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Les Voix du livre

Épisode 15 : "Indépendants, vraiment ? Doutes et espoirs d'un secteur clé de l'édition

Épisode 15 : "Indépendants, vraiment ? Doutes et espoirs d'un secteur clé de l'édition

37min |05/02/2025
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37min |05/02/2025
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Description

L'édition indépendante existe-t-elle vraiment ? À la veille des Assises nationales de l'édition indépendante, à l’heure où le mercato fait parler de lui chaque jour dans les médias, cette question se révèle au coeur des préoccupations. Dans cet épisode, Elisabeth Segard, journaliste chez Livres Hebdo, décrypte les enjeux d'un secteur en pleine mutation. Entre nouvelles réglementations et défis économiques croissants, les éditeurs et éditrices s’expriment au micro pour définir les nouveaux enjeux de leur métier. 


Dans la deuxième partie de l’épisode, Lauren Malka nous emmène à Lyon, à la rencontre de Juliet Romeo, co-fondatrice d’une librairie qui a le vent en poupe - c’est suffisamment rare pour être noté - La Madeleine, dans un quartier populaire de la ville. 


Enfin, les journalistes de Livres Hebdo Jacques Braunstein, Mylène Moulin et Fabienne Jacob partagent leurs coups de coeur de ce début d’année autour d’un sujet dont on a bien besoin “le care” ou “éthique du soin”. Au programme: “Clean”, un roman de Johann Zarca aux éditions de la Goutte d’Or, “Premiers cris”, une enquête sur la néonatologie de Clémentine Goldszal au Seuil, “L’éthique du Care”, essai de Fabienne Brugère chez Que sais-je et enfin “Toto”, un album pour enfants de Hyewon Yum aux Editions des Eléphants.


Un podcast réalisé en partenariat avec les éditions DUNOD, l'éditeur de la transmission de tous les savoirs.



Ont participé à cet épisode :


Jacques Braunstein, Mylène Moulin, Fabienne Jacob



Sont mentionnés dans cet épisode :


Fabienne Brugère, L'éthique du Care, éditions Que Sais-je


Johann Zarca, Clean, éditions La Goutte d'Or


Hyewon Yum, Toto, éditions des Éléphants


Clémentine Goldszal, Premiers Cris, édition du Seuil



Crédits :

 Emission France Culture: Épisode 1/4 : Édition indépendante: le temps de la résistance

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/culturesmonde/edition-independante-le-temps-de-la-resistance-7069416



Cet épisode est soutenu par 2DCOM. Société informatique dédiée au monde du livre, créée par un ancien libraire de Nancy en 1998, 2DCOM aide les libraires et les éditeurs dans leur gestion quotidienne grâce à des logiciels innovants et intuitifs et à une assistance réactive.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Cet épisode est soutenu par 2Dcom, société informatique dédiée au monde du livre. Créée par un ancien libraire de Nancy en 1998, 2Dcom aide les libraires et les éditeurs dans leur gestion quotidienne grâce à des logiciels innovants et intuitifs et à une assistance réactive.

  • Speaker #1

    C'est une question très difficile que vous posez là parce qu'en fait, il n'y a pas une ligne de conduite à priori. C'est sûr qu'être petit signifie une faiblesse, mais aussi une force. C'est-à-dire que nous sommes faibles parce que nous n'avons pas derrière nous un fond qui nous fait vivre, mais nous avons un atout qui est justement la taille, parce que dans ce petit noyau qui est une petite maison d'édition, tout circule. L'information ne reste pas au cinquième étage, tandis qu'on est au premier. On sait tout, et avec ce tout, on arrive probablement à aller plus vite de l'avant.

  • Speaker #0

    L'édition indépendante l'est-elle vraiment ? En 2016, l'éditrice Liana Lévy évoquait ses inquiétudes et espoirs pour l'édition indépendante, au micro de France Culture, un an après le décès de François Maspero, figure phare de l'édition indépendante. Qu'en est-il presque dix ans plus tard ? Comment se définit l'indépendance éditoriale à l'heure où la plupart des maisons fondées sur ce principe affirment qu'elles tremblent de ne plus pouvoir exercer leur métier avec l'exigence qui faisait leur fierté ? C'est le sujet d'ouverture de cet épisode. Je m'appelle Lauren Malka, je suis journaliste indépendante et vous écoutez Les Voix du Livre, un podcast conçu en partenariat avec les éditions Dunod. Chaque mois, je vous embarque chez Livre Hebdo pour entendre le bruit que ça fait quand les pages du magazine du livre se mettent à parler. Au sommaire, en deuxième partie, direction Lyon, pour rencontrer Juliet Romeo, co-fondatrice de la librairie La Madeleine, surnommée La MAD, dans un ancien bouchon lyonnais. À la fin de l'épisode, la clique critique de Livres Hebdo se réunit pour élire leur coup de cœur sur un thème qui fait du bien, le care, ou en français, l'éthique du soin. Avant cela, Elisabeth Segard, journaliste pour Livre Hebdo, interroge la survie de la notion d'indépendance dans l'édition.

  • Speaker #2

    Les Voix du Livre : en ouverture

  • Speaker #3

    La grande question que tout le monde se pose, c'est: c'est quoi une maison d'édition indépendante ? Est-elle si indépendante que cela ? Et vis-à-vis de qui d'abord ? Des grands groupes, du marché, des partenaires, des lecteurs ? Alors, à l'heure où le mercato éditorial fait grand bruit dans les médias, on a voulu se poser les questions qui fâchent à Livres Hebdo. Et la question est vaste. D'abord, il existe des maisons dites indépendantes, de toutes les tailles. Depuis l'éditeur qui tire à 200 exemplaires et entasse les cartons dans son salon, à Albin Michel, que tout le monde connaît, et qui pesait 97 millions d'euros en 2023 en publiant Amélie Nothomb, Maxime Chatham ou encore Mélissa Da Costa. On a aussi par exemple Michel Laffont, pour qui un livre vendu à moins de 10 000 exemplaires est un échec commercial. D'après les observateurs, il y avait plus d'indépendants dans les années 2000, mais une partie d'entre eux a été rachetée par les gros groupes que l'on connaît : Editis, Hachette ou encore Média-Participations. On peut citer P.O.L, Héloïse d'Ormesson, Le Cherche-Midi, Les Éditions du Sous-Sol, Sarbacane. Ces petites maisons d'édition conservent-elles une forme d'indépendance, même si elles sont adossées à de grands groupes ? En fait, la définition même du mot indépendant dans l'édition a évolué. Pour certains éditeurs, l'indépendance n'est pas seulement financière. Elle définit le rapport même d'un éditeur à ses textes et le temps qu'il peut consacrer à ses auteurs. D'après Benoît Loreau, le cofondateur des éditions de l'Ogre qu'il dirige depuis 2015, l'indépendance est avant tout un état d'esprit.

  • Speaker #2

    Une maison d'édition indépendante, c'est d'abord une maison d'édition qui est indépendante dans ses choix éditoriaux, dans la manière de travailler ses textes, dans la manière de choisir ses auteurs, dans la manière de vendre ses textes... Et bien-entendu que c'est étroitement lié avec les réussites commerciales qui permettent d'avoir un minimum d'indépendance financière pour pouvoir faire ces choix-là. Après, si on regarde en tant que politique éditoriale, c'est-à-dire quand on accompagne une œuvre, comment on accompagne un auteur, une autrice etc, on peut retrouver cette indépendance éditoriale, dans des structures qui sont incluses de différentes manières. On a tendance à avoir une définition de l'indépendance qui est peut-être assez astrique, on va dire que c'est plus la manière de travailler que les éléments objectifs qui seraient mis exclusivement au capital.

  • Speaker #3

    Donc, contrairement à ce que l'on pense, on peut être éditeur indépendant tout en appartenant à un gros groupe. Autre idée à combattre, les indépendants ne vendent pas toujours des textes plus radicaux que les grands groupes. Benoît Loreau le confirme, des livres publiés chez P.O.L. et Minuit, qui appartiennent au groupe Madrigall, sont parfois tout aussi engagés que ce qu'il fut paraître. La vraie spécificité des indépendants, selon plusieurs d'entre eux que j'ai interrogés, ce serait peut-être leur agilité. Et d'après Sigolène Du Besset, la directrice des éditions du Gros Caillou à Lyon, L'indépendance permet au travail éditorial une grande marge d'inventivité.

  • Speaker #4

    Moi ce que je vois c'est qu'on a quand même une grande liberté dans nos choix. Parce que du coup moi, à part mes associés, j'ai tout compte à rendre finalement à personne. Ça permet je trouve une grande liberté dans les choix, dans les choses qu'on fait, dans les textes, dans les auteurs... Et puis je trouve aussi que dans la faculté aussi un peu de se ré-inventer, on est peut-être moins figés parfois. On a un peu moins d'heures de process, de contraintes, ce qui laisse une marge de manoeuvre, même dans la façon de faire exister les choses.

  • Speaker #3

    L'agilité éditoriale, ça vaut pour les petites maisons comme celle de Sigolène du Besset, mais aussi pour de plus grosses comme City Edition. Et Frédéric Thibaud, le directeur de City Editions, le confirme.

  • Speaker #2

    Je trouve qu'il n'y a pas vraiment de limite ou d'inconvénients à être indépendants, même si ce texte ne rentre pas forcément précisément dans la ligne éditoriale, etc. On peut le faire, ce qui n'est pas forcément le cas, je pense, pour une maison d'édition qui n'est pas indépendante, qui a une ligne éditoriale stricte, un comité de lecture, etc. C'est vrai que, évidemment, en tant qu'indépendant, vous n'avez pas la sécurité d'un grand groupe derrière vous, vous êtes sans doute tentés de prendre un peu moins de risques et de faire un peu plus attention au budget. Donc ça limite peut-être en effet dans certains choix que vous aimeriez faire, mais vous ne remportez pas l'enchère sur tel ou tel livre ou tel ou tel auteur, parce que vous n'avez pas encore une fois la solidité financière d'un grand groupe derrière.

  • Speaker #3

    Ça n'a pas empêché Frédéric Thibaud de remporter les enchères sur deux livres qui figurent dans le top 3 des mieux vendus de l'année, La femme de ménage et La sage-femme d'Auswitch, tous les deux parus chez J'ai Lu en 2024. Il se trouve que cet éditeur, comme il le dit lui-même, peut s'appuyer sur la visibilité d'un gros diffuseur Hachette. Ce n'est pas le cas de Nathalie Sejean, la co-fondatrice des éditions La Fourmi, une maison née il y a moins d'un an, qui voit, elle, son indépendance limitée par la fragilité de son système de diffusion.

  • Speaker #5

    Dans une économie qui est basée sur le volume, la limite à laquelle on doit tous faire face, je pense, c'est la diffusion. Nous, on est en autodiffusion, donc c'est nous-mêmes qui emballons les livres et les envoyons aux personnes et aux librairies qui les commandent. Ça implique qu'on est limités à la capacité qu'on a à atteindre les gens, à les convaincre de vouloir découvrir nos récits. Forcément, plus on vend, plus ça va demander un énorme travail de notre part et on va toucher un plafond de verre au bout d'un moment parce qu'on a une capacité limitée à faire notre propre marketing, notre propre diffusion. Et en même temps, l'économie du livre est une économie qui a des petites marges et des coûts forts. Et les coûts augmentent depuis quelques années, fortement avec le prix du papier. Là, par exemple, on attend les nouveaux devis avec les nouveaux tarifs pour l'augmentation du papier. Et la Poste est en train de changer sa politique aussi pour faire des envois à l'étranger. Et en fait, toutes ces petites choses accumulées sur des petites structures comme la nôtre font que ça peut avoir un... Ça peut faire une grosse différence à la fin de l'année.

  • Speaker #3

    Avoir un gros diffuseur et un distributeur national, ce n'est pas non plus le Graal. Plusieurs maisons m'ont expliqué qu'être sous contrat avec un gros diffuseur oblige par exemple à tenir un rythme de publication qui peut être contraignant et qui limite forcément cet esprit d'indépendance. L'une des limites évoquées par les éditeurs et peut-être la moins connue qui explique la fragilité de leur indépendance, c'est leur solitude. Marie Rébulard, la fondatrice des éditions Six Citrons Acides, comme Benoît Laureau ou Sigolène Du Besset, se voit toutes et tous comme des femmes et des hommes d'orchestres. Ils gèrent la relation avec les auteurs, avec les libraires, les relations avec l'imprimeur, la communication, les demandes de subventions, et bien sûr, tous les aléas de la vie, les maladies, les naissances, les factures impayées, etc. Pour conclure, être un éditeur indépendant, aujourd'hui, c'est avant tout avoir la liberté de publier les livres auxquels on croit et d'y consacrer le temps qu'il faut. Pour accomplir cet exploit qui reste aujourd'hui une forme d'utopie, il faudrait peut-être réformer le système de l'édition. C'est l'enjeu des Assises de l'édition indépendante qui auront lieu du 19 au 21 février 2025. L'une des questions qui sera soulevée : comment renforcer l'indépendance à chaque maillon de la chaîne ? Éditeurs, distributeurs, diffuseurs ? L'espoir est donc permis, et en attendant cette révolution, on peut continuer à croire au miracle, celui d'un best-seller qui entraîne toute la maison.

  • Speaker #0

    Le dossier sur l'édition indépendante auquel a participé Elisabeth Segard est à retrouver dans le numéro de février de Livres Hebdo.

  • Speaker #1

    Les Voix du livre

  • Speaker #2

    En chemin.

  • Speaker #0

    Nous sommes le 13 décembre 2024 à Lyon et je suis impatiente de rencontrer Juliet Romeo, cofondatrice de La Madeleine, une petite librairie de quartier au cœur d'une ambiance de village, celle du 7e arrondissement. Bonjour Juliet. Bonjour. Cette place de village est très mignonne, il y a une église catholique juste à côté de nous. Mais il y a une dizaine d'années encore, je crois que c'était un coin un peu "craignos" comme on dit.

  • Speaker #2

    Oui tout à fait, le 7e arrondissement c'est un arrondissement qui est très très grand, avec une population très populaire. Il y a eu pas mal de changements récemment, une forme de gentrification. Et nous, on est juste à la limite. Donc, on est sur la partie qui s'est un petit peu embourgeoisée, on va dire. Mais ça garde quand même toute cette âme de village, de commerce de proximité, de bonne ambiance et de mixité sociale. Alors du coup, avec mon associé Alex, on a monté la librairie en très peu de temps, entre la fin 2018 et on a ouvert en fin avril 2019. Du coup, on s'est installés dans un local qui était vide, qui a été historiquement un des bouchons lyonnais et qui ensuite a été une pizzeria qui était laissée à l'abandon. Et donc nous, on a eu le local tout en délabrement, on va dire. On a tout refait, principalement avec du matériel de récupération. Et tous les meubles ont été faits par une association qui fait de la réinsertion par l'emploi et par un atelier bois qui faisait de la réinsertion par le travail du bois. Donc tout est fait un peu sur mesure, fait par des personnes qui ont appris un métier en même temps qu'ils ont fait nos meubles.

  • Speaker #0

    Dans cette librairie, tu as une préoccupation sociale importante. Quel sens tu donnes à ça dans ton parcours personnel ?

  • Speaker #2

    Moi, j'ai grandi dans un village qui n'avait pas de librairie pour le coup, qui n'en a toujours pas, je crois. Pour moi, c'était très dur d'avoir accès à la culture sans devoir absolument aller à Lyon. Parce que voilà, c'était un peu, si on voulait aller au cinéma, il fallait aller à Lyon. Et qu'en fait, quand on allait à Lyon pour... Tout bêtement, pour acheter des livres, on allait à la FNAC parce qu'on allait à Bellecour dans le quartier qui est très commercial. Et pour moi, ça a du sens de monter une petite librairie dans un quartier qui est à forte mixité sociale parce que c'est important de pouvoir amener la littérature aux gens qui n'y ont pas forcément accès. Les gens qui viennent ici, c'est sur le chemin de leur marché. Ils viennent chez nous après être passés chez le boucher, après être passés chez le charcutier, après avoir fait leurs courses à côté, après avoir récupéré les enfants... Et du coup, l'idée, c'est d'être dans un lieu qui est vraiment ancré et qui est ouvert à tous. Et on essaye d'être le plus inclusifs possible. Donc on a par exemple mis en place une cagnotte solidaire qui est un système où nos clients peuvent mettre de l'argent volontairement ou transformer leur remise de carte fidélité pour la mettre sur une cagnotte: on donne des livres pour des associations de sans-abris pour abonder quand on fait le dispositif "Donnez à lire" pour les enfants, pour des étudiants qui n'ont pas forcément les moyens et qui ont besoin d'un livre ou qui ont envie de lire un livre. Et voilà, on touche du doigt une forme de misère tous les jours quand même. Donc on essaye, nous, à notre niveau, quand même, de garder un peu une petite lueur. Et puis c'est important de s'inscrire dans une démarche aussi où on essaye de proposer des livres qui ouvrent l'esprit, qui permettent de réfléchir, surtout dans le contexte actuel.

  • Speaker #0

    Donc par exemple, justement, qu'est-ce que ça implique en termes de choix ?

  • Speaker #2

    Alors du coup, on essaie de faire des choix qui penchent plus vers la petite maison d'édition alternative pour contrebalancer la surproduction des grosses maisons d'édition qui, eux, vont avoir des affiches dans le métro, vont avoir des articles. Mais ce qui est très compliqué, c'est que pour que les choses bougent vraiment, il faudrait que le grand public comprenne la chaîne du livre et comprenne que nous, on ne reçoit pas des livres comme ça qu'on nous impose, mais qu'on fait des choix. Ça nous arrive souvent qu'il y ait des clients qui viennent en nous disant est-ce que vous allez recevoir ce livre ? Et effectivement, c'est compliqué de leur expliquer qu'on ne reçoit pas un livre, qu'on choisit de le recevoir. Et du coup, c'est parfois compliqué pour eux de comprendre qu'il y a une vraie différence entre une librairie indépendante qui fait ses choix et des grandes enseignes ou des grandes enseignes en ligne qui, elles, peuvent se permettre d'avoir l'intégralité des catalogues de tout le monde.

  • Speaker #0

    Et est-ce que c'est quelque chose que tu fais et que ton équipe fait, justement, de passer du temps à expliquer aux clients et clientes, le rôle du libraire ?

  • Speaker #2

    On essaye, on n'a pas forcément toujours le temps, mais on essaye en tout cas de le faire au maximum. Et puis on essaye visuellement, parce que nous, comme beaucoup de librairies, on a des notules, donc on a des petits cartons colorés avec notre avis sur un livre, ce qui permet de guider les personnes. Et effectivement, on fait des jolies découvertes, et puis on fait des jolis... Il y a des livres qui vivent très longtemps chez nous. Hier soir, on a reçu... Anne Simon, qui est autrice de bandes dessinées, qui a une saga qui s'appelle Les Contes du Marylène, qui est édité chez Misma. Et chez nous, c'est des BD qui vivent très bien parce qu'en fait, on les conseille et que les gens attendent ça aussi, qu'on leur fasse faire le pas de côté, qui des fois est difficile à juste trouver sur une table.

  • Speaker #0

    C'est une librairie qui a l'air de te ressembler pas mal. Tu m'as dit par téléphone que tu étais fan de foot.

  • Speaker #2

    Tout à fait. Alors là, c'est parce que moi, je parle parce qu'en fait, en réalité, la librairie ressemble aussi à mon associé, enfin à nos salariés qui travaillent ici, parce qu'effectivement, on participe tous et toutes aux choix.

  • Speaker #0

    Est-ce que la passion foot est présente ?

  • Speaker #2

    Moi, du coup, un petit peu. Et effectivement, par exemple, sur les questions de foot, on n'aura aucune biographie de footballeur. Par contre, il y a un journaliste que j'aime beaucoup qui s'appelle Jérôme Latta qui a sorti un livre, "Ce que le football est devenu", qui est sorti chez Divergences et qui est un livre qu'on a beaucoup aimé faire vivre parce qu'effectivement, c'est des propositions alternatives parce que dans le foot aussi, il y a plusieurs mondes qui s'affrontent et y compris un monde un peu plus engagé qui a envie de donner une belle image du foot. Et là, pour les fêtes, par exemple, on a un ouvrage assez classe qui est édité par les Cahiers du Foot, qui est une revue de foot alternative qui s'appelle Derbies sur les derbies européens. Alors, c'est assez rigolo parce que ça montre à quel point dans les villes, on a des affrontements entre clubs de gauche et clubs de droite, très classiquement dans le foot. Et voilà, c'est assez chouette. Et ça fait partie des petites propositions de pas de côté qu'on essaye de faire, effectivement.

  • Speaker #0

    Pour ce podcast, Livres Hebdo, en partenariat avec les éditions Dunod, pousse la porte des libraires pour les écouter nous décrire leurs enjeux, décrypter les tendances éditoriales du moment et partager leurs coups de cœur. La maison Dunod publie des ouvrages de non-fiction sous les éditions Dunod et Armand Collin pour rendre le savoir accessible au grand public, aux professionnels et aux étudiants. Nous sommes toujours avec Juliet Romeo qui nous parle de son pôle féminisme, très convoité par les clientes et clients.

