- Speaker #0
Cet épisode est soutenu par les éditions Milan qui lance Yam Yam, une nouvelle collection de webtoons au format papier signé par des créateurs du monde entier, destiné aux lectrices et lecteurs dès 10 ans. Cette collection sera inaugurée par deux séries, This Must Be Love, une plongée au cœur des années 80 en Corée du Sud, et Moon & Iro, une aventure d'amitié et de magie. Rendez-vous dès le 22 janvier en librairie.
- Speaker #1
Un sujet qui va nous permettre de glisser en douceur vers le magazine, la bande dessinée. Cette bande dessinée qui est en pleine expansion. Il y a quelques années, elle était réservée aux enfants, mais désormais les adultes s'intéressent de plus en plus près à ce mode d'expression. Et Gilbert Picard, le premier salon international de cette spécialité, vient de se tenir à Angoulême.
- Speaker #0
Depuis 1974, sa première édition, le salon d'Angoulême a pris du galon. Le marché de la BD s'est structuré, diversifié, politisé, féminisé même, pas encore assez. En 2021, un livre acheté sur cinq en France est une bande dessinée. Mais qu'en est-il aujourd'hui, veille de la 52e édition du Festival d'Angoulême ? C'est le sujet d'ouverture de cet épisode. Je m'appelle Lauren Malka, je suis journaliste indépendante et vous écoutez Les Voix du Livre, un podcast conçu en partenariat avec les éditions Dunod. Chaque mois, je vous embarque chez Livres Hebdo pour entendre le bruit que ça fait quand les pages du magazine du livre se mettent à parler. Au sommaire, en deuxième partie, direction Bordeaux pour rencontrer l'équipe de la librairie Mollat, petite librairie indépendante selon eux, mais qui en fait est l'une des plus grandes d'Europe. À la fin de l'épisode, les plumes critiques de Livres Hebdo, qui ont passé l'hiver à lire des jeux d'épreuves, se réunissent autour de la table pour énoncer la crème de l'hiver 2025. Avant cela, Benjamin Roure, le BDphile de Livres Hebdo et rédacteur en chef du site bodeuil.info, décrypte les tendances du marché de la BD lues à travers les bulles du Festival d'Angoulême.
- Speaker #2
Les Voix du Livre - en ouverture:
- Speaker #3
En effet, la 52e édition du Festival international de la bande dessinée d'Angoulême s'ouvre le 30 janvier. Et c'est tout le petit monde de la bande dessinée qui s'y pressera, qui sur le marché des droits, qui sur les stands pour obtenir une précieuse dédicace, qui dans les expositions qui s'annoncent à nouveau remarquables. Mais derrière la fête d'un secteur qui a dopé l'édition comme jamais ces dernières années, les mines seront sans doute un peu plus moroses cette année, notamment du côté de la BD indépendante, toujours la première à souffrir d'une contraction du marché global et de l'inquiétude des libraires. C'est ce que nous avons voulu essayer de comprendre dans le spécial BD manga de Livres Hebdo. Revenons rapidement quatre ans en arrière. En 2021, on sort du Covid, le marché était un peu foufou, mais dans le bon sens. Les gens confinés redécouvrent l'intérêt et le plaisir de lire. Les libraires indés sont finalement des commerces essentiels. Et c'est le manga qui explose. Porté par l'arrivée de plusieurs blockbusters de bonne qualité, et aussi des animés qui déferlent sur les écrans, le manga répond à une envie de divertissement, malin et au long cours, pour plusieurs générations en même temps. Les enfants d'aujourd'hui, les ados, les jeunes adultes, et même les quadras comme moi. Et le manga jouit aussi de l'effet du pass culture au même moment. La bande dessinée japonaise dépasse alors les autres, plus d'une BD vendue sur deux est alors un manga. À cela s'ajoute le fruit d'une structuration solide du marché depuis les 20 dernières années. Grand groupe. comme petits indépendants ont profité de cette croissance, mais il semblerait que ce mini âge d'or soit derrière nous. Premier symptôme, les ventes du manga ont reculé. Côté BD, on veut dire qu'au global, ça se maintient, surtout au niveau macro, les grandes séries classiques et les hits de fin d'année, Astérix, Lucky Luke, Blake et Mortimer, les vieux fourneaux, étouffent l'érosion des sorties plus modestes, mais même elles commencent à tirer la langue. Et des éditeurs importants, de Delcourt à Bamboo, en passant par Dupuis ou Jungle, m'ont confirmé qu'il est de plus en plus compliqué d'imposer de nouvelles séries. Cependant, bonne nouvelle, la créativité est toujours là et de nouvelles collections continuent d'être lancées. Dargaud a lancé Combo l'an dernier en ciblant les jeunes adultes. Elle lance Charivari cette année, dès ce mois de janvier avec Polymermé aux commandes. Albin Michel a renforcé son offre jeunesse avec de l'humour. Bayard, sa ligne adulte, Fayard, Rivages tentent aussi de se faire une place. Mais le lancement qui m'a le plus emballé en 2024, c'est celui du Renard Doré, une collection de manga pour le tout jeune public au sein de Rue de Sèvres, qui est la maison d'édition BD du groupe École des Loisirs. Les deux directeurs de collection ont réussi à dénicher des petites perles pleines de douceur, sans sexe ni violence et au graphisme atypique, pour investir un segment jusqu'ici curieusement délaissé. Mais est-ce que ça marche vraiment ? Alors qu'on dit qu'en général, hors du shonen, point de salut. J'ai posé la question à Agathe Jacon, directrice du développement de l'école des loisirs. Selon elle, la collection suscite beaucoup d'enthousiasme du côté des professionnels.
