énormément. Je pense notamment à l'éditeur professionnel allemand Hoff, qui a décidé qu'il n'était plus un éditeur. Et il a demandé à ce qu'on le retire du classement du Global 50, puisqu'il est qu'il a changé de métier. Voilà un des effets un peu inattendus de lire.

  • Speaker #0

    Merci Jacques. Marie-Madeleine, à toi l'honneur. Tu nous parles d'un office littéraire qui a eu lieu quelques siècles avant Jésus-Christ.

  • Speaker #4

    Oui, une fois n'est pas coutume. Et puis surtout pour montrer à quel point la littérature peut être atemporelle. Et qui plus est cette littérature, j'ai nommé Homer. le plus grand écrivain du monde de l'histoire. Je suis grec, je ne vais pas me priver. Homer, l'Iliade, une nouvelle traduction par Emmanuel Lascoux aux éditions POL. Une traduction absolument magnifique. Pourquoi magnifique ? On l'avait déjà vu avec Emmanuel Lascoux en 2021, il avait traduit l'Odyssée. D'ailleurs, il a fait les choses à l'envers. Il s'en est pris d'abord à l'Odyssée avant de passer à l'Iliade. Parce que l'Odyssée est quand même... un petit peu plus facile, je mets des normes guillemets évidemment, mais comparé à l'Iliade qui est plus ardue, qui est plus longue aussi, je pense qu'il avait un petit peu peur de s'y attaquer. Il avait tort parce que le résultat est exceptionnel, c'est une très très belle traduction, mais surtout la particularité de la traduction d'Emmanuel Lascaux, c'est qu'elle est d'une modernité extraordinaire. Il est allé chercher ce phrasé, cette scansion, qui en fait revient d'une certaine manière à l'original, dans le sens où... Au départ, l'Iliade, c'est un chant, c'est parler, c'est chanter. C'est un texte qui était fait pour être raconté aux gens au coin du feu et partagé. Et il a retrouvé cette musicalité, il a retrouvé cette modernité dans le langage. Il prend des libertés, d'ailleurs, avec des onomatopées, avec un peu d'argot très contemporain. Et l'autre particularité d'Emmanuel Lascaux, c'est qu'il est musicien en plus d'être héléniste. Et ça, c'est très, très important parce que, justement, il a ce sens de l'ascension et de l'art rythmique. D'ailleurs, il fait des lectures en langue originale, c'est-à-dire en grec ancien, qui sont assez épiques.

  • Speaker #5

    Moi, ce qui me frappe, c'est que Frédéric Boyer, qui dirige les éditions POL, lorsqu'il était aux éditions Bayard, avait retraduit les évangiles avec notamment Emmanuel Carrère. Et je trouve ça formidable, effectivement, cette volonté et ce fil rouge de toujours retraduire les grands textes et de faire que chaque jour, il reste actuel.

  • Speaker #4

    Actuel en rappelant que ce sont des textes qui nous... concerne. Moi, c'est ça que je trouve extraordinaire. C'est-à-dire que c'est pas une niche, en fait. C'est ça qu'on commence à comprendre, c'est que ça redevient une partie de l'actualité littéraire, comme si ces textes venaient de paraître. Et moi, c'est ça que j'aime. Et c'est aussi une manière intelligente de l'aborder, parce que l'Odyssée et l'Iliade, c'est la base de toutes les dramaturgies du monde, même de la soap opéra. Vous regardez la soap opéra, c'est les atrides. C'est tout le monde couche avec tout le monde, tout le monde s'entretue, tout le monde se trahit. C'est la base de la narration contemporaine.

  • Speaker #0

    L'Iliade de Homer, traduit du grec ancien par Emmanuel Lascoux, ça sort le 3 octobre chez POL, ça fait 672 pages. Merci Marie-Madeleine. Léon Catan, on fait un bond de quelques siècles en avant avec toi. Qu'est-ce que tu nous apportes ?

  • Speaker #1

    Oui, alors pour parler de ce livre, j'aimerais bien qu'on remonte un petit peu en avant, bien avant sa conception dans les années 90 aux Etats-Unis, quand un groupe d'étudiantes prennent d'assaut la scène... punk locales. Elles ont des groupes qui s'appellent Bikini Kill, Brat Mobile ou encore Slater Kiné. Et on ne voit qu'elles quand elles décident de commencer à faire des concerts. Elles ont des jupes d'écolières, des insultes sexistes qui barrent leur torse. Elles savent à peine faire de la musique mais par contre elles savent crier et surtout elles crient des choses très intéressantes. En fait elles lancent ce qu'on appelle le mouvement Riot Girl, un mouvement de contestation par rapport à l'entre-soi masculin des lieux alternatifs. Et du coup, pour allier le geste à la parole, elles essaient de communiquer par des moyens plus subversifs, on va dire, et donc à travers le zine, ce petit livret fabriqué à la va-vite dans des imprimeries locales. L'idée, ce n'est vraiment pas de faire un bel objet, mais plutôt de créer un espace d'expérimentation poétique, artistique. Et en fait, c'est ce même élan créatif qu'on va retrouver chez Nelly Slim et Marcia Burnier, qui décident de lancer leur propre zine en 2017. Elles ne veulent pas s'embêter avec des fioritures ou de polir sur les bords ce qu'elles ont à dire. Elles vont vraiment lancer un appel à texte un peu comme ça, qui va du coup donner le zine It's been lovely, but I have to scream now Donc encore une fois, quelque chose qu'elles font du fin fond de la creuse avec des ciseaux à bout rond en allant squatter les imprimantes des copines. Et en fait, elles lancent du coup un appel à texte et surprise, ça marche hyper bien. Et du coup, elles se retrouvent avec énormément de contributions de femmes et de personnes queer. Ça peut être du slam, des pamphlets politiques, de la prose, enfin bref, plein de choses. Et en fait, elles vont carrément pouvoir pousser l'aventure jusqu'à 16 volumes qui vont circuler un peu sous le manteau à prix libre. Et justement, aux éditions, Kambourakis sort ce mois-ci une sorte de synthèse de Toulzine, en fait, avec une quinzaine de textes à peu près. On va retrouver des textes anonymes, mais aussi des figures un petit peu plus connues des milieux alternatifs. comme Daria Marx qui est une militante anti-grossophobie. Et en fait, ce qui est vraiment intéressant, je trouve, c'est de voir aussi l'évolution à travers ces textes de 2017 à 2020 où entre-temps il y a MeToo qui se produit. Isabelle Kambourakis, par exemple, m'avait expliqué qu'en 2017, elle recevait très peu de textes. Elle, elle pense que c'est parce que c'était une génération de femmes qui n'osaient pas forcément prendre la plume, ou en tout cas de manière un peu périphérique, justement, dans des zines ou sur Internet. Et là, du coup, voilà, il y a vraiment quelque chose qui change et le zine cristallise très bien tout ça. Et je trouve que justement, avoir ce testament de cette époque, ça fait qu'on espère que les femmes et les personnes queer vont prendre de plus en plus de place dans l'édition conventionnelle, mais aussi que ces lieux d'expression subversif et inclusif vont continuer de fleurir. On a un peu de chemin encore avant que tout le monde puisse prendre la parole.

  • Speaker #0

    Marie-Madeleine, une réaction ?