  • Speaker #2

    Oui, tout à fait. Alors du coup, on a effectivement un pôle qui est plutôt... qui va rapprocher les questions féministes et LGBT, queer, dans leur grand ensemble. On essaye de mixer en plus, au même endroit visuellement, de la fiction et de la non-fiction. Il y a des grandes thématiques en ce moment qui ressortent pas mal sur la maternité, sur la question du genre, sur la non-binarité. C'est des questions qui sont assez prégnantes dans les essais. Moi, je suis très friande, et mes collègues aussi : on aime bien ressortir des textes qui étaient un peu tombés dans l'oubli et il y a quand même une partie des maisons d'édition qui font le travail actuellement de ressortir des textes d'autrices oubliées, des textes qui sont assez anciens, qui permettent de remettre un peu de matrimoine dans la littérature ça on peut remercier Titiou Lecoq avec son essai sur les Grandes oubliées qui était très intéressant, là je vois le livre de Diglee "Je serai le feu", qui est sorti à La ville brûle, qui au milieu des 3-4 poétesses qu'on connait en fait en propose 40 autres dont on n'a jamais entendu parler. Il y a une... Une question qu'on nous pose de temps en temps, des clients qui se posent des questions sur des mots qu'ils entendent, comme le wokisme par exemple. Donc il y avait un ouvrage publié chez Armand Colin qui s'appelait Faut-il avoir peur du wokisme ? de Romuald Sciora, qui est américain, qui était très intéressant pour remettre un peu des bases sur les thèses de ce fameux wokisme. On a aussi un livre qui est un peu plus large, qui s'appelle Le lobby transphobe, justement sur toutes ces questions-là qui ont un peu percuté l'actualité, en utilisant des termes qui ne sont pas hyper accessibles aux gens. Il faut dire ce qui est, wokisme, transphobie, tout ça. Il y a quand même des choses qui ne parlent pas, nous, dans notre quartier par exemple, qui ne parlent pas forcément aux gens.

  • Speaker #0

    Il y a d'autres coups de cœur dans ce rayon ?

  • Speaker #2

    Nous, on aime beaucoup un texte qui était paru chez Zoé, de Alice Rivaz, qui s'appelle La paix dans les ruches qui commence par cette phrase incroyable "Je crois que je n'aime plus mon mari", qui est une très grosse vente de Noël, parce que souvent, ça permet de faire passer un message aux belles sœurs et aux cousines. Après, il y a un autre texte qu'on aime beaucoup, chez Libretto, qui s'appelle Dirty Weekend, qui est l'histoire d'une jeune femme qui se fait harceler par son voisin d'en face et qui va décider de le buter. Et qui va se dire qu'en fait, c'est pas mal de buter tous les mecs qui sont problématiques. Voilà, c'est assez pareil, ça fait son petit effet. Et puis, le livre qui marche beaucoup en ce moment aussi, c'est Le coût de la virilité, qui est sorti en poche, là. De Lucie Peytavin, je crois? Oui, tout à fait. Et qui, pareil, est acheté, pour le coup, par des hommes comme par des femmes. Ça intrigue beaucoup et le contenu est assez édifiant sur la question.

  • Speaker #0

    Merci aux éditions Dunod pour cette séquence Transmission des savoirs. Au moment de la diffusion de ce podcast, on est encore début 2025. Il est encore temps de se faire les vœux. Qu'est-ce qu'on peut faire comme voeux à la librairie Madeleine pour 2025 et pour les années qui viennent ?

  • Speaker #2

    Tu serais venue deux heures avant, j'aurais dit un premier ministre, mais ça s'est fait. Du coup, j'ai eu l'alerte du monde. Je dirais un peu moins de... Ce qu'on aimerait, c'est un peu moins de production éditoriale massive. Je pense que là, on est trop submergé. On ne peut pas faire des rentrées littéraires avec 400, 500 romans. Nous, on est à 50 mètres carrés, on est trois. En vrai, on... On ne peut pas, en fait.

  • Speaker #0

    Donc, moins de production.

  • Speaker #2

    Oui, et puis des trucs... Et puis, oser un petit peu. Un peu d'audace dans la littérature, ce serait pas mal aussi.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut souhaiter quelque chose aussi à la librairie La Madeleine ?

  • Speaker #2

    Oui, que ça continue à marcher aussi bien que ça sait actuellement et qu'on continue à avoir toujours autant de personnes qui ont envie d'être étonnées en rentrant de ce qu'on va leur proposer. pour leur soirée au coin du feu ou en terrasse de bar quand ce sera l'été. Super !

  • Speaker #1

    Ls Voix du livre: en haut de la pile.

  • Speaker #0

    C'est la troisième partie de cet épisode, la rubrique en haut de la pile, avec une thématique spéciale ce mois-ci autour des livres du Care, éthique du soin en français. Clean de Johan Zarca, l'éthique du care de Fabienne Brugère, Premier cri de Clémentine Golszal et pour les enfants Toto, un album de Hyewon Yum. C'est notre palmarès spécial care de ce début d'année. Autour de moi, la clique critique de Livre Hebdo s'installe. Fabienne Jacob, spécialiste de littérature pour enfants. Bonjour Fabienne. Bonjour. Jacques Braunstein, rédacteur en chef. Bonjour Jacques. Bonjour. Et Mylène Moulin. journaliste indépendante, notamment pour Livre Hebdo, animatrice d'ateliers d'écriture d'autossoins, qui signe ce mois-ci une enquête au Rayon X, dans les pages de Livre Hebdo, sur l'édition du Care, justement. Est-ce que tu peux nous en dire plus, Mylène, sur cette enquête ?

  • Speaker #3

    Alors, ce Rayon X, il est un peu particulier, puisque cette fois, on ne s'intéresse pas à un rayon, on s'intéresse au Caire, qui est une notion. Nous sommes allées voir, en fait, les éditeurs, pour leur poser la question, est-ce que vous publiez des ouvrages qui prennent soin des autres. Plusieurs thématiques sont sorties, notamment la dépendance des personnes âgées, la fin de vie et la solitude. D'ailleurs en milieu d'année il y aura deux titres clés. La solitude est un connard mais c'est une bonne nouvelle d'Alexia Borg, à paraître aux éditions Jouvence, qui propose de changer le regard sur la solitude et Faire tribu de Hugo Paul, à paraître aux éditions Eyrolles. où le jeune explorateur nous prend par la main et nous emmène à la rencontre de communautés où le care est une notion très importante et où on remet du sens dans notre vie à travers les liens sociaux.

  • Speaker #0

    Merci Mylène. Alors avant de parler de soins, on parle de combien ? Jacques, quel est le chiffre du mois ?

  • Speaker #1

    Eh bien écoutez, le chiffre du mois c'est 600 000. C'est le nombre d'exemplaires qu'il s'est vendu cette année de la femme de... Ménage de Frieda McFadden aux éditions J'ai Lu. Car dans le numéro de Livre Hebdo de février, il y a les meilleures ventes de l'année, j'ai envie de dire comme chaque année, et ça nous permet, sans rentrer trop dans les détails, puisqu'on est quand même à l'oral, de voir un petit peu ce qui marche, ce qui marche pas. Il y a le verre à moitié plein et le verre à moitié vide, on va commencer par le verre à moitié plein. C'est une bonne nouvelle parce que les deux premiers livres de ce classement sont deux romans étrangers, ce qui n'est pas arrivé depuis longtemps. Donc La femme de ménage et la sage-femme d'Auschwitz de Anna Stuart, toujours chez J'ai Lu. Le verre à moitié plein, c'est que c'est des romans en poche, ce qui prouve que les lecteurs ont peut-être un petit peu moins de sous, puisque les années précédentes, c'était des bandes dessinées un petit peu plus chères. Par la suite, on retrouve Joël Dicker qui est quand même un habitué des meilleures ventes à plus de 425 000 ventes. Ensuite, Guillaume Musso, autre habitué qui avait fait une année de pause en 2023, mais là il revient en fanfare, puisqu'il est quatrième avec Angélique en poche, et sixième avec quelqu'un d'autre en grand format chez Calmann Lévy, et entre les deux, le prix Goncourt, Kamel Daoud, Houris chez Gallimard. Et alors, ce qui est amusant, c'est qu'entre quelqu'un d'autre d'un de Guillaume Musso et Kamel Daoud Houris, il y a 4 ventes de différence d'après GFK notre partenaire. Donc je dirais qu'ils ont plus ou moins fait ex aequo. Voilà les grandes tendances du top des ventes pour cette année d'après Livre Hebdo et GFK.

  • Speaker #0

    Merci Jacques on va entendre ton coup de coeur tout à l'heure mais on commence avec toi Mylène Tu nous parles du nouveau livre de l'une des grandes figures du Care, Fabienne Brugère.

  • Speaker #3

    Oui, alors il s'agit de l'éthique du Care de la philosophe Fabienne Brugère, comme tu l'as dit, qui publie ce début d'année la cinquième édition de son ouvrage dans la célèbre collection Que sais-je ? Ce livre aborde un concept fondamental, l'éthique du Care ou l'éthique du soin, qui place les relations humaines au cœur de notre morale et de notre politique. Brugère nous invite à réfléchir autrement notre rapport aux autres, en commençant par le soin. Ce n'est pas seulement une question de médecin ou d'infirmière ici, non. On parle aussi de tous ces gestes du quotidien, invisibles mais indispensables, s'occuper d'un proche malade, accompagner un parent âgé ou encore guider un enfant dans son apprentissage du monde. Ce sont des actes de bienveillance mais aussi des engagements profonds, souvent lourds mais toujours humains. Et c'est là que le livre devient passionnant. Brugère ne se contente pas d'une réflexion théorique, elle fait le lien entre l'éthique du care et les enjeux sociaux contemporains. Vous l'avez peut-être remarqué, mais dans nos sociétés, ce travail est invisible, mal rémunéré, voire sous-estimé. Pourquoi ? Parce que dans de nombreuses cultures, le soin est associé au rôle féminin. Fabienne Brugère le défend, c'est une situation qui mérite d'être revisitée. Elle va encore plus loin, elle nous invite à réfléchir la justice sociale sous un angle plus global. L'éthique du Care, c'est aussi un moyen de lutter contre les inégalités, qu'elles soient sociales, raciales ou de classe. Et c'est là que son approche intersectionnelle fait toute la différence. Elle intègre ses dimensions, de manière à réinventer nos rapports humains. Une injonction à redonner de l'importance à ces relations d'attention, de solidarité et de responsabilité partagée.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que c'est le livre qu'il faut avoir pour connaître un peu le B.A.B. du Care. Jacques, Fabienne, vous avez déjà lu les travaux de Fabienne Brugère ?

  • Speaker #4

    Non, mais je l'ai entendu ce matin, sur France Culture, donc c'est encore très frais dans ma mémoire, et en effet, c'était passionnant.

  • Speaker #0

    L'éthique du Care, chez Que sais-je, ça paraît le dix février. Merci Mylène. Jacques, c'est à toi, tu nous parles d'un roman-réalité, je crois, sur l'addiction et l'abstinence.

  • Speaker #1

    Oui, comme avant d'être à Livres Hebdo, j'étais plutôt critique roman, donc je ne suis pas un spécialiste du care. Et puis en même temps, à la rentrée, j'ai reçu un roman et je me suis dit, tiens, là, on est quand même vraiment dans cette thématique. L'auteur, on le connaît, il s'appelle Johann Zarca. Il avait eu le prix de Flore en 2017 avec Paname Underground. Il racontait toujours des histoires de marginaux, toxicomades... Enfin, on n'était pas très dans le care. On était même dans l'égoïsme hédoniste. Et ça n'est pas un grand secret puisqu'il le dit dans le livre. Aujourd'hui, il est au Narcotiques Anonymes et il a écrit un roman qui s'appelle Clean où, au contraire, il essaye de raconter comment est-ce que les gens s'entraident, comment ils prennent soin des uns des autres pour ne pas retomber, pour rester clean. C'est le titre du roman, donc, aux éditions Goutte d'Or. C'est très réussi parce que, je vais être franc, au début je me disais, ça risque d'être plein de bons sentiments. Et il arrive à mettre le même suspense qu'il y avait avant dans ces histoires de dealers, de voleurs, sur des gens qui se cherchent les uns les autres pour s'aider à ne pas retomber, à ne pas faire le mauvais geste. Et c'est vraiment un roman sur l'entraide, à la fois touchant, avec du suspense, avec un chassé-croisé dans Paris la nuit, et un roman que j'ai vraiment beaucoup apprécié et que je conseille, et comme quoi on peut faire du suspense avec le Care, ce qui n'était peut-être pas évident à la base.

  • Speaker #0

    Oui, on ne s'attendait pas à avoir ce roman-là. Mylène, est-ce que pour toi ça rentre dans la notion de Care, puisqu'il y a effectivement ces communautés thérapeutiques qui sont évoquées par Johann Zarca ? Oui,

  • Speaker #3

    d'ailleurs je le mentionne dans le dossier Rayon X, parce qu'il est question de solidarité. Et il est question aussi de vulnérabilité. Les personnes qui vivent avec une addiction sont des personnes vulnérables qui se reposent beaucoup sur les autres personnes qui ont des problèmes d'addiction pour avancer ensemble. Je pense en tout cas que c'est un roman qu'on peut tous lire pour comprendre de l'intérieur en profondeur une souffrance qu'on ne vit pas forcément au quotidien pour arrêter de la juger.

  • Speaker #0

    Clean de Johann Zarca aux éditions de La Goutte d'Or. Ça sort le 10 janvier 2025. Le Care, c'est aussi une philosophie qui concerne aux premières loges les enfants. Fabienne, quel livre tu as choisi ?

  • Speaker #4

    J'ai choisi Toto de Hyewon Yum, aux éditions des Eléphants. Mais avant, je voulais dire un petit mot sur le Care, en édition jeunesse. Je pense qu'il y a eu un boom depuis au moins dix ans sur les émotions. Les émotions en font vraiment florace chez tous les éditeurs jeunesse, on s'intéresse beaucoup aux émotions, y compris aux émotions négatives, comme la colère, la jalousie, l'envie... Toutes les émotions. On parle aussi des émotions plus douces, évidemment. Donc moi, j'ai retenu Toto. Toto, c'est un drôle de nom, c'est pas la tête à Toto. C'est une tâche de naissance qu'arbore une petite fille, une adorable petite fille, sur son front. Donc elle est née comme ça et elle se demande souvent, mais qu'est-ce que je serais sans Toto ? Donc, tout l'entourage a un rapport différent à Toto. Son cousin Charlie, qui est un petit turbulent, il trouve que Toto, il aimerait bien voir Toto aussi, parce qu'il doit donner un super pouvoir à la petite fille, donc il envie un peu à cette petite fille. Sa grand-mère regarde toujours Toto, mais d'un air un peu triste. Chacun sa façon, et la mère, elle pense que c'est un signe, une trace du baiser de l'ange. Donc là, c'est déjà beaucoup plus poétique. Et quand elle va aller à l'école maternelle, la maman est très inquiète parce qu'elle se dit Oh là là, là ça va vraiment... parce que les enfants adorent quand même la moyenne, ils n'aiment pas trop ce qui dépasse, donc une grosse tache sur le front, ça ne va pas le faire. Donc elle décide tout l'été de laisser pousser la frange. Et quand la petite fille arrive à l'école maternelle... Évidemment. La fatalité veut qu'un jour elle joue à cochon pendu et qu'est-ce qui se passe quand on joue à cochon pendu ? C'est qu'on a la tête à l'envers et donc qu'est-ce qu'on voit ? On voit Toto. Et là, sa meilleure amie lui dit Ah, mais t'as de la chance, je suis sûre que tu dois avoir une vie en plus. Donc j'ai trouvé cet album vraiment très beau, sur nos différences. Mais que serait-on sans nos différences ? On serait peut-être pas grand-chose. Vive les différences !

  • Speaker #0

    Vive les différences ! Mylène, est-ce que tu as remarqué ce boom du Care dans l'édition pour enfants ?

  • Speaker #3

    Alors, je n'ai pas soulevé ça dans l'édition pour enfants. Par contre, dans l'édition pour adultes, au sujet des enfants, oui. Une partie du Rayon X, d'ailleurs, s'intéresse à ces ouvrages qui proposent des clés pour les parents ou pour l'école, pour aider les enfants à développer leurs compétences psychosociales, leur gestion émotionnelle et pour améliorer l'empathie à l'école.

  • Speaker #4

    Ah, ça c'est très intéressant !

  • Speaker #3

    Il y a quelques titres... qui seront publiés cette année, autant chez des éditeurs de sciences humaines que chez des éditeurs de santé ou de développement personnel.

  • Speaker #4

    C'est ce que j'ai appris. On n'entend pas souvent de bonnes nouvelles en ce moment. J'ai entendu il y a un an environ qu'au Danemark, ils étudiaient l'empathie à l'école maternelle. C'est-à-dire que c'est une petite discipline. On commence la matinée par une séance d'empathie. Un tel s'est blessé. Allez, qu'est-ce qu'on fait ? J'espère que ça va arriver en France bientôt.

  • Speaker #1

    Je ne voudrais pas me tromper, mais je crois que Max et Lily, qui est quand même très leader sur l'édition jeunesse, les Max et Lily qui se vendaient le plus il y a quelques années, c'était Max et Lily attendent un petit frère ou une petite sœur. Et qu'aujourd'hui, c'est plus le harcèlement, les émotions. Enfin, on sent que vraiment, c'est des sujets qui montent en puissance et qui intéressent les parents et les enfants.

  • Speaker #4

    Exactement.

  • Speaker #0

    Toto de Hyewon Yum aux éditions des Eléphants. Ça sort le 21 février. Merci Fabienne. À mon tour, je vous parle d'un très bel hommage rare à des professionnels du Care dont on ne parle jamais. Et pour cause, il s'agit de celles et ceux qui accompagnent les enfants malades. Enfants malades, comme dit l'autrice de ce livre, l'expression elle-même est une aberration. Mais sous sa plume, ce monde devient poétique, profondément philosophique et fascinant. Clémentine Goldszal, journaliste littéraire au magazine Elle et Aime le Monde, est la première journaliste autorisée à enquêter à l'hôpital Necker. Elle a passé six mois dans le service de néonatologie, l'un des plus en pointe d'Europe, pour soigner les enfants très malades et prématurés. Pourquoi cette enquête ? L'autrice l'explique très bien. Son fils est né à 37 semaines et 3 jours, c'est-à-dire très peu de temps après la période où on est considéré comme prématuré. Il était en bonne santé et juste après la naissance, il a poussé des petits couinement que les jeunes parents ont trouvé adorables, comme un petit chaton. En fait, la sage-femme s'est immédiatement affolée. Ses gémissements étaient un signe grave de détresse respiratoire. Le bébé s'en est sorti, mais la mère, Clémentine Golszal, est restée traumatisée à l'idée d'avoir commis un tel contresens sur le signal d'alerte envoyé par son enfant. Elle a donc décidé de mener cette enquête, avant tout pour apprendre à parler la langue des nouveaux-nés, puisque c'est effectivement dans ce lieu très fermé, auprès des cas extrêmes, que l'on accède au savoir le moins partagé du monde. Que cherchent à nous dire les nouveau-nés ? Quels sont les micro-comportements normaux, inquiétants ou alarmants de ces tout petits êtres humains qui ne sont pas compris quand ils cherchent à s'exprimer ? Elle raconte le balai quotidien des infirmiers, infirmières, soignants, auxiliaires de soins, agents d'entretien, assistantes sociales, psys, secrétaires, représentants du culte aussi. Elle collecte dans son carnet la multitude de gestes qui permettent, comme elle dit, le fonctionnement de l'organisme soignant. Elle raconte aussi l'histoire de ce champ de la médecine, les découvertes par les chercheurs et chercheuses, parfois très récentes, mais qui sont aussi parfois des gestes antiques, voire primitifs. Elle parle clairement et avec lucidité de la dégradation actuelle du système de santé et son impact sur la mortalité néonatale. Mais le plus surprenant dans ce livre, c'est que la journaliste s'efforce souvent de se demander le point de vue du bébé sur tout cela. Qu'est-ce qu'il ou elle ressent au moment où tout le monde s'agite autour de son berceau ? Mesure les moindres tressaillements de sa respiration. Et là, c'est la force du style littéraire de l'autrice qui réussit parfois à nous faire éprouver les sensations de ce corps minuscule dont la vie ne tient qu'à un fil. Bref, c'est un livre documenté, curieusement agréable à lire, de la part d'une esthète des chefs-d'œuvre au quotidien de la médecine. Sur ce, take care, comme disent les anglophones, prenez soin de vous et on se retrouve au prochain épisode. Merci ! Merci ! C'était Les Voix du Livre, le podcast mensuel de Livres Hebdo présenté par Lauren Malka. À la musique, Ferdinand Bayard. Merci à notre partenaire 2Dcom, société informatique dédiée au monde du livre, d'avoir soutenu cet épisode. 2Dcom commercialise deux logiciels de référence, LibriSoft à destination des libraires et InQuarto pour les maisons d'édition. LibriSoft a récemment fait peau neuve, il est proposé avec une nouvelle identité visuelle et une ergonomie améliorée. Ce logiciel équipe plus de 1500 librairies, des plus petites aux plus grandes. Il répond à tous leurs besoins de gestion, vente, commande, services proposés par DiliCom. InQuarto, logiciel de gestion destiné aux maisons d'édition sera proposé cette année dans une nouvelle configuration d'abord dans une version essentielle pour les éditeurs ayant peu de titres à leur catalogue puis dans sa version complète pour tous les éditeurs de taille plus importante. Si vous avez aimé cet épisode abonnez-vous au podcast Les Voix du Livre et envoyez-nous des tas de cœurs et d'étoiles A bientôt !