- Speaker #0
Étonnamment, je dirais, mais en fait, la démarche a tout de suite été comprise. Elle a été comprise déjà en interne, ce qui n'était pas forcément évident, auprès des bibliothécaires, auprès des libraires et puis auprès de la critique, et ça c'est vraiment très encourageant pour les personnes qui observent le marché, et qui ont pris cette démarche.
- Speaker #3
Oui, mais du côté des lecteurs et des lectrices, est-ce que ça prend ?
- Speaker #5
Alors, clairement et heureusement, parce que sinon, je vais en parler peut-être avec plus d'inquiétude. Ce qui est très encourageant, c'est qu'effectivement, on a une production qui dépasse 6 000 exemplaires en six mois de vente. Donc, je peux citer évidemment le voyage d'Ours-lune,
- Speaker #6
qui a d'ailleurs été récompensé par du prix ACB Jeunesse,
- Speaker #0
à l'occasion du CERN de l'Union Europe. C'est d'ailleurs la première fois que l'éthique de bandes dessinées est récompensée en l'égard, qui s'affiche des 15 000, ou bien la forêt Hoshigahara Ausha, qui passe les 15 000 sur son premier tome avec les autres qui suivent. Donc voilà, c'est un pari réussi. Un pari réussi en France, pour l'instant, qui intrigue et impressionne les ayants-droit japonais. Toutefois, il faudra voir sur la durée si le Renard Doré ne finira pas lui aussi par souffrir des tensions sur le pouvoir d'achat et surtout de la surproduction à l'œuvre dans le secteur BD et manga depuis au moins 10 ans. Une surproduction qui alimente, en cache, les éditeurs industriels, mais qui pèse de manière presque morbide sur les petits indépendants. C'est ce que j'ai senti au dernier festival de Colomiers en novembre dernier. Un festival entièrement dédié à la bande dessinée indé et qui fait des super ventes, mais où une certaine inquiétude était vraiment palpable. Et même pour Serge Ewenczyk, fondateur de çà et là. Après deux années boostées par deux fauves d'or à Angoulême, pour Écoute Jolie Martia et La Couleur des Choses, la maison semble revenue à un train de vie normal. Alors c'est habituel pour les indés, mais là, la tendance est quand même vraiment peu rassurante.
Non, non, de toute façon, cette fragilité, on l'a toujours connue. Pour l'éditeur indépendant, elle est pour le coup la fragilité et le côté montagne russe, c'est structurel. S'il y a quelque chose que j'ai compris en 20 ans, c'est bien ça, c'est que les hauts et les bas, on les a tout le temps, donc des bas plus prononcés, des hauts plus prononcés. Effectivement, on a, de manière générale, une mauvaise année 2024. Depuis le début de l'année, les libraires se plaignent qu'il y a un peu moins de monde en librairie, que les gens ont peut-être moins de livres. Je dirais que sur notre réseau de librairies, effectivement, on a une vraie tension avec des mises en place qui restent correctes, mais des taux de réassort qui sont plus bas que d'habitude pour des livres qui marchent bien, une vitesse de vente moindre, et puis des libraires qui sont très, je veux pas dire anxieux, mais en tout cas, moi j'étais au Royaume-Uni National de la librairie à Strasbourg et le climat général était quand même très très très négatif, tout ça sans raison pour les éditeurs indépendants.
- Speaker #3
Pour illustrer cette crise en germe, j'ai voulu interroger The Hoochie Coochie, une passionnante maison associative qui a appelé à l'aide en mai dernier pour éponger des dettes importantes et se sauver, tout simplement. Pour l'instant, c'est réussi. Gautier Ducatez, sa cheville ouvrière, revient sur cet épisode douloureux à mon micro. Je lui ai demandé l'origine de cette crise pour The Hoochie Coochie ?
- Speaker #2
Ce qui s'est produit, en fait, c'est qu'on a eu des taux de retour de librairies qui étaient complètement délirants. Sur certains titres, en fait, c'était à peu près 70% de la mise en place. Ce qui est surtout triste, c'est de voir que tous les efforts portent sur des livres que tu envoies en librairie qui sont pas lus et puis, en fait, ils reviennent. Le taux de rotation est devenu extrêmement rapide. C'est-à-dire que parfois, en fait, il y a des bouquins qui partent en retour au bout de deux mois de présence en librairie. Donc effectivement, je crois que la concurrence est tellement fort en librairie que c'est dommageable pour des petites structures comme les nôtres.
- Speaker #3
La vente de soutien de mai dernier lui a permis de sortir la tête de l'eau. Et malgré les difficultés à se rémunérer décemment, l'engagement de Gautier Ducatez est intact. Il n'est plus en mode survie, il est en mode combat.
- Speaker #2
Je vois vraiment ça comme une lutte, en fait. Et je n'ai pas du tout envie d'abdiquer. Il y a des gens qui comptent sur nous. Il y a des libraires qui nous sollicitent, qui nous soutiennent, qui nous encouragent. Je me projette même sur 2028.
- Speaker #3
Pour rester sur les projections vers l'avenir, j'ai aussi parlé à Olivier Bron, qui co-dirige les éditions 2024. Baptisées ainsi à leur naissance il y a 15 ans en espérant tenir jusqu'à cette date de 2024, maintenant que le cap est passé, elles deviennent désormais les éditions 2042. Même si elles ont un catalogue varié et solide, bien repéré, elles subissent les dégâts de la surproduction aussi bien économique qu'écologique et même humain. Mais Olivier Bron, face à des éditeurs mainstream qui finissent par les copier, pense que c'est en affirmant leur singularité et leur positionnement politique que les éditeurs indépendants peuvent sortir leur épingle du jeu. On écoute Olivier Bron.