  • Speaker #1

    Moi,

  • Speaker #4

    ce que je voudrais juste dire, c'est quand même très réjouissant de voir qu'il y a des initiatives collectives qui se font autour de l'édition et du livre. Je trouve que ça démontre qu'il ne faudrait peut-être pas trop vite pleurer sur la mort de l'édition et de la littérature. Parce que quand on entend ce genre d'aventure, on se dit que ce n'est pas de main la veille.

  • Speaker #0

    Donc ça s'appelle It's been lovely, but I have to scream now C'est post-facé par Camille Cornu et coordonné par Marcia Burnier et Nelly Slim. Ça sort le 2 octobre chez Cambourakis. Merci Léon. Charles, on a un peu traversé le temps et toi, tu nous parles du futur.

  • Speaker #6

    Oui, Lorraine, je parle du futur, mais finalement, je vais en profiter pour rebondir sur ce que disait Marie-Madeleine à propos de l'Iliade. L'Iliade, on dit souvent que c'est le premier texte d'imaginaire. Moi, je vais vous parler d'un roman de Michel Niewack, un auteur argentin qui est publié dans une nouvelle collection qui s'appelle Chimère aux éditions Christian Bourgois, qui s'appelle L'enfance du monde, qui a cette particularité d'être un diptyque, c'est-à-dire qu'il y a un roman et ensuite une partie essai, qui s'appelle la science-fiction capitaliste. Ces deux textes sont vraiment en regard l'un l'autre. On a d'un côté une histoire complètement folle qui se déroule dans un futur proche, qui est marqué par le réchauffement climatique, et qui met en scène un moustique, un moustique géant, qui va à l'école avec des humains. et qui est victime de harcèlement parce qu'il est différent. Et on lui fait payer sa différence. Alors évidemment, on va comprendre en arrière-plan, ce moustique, c'est un précurseur, c'est un mutant. C'est le premier d'une race de mutants qui est en train de transformer le visage de la population terrestre. Et à un moment, il va se rebiffer, c'est-à-dire il va dire Non mais attendez, moi je suis un moustique géant, j'ai ma petite trompette, là je vais te... Je vais te piquer et puis tu vas voir ce que tu vas voir. Donc c'est un peu ce qui se passe au départ. Et puis ce moustique se lance dans une espèce de vendetta contre les humains et se met à massacrer tout ce qui est humain sur son passage. Et en fait, et c'est là que c'est intéressant, parce qu'en fait, c'est pas vraiment une explication de texte, mais quand il fait son essai qui s'appelle la science-fiction capitaliste... Michel Nieva, qui montre qu'il n'est pas seulement un excellent romancier, mais aussi un très fin connaisseur de la science-fiction et des cultures de l'imaginaire, montre à quel point finalement le capitalisme est tellement pétri des imaginaires de la science-fiction qu'il est prêt déjà aujourd'hui. C'est là que c'est rigolo parce que du coup, Elon Musk et Jeff Bezos et consorts en prennent pour leur grade. Les capitalistes d'aujourd'hui, même si l'environnement n'est pas encore ravagé, en tout cas autant. que dans le roman. Finalement, pour eux, c'est pas un souci, c'est-à-dire qu'on pourra toujours exploiter, on pourra toujours trouver des manières de faire de l'argent, même dans un environnement totalement dégradé. Voilà. Et on se rend compte que l'imaginaire, c'est pas que des histoires pour se divertir, finalement, il y a tout un fond de réflexion, de prospection, c'est de comprendre le monde dans lequel on est, le monde vers lequel on va. Donc c'est ce qui m'a beaucoup plu dans ce texte de Michel Nieva chez Christian Bourgois.

  • Speaker #0

    Marie-Madeleine,

  • Speaker #4

    c'est plus que ça, je dirais, c'est éminemment politique. Les premiers lanceurs d'alerte, d'une certaine façon, c'est les auteurs de science-fiction. Peu que le livre soit de qualité, mais en tout cas, je pense vraiment que la fiction est éminemment politique et philosophique.

  • Speaker #0

    L'enfance du monde, suivi de la science-fiction capitaliste, Michel Nieva s'est traduit de l'espagnol, donc espagnol-argentin, par Sébastien Rutes. Et ça apparaît chez Christian Bourgois le 3 octobre. À mon tour, je vous parle d'une collection de livres que j'ai trouvé éblouissant. pour les tout-petits, porté par le romancier, lauréat du Prix Goncourt, Alexis Gény, chez Paul Seine, sur le thème de l'aventure. Ça s'appelle Celle et celui qui À chaque fois, c'est le portrait d'un aventurier ou d'une aventurière, souvent oubliée de l'histoire, et qui porte des valeurs qu'on n'a pas l'habitude de voir dans les récits d'explorateurs. C'est en cela que je trouve cette collection très moderne. Celle qui savait se débrouiller toute seule c'est le portrait de... Ada Blackjack, originaire d'Alaska, partie à 23 ans pour s'engager dans une expédition sur une île arctique, entourée d'hommes évidemment très méprisants à son égard. Elle a été la seule survivante de cette expédition. Le deuxième livre s'appelle Celui qui voulait tout faire très très bien, illustré par Zafouko Yamamoto. Et c'est l'histoire de Fritjof Nansen, un explorateur polaire du XIXe siècle, qui a la particularité d'avoir cherché toute sa jeunesse à faire mieux, de mieux en mieux. plus loin, plus haut, plus fort, jusqu'à finalement abandonner les explorations et découvrir un moteur, un but inattendu qui l'a amené à sauver des milliers de vies par la création d'un passeport pour les réfugiés. Je ne vous raconte pas par quel détour, c'est tout le sel de l'histoire. Ce que je vous raconte là, en tout cas, c'est vraiment la vision d'Alexigénie qui raconte ses histoires toujours de l'intérieur. C'est très inhabituel. En fait, Alexigénie déteste voyager. Il m'a expliqué qu'il avait horreur des avions, des transports, des déplacements, mais il a une... passion pour l'ailleurs qu'il découvre dans les livres, au point de réussir à faire croire qu'il y a été. Sa façon de raconter les histoires est donc 100% écolo et il assume le récit d'un héroïsme qui n'est pas celui des gros bras, mais celui du doute, du tâtonnement. Les illustrations sont magnifiques, les textes sont très émouvants et drôles. Moi, je parie sur une inversion des rôles en famille. Ce sont les adultes qui supplieront les enfants encore, encore une histoire, s'il te plaît, la dernière. Celle qui savait se débrouiller toute seule et celui qui voulait tout faire très très bien. C'est donc le début d'une aventure d'Alexis Gény chez Paul Sen, le 17 octobre. Sur ce, je vous souhaite de beaux voyages imaginaires à travers les livres. Et on se retrouve en novembre pour un prochain épisode. A bientôt ! C'était Les Voix du Livre, le podcast mensuel de Livres Hebdo présenté par Lorraine Malka. À la musique, Ferdinand Bayard. Si vous avez aimé cet épisode, abonnez-vous au podcast Les Voix du Livre et envoyez-nous des tas de cœurs et d'étoiles. À bientôt !

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • En ouverture: la prescription littéraire, des forces qui nous échappent?

    00:42

  • A la rencontre de la librairie Les Nouvautés à Paris

    10:23

  • L'équipe critique de Livres Hebdo

    20:23

Description

Les médias traditionnels continuent-ils d’influencer nos choix de livres ? Critiques littéraires, radio, presse écrite, youtubeurs, influenceurs ou tik tokeurs… les canaux de prescription littéraire sont aujourd’hui nombreux. D’après notre enquête - basée sur 1850 réponses de lecteurs et lectrices - la majorité de ces derniers préfèrent se fier aux recommandations de leurs amis et des libraires. Cependant, les réseaux sociaux, et notamment Tik Tok, s’imposent de plus en plus dans le marché du livre.