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • En ouverture : "Indépendants, vraiment ? Doutes et espoirs d'un secteur clé de l'édition

    00:58

  • En chemin : à la découverte de la librairie La Madeleine

    10:29

  • Chapitre 4

    21:34

Description

L'édition indépendante existe-t-elle vraiment ? À la veille des Assises nationales de l'édition indépendante, à l’heure où le mercato fait parler de lui chaque jour dans les médias, cette question se révèle au coeur des préoccupations. Dans cet épisode, Elisabeth Segard, journaliste chez Livres Hebdo, décrypte les enjeux d'un secteur en pleine mutation. Entre nouvelles réglementations et défis économiques croissants, les éditeurs et éditrices s’expriment au micro pour définir les nouveaux enjeux de leur métier. 


Dans la deuxième partie de l’épisode, Lauren Malka nous emmène à Lyon, à la rencontre de Juliet Romeo, co-fondatrice d’une librairie qui a le vent en poupe - c’est suffisamment rare pour être noté - La Madeleine, dans un quartier populaire de la ville. 


Enfin, les journalistes de Livres Hebdo Jacques Braunstein, Mylène Moulin et Fabienne Jacob partagent leurs coups de coeur de ce début d’année autour d’un sujet dont on a bien besoin “le care” ou “éthique du soin”. Au programme: “Clean”, un roman de Johann Zarca aux éditions de la Goutte d’Or, “Premiers cris”, une enquête sur la néonatologie de Clémentine Goldszal au Seuil, “L’éthique du Care”, essai de Fabienne Brugère chez Que sais-je et enfin “Toto”, un album pour enfants de Hyewon Yum aux Editions des Eléphants.


Un podcast réalisé en partenariat avec les éditions DUNOD, l'éditeur de la transmission de tous les savoirs.



Ont participé à cet épisode :


Jacques Braunstein, Mylène Moulin, Fabienne Jacob



Sont mentionnés dans cet épisode :


Fabienne Brugère, L'éthique du Care, éditions Que Sais-je


Johann Zarca, Clean, éditions La Goutte d'Or


Hyewon Yum, Toto, éditions des Éléphants


Clémentine Goldszal, Premiers Cris, édition du Seuil



Crédits :

 Emission France Culture: Épisode 1/4 : Édition indépendante: le temps de la résistance

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/culturesmonde/edition-independante-le-temps-de-la-resistance-7069416



Cet épisode est soutenu par 2DCOM. Société informatique dédiée au monde du livre, créée par un ancien libraire de Nancy en 1998, 2DCOM aide les libraires et les éditeurs dans leur gestion quotidienne grâce à des logiciels innovants et intuitifs et à une assistance réactive.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Cet épisode est soutenu par 2Dcom, société informatique dédiée au monde du livre. Créée par un ancien libraire de Nancy en 1998, 2Dcom aide les libraires et les éditeurs dans leur gestion quotidienne grâce à des logiciels innovants et intuitifs et à une assistance réactive.

  • Speaker #1

    C'est une question très difficile que vous posez là parce qu'en fait, il n'y a pas une ligne de conduite à priori. C'est sûr qu'être petit signifie une faiblesse, mais aussi une force. C'est-à-dire que nous sommes faibles parce que nous n'avons pas derrière nous un fond qui nous fait vivre, mais nous avons un atout qui est justement la taille, parce que dans ce petit noyau qui est une petite maison d'édition, tout circule. L'information ne reste pas au cinquième étage, tandis qu'on est au premier. On sait tout, et avec ce tout, on arrive probablement à aller plus vite de l'avant.

  • Speaker #0

    L'édition indépendante l'est-elle vraiment ? En 2016, l'éditrice Liana Lévy évoquait ses inquiétudes et espoirs pour l'édition indépendante, au micro de France Culture, un an après le décès de François Maspero, figure phare de l'édition indépendante. Qu'en est-il presque dix ans plus tard ? Comment se définit l'indépendance éditoriale à l'heure où la plupart des maisons fondées sur ce principe affirment qu'elles tremblent de ne plus pouvoir exercer leur métier avec l'exigence qui faisait leur fierté ? C'est le sujet d'ouverture de cet épisode. Je m'appelle Lauren Malka, je suis journaliste indépendante et vous écoutez Les Voix du Livre, un podcast conçu en partenariat avec les éditions Dunod. Chaque mois, je vous embarque chez Livre Hebdo pour entendre le bruit que ça fait quand les pages du magazine du livre se mettent à parler. Au sommaire, en deuxième partie, direction Lyon, pour rencontrer Juliet Romeo, co-fondatrice de la librairie La Madeleine, surnommée La MAD, dans un ancien bouchon lyonnais. À la fin de l'épisode, la clique critique de Livres Hebdo se réunit pour élire leur coup de cœur sur un thème qui fait du bien, le care, ou en français, l'éthique du soin. Avant cela, Elisabeth Segard, journaliste pour Livre Hebdo, interroge la survie de la notion d'indépendance dans l'édition.

  • Speaker #2

    Les Voix du Livre : en ouverture

  • Speaker #3

    La grande question que tout le monde se pose, c'est: c'est quoi une maison d'édition indépendante ? Est-elle si indépendante que cela ? Et vis-à-vis de qui d'abord ? Des grands groupes, du marché, des partenaires, des lecteurs ? Alors, à l'heure où le mercato éditorial fait grand bruit dans les médias, on a voulu se poser les questions qui fâchent à Livres Hebdo. Et la question est vaste. D'abord, il existe des maisons dites indépendantes, de toutes les tailles. Depuis l'éditeur qui tire à 200 exemplaires et entasse les cartons dans son salon, à Albin Michel, que tout le monde connaît, et qui pesait 97 millions d'euros en 2023 en publiant Amélie Nothomb, Maxime Chatham ou encore Mélissa Da Costa. On a aussi par exemple Michel Laffont, pour qui un livre vendu à moins de 10 000 exemplaires est un échec commercial. D'après les observateurs, il y avait plus d'indépendants dans les années 2000, mais une partie d'entre eux a été rachetée par les gros groupes que l'on connaît : Editis, Hachette ou encore Média-Participations. On peut citer P.O.L, Héloïse d'Ormesson, Le Cherche-Midi, Les Éditions du Sous-Sol, Sarbacane. Ces petites maisons d'édition conservent-elles une forme d'indépendance, même si elles sont adossées à de grands groupes ? En fait, la définition même du mot indépendant dans l'édition a évolué. Pour certains éditeurs, l'indépendance n'est pas seulement financière. Elle définit le rapport même d'un éditeur à ses textes et le temps qu'il peut consacrer à ses auteurs. D'après Benoît Loreau, le cofondateur des éditions de l'Ogre qu'il dirige depuis 2015, l'indépendance est avant tout un état d'esprit.

  • Speaker #2

    Une maison d'édition indépendante, c'est d'abord une maison d'édition qui est indépendante dans ses choix éditoriaux, dans la manière de travailler ses textes, dans la manière de choisir ses auteurs, dans la manière de vendre ses textes... Et bien-entendu que c'est étroitement lié avec les réussites commerciales qui permettent d'avoir un minimum d'indépendance financière pour pouvoir faire ces choix-là. Après, si on regarde en tant que politique éditoriale, c'est-à-dire quand on accompagne une œuvre, comment on accompagne un auteur, une autrice etc, on peut retrouver cette indépendance éditoriale, dans des structures qui sont incluses de différentes manières. On a tendance à avoir une définition de l'indépendance qui est peut-être assez astrique, on va dire que c'est plus la manière de travailler que les éléments objectifs qui seraient mis exclusivement au capital.

  • Speaker #3

    Donc, contrairement à ce que l'on pense, on peut être éditeur indépendant tout en appartenant à un gros groupe. Autre idée à combattre, les indépendants ne vendent pas toujours des textes plus radicaux que les grands groupes. Benoît Loreau le confirme, des livres publiés chez P.O.L. et Minuit, qui appartiennent au groupe Madrigall, sont parfois tout aussi engagés que ce qu'il fut paraître. La vraie spécificité des indépendants, selon plusieurs d'entre eux que j'ai interrogés, ce serait peut-être leur agilité. Et d'après Sigolène Du Besset, la directrice des éditions du Gros Caillou à Lyon, L'indépendance permet au travail éditorial une grande marge d'inventivité.

  • Speaker #4

    Moi ce que je vois c'est qu'on a quand même une grande liberté dans nos choix. Parce que du coup moi, à part mes associés, j'ai tout compte à rendre finalement à personne. Ça permet je trouve une grande liberté dans les choix, dans les choses qu'on fait, dans les textes, dans les auteurs... Et puis je trouve aussi que dans la faculté aussi un peu de se ré-inventer, on est peut-être moins figés parfois. On a un peu moins d'heures de process, de contraintes, ce qui laisse une marge de manoeuvre, même dans la façon de faire exister les choses.

  • Speaker #3

    L'agilité éditoriale, ça vaut pour les petites maisons comme celle de Sigolène du Besset, mais aussi pour de plus grosses comme City Edition. Et Frédéric Thibaud, le directeur de City Editions, le confirme.

  • Speaker #2

    Je trouve qu'il n'y a pas vraiment de limite ou d'inconvénients à être indépendants, même si ce texte ne rentre pas forcément précisément dans la ligne éditoriale, etc. On peut le faire, ce qui n'est pas forcément le cas, je pense, pour une maison d'édition qui n'est pas indépendante, qui a une ligne éditoriale stricte, un comité de lecture, etc. C'est vrai que, évidemment, en tant qu'indépendant, vous n'avez pas la sécurité d'un grand groupe derrière vous, vous êtes sans doute tentés de prendre un peu moins de risques et de faire un peu plus attention au budget. Donc ça limite peut-être en effet dans certains choix que vous aimeriez faire, mais vous ne remportez pas l'enchère sur tel ou tel livre ou tel ou tel auteur, parce que vous n'avez pas encore une fois la solidité financière d'un grand groupe derrière.

  • Speaker #3

    Ça n'a pas empêché Frédéric Thibaud de remporter les enchères sur deux livres qui figurent dans le top 3 des mieux vendus de l'année, La femme de ménage et La sage-femme d'Auswitch, tous les deux parus chez J'ai Lu en 2024. Il se trouve que cet éditeur, comme il le dit lui-même, peut s'appuyer sur la visibilité d'un gros diffuseur Hachette. Ce n'est pas le cas de Nathalie Sejean, la co-fondatrice des éditions La Fourmi, une maison née il y a moins d'un an, qui voit, elle, son indépendance limitée par la fragilité de son système de diffusion.

  • Speaker #5

    Dans une économie qui est basée sur le volume, la limite à laquelle on doit tous faire face, je pense, c'est la diffusion. Nous, on est en autodiffusion, donc c'est nous-mêmes qui emballons les livres et les envoyons aux personnes et aux librairies qui les commandent. Ça implique qu'on est limités à la capacité qu'on a à atteindre les gens, à les convaincre de vouloir découvrir nos récits. Forcément, plus on vend, plus ça va demander un énorme travail de notre part et on va toucher un plafond de verre au bout d'un moment parce qu'on a une capacité limitée à faire notre propre marketing, notre propre diffusion. Et en même temps, l'économie du livre est une économie qui a des petites marges et des coûts forts. Et les coûts augmentent depuis quelques années, fortement avec le prix du papier. Là, par exemple, on attend les nouveaux devis avec les nouveaux tarifs pour l'augmentation du papier. Et la Poste est en train de changer sa politique aussi pour faire des envois à l'étranger. Et en fait, toutes ces petites choses accumulées sur des petites structures comme la nôtre font que ça peut avoir un... Ça peut faire une grosse différence à la fin de l'année.

  • Speaker #3

    Avoir un gros diffuseur et un distributeur national, ce n'est pas non plus le Graal. Plusieurs maisons m'ont expliqué qu'être sous contrat avec un gros diffuseur oblige par exemple à tenir un rythme de publication qui peut être contraignant et qui limite forcément cet esprit d'indépendance. L'une des limites évoquées par les éditeurs et peut-être la moins connue qui explique la fragilité de leur indépendance, c'est leur solitude. Marie Rébulard, la fondatrice des éditions Six Citrons Acides, comme Benoît Laureau ou Sigolène Du Besset, se voit toutes et tous comme des femmes et des hommes d'orchestres. Ils gèrent la relation avec les auteurs, avec les libraires, les relations avec l'imprimeur, la communication, les demandes de subventions, et bien sûr, tous les aléas de la vie, les maladies, les naissances, les factures impayées, etc. Pour conclure, être un éditeur indépendant, aujourd'hui, c'est avant tout avoir la liberté de publier les livres auxquels on croit et d'y consacrer le temps qu'il faut. Pour accomplir cet exploit qui reste aujourd'hui une forme d'utopie, il faudrait peut-être réformer le système de l'édition. C'est l'enjeu des Assises de l'édition indépendante qui auront lieu du 19 au 21 février 2025. L'une des questions qui sera soulevée : comment renforcer l'indépendance à chaque maillon de la chaîne ? Éditeurs, distributeurs, diffuseurs ? L'espoir est donc permis, et en attendant cette révolution, on peut continuer à croire au miracle, celui d'un best-seller qui entraîne toute la maison.

  • Speaker #0

    Le dossier sur l'édition indépendante auquel a participé Elisabeth Segard est à retrouver dans le numéro de février de Livres Hebdo.

  • Speaker #1

    Les Voix du livre

  • Speaker #2

    En chemin.

  • Speaker #0

    Nous sommes le 13 décembre 2024 à Lyon et je suis impatiente de rencontrer Juliet Romeo, cofondatrice de La Madeleine, une petite librairie de quartier au cœur d'une ambiance de village, celle du 7e arrondissement. Bonjour Juliet. Bonjour. Cette place de village est très mignonne, il y a une église catholique juste à côté de nous. Mais il y a une dizaine d'années encore, je crois que c'était un coin un peu "craignos" comme on dit.

  • Speaker #2

    Oui tout à fait, le 7e arrondissement c'est un arrondissement qui est très très grand, avec une population très populaire. Il y a eu pas mal de changements récemment, une forme de gentrification. Et nous, on est juste à la limite. Donc, on est sur la partie qui s'est un petit peu embourgeoisée, on va dire. Mais ça garde quand même toute cette âme de village, de commerce de proximité, de bonne ambiance et de mixité sociale. Alors du coup, avec mon associé Alex, on a monté la librairie en très peu de temps, entre la fin 2018 et on a ouvert en fin avril 2019. Du coup, on s'est installés dans un local qui était vide, qui a été historiquement un des bouchons lyonnais et qui ensuite a été une pizzeria qui était laissée à l'abandon. Et donc nous, on a eu le local tout en délabrement, on va dire. On a tout refait, principalement avec du matériel de récupération. Et tous les meubles ont été faits par une association qui fait de la réinsertion par l'emploi et par un atelier bois qui faisait de la réinsertion par le travail du bois. Donc tout est fait un peu sur mesure, fait par des personnes qui ont appris un métier en même temps qu'ils ont fait nos meubles.

  • Speaker #0

    Dans cette librairie, tu as une préoccupation sociale importante. Quel sens tu donnes à ça dans ton parcours personnel ?

  • Speaker #2

    Moi, j'ai grandi dans un village qui n'avait pas de librairie pour le coup, qui n'en a toujours pas, je crois. Pour moi, c'était très dur d'avoir accès à la culture sans devoir absolument aller à Lyon. Parce que voilà, c'était un peu, si on voulait aller au cinéma, il fallait aller à Lyon. Et qu'en fait, quand on allait à Lyon pour... Tout bêtement, pour acheter des livres, on allait à la FNAC parce qu'on allait à Bellecour dans le quartier qui est très commercial. Et pour moi, ça a du sens de monter une petite librairie dans un quartier qui est à forte mixité sociale parce que c'est important de pouvoir amener la littérature aux gens qui n'y ont pas forcément accès. Les gens qui viennent ici, c'est sur le chemin de leur marché. Ils viennent chez nous après être passés chez le boucher, après être passés chez le charcutier, après avoir fait leurs courses à côté, après avoir récupéré les enfants... Et du coup, l'idée, c'est d'être dans un lieu qui est vraiment ancré et qui est ouvert à tous. Et on essaye d'être le plus inclusifs possible. Donc on a par exemple mis en place une cagnotte solidaire qui est un système où nos clients peuvent mettre de l'argent volontairement ou transformer leur remise de carte fidélité pour la mettre sur une cagnotte: on donne des livres pour des associations de sans-abris pour abonder quand on fait le dispositif "Donnez à lire" pour les enfants, pour des étudiants qui n'ont pas forcément les moyens et qui ont besoin d'un livre ou qui ont envie de lire un livre. Et voilà, on touche du doigt une forme de misère tous les jours quand même. Donc on essaye, nous, à notre niveau, quand même, de garder un peu une petite lueur. Et puis c'est important de s'inscrire dans une démarche aussi où on essaye de proposer des livres qui ouvrent l'esprit, qui permettent de réfléchir, surtout dans le contexte actuel.

  • Speaker #0

    Donc par exemple, justement, qu'est-ce que ça implique en termes de choix ?

  • Speaker #2

    Alors du coup, on essaie de faire des choix qui penchent plus vers la petite maison d'édition alternative pour contrebalancer la surproduction des grosses maisons d'édition qui, eux, vont avoir des affiches dans le métro, vont avoir des articles. Mais ce qui est très compliqué, c'est que pour que les choses bougent vraiment, il faudrait que le grand public comprenne la chaîne du livre et comprenne que nous, on ne reçoit pas des livres comme ça qu'on nous impose, mais qu'on fait des choix. Ça nous arrive souvent qu'il y ait des clients qui viennent en nous disant est-ce que vous allez recevoir ce livre ? Et effectivement, c'est compliqué de leur expliquer qu'on ne reçoit pas un livre, qu'on choisit de le recevoir. Et du coup, c'est parfois compliqué pour eux de comprendre qu'il y a une vraie différence entre une librairie indépendante qui fait ses choix et des grandes enseignes ou des grandes enseignes en ligne qui, elles, peuvent se permettre d'avoir l'intégralité des catalogues de tout le monde.

  • Speaker #0

    Et est-ce que c'est quelque chose que tu fais et que ton équipe fait, justement, de passer du temps à expliquer aux clients et clientes, le rôle du libraire ?

  • Speaker #2

    On essaye, on n'a pas forcément toujours le temps, mais on essaye en tout cas de le faire au maximum. Et puis on essaye visuellement, parce que nous, comme beaucoup de librairies, on a des notules, donc on a des petits cartons colorés avec notre avis sur un livre, ce qui permet de guider les personnes. Et effectivement, on fait des jolies découvertes, et puis on fait des jolis... Il y a des livres qui vivent très longtemps chez nous. Hier soir, on a reçu... Anne Simon, qui est autrice de bandes dessinées, qui a une saga qui s'appelle Les Contes du Marylène, qui est édité chez Misma. Et chez nous, c'est des BD qui vivent très bien parce qu'en fait, on les conseille et que les gens attendent ça aussi, qu'on leur fasse faire le pas de côté, qui des fois est difficile à juste trouver sur une table.

  • Speaker #0

    C'est une librairie qui a l'air de te ressembler pas mal. Tu m'as dit par téléphone que tu étais fan de foot.

  • Speaker #2

    Tout à fait. Alors là, c'est parce que moi, je parle parce qu'en fait, en réalité, la librairie ressemble aussi à mon associé, enfin à nos salariés qui travaillent ici, parce qu'effectivement, on participe tous et toutes aux choix.

  • Speaker #0

    Est-ce que la passion foot est présente ?

  • Speaker #2

    Moi, du coup, un petit peu. Et effectivement, par exemple, sur les questions de foot, on n'aura aucune biographie de footballeur. Par contre, il y a un journaliste que j'aime beaucoup qui s'appelle Jérôme Latta qui a sorti un livre, "Ce que le football est devenu", qui est sorti chez Divergences et qui est un livre qu'on a beaucoup aimé faire vivre parce qu'effectivement, c'est des propositions alternatives parce que dans le foot aussi, il y a plusieurs mondes qui s'affrontent et y compris un monde un peu plus engagé qui a envie de donner une belle image du foot. Et là, pour les fêtes, par exemple, on a un ouvrage assez classe qui est édité par les Cahiers du Foot, qui est une revue de foot alternative qui s'appelle Derbies sur les derbies européens. Alors, c'est assez rigolo parce que ça montre à quel point dans les villes, on a des affrontements entre clubs de gauche et clubs de droite, très classiquement dans le foot. Et voilà, c'est assez chouette. Et ça fait partie des petites propositions de pas de côté qu'on essaye de faire, effectivement.

  • Speaker #0

    Pour ce podcast, Livres Hebdo, en partenariat avec les éditions Dunod, pousse la porte des libraires pour les écouter nous décrire leurs enjeux, décrypter les tendances éditoriales du moment et partager leurs coups de cœur. La maison Dunod publie des ouvrages de non-fiction sous les éditions Dunod et Armand Collin pour rendre le savoir accessible au grand public, aux professionnels et aux étudiants. Nous sommes toujours avec Juliet Romeo qui nous parle de son pôle féminisme, très convoité par les clientes et clients.