Moi, je pense qu'il faut ramener beaucoup de politiques dans ce qu'on fait. Un travail qui a été fait beaucoup par l'Indé à un moment, on doit revenir collectivement à l'idée que nos façons de travailler, indépendamment de ce qu'on publie, ne portent pas le même projet de société. Et après, à chaque fois qu'il faut se positionner vis-à-vis de ça. Il espère aussi un miracle avec une prise en main des politiques sur le sujet. Je lui ai dit que ça n'avait pas l'air d'en prendre le chemin, mais il a l'air d'être plus optimiste que moi.
- Speaker #2
Non, mais en 2027, tout ira mieux. Ah oui, c'est vrai. Je note cet optimisme, ça fait plaisir quand même.
En fait, être éditeur indépendant de bande dessinée, c'est comme le dit Serge Ewenczyk, de chez çà et là, c'est vivre dans le déni permanent. Car si tu cogites trop, si tu te perds en calcul savant, en oubliant pourquoi tu veux plier le travail audacieux d'autrices et d'auteurs, tu n'as plus qu'à changer de métier. C'est un peu la saveur, douce-amère, de l'entretien en longueur qu'il m'a accordé pour les 20 ans de çà et là et que vous retrouverez dans le prochain spécial BD manga de Livre Hebdo.
- Speaker #0
Le dossier complet signé Benjamin Roure est à retrouver dans le numéro de janvier de Livre Hebdo.
- Speaker #2
Les voix du livre - En chemin.
- Speaker #0
Nous sommes le 15 novembre 2024 à Bordeaux. Le temps est très ensoleillé et je m'apprête à entrer à la librairie MOLA, la plus grande librairie généraliste de France. Une institution de bientôt 130 ans qui tient à garder sa joie de vivre et son humilité comme si tout était toujours à recommencer. L'auteur de ces mots est ici devant moi, il s'appelle Pierre. Coutel. Bonjour Pierre.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #0
Vous êtes directeur du livre au sein de la librairie Mola, merci de nous accueillir. A côté de vous, il y a aussi Géraldine Laffont. Bonjour Géraldine.
- Speaker #6
Bonjour.
- Speaker #0
Responsable du pôle savoir chez Mola, Pierre Coutel donc bientôt 130 ans, c'est un grand âge, mais c'est aussi un devoir, m'avez-vous dit.
- Speaker #2
Oui, effectivement, c'est-à-dire qu'à la fois la taille, l'âge de la librairie, on considère qu'elle nous oblige, comme on disait, c'est-à-dire que les gens s'attendent en venant à la librairie Mola à trouver à la fois des solutions, des solutions Un lieu dans lequel on trouve quasiment toutes les nouveautés qui paraissent, mais aussi et surtout c'est une librairie de fond. Donc c'est une librairie dans laquelle on retrouve les ouvrages anciens et essentiels et qui ont constitué l'histoire à la fois de la littérature et des différents domaines en France. Et ce qui nous oblige effectivement, c'est une qualité de service par laquelle les libraires sont capables de conseiller, proposer une offre qui fait envie, qui donne le goût de la découverte au client.
- Speaker #0
Comment vous faites pour donner envie au client ?
- Speaker #2
Alors en fait... Ce qui est très intéressant, c'est que la librairie Mola, c'est à peu près 120 salariés, 55 libraires. Et ce qu'il faut savoir, c'est que ces 55 libraires, ils ont tous une autonomie d'achat. C'est-à-dire qu'en fait, il n'est pas possible pour un individu, on a 190 000 références au sein de la librairie, réparties sur à peu près... 350 ou 400 000 volumes en stock. Et donc c'est impossible d'être à la fois incroyablement fort en sport, en cuisine, en philosophie, en littérature. Et donc effectivement, c'est la compétence, elle est au niveau des libraires qui sont dans les rayons, qui quotidiennement voient passer des clients et qui quotidiennement réassortissent les livres. Donc ce qui est important pour ça, c'est de ne pas avoir une logique pyramidale dans laquelle il y aurait une autorité qui choisirait l'ensemble de l'offre, mais au contraire, fait que l'offre soit établie, choisie, valorisée par les libraires qui sont au contact des lecteurs. Alors, on a deux façons finalement de valoriser cette offre absolument considérable. C'est effectivement d'un côté faire en sorte que ce soit les libraires qui choisissent cette offre, qui l'achètent et qui la mettent en scène dans le magasin. Et puis, il y a un autre versant qui est le versant numérique, c'est-à-dire sur les réseaux sociaux, le fait que l'ensemble des publications soient assurées, portées par les libraires. Et en particulier, l'une des choses qui a été le plus développée, c'est la partie YouTube avec les vidéos. Donc depuis 2009, maintenant, on a constitué un fonds qui représente plus de 10 000 vidéos d'auteurs avec... quasiment, je crois, à 130 ou 140 000 abonnés sur YouTube, ce qui est pour une librairie, il y a beaucoup. Et ce qui est important de comprendre, c'est effectivement, de même que ce sont les libraires qui choisissent les livres, ce sont les libraires qui vont se dire, tiens, il nous semble que dans les prochains offices, dans la prochaine rentrée, les auteurs dont il faudrait avoir une vidéo, c'est un tel, un tel et un tel. Et ce sont eux qui préparent les questions. Et après, il y a un studio à Paris qu'a la librairie dans le cinquième arrondissement, dans lequel on va filmer les auteurs, on va leur poser des questions. Avec ce qu'on nous sert, et ce qui est très important aussi, c'est que plus c'est long, plus on a de vues sur les vidéos. C'est-à-dire qu'il n'y a pas, contrairement à ce qu'on a longtemps pensé sur la question du numérique, il n'y a pas une prime forcément à la brièveté. Il peut y avoir aussi une prime à la qualité du contenu. Et c'est vrai que l'un des grands plaisirs, c'est qu'on est maintenant reconnu, identifié, et quand on va sur les salons, les gens savent que c'est la librairie Mola de Bordeaux qui vient filmer les auteurs.
