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Les Voix du livre

Épisode 16 : écologie du livre : les défis de la distribution

Épisode 16 : écologie du livre : les défis de la distribution

38min |12/03/2025
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38min |12/03/2025
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Description

Comment les grands groupes de l’édition limitent-ils leur empreinte carbone ? “Décarbonation”, “impact environnemental”, “RSE”...  Ces dernières décennies, et a fortiori depuis la crise du Covid 19, l’engagement environnemental des grands acteurs de l’édition s’accélère. Mais va-t-il assez vite ? Dans cet épisode, Eric Dupuy, journaliste chez Livres Hebdo, interroge les leaders de l’édition pour savoir quelles stratégies ils déploient pour tenter de répondre aux défis écologiques d’aujourd’hui et de demain. 


Dans la seconde partie de l’épisode, Lauren Malka nous embarque à Bruxelles, à la rencontre de la chaleureuse équipe de la librairie Tropismes, installée dans un ancien haut-lieu du jazz belge, pour une discussion placée sous le signe de la création et de l’improvisation. 


Enfin, les journalistes de Livres Hebdo Pauline Gabinari et Sean Rose accueillent Alain Nicolas, journaliste à L'Humanité, pour arpenter la nature par son versant  littéraire. Au programme : “L’Invention de la mer”, un roman de Laure Limongi aux éditions du Tripode, “La France en Train - 40 escapades bas carbone pour voyager de gare en gare” chez Michelin, sous la direction de Philippe Orain, “Fermentation, kéfir, compost et bactéries. Pourquoi le moisi nous fascine ?”, un essai d’Anne-Sophie Moreau au Seuil et “Quand tombent les aiguilles de pin”  d’Ellen Gabriel, aux éditions du Remue-ménage.


Un podcast réalisé en partenariat avec les éditions DUNOD, l'éditeur de la transmission de tous les savoirs.


Ont participé à cet épisode :

Pauline Gabinari, Sean Rose, Alain Nicolas


Sont mentionnés dans cet épisode :


Laure Limongi, L'Invention de la mer, éditions du Tripode


La France en Train - 40 escapades bas carbone pour voyager de gare en gare, Michelin (sous la direction de Philippe Orain)


Anne-Sophie Moreau, Fermentation, kéfir, compost et bactéries. Pourquoi le moisi nous fascine? Seuil


Ellen Gabriel, Quand tombent les aiguilles de pin, éditions du Remue-ménage


Crédits :

Emission franceinfo : Le livre, un pollueur discret et une fâcheuse tendance à la surproduction

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/c-est-notre-empreinte/le-livre-un-pollueur-discret-qui-aime-le-gachis_4816391.html