  • Speaker #2

    Oui, tout à fait. Alors du coup, on a effectivement un pôle qui est plutôt... qui va rapprocher les questions féministes et LGBT, queer, dans leur grand ensemble. On essaye de mixer en plus, au même endroit visuellement, de la fiction et de la non-fiction. Il y a des grandes thématiques en ce moment qui ressortent pas mal sur la maternité, sur la question du genre, sur la non-binarité. C'est des questions qui sont assez prégnantes dans les essais. Moi, je suis très friande, et mes collègues aussi : on aime bien ressortir des textes qui étaient un peu tombés dans l'oubli et il y a quand même une partie des maisons d'édition qui font le travail actuellement de ressortir des textes d'autrices oubliées, des textes qui sont assez anciens, qui permettent de remettre un peu de matrimoine dans la littérature ça on peut remercier Titiou Lecoq avec son essai sur les Grandes oubliées qui était très intéressant, là je vois le livre de Diglee "Je serai le feu", qui est sorti à La ville brûle, qui au milieu des 3-4 poétesses qu'on connait en fait en propose 40 autres dont on n'a jamais entendu parler. Il y a une... Une question qu'on nous pose de temps en temps, des clients qui se posent des questions sur des mots qu'ils entendent, comme le wokisme par exemple. Donc il y avait un ouvrage publié chez Armand Colin qui s'appelait Faut-il avoir peur du wokisme ? de Romuald Sciora, qui est américain, qui était très intéressant pour remettre un peu des bases sur les thèses de ce fameux wokisme. On a aussi un livre qui est un peu plus large, qui s'appelle Le lobby transphobe, justement sur toutes ces questions-là qui ont un peu percuté l'actualité, en utilisant des termes qui ne sont pas hyper accessibles aux gens. Il faut dire ce qui est, wokisme, transphobie, tout ça. Il y a quand même des choses qui ne parlent pas, nous, dans notre quartier par exemple, qui ne parlent pas forcément aux gens.

  • Speaker #0

    Il y a d'autres coups de cœur dans ce rayon ?

  • Speaker #2

    Nous, on aime beaucoup un texte qui était paru chez Zoé, de Alice Rivaz, qui s'appelle La paix dans les ruches qui commence par cette phrase incroyable "Je crois que je n'aime plus mon mari", qui est une très grosse vente de Noël, parce que souvent, ça permet de faire passer un message aux belles sœurs et aux cousines. Après, il y a un autre texte qu'on aime beaucoup, chez Libretto, qui s'appelle Dirty Weekend, qui est l'histoire d'une jeune femme qui se fait harceler par son voisin d'en face et qui va décider de le buter. Et qui va se dire qu'en fait, c'est pas mal de buter tous les mecs qui sont problématiques. Voilà, c'est assez pareil, ça fait son petit effet. Et puis, le livre qui marche beaucoup en ce moment aussi, c'est Le coût de la virilité, qui est sorti en poche, là. De Lucie Peytavin, je crois? Oui, tout à fait. Et qui, pareil, est acheté, pour le coup, par des hommes comme par des femmes. Ça intrigue beaucoup et le contenu est assez édifiant sur la question.

  • Speaker #0

    Merci aux éditions Dunod pour cette séquence Transmission des savoirs. Au moment de la diffusion de ce podcast, on est encore début 2025. Il est encore temps de se faire les vœux. Qu'est-ce qu'on peut faire comme voeux à la librairie Madeleine pour 2025 et pour les années qui viennent ?

  • Speaker #2

    Tu serais venue deux heures avant, j'aurais dit un premier ministre, mais ça s'est fait. Du coup, j'ai eu l'alerte du monde. Je dirais un peu moins de... Ce qu'on aimerait, c'est un peu moins de production éditoriale massive. Je pense que là, on est trop submergé. On ne peut pas faire des rentrées littéraires avec 400, 500 romans. Nous, on est à 50 mètres carrés, on est trois. En vrai, on... On ne peut pas, en fait.

  • Speaker #0

    Donc, moins de production.

  • Speaker #2

    Oui, et puis des trucs... Et puis, oser un petit peu. Un peu d'audace dans la littérature, ce serait pas mal aussi.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut souhaiter quelque chose aussi à la librairie La Madeleine ?

  • Speaker #2

    Oui, que ça continue à marcher aussi bien que ça sait actuellement et qu'on continue à avoir toujours autant de personnes qui ont envie d'être étonnées en rentrant de ce qu'on va leur proposer. pour leur soirée au coin du feu ou en terrasse de bar quand ce sera l'été. Super !

  • Speaker #1

    Ls Voix du livre: en haut de la pile.

  • Speaker #0

    C'est la troisième partie de cet épisode, la rubrique en haut de la pile, avec une thématique spéciale ce mois-ci autour des livres du Care, éthique du soin en français. Clean de Johan Zarca, l'éthique du care de Fabienne Brugère, Premier cri de Clémentine Golszal et pour les enfants Toto, un album de Hyewon Yum. C'est notre palmarès spécial care de ce début d'année. Autour de moi, la clique critique de Livre Hebdo s'installe. Fabienne Jacob, spécialiste de littérature pour enfants. Bonjour Fabienne. Bonjour. Jacques Braunstein, rédacteur en chef. Bonjour Jacques. Bonjour. Et Mylène Moulin. journaliste indépendante, notamment pour Livre Hebdo, animatrice d'ateliers d'écriture d'autossoins, qui signe ce mois-ci une enquête au Rayon X, dans les pages de Livre Hebdo, sur l'édition du Care, justement. Est-ce que tu peux nous en dire plus, Mylène, sur cette enquête ?

  • Speaker #3

    Alors, ce Rayon X, il est un peu particulier, puisque cette fois, on ne s'intéresse pas à un rayon, on s'intéresse au Caire, qui est une notion. Nous sommes allées voir, en fait, les éditeurs, pour leur poser la question, est-ce que vous publiez des ouvrages qui prennent soin des autres. Plusieurs thématiques sont sorties, notamment la dépendance des personnes âgées, la fin de vie et la solitude. D'ailleurs en milieu d'année il y aura deux titres clés. La solitude est un connard mais c'est une bonne nouvelle d'Alexia Borg, à paraître aux éditions Jouvence, qui propose de changer le regard sur la solitude et Faire tribu de Hugo Paul, à paraître aux éditions Eyrolles. où le jeune explorateur nous prend par la main et nous emmène à la rencontre de communautés où le care est une notion très importante et où on remet du sens dans notre vie à travers les liens sociaux.

  • Speaker #0

    Merci Mylène. Alors avant de parler de soins, on parle de combien ? Jacques, quel est le chiffre du mois ?

  • Speaker #1

    Eh bien écoutez, le chiffre du mois c'est 600 000. C'est le nombre d'exemplaires qu'il s'est vendu cette année de la femme de... Ménage de Frieda McFadden aux éditions J'ai Lu. Car dans le numéro de Livre Hebdo de février, il y a les meilleures ventes de l'année, j'ai envie de dire comme chaque année, et ça nous permet, sans rentrer trop dans les détails, puisqu'on est quand même à l'oral, de voir un petit peu ce qui marche, ce qui marche pas. Il y a le verre à moitié plein et le verre à moitié vide, on va commencer par le verre à moitié plein. C'est une bonne nouvelle parce que les deux premiers livres de ce classement sont deux romans étrangers, ce qui n'est pas arrivé depuis longtemps. Donc La femme de ménage et la sage-femme d'Auschwitz de Anna Stuart, toujours chez J'ai Lu. Le verre à moitié plein, c'est que c'est des romans en poche, ce qui prouve que les lecteurs ont peut-être un petit peu moins de sous, puisque les années précédentes, c'était des bandes dessinées un petit peu plus chères. Par la suite, on retrouve Joël Dicker qui est quand même un habitué des meilleures ventes à plus de 425 000 ventes. Ensuite, Guillaume Musso, autre habitué qui avait fait une année de pause en 2023, mais là il revient en fanfare, puisqu'il est quatrième avec Angélique en poche, et sixième avec quelqu'un d'autre en grand format chez Calmann Lévy, et entre les deux, le prix Goncourt, Kamel Daoud, Houris chez Gallimard. Et alors, ce qui est amusant, c'est qu'entre quelqu'un d'autre d'un de Guillaume Musso et Kamel Daoud Houris, il y a 4 ventes de différence d'après GFK notre partenaire. Donc je dirais qu'ils ont plus ou moins fait ex aequo. Voilà les grandes tendances du top des ventes pour cette année d'après Livre Hebdo et GFK.

  • Speaker #0

    Merci Jacques on va entendre ton coup de coeur tout à l'heure mais on commence avec toi Mylène Tu nous parles du nouveau livre de l'une des grandes figures du Care, Fabienne Brugère.

  • Speaker #3

    Oui, alors il s'agit de l'éthique du Care de la philosophe Fabienne Brugère, comme tu l'as dit, qui publie ce début d'année la cinquième édition de son ouvrage dans la célèbre collection Que sais-je ? Ce livre aborde un concept fondamental, l'éthique du Care ou l'éthique du soin, qui place les relations humaines au cœur de notre morale et de notre politique. Brugère nous invite à réfléchir autrement notre rapport aux autres, en commençant par le soin. Ce n'est pas seulement une question de médecin ou d'infirmière ici, non. On parle aussi de tous ces gestes du quotidien, invisibles mais indispensables, s'occuper d'un proche malade, accompagner un parent âgé ou encore guider un enfant dans son apprentissage du monde. Ce sont des actes de bienveillance mais aussi des engagements profonds, souvent lourds mais toujours humains. Et c'est là que le livre devient passionnant. Brugère ne se contente pas d'une réflexion théorique, elle fait le lien entre l'éthique du care et les enjeux sociaux contemporains. Vous l'avez peut-être remarqué, mais dans nos sociétés, ce travail est invisible, mal rémunéré, voire sous-estimé. Pourquoi ? Parce que dans de nombreuses cultures, le soin est associé au rôle féminin. Fabienne Brugère le défend, c'est une situation qui mérite d'être revisitée. Elle va encore plus loin, elle nous invite à réfléchir la justice sociale sous un angle plus global. L'éthique du Care, c'est aussi un moyen de lutter contre les inégalités, qu'elles soient sociales, raciales ou de classe. Et c'est là que son approche intersectionnelle fait toute la différence. Elle intègre ses dimensions, de manière à réinventer nos rapports humains. Une injonction à redonner de l'importance à ces relations d'attention, de solidarité et de responsabilité partagée.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que c'est le livre qu'il faut avoir pour connaître un peu le B.A.B. du Care. Jacques, Fabienne, vous avez déjà lu les travaux de Fabienne Brugère ?

  • Speaker #4

    Non, mais je l'ai entendu ce matin, sur France Culture, donc c'est encore très frais dans ma mémoire, et en effet, c'était passionnant.

  • Speaker #0

    L'éthique du Care, chez Que sais-je, ça paraît le dix février. Merci Mylène. Jacques, c'est à toi, tu nous parles d'un roman-réalité, je crois, sur l'addiction et l'abstinence.

  • Speaker #1

    Oui, comme avant d'être à Livres Hebdo, j'étais plutôt critique roman, donc je ne suis pas un spécialiste du care. Et puis en même temps, à la rentrée, j'ai reçu un roman et je me suis dit, tiens, là, on est quand même vraiment dans cette thématique. L'auteur, on le connaît, il s'appelle Johann Zarca. Il avait eu le prix de Flore en 2017 avec Paname Underground. Il racontait toujours des histoires de marginaux, toxicomades... Enfin, on n'était pas très dans le care. On était même dans l'égoïsme hédoniste. Et ça n'est pas un grand secret puisqu'il le dit dans le livre. Aujourd'hui, il est au Narcotiques Anonymes et il a écrit un roman qui s'appelle Clean où, au contraire, il essaye de raconter comment est-ce que les gens s'entraident, comment ils prennent soin des uns des autres pour ne pas retomber, pour rester clean. C'est le titre du roman, donc, aux éditions Goutte d'Or. C'est très réussi parce que, je vais être franc, au début je me disais, ça risque d'être plein de bons sentiments. Et il arrive à mettre le même suspense qu'il y avait avant dans ces histoires de dealers, de voleurs, sur des gens qui se cherchent les uns les autres pour s'aider à ne pas retomber, à ne pas faire le mauvais geste. Et c'est vraiment un roman sur l'entraide, à la fois touchant, avec du suspense, avec un chassé-croisé dans Paris la nuit, et un roman que j'ai vraiment beaucoup apprécié et que je conseille, et comme quoi on peut faire du suspense avec le Care, ce qui n'était peut-être pas évident à la base.

  • Speaker #0

    Oui, on ne s'attendait pas à avoir ce roman-là. Mylène, est-ce que pour toi ça rentre dans la notion de Care, puisqu'il y a effectivement ces communautés thérapeutiques qui sont évoquées par Johann Zarca ? Oui,

  • Speaker #3

    d'ailleurs je le mentionne dans le dossier Rayon X, parce qu'il est question de solidarité. Et il est question aussi de vulnérabilité. Les personnes qui vivent avec une addiction sont des personnes vulnérables qui se reposent beaucoup sur les autres personnes qui ont des problèmes d'addiction pour avancer ensemble. Je pense en tout cas que c'est un roman qu'on peut tous lire pour comprendre de l'intérieur en profondeur une souffrance qu'on ne vit pas forcément au quotidien pour arrêter de la juger.

  • Speaker #0

    Clean de Johann Zarca aux éditions de La Goutte d'Or. Ça sort le 10 janvier 2025. Le Care, c'est aussi une philosophie qui concerne aux premières loges les enfants. Fabienne, quel livre tu as choisi ?

  • Speaker #4

    J'ai choisi Toto de Hyewon Yum, aux éditions des Eléphants. Mais avant, je voulais dire un petit mot sur le Care, en édition jeunesse. Je pense qu'il y a eu un boom depuis au moins dix ans sur les émotions. Les émotions en font vraiment florace chez tous les éditeurs jeunesse, on s'intéresse beaucoup aux émotions, y compris aux émotions négatives, comme la colère, la jalousie, l'envie... Toutes les émotions. On parle aussi des émotions plus douces, évidemment. Donc moi, j'ai retenu Toto. Toto, c'est un drôle de nom, c'est pas la tête à Toto. C'est une tâche de naissance qu'arbore une petite fille, une adorable petite fille, sur son front. Donc elle est née comme ça et elle se demande souvent, mais qu'est-ce que je serais sans Toto ? Donc, tout l'entourage a un rapport différent à Toto. Son cousin Charlie, qui est un petit turbulent, il trouve que Toto, il aimerait bien voir Toto aussi, parce qu'il doit donner un super pouvoir à la petite fille, donc il envie un peu à cette petite fille. Sa grand-mère regarde toujours Toto, mais d'un air un peu triste. Chacun sa façon, et la mère, elle pense que c'est un signe, une trace du baiser de l'ange. Donc là, c'est déjà beaucoup plus poétique. Et quand elle va aller à l'école maternelle, la maman est très inquiète parce qu'elle se dit Oh là là, là ça va vraiment... parce que les enfants adorent quand même la moyenne, ils n'aiment pas trop ce qui dépasse, donc une grosse tache sur le front, ça ne va pas le faire. Donc elle décide tout l'été de laisser pousser la frange. Et quand la petite fille arrive à l'école maternelle... Évidemment. La fatalité veut qu'un jour elle joue à cochon pendu et qu'est-ce qui se passe quand on joue à cochon pendu ? C'est qu'on a la tête à l'envers et donc qu'est-ce qu'on voit ? On voit Toto. Et là, sa meilleure amie lui dit Ah, mais t'as de la chance, je suis sûre que tu dois avoir une vie en plus. Donc j'ai trouvé cet album vraiment très beau, sur nos différences. Mais que serait-on sans nos différences ? On serait peut-être pas grand-chose. Vive les différences !

  • Speaker #0

    Vive les différences ! Mylène, est-ce que tu as remarqué ce boom du Care dans l'édition pour enfants ?

  • Speaker #3

    Alors, je n'ai pas soulevé ça dans l'édition pour enfants. Par contre, dans l'édition pour adultes, au sujet des enfants, oui. Une partie du Rayon X, d'ailleurs, s'intéresse à ces ouvrages qui proposent des clés pour les parents ou pour l'école, pour aider les enfants à développer leurs compétences psychosociales, leur gestion émotionnelle et pour améliorer l'empathie à l'école.

  • Speaker #4

    Ah, ça c'est très intéressant !

  • Speaker #3

    Il y a quelques titres... qui seront publiés cette année, autant chez des éditeurs de sciences humaines que chez des éditeurs de santé ou de développement personnel.

  • Speaker #4

    C'est ce que j'ai appris. On n'entend pas souvent de bonnes nouvelles en ce moment. J'ai entendu il y a un an environ qu'au Danemark, ils étudiaient l'empathie à l'école maternelle. C'est-à-dire que c'est une petite discipline. On commence la matinée par une séance d'empathie. Un tel s'est blessé. Allez, qu'est-ce qu'on fait ? J'espère que ça va arriver en France bientôt.

  • Speaker #1

    Je ne voudrais pas me tromper, mais je crois que Max et Lily, qui est quand même très leader sur l'édition jeunesse, les Max et Lily qui se vendaient le plus il y a quelques années, c'était Max et Lily attendent un petit frère ou une petite sœur. Et qu'aujourd'hui, c'est plus le harcèlement, les émotions. Enfin, on sent que vraiment, c'est des sujets qui montent en puissance et qui intéressent les parents et les enfants.

  • Speaker #4

    Exactement.

  • Speaker #0

    Toto de Hyewon Yum aux éditions des Eléphants. Ça sort le 21 février. Merci Fabienne. À mon tour, je vous parle d'un très bel hommage rare à des professionnels du Care dont on ne parle jamais. Et pour cause, il s'agit de celles et ceux qui accompagnent les enfants malades. Enfants malades, comme dit l'autrice de ce livre, l'expression elle-même est une aberration. Mais sous sa plume, ce monde devient poétique, profondément philosophique et fascinant. Clémentine Goldszal, journaliste littéraire au magazine Elle et Aime le Monde, est la première journaliste autorisée à enquêter à l'hôpital Necker. Elle a passé six mois dans le service de néonatologie, l'un des plus en pointe d'Europe, pour soigner les enfants très malades et prématurés. Pourquoi cette enquête ? L'autrice l'explique très bien. Son fils est né à 37 semaines et 3 jours, c'est-à-dire très peu de temps après la période où on est considéré comme prématuré. Il était en bonne santé et juste après la naissance, il a poussé des petits couinement que les jeunes parents ont trouvé adorables, comme un petit chaton. En fait, la sage-femme s'est immédiatement affolée. Ses gémissements étaient un signe grave de détresse respiratoire. Le bébé s'en est sorti, mais la mère, Clémentine Golszal, est restée traumatisée à l'idée d'avoir commis un tel contresens sur le signal d'alerte envoyé par son enfant. Elle a donc décidé de mener cette enquête, avant tout pour apprendre à parler la langue des nouveaux-nés, puisque c'est effectivement dans ce lieu très fermé, auprès des cas extrêmes, que l'on accède au savoir le moins partagé du monde. Que cherchent à nous dire les nouveau-nés ? Quels sont les micro-comportements normaux, inquiétants ou alarmants de ces tout petits êtres humains qui ne sont pas compris quand ils cherchent à s'exprimer ? Elle raconte le balai quotidien des infirmiers, infirmières, soignants, auxiliaires de soins, agents d'entretien, assistantes sociales, psys, secrétaires, représentants du culte aussi. Elle collecte dans son carnet la multitude de gestes qui permettent, comme elle dit, le fonctionnement de l'organisme soignant. Elle raconte aussi l'histoire de ce champ de la médecine, les découvertes par les chercheurs et chercheuses, parfois très récentes, mais qui sont aussi parfois des gestes antiques, voire primitifs. Elle parle clairement et avec lucidité de la dégradation actuelle du système de santé et son impact sur la mortalité néonatale. Mais le plus surprenant dans ce livre, c'est que la journaliste s'efforce souvent de se demander le point de vue du bébé sur tout cela. Qu'est-ce qu'il ou elle ressent au moment où tout le monde s'agite autour de son berceau ? Mesure les moindres tressaillements de sa respiration. Et là, c'est la force du style littéraire de l'autrice qui réussit parfois à nous faire éprouver les sensations de ce corps minuscule dont la vie ne tient qu'à un fil. Bref, c'est un livre documenté, curieusement agréable à lire, de la part d'une esthète des chefs-d'œuvre au quotidien de la médecine. Sur ce, take care, comme disent les anglophones, prenez soin de vous et on se retrouve au prochain épisode. Merci ! Merci ! C'était Les Voix du Livre, le podcast mensuel de Livres Hebdo présenté par Lauren Malka. À la musique, Ferdinand Bayard. Merci à notre partenaire 2Dcom, société informatique dédiée au monde du livre, d'avoir soutenu cet épisode. 2Dcom commercialise deux logiciels de référence, LibriSoft à destination des libraires et InQuarto pour les maisons d'édition. LibriSoft a récemment fait peau neuve, il est proposé avec une nouvelle identité visuelle et une ergonomie améliorée. Ce logiciel équipe plus de 1500 librairies, des plus petites aux plus grandes. Il répond à tous leurs besoins de gestion, vente, commande, services proposés par DiliCom. InQuarto, logiciel de gestion destiné aux maisons d'édition sera proposé cette année dans une nouvelle configuration d'abord dans une version essentielle pour les éditeurs ayant peu de titres à leur catalogue puis dans sa version complète pour tous les éditeurs de taille plus importante. Si vous avez aimé cet épisode abonnez-vous au podcast Les Voix du Livre et envoyez-nous des tas de cœurs et d'étoiles A bientôt !