Lauren Malka explore dans cette enquête le rôle crucial des libraires et l’influence croissante des créateurs et créatrices de contenu dans la promotion des livres. 


Dans la deuxième partie de l’épisode, Lauren Malka nous fait découvrir la librairie Les Nouveautés, dans le dixième arrondissement de Paris, à la rencontre de Christophe Barbat, responsable du rayon sciences humaines, puis de Myriam Sethom, responsable du rayon jeunesse. 


Enfin, les journalistes de Livres Hebdo accueillent une invitée spéciale, la journaliste littéraire Marie-Madeleine Rigopoulos, pour décrypter les tendances livres de l’automne. Au programme : une nouvelle traduction de L’Illiade d’Homère par Emmanuel Lascoux aux éditions P.O.L. ; It’s been lovely but I have to scream now, postfacé par Camille Cornu et coordonné par Nelly Slim et Marcia Burnier aux éditions Cambourakis ; L’enfance du monde suivi de La science-fiction capitaliste de Michel Nieva, publié aux éditions Bourgois ; Celle qui savait se débrouiller toute seule et Celui qui voulait tout faire très très bien, de la collection Celle et celui qui, d’Alexis Jenni chez Paulsen.


Un podcast réalisé en partenariat avec les éditions DUNOD, l'éditeur de la transmission de tous les savoirs.


Ont participé à cet épisode :


Marie-Madeleine Rigopoulos, Léon Cattan, Charles Knappek, Jacques Braunstein


Sont mentionnés dans cet épisode :


Lilia Hassaine

Cédric Sapin-Defour

éditions Tristram

La Grande Librairie

Librairie Les Nouveautés

Charlotte Brossier

Jean-Hubert Gaillot

Sylvie Martini

Denis Infante

Augustin Trapenard

Marie-Rose Guarnieri

Marie Legrand

Louis Wiard

Marion Escudé


L'Iliade, Emmanuel Lascoux, éditions P.O.L

It’s been lovely but I have to scream now, Nelly Slim et Marcia Burnier, éditions Cambourakis

L’enfance du monde suivi de La science-fiction capitaliste, Michel Nieva, éditions Bourgois

Celle qui était presque toute seule et Celui qui voulait tout faire très très bien, Alexis Jenni, éditions Paulsen.


Crédits :

Émission “Cédric Sapin-Defour : "La nature n'est pas à notre service, elle existe très bien sans nous" sur France Inter: https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-jeudi-06-juillet-2023-7630256




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    "Pour moi, la résonance d'un livre avant son passage dans la Grande Librairie m'importe assez peu. Pour une raison assez simple, c'est qu'effectivement, la Grande Librairie a encore un immense pouvoir de prescription. Je m'en rends compte parce que j'ai les retours des libraires, je m'en rends compte parce que j'ai les retours des lecteurs, et puis je m'en rends compte, par exemple, quand un primo-romancier comme Denis Infante, qui publie aux éditions Tristram un livre qui s'appelle Rousse, sort un livre qui est tiré à 1500 exemplaires et en vend 15 000. Ce dont je m'en rends compte également, c'est que le lancement d'un livre, s'il y a un premier passage dans la grande librairie, ça donne quelque chose d'extraordinaire pour le livre. Et avec beaucoup de modestie, je dis, ça n'est pas à moi. Déjà, c'est quelque chose que François a construit depuis 16 ans et parce que c'est une dynamique médiatique. C'est quelque chose, moi,qui m'échappe, ce sont les forces qui m'échappent."

  • Speaker #1

    Des forces qui nous échappent: c'est ainsi, comme le dit Augustin Trapenat, que l'on pourrait définir la prescription littéraire en 2024. Critique littéraire à la télé, radio, presse écrite, youtubeur, instagrameuse, tiktoker, tiktokeuse, qui sont les prescripteurs de livres aujourd'hui ? Un mélange de tout cela ? Un alignement de planètes ? Oui, mais dans quel ordre ? Et en pariant sur quelle comète ? C'est le sujet d'ouverture de cet épisode. Je m'appelle Lauren Malka, je suis journaliste indépendante et vous écoutez Les Voix du Livre, un podcast conçu en partenariat avec les éditions Dunod. Chaque mois, je vous embarque chez Livres Hebdo, pour entendre le bruit que ça fait quand les pages du magazine du livre se mettent à parler. Au sommaire, en deuxième partie, je rends visite à la librairie Les Nouveautés, qui a ouvert en 2016 à Paris suite à une mobilisation citoyenne, un récit peu banal qui vaut le détour. À la fin de l'épisode, la clique de Livres Hebdo accueille une invitée, Marie-Madeleine Rigopoulos, pour décrypter les tendances livres de l'automne. Avant cela, je vous raconte mon enquête sur la prescription de livres aujourd'hui.

  • Speaker #2

    Les voix du livre: en ouverture:

  • Speaker #1

    L'idée de cette enquête, on l'a eue à Livres Hebdo au début de l'été. On a eu envie, au moment où les gens se demandaient avec quels livres partir en vacances, de lancer un sondage auprès des lecteurs et lectrices, professionnels ou non, pour savoir quelle était leur source de prescription littéraire préférée. Parmi les 1850 personnes qui ont répondu à ce questionnaire -on les remercie- une grande majorité, 80%, affirme n'être influencée ni par la presse, ni par les réseaux sociaux, mais par les conseils d'amis et de libraires. La question se pose donc, même si elle ne fait pas forcément plaisir: les médias littéraires ont-ils encore leur mot à dire ? Pour Lilia Hassaine, qu'on a appelée juste après l'enregistrement de sa toute première émission littéraire Etcetera, sur France Inter, prescrire des livres est-il un objectif important ? La réponse est claire.

  • Speaker #3

    "Évidemment. L'idée, c'est que les gens courent en librairie après avoir écouté l'émission, évidemment. Aujourd'hui, on connaît quand même l'état de la librairie en France, à quel point c'est compliqué pour eux. Je me dis qu'heureusement qu'il y a des émissions littéraires. Et c'est aussi pour ça que, quand on m'a proposé d'imaginer une nouvelle émission, j'étais ravie parce qu'il n'y a jamais assez d'émissions."