Cet épisode est soutenu par le CESE, Conseil Économique Social et Environnemental, qui lance la troisième édition de son prix littéraire. Destiné aux lecteurs curieux et aux professionnels du livre, ce prix distingue des œuvres engagées, qui interrogent les grands enjeux économiques, sociaux et environnementaux de notre société. Une initiative qui valorise le rôle essentiel de la littérature dans le débat public.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Cet épisode est soutenu par le Conseil économique, social et environnemental qui lance la troisième édition de son prix littéraire. Destiné aux lecteurs curieux et aux professionnels du livre, ce prix distingue des œuvres engagées qui interrogent les grands enjeux économiques, sociaux et environnementaux de notre société. Une initiative qui valorise le rôle essentiel de la littérature dans le débat public. Dans le monde des objets qui pèsent sur la planète, le livre est un passager très discret. Il a pourtant un poids sur les forêts pour la pâte à papier. Il organise sa distribution avec des flottilles de camions. Il a une fâcheuse tendance à la surproduction pour tenter de séduire le lecteur dans les librairies. Les grands groupes de l'édition limitent-ils leur empreinte carbone ? La question n'est pas nouvelle, mais elle devient incontournable. C'est le sujet d'ouverture de cet épisode. Je m'appelle Lauren Malka, je suis journaliste indépendante et vous écoutez Les Voix du Livre, un podcast conçu en partenariat avec les éditions Dunod. Chaque mois, je vous embarque chez Livres Hebdo pour entendre le bruit que ça fait quand les pages du magazine du livre se mettent à parler. Au sommaire, en deuxième partie, direction Bruxelles pour rencontrer la joyeuse équipe de la librairie Tropismes, installée dans les somptueuses galeries Saint-Hubert au cœur d'un ancien haut-lieu du jazz belge. Une rencontre placée sous le signe de la création et de l'improvisation. À la fin de l'épisode, Pauline Gabinari et Sean Rose accueillent Alain Nicolas, journaliste à l'Humanité, pour élire leur coup de cœur littéraire autour du thème de la nature. Avant cela, Éric Dupuy, journaliste à Livres Hebdo, interroge les mastodontes de l'édition pour savoir comment ils se tiennent sur la terre brûlante des questions écologiques. Les Voix du livre : En ouverture. En fait, dans le monde du livre, quand on parle de décarbonation, d'impact environnemental, de RSE, ce ne sont pas des sujets qui datent d'hier. En revanche, et cela m'a sauté aux yeux en discutant avec les différents acteurs concernés, on remarque une accélération des investissements, des bonnes pratiques et donc des avancées en matière environnementale depuis la période Covid. Pour quelles raisons ? Eh bien sûrement, comme tout le monde, une prise de conscience puissante des décideurs à cette période-là. Jusque-là, peut-être avaient-ils conscience de cette problématique d'être plus vert, plus vertueux, mais elle n'était pas au rang des priorités. Ils ont décidé d'en faire la priorité des priorités ces dernières années, bien aidés, il faut le dire, par l'augmentation drastique subite et à des proportions inattendues des matières premières, corrélées à l'affaissement du marché. En 2022, Hachette, troisième éditeur généraliste mondial, a lancé un ambitieux plan RSE, avec notamment un engagement de réduction de 30% des émissions de CO2 d'ici 2030 pour l'ensemble du groupe. C'est piloté depuis la France par Gaëtan Ruffault et il est assez optimiste. Il est engagé sur ces questions depuis très longtemps. On a réalisé notre premier bilan carbone sur le périmètre trans en 2009. On avait déjà réduit nos émissions de 20% entre 2009 et 2019 sur la partie France. On a embarqué l'international en 2021 sur les données 2019. Et donc, on s'est lancé sur une cartographie de nos émissions à l'échelle mondiale et depuis sur un plan d'action à l'échelle mondiale qu'on a lancé fin 2021, donc le fameux 30-30. Derrière, l'enjeu, il devient très économique. Chez MDS, la filiale distribution du groupe Média Participations, On ne se contente pas de répondre aux enjeux environnementaux actuels, mais on cherche à anticiper les évolutions de marché en optimisant les flux logistiques, comme l'explique Olivier Barbé, le directeur général de la filiale basée dans l'Essonne. Dans mon schéma de directeur logistique, c'est centraliser l'ensemble des activités sur le même site. Ça permet d'avoir de la proximité, de réduire les coûts de transport et gagner en délai. Ça veut dire que concrètement, moi mon bâtiment, je fais une extension de bâtiment, 8400 m², ce qui me permettra de passer à 48 000 m². Et donc, dans ces 6 400 m², je vais rapatrier des activités que j'avais encore sur Balinvilliers : réception, préparation, retour et montage de PLV. Donc, ça veut dire que je serai très, très, très optimum à c niveau-là. Et ce nouveau bâtiment, comme c'est assez moderne, on a rajouté une toiture en photovoltaïque. Ça va couvrir 25% de ma production. Même stratégie pour Dilisco, qui augmente sa surface de stockage sur son site de Chénier, c'est dans la Creuse. La filiale du groupe Albin Michel en profite pour mettre en place sur son parking des ombrières avec panneaux photovoltaïques de 500 kW crête. Cela fait environ 600 000 kWh par an, soit à peu près 120 000 euros d'électricité. Mais retournons dans les Yvelines, c'est là que se trouve le site de distribution d'Hachette dont on parlait au début. La politique RSE dans le groupe est telle que pour tondre la pelouse, ils ont fait appel à de vrais moutons. Cela s'appelle l'écopâturage, et vous allez entendre Philippe Lamotte, le directeur général d'Hachette Distribution, en parler avec passion. "C'est un site industriel, mais il y a énormément de zones vertes, dans tout le site industriel. Et donc plutôt que d'utiliser des tondeuses, des machins, etc., ce sont les moutons qui gèrent ça, mais on l'a fait de manière associative. Voilà, c'est aussi un projet plus sociétal pour les gens, ça crée du lien entre les gens. Voilà, alors c'est une action qui participe au programme 30-30 d'Hachette, dont on parlait au début, mais dont l'épaisseur du trait est évidemment minime, bien que sympathique. À Maurepas, il y a bien plus d'actions techniques sur différents sujets et métiers, comme l'explique toujours Philippe Lamotte d'Hachette. Je vais vous donner un exemple. Aujourd'hui, quand on fait des appels de transport, on inclut des trajectoires carbone à nos transporteurs, pour leur dire, à l'horizon 2030. Vous prenez des engagements d'avoir une décarbonation de temps, ce qu'ils font, puisqu'il y a de vrais enjeux RSE aussi pour les transporteurs, que ce soit Geodis, Schenker ou d'autres, et donc on décline tous ces aspects-là sur les sujets de production, de colis, de films plastiques, qui comprennent de plus en plus de matières recyclées, ce qui vous permet d'avoir un bilan favorable aussi. Et donc on décline à la fois cette stratégie autour du carbone, autour de la consommation énergétique des bâtiments, passage en LED dans les entrepôts, optimisation des systèmes de chauffage, etc. Quand on parle de politique environnementale d'entreprise, le nerf de la guerre, c'est la data, le poids du livre, la distance qu'il parcourt, la quantité d'eau utilisée pour son élaboration. Bref, tout un tas de données. Et dans la chaîne du livre, le maillon qui en concentre le plus, c'est bien le distributeur. Il est donc la clé de voûte des ambitions écologiques du livre vert, permettant, en partageant les datas avec ses clients et prestataires, de faciliter la transformation pour une édition plus durable. Le reste du dossier signé Éric Dupuy et intitulé « Quoi de neuf dans la distribution » est à retrouver dans le numéro de Mars de Livre Hebdo. Nous sommes le 24 janvier 2025 à Bruxelles et je m'apprête à entrer dans la librairie Tropismes au sein des magnifiques Galeries Saint-Hubert, un lieu chargé d'histoire et de mémoire artistique. Je rencontre Pascal, le directeur de la librairie, Manuela et Thalie, qui sont libraires ici. Bonjour. Bonjour Lauren, bienvenue. Pascal, cette interview a bien failli ne pas se faire, puisqu'on est au lendemain d'une grosse épreuve que vous avez vécue ici. Quelques lendemains, mais la semaine dernière exactement, on avait des trombes d'eau dans la librairie. Ça a été assez catastrophique, on était dévastés. C'est un raccordement de chauffe-eau qui a lâché chez le locataire du dessus. Et donc on a, dans la nuit de jeudi à vendredi, des centaines de litres d'eau qui se sont déversés. Cette eau est tombée sur l'ensemble de la littérature traduite, donc tout le rayon était en pâte à papier, c'était de l'eau chaude. Et puis elle s'est écoulée à travers le plancher, le parquet, qui a sauté bien évidemment en séchant. L'eau coulait en douche aussi au sous-sol. Toutes les tables des sciences humaines ont été dévastées. Alors rapidement, on a pris les mesures nécessaires pour couper l'eau là-haut. Et puis ensuite, on s'est regardé, on avait à la fois envie de pleurer, et en même temps, toute l'équipe s'est dit, mais voilà, on ne peut pas rester comme ça, il faut agir. Alors évidemment, on a perdu quelques centaines, voire peut-être plus d'un millier de livres. Et depuis, on jongle entre les assurances, les experts, les artisans, parce qu'il y aura beaucoup de travaux à venir. Les annulations d'événements. Évidemment, on avait Vanessa Springora qui était prévue et on a dû malheureusement annuler. On avait plus de 120 personnes inscrites. Mais pour des raisons de sécurité, il était impensable de laisser la librairie ouverte. En tout cas, d'accueillir un public aussi nombreux. C'est un lieu absolument magnifique. Donc, on est heureux de savoir que la librairie est sauve. Et c'est un lieu qui a été fondé en 1984. Je vais me diriger vers Manuela, puisque Manuela est là depuis la création de la librairie. Alors ce lieu, c'est d'abord l'histoire d'une rencontre entre deux personnes, qui était à l'époque Jacques Baudouin, qui avait une toute petite librairie dans les galeries Bortier, et Brigitte De Meeûs, qui avait une librairie à Bois-Avres, qui est une petite ville en province, en Brabant-Wallon. Et ils ont trouvé ce lieu, qui était complètement abandonné, qui était un ancien club de jazz, le Blue Note, où Jacques Brel jouait, Philippe Katerine, enfin... Pascal, vous m'avez nommé aussi quelques autres... Oui, on m'a dit que les Rolling Stones étaient venus à l'époque du Blue Note, mais... Oui, enfin, ce qui n'est pas une légende, c'est que le décor avait été entièrement retapissé par des dessins d'Alechinsky, à l'époque, qui ont disparu. Et donc Jacques et Brigitte se sont vraiment émerveillées devant le lieu. On a tout de suite reçu le soutien des éditions de minuit. Comme le lieu était tellement beau, il y a eu un grand article dans Libération, la plus belle librairie d'Europe, etc. Quelles sont les grandes évolutions que vous avez pu observer en 40 ans dans cette librairie et dans le monde de la librairie belge en général ? Au fil du temps, ce qui est frappant, c'est que la production est devenue vraiment ingérable. Si on veut être une grande librairie, nous on n'est pas vraiment une grande librairie, on est une librairie moyenne qui choisit tous ses livres. Donc, le travail de choix est devenu colossal. En fait, Brigitte de Meeûs, jusqu'à sa mort, elle ne faisait que ça. Vous diriez que le métier de libraire n'a plus rien à voir depuis 40 ans ? Ici, oui, parce qu'on est d'abord un artisanat. On a été formé comme des artisans. Donc, on ne vient pas des écoles de libraire. Peut-être ça a des défauts parce qu'on ne gère pas tout de façon très stricte, avec des chiffres uniquement. On gère avec ce que nous, on veut présenter, tout en étant très diversifiés, parce qu'on doit l'être, ce n'est pas une librairie non plus de niche. Pascal, vous m'avez parlé aussi du rôle qu'a joué Brigitte De Meeûs dans le prix unique du livre en Belgique. Oui, en fait, Brigitte De Meeûs s'est battue pendant de très longues années avec le SLFB, qui est le syndicat de la librairie francophone de Belgique, pour pouvoir avoir comme en France un prix unique du livre. Avant cela, les distributeurs et les éditeurs appliquaient une tabelle à un prix qui était augmenté pour les libraires belges. Et ce qui fait que n'importe quel client français venant à Bruxelles trouvait les livres plus chers qu'à Paris ou n'importe où en France. Brigitte, pour elle, c'était important. La loi langue a toujours résonné, je pense, pour elle. Et donc, elle s'est battue pendant des années pour pouvoir obtenir à peu près la même chose, à la différence près qu'on a une différence de TVA, parce qu'en France, c'est 5,5 et nous ici, c'est 6%. Mais on est au prix unique du livre et c'est extrêmement important pour nous, en tout cas. Il y a une spécificité à Bruxelles qui est aussi vraie pour Paris, qui est le mythe du bouquiniste. Est-ce que vous les considérez plutôt comme des amis des marchés complémentaires ou des concurrents ? Alors, il y en a un qui s'est installé il y a peu. Il faut savoir qu'effectivement, à Bruxelles, il y a énormément de bouquinistes. Il y en avait beaucoup et la plupart étaient dans les galeries Bortier, qui sont à deux pas d'ici. Pendant des années, c'était vraiment le lieu des bouquinistes. Et depuis quelques mois... En fait, ces galeries Bortier, qui étaient un peu vieilles, qui manquaient de trafic, etc. La ville, avec d'autres entrepreneurs, a décidé de la redynamiser en installant un foot court. Donc, une multitude de restaurants. Il reste, je crois, deux bouquinistes. Les autres ont été expropriés. On a eu beau essayer de soutenir via diverses pétitions et autres, t'en as que trop peu de suite. Les bouquinistes ne sont pas des concurrents des libraires. Je pense qu'on est plus confrères. Voilà, on s'envoie les uns les autres, nos clients. Parce que quand il y a des livres qui sont épuisés, on ne sait pas les autres. obtenir. Si on ne peut pas les obtenir, qui peut-être en avoir ? C'est les bouquinistes. On a une même passion, c'est le livre. Pour ce podcast, Livres Hebdo, en partenariat avec les éditions Dunod, pousse la porte des libraires pour les écouter nous décrire leurs enjeux, décrypter les tendances éditoriales du moment et partager leur coup de cœur. La Maison Dunod publie des ouvrages de non-fiction sous les éditions Dunod et Armand Collin pour rendre le savoir accessible au grand public, aux professionnels et aux étudiants. Nous sommes toujours avec Pascal Manuela et Thalie. Thalie qui est libraire ici et qui va nous parler de son rayon BD, en particulier les BD de savoir. Oui, donc on a un rayon de bande dessinée ici chez Tropismes qui n'est pas immense. On essaye vraiment de cibler dans la production et c'est vrai que la production en bande dessinée de savoir, bande dessinée documentaire a aussi pris beaucoup d'ampleur. Nous, étant une librairie généraliste, c'est vraiment important pour nous de suivre cette tendance et de mettre en avant ce type de bande dessinée parce qu'on a vraiment le public. Donc bien sûr, depuis, je dirais quand même déjà 10-15 ans, il y a eu des grands titres aussi qui ont tiré les autres. Il y a eu des adaptations aussi de livres, comme l'adaptation de Sapiens en bande dessinée, qui est parue chez Albin Michel, ou l'adaptation de La vie secrète des arbres aux arènes. Beaucoup d'éditeurs de sciences humaines aussi qui se sont lancés sur ce segment, ce qui a évidemment enrichi le rayon. Et en même temps, d'un autre côté, on a dû faire des choix, parce que très honnêtement, tout n'est pas non plus incroyable. Le problème peut-être de la bêtise de savoir, c'est de parfois mettre l'accent sur le contenu en oubliant la forme. Et pour moi, le médium bande dessinée doit quand même être respecté. Il faut qu'il y ait quand même une créativité graphique. Est-ce que vous avez des coups de cœur ? Alors, bien sûr. Je voulais parler de trois livres très, très différents. Le premier, c'est peut-être justement une adaptation que j'ai trouvé hyper réussie de Capital & idéologie de Thomas Piketty par la journaliste Claire Allais et le dessinateur Benjamin Adam. Parce que déjà, leur adapter un bouquin de 1500 pages, c'était un sacré challenge. Et ils l'ont vraiment fait avec une grande originalité. Et puis, il y a vraiment un esprit créatif de la part de Benjamin Adam, qui est un dessinateur qui a un style vraiment bien à lui, qui a fait un travail graphique super étonnant. Donc, il y avait celui-là. J'avais aussi envie de parler d'un livre super atypique qui s'appelle La Forêt, qui est parue chez Casterman par une autrice parmi mes autrices préférées et qui, je trouve, n'a pas le succès qu'elle mérite. C'est Claire Brault, qui est une autrice française. Et là, dans ce livre, La Forêt, justement, c'est un documentaire un peu hybride. Et c'est ça que j'aime aussi, c'est d'avoir des formes un peu différentes, puisqu'elle parle à la fois de son expérience personnelle, puisque c'est en fait son histoire. Elle décide de quitter Paris pour retourner vivre dans la région de son enfance, qui est la Touraine. Et elle s'interroge justement à ce que représente La Forêt. Elle fait toute une enquête très documentée, très précise sur ce que représente la forêt, en interrogeant des institutions, mais aussi des chasseurs, parce qu'il y a un lobby de chasseurs très important en France, toujours très compliqué pour nous de le comprendre en Belgique aussi. Et en même temps, elle parle de sa reconnexion à la nature. Cette forme un peu hybride, moi, ça me touche, ça me parle beaucoup. Et puis, il y a son graphisme incroyable, un dessin très libre. Là, ça me parle. Et puis, je voulais aussi parler d'un livre qui est paru chez Duneau, qui est le « Geostrategics » de Pascal Boniface. Ce grand, je ne sais pas si on dit géopoliticien, mais en tout cas, ce grand spécialiste de géopolitique. Et je pense qu'en ce moment, on a vraiment besoin de comprendre les enjeux de la géopolitique avec l'élection de Trump, la montée des extrémistes partout en Europe. Et là, on a de façon hyper précise, hyper détaillée et en même temps hyper compréhensive, parce que c'est ça aussi, c'est qu'on n'est pas tous des spécialistes d'actualité politique, de géopolitique, d'histoire. Il y a cette vulgarisation et en même temps cette précision qui m'a vraiment beaucoup plu et beaucoup intéressée. Merci Thalie, merci aux éditions Dunod pour cette séquence Transmission des savoirs. Manuela, est-ce que vous avez des auteurs-autrices totem belges que vous aimeriez faire découvrir aux librairies françaises ? Écoutez, inévitablement on doit rendre hommage aujourd'hui à Pierre Mertens qui est décédé il y a quelques jours et qui est... C'est quand même un de nos grands monstres de littérature. C'était un grand journaliste, c'était un grand défenseur des droits de l'homme, c'était un auteur exigeant et surtout un lecteur impressionnant. On s'intéresse à l'histoire de la Belgique. Son livre « Une paix royale » qui avait fait beaucoup de bruit reste dans les mémoires de notre histoire politique. On a la chance d'avoir énormément de femmes écrivaines, d es femmes qui ont écrit des livres importants, que ce soit Madeleine Bourdouxhe, Suzanne Médard, Marie Guéverse évidemment, Caroline Lamarck, qui est une novelliste absolument remarquable. Et puis on ne peut pas se lasser de lire des gens comme Jeanne Savitskaya, qui est publiée chez Minuit, et Jean-Philippe Toussaint aussi de l'écurie Minuit, qui sont des grands stylistes. Merci à tous les trois. Qu'est-ce qu'on peut souhaiter à la librairie Tropismes pour les années qui viennent ? Pascal ? De continuer au moins 40 ans après Brigitte. La librairie a été fondée en 84, on l'a dit. Et je crois que si dans 40 ans, Tropismes est encore là, on aura tous réussi ce qu'on avait envie de faire. Il faudra une grande fête pour les 80 ans. Il faudra une grande fête de toute façon et j'ose espérer que la Relève fera une grande fête pour fêter ça. Merci à tous les trois. C'était un plaisir. Merci à vous. Au revoir. Les Voix du livre - En haut de la pile. C'est la troisième partie de cet épisode, la rubrique en haut de la pile, avec une thématique spéciale ce mois-ci autour de la nature et du rapport au vivant. L'invention de la mer, un roman de Laure Limongi, Fermentation : pourquoi le moisi nous fascine, un essai d'Anne-Sophie Moreau, Quand tombent les aiguilles de pin, un récit signé de la résistante autochtone Ellen Gabriel, et La France en train - un guide de voyage pas comme les autres. C'est notre sélection littéraire spéciale nature de ce début de printemps. Autour de moi, une clique critique qui a arpenté la nature tout l'hiver par son versant littéraire, Pauline Gabinari, journaliste indépendante pour Livres Hebdo, Télérama et la Revue 21. Bonjour Pauline. Bonjour. Sean Rose, l'avant-critique qui fait la pluie et le beau temps chez Livres Hebdo. Bonjour Sean. Bonjour. Jacques Braunstein, rédacteur en chef de Livres Hebdo. Bonjour Jacques. Bonjour. Et Alain Nicolas qu'on accueille pour la première fois, critique littéraire à l'Humanité, animateur de rencontres et d'ateliers d'écriture sur la critique. Bonjour Alain. Bonjour. Alors Alain, tu n'as pas toujours été critique littéraire. À une époque, tu travaillais un peu plus près des étoiles ou de la nature. Oui, mes premiers papiers dans l'Humanité, ce sont des papiers de... sport et de sport de nature, de montagne et de voile. Mon premier reportage a été une interview d'Éric Tabarly, qui était mon idole. Merci Alain. Alors, avant de partir en nature, toujours prendre la température. Jacques, quel est le chiffre du mois ? Eh bien, le chiffre du mois, c'est 65 535. Ce qui correspond à la production de titres en 2024 par l'édition française, c'est-à-dire de nouveaux titres et de nouvelles éditions. C'est un chiffre qu'on scrute à Livre Hebdo chaque année puisque ça donne un peu une tendance du marché. On sait par exemple cette année que c'est 2,5% de plus que l'année précédente. Et après, ce n'est pas le chiffre le plus facile à analyser parce que grosso modo, il y a des gens qui vont dire « Oui, c'est une industrie de l'offre, donc plus il y a de titres, mieux c'est. » Puis il y en a d'autres qui vont dire « Oui, mais si c'est pour sortir plein de titres et qu'ils ne se vendent pas, ce n'est pas la peine. » Ce qui est certain, c'est que depuis 2015, en dessous de 68 000 titres, on est sorti d'une spirale assez négative qu'on avait pu connaître dans les années 2000-2010, qui était moins on vende chaque titre, plus on produit de titres différents. Aujourd'hui, les éditeurs ont une production relativement raisonnée. Elle a été un peu moins importante en 2020 du fait de la fermeture des librairies. Elle est remontée en 2021, puis elle a baissé un petit peu en 2022, en 2023, elle remonte un petit peu en 2025. ... Donc, c'est une production raisonnée. Après, elle n'est pas toujours très simple à analyser. Je ne vais prendre qu'un seul exemple. La BD et le manga, il y a eu une baisse en 2024. Ce n'est pas une très bonne année. On est dans les moins 5%. Côté BD, on est quasiment à égalité. C'est-à-dire qu'on a une dizaine de titres en moins par rapport à l'année précédente. On est passé de 3784 titres à 3763 titres. Alors que Coup tes mangas, alors que c'est les mêmes éditeurs, on passe de 3134 titres à 3463 titres. Le manga continue à augmenter en nombre de titres, alors qu'il ne se porte pas très bien. Ce qu'on comprend, ce qu'on voit finalement, c'est que dans la BD, ils sont conscients que certaines séries s'essoufflent et qu'il faut faire peut-être plus attention à ce qu'on publie. Dans le mangas, on est encore, même si les chiffres sont moins bons dans un marché, qui a beaucoup cru ces dernières années. Certaines séries emblématiques se sont arrêtées. Les éditeurs essayent des choses. Peut-être que c'est un peu beaucoup, mais ça paraît néanmoins logique par rapport au dynamisme qu'a connu le manga dans la décennie précédente. Pour finir, je vous donnerai les chiffres des romans. On aime bien les romans. Et alors là, c'est assez intéressant, parce qu'on est passé de 10 371 romans en 2023 à 10 934 romans. En 2024, c'est encore en augmentation, mais c'est quelque chose de raisonnable. Merci Jacques. Alain, c'est à toi, tu nous parles d'un roman qui a la particularité d'avoir été co-écrit par des crustacés. On t'écoute. Alors, par des crustacés, par des poulpes et par des cachalots. Alors, nous sommes en 2123. Ce qui devait arriver est arrivé, c'est-à-dire que le niveau des mers a monté, que le réchauffement climatique s'est emballé, que les épidémies ont déferlé sur les créatures vivantes et en particulier sur les humains. Qu'ils n'ont eu d'autre choix que de s'hybrider avec les créatures marines qui sont devenues des chimères. C'est comme si les métamorphoses d'Ovid s'incarnaient sans le secours des dieux, dit Laure Limongi. Le roman est pris en charge par une narratrice qui s'appelle Violetta Benedetti Ogundipe, qui est une chimère poulpe humaine et qui présente des textes issus de cette civilisation qu'elle appelle l'ère du plancton et qui a prospéré sur les ruines de ce que nous avons déclenché. Le premier texte est issu d'un manuscrit écrit par une certaine Gina de Galen qui est une hybride cachalot humain et qui est un témoignage en fait de sa vie dans son clan de cétacés qui parcourent les océans du globe. Alors, ils sont beaucoup moins mobiles que la deuxième créature que nous présente Violetta qui s'appelle Ménipe Zale qui est un crustacé. Voilà, les crustacés sont là. C'est un bad boy en fait, c'est un crabe qui se drogue avec des algues hallucinogènes, qui fréquente les bas-fonds des bas-fonds si on peut dire, les profondeurs des profondeurs, les bouges des fosses marines. Il a pour particularité d'avoir sur sa carapace des dessins, c'est une espèce qui existe réellement en fait. des dessins d'un visage humain qui lui permettent d'échapper à ces prédateurs. Et alors, il trafique un peu partout et il tombe à un moment dans un endroit un peu interlope où il y a des combats entre créatures. Et ces combats, ce sont des combats dansés et qui donnent naissance à des poèmes qui viennent à la fois de l'activité du cerveau. et de l'activité musculaire. Alors ça, ne me demandez pas par quel miracle c'est possible, il faut lire le livre de Laurie Mangier, on comprend très bien, mais c'est un peu long à expliquer. Et donc lui est un poète, et ses poèmes, il les accomplit sous forme olfactive. Ça m'a beaucoup intéressé parce qu'on a habituellement tendance à associer la poésie à l'image, à la musicalité, et là il y a une olfactivité de la poésie que Laure Limongi essaye de rendre à sa façon. Il y a un petit lexique qui permet d'ailleurs de comprendre de quelles odeurs il s'agit. J'ai beaucoup aimé ce livre, d'abord par son originalité, son engagement aussi par rapport aux problèmes qui nous menace et d'ailleurs qui nous affecte déjà aujourd'hui. Aussi par son côté composite, aussi hybride que les créatures dont elle parle, puisqu'il y a un témoignage, il y a une sorte de roman policier suivi de poèmes. Et aussi parce que Laure Limongi est une autrice qui a un peu tâté de tous les genres. Et elle prend des risques importants en se lançant dans quelque chose de complètement inédit, qui est d'une originalité folle. Et je pense qu'il faut dire aussi que ça procure un plaisir de lecture et je suis certain qu'il sera contagieux. Je suis d'accord, je l'ai lu aussi et effectivement j'ai adoré moi aussi ce livre. Je trouve que ce qui est incroyable c'est qu'elle va très très loin dans la documentation ethnographique scientifique mais sur un terrain complètement futuriste et dément. Jacques ? Je crois qu'en plus Laure Limongi, elle est prof d'écriture créative à l'école d'art de Cergy. Et c'est vrai que quand on entend cette histoire, on se dit « Ah bah oui, elle, elle va m'apprendre des choses sur l'écriture créative » . Oui, oui, alors bon, elle est d'une créativité, à titre personnel, effectivement, réelle. Ça, c'est tout à fait remarquable. Et puis, ce que j'aime beaucoup, c'est justement sa capacité à ne pas rester trop longtemps dans des territoires qu'elle a défrichés, où elle s'est installée, où elle se sent bien. Et il faut que ça bouge, quoi. Et là, on a affaire à des créatures qui bougent et puis aussi à une écriture qui est complètement très lisible et très facile à suivre, mais avec un univers très déroutant. Merci Alain. L'invention de la mer de Laure Limongi, c'est parue au Tripod le 16 janvier 2025. Pauline, c'est à toi. Comme tu es une journaliste bûcheuse, studieuse, tu as pris tes premiers rayons de soleil de l'année, non pas en nature, mais en librairie. Oui, tout à fait. Alors moi, ce sera un petit peu moins poétique puisque j'en avais marre de toute cette pluie alors j'ai fait ce que je sais faire de mieux, partir en vacances. Pour m'inspirer, direction le rayon guide de voyage et là sur les étagères, out le Paris-Barcelone le temps d'un week-end et bonjour les guides, cyclotourisme, randonnée ou encore voyage éthique et écologique. L'édition de voyage serait-elle donc passée au vert ? En tout cas, c'est une tendance de consommation assez marquée, me confirme Jean-Baptiste Passé. le directeur général des éditions Michelin. Lui-même s'est lancé dans la course que l'on peut appeler du slow travel et prévoit de faire une refonte totale de ses cartes routières pour septembre 2025. Quant à moi, pas de voiture, je n'ai pas le permis, mais je prends le train. L'année dernière, j'avais traversé l'Europe avec un Paris-Istanbul en 5 jours. Cette année, je vise un programme un peu moins ambitieux et jette mon dévolu sur la France en train. 40 escapades bas carbone pour voyager de gare en gare. Pour ce qui est de la maquette du bouquin, tout est assez bien ficelé. On a à chaque fois une jolie carto pour chaque trajet. Alors, qu'est-ce que je peux vous raconter comme trajet pour faire un petit peu rêver ? Pas très exotique, mais un vin de caperre en six escales ou un baisier Saint-Flour au onze jours. Un côté en dehors des sentiers battus, mais aussi, et c'est ça qui est agréable avec cet ouvrage, des formules très belles, très enlevées, qui permettent vraiment de percevoir autrement ces territoires qui peuvent parfois paraître pas très excitants. Par exemple, pour parler du Paris-Grandville, qui, il faut se l'avouer, est un petit peu limité d'un point de vue imaginaire narratif, l'auteur écrit "Après un bref arrêt à Versailles, l'horizon se dégage à Dreux, aux confins du pays d'Ouche, sans crier gard, entre paysages de bocage et massifs forestiers, la ligne s'échappe en Normandie." Bon, moi je trouve que ça donne vachement envie, alors que de prime abord le Paris-Grandville, ça m'évoquait pas grand chose. De mon côté, j'ai choisi la ligne dite des Hirondelles, qui traverse la Franche-Comté, pour arriver dans le Jura. Le guide me promet un col à 1000 mètres d'altitude, 6 viaducs et un tunnel en fer à cheval. En attendant de vous dire ce que ça donne, un chiffre tout de même, car tout n'est pas rose au pays de l'écologie. En début d'année, l'Association internationale du transport aérien a annoncé que le trafic des vols avait dépassé celui de 2019. Comme quoi le fameux Paris-Barcelone a encore quelques beaux jours devant lui. De l'art de trouver la poésie dans les guides de voyage. La France en train - 140 escapades bas carbone pour voyager de gare en gare. Ça sort chez Michelin le 21 mars 2025 sous la direction de Philippe Orains. Merci Pauline. Sean, c'est à toi. Tu nous parles d'un livre qui évoque un procédé révolutionnaire, mais vieux comme le monde. Oui, la fermentation. En fait, c'est un essai de la philosophe Anne-Sophie Moreau qui s'appelle « Fermentation, kéfir, compost et bactéries. Pourquoi le moisi nous fascine ? » J'ai été fasciné par ce livre parce qu'Anne-Sophie Moreau prend l'histoire du moisi ou de la fermentation sous son angle philosophique. On connaissait les paradigmes de Claude Lévi-Strauss entre le cuit et le cru. Et qu'est-ce qui entre ? Le pas frais, donc le moisi. Et elle nous fait toute une histoire de ce qu'est en fait cette fermentation qui a toujours été là. Évidemment, la bière, c'est la fermentation, le vin, c'est la fermentation, le Roquefort, c'est la fermentation. Maintenant, on a d'autres plats comme le tofu, etc. Mais là, elle nous montre que dans les années 80, on était dans une cesse de propreté hygiéniste. Donc en fait, tout ce qui était moisi et c'était un peu l'histoire de ce que la fermentation, c'était de la pourriture, donc de la putressence et donc de la mort. Donc c'était pas bien. Aujourd'hui, on a une attitude inverse. Au lieu de penser que c'est quelque chose de mauvais, de pourri, on va dire que c'est du vivant qui continue. Donc en fait, vive les bactéries, on adore nos intestins, c'est notre meilleur ami, c'est notre deuxième cerveau. Quand le premier ne marche pas, on ne sait jamais. Mais elles montrent vraiment des visions anthropologiques très différentes. Il y a ceux qui aiment les champignons, les mycophiles, ceux qui n'aiment pas les champignons, c'est-à-dire les mycophobes. Donc en fait, il y a un côté, les hygiénistes qui sont dans ce qui est propre, dans la compétition, qui sont une forme de darwinisme social, ils veulent que tout soit propre. Et les autres, ils ont ce côté genre voilà... C'est bien que ça se reproduise, c'est bien qu'il y ait des champignons. Et à tel point que même vis-à-vis de la mort, on est toujours vivant. C'est-à-dire qu'il y a cette mode lumisation, c'est-à-dire qu'en fait, il y a des gens qui préfèrent ne pas se faire ni enterrer ni incinérer, mais devenir du compost. C'est qu'en fait, comme si on était dans un cycle permanent de la vie. Donc ça, c'est vraiment fascinant comme vision du fermenté. Je précise que la fermentation a fait l'objet d'un autre livre vraiment qui est passionnant, que j'avais lu aussi. Fermentation Rébellion, signé Tien Uyen Do, qui est sorti aux éditions des Équateurs, et avec une dimension politique très forte et philosophique. Vraiment la fermentation comme nouvelle matière à repenser le rapport au vivant et au monde en général. Alain ? Non, moi j'ai été effectivement fasciné par ça. Et je me disais que notre alimentation de base est une alimentation fermentée. Si j'ai mangé à midi du pain, du fromage avec un verre de vin, je n'ai fait qu'ingérer du fermenté. Et c'est intéressant de voir que tout ce qui est à la mode n'est jamais qu'une extension de notre connaissance de ces nourritures-là. Mais sauf qu'avant, on ne voulait pas le voir, parce qu'en fait, c'était considéré comme, dans certaines cultures, le fromage. Par exemple, en Asie, c'était vraiment vu comme un peu dégoûtant. Vous voyez, en fait, les époques... Il y a des espoirs de mode aussi, par rapport à l'esthétique, par rapport au goût. Et le dégoût est culturel. Oui, la viande faisandée, la viande rassie, qui est quand même nettement plus tendre et bien meilleure. Alors qu'en fait, c'est de la viande qu'on a laissée fermenter. Moi, ça me rappelait seulement le souvenir d'une vieille lecture que j'avais faite et que j'aimais beaucoup, le miasme et la jonquille, il me semble. C'était ce qui pue et ce qui ne pue pas. Absolument. Fermentation, kéfir. compost et bactéries, pourquoi le moisi nous fascine, c'est signé Anne-Sophie Moreau et c'est paru le 7 février au Seuil. Merci Sean. A mon tour, je vous parle d'un livre qui m'a fait découvrir une séquence éclairante de l'histoire récente du Québec et une personnalité majeure que j'ignorais totalement. Quand tombent les aiguilles de pain sous-titrée Une histoire de résistance autochtone, signé Ellen Gabriel. C'est une autobiographie en forme de conversation avec l'historien et Sean Carlton, spécialiste de la colonisation. Le livre raconte la vie et les 40-50 combats d'Ellen Gabriel. Alors qui est Ellen Gabriel ? On la nomme aussi Katsi Tsakwas. C'est une militante artiste écoféministe. Elle a été présidente de l'Association des femmes autochtones du Québec et elle a défendu les droits des premiers peuples, notamment devant l'ONU. Elle est d'origine Mao-Hawks, c'est-à-dire issue de l'une des nations iroquoises situées au sud-ouest du Québec. Ellen Gabriel a marqué l'histoire en devenant la porte-parole de la résistance au moment de la crise Oka en 1990, qui a opposé le peuple autochtone à des promoteurs qui voulaient construire un club de golf dans une pinède sacrée. Cette crise politique, qui a entraîné un soulèvement de la population et une répression policière violente, a fait l'objet de confusions médiatiques, ou plutôt d'une propagande, qui visait à présenter les résistants mofoques comme menaçant l'ordre public. Cet événement n'est pas le seul. Pas anecdotique, il cristallise la discrimination raciste des peuples autochtones depuis des siècles, présente jusqu'aux livres scolaires actuels. Mais il traduit aussi le rapport de ce peuple à la nature et au sacré, leur façon de saluer l'eau, les poissons, de remercier les arbres avant chaque action, chaque matin, de considérer la pinède comme un refuge, notamment pour les femmes victimes de violences sexistes et racistes qui veulent se cacher. Ellen Gabriel dit « Nous avons un merveilleux système de gouvernance. Ce cadre politique a inspiré le système politique des États-Unis, mais ce fait est méconnu et on nous traite comme si notre unique motivation était de causer des ennuis. La crise d'Oka a fait l'objet de nombreux livres et documentaires, mais jamais du point de vue féminin et encore moins autochtone. » Alors que les femmes autochtones étaient les premières au front de ce combat. Donc ce livre nous éclaire sur tout cela, mais aussi sur le processus brutal de colonisation qui perdure aujourd'hui plus que jamais, puisque c'est le récit d'une résistance contre un État qui s'approprie des terres et qui déporte les habitants en niant leur droit à l'autodétermination. Les résonances avec l'actualité font froid dans le dos. C'est donc une voix qui me semble essentielle à faire entendre aujourd'hui. Ellen Gabriel, quand tombent les aiguilles de pin. C'est traduit de l'anglais par Marie Scholl-Dimanche et c'est paru aux éditions du Remue-Ménage. Sur ce, je vous souhaite un joli printemps, en gare, en mer ou en forêt, à parler aux arbres, aux poulpes et aux crustacés. Et je vous dis à bientôt pour un prochain épisode. Merci ! Merci ! C'était Les Voix du Livre, le podcast mensuel de Livres Hebdo, présenté par Lauren Malka. À la musique, Ferdinand Bayard. Merci au Conseil économique, social et environnemental d'avoir soutenu cet épisode. Avec son prix littéraire, le CESE récompense des auteurs et des autrices dont les ouvrages apportent un éclairage original et nécessaire sur les mutations de notre monde. Un prix qui s'adresse aux passionnés de littérature engagée et à tous les acteurs du secteur du livre des éditeurs aux libraires en passant par les bibliothécaires et les journalistes littéraires. La cérémonie de remise du prix aura lieu le 27 mai 2025 au CESE. Pour suivre cette édition et découvrir les finalistes, rendez-vous sur le site du CESE et sur leurs réseaux sociaux. Si vous avez aimé cet épisode, abonnez-vous au podcast Les Voix du Livre et envoyez-nous des tas de cœurs et d'étoiles. À bientôt !