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • En ouverture : "Indépendants, vraiment ? Doutes et espoirs d'un secteur clé de l'édition

    00:58

  • En chemin : à la découverte de la librairie La Madeleine

    10:29

  • Chapitre 4

    21:34

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Description

L'édition indépendante existe-t-elle vraiment ? À la veille des Assises nationales de l'édition indépendante, à l’heure où le mercato fait parler de lui chaque jour dans les médias, cette question se révèle au coeur des préoccupations. Dans cet épisode, Elisabeth Segard, journaliste chez Livres Hebdo, décrypte les enjeux d'un secteur en pleine mutation. Entre nouvelles réglementations et défis économiques croissants, les éditeurs et éditrices s’expriment au micro pour définir les nouveaux enjeux de leur métier. 


Dans la deuxième partie de l’épisode, Lauren Malka nous emmène à Lyon, à la rencontre de Juliet Romeo, co-fondatrice d’une librairie qui a le vent en poupe - c’est suffisamment rare pour être noté - La Madeleine, dans un quartier populaire de la ville. 


Enfin, les journalistes de Livres Hebdo Jacques Braunstein, Mylène Moulin et Fabienne Jacob partagent leurs coups de coeur de ce début d’année autour d’un sujet dont on a bien besoin “le care” ou “éthique du soin”. Au programme: “Clean”, un roman de Johann Zarca aux éditions de la Goutte d’Or, “Premiers cris”, une enquête sur la néonatologie de Clémentine Goldszal au Seuil, “L’éthique du Care”, essai de Fabienne Brugère chez Que sais-je et enfin “Toto”, un album pour enfants de Hyewon Yum aux Editions des Eléphants.


Un podcast réalisé en partenariat avec les éditions DUNOD, l'éditeur de la transmission de tous les savoirs.



Ont participé à cet épisode :


Jacques Braunstein, Mylène Moulin, Fabienne Jacob



Sont mentionnés dans cet épisode :


Fabienne Brugère, L'éthique du Care, éditions Que Sais-je


Johann Zarca, Clean, éditions La Goutte d'Or


Hyewon Yum, Toto, éditions des Éléphants


Clémentine Goldszal, Premiers Cris, édition du Seuil



Crédits :

 Emission France Culture: Épisode 1/4 : Édition indépendante: le temps de la résistance

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/culturesmonde/edition-independante-le-temps-de-la-resistance-7069416



Cet épisode est soutenu par 2DCOM. Société informatique dédiée au monde du livre, créée par un ancien libraire de Nancy en 1998, 2DCOM aide les libraires et les éditeurs dans leur gestion quotidienne grâce à des logiciels innovants et intuitifs et à une assistance réactive.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Cet épisode est soutenu par 2Dcom, société informatique dédiée au monde du livre. Créée par un ancien libraire de Nancy en 1998, 2Dcom aide les libraires et les éditeurs dans leur gestion quotidienne grâce à des logiciels innovants et intuitifs et à une assistance réactive.

  • Speaker #1

    C'est une question très difficile que vous posez là parce qu'en fait, il n'y a pas une ligne de conduite à priori. C'est sûr qu'être petit signifie une faiblesse, mais aussi une force. C'est-à-dire que nous sommes faibles parce que nous n'avons pas derrière nous un fond qui nous fait vivre, mais nous avons un atout qui est justement la taille, parce que dans ce petit noyau qui est une petite maison d'édition, tout circule. L'information ne reste pas au cinquième étage, tandis qu'on est au premier. On sait tout, et avec ce tout, on arrive probablement à aller plus vite de l'avant.

  • Speaker #0

    L'édition indépendante l'est-elle vraiment ? En 2016, l'éditrice Liana Lévy évoquait ses inquiétudes et espoirs pour l'édition indépendante, au micro de France Culture, un an après le décès de François Maspero, figure phare de l'édition indépendante. Qu'en est-il presque dix ans plus tard ? Comment se définit l'indépendance éditoriale à l'heure où la plupart des maisons fondées sur ce principe affirment qu'elles tremblent de ne plus pouvoir exercer leur métier avec l'exigence qui faisait leur fierté ? C'est le sujet d'ouverture de cet épisode. Je m'appelle Lauren Malka, je suis journaliste indépendante et vous écoutez Les Voix du Livre, un podcast conçu en partenariat avec les éditions Dunod. Chaque mois, je vous embarque chez Livre Hebdo pour entendre le bruit que ça fait quand les pages du magazine du livre se mettent à parler. Au sommaire, en deuxième partie, direction Lyon, pour rencontrer Juliet Romeo, co-fondatrice de la librairie La Madeleine, surnommée La MAD, dans un ancien bouchon lyonnais. À la fin de l'épisode, la clique critique de Livres Hebdo se réunit pour élire leur coup de cœur sur un thème qui fait du bien, le care, ou en français, l'éthique du soin. Avant cela, Elisabeth Segard, journaliste pour Livre Hebdo, interroge la survie de la notion d'indépendance dans l'édition.

  • Speaker #2

    Les Voix du Livre : en ouverture

  • Speaker #3

    La grande question que tout le monde se pose, c'est: c'est quoi une maison d'édition indépendante ? Est-elle si indépendante que cela ? Et vis-à-vis de qui d'abord ? Des grands groupes, du marché, des partenaires, des lecteurs ? Alors, à l'heure où le mercato éditorial fait grand bruit dans les médias, on a voulu se poser les questions qui fâchent à Livres Hebdo. Et la question est vaste. D'abord, il existe des maisons dites indépendantes, de toutes les tailles. Depuis l'éditeur qui tire à 200 exemplaires et entasse les cartons dans son salon, à Albin Michel, que tout le monde connaît, et qui pesait 97 millions d'euros en 2023 en publiant Amélie Nothomb, Maxime Chatham ou encore Mélissa Da Costa. On a aussi par exemple Michel Laffont, pour qui un livre vendu à moins de 10 000 exemplaires est un échec commercial. D'après les observateurs, il y avait plus d'indépendants dans les années 2000, mais une partie d'entre eux a été rachetée par les gros groupes que l'on connaît : Editis, Hachette ou encore Média-Participations. On peut citer P.O.L, Héloïse d'Ormesson, Le Cherche-Midi, Les Éditions du Sous-Sol, Sarbacane. Ces petites maisons d'édition conservent-elles une forme d'indépendance, même si elles sont adossées à de grands groupes ? En fait, la définition même du mot indépendant dans l'édition a évolué. Pour certains éditeurs, l'indépendance n'est pas seulement financière. Elle définit le rapport même d'un éditeur à ses textes et le temps qu'il peut consacrer à ses auteurs. D'après Benoît Loreau, le cofondateur des éditions de l'Ogre qu'il dirige depuis 2015, l'indépendance est avant tout un état d'esprit.

  • Speaker #2

    Une maison d'édition indépendante, c'est d'abord une maison d'édition qui est indépendante dans ses choix éditoriaux, dans la manière de travailler ses textes, dans la manière de choisir ses auteurs, dans la manière de vendre ses textes... Et bien-entendu que c'est étroitement lié avec les réussites commerciales qui permettent d'avoir un minimum d'indépendance financière pour pouvoir faire ces choix-là. Après, si on regarde en tant que politique éditoriale, c'est-à-dire quand on accompagne une œuvre, comment on accompagne un auteur, une autrice etc, on peut retrouver cette indépendance éditoriale, dans des structures qui sont incluses de différentes manières. On a tendance à avoir une définition de l'indépendance qui est peut-être assez astrique, on va dire que c'est plus la manière de travailler que les éléments objectifs qui seraient mis exclusivement au capital.

  • Speaker #3

    Donc, contrairement à ce que l'on pense, on peut être éditeur indépendant tout en appartenant à un gros groupe. Autre idée à combattre, les indépendants ne vendent pas toujours des textes plus radicaux que les grands groupes. Benoît Loreau le confirme, des livres publiés chez P.O.L. et Minuit, qui appartiennent au groupe Madrigall, sont parfois tout aussi engagés que ce qu'il fut paraître. La vraie spécificité des indépendants, selon plusieurs d'entre eux que j'ai interrogés, ce serait peut-être leur agilité. Et d'après Sigolène Du Besset, la directrice des éditions du Gros Caillou à Lyon, L'indépendance permet au travail éditorial une grande marge d'inventivité.

  • Speaker #4

    Moi ce que je vois c'est qu'on a quand même une grande liberté dans nos choix. Parce que du coup moi, à part mes associés, j'ai tout compte à rendre finalement à personne. Ça permet je trouve une grande liberté dans les choix, dans les choses qu'on fait, dans les textes, dans les auteurs... Et puis je trouve aussi que dans la faculté aussi un peu de se ré-inventer, on est peut-être moins figés parfois. On a un peu moins d'heures de process, de contraintes, ce qui laisse une marge de manoeuvre, même dans la façon de faire exister les choses.

  • Speaker #3

    L'agilité éditoriale, ça vaut pour les petites maisons comme celle de Sigolène du Besset, mais aussi pour de plus grosses comme City Edition. Et Frédéric Thibaud, le directeur de City Editions, le confirme.

  • Speaker #2

    Je trouve qu'il n'y a pas vraiment de limite ou d'inconvénients à être indépendants, même si ce texte ne rentre pas forcément précisément dans la ligne éditoriale, etc. On peut le faire, ce qui n'est pas forcément le cas, je pense, pour une maison d'édition qui n'est pas indépendante, qui a une ligne éditoriale stricte, un comité de lecture, etc. C'est vrai que, évidemment, en tant qu'indépendant, vous n'avez pas la sécurité d'un grand groupe derrière vous, vous êtes sans doute tentés de prendre un peu moins de risques et de faire un peu plus attention au budget. Donc ça limite peut-être en effet dans certains choix que vous aimeriez faire, mais vous ne remportez pas l'enchère sur tel ou tel livre ou tel ou tel auteur, parce que vous n'avez pas encore une fois la solidité financière d'un grand groupe derrière.

  • Speaker #3

    Ça n'a pas empêché Frédéric Thibaud de remporter les enchères sur deux livres qui figurent dans le top 3 des mieux vendus de l'année, La femme de ménage et La sage-femme d'Auswitch, tous les deux parus chez J'ai Lu en 2024. Il se trouve que cet éditeur, comme il le dit lui-même, peut s'appuyer sur la visibilité d'un gros diffuseur Hachette. Ce n'est pas le cas de Nathalie Sejean, la co-fondatrice des éditions La Fourmi, une maison née il y a moins d'un an, qui voit, elle, son indépendance limitée par la fragilité de son système de diffusion.

  • Speaker #5

    Dans une économie qui est basée sur le volume, la limite à laquelle on doit tous faire face, je pense, c'est la diffusion. Nous, on est en autodiffusion, donc c'est nous-mêmes qui emballons les livres et les envoyons aux personnes et aux librairies qui les commandent. Ça implique qu'on est limités à la capacité qu'on a à atteindre les gens, à les convaincre de vouloir découvrir nos récits. Forcément, plus on vend, plus ça va demander un énorme travail de notre part et on va toucher un plafond de verre au bout d'un moment parce qu'on a une capacité limitée à faire notre propre marketing, notre propre diffusion. Et en même temps, l'économie du livre est une économie qui a des petites marges et des coûts forts. Et les coûts augmentent depuis quelques années, fortement avec le prix du papier. Là, par exemple, on attend les nouveaux devis avec les nouveaux tarifs pour l'augmentation du papier. Et la Poste est en train de changer sa politique aussi pour faire des envois à l'étranger. Et en fait, toutes ces petites choses accumulées sur des petites structures comme la nôtre font que ça peut avoir un... Ça peut faire une grosse différence à la fin de l'année.

  • Speaker #3

    Avoir un gros diffuseur et un distributeur national, ce n'est pas non plus le Graal. Plusieurs maisons m'ont expliqué qu'être sous contrat avec un gros diffuseur oblige par exemple à tenir un rythme de publication qui peut être contraignant et qui limite forcément cet esprit d'indépendance. L'une des limites évoquées par les éditeurs et peut-être la moins connue qui explique la fragilité de leur indépendance, c'est leur solitude. Marie Rébulard, la fondatrice des éditions Six Citrons Acides, comme Benoît Laureau ou Sigolène Du Besset, se voit toutes et tous comme des femmes et des hommes d'orchestres. Ils gèrent la relation avec les auteurs, avec les libraires, les relations avec l'imprimeur, la communication, les demandes de subventions, et bien sûr, tous les aléas de la vie, les maladies, les naissances, les factures impayées, etc. Pour conclure, être un éditeur indépendant, aujourd'hui, c'est avant tout avoir la liberté de publier les livres auxquels on croit et d'y consacrer le temps qu'il faut. Pour accomplir cet exploit qui reste aujourd'hui une forme d'utopie, il faudrait peut-être réformer le système de l'édition. C'est l'enjeu des Assises de l'édition indépendante qui auront lieu du 19 au 21 février 2025. L'une des questions qui sera soulevée : comment renforcer l'indépendance à chaque maillon de la chaîne ? Éditeurs, distributeurs, diffuseurs ? L'espoir est donc permis, et en attendant cette révolution, on peut continuer à croire au miracle, celui d'un best-seller qui entraîne toute la maison.

  • Speaker #0

    Le dossier sur l'édition indépendante auquel a participé Elisabeth Segard est à retrouver dans le numéro de février de Livres Hebdo.

  • Speaker #1

    Les Voix du livre

  • Speaker #2

    En chemin.

  • Speaker #0

    Nous sommes le 13 décembre 2024 à Lyon et je suis impatiente de rencontrer Juliet Romeo, cofondatrice de La Madeleine, une petite librairie de quartier au cœur d'une ambiance de village, celle du 7e arrondissement. Bonjour Juliet. Bonjour. Cette place de village est très mignonne, il y a une église catholique juste à côté de nous. Mais il y a une dizaine d'années encore, je crois que c'était un coin un peu "craignos" comme on dit.

  • Speaker #2

    Oui tout à fait, le 7e arrondissement c'est un arrondissement qui est très très grand, avec une population très populaire. Il y a eu pas mal de changements récemment, une forme de gentrification. Et nous, on est juste à la limite. Donc, on est sur la partie qui s'est un petit peu embourgeoisée, on va dire. Mais ça garde quand même toute cette âme de village, de commerce de proximité, de bonne ambiance et de mixité sociale. Alors du coup, avec mon associé Alex, on a monté la librairie en très peu de temps, entre la fin 2018 et on a ouvert en fin avril 2019. Du coup, on s'est installés dans un local qui était vide, qui a été historiquement un des bouchons lyonnais et qui ensuite a été une pizzeria qui était laissée à l'abandon. Et donc nous, on a eu le local tout en délabrement, on va dire. On a tout refait, principalement avec du matériel de récupération. Et tous les meubles ont été faits par une association qui fait de la réinsertion par l'emploi et par un atelier bois qui faisait de la réinsertion par le travail du bois. Donc tout est fait un peu sur mesure, fait par des personnes qui ont appris un métier en même temps qu'ils ont fait nos meubles.

  • Speaker #0

    Dans cette librairie, tu as une préoccupation sociale importante. Quel sens tu donnes à ça dans ton parcours personnel ?

  • Speaker #2

    Moi, j'ai grandi dans un village qui n'avait pas de librairie pour le coup, qui n'en a toujours pas, je crois. Pour moi, c'était très dur d'avoir accès à la culture sans devoir absolument aller à Lyon. Parce que voilà, c'était un peu, si on voulait aller au cinéma, il fallait aller à Lyon. Et qu'en fait, quand on allait à Lyon pour... Tout bêtement, pour acheter des livres, on allait à la FNAC parce qu'on allait à Bellecour dans le quartier qui est très commercial. Et pour moi, ça a du sens de monter une petite librairie dans un quartier qui est à forte mixité sociale parce que c'est important de pouvoir amener la littérature aux gens qui n'y ont pas forcément accès. Les gens qui viennent ici, c'est sur le chemin de leur marché. Ils viennent chez nous après être passés chez le boucher, après être passés chez le charcutier, après avoir fait leurs courses à côté, après avoir récupéré les enfants... Et du coup, l'idée, c'est d'être dans un lieu qui est vraiment ancré et qui est ouvert à tous. Et on essaye d'être le plus inclusifs possible. Donc on a par exemple mis en place une cagnotte solidaire qui est un système où nos clients peuvent mettre de l'argent volontairement ou transformer leur remise de carte fidélité pour la mettre sur une cagnotte: on donne des livres pour des associations de sans-abris pour abonder quand on fait le dispositif "Donnez à lire" pour les enfants, pour des étudiants qui n'ont pas forcément les moyens et qui ont besoin d'un livre ou qui ont envie de lire un livre. Et voilà, on touche du doigt une forme de misère tous les jours quand même. Donc on essaye, nous, à notre niveau, quand même, de garder un peu une petite lueur. Et puis c'est important de s'inscrire dans une démarche aussi où on essaye de proposer des livres qui ouvrent l'esprit, qui permettent de réfléchir, surtout dans le contexte actuel.

  • Speaker #0

    Donc par exemple, justement, qu'est-ce que ça implique en termes de choix ?

  • Speaker #2

    Alors du coup, on essaie de faire des choix qui penchent plus vers la petite maison d'édition alternative pour contrebalancer la surproduction des grosses maisons d'édition qui, eux, vont avoir des affiches dans le métro, vont avoir des articles. Mais ce qui est très compliqué, c'est que pour que les choses bougent vraiment, il faudrait que le grand public comprenne la chaîne du livre et comprenne que nous, on ne reçoit pas des livres comme ça qu'on nous impose, mais qu'on fait des choix. Ça nous arrive souvent qu'il y ait des clients qui viennent en nous disant est-ce que vous allez recevoir ce livre ? Et effectivement, c'est compliqué de leur expliquer qu'on ne reçoit pas un livre, qu'on choisit de le recevoir. Et du coup, c'est parfois compliqué pour eux de comprendre qu'il y a une vraie différence entre une librairie indépendante qui fait ses choix et des grandes enseignes ou des grandes enseignes en ligne qui, elles, peuvent se permettre d'avoir l'intégralité des catalogues de tout le monde.

  • Speaker #0

    Et est-ce que c'est quelque chose que tu fais et que ton équipe fait, justement, de passer du temps à expliquer aux clients et clientes, le rôle du libraire ?

  • Speaker #2

    On essaye, on n'a pas forcément toujours le temps, mais on essaye en tout cas de le faire au maximum. Et puis on essaye visuellement, parce que nous, comme beaucoup de librairies, on a des notules, donc on a des petits cartons colorés avec notre avis sur un livre, ce qui permet de guider les personnes. Et effectivement, on fait des jolies découvertes, et puis on fait des jolis... Il y a des livres qui vivent très longtemps chez nous. Hier soir, on a reçu... Anne Simon, qui est autrice de bandes dessinées, qui a une saga qui s'appelle Les Contes du Marylène, qui est édité chez Misma. Et chez nous, c'est des BD qui vivent très bien parce qu'en fait, on les conseille et que les gens attendent ça aussi, qu'on leur fasse faire le pas de côté, qui des fois est difficile à juste trouver sur une table.

  • Speaker #0

    C'est une librairie qui a l'air de te ressembler pas mal. Tu m'as dit par téléphone que tu étais fan de foot.

  • Speaker #2

    Tout à fait. Alors là, c'est parce que moi, je parle parce qu'en fait, en réalité, la librairie ressemble aussi à mon associé, enfin à nos salariés qui travaillent ici, parce qu'effectivement, on participe tous et toutes aux choix.

  • Speaker #0

    Est-ce que la passion foot est présente ?

  • Speaker #2

    Moi, du coup, un petit peu. Et effectivement, par exemple, sur les questions de foot, on n'aura aucune biographie de footballeur. Par contre, il y a un journaliste que j'aime beaucoup qui s'appelle Jérôme Latta qui a sorti un livre, "Ce que le football est devenu", qui est sorti chez Divergences et qui est un livre qu'on a beaucoup aimé faire vivre parce qu'effectivement, c'est des propositions alternatives parce que dans le foot aussi, il y a plusieurs mondes qui s'affrontent et y compris un monde un peu plus engagé qui a envie de donner une belle image du foot. Et là, pour les fêtes, par exemple, on a un ouvrage assez classe qui est édité par les Cahiers du Foot, qui est une revue de foot alternative qui s'appelle Derbies sur les derbies européens. Alors, c'est assez rigolo parce que ça montre à quel point dans les villes, on a des affrontements entre clubs de gauche et clubs de droite, très classiquement dans le foot. Et voilà, c'est assez chouette. Et ça fait partie des petites propositions de pas de côté qu'on essaye de faire, effectivement.

  • Speaker #0

    Pour ce podcast, Livres Hebdo, en partenariat avec les éditions Dunod, pousse la porte des libraires pour les écouter nous décrire leurs enjeux, décrypter les tendances éditoriales du moment et partager leurs coups de cœur. La maison Dunod publie des ouvrages de non-fiction sous les éditions Dunod et Armand Collin pour rendre le savoir accessible au grand public, aux professionnels et aux étudiants. Nous sommes toujours avec Juliet Romeo qui nous parle de son pôle féminisme, très convoité par les clientes et clients.