- Speaker #0
Qui est quasiment devenue un média à part entière.
- Speaker #2
On est complètement un média, parce qu'on est un média dans les deux sens du terme. C'est une chose à laquelle on croit, c'est que la librairie, c'est un travail de médiation. et qu'il y a eu un moment, au début des années 2000, une sorte de fantasme de se dire on va passer directement du producteur au consommateur et on va retirer la médiation. Nous, ce qu'on voit, c'est qu'il y a une demande de médiation de la part des lecteurs, c'est-à-dire qu'ils vont venir en librairie pour dire moi j'ai envie de lire un livre sur tel sujet, qu'est-ce que vous me conseillez ? Les vidéos, c'est du même ordre, c'est-à-dire qu'en fait c'est un travail de médiation, c'est qu'on permet au lecteur, à l'auditeur, d'en savoir plus sur un livre avant de l'acheter grâce à ces vidéos.
- Speaker #0
On va rembobiner un petit peu, est-ce que vous pouvez me raconter l'histoire de la librairie, comment elle a été fondée ?
- Speaker #2
Alors la librairie, elle naît en 1896, pas très loin d'ici, à quelques centaines de mètres dans le passage bordelais. Et puis elle arrive dans les années 20, précisément à l'emplacement où nous sommes encore aujourd'hui, où se trouve le rayon littérature, il y a maintenant un siècle. Et elle va au fil des années, au fil des générations de la famille Mola, puisque l'un des cas particuliers c'est que c'est actuellement la quatrième génération de Mola qui dirige la librairie. Donc c'était Denis Mola qui en est le directeur. Cette librairie, elle va s'agrandir au fil des ans et elle va connaître, elle va suivre aussi l'évolution de ce qu'a été le commerce du livre en France. Donc évidemment, la librairie va être un lieu qui va énormément exploser dans l'après-guerre et surtout à partir des années 60. Quand la génération du baby-boom arrive à l'université et que la demande de livres commence à devenir très importante, la librairie va s'agrandir progressivement dans les années 70, 80 et jusqu'à... à connaître actuellement cette surface de 2700 m² qui s'est faite, on va dire, à la fois en grignotant le pâté de maison et en achetant des magasins au fur et à mesure.
- Speaker #0
Pour ce podcast, Livre Hebdo, en partenariat avec les éditions Duneau, pousse la porte des libraires pour les écouter nous décrire leurs enjeux, décrypter les tendances éditoriales du moment et partager leurs coups de cœur. La maison Duneau publie des ouvrages de non-fiction sous les éditions Duneau et Armand Collin pour rendre le savoir accessible au grand public, aux professionnels et aux étudiants. Nous sommes toujours avec Pierre Coutel et Géraldine Laffont. Géraldine, vous êtes responsable du pôle savoir chez MOLA et vous nous présentez un rayon très fréquenté ici, le rayon psychologie.
- Speaker #6
Oui, donc effectivement, la psychologie est un rayon très important à la librairie, très fréquenté. Il fait partie du pôle sciences, humaines, histoire. Le rayon psycho, en fait, est très tributaire d'actualité en santé mentale. Il y a eu les HPI, le phénomène... des hauts potentiels intellectuels, qui a été une grande préoccupation. Il y a eu l'hypersensibilité également, qui, grâce à des médias, a fait que des éditeurs, des auteurs se sont emparés de la question. Actuellement, ce qu'on voit un peu plus, c'est, depuis le Covid notamment, c'est les problèmes de santé mentale liés justement au traumatisme, au psychotrauma et aux liens intergénérationnels. C'est vraiment une très grosse préoccupation du moment. Et je dois dire aussi qu'on voit progressivement de nouveaux ouvrages arriver sur des tendances qui n'existaient pas jusque-là. Par exemple, la santé mentale masculine.
- Speaker #0
Je crois que vous avez des coups de cœur à nous présenter dans ce rayon.
- Speaker #6
Oui, donc j'ai trois coups de cœur à vous présenter. Tout d'abord de Sylvie Chocron, Dans le cerveau 2, aux éditions Les Presses de la Cité. Alors Sylvie Chocron, une neuropsychologue réputée. Son premier livre-ouvrage a été un très gros coup de cœur dans le cerveau d'Anna, où elle vulgarisait la neuropsychologie. Elle vient d'écrire ce livre dans le cerveau 2 et elle nous invite à nous mettre dans la tête d'un astronaute, d'un reporter de guerre, d'un musicien ou d'un cuisinier, pour voir un peu comment ces profils atypiques ont développé ces capacités fabuleuses dans leur cerveau. Donc mon deuxième coup de cœur est Tu devrais voir quelqu'un de Maude Lereste, aux éditions Anne Carrière. On se rend compte en psychologie, quand on regarde bien, les ventes et quand on regarde bien les clients, on a souvent affaire à un public assez féminin. Or, mot de le reste, c'est aperçu justement que d'abord parmi ces connaissances, mais ensuite en interviewant d'autres hommes, que les hommes sont bien victimes aussi de problèmes, d'anxiété, de stress, de dépression nerveuse et ne prennent pas soin finalement de leur santé mentale. Donc ce livre en fait regroupe Des témoignages bouleversants, une analyse sociologique et psychologique assez pointue. Donc ce livre invite également à réfléchir sur les moyens de briser les tabous et de favoriser une meilleure prise en charge de la santé mentale masculine. Et enfin, je voulais vous présenter une collection que nous adorons, la boîte à outils de Duneau. En fait, c'est une collection qui regroupe un grand nombre de titres et qui se veut être des guides synthétiques, visuels et... pour parfaire ses compétences professionnelles, mais elle s'est développée aussi sur le développement personnel et la psychologie. Et on trouve dans cette boîte à outils, par exemple, la boîte à outils de la créativité, de la gestion du stress, de la confiance en soi, prévenir la charge mentale. C'est des outils synthétiques, faciles à mettre en place, avec des astuces clés en main. C'est progressif, c'est vraiment une collection que nous recommandons très souvent à nos clients.