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • En ouverture : écologie du livre : les défis de la distribution

    00:40

  • En chemin : à la découverte de la librairie Tropismes

    06:39

  • La clique critique de Livres Hebdo

    17:59

Description

Comment les grands groupes de l’édition limitent-ils leur empreinte carbone ? “Décarbonation”, “impact environnemental”, “RSE”...  Ces dernières décennies, et a fortiori depuis la crise du Covid 19, l’engagement environnemental des grands acteurs de l’édition s’accélère. Mais va-t-il assez vite ? Dans cet épisode, Eric Dupuy, journaliste chez Livres Hebdo, interroge les leaders de l’édition pour savoir quelles stratégies ils déploient pour tenter de répondre aux défis écologiques d’aujourd’hui et de demain. 


Dans la seconde partie de l’épisode, Lauren Malka nous embarque à Bruxelles, à la rencontre de la chaleureuse équipe de la librairie Tropismes, installée dans un ancien haut-lieu du jazz belge, pour une discussion placée sous le signe de la création et de l’improvisation. 


Enfin, les journalistes de Livres Hebdo Pauline Gabinari et Sean Rose accueillent Alain Nicolas, journaliste à L'Humanité, pour arpenter la nature par son versant  littéraire. Au programme : “L’Invention de la mer”, un roman de Laure Limongi aux éditions du Tripode, “La France en Train - 40 escapades bas carbone pour voyager de gare en gare” chez Michelin, sous la direction de Philippe Orain, “Fermentation, kéfir, compost et bactéries. Pourquoi le moisi nous fascine ?”, un essai d’Anne-Sophie Moreau au Seuil et “Quand tombent les aiguilles de pin”  d’Ellen Gabriel, aux éditions du Remue-ménage.


Un podcast réalisé en partenariat avec les éditions DUNOD, l'éditeur de la transmission de tous les savoirs.


Ont participé à cet épisode :

Pauline Gabinari, Sean Rose, Alain Nicolas


Sont mentionnés dans cet épisode :


Laure Limongi, L'Invention de la mer, éditions du Tripode


La France en Train - 40 escapades bas carbone pour voyager de gare en gare, Michelin (sous la direction de Philippe Orain)


Anne-Sophie Moreau, Fermentation, kéfir, compost et bactéries. Pourquoi le moisi nous fascine? Seuil


Ellen Gabriel, Quand tombent les aiguilles de pin, éditions du Remue-ménage


Crédits :

Emission franceinfo : Le livre, un pollueur discret et une fâcheuse tendance à la surproduction

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/c-est-notre-empreinte/le-livre-un-pollueur-discret-qui-aime-le-gachis_4816391.html