  • Speaker #2

    Oui, tout à fait. Alors du coup, on a effectivement un pôle qui est plutôt... qui va rapprocher les questions féministes et LGBT, queer, dans leur grand ensemble. On essaye de mixer en plus, au même endroit visuellement, de la fiction et de la non-fiction. Il y a des grandes thématiques en ce moment qui ressortent pas mal sur la maternité, sur la question du genre, sur la non-binarité. C'est des questions qui sont assez prégnantes dans les essais. Moi, je suis très friande, et mes collègues aussi : on aime bien ressortir des textes qui étaient un peu tombés dans l'oubli et il y a quand même une partie des maisons d'édition qui font le travail actuellement de ressortir des textes d'autrices oubliées, des textes qui sont assez anciens, qui permettent de remettre un peu de matrimoine dans la littérature ça on peut remercier Titiou Lecoq avec son essai sur les Grandes oubliées qui était très intéressant, là je vois le livre de Diglee "Je serai le feu", qui est sorti à La ville brûle, qui au milieu des 3-4 poétesses qu'on connait en fait en propose 40 autres dont on n'a jamais entendu parler. Il y a une... Une question qu'on nous pose de temps en temps, des clients qui se posent des questions sur des mots qu'ils entendent, comme le wokisme par exemple. Donc il y avait un ouvrage publié chez Armand Colin qui s'appelait Faut-il avoir peur du wokisme ? de Romuald Sciora, qui est américain, qui était très intéressant pour remettre un peu des bases sur les thèses de ce fameux wokisme. On a aussi un livre qui est un peu plus large, qui s'appelle Le lobby transphobe, justement sur toutes ces questions-là qui ont un peu percuté l'actualité, en utilisant des termes qui ne sont pas hyper accessibles aux gens. Il faut dire ce qui est, wokisme, transphobie, tout ça. Il y a quand même des choses qui ne parlent pas, nous, dans notre quartier par exemple, qui ne parlent pas forcément aux gens.

  • Speaker #0

    Il y a d'autres coups de cœur dans ce rayon ?

  • Speaker #2

    Nous, on aime beaucoup un texte qui était paru chez Zoé, de Alice Rivaz, qui s'appelle La paix dans les ruches qui commence par cette phrase incroyable "Je crois que je n'aime plus mon mari", qui est une très grosse vente de Noël, parce que souvent, ça permet de faire passer un message aux belles sœurs et aux cousines. Après, il y a un autre texte qu'on aime beaucoup, chez Libretto, qui s'appelle Dirty Weekend, qui est l'histoire d'une jeune femme qui se fait harceler par son voisin d'en face et qui va décider de le buter. Et qui va se dire qu'en fait, c'est pas mal de buter tous les mecs qui sont problématiques. Voilà, c'est assez pareil, ça fait son petit effet. Et puis, le livre qui marche beaucoup en ce moment aussi, c'est Le coût de la virilité, qui est sorti en poche, là. De Lucie Peytavin, je crois? Oui, tout à fait. Et qui, pareil, est acheté, pour le coup, par des hommes comme par des femmes. Ça intrigue beaucoup et le contenu est assez édifiant sur la question.

  • Speaker #0

    Merci aux éditions Dunod pour cette séquence Transmission des savoirs. Au moment de la diffusion de ce podcast, on est encore début 2025. Il est encore temps de se faire les vœux. Qu'est-ce qu'on peut faire comme voeux à la librairie Madeleine pour 2025 et pour les années qui viennent ?

  • Speaker #2

    Tu serais venue deux heures avant, j'aurais dit un premier ministre, mais ça s'est fait. Du coup, j'ai eu l'alerte du monde. Je dirais un peu moins de... Ce qu'on aimerait, c'est un peu moins de production éditoriale massive. Je pense que là, on est trop submergé. On ne peut pas faire des rentrées littéraires avec 400, 500 romans. Nous, on est à 50 mètres carrés, on est trois. En vrai, on... On ne peut pas, en fait.

  • Speaker #0

    Donc, moins de production.

  • Speaker #2

    Oui, et puis des trucs... Et puis, oser un petit peu. Un peu d'audace dans la littérature, ce serait pas mal aussi.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut souhaiter quelque chose aussi à la librairie La Madeleine ?

  • Speaker #2

    Oui, que ça continue à marcher aussi bien que ça sait actuellement et qu'on continue à avoir toujours autant de personnes qui ont envie d'être étonnées en rentrant de ce qu'on va leur proposer. pour leur soirée au coin du feu ou en terrasse de bar quand ce sera l'été. Super !

  • Speaker #1

    Ls Voix du livre: en haut de la pile.

  • Speaker #0

    C'est la troisième partie de cet épisode, la rubrique en haut de la pile, avec une thématique spéciale ce mois-ci autour des livres du Care, éthique du soin en français. Clean de Johan Zarca, l'éthique du care de Fabienne Brugère, Premier cri de Clémentine Golszal et pour les enfants Toto, un album de Hyewon Yum. C'est notre palmarès spécial care de ce début d'année. Autour de moi, la clique critique de Livre Hebdo s'installe. Fabienne Jacob, spécialiste de littérature pour enfants. Bonjour Fabienne. Bonjour. Jacques Braunstein, rédacteur en chef. Bonjour Jacques. Bonjour. Et Mylène Moulin. journaliste indépendante, notamment pour Livre Hebdo, animatrice d'ateliers d'écriture d'autossoins, qui signe ce mois-ci une enquête au Rayon X, dans les pages de Livre Hebdo, sur l'édition du Care, justement. Est-ce que tu peux nous en dire plus, Mylène, sur cette enquête ?

  • Speaker #3

    Alors, ce Rayon X, il est un peu particulier, puisque cette fois, on ne s'intéresse pas à un rayon, on s'intéresse au Caire, qui est une notion. Nous sommes allées voir, en fait, les éditeurs, pour leur poser la question, est-ce que vous publiez des ouvrages qui prennent soin des autres. Plusieurs thématiques sont sorties, notamment la dépendance des personnes âgées, la fin de vie et la solitude. D'ailleurs en milieu d'année il y aura deux titres clés. La solitude est un connard mais c'est une bonne nouvelle d'Alexia Borg, à paraître aux éditions Jouvence, qui propose de changer le regard sur la solitude et Faire tribu de Hugo Paul, à paraître aux éditions Eyrolles. où le jeune explorateur nous prend par la main et nous emmène à la rencontre de communautés où le care est une notion très importante et où on remet du sens dans notre vie à travers les liens sociaux.

  • Speaker #0

    Merci Mylène. Alors avant de parler de soins, on parle de combien ? Jacques, quel est le chiffre du mois ?

  • Speaker #1

    Eh bien écoutez, le chiffre du mois c'est 600 000. C'est le nombre d'exemplaires qu'il s'est vendu cette année de la femme de... Ménage de Frieda McFadden aux éditions J'ai Lu. Car dans le numéro de Livre Hebdo de février, il y a les meilleures ventes de l'année, j'ai envie de dire comme chaque année, et ça nous permet, sans rentrer trop dans les détails, puisqu'on est quand même à l'oral, de voir un petit peu ce qui marche, ce qui marche pas. Il y a le verre à moitié plein et le verre à moitié vide, on va commencer par le verre à moitié plein. C'est une bonne nouvelle parce que les deux premiers livres de ce classement sont deux romans étrangers, ce qui n'est pas arrivé depuis longtemps. Donc La femme de ménage et la sage-femme d'Auschwitz de Anna Stuart, toujours chez J'ai Lu. Le verre à moitié plein, c'est que c'est des romans en poche, ce qui prouve que les lecteurs ont peut-être un petit peu moins de sous, puisque les années précédentes, c'était des bandes dessinées un petit peu plus chères. Par la suite, on retrouve Joël Dicker qui est quand même un habitué des meilleures ventes à plus de 425 000 ventes. Ensuite, Guillaume Musso, autre habitué qui avait fait une année de pause en 2023, mais là il revient en fanfare, puisqu'il est quatrième avec Angélique en poche, et sixième avec quelqu'un d'autre en grand format chez Calmann Lévy, et entre les deux, le prix Goncourt, Kamel Daoud, Houris chez Gallimard. Et alors, ce qui est amusant, c'est qu'entre quelqu'un d'autre d'un de Guillaume Musso et Kamel Daoud Houris, il y a 4 ventes de différence d'après GFK notre partenaire. Donc je dirais qu'ils ont plus ou moins fait ex aequo. Voilà les grandes tendances du top des ventes pour cette année d'après Livre Hebdo et GFK.

  • Speaker #0

    Merci Jacques on va entendre ton coup de coeur tout à l'heure mais on commence avec toi Mylène Tu nous parles du nouveau livre de l'une des grandes figures du Care, Fabienne Brugère.

  • Speaker #3

    Oui, alors il s'agit de l'éthique du Care de la philosophe Fabienne Brugère, comme tu l'as dit, qui publie ce début d'année la cinquième édition de son ouvrage dans la célèbre collection Que sais-je ? Ce livre aborde un concept fondamental, l'éthique du Care ou l'éthique du soin, qui place les relations humaines au cœur de notre morale et de notre politique. Brugère nous invite à réfléchir autrement notre rapport aux autres, en commençant par le soin. Ce n'est pas seulement une question de médecin ou d'infirmière ici, non. On parle aussi de tous ces gestes du quotidien, invisibles mais indispensables, s'occuper d'un proche malade, accompagner un parent âgé ou encore guider un enfant dans son apprentissage du monde. Ce sont des actes de bienveillance mais aussi des engagements profonds, souvent lourds mais toujours humains. Et c'est là que le livre devient passionnant. Brugère ne se contente pas d'une réflexion théorique, elle fait le lien entre l'éthique du care et les enjeux sociaux contemporains. Vous l'avez peut-être remarqué, mais dans nos sociétés, ce travail est invisible, mal rémunéré, voire sous-estimé. Pourquoi ? Parce que dans de nombreuses cultures, le soin est associé au rôle féminin. Fabienne Brugère le défend, c'est une situation qui mérite d'être revisitée. Elle va encore plus loin, elle nous invite à réfléchir la justice sociale sous un angle plus global. L'éthique du Care, c'est aussi un moyen de lutter contre les inégalités, qu'elles soient sociales, raciales ou de classe. Et c'est là que son approche intersectionnelle fait toute la différence. Elle intègre ses dimensions, de manière à réinventer nos rapports humains. Une injonction à redonner de l'importance à ces relations d'attention, de solidarité et de responsabilité partagée.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que c'est le livre qu'il faut avoir pour connaître un peu le B.A.B. du Care. Jacques, Fabienne, vous avez déjà lu les travaux de Fabienne Brugère ?

  • Speaker #4

    Non, mais je l'ai entendu ce matin, sur France Culture, donc c'est encore très frais dans ma mémoire, et en effet, c'était passionnant.

  • Speaker #0

    L'éthique du Care, chez Que sais-je, ça paraît le dix février. Merci Mylène. Jacques, c'est à toi, tu nous parles d'un roman-réalité, je crois, sur l'addiction et l'abstinence.

  • Speaker #1

    Oui, comme avant d'être à Livres Hebdo, j'étais plutôt critique roman, donc je ne suis pas un spécialiste du care. Et puis en même temps, à la rentrée, j'ai reçu un roman et je me suis dit, tiens, là, on est quand même vraiment dans cette thématique. L'auteur, on le connaît, il s'appelle Johann Zarca. Il avait eu le prix de Flore en 2017 avec Paname Underground. Il racontait toujours des histoires de marginaux, toxicomades... Enfin, on n'était pas très dans le care. On était même dans l'égoïsme hédoniste. Et ça n'est pas un grand secret puisqu'il le dit dans le livre. Aujourd'hui, il est au Narcotiques Anonymes et il a écrit un roman qui s'appelle Clean où, au contraire, il essaye de raconter comment est-ce que les gens s'entraident, comment ils prennent soin des uns des autres pour ne pas retomber, pour rester clean. C'est le titre du roman, donc, aux éditions Goutte d'Or. C'est très réussi parce que, je vais être franc, au début je me disais, ça risque d'être plein de bons sentiments. Et il arrive à mettre le même suspense qu'il y avait avant dans ces histoires de dealers, de voleurs, sur des gens qui se cherchent les uns les autres pour s'aider à ne pas retomber, à ne pas faire le mauvais geste. Et c'est vraiment un roman sur l'entraide, à la fois touchant, avec du suspense, avec un chassé-croisé dans Paris la nuit, et un roman que j'ai vraiment beaucoup apprécié et que je conseille, et comme quoi on peut faire du suspense avec le Care, ce qui n'était peut-être pas évident à la base.

  • Speaker #0

    Oui, on ne s'attendait pas à avoir ce roman-là. Mylène, est-ce que pour toi ça rentre dans la notion de Care, puisqu'il y a effectivement ces communautés thérapeutiques qui sont évoquées par Johann Zarca ? Oui,

  • Speaker #3

    d'ailleurs je le mentionne dans le dossier Rayon X, parce qu'il est question de solidarité. Et il est question aussi de vulnérabilité. Les personnes qui vivent avec une addiction sont des personnes vulnérables qui se reposent beaucoup sur les autres personnes qui ont des problèmes d'addiction pour avancer ensemble. Je pense en tout cas que c'est un roman qu'on peut tous lire pour comprendre de l'intérieur en profondeur une souffrance qu'on ne vit pas forcément au quotidien pour arrêter de la juger.

  • Speaker #0

    Clean de Johann Zarca aux éditions de La Goutte d'Or. Ça sort le 10 janvier 2025. Le Care, c'est aussi une philosophie qui concerne aux premières loges les enfants. Fabienne, quel livre tu as choisi ?

  • Speaker #4

    J'ai choisi Toto de Hyewon Yum, aux éditions des Eléphants. Mais avant, je voulais dire un petit mot sur le Care, en édition jeunesse. Je pense qu'il y a eu un boom depuis au moins dix ans sur les émotions. Les émotions en font vraiment florace chez tous les éditeurs jeunesse, on s'intéresse beaucoup aux émotions, y compris aux émotions négatives, comme la colère, la jalousie, l'envie... Toutes les émotions. On parle aussi des émotions plus douces, évidemment. Donc moi, j'ai retenu Toto. Toto, c'est un drôle de nom, c'est pas la tête à Toto. C'est une tâche de naissance qu'arbore une petite fille, une adorable petite fille, sur son front. Donc elle est née comme ça et elle se demande souvent, mais qu'est-ce que je serais sans Toto ? Donc, tout l'entourage a un rapport différent à Toto. Son cousin Charlie, qui est un petit turbulent, il trouve que Toto, il aimerait bien voir Toto aussi, parce qu'il doit donner un super pouvoir à la petite fille, donc il envie un peu à cette petite fille. Sa grand-mère regarde toujours Toto, mais d'un air un peu triste. Chacun sa façon, et la mère, elle pense que c'est un signe, une trace du baiser de l'ange. Donc là, c'est déjà beaucoup plus poétique. Et quand elle va aller à l'école maternelle, la maman est très inquiète parce qu'elle se dit Oh là là, là ça va vraiment... parce que les enfants adorent quand même la moyenne, ils n'aiment pas trop ce qui dépasse, donc une grosse tache sur le front, ça ne va pas le faire. Donc elle décide tout l'été de laisser pousser la frange. Et quand la petite fille arrive à l'école maternelle... Évidemment. La fatalité veut qu'un jour elle joue à cochon pendu et qu'est-ce qui se passe quand on joue à cochon pendu ? C'est qu'on a la tête à l'envers et donc qu'est-ce qu'on voit ? On voit Toto. Et là, sa meilleure amie lui dit Ah, mais t'as de la chance, je suis sûre que tu dois avoir une vie en plus. Donc j'ai trouvé cet album vraiment très beau, sur nos différences. Mais que serait-on sans nos différences ? On serait peut-être pas grand-chose. Vive les différences !

  • Speaker #0

    Vive les différences ! Mylène, est-ce que tu as remarqué ce boom du Care dans l'édition pour enfants ?

  • Speaker #3

    Alors, je n'ai pas soulevé ça dans l'édition pour enfants. Par contre, dans l'édition pour adultes, au sujet des enfants, oui. Une partie du Rayon X, d'ailleurs, s'intéresse à ces ouvrages qui proposent des clés pour les parents ou pour l'école, pour aider les enfants à développer leurs compétences psychosociales, leur gestion émotionnelle et pour améliorer l'empathie à l'école.

  • Speaker #4

    Ah, ça c'est très intéressant !

  • Speaker #3

    Il y a quelques titres... qui seront publiés cette année, autant chez des éditeurs de sciences humaines que chez des éditeurs de santé ou de développement personnel.

  • Speaker #4

    C'est ce que j'ai appris. On n'entend pas souvent de bonnes nouvelles en ce moment. J'ai entendu il y a un an environ qu'au Danemark, ils étudiaient l'empathie à l'école maternelle. C'est-à-dire que c'est une petite discipline. On commence la matinée par une séance d'empathie. Un tel s'est blessé. Allez, qu'est-ce qu'on fait ? J'espère que ça va arriver en France bientôt.

  • Speaker #1

    Je ne voudrais pas me tromper, mais je crois que Max et Lily, qui est quand même très leader sur l'édition jeunesse, les Max et Lily qui se vendaient le plus il y a quelques années, c'était Max et Lily attendent un petit frère ou une petite sœur. Et qu'aujourd'hui, c'est plus le harcèlement, les émotions. Enfin, on sent que vraiment, c'est des sujets qui montent en puissance et qui intéressent les parents et les enfants.

  • Speaker #4

    Exactement.

  • Speaker #0

    Toto de Hyewon Yum aux éditions des Eléphants. Ça sort le 21 février. Merci Fabienne. À mon tour, je vous parle d'un très bel hommage rare à des professionnels du Care dont on ne parle jamais. Et pour cause, il s'agit de celles et ceux qui accompagnent les enfants malades. Enfants malades, comme dit l'autrice de ce livre, l'expression elle-même est une aberration. Mais sous sa plume, ce monde devient poétique, profondément philosophique et fascinant. Clémentine Goldszal, journaliste littéraire au magazine Elle et Aime le Monde, est la première journaliste autorisée à enquêter à l'hôpital Necker. Elle a passé six mois dans le service de néonatologie, l'un des plus en pointe d'Europe, pour soigner les enfants très malades et prématurés. Pourquoi cette enquête ? L'autrice l'explique très bien. Son fils est né à 37 semaines et 3 jours, c'est-à-dire très peu de temps après la période où on est considéré comme prématuré. Il était en bonne santé et juste après la naissance, il a poussé des petits couinement que les jeunes parents ont trouvé adorables, comme un petit chaton. En fait, la sage-femme s'est immédiatement affolée. Ses gémissements étaient un signe grave de détresse respiratoire. Le bébé s'en est sorti, mais la mère, Clémentine Golszal, est restée traumatisée à l'idée d'avoir commis un tel contresens sur le signal d'alerte envoyé par son enfant. Elle a donc décidé de mener cette enquête, avant tout pour apprendre à parler la langue des nouveaux-nés, puisque c'est effectivement dans ce lieu très fermé, auprès des cas extrêmes, que l'on accède au savoir le moins partagé du monde. Que cherchent à nous dire les nouveau-nés ? Quels sont les micro-comportements normaux, inquiétants ou alarmants de ces tout petits êtres humains qui ne sont pas compris quand ils cherchent à s'exprimer ? Elle raconte le balai quotidien des infirmiers, infirmières, soignants, auxiliaires de soins, agents d'entretien, assistantes sociales, psys, secrétaires, représentants du culte aussi. Elle collecte dans son carnet la multitude de gestes qui permettent, comme elle dit, le fonctionnement de l'organisme soignant. Elle raconte aussi l'histoire de ce champ de la médecine, les découvertes par les chercheurs et chercheuses, parfois très récentes, mais qui sont aussi parfois des gestes antiques, voire primitifs. Elle parle clairement et avec lucidité de la dégradation actuelle du système de santé et son impact sur la mortalité néonatale. Mais le plus surprenant dans ce livre, c'est que la journaliste s'efforce souvent de se demander le point de vue du bébé sur tout cela. Qu'est-ce qu'il ou elle ressent au moment où tout le monde s'agite autour de son berceau ? Mesure les moindres tressaillements de sa respiration. Et là, c'est la force du style littéraire de l'autrice qui réussit parfois à nous faire éprouver les sensations de ce corps minuscule dont la vie ne tient qu'à un fil. Bref, c'est un livre documenté, curieusement agréable à lire, de la part d'une esthète des chefs-d'œuvre au quotidien de la médecine. Sur ce, take care, comme disent les anglophones, prenez soin de vous et on se retrouve au prochain épisode. Merci ! Merci ! C'était Les Voix du Livre, le podcast mensuel de Livres Hebdo présenté par Lauren Malka. À la musique, Ferdinand Bayard. Merci à notre partenaire 2Dcom, société informatique dédiée au monde du livre, d'avoir soutenu cet épisode. 2Dcom commercialise deux logiciels de référence, LibriSoft à destination des libraires et InQuarto pour les maisons d'édition. LibriSoft a récemment fait peau neuve, il est proposé avec une nouvelle identité visuelle et une ergonomie améliorée. Ce logiciel équipe plus de 1500 librairies, des plus petites aux plus grandes. Il répond à tous leurs besoins de gestion, vente, commande, services proposés par DiliCom. InQuarto, logiciel de gestion destiné aux maisons d'édition sera proposé cette année dans une nouvelle configuration d'abord dans une version essentielle pour les éditeurs ayant peu de titres à leur catalogue puis dans sa version complète pour tous les éditeurs de taille plus importante. Si vous avez aimé cet épisode abonnez-vous au podcast Les Voix du Livre et envoyez-nous des tas de cœurs et d'étoiles A bientôt !