  • Speaker #1

    Les émissions consacrées aux livres, à la télé et à la radio sont devenues très rares, en effet. Mais cette rareté ne les empêche pas de jouer un rôle de premier plan dans la fabrique des plus grands best-sellers récents. Exemple: Cédric Sapin-Desfours. Le 6 juillet 2023, l'écrivain, voyageur et alpiniste, auteur du premier roman Son odeur après la pluie chez Stock, est reçu dans la matinale de France Inter. Charlotte Brossier, directrice marketing chez Stock, se rappelle que cette émission, point d'orgue d'une succession d'éloges unanimes dans la presse (Jérôme Garcin dans l'Obs, Bernard Lehut sur RTL, Olivia de Lamberterie dans Télématin) a contribué à faire basculer le destin de ce livre. Elle a retrouvé pour nous les chiffres de l'époque:

  • Speaker #4

    "Et alors là, d'un coup, cette semaine-là, on en vend plus de 5000. Et après, ça a continué de monter tout l'été. On en vend 5 000, 6 000 par semaine. Ça, je m'en rappelle parce que j'ai géré des réimpressions tout l'été." Un an et demi plus tard, le tirage s'élève à 422 000 exemplaires, l'un des plus grands succès de l'année. L'emballement de la presse a joué, bien sûr. Mais en réalité, pour ce livre comme pour d'autres, les médias ne produisent de miracles que si le terrain est prêt. Jean-Hubert Gaillot, qui co-dirige avec Sylvie Martini les éditions Tristram et qui a édité un autre best-seller inattendu en 2023, le roman Rousse, signé Denis Infante, le résume très bien. La question que je lui posais simple: Denis Infante, primo-romancier de 70 ans, inconnu jusque-là et reçu par Augustin Trapenard à la Grande Librairie, doit-il son succès à cette émission ? "L'impact de la Grande Librairie est indiscutable, mais je crois que s'il a été si fort, c'est parce que le terrain était prêt du côté des librairies. Autrement dit, c'est la conjonction de ces deux phénomènes, adhésion large de très nombreux libraires et une émission réussie en début de rentrée littéraire, qui a fait que l'étincelle s'est produite et que la situation s'est enflammée de la sorte. Revenons donc au rôle du libraire. D'après les lecteurs et lectrices qui ont répondu à notre sondage et les éditeurs et éditrices que j'ai interrogés, c'est très souvent en librairie que le destin d'un livre se décide vraiment aujourd'hui. Marie-Rose Guarnieri, célèbre fondatrice de la librairie des Abbesses, le sent: le rôle du libraire a beaucoup évolué ces dernières années. "Oui, tout à fait. Là, vraiment, on sent que les personnes viennent un peu auprès de librairies comme les nôtres, les librairies de quartier, indépendantes. Ils sentent qu'il y a d'abord une vraie expertise littéraire. Ce qui les apaise beaucoup, c'est quand même qu'on n'a pas toute la production, on fait des choix nous aussi. On a une sorte de ligne éditoriale. Ils sont très sensibles au fait qu'il y ait une ligne éditoriale. Avant, vous savez, au début du métier, on obligeait les libraires à avoir un office obligatoire de tout ce qui sortait. Et là maintenant, comme les libraires se sont défendus, ils se sont dit non, on veut que notre lieu corresponde aussi à ce que l'on veut défendre ou ce que l'on sait défendre et puis aussi à la clientèle qui nous fréquente. D'autres libraires, de quartier ou même au-delà, confirment que les livres mis en avant sur leur table de coup de cœur, même s'ils n'ont pas été chroniqués par la presse, se vendent très bien. Une façon peut-être de sortir de la dictature des best-sellers, comme ils disent souvent, et de diversifier la prescription. Et les réseaux sociaux alors ? Est-il vrai qu'ils montent en puissance et ont de l'impact auprès des lecteurs et lectrices ? La réponse est oui, surtout pour ce qui concerne certains genres littéraires boudés par la presse traditionnelle. Exemples: la romance, le manga... De façon générale, les littératures de genre. Marie Legrand, directrice de HLab et BMR, les labels de littérature de genre et de romance chez Hachette, m'explique que dans son domaine, YouTube, Instagram et désormais TikTok sont des piliers incontournables de son travail de promotion. "En tout cas, chez nous, c'est très puissant. C'est-à-dire que si les gens en parlent sur TikTok, on a des millions de vues et des centaines de milliers d'exemplaires vendus."

  • Speaker #0

    C'est notamment grâce à TikTok qu'elle a vendu 10 000 exemplaires du tome 1 de Captive, une romance de Sarah Rivens, en deux heures seulement, juste après avoir annoncé la mise en vente sur le réseau. La question que se pose désormais Marie Legrand, comme de nombreux professionnels du livre, c'est comment anticiper ces phénomènes TikTok ? Et pourquoi pas, comment les provoquer ? Chaque année, Marie Legrand lance un appel à candidatures auprès des créateurs et créatrices de contenu sur les réseaux sociaux pour recruter des prescripteurs. Voilà sa méthode:

  • Speaker #1

    "On fait un appel à candidatures en fin d'année et on évalue non seulement la force de la communauté, mais aussi la qualité. Donc, ce n'est pas parce que vous avez un million de followers qu'on va vous prendre,si ce million de followers ne s'intéressent pas du tout au livre, ne commentent pas, n'interragissent pas. Et en fait, on leur envoie toutes nos parutions pour qu'elles puissent les chroniquer, créer des contenus et en parler au moment de la sortie du titre.

  • Speaker #0

    "Et jusque-là, je crois qu'en fin de l'année dernière, on a eu presque 2 500 candidatures pour faire partie de nos partenaires." "C'est l'équivalent de notre service presse, quoi." "Ah oui, et vous avez un service de presse aussi ?" "Non." Plus de service de presse, donc. Les journalistes littéraires sont-ils menacés de disparaître face au pouvoir de prescription croissant des réseaux sociaux ? D'après notre sondage, ce n'est pas d'actualité. Mais Louis Wiard, chercheur et spécialiste de la prescription littéraire, observe tout de même que la médiatisation du livre a changé. Les journalistes, comme les éditeurs, libraires et autres professionnels du livre, essayent de fairetoutes et tous d'adopter les codes de communication des influenceurs sur les réseaux sociaux en postant des photos et des vidéos qui imitent d'après lui le fait maison.

  • Speaker #2

    "Les influenceurs du livre sont devenus des personnages, des personnalités du web relativement importants avec lesquels un certain nombre de maisons d'édition collaborent. Et ils ont permis de populariser des manières de faire, des codes de communication, des manières de prescrire le livre, d'échanger autour du livre, qui sont récupérées par des prescripteurs traditionnels, par des journalistes qui vont eux aussi se mettre à ouvrir leurs propres comptes sur les réseaux sociaux et à créer des vidéos à la manière de TikTok et à reprendre les mêmes codes de communication."

  • Speaker #0

    Les créateurs et créatrices de contenus sur les réseaux sociaux prescrivent donc non seulement les livres à lire, mais aussi la façon d'en parler, jusqu'à modifier les formats journalistiques. Certains diraient que c'est le monde à l'envers. Problème, les influenceurs en question n'aiment pas trop qu'on les surveille, ni qu'on les imite. Marion Miralta, éditrice et tiktokeuse influente, m'a confié que les prochains best-sellers se fabriquaient désormais à l'abri des regards intéressés, à savoir sur des plateformes de discussion privées, comme Telegram. Bientôt, la prescription littéraire deviendra plus qu'une force qui nous échappe, Le secret le mieux gardé de la bookosphère. L'enquête intégrale sur ce sujet est à retrouver dans le numéro d'octobre de Livres Hebdo. En chemin: Nous sommes le 4 septembre 2024 à Paris, entre la rentrée des classes et les prix littéraires. L'occasion ou jamais de venir dans le quartier très écolier, mais aussi lettré du métro Goncourt. Je m'apprête à entrer dans la vaste librairie des nouveautés qui s'est installée en 2016, suite à une mobilisation du quartier. Christophe Barbat, responsable du rayon sciences humaines, va tout nous raconter. "Bonjour !"