Cet épisode est soutenu par le CESE, Conseil Économique Social et Environnemental, qui lance la troisième édition de son prix littéraire. Destiné aux lecteurs curieux et aux professionnels du livre, ce prix distingue des œuvres engagées, qui interrogent les grands enjeux économiques, sociaux et environnementaux de notre société. Une initiative qui valorise le rôle essentiel de la littérature dans le débat public.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Cet épisode est soutenu par le Conseil économique, social et environnemental qui lance la troisième édition de son prix littéraire. Destiné aux lecteurs curieux et aux professionnels du livre, ce prix distingue des œuvres engagées qui interrogent les grands enjeux économiques, sociaux et environnementaux de notre société. Une initiative qui valorise le rôle essentiel de la littérature dans le débat public. Dans le monde des objets qui pèsent sur la planète, le livre est un passager très discret. Il a pourtant un poids sur les forêts pour la pâte à papier. Il organise sa distribution avec des flottilles de camions. Il a une fâcheuse tendance à la surproduction pour tenter de séduire le lecteur dans les librairies. Les grands groupes de l'édition limitent-ils leur empreinte carbone ? La question n'est pas nouvelle, mais elle devient incontournable. C'est le sujet d'ouverture de cet épisode. Je m'appelle Lauren Malka, je suis journaliste indépendante et vous écoutez Les Voix du Livre, un podcast conçu en partenariat avec les éditions Dunod. Chaque mois, je vous embarque chez Livres Hebdo pour entendre le bruit que ça fait quand les pages du magazine du livre se mettent à parler. Au sommaire, en deuxième partie, direction Bruxelles pour rencontrer la joyeuse équipe de la librairie Tropismes, installée dans les somptueuses galeries Saint-Hubert au cœur d'un ancien haut-lieu du jazz belge. Une rencontre placée sous le signe de la création et de l'improvisation. À la fin de l'épisode, Pauline Gabinari et Sean Rose accueillent Alain Nicolas, journaliste à l'Humanité, pour élire leur coup de cœur littéraire autour du thème de la nature. Avant cela, Éric Dupuy, journaliste à Livres Hebdo, interroge les mastodontes de l'édition pour savoir comment ils se tiennent sur la terre brûlante des questions écologiques. Les Voix du livre : En ouverture. En fait, dans le monde du livre, quand on parle de décarbonation, d'impact environnemental, de RSE, ce ne sont pas des sujets qui datent d'hier. En revanche, et cela m'a sauté aux yeux en discutant avec les différents acteurs concernés, on remarque une accélération des investissements, des bonnes pratiques et donc des avancées en matière environnementale depuis la période Covid. Pour quelles raisons ? Eh bien sûrement, comme tout le monde, une prise de conscience puissante des décideurs à cette période-là. Jusque-là, peut-être avaient-ils conscience de cette problématique d'être plus vert, plus vertueux, mais elle n'était pas au rang des priorités. Ils ont décidé d'en faire la priorité des priorités ces dernières années, bien aidés, il faut le dire, par l'augmentation drastique subite et à des proportions inattendues des matières premières, corrélées à l'affaissement du marché. En 2022, Hachette, troisième éditeur généraliste mondial, a lancé un ambitieux plan RSE, avec notamment un engagement de réduction de 30% des émissions de CO2 d'ici 2030 pour l'ensemble du groupe. C'est piloté depuis la France par Gaëtan Ruffault et il est assez optimiste. Il est engagé sur ces questions depuis très longtemps. On a réalisé notre premier bilan carbone sur le périmètre trans en 2009. On avait déjà réduit nos émissions de 20% entre 2009 et 2019 sur la partie France. On a embarqué l'international en 2021 sur les données 2019. Et donc, on s'est lancé sur une cartographie de nos émissions à l'échelle mondiale et depuis sur un plan d'action à l'échelle mondiale qu'on a lancé fin 2021, donc le fameux 30-30. Derrière, l'enjeu, il devient très économique. Chez MDS, la filiale distribution du groupe Média Participations, On ne se contente pas de répondre aux enjeux environnementaux actuels, mais on cherche à anticiper les évolutions de marché en optimisant les flux logistiques, comme l'explique Olivier Barbé, le directeur général de la filiale basée dans l'Essonne. Dans mon schéma de directeur logistique, c'est centraliser l'ensemble des activités sur le même site. Ça permet d'avoir de la proximité, de réduire les coûts de transport et gagner en délai. Ça veut dire que concrètement, moi mon bâtiment, je fais une extension de bâtiment, 8400 m², ce qui me permettra de passer à 48 000 m². Et donc, dans ces 6 400 m², je vais rapatrier des activités que j'avais encore sur Balinvilliers : réception, préparation, retour et montage de PLV. Donc, ça veut dire que je serai très, très, très optimum à c niveau-là. Et ce nouveau bâtiment, comme c'est assez moderne, on a rajouté une toiture en photovoltaïque. Ça va couvrir 25% de ma production. Même stratégie pour Dilisco, qui augmente sa surface de stockage sur son site de Chénier, c'est dans la Creuse. La filiale du groupe Albin Michel en profite pour mettre en place sur son parking des ombrières avec panneaux photovoltaïques de 500 kW crête. Cela fait environ 600 000 kWh par an, soit à peu près 120 000 euros d'électricité. Mais retournons dans les Yvelines, c'est là que se trouve le site de distribution d'Hachette dont on parlait au début. La politique RSE dans le groupe est telle que pour tondre la pelouse, ils ont fait appel à de vrais moutons. Cela s'appelle l'écopâturage, et vous allez entendre Philippe Lamotte, le directeur général d'Hachette Distribution, en parler avec passion. "C'est un site industriel, mais il y a énormément de zones vertes, dans tout le site industriel. Et donc plutôt que d'utiliser des tondeuses, des machins, etc., ce sont les moutons qui gèrent ça, mais on l'a fait de manière associative. Voilà, c'est aussi un projet plus sociétal pour les gens, ça crée du lien entre les gens. Voilà, alors c'est une action qui participe au programme 30-30 d'Hachette, dont on parlait au début, mais dont l'épaisseur du trait est évidemment minime, bien que sympathique. À Maurepas, il y a bien plus d'actions techniques sur différents sujets et métiers, comme l'explique toujours Philippe Lamotte d'Hachette. Je vais vous donner un exemple. Aujourd'hui, quand on fait des appels de transport, on inclut des trajectoires carbone à nos transporteurs, pour leur dire, à l'horizon 2030. Vous prenez des engagements d'avoir une décarbonation de temps, ce qu'ils font, puisqu'il y a de vrais enjeux RSE aussi pour les transporteurs, que ce soit Geodis, Schenker ou d'autres, et donc on décline tous ces aspects-là sur les sujets de production, de colis, de films plastiques, qui comprennent de plus en plus de matières recyclées, ce qui vous permet d'avoir un bilan favorable aussi. Et donc on décline à la fois cette stratégie autour du carbone, autour de la consommation énergétique des bâtiments, passage en LED dans les entrepôts, optimisation des systèmes de chauffage, etc. Quand on parle de politique environnementale d'entreprise, le nerf de la guerre, c'est la data, le poids du livre, la distance qu'il parcourt, la quantité d'eau utilisée pour son élaboration. Bref, tout un tas de données. Et dans la chaîne du livre, le maillon qui en concentre le plus, c'est bien le distributeur. Il est donc la clé de voûte des ambitions écologiques du livre vert, permettant, en partageant les datas avec ses clients et prestataires, de faciliter la transformation pour une édition plus durable. Le reste du dossier signé Éric Dupuy et intitulé « Quoi de neuf dans la distribution » est à retrouver dans le numéro de Mars de Livre Hebdo. Nous sommes le 24 janvier 2025 à Bruxelles et je m'apprête à entrer dans la librairie Tropismes au sein des magnifiques Galeries Saint-Hubert, un lieu chargé d'histoire et de mémoire artistique. Je rencontre Pascal, le directeur de la librairie, Manuela et Thalie, qui sont libraires ici. Bonjour. Bonjour Lauren, bienvenue. Pascal, cette interview a bien failli ne pas se faire, puisqu'on est au lendemain d'une grosse épreuve que vous avez vécue ici. Quelques lendemains, mais la semaine dernière exactement, on avait des trombes d'eau dans la librairie. Ça a été assez catastrophique, on était dévastés. C'est un raccordement de chauffe-eau qui a lâché chez le locataire du dessus. Et donc on a, dans la nuit de jeudi à vendredi, des centaines de litres d'eau qui se sont déversés. Cette eau est tombée sur l'ensemble de la littérature traduite, donc tout le rayon était en pâte à papier, c'était de l'eau chaude. Et puis elle s'est écoulée à travers le plancher, le parquet, qui a sauté bien évidemment en séchant. L'eau coulait en douche aussi au sous-sol. Toutes les tables des sciences humaines ont été dévastées. Alors rapidement, on a pris les mesures nécessaires pour couper l'eau là-haut. Et puis ensuite, on s'est regardé, on avait à la fois envie de pleurer, et en même temps, toute l'équipe s'est dit, mais voilà, on ne peut pas rester comme ça, il faut agir. Alors évidemment, on a perdu quelques centaines, voire peut-être plus d'un millier de livres. Et depuis, on jongle entre les assurances, les experts, les artisans, parce qu'il y aura beaucoup de travaux à venir. Les annulations d'événements. Évidemment, on avait Vanessa Springora qui était prévue et on a dû malheureusement annuler. On avait plus de 120 personnes inscrites. Mais pour des raisons de sécurité, il était impensable de laisser la librairie ouverte. En tout cas, d'accueillir un public aussi nombreux. C'est un lieu absolument magnifique. Donc, on est heureux de savoir que la librairie est sauve. Et c'est un lieu qui a été fondé en 1984. Je vais me diriger vers Manuela, puisque Manuela est là depuis la création de la librairie. Alors ce lieu, c'est d'abord l'histoire d'une rencontre entre deux personnes, qui était à l'époque Jacques Baudouin, qui avait une toute petite librairie dans les galeries Bortier, et Brigitte De Meeûs, qui avait une librairie à Bois-Avres, qui est une petite ville en province, en Brabant-Wallon. Et ils ont trouvé ce lieu, qui était complètement abandonné, qui était un ancien club de jazz, le Blue Note, où Jacques Brel jouait, Philippe Katerine, enfin... Pascal, vous m'avez nommé aussi quelques autres... Oui, on m'a dit que les Rolling Stones étaient venus à l'époque du Blue Note, mais... Oui, enfin, ce qui n'est pas une légende, c'est que le décor avait été entièrement retapissé par des dessins d'Alechinsky, à l'époque, qui ont disparu. Et donc Jacques et Brigitte se sont vraiment émerveillées devant le lieu. On a tout de suite reçu le soutien des éditions de minuit. Comme le lieu était tellement beau, il y a eu un grand article dans Libération, la plus belle librairie d'Europe, etc. Quelles sont les grandes évolutions que vous avez pu observer en 40 ans dans cette librairie et dans le monde de la librairie belge en général ? Au fil du temps, ce qui est frappant, c'est que la production est devenue vraiment ingérable. Si on veut être une grande librairie, nous on n'est pas vraiment une grande librairie, on est une librairie moyenne qui choisit tous ses livres. Donc, le travail de choix est devenu colossal. En fait, Brigitte de Meeûs, jusqu'à sa mort, elle ne faisait que ça. Vous diriez que le métier de libraire n'a plus rien à voir depuis 40 ans ? Ici, oui, parce qu'on est d'abord un artisanat. On a été formé comme des artisans. Donc, on ne vient pas des écoles de libraire. Peut-être ça a des défauts parce qu'on ne gère pas tout de façon très stricte, avec des chiffres uniquement. On gère avec ce que nous, on veut présenter, tout en étant très diversifiés, parce qu'on doit l'être, ce n'est pas une librairie non plus de niche. Pascal, vous m'avez parlé aussi du rôle qu'a joué Brigitte De Meeûs dans le prix unique du livre en Belgique. Oui, en fait, Brigitte De Meeûs s'est battue pendant de très longues années avec le SLFB, qui est le syndicat de la librairie francophone de Belgique, pour pouvoir avoir comme en France un prix unique du livre. Avant cela, les distributeurs et les éditeurs appliquaient une tabelle à un prix qui était augmenté pour les libraires belges. Et ce qui fait que n'importe quel client français venant à Bruxelles trouvait les livres plus chers qu'à Paris ou n'importe où en France. Brigitte, pour elle, c'était important. La loi langue a toujours résonné, je pense, pour elle. Et donc, elle s'est battue pendant des années pour pouvoir obtenir à peu près la même chose, à la différence près qu'on a une différence de TVA, parce qu'en France, c'est 5,5 et nous ici, c'est 6%. Mais on est au prix unique du livre et c'est extrêmement important pour nous, en tout cas. Il y a une spécificité à Bruxelles qui est aussi vraie pour Paris, qui est le mythe du bouquiniste. Est-ce que vous les considérez plutôt comme des amis des marchés complémentaires ou des concurrents ? Alors, il y en a un qui s'est installé il y a peu. Il faut savoir qu'effectivement, à Bruxelles, il y a énormément de bouquinistes. Il y en avait beaucoup et la plupart étaient dans les galeries Bortier, qui sont à deux pas d'ici. Pendant des années, c'était vraiment le lieu des bouquinistes. Et depuis quelques mois... En fait, ces galeries Bortier, qui étaient un peu vieilles, qui manquaient de trafic, etc. La ville, avec d'autres entrepreneurs, a décidé de la redynamiser en installant un foot court. Donc, une multitude de restaurants. Il reste, je crois, deux bouquinistes. Les autres ont été expropriés. On a eu beau essayer de soutenir via diverses pétitions et autres, t'en as que trop peu de suite. Les bouquinistes ne sont pas des concurrents des libraires. Je pense qu'on est plus confrères. Voilà, on s'envoie les uns les autres, nos clients. Parce que quand il y a des livres qui sont épuisés, on ne sait pas les autres. obtenir. Si on ne peut pas les obtenir, qui peut-être en avoir ? C'est les bouquinistes. On a une même passion, c'est le livre. Pour ce podcast, Livres Hebdo, en partenariat avec les éditions Dunod, pousse la porte des libraires pour les écouter nous décrire leurs enjeux, décrypter les tendances éditoriales du moment et partager leur coup de cœur. La Maison Dunod publie des ouvrages de non-fiction sous les éditions Dunod et Armand Collin pour rendre le savoir accessible au grand public, aux professionnels et aux étudiants. Nous sommes toujours avec Pascal Manuela et Thalie. Thalie qui est libraire ici et qui va nous parler de son rayon BD, en particulier les BD de savoir. Oui, donc on a un rayon de bande dessinée ici chez Tropismes qui n'est pas immense. On essaye vraiment de cibler dans la production et c'est vrai que la production en bande dessinée de savoir, bande dessinée documentaire a aussi pris beaucoup d'ampleur. Nous, étant une librairie généraliste, c'est vraiment important pour nous de suivre cette tendance et de mettre en avant ce type de bande dessinée parce qu'on a vraiment le public. Donc bien sûr, depuis, je dirais quand même déjà 10-15 ans, il y a eu des grands titres aussi qui ont tiré les autres. Il y a eu des adaptations aussi de livres, comme l'adaptation de Sapiens en bande dessinée, qui est parue chez Albin Michel, ou l'adaptation de La vie secrète des arbres aux arènes. Beaucoup d'éditeurs de sciences humaines aussi qui se sont lancés sur ce segment, ce qui a évidemment enrichi le rayon. Et en même temps, d'un autre côté, on a dû faire des choix, parce que très honnêtement, tout n'est pas non plus incroyable. Le problème peut-être de la bêtise de savoir, c'est de parfois mettre l'accent sur le contenu en oubliant la forme. Et pour moi, le médium bande dessinée doit quand même être respecté. Il faut qu'il y ait quand même une créativité graphique. Est-ce que vous avez des coups de cœur ? Alors, bien sûr. Je voulais parler de trois livres très, très différents. Le premier, c'est peut-être justement une adaptation que j'ai trouvé hyper réussie de Capital & idéologie de Thomas Piketty par la journaliste Claire Allais et le dessinateur Benjamin Adam. Parce que déjà, leur adapter un bouquin de 1500 pages, c'était un sacré challenge. Et ils l'ont vraiment fait avec une grande originalité. Et puis, il y a vraiment un esprit créatif de la part de Benjamin Adam, qui est un dessinateur qui a un style vraiment bien à lui, qui a fait un travail graphique super étonnant. Donc, il y avait celui-là. J'avais aussi envie de parler d'un livre super atypique qui s'appelle La Forêt, qui est parue chez Casterman par une autrice parmi mes autrices préférées et qui, je trouve, n'a pas le succès qu'elle mérite. C'est Claire Brault, qui est une autrice française. Et là, dans ce livre, La Forêt, justement, c'est un documentaire un peu hybride. Et c'est ça que j'aime aussi, c'est d'avoir des formes un peu différentes, puisqu'elle parle à la fois de son expérience personnelle, puisque c'est en fait son histoire. Elle décide de quitter Paris pour retourner vivre dans la région de son enfance, qui est la Touraine. Et elle s'interroge justement à ce que représente La Forêt. Elle fait toute une enquête très documentée, très précise sur ce que représente la forêt, en interrogeant des institutions, mais aussi des chasseurs, parce qu'il y a un lobby de chasseurs très important en France, toujours très compliqué pour nous de le comprendre en Belgique aussi. Et en même temps, elle parle de sa reconnexion à la nature. Cette forme un peu hybride, moi, ça me touche, ça me parle beaucoup. Et puis, il y a son graphisme incroyable, un dessin très libre. Là, ça me parle. Et puis, je voulais aussi parler d'un livre qui est paru chez Duneau, qui est le « Geostrategics » de Pascal Boniface. Ce grand, je ne sais pas si on dit géopoliticien, mais en tout cas, ce grand spécialiste de géopolitique. Et je pense qu'en ce moment, on a vraiment besoin de comprendre les enjeux de la géopolitique avec l'élection de Trump, la montée des extrémistes partout en Europe. Et là, on a de façon hyper précise, hyper détaillée et en même temps hyper compréhensive, parce que c'est ça aussi, c'est qu'on n'est pas tous des spécialistes d'actualité politique, de géopolitique, d'histoire. Il y a cette vulgarisation et en même temps cette précision qui m'a vraiment beaucoup plu et beaucoup intéressée. Merci Thalie, merci aux éditions Dunod pour cette séquence Transmission des savoirs. Manuela, est-ce que vous avez des auteurs-autrices totem belges que vous aimeriez faire découvrir aux librairies françaises ? Écoutez, inévitablement on doit rendre hommage aujourd'hui à Pierre Mertens qui est décédé il y a quelques jours et qui est... C'est quand même un de nos grands monstres de littérature. C'était un grand journaliste, c'était un grand défenseur des droits de l'homme, c'était un auteur exigeant et surtout un lecteur impressionnant. On s'intéresse à l'histoire de la Belgique. Son livre « Une paix royale » qui avait fait beaucoup de bruit reste dans les mémoires de notre histoire politique. On a la chance d'avoir énormément de femmes écrivaines, d es femmes qui ont écrit des livres importants, que ce soit Madeleine Bourdouxhe, Suzanne Médard, Marie Guéverse évidemment, Caroline Lamarck, qui est une novelliste absolument remarquable. Et puis on ne peut pas se lasser de lire des gens comme Jeanne Savitskaya, qui est publiée chez Minuit, et Jean-Philippe Toussaint aussi de l'écurie Minuit, qui sont des grands stylistes. Merci à tous les trois. Qu'est-ce qu'on peut souhaiter à la librairie Tropismes pour les années qui viennent ? Pascal ? De continuer au moins 40 ans après Brigitte. La librairie a été fondée en 84, on l'a dit. Et je crois que si dans 40 ans, Tropismes est encore là, on aura tous réussi ce qu'on avait envie de faire. Il faudra une grande fête pour les 80 ans. Il faudra une grande fête de toute façon et j'ose espérer que la Relève fera une grande fête pour fêter ça. Merci à tous les trois. C'était un plaisir. Merci à vous. Au revoir. Les Voix du livre - En haut de la pile. C'est la troisième partie de cet épisode, la rubrique en haut de la pile, avec une thématique spéciale ce mois-ci autour de la nature et du rapport au vivant. L'invention de la mer, un roman de Laure Limongi, Fermentation : pourquoi le moisi nous fascine, un essai d'Anne-Sophie Moreau, Quand tombent les aiguilles de pin, un récit signé de la résistante autochtone Ellen Gabriel, et La France en train - un guide de voyage pas comme les autres. C'est notre sélection littéraire spéciale nature de ce début de printemps. Autour de moi, une clique critique qui a arpenté la nature tout l'hiver par son versant littéraire, Pauline Gabinari, journaliste indépendante pour Livres Hebdo, Télérama et la Revue 21. Bonjour Pauline. Bonjour. Sean Rose, l'avant-critique qui fait la pluie et le beau temps chez Livres Hebdo. Bonjour Sean. Bonjour. Jacques Braunstein, rédacteur en chef de Livres Hebdo. Bonjour Jacques. Bonjour. Et Alain Nicolas qu'on accueille pour la première fois, critique littéraire à l'Humanité, animateur de rencontres et d'ateliers d'écriture sur la critique. Bonjour Alain. Bonjour. Alors Alain, tu n'as pas toujours été critique littéraire. À une époque, tu travaillais un peu plus près des étoiles ou de la nature. Oui, mes premiers papiers dans l'Humanité, ce sont des papiers de... sport et de sport de nature, de montagne et de voile. Mon premier reportage a été une interview d'Éric Tabarly, qui était mon idole. Merci Alain. Alors, avant de partir en nature, toujours prendre la température. Jacques, quel est le chiffre du mois ? Eh bien, le chiffre du mois, c'est 65 535. Ce qui correspond à la production de titres en 2024 par l'édition française, c'est-à-dire de nouveaux titres et de nouvelles éditions. C'est un chiffre qu'on scrute à Livre Hebdo chaque année puisque ça donne un peu une tendance du marché. On sait par exemple cette année que c'est 2,5% de plus que l'année précédente. Et après, ce n'est pas le chiffre le plus facile à analyser parce que grosso modo, il y a des gens qui vont dire « Oui, c'est une industrie de l'offre, donc plus il y a de titres, mieux c'est. » Puis il y en a d'autres qui vont dire « Oui, mais si c'est pour sortir plein de titres et qu'ils ne se vendent pas, ce n'est pas la peine. » Ce qui est certain, c'est que depuis 2015, en dessous de 68 000 titres, on est sorti d'une spirale assez négative qu'on avait pu connaître dans les années 2000-2010, qui était moins on vende chaque titre, plus on produit de titres différents. Aujourd'hui, les éditeurs ont une production relativement raisonnée. Elle a été un peu moins importante en 2020 du fait de la fermeture des librairies. Elle est remontée en 2021, puis elle a baissé un petit peu en 2022, en 2023, elle remonte un petit peu en 2025. ... Donc, c'est une production raisonnée. Après, elle n'est pas toujours très simple à analyser. Je ne vais prendre qu'un seul exemple. La BD et le manga, il y a eu une baisse en 2024. Ce n'est pas une très bonne année. On est dans les moins 5%. Côté BD, on est quasiment à égalité. C'est-à-dire qu'on a une dizaine de titres en moins par rapport à l'année précédente. On est passé de 3784 titres à 3763 titres. Alors que Coup tes mangas, alors que c'est les mêmes éditeurs, on passe de 3134 titres à 3463 titres. Le manga continue à augmenter en nombre de titres, alors qu'il ne se porte pas très bien. Ce qu'on comprend, ce qu'on voit finalement, c'est que dans la BD, ils sont conscients que certaines séries s'essoufflent et qu'il faut faire peut-être plus attention à ce qu'on publie. Dans le mangas, on est encore, même si les chiffres sont moins bons dans un marché, qui a beaucoup cru ces dernières années. Certaines séries emblématiques se sont arrêtées. Les éditeurs essayent des choses. Peut-être que c'est un peu beaucoup, mais ça paraît néanmoins logique par rapport au dynamisme qu'a connu le manga dans la décennie précédente. Pour finir, je vous donnerai les chiffres des romans. On aime bien les romans. Et alors là, c'est assez intéressant, parce qu'on est passé de 10 371 romans en 2023 à 10 934 romans. En 2024, c'est encore en augmentation, mais c'est quelque chose de raisonnable. Merci Jacques. Alain, c'est à toi, tu nous parles d'un roman qui a la particularité d'avoir été co-écrit par des crustacés. On t'écoute. Alors, par des crustacés, par des poulpes et par des cachalots. Alors, nous sommes en 2123. Ce qui devait arriver est arrivé, c'est-à-dire que le niveau des mers a monté, que le réchauffement climatique s'est emballé, que les épidémies ont déferlé sur les créatures vivantes et en particulier sur les humains. Qu'ils n'ont eu d'autre choix que de s'hybrider avec les créatures marines qui sont devenues des chimères. C'est comme si les métamorphoses d'Ovid s'incarnaient sans le secours des dieux, dit Laure Limongi. Le roman est pris en charge par une narratrice qui s'appelle Violetta Benedetti Ogundipe, qui est une chimère poulpe humaine et qui présente des textes issus de cette civilisation qu'elle appelle l'ère du plancton et qui a prospéré sur les ruines de ce que nous avons déclenché. Le premier texte est issu d'un manuscrit écrit par une certaine Gina de Galen qui est une hybride cachalot humain et qui est un témoignage en fait de sa vie dans son clan de cétacés qui parcourent les océans du globe. Alors, ils sont beaucoup moins mobiles que la deuxième créature que nous présente Violetta qui s'appelle Ménipe Zale qui est un crustacé. Voilà, les crustacés sont là. C'est un bad boy en fait, c'est un crabe qui se drogue avec des algues hallucinogènes, qui fréquente les bas-fonds des bas-fonds si on peut dire, les profondeurs des profondeurs, les bouges des fosses marines. Il a pour particularité d'avoir sur sa carapace des dessins, c'est une espèce qui existe réellement en fait. des dessins d'un visage humain qui lui permettent d'échapper à ces prédateurs. Et alors, il trafique un peu partout et il tombe à un moment dans un endroit un peu interlope où il y a des combats entre créatures. Et ces combats, ce sont des combats dansés et qui donnent naissance à des poèmes qui viennent à la fois de l'activité du cerveau. et de l'activité musculaire. Alors ça, ne me demandez pas par quel miracle c'est possible, il faut lire le livre de Laurie Mangier, on comprend très bien, mais c'est un peu long à expliquer. Et donc lui est un poète, et ses poèmes, il les accomplit sous forme olfactive. Ça m'a beaucoup intéressé parce qu'on a habituellement tendance à associer la poésie à l'image, à la musicalité, et là il y a une olfactivité de la poésie que Laure Limongi essaye de rendre à sa façon. Il y a un petit lexique qui permet d'ailleurs de comprendre de quelles odeurs il s'agit. J'ai beaucoup aimé ce livre, d'abord par son originalité, son engagement aussi par rapport aux problèmes qui nous menace et d'ailleurs qui nous affecte déjà aujourd'hui. Aussi par son côté composite, aussi hybride que les créatures dont elle parle, puisqu'il y a un témoignage, il y a une sorte de roman policier suivi de poèmes. Et aussi parce que Laure Limongi est une autrice qui a un peu tâté de tous les genres. Et elle prend des risques importants en se lançant dans quelque chose de complètement inédit, qui est d'une originalité folle. Et je pense qu'il faut dire aussi que ça procure un plaisir de lecture et je suis certain qu'il sera contagieux. Je suis d'accord, je l'ai lu aussi et effectivement j'ai adoré moi aussi ce livre. Je trouve que ce qui est incroyable c'est qu'elle va très très loin dans la documentation ethnographique scientifique mais sur un terrain complètement futuriste et dément. Jacques ? Je crois qu'en plus Laure Limongi, elle est prof d'écriture créative à l'école d'art de Cergy. Et c'est vrai que quand on entend cette histoire, on se dit « Ah bah oui, elle, elle va m'apprendre des choses sur l'écriture créative » . Oui, oui, alors bon, elle est d'une créativité, à titre personnel, effectivement, réelle. Ça, c'est tout à fait remarquable. Et puis, ce que j'aime beaucoup, c'est justement sa capacité à ne pas rester trop longtemps dans des territoires qu'elle a défrichés, où elle s'est installée, où elle se sent bien. Et il faut que ça bouge, quoi. Et là, on a affaire à des créatures qui bougent et puis aussi à une écriture qui est complètement très lisible et très facile à suivre, mais avec un univers très déroutant. Merci Alain. L'invention de la mer de Laure Limongi, c'est parue au Tripod le 16 janvier 2025. Pauline, c'est à toi. Comme tu es une journaliste bûcheuse, studieuse, tu as pris tes premiers rayons de soleil de l'année, non pas en nature, mais en librairie. Oui, tout à fait. Alors moi, ce sera un petit peu moins poétique puisque j'en avais marre de toute cette pluie alors j'ai fait ce que je sais faire de mieux, partir en vacances. Pour m'inspirer, direction le rayon guide de voyage et là sur les étagères, out le Paris-Barcelone le temps d'un week-end et bonjour les guides, cyclotourisme, randonnée ou encore voyage éthique et écologique. L'édition de voyage serait-elle donc passée au vert ? En tout cas, c'est une tendance de consommation assez marquée, me confirme Jean-Baptiste Passé. le directeur général des éditions Michelin. Lui-même s'est lancé dans la course que l'on peut appeler du slow travel et prévoit de faire une refonte totale de ses cartes routières pour septembre 2025. Quant à moi, pas de voiture, je n'ai pas le permis, mais je prends le train. L'année dernière, j'avais traversé l'Europe avec un Paris-Istanbul en 5 jours. Cette année, je vise un programme un peu moins ambitieux et jette mon dévolu sur la France en train. 40 escapades bas carbone pour voyager de gare en gare. Pour ce qui est de la maquette du bouquin, tout est assez bien ficelé. On a à chaque fois une jolie carto pour chaque trajet. Alors, qu'est-ce que je peux vous raconter comme trajet pour faire un petit peu rêver ? Pas très exotique, mais un vin de caperre en six escales ou un baisier Saint-Flour au onze jours. Un côté en dehors des sentiers battus, mais aussi, et c'est ça qui est agréable avec cet ouvrage, des formules très belles, très enlevées, qui permettent vraiment de percevoir autrement ces territoires qui peuvent parfois paraître pas très excitants. Par exemple, pour parler du Paris-Grandville, qui, il faut se l'avouer, est un petit peu limité d'un point de vue imaginaire narratif, l'auteur écrit "Après un bref arrêt à Versailles, l'horizon se dégage à Dreux, aux confins du pays d'Ouche, sans crier gard, entre paysages de bocage et massifs forestiers, la ligne s'échappe en Normandie." Bon, moi je trouve que ça donne vachement envie, alors que de prime abord le Paris-Grandville, ça m'évoquait pas grand chose. De mon côté, j'ai choisi la ligne dite des Hirondelles, qui traverse la Franche-Comté, pour arriver dans le Jura. Le guide me promet un col à 1000 mètres d'altitude, 6 viaducs et un tunnel en fer à cheval. En attendant de vous dire ce que ça donne, un chiffre tout de même, car tout n'est pas rose au pays de l'écologie. En début d'année, l'Association internationale du transport aérien a annoncé que le trafic des vols avait dépassé celui de 2019. Comme quoi le fameux Paris-Barcelone a encore quelques beaux jours devant lui. De l'art de trouver la poésie dans les guides de voyage. La France en train - 140 escapades bas carbone pour voyager de gare en gare. Ça sort chez Michelin le 21 mars 2025 sous la direction de Philippe Orains. Merci Pauline. Sean, c'est à toi. Tu nous parles d'un livre qui évoque un procédé révolutionnaire, mais vieux comme le monde. Oui, la fermentation. En fait, c'est un essai de la philosophe Anne-Sophie Moreau qui s'appelle « Fermentation, kéfir, compost et bactéries. Pourquoi le moisi nous fascine ? » J'ai été fasciné par ce livre parce qu'Anne-Sophie Moreau prend l'histoire du moisi ou de la fermentation sous son angle philosophique. On connaissait les paradigmes de Claude Lévi-Strauss entre le cuit et le cru. Et qu'est-ce qui entre ? Le pas frais, donc le moisi. Et elle nous fait toute une histoire de ce qu'est en fait cette fermentation qui a toujours été là. Évidemment, la bière, c'est la fermentation, le vin, c'est la fermentation, le Roquefort, c'est la fermentation. Maintenant, on a d'autres plats comme le tofu, etc. Mais là, elle nous montre que dans les années 80, on était dans une cesse de propreté hygiéniste. Donc en fait, tout ce qui était moisi et c'était un peu l'histoire de ce que la fermentation, c'était de la pourriture, donc de la putressence et donc de la mort. Donc c'était pas bien. Aujourd'hui, on a une attitude inverse. Au lieu de penser que c'est quelque chose de mauvais, de pourri, on va dire que c'est du vivant qui continue. Donc en fait, vive les bactéries, on adore nos intestins, c'est notre meilleur ami, c'est notre deuxième cerveau. Quand le premier ne marche pas, on ne sait jamais. Mais elles montrent vraiment des visions anthropologiques très différentes. Il y a ceux qui aiment les champignons, les mycophiles, ceux qui n'aiment pas les champignons, c'est-à-dire les mycophobes. Donc en fait, il y a un côté, les hygiénistes qui sont dans ce qui est propre, dans la compétition, qui sont une forme de darwinisme social, ils veulent que tout soit propre. Et les autres, ils ont ce côté genre voilà... C'est bien que ça se reproduise, c'est bien qu'il y ait des champignons. Et à tel point que même vis-à-vis de la mort, on est toujours vivant. C'est-à-dire qu'il y a cette mode lumisation, c'est-à-dire qu'en fait, il y a des gens qui préfèrent ne pas se faire ni enterrer ni incinérer, mais devenir du compost. C'est qu'en fait, comme si on était dans un cycle permanent de la vie. Donc ça, c'est vraiment fascinant comme vision du fermenté. Je précise que la fermentation a fait l'objet d'un autre livre vraiment qui est passionnant, que j'avais lu aussi. Fermentation Rébellion, signé Tien Uyen Do, qui est sorti aux éditions des Équateurs, et avec une dimension politique très forte et philosophique. Vraiment la fermentation comme nouvelle matière à repenser le rapport au vivant et au monde en général. Alain ? Non, moi j'ai été effectivement fasciné par ça. Et je me disais que notre alimentation de base est une alimentation fermentée. Si j'ai mangé à midi du pain, du fromage avec un verre de vin, je n'ai fait qu'ingérer du fermenté. Et c'est intéressant de voir que tout ce qui est à la mode n'est jamais qu'une extension de notre connaissance de ces nourritures-là. Mais sauf qu'avant, on ne voulait pas le voir, parce qu'en fait, c'était considéré comme, dans certaines cultures, le fromage. Par exemple, en Asie, c'était vraiment vu comme un peu dégoûtant. Vous voyez, en fait, les époques... Il y a des espoirs de mode aussi, par rapport à l'esthétique, par rapport au goût. Et le dégoût est culturel. Oui, la viande faisandée, la viande rassie, qui est quand même nettement plus tendre et bien meilleure. Alors qu'en fait, c'est de la viande qu'on a laissée fermenter. Moi, ça me rappelait seulement le souvenir d'une vieille lecture que j'avais faite et que j'aimais beaucoup, le miasme et la jonquille, il me semble. C'était ce qui pue et ce qui ne pue pas. Absolument. Fermentation, kéfir. compost et bactéries, pourquoi le moisi nous fascine, c'est signé Anne-Sophie Moreau et c'est paru le 7 février au Seuil. Merci Sean. A mon tour, je vous parle d'un livre qui m'a fait découvrir une séquence éclairante de l'histoire récente du Québec et une personnalité majeure que j'ignorais totalement. Quand tombent les aiguilles de pain sous-titrée Une histoire de résistance autochtone, signé Ellen Gabriel. C'est une autobiographie en forme de conversation avec l'historien et Sean Carlton, spécialiste de la colonisation. Le livre raconte la vie et les 40-50 combats d'Ellen Gabriel. Alors qui est Ellen Gabriel ? On la nomme aussi Katsi Tsakwas. C'est une militante artiste écoféministe. Elle a été présidente de l'Association des femmes autochtones du Québec et elle a défendu les droits des premiers peuples, notamment devant l'ONU. Elle est d'origine Mao-Hawks, c'est-à-dire issue de l'une des nations iroquoises situées au sud-ouest du Québec. Ellen Gabriel a marqué l'histoire en devenant la porte-parole de la résistance au moment de la crise Oka en 1990, qui a opposé le peuple autochtone à des promoteurs qui voulaient construire un club de golf dans une pinède sacrée. Cette crise politique, qui a entraîné un soulèvement de la population et une répression policière violente, a fait l'objet de confusions médiatiques, ou plutôt d'une propagande, qui visait à présenter les résistants mofoques comme menaçant l'ordre public. Cet événement n'est pas le seul. Pas anecdotique, il cristallise la discrimination raciste des peuples autochtones depuis des siècles, présente jusqu'aux livres scolaires actuels. Mais il traduit aussi le rapport de ce peuple à la nature et au sacré, leur façon de saluer l'eau, les poissons, de remercier les arbres avant chaque action, chaque matin, de considérer la pinède comme un refuge, notamment pour les femmes victimes de violences sexistes et racistes qui veulent se cacher. Ellen Gabriel dit « Nous avons un merveilleux système de gouvernance. Ce cadre politique a inspiré le système politique des États-Unis, mais ce fait est méconnu et on nous traite comme si notre unique motivation était de causer des ennuis. La crise d'Oka a fait l'objet de nombreux livres et documentaires, mais jamais du point de vue féminin et encore moins autochtone. » Alors que les femmes autochtones étaient les premières au front de ce combat. Donc ce livre nous éclaire sur tout cela, mais aussi sur le processus brutal de colonisation qui perdure aujourd'hui plus que jamais, puisque c'est le récit d'une résistance contre un État qui s'approprie des terres et qui déporte les habitants en niant leur droit à l'autodétermination. Les résonances avec l'actualité font froid dans le dos. C'est donc une voix qui me semble essentielle à faire entendre aujourd'hui. Ellen Gabriel, quand tombent les aiguilles de pin. C'est traduit de l'anglais par Marie Scholl-Dimanche et c'est paru aux éditions du Remue-Ménage. Sur ce, je vous souhaite un joli printemps, en gare, en mer ou en forêt, à parler aux arbres, aux poulpes et aux crustacés. Et je vous dis à bientôt pour un prochain épisode. Merci ! Merci ! C'était Les Voix du Livre, le podcast mensuel de Livres Hebdo, présenté par Lauren Malka. À la musique, Ferdinand Bayard. Merci au Conseil économique, social et environnemental d'avoir soutenu cet épisode. Avec son prix littéraire, le CESE récompense des auteurs et des autrices dont les ouvrages apportent un éclairage original et nécessaire sur les mutations de notre monde. Un prix qui s'adresse aux passionnés de littérature engagée et à tous les acteurs du secteur du livre des éditeurs aux libraires en passant par les bibliothécaires et les journalistes littéraires. La cérémonie de remise du prix aura lieu le 27 mai 2025 au CESE. Pour suivre cette édition et découvrir les finalistes, rendez-vous sur le site du CESE et sur leurs réseaux sociaux. Si vous avez aimé cet épisode, abonnez-vous au podcast Les Voix du Livre et envoyez-nous des tas de cœurs et d'étoiles. À bientôt !