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • En ouverture : "Indépendants, vraiment ? Doutes et espoirs d'un secteur clé de l'édition

    00:58

  • En chemin : à la découverte de la librairie La Madeleine

    10:29

  • Chapitre 4

    21:34

Description

L'édition indépendante existe-t-elle vraiment ? À la veille des Assises nationales de l'édition indépendante, à l’heure où le mercato fait parler de lui chaque jour dans les médias, cette question se révèle au coeur des préoccupations. Dans cet épisode, Elisabeth Segard, journaliste chez Livres Hebdo, décrypte les enjeux d'un secteur en pleine mutation. Entre nouvelles réglementations et défis économiques croissants, les éditeurs et éditrices s’expriment au micro pour définir les nouveaux enjeux de leur métier. 


Dans la deuxième partie de l’épisode, Lauren Malka nous emmène à Lyon, à la rencontre de Juliet Romeo, co-fondatrice d’une librairie qui a le vent en poupe - c’est suffisamment rare pour être noté - La Madeleine, dans un quartier populaire de la ville. 


Enfin, les journalistes de Livres Hebdo Jacques Braunstein, Mylène Moulin et Fabienne Jacob partagent leurs coups de coeur de ce début d’année autour d’un sujet dont on a bien besoin “le care” ou “éthique du soin”. Au programme: “Clean”, un roman de Johann Zarca aux éditions de la Goutte d’Or, “Premiers cris”, une enquête sur la néonatologie de Clémentine Goldszal au Seuil, “L’éthique du Care”, essai de Fabienne Brugère chez Que sais-je et enfin “Toto”, un album pour enfants de Hyewon Yum aux Editions des Eléphants.


Un podcast réalisé en partenariat avec les éditions DUNOD, l'éditeur de la transmission de tous les savoirs.



Ont participé à cet épisode :


Jacques Braunstein, Mylène Moulin, Fabienne Jacob



Sont mentionnés dans cet épisode :


Fabienne Brugère, L'éthique du Care, éditions Que Sais-je


Johann Zarca, Clean, éditions La Goutte d'Or


Hyewon Yum, Toto, éditions des Éléphants


Clémentine Goldszal, Premiers Cris, édition du Seuil



Crédits :

 Emission France Culture: Épisode 1/4 : Édition indépendante: le temps de la résistance

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/culturesmonde/edition-independante-le-temps-de-la-resistance-7069416



Cet épisode est soutenu par 2DCOM. Société informatique dédiée au monde du livre, créée par un ancien libraire de Nancy en 1998, 2DCOM aide les libraires et les éditeurs dans leur gestion quotidienne grâce à des logiciels innovants et intuitifs et à une assistance réactive.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Cet épisode est soutenu par 2Dcom, société informatique dédiée au monde du livre. Créée par un ancien libraire de Nancy en 1998, 2Dcom aide les libraires et les éditeurs dans leur gestion quotidienne grâce à des logiciels innovants et intuitifs et à une assistance réactive.

  • Speaker #1

    C'est une question très difficile que vous posez là parce qu'en fait, il n'y a pas une ligne de conduite à priori. C'est sûr qu'être petit signifie une faiblesse, mais aussi une force. C'est-à-dire que nous sommes faibles parce que nous n'avons pas derrière nous un fond qui nous fait vivre, mais nous avons un atout qui est justement la taille, parce que dans ce petit noyau qui est une petite maison d'édition, tout circule. L'information ne reste pas au cinquième étage, tandis qu'on est au premier. On sait tout, et avec ce tout, on arrive probablement à aller plus vite de l'avant.

  • Speaker #0

    L'édition indépendante l'est-elle vraiment ? En 2016, l'éditrice Liana Lévy évoquait ses inquiétudes et espoirs pour l'édition indépendante, au micro de France Culture, un an après le décès de François Maspero, figure phare de l'édition indépendante. Qu'en est-il presque dix ans plus tard ? Comment se définit l'indépendance éditoriale à l'heure où la plupart des maisons fondées sur ce principe affirment qu'elles tremblent de ne plus pouvoir exercer leur métier avec l'exigence qui faisait leur fierté ? C'est le sujet d'ouverture de cet épisode. Je m'appelle Lauren Malka, je suis journaliste indépendante et vous écoutez Les Voix du Livre, un podcast conçu en partenariat avec les éditions Dunod. Chaque mois, je vous embarque chez Livre Hebdo pour entendre le bruit que ça fait quand les pages du magazine du livre se mettent à parler. Au sommaire, en deuxième partie, direction Lyon, pour rencontrer Juliet Romeo, co-fondatrice de la librairie La Madeleine, surnommée La MAD, dans un ancien bouchon lyonnais. À la fin de l'épisode, la clique critique de Livres Hebdo se réunit pour élire leur coup de cœur sur un thème qui fait du bien, le care, ou en français, l'éthique du soin. Avant cela, Elisabeth Segard, journaliste pour Livre Hebdo, interroge la survie de la notion d'indépendance dans l'édition.

  • Speaker #2

    Les Voix du Livre : en ouverture

  • Speaker #3

    La grande question que tout le monde se pose, c'est: c'est quoi une maison d'édition indépendante ? Est-elle si indépendante que cela ? Et vis-à-vis de qui d'abord ? Des grands groupes, du marché, des partenaires, des lecteurs ? Alors, à l'heure où le mercato éditorial fait grand bruit dans les médias, on a voulu se poser les questions qui fâchent à Livres Hebdo. Et la question est vaste. D'abord, il existe des maisons dites indépendantes, de toutes les tailles. Depuis l'éditeur qui tire à 200 exemplaires et entasse les cartons dans son salon, à Albin Michel, que tout le monde connaît, et qui pesait 97 millions d'euros en 2023 en publiant Amélie Nothomb, Maxime Chatham ou encore Mélissa Da Costa. On a aussi par exemple Michel Laffont, pour qui un livre vendu à moins de 10 000 exemplaires est un échec commercial. D'après les observateurs, il y avait plus d'indépendants dans les années 2000, mais une partie d'entre eux a été rachetée par les gros groupes que l'on connaît : Editis, Hachette ou encore Média-Participations. On peut citer P.O.L, Héloïse d'Ormesson, Le Cherche-Midi, Les Éditions du Sous-Sol, Sarbacane. Ces petites maisons d'édition conservent-elles une forme d'indépendance, même si elles sont adossées à de grands groupes ? En fait, la définition même du mot indépendant dans l'édition a évolué. Pour certains éditeurs, l'indépendance n'est pas seulement financière. Elle définit le rapport même d'un éditeur à ses textes et le temps qu'il peut consacrer à ses auteurs. D'après Benoît Loreau, le cofondateur des éditions de l'Ogre qu'il dirige depuis 2015, l'indépendance est avant tout un état d'esprit.

  • Speaker #2

    Une maison d'édition indépendante, c'est d'abord une maison d'édition qui est indépendante dans ses choix éditoriaux, dans la manière de travailler ses textes, dans la manière de choisir ses auteurs, dans la manière de vendre ses textes... Et bien-entendu que c'est étroitement lié avec les réussites commerciales qui permettent d'avoir un minimum d'indépendance financière pour pouvoir faire ces choix-là. Après, si on regarde en tant que politique éditoriale, c'est-à-dire quand on accompagne une œuvre, comment on accompagne un auteur, une autrice etc, on peut retrouver cette indépendance éditoriale, dans des structures qui sont incluses de différentes manières. On a tendance à avoir une définition de l'indépendance qui est peut-être assez astrique, on va dire que c'est plus la manière de travailler que les éléments objectifs qui seraient mis exclusivement au capital.

  • Speaker #3

    Donc, contrairement à ce que l'on pense, on peut être éditeur indépendant tout en appartenant à un gros groupe. Autre idée à combattre, les indépendants ne vendent pas toujours des textes plus radicaux que les grands groupes. Benoît Loreau le confirme, des livres publiés chez P.O.L. et Minuit, qui appartiennent au groupe Madrigall, sont parfois tout aussi engagés que ce qu'il fut paraître. La vraie spécificité des indépendants, selon plusieurs d'entre eux que j'ai interrogés, ce serait peut-être leur agilité. Et d'après Sigolène Du Besset, la directrice des éditions du Gros Caillou à Lyon, L'indépendance permet au travail éditorial une grande marge d'inventivité.

  • Speaker #4

    Moi ce que je vois c'est qu'on a quand même une grande liberté dans nos choix. Parce que du coup moi, à part mes associés, j'ai tout compte à rendre finalement à personne. Ça permet je trouve une grande liberté dans les choix, dans les choses qu'on fait, dans les textes, dans les auteurs... Et puis je trouve aussi que dans la faculté aussi un peu de se ré-inventer, on est peut-être moins figés parfois. On a un peu moins d'heures de process, de contraintes, ce qui laisse une marge de manoeuvre, même dans la façon de faire exister les choses.

  • Speaker #3

    L'agilité éditoriale, ça vaut pour les petites maisons comme celle de Sigolène du Besset, mais aussi pour de plus grosses comme City Edition. Et Frédéric Thibaud, le directeur de City Editions, le confirme.

  • Speaker #2

    Je trouve qu'il n'y a pas vraiment de limite ou d'inconvénients à être indépendants, même si ce texte ne rentre pas forcément précisément dans la ligne éditoriale, etc. On peut le faire, ce qui n'est pas forcément le cas, je pense, pour une maison d'édition qui n'est pas indépendante, qui a une ligne éditoriale stricte, un comité de lecture, etc. C'est vrai que, évidemment, en tant qu'indépendant, vous n'avez pas la sécurité d'un grand groupe derrière vous, vous êtes sans doute tentés de prendre un peu moins de risques et de faire un peu plus attention au budget. Donc ça limite peut-être en effet dans certains choix que vous aimeriez faire, mais vous ne remportez pas l'enchère sur tel ou tel livre ou tel ou tel auteur, parce que vous n'avez pas encore une fois la solidité financière d'un grand groupe derrière.

  • Speaker #3

    Ça n'a pas empêché Frédéric Thibaud de remporter les enchères sur deux livres qui figurent dans le top 3 des mieux vendus de l'année, La femme de ménage et La sage-femme d'Auswitch, tous les deux parus chez J'ai Lu en 2024. Il se trouve que cet éditeur, comme il le dit lui-même, peut s'appuyer sur la visibilité d'un gros diffuseur Hachette. Ce n'est pas le cas de Nathalie Sejean, la co-fondatrice des éditions La Fourmi, une maison née il y a moins d'un an, qui voit, elle, son indépendance limitée par la fragilité de son système de diffusion.

  • Speaker #5

    Dans une économie qui est basée sur le volume, la limite à laquelle on doit tous faire face, je pense, c'est la diffusion. Nous, on est en autodiffusion, donc c'est nous-mêmes qui emballons les livres et les envoyons aux personnes et aux librairies qui les commandent. Ça implique qu'on est limités à la capacité qu'on a à atteindre les gens, à les convaincre de vouloir découvrir nos récits. Forcément, plus on vend, plus ça va demander un énorme travail de notre part et on va toucher un plafond de verre au bout d'un moment parce qu'on a une capacité limitée à faire notre propre marketing, notre propre diffusion. Et en même temps, l'économie du livre est une économie qui a des petites marges et des coûts forts. Et les coûts augmentent depuis quelques années, fortement avec le prix du papier. Là, par exemple, on attend les nouveaux devis avec les nouveaux tarifs pour l'augmentation du papier. Et la Poste est en train de changer sa politique aussi pour faire des envois à l'étranger. Et en fait, toutes ces petites choses accumulées sur des petites structures comme la nôtre font que ça peut avoir un... Ça peut faire une grosse différence à la fin de l'année.

  • Speaker #3

    Avoir un gros diffuseur et un distributeur national, ce n'est pas non plus le Graal. Plusieurs maisons m'ont expliqué qu'être sous contrat avec un gros diffuseur oblige par exemple à tenir un rythme de publication qui peut être contraignant et qui limite forcément cet esprit d'indépendance. L'une des limites évoquées par les éditeurs et peut-être la moins connue qui explique la fragilité de leur indépendance, c'est leur solitude. Marie Rébulard, la fondatrice des éditions Six Citrons Acides, comme Benoît Laureau ou Sigolène Du Besset, se voit toutes et tous comme des femmes et des hommes d'orchestres. Ils gèrent la relation avec les auteurs, avec les libraires, les relations avec l'imprimeur, la communication, les demandes de subventions, et bien sûr, tous les aléas de la vie, les maladies, les naissances, les factures impayées, etc. Pour conclure, être un éditeur indépendant, aujourd'hui, c'est avant tout avoir la liberté de publier les livres auxquels on croit et d'y consacrer le temps qu'il faut. Pour accomplir cet exploit qui reste aujourd'hui une forme d'utopie, il faudrait peut-être réformer le système de l'édition. C'est l'enjeu des Assises de l'édition indépendante qui auront lieu du 19 au 21 février 2025. L'une des questions qui sera soulevée : comment renforcer l'indépendance à chaque maillon de la chaîne ? Éditeurs, distributeurs, diffuseurs ? L'espoir est donc permis, et en attendant cette révolution, on peut continuer à croire au miracle, celui d'un best-seller qui entraîne toute la maison.

  • Speaker #0

    Le dossier sur l'édition indépendante auquel a participé Elisabeth Segard est à retrouver dans le numéro de février de Livres Hebdo.

  • Speaker #1

    Les Voix du livre

  • Speaker #2

    En chemin.

  • Speaker #0

    Nous sommes le 13 décembre 2024 à Lyon et je suis impatiente de rencontrer Juliet Romeo, cofondatrice de La Madeleine, une petite librairie de quartier au cœur d'une ambiance de village, celle du 7e arrondissement. Bonjour Juliet. Bonjour. Cette place de village est très mignonne, il y a une église catholique juste à côté de nous. Mais il y a une dizaine d'années encore, je crois que c'était un coin un peu "craignos" comme on dit.

  • Speaker #2

    Oui tout à fait, le 7e arrondissement c'est un arrondissement qui est très très grand, avec une population très populaire. Il y a eu pas mal de changements récemment, une forme de gentrification. Et nous, on est juste à la limite. Donc, on est sur la partie qui s'est un petit peu embourgeoisée, on va dire. Mais ça garde quand même toute cette âme de village, de commerce de proximité, de bonne ambiance et de mixité sociale. Alors du coup, avec mon associé Alex, on a monté la librairie en très peu de temps, entre la fin 2018 et on a ouvert en fin avril 2019. Du coup, on s'est installés dans un local qui était vide, qui a été historiquement un des bouchons lyonnais et qui ensuite a été une pizzeria qui était laissée à l'abandon. Et donc nous, on a eu le local tout en délabrement, on va dire. On a tout refait, principalement avec du matériel de récupération. Et tous les meubles ont été faits par une association qui fait de la réinsertion par l'emploi et par un atelier bois qui faisait de la réinsertion par le travail du bois. Donc tout est fait un peu sur mesure, fait par des personnes qui ont appris un métier en même temps qu'ils ont fait nos meubles.

  • Speaker #0

    Dans cette librairie, tu as une préoccupation sociale importante. Quel sens tu donnes à ça dans ton parcours personnel ?

  • Speaker #2

    Moi, j'ai grandi dans un village qui n'avait pas de librairie pour le coup, qui n'en a toujours pas, je crois. Pour moi, c'était très dur d'avoir accès à la culture sans devoir absolument aller à Lyon. Parce que voilà, c'était un peu, si on voulait aller au cinéma, il fallait aller à Lyon. Et qu'en fait, quand on allait à Lyon pour... Tout bêtement, pour acheter des livres, on allait à la FNAC parce qu'on allait à Bellecour dans le quartier qui est très commercial. Et pour moi, ça a du sens de monter une petite librairie dans un quartier qui est à forte mixité sociale parce que c'est important de pouvoir amener la littérature aux gens qui n'y ont pas forcément accès. Les gens qui viennent ici, c'est sur le chemin de leur marché. Ils viennent chez nous après être passés chez le boucher, après être passés chez le charcutier, après avoir fait leurs courses à côté, après avoir récupéré les enfants... Et du coup, l'idée, c'est d'être dans un lieu qui est vraiment ancré et qui est ouvert à tous. Et on essaye d'être le plus inclusifs possible. Donc on a par exemple mis en place une cagnotte solidaire qui est un système où nos clients peuvent mettre de l'argent volontairement ou transformer leur remise de carte fidélité pour la mettre sur une cagnotte: on donne des livres pour des associations de sans-abris pour abonder quand on fait le dispositif "Donnez à lire" pour les enfants, pour des étudiants qui n'ont pas forcément les moyens et qui ont besoin d'un livre ou qui ont envie de lire un livre. Et voilà, on touche du doigt une forme de misère tous les jours quand même. Donc on essaye, nous, à notre niveau, quand même, de garder un peu une petite lueur. Et puis c'est important de s'inscrire dans une démarche aussi où on essaye de proposer des livres qui ouvrent l'esprit, qui permettent de réfléchir, surtout dans le contexte actuel.

  • Speaker #0

    Donc par exemple, justement, qu'est-ce que ça implique en termes de choix ?

  • Speaker #2

    Alors du coup, on essaie de faire des choix qui penchent plus vers la petite maison d'édition alternative pour contrebalancer la surproduction des grosses maisons d'édition qui, eux, vont avoir des affiches dans le métro, vont avoir des articles. Mais ce qui est très compliqué, c'est que pour que les choses bougent vraiment, il faudrait que le grand public comprenne la chaîne du livre et comprenne que nous, on ne reçoit pas des livres comme ça qu'on nous impose, mais qu'on fait des choix. Ça nous arrive souvent qu'il y ait des clients qui viennent en nous disant est-ce que vous allez recevoir ce livre ? Et effectivement, c'est compliqué de leur expliquer qu'on ne reçoit pas un livre, qu'on choisit de le recevoir. Et du coup, c'est parfois compliqué pour eux de comprendre qu'il y a une vraie différence entre une librairie indépendante qui fait ses choix et des grandes enseignes ou des grandes enseignes en ligne qui, elles, peuvent se permettre d'avoir l'intégralité des catalogues de tout le monde.

  • Speaker #0

    Et est-ce que c'est quelque chose que tu fais et que ton équipe fait, justement, de passer du temps à expliquer aux clients et clientes, le rôle du libraire ?

  • Speaker #2

    On essaye, on n'a pas forcément toujours le temps, mais on essaye en tout cas de le faire au maximum. Et puis on essaye visuellement, parce que nous, comme beaucoup de librairies, on a des notules, donc on a des petits cartons colorés avec notre avis sur un livre, ce qui permet de guider les personnes. Et effectivement, on fait des jolies découvertes, et puis on fait des jolis... Il y a des livres qui vivent très longtemps chez nous. Hier soir, on a reçu... Anne Simon, qui est autrice de bandes dessinées, qui a une saga qui s'appelle Les Contes du Marylène, qui est édité chez Misma. Et chez nous, c'est des BD qui vivent très bien parce qu'en fait, on les conseille et que les gens attendent ça aussi, qu'on leur fasse faire le pas de côté, qui des fois est difficile à juste trouver sur une table.

  • Speaker #0

    C'est une librairie qui a l'air de te ressembler pas mal. Tu m'as dit par téléphone que tu étais fan de foot.

  • Speaker #2

    Tout à fait. Alors là, c'est parce que moi, je parle parce qu'en fait, en réalité, la librairie ressemble aussi à mon associé, enfin à nos salariés qui travaillent ici, parce qu'effectivement, on participe tous et toutes aux choix.

  • Speaker #0

    Est-ce que la passion foot est présente ?

  • Speaker #2

    Moi, du coup, un petit peu. Et effectivement, par exemple, sur les questions de foot, on n'aura aucune biographie de footballeur. Par contre, il y a un journaliste que j'aime beaucoup qui s'appelle Jérôme Latta qui a sorti un livre, "Ce que le football est devenu", qui est sorti chez Divergences et qui est un livre qu'on a beaucoup aimé faire vivre parce qu'effectivement, c'est des propositions alternatives parce que dans le foot aussi, il y a plusieurs mondes qui s'affrontent et y compris un monde un peu plus engagé qui a envie de donner une belle image du foot. Et là, pour les fêtes, par exemple, on a un ouvrage assez classe qui est édité par les Cahiers du Foot, qui est une revue de foot alternative qui s'appelle Derbies sur les derbies européens. Alors, c'est assez rigolo parce que ça montre à quel point dans les villes, on a des affrontements entre clubs de gauche et clubs de droite, très classiquement dans le foot. Et voilà, c'est assez chouette. Et ça fait partie des petites propositions de pas de côté qu'on essaye de faire, effectivement.

  • Speaker #0

    Pour ce podcast, Livres Hebdo, en partenariat avec les éditions Dunod, pousse la porte des libraires pour les écouter nous décrire leurs enjeux, décrypter les tendances éditoriales du moment et partager leurs coups de cœur. La maison Dunod publie des ouvrages de non-fiction sous les éditions Dunod et Armand Collin pour rendre le savoir accessible au grand public, aux professionnels et aux étudiants. Nous sommes toujours avec Juliet Romeo qui nous parle de son pôle féminisme, très convoité par les clientes et clients.