  • Speaker #2

    "Bonjour, enchanté, je suis l'adjointe du futur responsable de la librairie des nouveautés. Et donc oui, cette librairie s'est installée en décembre 2016, avec l'action du voisinage. En fait, l'immeuble a été créé en 2016 avec des logements sociaux. Il y avait pas mal de lieux pour des boutiques et donc un Monoprix s'était proposé pour s'installer. Le voisinage était contre, donc le voisinage s'est organisé pour pousser le gérant d'une autre librairie patrimoine, les Guetteurs de vent, à ouvrir une nouvelle librairie.

  • Speaker #0

    Parce que la population, enfin le voisinage, était quand même vent debout contre l'idée qu'un Monoprix s'installe." "Oui, voilà, c'est ça. Il y a des supermarchés un peu partout. La rue du Faubourg du Temple était en train de changer. Il y avait des magasins qui ouvraient, qui fermaient. Voilà, le but, c'était d'installer un lieu culturel ici, qui puisse convenir à tout le monde. D'où l'intérêt du voisinage, qui a de suite permis à la librairie de marcher très, très bien." "Alors, la surface de cette librairie, elle est impressionnante. C'est ça qui est tout de suite étonnant quand on rentre ici."

  • Speaker #2

    "Alors, une librairie qui fait à peu près un peu plus de 150 mètres carrés, avec un gros rayon littérature francophone et étrangère, un beau rayon aussi beaux-arts, tourisme, musique, cinéma... On a vraiment une librairie généraliste avec à peu près 20 000 références, ce qui est quand même pas mal. Donc avec un lectorat qui est notre lectorat de voisinage et aussi beaucoup de passages, ce qui nous pousse à prendre un peu tous les titres."

  • Speaker #0

    "Quand je vous ai appelé, vous m'avez parlé du fait de défendre des livres pour ne pas qu'ils soient vendus forcément sur Amazon."

  • Speaker #2

    "Oui, voilà. On a une librairie indépendante qui fait partie du réseau Librest, qui essaye de mettre en commun leur stock pour faire des commandes très rapides. Mais on essaye aussi de mettre en avant des petits éditeurs indépendants. Et certains éditeurs ne veulent pas être vendus sur Amazon. Ça fait partie de leur charte maintenant. Donc ça, c'est des éditeurs qu'on essaye de mettre en avant, puisque justement, on ne pourra les trouver que dans les librairies indépendantes. On va prendre aussi les gros éditeurs, Albin Michel ou d'autres, Gallimard... Mais on essaie de mettre en avant aussi ces petits éditeurs qui sont très importants pour la vie culturelle et pour aussi le foisonnement de la librairie. C'est un combat. C'est un combat pour que les librairies continuent à vivre. Et on voit bien, lorsqu'il y a eu la période du Covid, pas mal de gens qui étaient dans le quartier ont découvert qu'ils avaient une librairie en bas de chez eux. Les gens commandaient sur Internet, sur Amazon ou autre chose. Ils s'apercevaient que là, les ouvrages, on les avait en rayon. Donc pas besoin de les commander, qu'on les avait en 3-4 jours. Et c'était surtout vraiment pour s'ancrer aussi dans le quartier."

  • Speaker #0

    "Moi, je viens souvent dans votre librairie et un jour, il y a des jeunes filles qui ont demandé à l'une de vos collègues si elles pouvaient accéder à une partie cachée de votre librairie."

  • Speaker #2

    Je pense que ça doit être la partie romance.

  • Speaker #0

    Ça doit être ça.

  • Speaker #2

    Notre collègue Myriam qui a implanté ce rayon, qui a pris de plus en plus d'ampleur.

  • Speaker #0

    Alors, vous m'emmenez voir Myriam Sétom, qui est, je crois, responsable du rayon jeunesse. Bonjour Myriam. Bonjour. Est-ce que vous pouvez me montrer cette partie très secrète de la librairie ?

  • Speaker #3

    La partie très secrète de la librairie ?

  • Speaker #0

    Cette partie si convoitée.

  • Speaker #3

    Tout à fait. Vous arrivez du côté grand ado et vous poussez une bibliothèque coulissante.

  • Speaker #0

    Donc on pousse la bibliothèque coulissante sur laquelle il est écrit. Poussez-moi, rayon plus 18 ans. avec des romans publics avertis.

  • Speaker #3

    Alors c'est un rayon qui rassemble tous les ouvrages de romances, ce qu'on appelle romances new adult, donc à partir de 18 ans mais qui sont majoritairement à destination d'un public de 18-40 ans. Et effectivement, public averti, moi, ça me semblait important de l'indiquer sur les ouvrages, dans la mesure où le rayon était situé pas très loin des grands ados de 16 ans, 17 ans. Et pour moi, c'était important aussi d'apporter un petit avertissement, tant pour les lecteurs, mais aussi pour les parents, qui se retrouvent parfois un petit peu désemparés par rapport au choix de leurs ados. C'était important de faire un petit disclaimer, si on peut autoriser cet anglicisme. Là,

  • Speaker #0

    il est 15h et quelques, les jeunes lecteurs et lectrices sont à l'école. Moi, d'habitude, je viens plutôt aux alentours de 18h et on ne peut pas accéder à ce rayon tant il y a surtout de jeunes lectrices.

  • Speaker #3

    Oui, complètement. On a observé un boom de cette littérature. Moi, j'avais inséré le rayon il y a deux ans et demi déjà, quand je commençais à voir qu'il y avait des petits prémices. J'ai constaté qu'on faisait pas mal de commandes clients et j'ai commencé par une demi-étagère, une étagère. Et ensuite, on a vraiment pris la décision de consacrer une bibliothèque entière à ce rayon-là. Et effectivement, je pense que l'impact des réseaux sociaux, du booktalk, du bookstagram, a des conséquences claires et précises sur les ventes de ce secteur-là. Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    On parle aussi de plus en plus de dark romance. Est-ce que vous avez dû vous former, lire tous ces livres ?

  • Speaker #3

    Alors, j'en ai lu quelques-uns, pas tous. Il y a quand même des ouvrages de dark romance. Donc, pour rappeler, c'est des romances qui mettent en scène des relations qu'on qualifierait de toxiques. Les ouvrages qui sont vraiment... vraiment très problématiques, j'ai tendance à les donner à ma collègue qui s'occupe du rayon érotique du côté littérature adulte. Et donc voilà, je préfère faire ce tri.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il vous arrive de déconseiller les livres aux parents ou aux lecteurs-lectrices ?

  • Speaker #3

    Complètement, ça m'est arrivé plusieurs fois d'ailleurs. Des jeunes lectrices qui venaient avec leurs parents et qui, les parents étant, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, assez désemparés parce que ne sachant pas en fait, clairement. de quoi il était question. Et donc du coup, je me suis un peu insérée dans la conversation en indiquant aux parents que ce n'était pas forcément la lecture appropriée. Mais ça me permet de rebondir aussi et de proposer des lectures dans le même style, donc de la romance, mais qui soient plus adaptées pour les âges concernés, que ce soit 15 ans, voire 12.

  • Speaker #0

    Un exemple ?

  • Speaker #3

    Un exemple ? Le Captive, forcément ! Le Cap-Ti ou plus récemment les romans de Colleen Hoover. Et pour cette autrice-là, j'ai tendance à indiquer éventuellement un de ses livres qui serait adapté à des lectrices de 15 ans parce que ne comportant pas de scènes de sexe de façon graphique et donc qui pourrait tout à fait correspondre pour du young adulte.