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • En ouverture : écologie du livre : les défis de la distribution

    00:40

  • En chemin : à la découverte de la librairie Tropismes

    06:39

  • La clique critique de Livres Hebdo

    17:59

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Description

Comment les grands groupes de l’édition limitent-ils leur empreinte carbone ? “Décarbonation”, “impact environnemental”, “RSE”...  Ces dernières décennies, et a fortiori depuis la crise du Covid 19, l’engagement environnemental des grands acteurs de l’édition s’accélère. Mais va-t-il assez vite ? Dans cet épisode, Eric Dupuy, journaliste chez Livres Hebdo, interroge les leaders de l’édition pour savoir quelles stratégies ils déploient pour tenter de répondre aux défis écologiques d’aujourd’hui et de demain. 


Dans la seconde partie de l’épisode, Lauren Malka nous embarque à Bruxelles, à la rencontre de la chaleureuse équipe de la librairie Tropismes, installée dans un ancien haut-lieu du jazz belge, pour une discussion placée sous le signe de la création et de l’improvisation. 


Enfin, les journalistes de Livres Hebdo Pauline Gabinari et Sean Rose accueillent Alain Nicolas, journaliste à L'Humanité, pour arpenter la nature par son versant  littéraire. Au programme : “L’Invention de la mer”, un roman de Laure Limongi aux éditions du Tripode, “La France en Train - 40 escapades bas carbone pour voyager de gare en gare” chez Michelin, sous la direction de Philippe Orain, “Fermentation, kéfir, compost et bactéries. Pourquoi le moisi nous fascine ?”, un essai d’Anne-Sophie Moreau au Seuil et “Quand tombent les aiguilles de pin”  d’Ellen Gabriel, aux éditions du Remue-ménage.