  • Speaker #2

    Oui, tout à fait. Alors du coup, on a effectivement un pôle qui est plutôt... qui va rapprocher les questions féministes et LGBT, queer, dans leur grand ensemble. On essaye de mixer en plus, au même endroit visuellement, de la fiction et de la non-fiction. Il y a des grandes thématiques en ce moment qui ressortent pas mal sur la maternité, sur la question du genre, sur la non-binarité. C'est des questions qui sont assez prégnantes dans les essais. Moi, je suis très friande, et mes collègues aussi : on aime bien ressortir des textes qui étaient un peu tombés dans l'oubli et il y a quand même une partie des maisons d'édition qui font le travail actuellement de ressortir des textes d'autrices oubliées, des textes qui sont assez anciens, qui permettent de remettre un peu de matrimoine dans la littérature ça on peut remercier Titiou Lecoq avec son essai sur les Grandes oubliées qui était très intéressant, là je vois le livre de Diglee "Je serai le feu", qui est sorti à La ville brûle, qui au milieu des 3-4 poétesses qu'on connait en fait en propose 40 autres dont on n'a jamais entendu parler. Il y a une... Une question qu'on nous pose de temps en temps, des clients qui se posent des questions sur des mots qu'ils entendent, comme le wokisme par exemple. Donc il y avait un ouvrage publié chez Armand Colin qui s'appelait Faut-il avoir peur du wokisme ? de Romuald Sciora, qui est américain, qui était très intéressant pour remettre un peu des bases sur les thèses de ce fameux wokisme. On a aussi un livre qui est un peu plus large, qui s'appelle Le lobby transphobe, justement sur toutes ces questions-là qui ont un peu percuté l'actualité, en utilisant des termes qui ne sont pas hyper accessibles aux gens. Il faut dire ce qui est, wokisme, transphobie, tout ça. Il y a quand même des choses qui ne parlent pas, nous, dans notre quartier par exemple, qui ne parlent pas forcément aux gens.

  • Speaker #0

    Il y a d'autres coups de cœur dans ce rayon ?

  • Speaker #2

    Nous, on aime beaucoup un texte qui était paru chez Zoé, de Alice Rivaz, qui s'appelle La paix dans les ruches qui commence par cette phrase incroyable "Je crois que je n'aime plus mon mari", qui est une très grosse vente de Noël, parce que souvent, ça permet de faire passer un message aux belles sœurs et aux cousines. Après, il y a un autre texte qu'on aime beaucoup, chez Libretto, qui s'appelle Dirty Weekend, qui est l'histoire d'une jeune femme qui se fait harceler par son voisin d'en face et qui va décider de le buter. Et qui va se dire qu'en fait, c'est pas mal de buter tous les mecs qui sont problématiques. Voilà, c'est assez pareil, ça fait son petit effet. Et puis, le livre qui marche beaucoup en ce moment aussi, c'est Le coût de la virilité, qui est sorti en poche, là. De Lucie Peytavin, je crois? Oui, tout à fait. Et qui, pareil, est acheté, pour le coup, par des hommes comme par des femmes. Ça intrigue beaucoup et le contenu est assez édifiant sur la question.

  • Speaker #0

    Merci aux éditions Dunod pour cette séquence Transmission des savoirs. Au moment de la diffusion de ce podcast, on est encore début 2025. Il est encore temps de se faire les vœux. Qu'est-ce qu'on peut faire comme voeux à la librairie Madeleine pour 2025 et pour les années qui viennent ?

  • Speaker #2

    Tu serais venue deux heures avant, j'aurais dit un premier ministre, mais ça s'est fait. Du coup, j'ai eu l'alerte du monde. Je dirais un peu moins de... Ce qu'on aimerait, c'est un peu moins de production éditoriale massive. Je pense que là, on est trop submergé. On ne peut pas faire des rentrées littéraires avec 400, 500 romans. Nous, on est à 50 mètres carrés, on est trois. En vrai, on... On ne peut pas, en fait.

  • Speaker #0

    Donc, moins de production.

  • Speaker #2

    Oui, et puis des trucs... Et puis, oser un petit peu. Un peu d'audace dans la littérature, ce serait pas mal aussi.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut souhaiter quelque chose aussi à la librairie La Madeleine ?

  • Speaker #2

    Oui, que ça continue à marcher aussi bien que ça sait actuellement et qu'on continue à avoir toujours autant de personnes qui ont envie d'être étonnées en rentrant de ce qu'on va leur proposer. pour leur soirée au coin du feu ou en terrasse de bar quand ce sera l'été. Super !

  • Speaker #1

    Ls Voix du livre: en haut de la pile.

  • Speaker #0

    C'est la troisième partie de cet épisode, la rubrique en haut de la pile, avec une thématique spéciale ce mois-ci autour des livres du Care, éthique du soin en français. Clean de Johan Zarca, l'éthique du care de Fabienne Brugère, Premier cri de Clémentine Golszal et pour les enfants Toto, un album de Hyewon Yum. C'est notre palmarès spécial care de ce début d'année. Autour de moi, la clique critique de Livre Hebdo s'installe. Fabienne Jacob, spécialiste de littérature pour enfants. Bonjour Fabienne. Bonjour. Jacques Braunstein, rédacteur en chef. Bonjour Jacques. Bonjour. Et Mylène Moulin. journaliste indépendante, notamment pour Livre Hebdo, animatrice d'ateliers d'écriture d'autossoins, qui signe ce mois-ci une enquête au Rayon X, dans les pages de Livre Hebdo, sur l'édition du Care, justement. Est-ce que tu peux nous en dire plus, Mylène, sur cette enquête ?

  • Speaker #3

    Alors, ce Rayon X, il est un peu particulier, puisque cette fois, on ne s'intéresse pas à un rayon, on s'intéresse au Caire, qui est une notion. Nous sommes allées voir, en fait, les éditeurs, pour leur poser la question, est-ce que vous publiez des ouvrages qui prennent soin des autres. Plusieurs thématiques sont sorties, notamment la dépendance des personnes âgées, la fin de vie et la solitude. D'ailleurs en milieu d'année il y aura deux titres clés. La solitude est un connard mais c'est une bonne nouvelle d'Alexia Borg, à paraître aux éditions Jouvence, qui propose de changer le regard sur la solitude et Faire tribu de Hugo Paul, à paraître aux éditions Eyrolles. où le jeune explorateur nous prend par la main et nous emmène à la rencontre de communautés où le care est une notion très importante et où on remet du sens dans notre vie à travers les liens sociaux.

  • Speaker #0

    Merci Mylène. Alors avant de parler de soins, on parle de combien ? Jacques, quel est le chiffre du mois ?

  • Speaker #1

    Eh bien écoutez, le chiffre du mois c'est 600 000. C'est le nombre d'exemplaires qu'il s'est vendu cette année de la femme de... Ménage de Frieda McFadden aux éditions J'ai Lu. Car dans le numéro de Livre Hebdo de février, il y a les meilleures ventes de l'année, j'ai envie de dire comme chaque année, et ça nous permet, sans rentrer trop dans les détails, puisqu'on est quand même à l'oral, de voir un petit peu ce qui marche, ce qui marche pas. Il y a le verre à moitié plein et le verre à moitié vide, on va commencer par le verre à moitié plein. C'est une bonne nouvelle parce que les deux premiers livres de ce classement sont deux romans étrangers, ce qui n'est pas arrivé depuis longtemps. Donc La femme de ménage et la sage-femme d'Auschwitz de Anna Stuart, toujours chez J'ai Lu. Le verre à moitié plein, c'est que c'est des romans en poche, ce qui prouve que les lecteurs ont peut-être un petit peu moins de sous, puisque les années précédentes, c'était des bandes dessinées un petit peu plus chères. Par la suite, on retrouve Joël Dicker qui est quand même un habitué des meilleures ventes à plus de 425 000 ventes. Ensuite, Guillaume Musso, autre habitué qui avait fait une année de pause en 2023, mais là il revient en fanfare, puisqu'il est quatrième avec Angélique en poche, et sixième avec quelqu'un d'autre en grand format chez Calmann Lévy, et entre les deux, le prix Goncourt, Kamel Daoud, Houris chez Gallimard. Et alors, ce qui est amusant, c'est qu'entre quelqu'un d'autre d'un de Guillaume Musso et Kamel Daoud Houris, il y a 4 ventes de différence d'après GFK notre partenaire. Donc je dirais qu'ils ont plus ou moins fait ex aequo. Voilà les grandes tendances du top des ventes pour cette année d'après Livre Hebdo et GFK.

  • Speaker #0

    Merci Jacques on va entendre ton coup de coeur tout à l'heure mais on commence avec toi Mylène Tu nous parles du nouveau livre de l'une des grandes figures du Care, Fabienne Brugère.

  • Speaker #3

    Oui, alors il s'agit de l'éthique du Care de la philosophe Fabienne Brugère, comme tu l'as dit, qui publie ce début d'année la cinquième édition de son ouvrage dans la célèbre collection Que sais-je ? Ce livre aborde un concept fondamental, l'éthique du Care ou l'éthique du soin, qui place les relations humaines au cœur de notre morale et de notre politique. Brugère nous invite à réfléchir autrement notre rapport aux autres, en commençant par le soin. Ce n'est pas seulement une question de médecin ou d'infirmière ici, non. On parle aussi de tous ces gestes du quotidien, invisibles mais indispensables, s'occuper d'un proche malade, accompagner un parent âgé ou encore guider un enfant dans son apprentissage du monde. Ce sont des actes de bienveillance mais aussi des engagements profonds, souvent lourds mais toujours humains. Et c'est là que le livre devient passionnant. Brugère ne se contente pas d'une réflexion théorique, elle fait le lien entre l'éthique du care et les enjeux sociaux contemporains. Vous l'avez peut-être remarqué, mais dans nos sociétés, ce travail est invisible, mal rémunéré, voire sous-estimé. Pourquoi ? Parce que dans de nombreuses cultures, le soin est associé au rôle féminin. Fabienne Brugère le défend, c'est une situation qui mérite d'être revisitée. Elle va encore plus loin, elle nous invite à réfléchir la justice sociale sous un angle plus global. L'éthique du Care, c'est aussi un moyen de lutter contre les inégalités, qu'elles soient sociales, raciales ou de classe. Et c'est là que son approche intersectionnelle fait toute la différence. Elle intègre ses dimensions, de manière à réinventer nos rapports humains. Une injonction à redonner de l'importance à ces relations d'attention, de solidarité et de responsabilité partagée.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que c'est le livre qu'il faut avoir pour connaître un peu le B.A.B. du Care. Jacques, Fabienne, vous avez déjà lu les travaux de Fabienne Brugère ?

  • Speaker #4

    Non, mais je l'ai entendu ce matin, sur France Culture, donc c'est encore très frais dans ma mémoire, et en effet, c'était passionnant.

  • Speaker #0

    L'éthique du Care, chez Que sais-je, ça paraît le dix février. Merci Mylène. Jacques, c'est à toi, tu nous parles d'un roman-réalité, je crois, sur l'addiction et l'abstinence.

  • Speaker #1

    Oui, comme avant d'être à Livres Hebdo, j'étais plutôt critique roman, donc je ne suis pas un spécialiste du care. Et puis en même temps, à la rentrée, j'ai reçu un roman et je me suis dit, tiens, là, on est quand même vraiment dans cette thématique. L'auteur, on le connaît, il s'appelle Johann Zarca. Il avait eu le prix de Flore en 2017 avec Paname Underground. Il racontait toujours des histoires de marginaux, toxicomades... Enfin, on n'était pas très dans le care. On était même dans l'égoïsme hédoniste. Et ça n'est pas un grand secret puisqu'il le dit dans le livre. Aujourd'hui, il est au Narcotiques Anonymes et il a écrit un roman qui s'appelle Clean où, au contraire, il essaye de raconter comment est-ce que les gens s'entraident, comment ils prennent soin des uns des autres pour ne pas retomber, pour rester clean. C'est le titre du roman, donc, aux éditions Goutte d'Or. C'est très réussi parce que, je vais être franc, au début je me disais, ça risque d'être plein de bons sentiments. Et il arrive à mettre le même suspense qu'il y avait avant dans ces histoires de dealers, de voleurs, sur des gens qui se cherchent les uns les autres pour s'aider à ne pas retomber, à ne pas faire le mauvais geste. Et c'est vraiment un roman sur l'entraide, à la fois touchant, avec du suspense, avec un chassé-croisé dans Paris la nuit, et un roman que j'ai vraiment beaucoup apprécié et que je conseille, et comme quoi on peut faire du suspense avec le Care, ce qui n'était peut-être pas évident à la base.

  • Speaker #0

    Oui, on ne s'attendait pas à avoir ce roman-là. Mylène, est-ce que pour toi ça rentre dans la notion de Care, puisqu'il y a effectivement ces communautés thérapeutiques qui sont évoquées par Johann Zarca ? Oui,

  • Speaker #3

    d'ailleurs je le mentionne dans le dossier Rayon X, parce qu'il est question de solidarité. Et il est question aussi de vulnérabilité. Les personnes qui vivent avec une addiction sont des personnes vulnérables qui se reposent beaucoup sur les autres personnes qui ont des problèmes d'addiction pour avancer ensemble. Je pense en tout cas que c'est un roman qu'on peut tous lire pour comprendre de l'intérieur en profondeur une souffrance qu'on ne vit pas forcément au quotidien pour arrêter de la juger.

  • Speaker #0

    Clean de Johann Zarca aux éditions de La Goutte d'Or. Ça sort le 10 janvier 2025. Le Care, c'est aussi une philosophie qui concerne aux premières loges les enfants. Fabienne, quel livre tu as choisi ?

  • Speaker #4

    J'ai choisi Toto de Hyewon Yum, aux éditions des Eléphants. Mais avant, je voulais dire un petit mot sur le Care, en édition jeunesse. Je pense qu'il y a eu un boom depuis au moins dix ans sur les émotions. Les émotions en font vraiment florace chez tous les éditeurs jeunesse, on s'intéresse beaucoup aux émotions, y compris aux émotions négatives, comme la colère, la jalousie, l'envie... Toutes les émotions. On parle aussi des émotions plus douces, évidemment. Donc moi, j'ai retenu Toto. Toto, c'est un drôle de nom, c'est pas la tête à Toto. C'est une tâche de naissance qu'arbore une petite fille, une adorable petite fille, sur son front. Donc elle est née comme ça et elle se demande souvent, mais qu'est-ce que je serais sans Toto ? Donc, tout l'entourage a un rapport différent à Toto. Son cousin Charlie, qui est un petit turbulent, il trouve que Toto, il aimerait bien voir Toto aussi, parce qu'il doit donner un super pouvoir à la petite fille, donc il envie un peu à cette petite fille. Sa grand-mère regarde toujours Toto, mais d'un air un peu triste. Chacun sa façon, et la mère, elle pense que c'est un signe, une trace du baiser de l'ange. Donc là, c'est déjà beaucoup plus poétique. Et quand elle va aller à l'école maternelle, la maman est très inquiète parce qu'elle se dit Oh là là, là ça va vraiment... parce que les enfants adorent quand même la moyenne, ils n'aiment pas trop ce qui dépasse, donc une grosse tache sur le front, ça ne va pas le faire. Donc elle décide tout l'été de laisser pousser la frange. Et quand la petite fille arrive à l'école maternelle... Évidemment. La fatalité veut qu'un jour elle joue à cochon pendu et qu'est-ce qui se passe quand on joue à cochon pendu ? C'est qu'on a la tête à l'envers et donc qu'est-ce qu'on voit ? On voit Toto. Et là, sa meilleure amie lui dit Ah, mais t'as de la chance, je suis sûre que tu dois avoir une vie en plus. Donc j'ai trouvé cet album vraiment très beau, sur nos différences. Mais que serait-on sans nos différences ? On serait peut-être pas grand-chose. Vive les différences !

  • Speaker #0

    Vive les différences ! Mylène, est-ce que tu as remarqué ce boom du Care dans l'édition pour enfants ?

  • Speaker #3

    Alors, je n'ai pas soulevé ça dans l'édition pour enfants. Par contre, dans l'édition pour adultes, au sujet des enfants, oui. Une partie du Rayon X, d'ailleurs, s'intéresse à ces ouvrages qui proposent des clés pour les parents ou pour l'école, pour aider les enfants à développer leurs compétences psychosociales, leur gestion émotionnelle et pour améliorer l'empathie à l'école.

  • Speaker #4

    Ah, ça c'est très intéressant !

  • Speaker #3

    Il y a quelques titres... qui seront publiés cette année, autant chez des éditeurs de sciences humaines que chez des éditeurs de santé ou de développement personnel.

  • Speaker #4

    C'est ce que j'ai appris. On n'entend pas souvent de bonnes nouvelles en ce moment. J'ai entendu il y a un an environ qu'au Danemark, ils étudiaient l'empathie à l'école maternelle. C'est-à-dire que c'est une petite discipline. On commence la matinée par une séance d'empathie. Un tel s'est blessé. Allez, qu'est-ce qu'on fait ? J'espère que ça va arriver en France bientôt.

  • Speaker #1

    Je ne voudrais pas me tromper, mais je crois que Max et Lily, qui est quand même très leader sur l'édition jeunesse, les Max et Lily qui se vendaient le plus il y a quelques années, c'était Max et Lily attendent un petit frère ou une petite sœur. Et qu'aujourd'hui, c'est plus le harcèlement, les émotions. Enfin, on sent que vraiment, c'est des sujets qui montent en puissance et qui intéressent les parents et les enfants.

  • Speaker #4

    Exactement.

  • Speaker #0

    Toto de Hyewon Yum aux éditions des Eléphants. Ça sort le 21 février. Merci Fabienne. À mon tour, je vous parle d'un très bel hommage rare à des professionnels du Care dont on ne parle jamais. Et pour cause, il s'agit de celles et ceux qui accompagnent les enfants malades. Enfants malades, comme dit l'autrice de ce livre, l'expression elle-même est une aberration. Mais sous sa plume, ce monde devient poétique, profondément philosophique et fascinant. Clémentine Goldszal, journaliste littéraire au magazine Elle et Aime le Monde, est la première journaliste autorisée à enquêter à l'hôpital Necker. Elle a passé six mois dans le service de néonatologie, l'un des plus en pointe d'Europe, pour soigner les enfants très malades et prématurés. Pourquoi cette enquête ? L'autrice l'explique très bien. Son fils est né à 37 semaines et 3 jours, c'est-à-dire très peu de temps après la période où on est considéré comme prématuré. Il était en bonne santé et juste après la naissance, il a poussé des petits couinement que les jeunes parents ont trouvé adorables, comme un petit chaton. En fait, la sage-femme s'est immédiatement affolée. Ses gémissements étaient un signe grave de détresse respiratoire. Le bébé s'en est sorti, mais la mère, Clémentine Golszal, est restée traumatisée à l'idée d'avoir commis un tel contresens sur le signal d'alerte envoyé par son enfant. Elle a donc décidé de mener cette enquête, avant tout pour apprendre à parler la langue des nouveaux-nés, puisque c'est effectivement dans ce lieu très fermé, auprès des cas extrêmes, que l'on accède au savoir le moins partagé du monde. Que cherchent à nous dire les nouveau-nés ? Quels sont les micro-comportements normaux, inquiétants ou alarmants de ces tout petits êtres humains qui ne sont pas compris quand ils cherchent à s'exprimer ? Elle raconte le balai quotidien des infirmiers, infirmières, soignants, auxiliaires de soins, agents d'entretien, assistantes sociales, psys, secrétaires, représentants du culte aussi. Elle collecte dans son carnet la multitude de gestes qui permettent, comme elle dit, le fonctionnement de l'organisme soignant. Elle raconte aussi l'histoire de ce champ de la médecine, les découvertes par les chercheurs et chercheuses, parfois très récentes, mais qui sont aussi parfois des gestes antiques, voire primitifs. Elle parle clairement et avec lucidité de la dégradation actuelle du système de santé et son impact sur la mortalité néonatale. Mais le plus surprenant dans ce livre, c'est que la journaliste s'efforce souvent de se demander le point de vue du bébé sur tout cela. Qu'est-ce qu'il ou elle ressent au moment où tout le monde s'agite autour de son berceau ? Mesure les moindres tressaillements de sa respiration. Et là, c'est la force du style littéraire de l'autrice qui réussit parfois à nous faire éprouver les sensations de ce corps minuscule dont la vie ne tient qu'à un fil. Bref, c'est un livre documenté, curieusement agréable à lire, de la part d'une esthète des chefs-d'œuvre au quotidien de la médecine. Sur ce, take care, comme disent les anglophones, prenez soin de vous et on se retrouve au prochain épisode. Merci ! Merci ! C'était Les Voix du Livre, le podcast mensuel de Livres Hebdo présenté par Lauren Malka. À la musique, Ferdinand Bayard. Merci à notre partenaire 2Dcom, société informatique dédiée au monde du livre, d'avoir soutenu cet épisode. 2Dcom commercialise deux logiciels de référence, LibriSoft à destination des libraires et InQuarto pour les maisons d'édition. LibriSoft a récemment fait peau neuve, il est proposé avec une nouvelle identité visuelle et une ergonomie améliorée. Ce logiciel équipe plus de 1500 librairies, des plus petites aux plus grandes. Il répond à tous leurs besoins de gestion, vente, commande, services proposés par DiliCom. InQuarto, logiciel de gestion destiné aux maisons d'édition sera proposé cette année dans une nouvelle configuration d'abord dans une version essentielle pour les éditeurs ayant peu de titres à leur catalogue puis dans sa version complète pour tous les éditeurs de taille plus importante. Si vous avez aimé cet épisode abonnez-vous au podcast Les Voix du Livre et envoyez-nous des tas de cœurs et d'étoiles A bientôt !

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • En ouverture : "Indépendants, vraiment ? Doutes et espoirs d'un secteur clé de l'édition

    00:58

  • En chemin : à la découverte de la librairie La Madeleine

    10:29

  • Chapitre 4

    21:34

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