  • Speaker #0

    Et vous êtes écoutée dans vos conseils ? Généralement,

  • Speaker #3

    oui. Mais après, je me dis que je n'ai pas un rôle de censeur. Le dernier mot, il revient toujours aux parents.

  • Speaker #0

    histoire ?

  • Speaker #2

    Alors, pour la librairie des nouveautés, le rayon histoire, on a plutôt axé sur une histoire engagée, donc en rapport avec la colonisation, décolonisation, en plus, moi, c'est des sujets qui m'intéressent énormément, donc moi, je vais axer mes commandes et mes choix sur ce type de livre. Et par exemple, vous avez un éditeur dont le créateur est mort, là, cet été, c'est Eric Hazan pour La Fabrique, on fait partie, justement. Vous avez d'autres éditeurs plus classiques comme Perrin, Fayard, Albain Michel. Le point le plus important, c'est le sujet et comment il va être traité. Est-ce que c'est quelque chose de nouveau, une nouvelle approche ? Par exemple, pour Armand Collin, j'ai été enseignant pendant une dizaine d'années il y a quelque temps. Dans ma tête, ça restait des ouvrages très universitaires ou très scolaires. Et là, on voit le changement depuis quelques années. La charte graphique a changé, les sujets ont changé. On a invité Julien Dupont pour Imaginer Demain. Lui est géographe dans un établissement scolaire. Il présente des cartes du futur, du monde, avec un petit mélange de littérature, de philo. Il invente des cartes. Ça, c'est des sujets intéressants. On propose une nouvelle approche de la géographie. Donc voilà, ça, c'est des petites choses qu'on attend des éditeurs. Ce qui se passe, c'est que les sciences humaines, il y a le prix aussi qui entre en jeu. Ça, c'est un petit élément qu'on voit un peu dans tous les rayons. Les gens font attention. Lorsqu'il y a une sortie grand format, ils attendent de plus en plus la sortie. poche. Surtout en sciences humaines, des fois les ouvrages sont assez onéreux, d'où l'intérêt de se positionner beaucoup aussi sur les formats poche.

  • Speaker #0

    Merci aux éditions DUNEAU pour cette séquence de transmission des savoirs. Christophe, qu'est-ce qu'on peut souhaiter à la librairie Les Nouveautés et peut-être plus généralement aux librairies indépendantes de l'Est de Paris ?

  • Speaker #2

    Alors, si on reste sur notre librairie, il y a un petit changement. Le gérant, le créateur, parle à retrait, donc c'est repris par d'autres libraires. Donc, on reste une librairie indépendante, on le restera. Les librairies de l'Est parisien aussi, avec leur système de libre-Est, ça marche très, très bien. Elles sont bien implantées dans leur quartier. c'est un élément moteur. Ça permet à des librairies indépendantes d'être présentes, d'être vivantes encore, puisque le prix du livre est exactement le même partout, que ce soit sur Internet ou en magasin. Donc en fait, on trouve les mêmes ouvrages partout au même prix. La petite chose en plus qu'on n'a pas sur Internet, c'est que vous avez les libraires qui sont présents dans le magasin et qui, eux, peuvent vous conseiller. Mais ça, c'est le petit plus qu'on n'a pas sur Internet. Pour ça, il faut que les librairies indépendantes soient vivantes ou présentes. Quand il n'y aura plus de librairies indépendantes et qu'on aura tout sur Internet, on va se retrouver avec 5-6 éditeurs. une quinzaine de titres et puis ça sera la fin.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Christophe. Merci.

  • Speaker #2

    Merci Myriam.

  • Speaker #0

    C'est la troisième partie de cet épisode, la rubrique en haut de la pile. Autour de moi, la clique critique de Livres Hebdo, Léon Catan, Charles Knapek et Jacques Braunstein. Bonjour à vous trois. Bonjour. Et une invitée spéciale. Bonjour Marie-Madeleine Rigopoulos. Bonjour Lorraine. Merci d'être avec nous. Le milieu littéraire te connaît bien. Grande lectrice qui sait interroger les écrivains et écrivaines comme personne, en festival ou ailleurs. Tu es chroniqueuse pour Le Nouvel Économiste et tu réalises un podcast hebdomadaire qui s'appelle Conversations littéraires. Marie-Madeleine, en première partie de cet épisode, on a parlé de prescriptions littéraires. J'avais envie de te demander pour commencer, toi, qu'est-ce que tu penses de la prescription littéraire par les journalistes aujourd'hui ? Est-ce que tu penses que les médias ont encore de l'impact ?

  • Speaker #4

    Alors, je vais le dire avec un petit pincement au cœur parce qu'évidemment, ça ne me fait pas du bien de le dire, mais j'ai l'impression que quand même un peu moins qu'avant. En revanche, j'ai le sentiment que les festivals sont de plus en plus prescripteurs, c'est-à-dire que le contact humain, les événements autour du livre, les lectures, les débats, les rencontres, génèrent une forme d'engouement de plus en plus fort. Et j'ai le sentiment que le festival est en train un peu de prendre le pas sur la prescription journalistique.

  • Speaker #0

    Jacques ?

  • Speaker #5

    Moi, mon impression, c'est que ce n'est pas que les journalistes soient oubliés, mais c'est que dans un monde de plus en plus horizontal, les festivals, les influenceurs, les libraires... les journalistes, on est tous finalement des influenceurs du livre. Il n'y a plus un magistère des journalistes. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas qu'ils continuent à faire leur travail et qu'ils essayent de le faire bien.

  • Speaker #4

    Oui, je suis assez d'accord. Le rôle est partagé et c'est devenu plus caléidoscopique la prescription. On n'a plus la statue du commandeur, du grand journaliste, même s'il y en a et qu'ils ont des très belles plumes.

  • Speaker #0

    Alors ici, à Livres Hebdo, on estime qu'on n'est jamais assez nombreux pour prescrire des livres et ouvrir le champ des découvertes. On va donc... entendre vos coups de cœur et des cryptages. Mais avant cela, Jacques, quel est le chiffre du mois ?

  • Speaker #5

    Le chiffre du mois, c'est 50. 50, c'est le nombre d'éditeurs dans le Global 50, le Global 50, qui est un classement international que nous réalisons avec nos confrères de Publisher Weekly, du Bookseller et d'autres journaux professionnels du livre à travers le monde. Ce mois-ci, nous pouvons donc donner les résultats des plus grands éditeurs du monde et de nos clients. pour l'année 2023. Alors, d'abord, un petit cocorico, c'est que les éditeurs français et les groupes français se maintiennent très bien, puisque Hachette est toujours 7e éditeur du Monde et 3e éditeur de littérature générale. Editis est toujours 25e. Média Participation est passé de la 29e à la 25e place. Madrigal, de la 33e à la 32e place. Et Albin Michel, de la 46e à la 45e place. L'autre information... importante de ce Global 50, pardon pour l'anglicisme, mais c'est un classement international, c'est que le métier change avec l'intelligence artificielle. L'exemple le plus intéressant, c'est celui de Relix Group, je ne sais jamais comment il faut dire, qui est le premier éditeur du monde qui fait beaucoup de choses en digital. C'est un éditeur professionnel. Aujourd'hui, 90% de son activité est en digital. Il a créé un robot conversationnel qui s'appelle Lexi AI. Son revenu est en hausse de 7%. au premier semestre. Et là où c'est une bonne nouvelle, c'est que le cabinet Goldman Sachs avait identifié Relix comme un des futurs perdants de l'IA. Eh bien, non, au contraire, il a réalisé de très bons résultats en s'adaptant. Et alors, il y en a même d'autres qui s'adaptent énormément. Je pense notamment à l'éditeur professionnel allemand Hoff, qui a décidé qu'il n'était plus un éditeur. Et il a demandé à ce qu'on le retire du classement du Global 50, puisqu'il est qu'il a changé de métier. Voilà un des effets un peu inattendus de lire.