Un podcast réalisé en partenariat avec les éditions DUNOD, l'éditeur de la transmission de tous les savoirs.


Ont participé à cet épisode :

Pauline Gabinari, Sean Rose, Alain Nicolas


Sont mentionnés dans cet épisode :


Laure Limongi, L'Invention de la mer, éditions du Tripode


La France en Train - 40 escapades bas carbone pour voyager de gare en gare, Michelin (sous la direction de Philippe Orain)


Anne-Sophie Moreau, Fermentation, kéfir, compost et bactéries. Pourquoi le moisi nous fascine? Seuil


Ellen Gabriel, Quand tombent les aiguilles de pin, éditions du Remue-ménage


Crédits :

Emission franceinfo : Le livre, un pollueur discret et une fâcheuse tendance à la surproduction

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/c-est-notre-empreinte/le-livre-un-pollueur-discret-qui-aime-le-gachis_4816391.html


Cet épisode est soutenu par le CESE, Conseil Économique Social et Environnemental, qui lance la troisième édition de son prix littéraire. Destiné aux lecteurs curieux et aux professionnels du livre, ce prix distingue des œuvres engagées, qui interrogent les grands enjeux économiques, sociaux et environnementaux de notre société. Une initiative qui valorise le rôle essentiel de la littérature dans le débat public.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Cet épisode est soutenu par le Conseil économique, social et environnemental qui lance la troisième édition de son prix littéraire. Destiné aux lecteurs curieux et aux professionnels du livre, ce prix distingue des œuvres engagées qui interrogent les grands enjeux économiques, sociaux et environnementaux de notre société. Une initiative qui valorise le rôle essentiel de la littérature dans le débat public. Dans le monde des objets qui pèsent sur la planète, le livre est un passager très discret. Il a pourtant un poids sur les forêts pour la pâte à papier. Il organise sa distribution avec des flottilles de camions. Il a une fâcheuse tendance à la surproduction pour tenter de séduire le lecteur dans les librairies. Les grands groupes de l'édition limitent-ils leur empreinte carbone ? La question n'est pas nouvelle, mais elle devient incontournable. C'est le sujet d'ouverture de cet épisode. Je m'appelle Lauren Malka, je suis journaliste indépendante et vous écoutez Les Voix du Livre, un podcast conçu en partenariat avec les éditions Dunod. Chaque mois, je vous embarque chez Livres Hebdo pour entendre le bruit que ça fait quand les pages du magazine du livre se mettent à parler. Au sommaire, en deuxième partie, direction Bruxelles pour rencontrer la joyeuse équipe de la librairie Tropismes, installée dans les somptueuses galeries Saint-Hubert au cœur d'un ancien haut-lieu du jazz belge. Une rencontre placée sous le signe de la création et de l'improvisation. À la fin de l'épisode, Pauline Gabinari et Sean Rose accueillent Alain Nicolas, journaliste à l'Humanité, pour élire leur coup de cœur littéraire autour du thème de la nature. Avant cela, Éric Dupuy, journaliste à Livres Hebdo, interroge les mastodontes de l'édition pour savoir comment ils se tiennent sur la terre brûlante des questions écologiques. Les Voix du livre : En ouverture. En fait, dans le monde du livre, quand on parle de décarbonation, d'impact environnemental, de RSE, ce ne sont pas des sujets qui datent d'hier. En revanche, et cela m'a sauté aux yeux en discutant avec les différents acteurs concernés, on remarque une accélération des investissements, des bonnes pratiques et donc des avancées en matière environnementale depuis la période Covid. Pour quelles raisons ? Eh bien sûrement, comme tout le monde, une prise de conscience puissante des décideurs à cette période-là. Jusque-là, peut-être avaient-ils conscience de cette problématique d'être plus vert, plus vertueux, mais elle n'était pas au rang des priorités. Ils ont décidé d'en faire la priorité des priorités ces dernières années, bien aidés, il faut le dire, par l'augmentation drastique subite et à des proportions inattendues des matières premières, corrélées à l'affaissement du marché. En 2022, Hachette, troisième éditeur généraliste mondial, a lancé un ambitieux plan RSE, avec notamment un engagement de réduction de 30% des émissions de CO2 d'ici 2030 pour l'ensemble du groupe. C'est piloté depuis la France par Gaëtan Ruffault et il est assez optimiste. Il est engagé sur ces questions depuis très longtemps. On a réalisé notre premier bilan carbone sur le périmètre trans en 2009. On avait déjà réduit nos émissions de 20% entre 2009 et 2019 sur la partie France. On a embarqué l'international en 2021 sur les données 2019. Et donc, on s'est lancé sur une cartographie de nos émissions à l'échelle mondiale et depuis sur un plan d'action à l'échelle mondiale qu'on a lancé fin 2021, donc le fameux 30-30. Derrière, l'enjeu, il devient très économique. Chez MDS, la filiale distribution du groupe Média Participations, On ne se contente pas de répondre aux enjeux environnementaux actuels, mais on cherche à anticiper les évolutions de marché en optimisant les flux logistiques, comme l'explique Olivier Barbé, le directeur général de la filiale basée dans l'Essonne. Dans mon schéma de directeur logistique, c'est centraliser l'ensemble des activités sur le même site. Ça permet d'avoir de la proximité, de réduire les coûts de transport et gagner en délai. Ça veut dire que concrètement, moi mon bâtiment, je fais une extension de bâtiment, 8400 m², ce qui me permettra de passer à 48 000 m². Et donc, dans ces 6 400 m², je vais rapatrier des activités que j'avais encore sur Balinvilliers : réception, préparation, retour et montage de PLV. Donc, ça veut dire que je serai très, très, très optimum à c niveau-là. Et ce nouveau bâtiment, comme c'est assez moderne, on a rajouté une toiture en photovoltaïque. Ça va couvrir 25% de ma production. Même stratégie pour Dilisco, qui augmente sa surface de stockage sur son site de Chénier, c'est dans la Creuse. La filiale du groupe Albin Michel en profite pour mettre en place sur son parking des ombrières avec panneaux photovoltaïques de 500 kW crête. Cela fait environ 600 000 kWh par an, soit à peu près 120 000 euros d'électricité. Mais retournons dans les Yvelines, c'est là que se trouve le site de distribution d'Hachette dont on parlait au début. La politique RSE dans le groupe est telle que pour tondre la pelouse, ils ont fait appel à de vrais moutons. Cela s'appelle l'écopâturage, et vous allez entendre Philippe Lamotte, le directeur général d'Hachette Distribution, en parler avec passion. "C'est un site industriel, mais il y a énormément de zones vertes, dans tout le site industriel. Et donc plutôt que d'utiliser des tondeuses, des machins, etc., ce sont les moutons qui gèrent ça, mais on l'a fait de manière associative. Voilà, c'est aussi un projet plus sociétal pour les gens, ça crée du lien entre les gens. Voilà, alors c'est une action qui participe au programme 30-30 d'Hachette, dont on parlait au début, mais dont l'épaisseur du trait est évidemment minime, bien que sympathique. À Maurepas, il y a bien plus d'actions techniques sur différents sujets et métiers, comme l'explique toujours Philippe Lamotte d'Hachette. Je vais vous donner un exemple. Aujourd'hui, quand on fait des appels de transport, on inclut des trajectoires carbone à nos transporteurs, pour leur dire, à l'horizon 2030. Vous prenez des engagements d'avoir une décarbonation de temps, ce qu'ils font, puisqu'il y a de vrais enjeux RSE aussi pour les transporteurs, que ce soit Geodis, Schenker ou d'autres, et donc on décline tous ces aspects-là sur les sujets de production, de colis, de films plastiques, qui comprennent de plus en plus de matières recyclées, ce qui vous permet d'avoir un bilan favorable aussi. Et donc on décline à la fois cette stratégie autour du carbone, autour de la consommation énergétique des bâtiments, passage en LED dans les entrepôts, optimisation des systèmes de chauffage, etc. Quand on parle de politique environnementale d'entreprise, le nerf de la guerre, c'est la data, le poids du livre, la distance qu'il parcourt, la quantité d'eau utilisée pour son élaboration. Bref, tout un tas de données. Et dans la chaîne du livre, le maillon qui en concentre le plus, c'est bien le distributeur. Il est donc la clé de voûte des ambitions écologiques du livre vert, permettant, en partageant les datas avec ses clients et prestataires, de faciliter la transformation pour une édition plus durable. Le reste du dossier signé Éric Dupuy et intitulé « Quoi de neuf dans la distribution » est à retrouver dans le numéro de Mars de Livre Hebdo. Nous sommes le 24 janvier 2025 à Bruxelles et je m'apprête à entrer dans la librairie Tropismes au sein des magnifiques Galeries Saint-Hubert, un lieu chargé d'histoire et de mémoire artistique. Je rencontre Pascal, le directeur de la librairie, Manuela et Thalie, qui sont libraires ici. Bonjour. Bonjour Lauren, bienvenue. Pascal, cette interview a bien failli ne pas se faire, puisqu'on est au lendemain d'une grosse épreuve que vous avez vécue ici. Quelques lendemains, mais la semaine dernière exactement, on avait des trombes d'eau dans la librairie. Ça a été assez catastrophique, on était dévastés. C'est un raccordement de chauffe-eau qui a lâché chez le locataire du dessus. Et donc on a, dans la nuit de jeudi à vendredi, des centaines de litres d'eau qui se sont déversés. Cette eau est tombée sur l'ensemble de la littérature traduite, donc tout le rayon était en pâte à papier, c'était de l'eau chaude. Et puis elle s'est écoulée à travers le plancher, le parquet, qui a sauté bien évidemment en séchant. L'eau coulait en douche aussi au sous-sol. Toutes les tables des sciences humaines ont été dévastées. Alors rapidement, on a pris les mesures nécessaires pour couper l'eau là-haut. Et puis ensuite, on s'est regardé, on avait à la fois envie de pleurer, et en même temps, toute l'équipe s'est dit, mais voilà, on ne peut pas rester comme ça, il faut agir. Alors évidemment, on a perdu quelques centaines, voire peut-être plus d'un millier de livres. Et depuis, on jongle entre les assurances, les experts, les artisans, parce qu'il y aura beaucoup de travaux à venir. Les annulations d'événements. Évidemment, on avait Vanessa Springora qui était prévue et on a dû malheureusement annuler. On avait plus de 120 personnes inscrites. Mais pour des raisons de sécurité, il était impensable de laisser la librairie ouverte. En tout cas, d'accueillir un public aussi nombreux. C'est un lieu absolument magnifique. Donc, on est heureux de savoir que la librairie est sauve. Et c'est un lieu qui a été fondé en 1984. Je vais me diriger vers Manuela, puisque Manuela est là depuis la création de la librairie. Alors ce lieu, c'est d'abord l'histoire d'une rencontre entre deux personnes, qui était à l'époque Jacques Baudouin, qui avait une toute petite librairie dans les galeries Bortier, et Brigitte De Meeûs, qui avait une librairie à Bois-Avres, qui est une petite ville en province, en Brabant-Wallon. Et ils ont trouvé ce lieu, qui était complètement abandonné, qui était un ancien club de jazz, le Blue Note, où Jacques Brel jouait, Philippe Katerine, enfin... Pascal, vous m'avez nommé aussi quelques autres... Oui, on m'a dit que les Rolling Stones étaient venus à l'époque du Blue Note, mais... Oui, enfin, ce qui n'est pas une légende, c'est que le décor avait été entièrement retapissé par des dessins d'Alechinsky, à l'époque, qui ont disparu. Et donc Jacques et Brigitte se sont vraiment émerveillées devant le lieu. On a tout de suite reçu le soutien des éditions de minuit. Comme le lieu était tellement beau, il y a eu un grand article dans Libération, la plus belle librairie d'Europe, etc. Quelles sont les grandes évolutions que vous avez pu observer en 40 ans dans cette librairie et dans le monde de la librairie belge en général ? Au fil du temps, ce qui est frappant, c'est que la production est devenue vraiment ingérable. Si on veut être une grande librairie, nous on n'est pas vraiment une grande librairie, on est une librairie moyenne qui choisit tous ses livres. Donc, le travail de choix est devenu colossal. En fait, Brigitte de Meeûs, jusqu'à sa mort, elle ne faisait que ça. Vous diriez que le métier de libraire n'a plus rien à voir depuis 40 ans ? Ici, oui, parce qu'on est d'abord un artisanat. On a été formé comme des artisans. Donc, on ne vient pas des écoles de libraire. Peut-être ça a des défauts parce qu'on ne gère pas tout de façon très stricte, avec des chiffres uniquement. On gère avec ce que nous, on veut présenter, tout en étant très diversifiés, parce qu'on doit l'être, ce n'est pas une librairie non plus de niche. Pascal, vous m'avez parlé aussi du rôle qu'a joué Brigitte De Meeûs dans le prix unique du livre en Belgique. Oui, en fait, Brigitte De Meeûs s'est battue pendant de très longues années avec le SLFB, qui est le syndicat de la librairie francophone de Belgique, pour pouvoir avoir comme en France un prix unique du livre. Avant cela, les distributeurs et les éditeurs appliquaient une tabelle à un prix qui était augmenté pour les libraires belges. Et ce qui fait que n'importe quel client français venant à Bruxelles trouvait les livres plus chers qu'à Paris ou n'importe où en France. Brigitte, pour elle, c'était important. La loi langue a toujours résonné, je pense, pour elle. Et donc, elle s'est battue pendant des années pour pouvoir obtenir à peu près la même chose, à la différence près qu'on a une différence de TVA, parce qu'en France, c'est 5,5 et nous ici, c'est 6%. Mais on est au prix unique du livre et c'est extrêmement important pour nous, en tout cas. Il y a une spécificité à Bruxelles qui est aussi vraie pour Paris, qui est le mythe du bouquiniste. Est-ce que vous les considérez plutôt comme des amis des marchés complémentaires ou des concurrents ? Alors, il y en a un qui s'est installé il y a peu. Il faut savoir qu'effectivement, à Bruxelles, il y a énormément de bouquinistes. Il y en avait beaucoup et la plupart étaient dans les galeries Bortier, qui sont à deux pas d'ici. Pendant des années, c'était vraiment le lieu des bouquinistes. Et depuis quelques mois... En fait, ces galeries Bortier, qui étaient un peu vieilles, qui manquaient de trafic, etc. La ville, avec d'autres entrepreneurs, a décidé de la redynamiser en installant un foot court. Donc, une multitude de restaurants. Il reste, je crois, deux bouquinistes. Les autres ont été expropriés. On a eu beau essayer de soutenir via diverses pétitions et autres, t'en as que trop peu de suite. Les bouquinistes ne sont pas des concurrents des libraires. Je pense qu'on est plus confrères. Voilà, on s'envoie les uns les autres, nos clients. Parce que quand il y a des livres qui sont épuisés, on ne sait pas les autres. obtenir. Si on ne peut pas les obtenir, qui peut-être en avoir ? C'est les bouquinistes. On a une même passion, c'est le livre. Pour ce podcast, Livres Hebdo, en partenariat avec les éditions Dunod, pousse la porte des libraires pour les écouter nous décrire leurs enjeux, décrypter les tendances éditoriales du moment et partager leur coup de cœur. La Maison Dunod publie des ouvrages de non-fiction sous les éditions Dunod et Armand Collin pour rendre le savoir accessible au grand public, aux professionnels et aux étudiants. Nous sommes toujours avec Pascal Manuela et Thalie. Thalie qui est libraire ici et qui va nous parler de son rayon BD, en particulier les BD de savoir. Oui, donc on a un rayon de bande dessinée ici chez Tropismes qui n'est pas immense. On essaye vraiment de cibler dans la production et c'est vrai que la production en bande dessinée de savoir, bande dessinée documentaire a aussi pris beaucoup d'ampleur. Nous, étant une librairie généraliste, c'est vraiment important pour nous de suivre cette tendance et de mettre en avant ce type de bande dessinée parce qu'on a vraiment le public. Donc bien sûr, depuis, je dirais quand même déjà 10-15 ans, il y a eu des grands titres aussi qui ont tiré les autres. Il y a eu des adaptations aussi de livres, comme l'adaptation de Sapiens en bande dessinée, qui est parue chez Albin Michel, ou l'adaptation de La vie secrète des arbres aux arènes. Beaucoup d'éditeurs de sciences humaines aussi qui se sont lancés sur ce segment, ce qui a évidemment enrichi le rayon. Et en même temps, d'un autre côté, on a dû faire des choix, parce que très honnêtement, tout n'est pas non plus incroyable. Le problème peut-être de la bêtise de savoir, c'est de parfois mettre l'accent sur le contenu en oubliant la forme. Et pour moi, le médium bande dessinée doit quand même être respecté. Il faut qu'il y ait quand même une créativité graphique. Est-ce que vous avez des coups de cœur ? Alors, bien sûr. Je voulais parler de trois livres très, très différents. Le premier, c'est peut-être justement une adaptation que j'ai trouvé hyper réussie de Capital & idéologie de Thomas Piketty par la journaliste Claire Allais et le dessinateur Benjamin Adam. Parce que déjà, leur adapter un bouquin de 1500 pages, c'était un sacré challenge. Et ils l'ont vraiment fait avec une grande originalité. Et puis, il y a vraiment un esprit créatif de la part de Benjamin Adam, qui est un dessinateur qui a un style vraiment bien à lui, qui a fait un travail graphique super étonnant. Donc, il y avait celui-là. J'avais aussi envie de parler d'un livre super atypique qui s'appelle La Forêt, qui est parue chez Casterman par une autrice parmi mes autrices préférées et qui, je trouve, n'a pas le succès qu'elle mérite. C'est Claire Brault, qui est une autrice française. Et là, dans ce livre, La Forêt, justement, c'est un documentaire un peu hybride. Et c'est ça que j'aime aussi, c'est d'avoir des formes un peu différentes, puisqu'elle parle à la fois de son expérience personnelle, puisque c'est en fait son histoire. Elle décide de quitter Paris pour retourner vivre dans la région de son enfance, qui est la Touraine. Et elle s'interroge justement à ce que représente La Forêt. Elle fait toute une enquête très documentée, très précise sur ce que représente la forêt, en interrogeant des institutions, mais aussi des chasseurs, parce qu'il y a un lobby de chasseurs très important en France, toujours très compliqué pour nous de le comprendre en Belgique aussi. Et en même temps, elle parle de sa reconnexion à la nature. Cette forme un peu hybride, moi, ça me touche, ça me parle beaucoup. Et puis, il y a son graphisme incroyable, un dessin très libre. Là, ça me parle. Et puis, je voulais aussi parler d'un livre qui est paru chez Duneau, qui est le « Geostrategics » de Pascal Boniface. Ce grand, je ne sais pas si on dit géopoliticien, mais en tout cas, ce grand spécialiste de géopolitique. Et je pense qu'en ce moment, on a vraiment besoin de comprendre les enjeux de la géopolitique avec l'élection de Trump, la montée des extrémistes partout en Europe. Et là, on a de façon hyper précise, hyper détaillée et en même temps hyper compréhensive, parce que c'est ça aussi, c'est qu'on n'est pas tous des spécialistes d'actualité politique, de géopolitique, d'histoire. Il y a cette vulgarisation et en même temps cette précision qui m'a vraiment beaucoup plu et beaucoup intéressée. Merci Thalie, merci aux éditions Dunod pour cette séquence Transmission des savoirs. Manuela, est-ce que vous avez des auteurs-autrices totem belges que vous aimeriez faire découvrir aux librairies françaises ? Écoutez, inévitablement on doit rendre hommage aujourd'hui à Pierre Mertens qui est décédé il y a quelques jours et qui est... C'est quand même un de nos grands monstres de littérature. C'était un grand journaliste, c'était un grand défenseur des droits de l'homme, c'était un auteur exigeant et surtout un lecteur impressionnant. On s'intéresse à l'histoire de la Belgique. Son livre « Une paix royale » qui avait fait beaucoup de bruit reste dans les mémoires de notre histoire politique. On a la chance d'avoir énormément de femmes écrivaines, d es femmes qui ont écrit des livres importants, que ce soit Madeleine Bourdouxhe, Suzanne Médard, Marie