- Speaker #0
Merci aux éditions Duneau pour cette séquence de transmission des savoirs. Merci Géraldine, merci Pierre. On va bientôt fêter vos 130 ans. Quels sont les gros chantiers de développement sur les mois, les années, les 130 années peut-être qui viennent ?
- Speaker #2
Nous ce qui nous semble très important, si vous voulez, c'est que la principale révolution des dernières années, c'est le pass culture. Le fait que ça a considérablement rajeuni et profondément changé la clientèle de la librairie Mola en particulier et d'autres librairies. Et je pense que le principal enjeu, il est là. C'est-à-dire faire en sorte que cette clientèle qu'on a découvert et qui nous a découvert, surtout, c'est ça le plus important avec le pass culture, on reste pour eux un référent et un lieu désirable.
- Speaker #0
On vous le souhaite. Merci Pierre Coutel, merci Géraldine Laffont. Merci, à bientôt.
- Speaker #6
A bientôt.
- Speaker #2
D'accord. Voix du livre, en haut de la pile.
- Speaker #0
C'est la troisième partie de cet épisode, la rubrique en haut de la pile spéciale rentrée 2025. Cui-cui de Juliette Drouard, Carnes d'Esther Teilhard, deux premiers romans, Après de Raphaël Meltz et Il suffit d'écouter les femmes par Léa Weinstein, c'est notre palmarès, les voix du livre du mois de janvier. Autour de moi, deux critiques phares de Livre Hebdo, Marie Fouquet, aussi critique à Télérama, bonjour Marie. Bonjour Lorraine. Et Sean Rose, l'inénarrable, bonjour Sean.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
Et on accueille à notre table une invitée spéciale, Blandine Fauret. Bonjour Blandine.
- Speaker #4
Bonjour Lorraine.
- Speaker #0
Tu es programmatrice du festival littéraire Effraction, qui se tient habituellement au centre Pompidou, mais qui pour la première fois cette année se déroule à la Gaîté Lyrique. C'est une édition un peu spéciale. Est-ce que tu peux nous en parler ?
- Speaker #4
Effectivement, ce sera la sixième édition du festival Effraction. Mais compte tenu de la fermeture progressive des espaces du Centre Pompidou, on va cette année se délocaliser à la Gaîté Lyrique et on en est ravis. Alors la plupart des événements se passeront à la Gaîté Lyrique, mais il y aura quand même un certain nombre de choses qui se passeront. encore à la bibliothèque qui ne sera pas encore fermée et donc on aura une programmation sur le même schéma que toutes nos éditions, donc sur cinq journées. On aura des grands entretiens, notamment avec Lola Laffont, avec Vanessa Springora, avec Malice Decker-Angale, un grand entretien aussi autour de Fabrice Arfi. On aura des rencontres croisées, notamment avec Julia Deck et Gabriella Zalapi, avec Justin Morin et Mathieu Palin et aussi des performances, des lectures le soir, par exemple avec Dede Kabbal, avec Raphaël Meltz. dont on parlera aussi. Et puis, Célima Atalache-Etaoui, par exemple. Et puis, je vous invite, bien sûr, pour voir la programmation en détail, à aller sur notre site internet effraction.bpi.fr.
- Speaker #0
Ça donne très envie. Merci, Blandine. Rendez-vous du 12 au 16 février et c'est gratuit. Vous avez lu tous les trois les épreuves des livres qui paraissent en janvier. Vous en avez extrait la crème pour se réchauffer à la rentrée. On va en parler. Mais avant cela, Jacques Bronstein nous a rejoint. Jacques ? Quel est le chiffre du mois ?
- Speaker #7
Le chiffre du mois, c'est 507. C'est le nombre de romans publiés entre le 1er janvier et le 28 février. C'est donc ce qu'on appelle la rentrée d'hiver. Et comme l'année dernière, elle est un peu plus importante que la rentrée de septembre, dont pourtant on parle plus. Et effectivement, c'est toujours un enjeu pour les libraires, parce que c'est un petit peu compliqué. Autant pour préparer la rentrée de septembre, on a l'été pour découvrir les textes, autant pour la rentrée de janvier, ça va quand même très très vite. puisque grosso modo, en caricaturant un peu, on fait encore des paquets le 31 au soir et le 2 au matin, on est censé avoir lu ses 507 nouveaux romans, ce qui est un petit peu difficile. Traditionnellement, la rentrée d'hiver, c'était la rentrée de ceux qui avaient déjà eu des prix. Et on retrouve encore un peu ça aujourd'hui. Par exemple, David Funkinos ou Frédéric Beigbeder, qui sont des anciens prix Renaudot, sortent un livre en janvier. Leïla Slimani ou Pierre Lemaitre, qui sont des anciens prix Goncourt. sortent un livre en janvier. Et pour les Lassimani, finalement, c'est peut-être un tout petit peu plus facile pour le libraire, puisque c'est la fin d'une trilogie. Mais aujourd'hui, il y a aussi des premiers romans, et on ne va pas en être mécontent, puisqu'il y en a quand même 70. Ça veut dire que les éditeurs investissent sur les nouveautés. Il y a des romans étrangers. Enfin, bref, il y a aussi une fonction de découverte qui fait que c'est une rentrée un peu difficile à négocier. Cependant, je pense quand même que le fait qu'il y ait 507... livre au lieu de 482 l'année dernière. Bon, on va dire que c'est plutôt une bonne nouvelle, ça veut quand même dire que le marché reste dynamique et on espère que tous ces nouveaux romans se vendront bien.