  • Speaker #0

    Merci Jacques. Marie-Madeleine, à toi l'honneur. Tu nous parles d'un office littéraire qui a eu lieu quelques siècles avant Jésus-Christ.

  • Speaker #4

    Oui, une fois n'est pas coutume. Et puis surtout pour montrer à quel point la littérature peut être atemporelle. Et qui plus est cette littérature, j'ai nommé Homer. le plus grand écrivain du monde de l'histoire. Je suis grec, je ne vais pas me priver. Homer, l'Iliade, une nouvelle traduction par Emmanuel Lascoux aux éditions POL. Une traduction absolument magnifique. Pourquoi magnifique ? On l'avait déjà vu avec Emmanuel Lascoux en 2021, il avait traduit l'Odyssée. D'ailleurs, il a fait les choses à l'envers. Il s'en est pris d'abord à l'Odyssée avant de passer à l'Iliade. Parce que l'Odyssée est quand même... un petit peu plus facile, je mets des normes guillemets évidemment, mais comparé à l'Iliade qui est plus ardue, qui est plus longue aussi, je pense qu'il avait un petit peu peur de s'y attaquer. Il avait tort parce que le résultat est exceptionnel, c'est une très très belle traduction, mais surtout la particularité de la traduction d'Emmanuel Lascaux, c'est qu'elle est d'une modernité extraordinaire. Il est allé chercher ce phrasé, cette scansion, qui en fait revient d'une certaine manière à l'original, dans le sens où... Au départ, l'Iliade, c'est un chant, c'est parler, c'est chanter. C'est un texte qui était fait pour être raconté aux gens au coin du feu et partagé. Et il a retrouvé cette musicalité, il a retrouvé cette modernité dans le langage. Il prend des libertés, d'ailleurs, avec des onomatopées, avec un peu d'argot très contemporain. Et l'autre particularité d'Emmanuel Lascaux, c'est qu'il est musicien en plus d'être héléniste. Et ça, c'est très, très important parce que, justement, il a ce sens de l'ascension et de l'art rythmique. D'ailleurs, il fait des lectures en langue originale, c'est-à-dire en grec ancien, qui sont assez épiques.

  • Speaker #5

    Moi, ce qui me frappe, c'est que Frédéric Boyer, qui dirige les éditions POL, lorsqu'il était aux éditions Bayard, avait retraduit les évangiles avec notamment Emmanuel Carrère. Et je trouve ça formidable, effectivement, cette volonté et ce fil rouge de toujours retraduire les grands textes et de faire que chaque jour, il reste actuel.

  • Speaker #4

    Actuel en rappelant que ce sont des textes qui nous... concerne. Moi, c'est ça que je trouve extraordinaire. C'est-à-dire que c'est pas une niche, en fait. C'est ça qu'on commence à comprendre, c'est que ça redevient une partie de l'actualité littéraire, comme si ces textes venaient de paraître. Et moi, c'est ça que j'aime. Et c'est aussi une manière intelligente de l'aborder, parce que l'Odyssée et l'Iliade, c'est la base de toutes les dramaturgies du monde, même de la soap opéra. Vous regardez la soap opéra, c'est les atrides. C'est tout le monde couche avec tout le monde, tout le monde s'entretue, tout le monde se trahit. C'est la base de la narration contemporaine.

  • Speaker #0

    L'Iliade de Homer, traduit du grec ancien par Emmanuel Lascoux, ça sort le 3 octobre chez POL, ça fait 672 pages. Merci Marie-Madeleine. Léon Catan, on fait un bond de quelques siècles en avant avec toi. Qu'est-ce que tu nous apportes ?

  • Speaker #1

    Oui, alors pour parler de ce livre, j'aimerais bien qu'on remonte un petit peu en avant, bien avant sa conception dans les années 90 aux Etats-Unis, quand un groupe d'étudiantes prennent d'assaut la scène... punk locales. Elles ont des groupes qui s'appellent Bikini Kill, Brat Mobile ou encore Slater Kiné. Et on ne voit qu'elles quand elles décident de commencer à faire des concerts. Elles ont des jupes d'écolières, des insultes sexistes qui barrent leur torse. Elles savent à peine faire de la musique mais par contre elles savent crier et surtout elles crient des choses très intéressantes. En fait elles lancent ce qu'on appelle le mouvement Riot Girl, un mouvement de contestation par rapport à l'entre-soi masculin des lieux alternatifs. Et du coup, pour allier le geste à la parole, elles essaient de communiquer par des moyens plus subversifs, on va dire, et donc à travers le zine, ce petit livret fabriqué à la va-vite dans des imprimeries locales. L'idée, ce n'est vraiment pas de faire un bel objet, mais plutôt de créer un espace d'expérimentation poétique, artistique. Et en fait, c'est ce même élan créatif qu'on va retrouver chez Nelly Slim et Marcia Burnier, qui décident de lancer leur propre zine en 2017. Elles ne veulent pas s'embêter avec des fioritures ou de polir sur les bords ce qu'elles ont à dire. Elles vont vraiment lancer un appel à texte un peu comme ça, qui va du coup donner le zine It's been lovely, but I have to scream now Donc encore une fois, quelque chose qu'elles font du fin fond de la creuse avec des ciseaux à bout rond en allant squatter les imprimantes des copines. Et en fait, elles lancent du coup un appel à texte et surprise, ça marche hyper bien. Et du coup, elles se retrouvent avec énormément de contributions de femmes et de personnes queer. Ça peut être du slam, des pamphlets politiques, de la prose, enfin bref, plein de choses. Et en fait, elles vont carrément pouvoir pousser l'aventure jusqu'à 16 volumes qui vont circuler un peu sous le manteau à prix libre. Et justement, aux éditions, Kambourakis sort ce mois-ci une sorte de synthèse de Toulzine, en fait, avec une quinzaine de textes à peu près. On va retrouver des textes anonymes, mais aussi des figures un petit peu plus connues des milieux alternatifs. comme Daria Marx qui est une militante anti-grossophobie. Et en fait, ce qui est vraiment intéressant, je trouve, c'est de voir aussi l'évolution à travers ces textes de 2017 à 2020 où entre-temps il y a MeToo qui se produit. Isabelle Kambourakis, par exemple, m'avait expliqué qu'en 2017, elle recevait très peu de textes. Elle, elle pense que c'est parce que c'était une génération de femmes qui n'osaient pas forcément prendre la plume, ou en tout cas de manière un peu périphérique, justement, dans des zines ou sur Internet. Et là, du coup, voilà, il y a vraiment quelque chose qui change et le zine cristallise très bien tout ça. Et je trouve que justement, avoir ce testament de cette époque, ça fait qu'on espère que les femmes et les personnes queer vont prendre de plus en plus de place dans l'édition conventionnelle, mais aussi que ces lieux d'expression subversif et inclusif vont continuer de fleurir. On a un peu de chemin encore avant que tout le monde puisse prendre la parole.