Guéverse évidemment, Caroline Lamarck, qui est une novelliste absolument remarquable. Et puis on ne peut pas se lasser de lire des gens comme Jeanne Savitskaya, qui est publiée chez Minuit, et Jean-Philippe Toussaint aussi de l'écurie Minuit, qui sont des grands stylistes. Merci à tous les trois. Qu'est-ce qu'on peut souhaiter à la librairie Tropismes pour les années qui viennent ? Pascal ? De continuer au moins 40 ans après Brigitte. La librairie a été fondée en 84, on l'a dit. Et je crois que si dans 40 ans, Tropismes est encore là, on aura tous réussi ce qu'on avait envie de faire. Il faudra une grande fête pour les 80 ans. Il faudra une grande fête de toute façon et j'ose espérer que la Relève fera une grande fête pour fêter ça. Merci à tous les trois. C'était un plaisir. Merci à vous. Au revoir. Les Voix du livre - En haut de la pile. C'est la troisième partie de cet épisode, la rubrique en haut de la pile, avec une thématique spéciale ce mois-ci autour de la nature et du rapport au vivant. L'invention de la mer, un roman de Laure Limongi, Fermentation : pourquoi le moisi nous fascine, un essai d'Anne-Sophie Moreau, Quand tombent les aiguilles de pin, un récit signé de la résistante autochtone Ellen Gabriel, et La France en train - un guide de voyage pas comme les autres. C'est notre sélection littéraire spéciale nature de ce début de printemps. Autour de moi, une clique critique qui a arpenté la nature tout l'hiver par son versant littéraire, Pauline Gabinari, journaliste indépendante pour Livres Hebdo, Télérama et la Revue 21. Bonjour Pauline. Bonjour. Sean Rose, l'avant-critique qui fait la pluie et le beau temps chez Livres Hebdo. Bonjour Sean. Bonjour. Jacques Braunstein, rédacteur en chef de Livres Hebdo. Bonjour Jacques. Bonjour. Et Alain Nicolas qu'on accueille pour la première fois, critique littéraire à l'Humanité, animateur de rencontres et d'ateliers d'écriture sur la critique. Bonjour Alain. Bonjour. Alors Alain, tu n'as pas toujours été critique littéraire. À une époque, tu travaillais un peu plus près des étoiles ou de la nature. Oui, mes premiers papiers dans l'Humanité, ce sont des papiers de... sport et de sport de nature, de montagne et de voile. Mon premier reportage a été une interview d'Éric Tabarly, qui était mon idole. Merci Alain. Alors, avant de partir en nature, toujours prendre la température. Jacques, quel est le chiffre du mois ? Eh bien, le chiffre du mois, c'est 65 535. Ce qui correspond à la production de titres en 2024 par l'édition française, c'est-à-dire de nouveaux titres et de nouvelles éditions. C'est un chiffre qu'on scrute à Livre Hebdo chaque année puisque ça donne un peu une tendance du marché. On sait par exemple cette année que c'est 2,5% de plus que l'année précédente. Et après, ce n'est pas le chiffre le plus facile à analyser parce que grosso modo, il y a des gens qui vont dire « Oui, c'est une industrie de l'offre, donc plus il y a de titres, mieux c'est. » Puis il y en a d'autres qui vont dire « Oui, mais si c'est pour sortir plein de titres et qu'ils ne se vendent pas, ce n'est pas la peine. » Ce qui est certain, c'est que depuis 2015, en dessous de 68 000 titres, on est sorti d'une spirale assez négative qu'on avait pu connaître dans les années 2000-2010, qui était moins on vende chaque titre, plus on produit de titres différents. Aujourd'hui, les éditeurs ont une production relativement raisonnée. Elle a été un peu moins importante en 2020 du fait de la fermeture des librairies. Elle est remontée en 2021, puis elle a baissé un petit peu en 2022, en 2023, elle remonte un petit peu en 2025. ... Donc, c'est une production raisonnée. Après, elle n'est pas toujours très simple à analyser. Je ne vais prendre qu'un seul exemple. La BD et le manga, il y a eu une baisse en 2024. Ce n'est pas une très bonne année. On est dans les moins 5%. Côté BD, on est quasiment à égalité. C'est-à-dire qu'on a une dizaine de titres en moins par rapport à l'année précédente. On est passé de 3784 titres à 3763 titres. Alors que Coup tes mangas, alors que c'est les mêmes éditeurs, on passe de 3134 titres à 3463 titres. Le manga continue à augmenter en nombre de titres, alors qu'il ne se porte pas très bien. Ce qu'on comprend, ce qu'on voit finalement, c'est que dans la BD, ils sont conscients que certaines séries s'essoufflent et qu'il faut faire peut-être plus attention à ce qu'on publie. Dans le mangas, on est encore, même si les chiffres sont moins bons dans un marché, qui a beaucoup cru ces dernières années. Certaines séries emblématiques se sont arrêtées. Les éditeurs essayent des choses. Peut-être que c'est un peu beaucoup, mais ça paraît néanmoins logique par rapport au dynamisme qu'a connu le manga dans la décennie précédente. Pour finir, je vous donnerai les chiffres des romans. On aime bien les romans. Et alors là, c'est assez intéressant, parce qu'on est passé de 10 371 romans en 2023 à 10 934 romans. En 2024, c'est encore en augmentation, mais c'est quelque chose de raisonnable. Merci Jacques. Alain, c'est à toi, tu nous parles d'un roman qui a la particularité d'avoir été co-écrit par des crustacés. On t'écoute. Alors, par des crustacés, par des poulpes et par des cachalots. Alors, nous sommes en 2123. Ce qui devait arriver est arrivé, c'est-à-dire que le niveau des mers a monté, que le réchauffement climatique s'est emballé, que les épidémies ont déferlé sur les créatures vivantes et en particulier sur les humains. Qu'ils n'ont eu d'autre choix que de s'hybrider avec les créatures marines qui sont devenues des chimères. C'est comme si les métamorphoses d'Ovid s'incarnaient sans le secours des dieux, dit Laure Limongi. Le roman est pris en charge par une narratrice qui s'appelle Violetta Benedetti Ogundipe, qui est une chimère poulpe humaine et qui présente des textes issus de cette civilisation qu'elle appelle l'ère du plancton et qui a prospéré sur les ruines de ce que nous avons déclenché. Le premier texte est issu d'un manuscrit écrit par une certaine Gina de Galen qui est une hybride cachalot humain et qui est un témoignage en fait de sa vie dans son clan de cétacés qui parcourent les océans du globe. Alors, ils sont beaucoup moins mobiles que la deuxième créature que nous présente Violetta qui s'appelle Ménipe Zale qui est un crustacé. Voilà, les crustacés sont là. C'est un bad boy en fait, c'est un crabe qui se drogue avec des algues hallucinogènes, qui fréquente les bas-fonds des bas-fonds si on peut dire, les profondeurs des profondeurs, les bouges des fosses marines. Il a pour particularité d'avoir sur sa carapace des dessins, c'est une espèce qui existe réellement en fait. des dessins d'un visage humain qui lui permettent d'échapper à ces prédateurs. Et alors, il trafique un peu partout et il tombe à un moment dans un endroit un peu interlope où il y a des combats entre créatures. Et ces combats, ce sont des combats dansés et qui donnent naissance à des poèmes qui viennent à la fois de l'activité du cerveau. et de l'activité musculaire. Alors ça, ne me demandez pas par quel miracle c'est possible, il faut lire le livre de Laurie Mangier, on comprend très bien, mais c'est un peu long à expliquer. Et donc lui est un poète, et ses poèmes, il les accomplit sous forme olfactive. Ça m'a beaucoup intéressé parce qu'on a habituellement tendance à associer la poésie à l'image, à la musicalité, et là il y a une olfactivité de la poésie que Laure Limongi essaye de rendre à sa façon. Il y a un petit lexique qui permet d'ailleurs de comprendre de quelles odeurs il s'agit. J'ai beaucoup aimé ce livre, d'abord par son originalité, son engagement aussi par rapport aux problèmes qui nous menace et d'ailleurs qui nous affecte déjà aujourd'hui. Aussi par son côté composite, aussi hybride que les créatures dont elle parle, puisqu'il y a un témoignage, il y a une sorte de roman policier suivi de poèmes. Et aussi parce que Laure Limongi est une autrice qui a un peu tâté de tous les genres. Et elle prend des risques importants en se lançant dans quelque chose de complètement inédit, qui est d'une originalité folle. Et je pense qu'il faut dire aussi que ça procure un plaisir de lecture et je suis certain qu'il sera contagieux. Je suis d'accord, je l'ai lu aussi et effectivement j'ai adoré moi aussi ce livre. Je trouve que ce qui est incroyable c'est qu'elle va très très loin dans la documentation ethnographique scientifique mais sur un terrain complètement futuriste et dément. Jacques ? Je crois qu'en plus Laure Limongi, elle est prof d'écriture créative à l'école d'art de Cergy. Et c'est vrai que quand on entend cette histoire, on se dit « Ah bah oui, elle, elle va m'apprendre des choses sur l'écriture créative » . Oui, oui, alors bon, elle est d'une créativité, à titre personnel, effectivement, réelle. Ça, c'est tout à fait remarquable. Et puis, ce que j'aime beaucoup, c'est justement sa capacité à ne pas rester trop longtemps dans des territoires qu'elle a défrichés, où elle s'est installée, où elle se sent bien. Et il faut que ça bouge, quoi. Et là, on a affaire à des créatures qui bougent et puis aussi à une écriture qui est complètement très lisible et très facile à suivre, mais avec un univers très déroutant. Merci Alain. L'invention de la mer de Laure Limongi, c'est parue au Tripod le 16 janvier 2025. Pauline, c'est à toi. Comme tu es une journaliste bûcheuse, studieuse, tu as pris tes premiers rayons de soleil de l'année, non pas en nature, mais en librairie. Oui, tout à fait. Alors moi, ce sera un petit peu moins poétique puisque j'en avais marre de toute cette pluie alors j'ai fait ce que je sais faire de mieux, partir en vacances. Pour m'inspirer, direction le rayon guide de voyage et là sur les étagères, out le Paris-Barcelone le temps d'un week-end et bonjour les guides, cyclotourisme, randonnée ou encore voyage éthique et écologique. L'édition de voyage serait-elle donc passée au vert ? En tout cas, c'est une tendance de consommation assez marquée, me confirme Jean-Baptiste Passé. le directeur général des éditions Michelin. Lui-même s'est lancé dans la course que l'on peut appeler du slow travel et prévoit de faire une refonte totale de ses cartes routières pour septembre 2025. Quant à moi, pas de voiture, je n'ai pas le permis, mais je prends le train. L'année dernière, j'avais traversé l'Europe avec un Paris-Istanbul en 5 jours. Cette année, je vise un programme un peu moins ambitieux et jette mon dévolu sur la France en train. 40 escapades bas carbone pour voyager de gare en gare. Pour ce qui est de la maquette du bouquin, tout est assez bien ficelé. On a à chaque fois une jolie carto pour chaque trajet. Alors, qu'est-ce que je peux vous raconter comme trajet pour faire un petit peu rêver ? Pas très exotique, mais un vin de caperre en six escales ou un baisier Saint-Flour au onze jours. Un côté en dehors des sentiers battus, mais aussi, et c'est ça qui est agréable avec cet ouvrage, des formules très belles, très enlevées, qui permettent vraiment de percevoir autrement ces territoires qui peuvent parfois paraître pas très excitants. Par exemple, pour parler du Paris-Grandville, qui, il faut se l'avouer, est un petit peu limité d'un point de vue imaginaire narratif, l'auteur écrit "Après un bref arrêt à Versailles, l'horizon se dégage à Dreux, aux confins du pays d'Ouche, sans crier gard, entre paysages de bocage et massifs forestiers, la ligne s'échappe en Normandie." Bon, moi je trouve que ça donne vachement envie, alors que de prime abord le Paris-Grandville, ça m'évoquait pas grand chose. De mon côté, j'ai choisi la ligne dite des Hirondelles, qui traverse la Franche-Comté, pour arriver dans le Jura. Le guide me promet un col à 1000 mètres d'altitude, 6 viaducs et un tunnel en fer à cheval. En attendant de vous dire ce que ça donne, un chiffre tout de même, car tout n'est pas rose au pays de l'écologie. En début d'année, l'Association internationale du transport aérien a annoncé que le trafic des vols avait dépassé celui de 2019. Comme quoi le fameux Paris-Barcelone a encore quelques beaux jours devant lui. De l'art de trouver la poésie dans les guides de voyage. La France en train - 140 escapades bas carbone pour voyager de gare en gare. Ça sort chez Michelin le 21 mars 2025 sous la direction de Philippe Orains. Merci Pauline. Sean, c'est à toi. Tu nous parles d'un livre qui évoque un procédé révolutionnaire, mais vieux comme le monde. Oui, la fermentation. En fait, c'est un essai de la philosophe Anne-Sophie Moreau qui s'appelle « Fermentation, kéfir, compost et bactéries. Pourquoi le moisi nous fascine ? » J'ai été fasciné par ce livre parce qu'Anne-Sophie Moreau prend l'histoire du moisi ou de la fermentation sous son angle philosophique. On connaissait les paradigmes de Claude Lévi-Strauss entre le cuit et le cru. Et qu'est-ce qui entre ? Le pas frais, donc le moisi. Et elle nous fait toute une histoire de ce qu'est en fait cette fermentation qui a toujours été là. Évidemment, la bière, c'est la fermentation, le vin, c'est la fermentation, le Roquefort, c'est la fermentation. Maintenant, on a d'autres plats comme le tofu, etc. Mais là, elle nous montre que dans les années 80, on était dans une cesse de propreté hygiéniste. Donc en fait, tout ce qui était moisi et c'était un peu l'histoire de ce que la fermentation, c'était de la pourriture, donc de la putressence et donc de la mort. Donc c'était pas bien. Aujourd'hui, on a une attitude inverse. Au lieu de penser que c'est quelque chose de mauvais, de pourri, on va dire que c'est du vivant qui continue. Donc en fait, vive les bactéries, on adore nos intestins, c'est notre meilleur ami, c'est notre deuxième cerveau. Quand le premier ne marche pas, on ne sait jamais. Mais elles montrent vraiment des visions anthropologiques très différentes. Il y a ceux qui aiment les champignons, les mycophiles, ceux qui n'aiment pas les champignons, c'est-à-dire les mycophobes. Donc en fait, il y a un côté, les hygiénistes qui sont dans ce qui est propre, dans la compétition, qui sont une forme de darwinisme social, ils veulent que tout soit propre. Et les autres, ils ont ce côté genre voilà... C'est bien que ça se reproduise, c'est bien qu'il y ait des champignons. Et à tel point que même vis-à-vis de la mort, on est toujours vivant. C'est-à-dire qu'il y a cette mode lumisation, c'est-à-dire qu'en fait, il y a des gens qui préfèrent ne pas se faire ni enterrer ni incinérer, mais devenir du compost. C'est qu'en fait, comme si on était dans un cycle permanent de la vie. Donc ça, c'est vraiment fascinant comme vision du fermenté. Je précise que la fermentation a fait l'objet d'un autre livre vraiment qui est passionnant, que j'avais lu aussi. Fermentation Rébellion, signé Tien Uyen Do, qui est sorti aux éditions des Équateurs, et avec une dimension politique très forte et philosophique. Vraiment la fermentation comme nouvelle matière à repenser le rapport au vivant et au monde en général. Alain ? Non, moi j'ai été effectivement fasciné par ça. Et je me disais que notre alimentation de base est une alimentation fermentée. Si j'ai mangé à midi du pain, du fromage avec un verre de vin, je n'ai fait qu'ingérer du fermenté. Et c'est intéressant de voir que tout ce qui est à la mode n'est jamais qu'une extension de notre connaissance de ces nourritures-là. Mais sauf qu'avant, on ne voulait pas le voir, parce qu'en fait, c'était considéré comme, dans certaines cultures, le fromage. Par exemple, en Asie, c'était vraiment vu comme un peu dégoûtant. Vous voyez, en fait, les époques... Il y a des espoirs de mode aussi, par rapport à l'esthétique, par rapport au goût. Et le dégoût est culturel. Oui, la viande faisandée, la viande rassie, qui est quand même nettement plus tendre et bien meilleure. Alors qu'en fait, c'est de la viande qu'on a laissée fermenter. Moi, ça me rappelait seulement le souvenir d'une vieille lecture que j'avais faite et que j'aimais beaucoup, le miasme et la jonquille, il me semble. C'était ce qui pue et ce qui ne pue pas. Absolument. Fermentation, kéfir. compost et bactéries, pourquoi le moisi nous fascine, c'est signé Anne-Sophie Moreau et c'est paru le 7 février au Seuil. Merci Sean. A mon tour, je vous parle d'un livre qui m'a fait découvrir une séquence éclairante de l'histoire récente du Québec et une personnalité majeure que j'ignorais totalement. Quand tombent les aiguilles de pain sous-titrée Une histoire de résistance autochtone, signé Ellen Gabriel. C'est une autobiographie en forme de conversation avec l'historien et Sean Carlton, spécialiste de la colonisation. Le livre raconte la vie et les 40-50 combats d'Ellen Gabriel. Alors qui est Ellen Gabriel ? On la nomme aussi Katsi Tsakwas. C'est une militante artiste écoféministe. Elle a été présidente de l'Association des femmes autochtones du Québec et elle a défendu les droits des premiers peuples, notamment devant l'ONU. Elle est d'origine Mao-Hawks, c'est-à-dire issue de l'une des nations iroquoises situées au sud-ouest du Québec. Ellen Gabriel a marqué l'histoire en devenant la porte-parole de la résistance au moment de la crise Oka en 1990, qui a opposé le peuple autochtone à des promoteurs qui voulaient construire un club de golf dans une pinède sacrée. Cette crise politique, qui a entraîné un soulèvement de la population et une répression policière violente, a fait l'objet de confusions médiatiques, ou plutôt d'une propagande, qui visait à présenter les résistants mofoques comme menaçant l'ordre public. Cet événement n'est pas le seul. Pas anecdotique, il cristallise la discrimination raciste des peuples autochtones depuis des siècles, présente jusqu'aux livres scolaires actuels. Mais il traduit aussi le rapport de ce peuple à la nature et au sacré, leur façon de saluer l'eau, les poissons, de remercier les arbres avant chaque action, chaque matin, de considérer la pinède comme un refuge, notamment pour les femmes victimes de violences sexistes et racistes qui veulent se cacher. Ellen Gabriel dit « Nous avons un merveilleux système de gouvernance. Ce cadre politique a inspiré le système politique des États-Unis, mais ce fait est méconnu et on nous traite comme si notre unique motivation était de causer des ennuis. La crise d'Oka a fait l'objet de nombreux livres et documentaires, mais jamais du point de vue féminin et encore moins autochtone. » Alors que les femmes autochtones étaient les premières au front de ce combat. Donc ce livre nous éclaire sur tout cela, mais aussi sur le processus brutal de colonisation qui perdure aujourd'hui plus que jamais, puisque c'est le récit d'une résistance contre un État qui s'approprie des terres et qui déporte les habitants en niant leur droit à l'autodétermination. Les résonances avec l'actualité font froid dans le dos. C'est donc une voix qui me semble essentielle à faire entendre aujourd'hui. Ellen Gabriel, quand tombent les aiguilles de pin. C'est traduit de l'anglais par Marie Scholl-Dimanche et c'est paru aux éditions du Remue-Ménage. Sur ce, je vous souhaite un joli printemps, en gare, en mer ou en forêt, à parler aux arbres, aux poulpes et aux crustacés. Et je vous dis à bientôt pour un prochain épisode. Merci ! Merci ! C'était Les Voix du Livre, le podcast mensuel de Livres Hebdo, présenté par Lauren Malka. À la musique, Ferdinand Bayard. Merci au Conseil économique, social et environnemental d'avoir soutenu cet épisode. Avec son prix littéraire, le CESE récompense des auteurs et des autrices dont les ouvrages apportent un éclairage original et nécessaire sur les mutations de notre monde. Un prix qui s'adresse aux passionnés de littérature engagée et à tous les acteurs du secteur du livre des éditeurs aux libraires en passant par les bibliothécaires et les journalistes littéraires. La cérémonie de remise du prix aura lieu le 27 mai 2025 au CESE. Pour suivre cette édition et découvrir les finalistes, rendez-vous sur le site du CESE et sur leurs réseaux sociaux. Si vous avez aimé cet épisode, abonnez-vous au podcast Les Voix du Livre et envoyez-nous des tas de cœurs et d'étoiles. À bientôt !