- Speaker #0
Merci Jacques. Blandine, à toi l'honneur, tu as eu un coup de foudre pour un roman.
- Speaker #4
Tout à fait, c'est un roman de Raphaël Meltz qui paraît au Tripod qui s'appelle Après Alors dans ce livre, tout commence de façon un peu tragique par la mort d'un… père de famille, un accident à vélo, un accident un peu bête mais qui lui est fatal. Et puis la narration va épouser le point de vue du mort qui s'appelle Lucas et on va être avec lui, on va passer de l'autre côté dans cet après qui est donc le titre du livre. On va sentir voir avec lui parce que bien que mort et absent au milieu de ses proches, il ressent tout avec une acuité assez absolue. Et donc, on va le suivre. Et ce qu'on voit avec lui, c'est d'abord le chagrin immense de ses proches, de sa femme, de ses deux enfants. Ce que ça crée en eux, ce que ça crée aussi entre eux, dans cette cellule familiale meurtrie. Et puis surtout, comme je le disais, c'est vraiment un voyage sensoriel. C'est-à-dire que sans être là, Lucas continue à voir, à sentir les odeurs de la chevelure de sa femme. Le simple goût du café donne lieu à des très, très belles descriptions portées par une très belle écriture de Raphaël Mels. Moi, c'est un texte qui m'a... énormément plu, qui est un texte à la fois sur le deuil, sur la puissance et la fragilité des liens familiaux. Et c'est un texte que je vous recommande, parce que je trouve qu'il fait encore plus aimer la vie. Et ça, je trouve que c'est quand même très très fort.
- Speaker #0
Et Raphaël Meltz, c'est un auteur étonnant parce qu'il se diversifie énormément. Il avait reçu le prix spécial du jury au festival d'Angoulême pour une BD qui s'appelait Des vivants en 2022. Tout à fait,
- Speaker #4
mais je crois qu'il a une œuvre très très diverse. Et moi, je vais vous avouer que c'est le premier texte que je lis de lui. Alors, je sais qu'il a publié aussi sous pseudonyme. Je crois qu'il a un travail vraiment... Il a publié aussi des essais.
- Speaker #1
Il est assez polygraphe. Il faisait une excellente revue qui s'appelle R de réel Ça me donne vraiment envie de lire ce livre. J'aime beaucoup les prosopopées. On parle comme ça de manière sensorielle. Et là, ça me donne d'autant plus envie de lire que j'aimerais le découvrir, le redécouvrir, vu qu'il était, à mon goût, un peu trop cérébral, étant très intelligent.
- Speaker #0
Après de Raphaël Meltz, c'est au Tripod, parution le 16 janvier 2025. Merci, Blandine. Marie, c'est à toi, tu nous parles d'un premier roman.
- Speaker #5
Oui, un premier roman qui s'appelle Cui Cui, qui est écrit par un auteur qu'on connaît déjà, Juliette Drouard, qui a écrit deux livres sortir de l'hétérosexualité chez Binge et qui a participé aussi à un ouvrage collectif qui s'appelle La culture de l'inceste, au Seuil, qui est sorti en 2022, qui est un texte incroyable.
- Speaker #0
Il l'a co-dirigé avec Iris Bray, c'était un livre vraiment très très fort.
- Speaker #5
Très très fort, c'est ça, avec aussi d'autres plumes.
- Speaker #0
Ovidie, Wendy Delorme. Tal, Peter Broth, Merckx,
- Speaker #5
qui depuis s'est mené la mort d'ailleurs, et qui a écrit un très bon texte qui a été repris par un collectif d'amis qui s'appelle La domination oubliée sur les rapports adultes-enfants. En l'occurrence, Cui-Cui, c'est un roman qui met en scène un jeune narrateur riste, on ne sait pas trop, parce qu'on sait que ce narrateur se sent, lui, garçon, mais il est perçu. comme une fille. Et donc, il est au collège. Et en fait, on est dans un futur proche dans lequel on tente d'impliquer les enfants dans la chose politique. Et parallèlement à ça, il y a des intervenantes d'un collectif qui s'appelle Transpédéguine, qui existe, qui viennent visiter comme ça les classes et parler des agressions sexuelles, des violences sexuelles que les élèves peuvent subir et notamment, justement, l'inceste. En fait, ça va révéler chez le narrateur les problèmes qu'il subit lui-même chez lui. Du coup, là, Juliette Drouard met en scène, dans une fiction, des problématiques autour des violences vécues par les enfants. Et aussi, ce qui est intéressant, c'est que toutes les réactions, c'est-à-dire les réactions des professeurs, les réactions des institutions, et les façons dont ces personnes, les institutions, les professeurs, vont être obligés de se remettre en question, réfléchir en manière d'interagir et de soigner ces enfants, abîmés par ce qui leur arrive, et donc comment éviter aussi de faire des maladresses, etc. Bref, tout ça, en fait, ça s'inscrit aussi dans des réflexions qui... contemporaine, autour du fait de politiser l'enfance. C'est-à-dire, il y a cette idée aussi de l'infance, c'est celui qui ne parle pas, donc étymologiquement, c'est ce que ça veut dire. Donc comment redonner la parole aux enfants pour qu'ils s'assument aussi et qu'ils soient conscients de ce qu'ils vivent, qu'ils ne soient pas dans cette dissociation qu'on repère souvent chez les victimes d'inceste ou d'agression. Ce qui est intéressant, c'est que là, on a quand même aussi de plus en plus de récits et de non-fiction, d'ailleurs, autour de ces questions de domination oubliée et d'inceste. Notamment, là, à la rentrée, un très beau livre, qui est une sorte de manifeste, d'ailleurs, de Dede Kabbal, qui sort au Diable Vauvert, qui s'appelle Ma Honte. Et ça, c'est un récit autobiographique complètement assumé de l'auteur qui raconte son inceste et qui souligne le temps que ça lui a pris aussi pour comprendre qu'il en avait été victime. Il revient sur la façon dont les victimes d'inceste sont stéréotypées, notamment quand elles parlent des années après, en disant comme si on les soupçonnait, soit de mentir, soit de se réveiller d'un coup pour trouver un coupable à leur mal-être au présent. Sauf qu'en fait, ça prend du temps. Et en fait, c'est assez génial d'avoir aussi le récit et le point de vue d'un homme, enfin un cis, perçu comme tel complètement, qui est... qui est dans le rap, dans le milieu de la musique, un truc super mascu, etc. Et qui, en fait, lui-même délivre la parole. Et ça va pouvoir peut-être aussi permettre, offrir la possibilité à d'autres personnes de pouvoir aussi libérer leur parole.