  • Speaker #0

    Marie-Madeleine, une réaction ?

  • Speaker #1

    Moi,

  • Speaker #4

    ce que je voudrais juste dire, c'est quand même très réjouissant de voir qu'il y a des initiatives collectives qui se font autour de l'édition et du livre. Je trouve que ça démontre qu'il ne faudrait peut-être pas trop vite pleurer sur la mort de l'édition et de la littérature. Parce que quand on entend ce genre d'aventure, on se dit que ce n'est pas de main la veille.

  • Speaker #0

    Donc ça s'appelle It's been lovely, but I have to scream now C'est post-facé par Camille Cornu et coordonné par Marcia Burnier et Nelly Slim. Ça sort le 2 octobre chez Cambourakis. Merci Léon. Charles, on a un peu traversé le temps et toi, tu nous parles du futur.

  • Speaker #6

    Oui, Lorraine, je parle du futur, mais finalement, je vais en profiter pour rebondir sur ce que disait Marie-Madeleine à propos de l'Iliade. L'Iliade, on dit souvent que c'est le premier texte d'imaginaire. Moi, je vais vous parler d'un roman de Michel Niewack, un auteur argentin qui est publié dans une nouvelle collection qui s'appelle Chimère aux éditions Christian Bourgois, qui s'appelle L'enfance du monde, qui a cette particularité d'être un diptyque, c'est-à-dire qu'il y a un roman et ensuite une partie essai, qui s'appelle la science-fiction capitaliste. Ces deux textes sont vraiment en regard l'un l'autre. On a d'un côté une histoire complètement folle qui se déroule dans un futur proche, qui est marqué par le réchauffement climatique, et qui met en scène un moustique, un moustique géant, qui va à l'école avec des humains. et qui est victime de harcèlement parce qu'il est différent. Et on lui fait payer sa différence. Alors évidemment, on va comprendre en arrière-plan, ce moustique, c'est un précurseur, c'est un mutant. C'est le premier d'une race de mutants qui est en train de transformer le visage de la population terrestre. Et à un moment, il va se rebiffer, c'est-à-dire il va dire Non mais attendez, moi je suis un moustique géant, j'ai ma petite trompette, là je vais te... Je vais te piquer et puis tu vas voir ce que tu vas voir. Donc c'est un peu ce qui se passe au départ. Et puis ce moustique se lance dans une espèce de vendetta contre les humains et se met à massacrer tout ce qui est humain sur son passage. Et en fait, et c'est là que c'est intéressant, parce qu'en fait, c'est pas vraiment une explication de texte, mais quand il fait son essai qui s'appelle la science-fiction capitaliste... Michel Nieva, qui montre qu'il n'est pas seulement un excellent romancier, mais aussi un très fin connaisseur de la science-fiction et des cultures de l'imaginaire, montre à quel point finalement le capitalisme est tellement pétri des imaginaires de la science-fiction qu'il est prêt déjà aujourd'hui. C'est là que c'est rigolo parce que du coup, Elon Musk et Jeff Bezos et consorts en prennent pour leur grade. Les capitalistes d'aujourd'hui, même si l'environnement n'est pas encore ravagé, en tout cas autant. que dans le roman. Finalement, pour eux, c'est pas un souci, c'est-à-dire qu'on pourra toujours exploiter, on pourra toujours trouver des manières de faire de l'argent, même dans un environnement totalement dégradé. Voilà. Et on se rend compte que l'imaginaire, c'est pas que des histoires pour se divertir, finalement, il y a tout un fond de réflexion, de prospection, c'est de comprendre le monde dans lequel on est, le monde vers lequel on va. Donc c'est ce qui m'a beaucoup plu dans ce texte de Michel Nieva chez Christian Bourgois.

  • Speaker #0

    Marie-Madeleine,

  • Speaker #4

    c'est plus que ça, je dirais, c'est éminemment politique. Les premiers lanceurs d'alerte, d'une certaine façon, c'est les auteurs de science-fiction. Peu que le livre soit de qualité, mais en tout cas, je pense vraiment que la fiction est éminemment politique et philosophique.

  • Speaker #0

    L'enfance du monde, suivi de la science-fiction capitaliste, Michel Nieva s'est traduit de l'espagnol, donc espagnol-argentin, par Sébastien Rutes. Et ça apparaît chez Christian Bourgois le 3 octobre. À mon tour, je vous parle d'une collection de livres que j'ai trouvé éblouissant. pour les tout-petits, porté par le romancier, lauréat du Prix Goncourt, Alexis Gény, chez Paul Seine, sur le thème de l'aventure. Ça s'appelle Celle et celui qui À chaque fois, c'est le portrait d'un aventurier ou d'une aventurière, souvent oubliée de l'histoire, et qui porte des valeurs qu'on n'a pas l'habitude de voir dans les récits d'explorateurs. C'est en cela que je trouve cette collection très moderne. Celle qui savait se débrouiller toute seule c'est le portrait de... Ada Blackjack, originaire d'Alaska, partie à 23 ans pour s'engager dans une expédition sur une île arctique, entourée d'hommes évidemment très méprisants à son égard. Elle a été la seule survivante de cette expédition. Le deuxième livre s'appelle Celui qui voulait tout faire très très bien, illustré par Zafouko Yamamoto. Et c'est l'histoire de Fritjof Nansen, un explorateur polaire du XIXe siècle, qui a la particularité d'avoir cherché toute sa jeunesse à faire mieux, de mieux en mieux. plus loin, plus haut, plus fort, jusqu'à finalement abandonner les explorations et découvrir un moteur, un but inattendu qui l'a amené à sauver des milliers de vies par la création d'un passeport pour les réfugiés. Je ne vous raconte pas par quel détour, c'est tout le sel de l'histoire. Ce que je vous raconte là, en tout cas, c'est vraiment la vision d'Alexigénie qui raconte ses histoires toujours de l'intérieur. C'est très inhabituel. En fait, Alexigénie déteste voyager. Il m'a expliqué qu'il avait horreur des avions, des transports, des déplacements, mais il a une... passion pour l'ailleurs qu'il découvre dans les livres, au point de réussir à faire croire qu'il y a été. Sa façon de raconter les histoires est donc 100% écolo et il assume le récit d'un héroïsme qui n'est pas celui des gros bras, mais celui du doute, du tâtonnement. Les illustrations sont magnifiques, les textes sont très émouvants et drôles. Moi, je parie sur une inversion des rôles en famille. Ce sont les adultes qui supplieront les enfants encore, encore une histoire, s'il te plaît, la dernière. Celle qui savait se débrouiller toute seule et celui qui voulait tout faire très très bien. C'est donc le début d'une aventure d'Alexis Gény chez Paul Sen, le 17 octobre. Sur ce, je vous souhaite de beaux voyages imaginaires à travers les livres. Et on se retrouve en novembre pour un prochain épisode. A bientôt ! C'était Les Voix du Livre, le podcast mensuel de Livres Hebdo présenté par Lorraine Malka. À la musique, Ferdinand Bayard. Si vous avez aimé cet épisode, abonnez-vous au podcast Les Voix du Livre et envoyez-nous des tas de cœurs et d'étoiles. À bientôt !

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • En ouverture: la prescription littéraire, des forces qui nous échappent?

    00:42

  • A la rencontre de la librairie Les Nouvautés à Paris

    10:23

  • L'équipe critique de Livres Hebdo

    20:23

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