- Speaker #0
Merci Marie Blandine. Je crois que tu organises justement des rencontres autour de ce thème à Effraction.
- Speaker #4
Oui, oui, moi j'ai lu les deux textes. Et effectivement, ça soulève des questions extrêmement intéressantes. Et donc, c'était pas à télescoper, mais on les reçoit tous les deux. En dialogue, Dede Kabbal va faire... En dialogue ? Alors, en dialogue aussi avec une autre autrice, Marika Mathieu, qui va sortir en février, je crois, chez Studio Facts, un livre qui est vraiment justement entre réel et fiction, sur une affaire de pédophilie avec un médecin qui s'appelle Joël Squarneck. Et elle livre une enquête passionnante et terrifiante sur aussi tout simplement l'impunité. Son livre s'appelle L'impunité, parce que... Tout le monde savait plus ou moins et qui là... continuer ses crimes envers plus de 200 enfants. Elle y mêle aussi de la fiction, parce qu'elle s'immerge dans les personnages qui côtoyaient cet homme. Mais donc, elle sera en discussion également avec Juliette Drouard et avec Dédé Kabal. Et Dédé Kabal fera une performance rap autour de son texte.
- Speaker #0
Juliette Drouard, Cui Cui, c'est au Seuil le 3 janvier et Dédé Kabal, Ma Honte, au Diable Vauvert le 16 janvier. Sean, on t'écoute, tu as fait une... une trouvaille de primo-romancière.
- Speaker #1
Oui, alors moi j'ai trouvé Esther Teilhard, Karn, chez Pauvert. C'est une langue extraordinaire, c'est une jeune femme, donc tu dois avoir la vingtaine, elle va à Sergie, elle vient de Marseille. Elle en avait un peu marre de la violence de Marseille. Elle était confrontée à ce machisme ambiant, il faut bien le dire, de cette ville méditerranéenne qu'est Marseille. Et elle en a un peu marre parce que cette violence-là, elle la vit. disons tout le temps, parce que sa mère est procureure et donc laissait traîner des dossiers de viol quand elle était petite. Donc en fait, elle se dit je vais aller à Paris, je suis artiste. Là, elle rencontre une autre forme de violence qui est plus sourde. Donc les Beaux-Arts de Sergi, on ne demande pas quel est ton prénom mais quel est ton pronom. C'est il, elle, y'elle. Donc elle se rend compte que le désir n'est pas vraiment du désir, que les gens qui se disent fuite couchent avec des trans pour être branchés. pas vraiment parce qu'ils ont du désir. D'ailleurs, ce désir étant tellement labile et tellement changeant grâce aux applications, grâce au fait qu'en fait, il y a une espèce finalement de critique sourde, un peu post-metoo. Ça devient plus sourd parce qu'il y a en fait une forme de consommation aussi de libéralisme sexuel qui se passe par les applications, qu'il n'y a aucun désir finalement, on veut être branché, donc on est conformiste. Donc comme en fait, un coup chasse l'autre, si je puis dire, c'est swipe. Donc en fait, c'est très intéressant, mais il y a toute cette histoire de violence et la Plus grande violence, c'est une violence finalement aussi sexuelle et sociale, parce que même dans ce milieu très branché, elle va à Paris, dans les vernissages contemporains, c'est finalement la vraie violence qui existe encore, à l'ancienne, c'est ces putes chinoises de Belleville qui sont invisibilisées. Et donc en fait, il y a ce décor, disons très... En fait, il y avait ce manichéisme faux entre... Cesse de domination masculine assez facile, disons, à critiquer. Et elle est critiquable. Et de l'autre côté, cette ouverture d'esprit, faussement, finalement, puisqu'en fait, ce désir n'est pas incarné par un vrai désir. Et finalement, encore, le lumpenproletariat et des femmes qui sont soumises à une vraie domination et une vraie misère. Et c'est très intéressant parce que ça vient de quelqu'un qui, quand même, à la vingtaine, je ne sais pas, elle est née dans les années 2000, je n'ai pas regardé sa biographie, mais je sais qu'elle est très jeune. On sort... d'une forme de conformisme par rapport à un discours qui était normal, puisqu'il fallait renverser la vapeur des siècles et siècles de domination masculine. Mais c'est intéressant parce qu'elle essaye de creuser et de voir les choses qui sont plus troubles dans cette révolution féministe.
- Speaker #0
Sean, moi je note que tu cherches toujours les livres qui déconstruisent la déconstruction, c'est quelque chose que tu adores.
- Speaker #1
J'adore être critique, je suis désolé, c'est mon métier.
- Speaker #0
Carne de Esther Teilhard aux éditions Pauvert, ça paraît le 15 janvier. Ton article dans LH de janvier, Sean, est titré Queen Kong Théorie. J'ai beaucoup aimé. À mon tour, je suis heureuse et émue de vous parler d'un livre majeur qui fera date en 2025, année des 50 ans de la loi Veil, qui dépénalise l'avortement en France. Il suffit d'écouter les femmes. En fait, c'est plus qu'un livre. En 2022, l'INA, Institut National de l'Audiovisuel, lance un appel à témoignages dans toute la France pour entendre des femmes ayant avorté clandestinement et des personnes, hommes et femmes, qui les ont aidées ou accompagnées de près. 79 témoignages ont été sélectionnés et ont donné lieu en 2024 à 16 semaines de tournage, des entretiens inédits avec des femmes assez âgées qui n'avaient pour la plupart jamais parlé. Entretien tourné par des équipes exclusivement composées de femmes. Ces entretiens paraissent en libre accès sur le site de l'INA à partir du 21 janvier. Ils donnent lieu à un documentaire qui sort le même jour, à une série de podcasts et à un livre coédité par l'INA et Flammarion. Ces 79 personnes, anonymes, femmes et quelques hommes, co-signent ce livre qui est une œuvre chorale composée. Deux témoignages oraux, émaillés de textes écrits par Annie Ernaux, Gisèle Halimi, Simone Veil, et il est mis en récit par Léa Weinstein, philosophe, autrice de plusieurs livres, dont un sur Kafka, et de trésors sonores qui ont presque tous pour fil rouge la mémoire et la transmission. Et c'est avec beaucoup de talent qu'elle met en récit toutes ces voix. On les entend, ces voix. Leurs hésitations, leurs tremblements, à l'idée de raconter ce qu'elles ont vécu, et la détermination. qu'elles ont à transmettre avant que leurs paroles ne s'effacent avec la conviction que rien n'est jamais définitivement acquis en terre féministe. Ces voix, ce sont celles des femmes qui racontent les conditions de leur avortement, pour la plupart épouvantables, des avortements auxquels elles recourent très souvent sans hésiter et en ayant moins peur de la mort que des policiers. Mais aussi parfois des avortements forcés, parce qu'évidemment tout phénomène clandestin engendre des situations bricolées. dangereuses avec leur lot d'accidents et d'agressions, de violences médicales. Ces voix, ce sont aussi celles des feuseuses d'anges les avorteuses dont les Avenstein questionnent à un moment la dénomination. Pourquoi on les appelle les feuseuses d'anges Des hommes, médecins, avocats, des maris et puis des sœurs, des enfants qui ont parfois perdu leurs proches, leurs mères, suite à un avortement clandestin. On ne dira jamais assez à quel point cette tragédie a fait du mal à ma famille dit l'une d'entre elles. Ce que le MLAQ a fait pour moi, je le rends aujourd'hui avec ce témoignage dit une autre. Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement, il suffit d'écouter les femmes. C'est toujours un drame et cela restera toujours un drame déclare Simone Veil en 1974. Ces témoignages sont au passé, il a fallu attendre que cette parole soit audible, mais ils nous traversent et ils nous parlent de la condition féminine actuelle, puisqu'aujourd'hui encore, Dans le monde, chaque année, 7 millions de femmes sont hospitalisées à la suite d'un avortement réalisé dans de mauvaises conditions. Et 39 000 y laissent la vie. Il nous parle aussi des femmes qui nous entourent, y compris en France, puisque le sentiment de honte et de paroles non écoutées fait écho aux luttes féministes encore actuelles. Certains passages de ce livre font très très mal. J'ai beaucoup pleuré en le lisant. Mais contrairement à la parole habituelle, âme sensible, s'abstenir. Au contraire, âme sensible... S'ouvrir, écouter, se souvenir. Il suffit d'écouter les femmes, c'est sous-titré l'avortement clandestin par celles qui l'ont vécu. Témoignage mis en récit par Léa Weinstein, Flammarion, Lina, le 21 janvier 2025. Sur ces mots, je vous souhaite une année 2025 remplie de paroles marquantes, réconfortantes, de lectures renversantes, des fractions créatives et joyeuses. Et je vous dis à bientôt pour un prochain épisode. Merci.
- Speaker #1
Merci.
- Speaker #0
Merci. Merci, Lorraine. pour se placer au plus près de ce qui fait vibrer les ados d'aujourd'hui et tous ceux qui rêvent d'inventer demain. Explorer de nouveaux segments éditoriaux afin d'encourager une génération curieuse, inspirée et créative, c'est le but de cette collection, inaugurée par deux séries. La première s'appelle This Must Be Love de Lee Eum-Se et Do Do, une histoire d'amitié et de rêve dans la Corée du Sud des années 80, illustrée avec délicatesse par le studio Kenaz. La deuxième, Moon et Hero de Won Sun-Ji, une aventure de fantaisie célébrant l'amitié et la magie dans un univers coréen enchanteur. La collection Yam Yam proposera au moins deux nouvelles séries chaque année et une grande diversité de genres, actions, fantaisie, science-fiction, vie quotidienne, comédie, romance. Rendez-vous dès le 22 janvier en librairie. Si vous avez aimé cet épisode, abonnez-vous au podcast Les Voix du Livre et envoyez-nous des tas de cœurs et d'étoiles. À bientôt !