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • En ouverture : écologie du livre : les défis de la distribution

    00:40

  • En chemin : à la découverte de la librairie Tropismes

    06:39

  • La clique critique de Livres Hebdo

    17:59

Description

Comment les grands groupes de l’édition limitent-ils leur empreinte carbone ? “Décarbonation”, “impact environnemental”, “RSE”...  Ces dernières décennies, et a fortiori depuis la crise du Covid 19, l’engagement environnemental des grands acteurs de l’édition s’accélère. Mais va-t-il assez vite ? Dans cet épisode, Eric Dupuy, journaliste chez Livres Hebdo, interroge les leaders de l’édition pour savoir quelles stratégies ils déploient pour tenter de répondre aux défis écologiques d’aujourd’hui et de demain. 


Dans la seconde partie de l’épisode, Lauren Malka nous embarque à Bruxelles, à la rencontre de la chaleureuse équipe de la librairie Tropismes, installée dans un ancien haut-lieu du jazz belge, pour une discussion placée sous le signe de la création et de l’improvisation. 


Enfin, les journalistes de Livres Hebdo Pauline Gabinari et Sean Rose accueillent Alain Nicolas, journaliste à L'Humanité, pour arpenter la nature par son versant  littéraire. Au programme : “L’Invention de la mer”, un roman de Laure Limongi aux éditions du Tripode, “La France en Train - 40 escapades bas carbone pour voyager de gare en gare” chez Michelin, sous la direction de Philippe Orain, “Fermentation, kéfir, compost et bactéries. Pourquoi le moisi nous fascine ?”, un essai d’Anne-Sophie Moreau au Seuil et “Quand tombent les aiguilles de pin”  d’Ellen Gabriel, aux éditions du Remue-ménage.


Un podcast réalisé en partenariat avec les éditions DUNOD, l'éditeur de la transmission de tous les savoirs.


Ont participé à cet épisode :

Pauline Gabinari, Sean Rose, Alain Nicolas


Sont mentionnés dans cet épisode :


Laure Limongi, L'Invention de la mer, éditions du Tripode


La France en Train - 40 escapades bas carbone pour voyager de gare en gare, Michelin (sous la direction de Philippe Orain)


Anne-Sophie Moreau, Fermentation, kéfir, compost et bactéries. Pourquoi le moisi nous fascine? Seuil


Ellen Gabriel, Quand tombent les aiguilles de pin, éditions du Remue-ménage


Crédits :

Emission franceinfo : Le livre, un pollueur discret et une fâcheuse tendance à la surproduction

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/c-est-notre-empreinte/le-livre-un-pollueur-discret-qui-aime-le-gachis_4816391.html


Cet épisode est soutenu par le CESE, Conseil Économique Social et Environnemental, qui lance la troisième édition de son prix littéraire. Destiné aux lecteurs curieux et aux professionnels du livre, ce prix distingue des œuvres engagées, qui interrogent les grands enjeux économiques, sociaux et environnementaux de notre société. Une initiative qui valorise le rôle essentiel de la littérature dans le débat public.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Cet épisode est soutenu par le Conseil économique, social et environnemental qui lance la troisième édition de son prix littéraire. Destiné aux lecteurs curieux et aux professionnels du livre, ce prix distingue des œuvres engagées qui interrogent les grands enjeux économiques, sociaux et environnementaux de notre société. Une initiative qui valorise le rôle essentiel de la littérature dans le débat public. Dans le monde des objets qui pèsent sur la planète, le livre est un passager très discret. Il a pourtant un poids sur les forêts pour la pâte à papier. Il organise sa distribution avec des flottilles de camions. Il a une fâcheuse tendance à la surproduction pour tenter de séduire le lecteur dans les librairies. Les grands groupes de l'édition limitent-ils leur empreinte carbone ? La question n'est pas nouvelle, mais elle devient incontournable. C'est le sujet d'ouverture de cet épisode. Je m'appelle Lauren Malka, je suis journaliste indépendante et vous écoutez Les Voix du Livre, un podcast conçu en partenariat avec les éditions Dunod. Chaque mois, je vous embarque chez Livres Hebdo pour entendre le bruit que ça fait quand les pages du magazine du livre se mettent à parler. Au sommaire, en deuxième partie, direction Bruxelles pour rencontrer la joyeuse équipe de la librairie Tropismes, installée dans les somptueuses galeries Saint-Hubert au cœur d'un ancien haut-lieu du jazz belge. Une rencontre placée sous le signe de la création et de l'improvisation. À la fin de l'épisode, Pauline Gabinari et Sean Rose accueillent Alain Nicolas, journaliste à l'Humanité, pour élire leur coup de cœur littéraire autour du thème de la nature. Avant cela, Éric Dupuy, journaliste à Livres Hebdo, interroge les mastodontes de l'édition pour savoir comment ils se tiennent sur la terre brûlante des questions écologiques. Les Voix du livre : En ouverture. En fait, dans le monde du livre, quand on parle de décarbonation, d'impact environnemental, de RSE, ce ne sont pas des sujets qui datent d'hier. En revanche, et cela m'a sauté aux yeux en discutant avec les différents acteurs concernés, on remarque une accélération des investissements, des bonnes pratiques et donc des avancées en matière environnementale depuis la période Covid. Pour quelles raisons ? Eh bien sûrement, comme tout le monde, une prise de conscience puissante des décideurs à cette période-là. Jusque-là, peut-être avaient-ils conscience de cette problématique d'être plus vert, plus vertueux, mais elle n'était pas au rang des priorités. Ils ont décidé d'en faire la priorité des priorités ces dernières années, bien aidés, il faut le dire, par l'augmentation drastique subite et à des proportions inattendues des matières premières, corrélées à l'affaissement du marché. En 2022, Hachette, troisième éditeur généraliste mondial, a lancé un ambitieux plan RSE, avec notamment un engagement de réduction de 30% des émissions de CO2 d'ici 2030 pour l'ensemble du groupe. C'est piloté depuis la France par Gaëtan Ruffault et il est assez optimiste. Il est engagé sur ces questions depuis très longtemps. On a réalisé notre premier bilan carbone sur le périmètre trans en 2009. On avait déjà réduit nos émissions de 20% entre 2009 et 2019 sur la partie France. On a embarqué l'international en 2021 sur les données 2019. Et donc, on s'est lancé sur une cartographie de nos émissions à l'échelle mondiale et depuis sur un plan d'action à l'échelle mondiale qu'on a lancé fin 2021, donc le fameux 30-30. Derrière, l'enjeu, il devient très économique. Chez MDS, la filiale distribution du groupe Média Participations, On ne se contente pas de répondre aux enjeux environnementaux actuels, mais on cherche à anticiper les évolutions de marché en optimisant les flux logistiques, comme l'explique Olivier Barbé, le directeur général de la filiale basée dans l'Essonne. Dans mon schéma de directeur logistique, c'est centraliser l'ensemble des activités sur le même site. Ça permet d'avoir de la proximité, de réduire les coûts de transport et gagner en délai. Ça veut dire que concrètement, moi mon bâtiment, je fais une extension de bâtiment, 8400 m², ce qui me permettra de passer à 48 000 m². Et donc, dans ces 6 400 m², je vais rapatrier des activités que j'avais encore sur Balinvilliers : réception, préparation, retour et montage de PLV. Donc, ça veut dire que je serai très, très, très optimum à c niveau-là. Et ce nouveau bâtiment, comme c'est assez moderne, on a rajouté une toiture en photovoltaïque. Ça va couvrir 25% de ma production. Même stratégie pour Dilisco, qui augmente sa surface de stockage sur son site de Chénier, c'est dans la Creuse. La filiale du groupe Albin Michel en profite pour mettre en place sur son parking des ombrières avec panneaux photovoltaïques de 500 kW crête. Cela fait environ 600 000 kWh par an, soit à peu près 120 000 euros d'électricité. Mais retournons dans les Yvelines, c'est là que se trouve le site de distribution d'Hachette dont on parlait au début. La politique RSE dans le groupe est telle que pour tondre la pelouse, ils ont fait appel à de vrais moutons. Cela s'appelle l'écopâturage, et vous allez entendre Philippe Lamotte, le directeur général d'Hachette Distribution, en parler avec passion. "C'est un site industriel, mais il y a énormément de zones vertes, dans tout le site industriel. Et donc plutôt que d'utiliser des tondeuses, des machins, etc., ce sont les moutons qui gèrent ça, mais on l'a fait de manière associative. Voilà, c'est aussi un projet plus sociétal pour les gens, ça crée du lien entre les gens. Voilà, alors c'est une action qui participe au programme 30-30 d'Hachette, dont on parlait au début, mais dont l'épaisseur du trait est évidemment minime, bien que sympathique. À Maurepas, il y a bien plus d'actions techniques sur différents sujets et métiers, comme l'explique toujours Philippe Lamotte d'Hachette. Je vais vous donner un exemple. Aujourd'hui, quand on fait des appels de transport, on inclut des trajectoires carbone à nos transporteurs, pour leur dire, à l'horizon 2030. Vous prenez des engagements d'avoir une décarbonation de temps, ce qu'ils font, puisqu'il y a de vrais enjeux RSE aussi pour les transporteurs, que ce soit Geodis, Schenker ou d'autres, et donc on décline tous ces aspects-là sur les sujets de production, de colis, de films plastiques, qui comprennent de plus en plus de matières recyclées, ce qui vous permet d'avoir un bilan favorable aussi. Et donc on décline à la fois cette stratégie autour du carbone, autour de la consommation énergétique des bâtiments, passage en LED dans les entrepôts, optimisation des systèmes de chauffage, etc. Quand on parle de politique environnementale d'entreprise, le nerf de la guerre, c'est la data, le poids du livre, la distance qu'il parcourt, la quantité d'eau utilisée pour son élaboration. Bref, tout un tas de données. Et dans la chaîne du livre, le maillon qui en concentre le plus, c'est bien le distributeur. Il est donc la clé de voûte des ambitions écologiques du livre vert, permettant, en partageant les datas avec ses clients et prestataires, de faciliter la transformation pour une édition plus durable. Le reste du dossier signé Éric Dupuy et intitulé « Quoi de neuf dans la distribution » est à retrouver dans le numéro de Mars de Livre Hebdo. Nous sommes le 24 janvier 2025 à Bruxelles et je m'apprête à entrer dans la librairie Tropismes au sein des magnifiques Galeries Saint-Hubert, un lieu chargé d'histoire et de mémoire artistique. Je rencontre Pascal, le directeur de la librairie, Manuela et Thalie, qui sont libraires ici. Bonjour. Bonjour Lauren, bienvenue. Pascal, cette interview a bien failli ne pas se faire, puisqu'on est au lendemain d'une grosse épreuve que vous avez vécue ici. Quelques lendemains, mais la semaine dernière exactement, on avait des trombes d'eau dans la librairie. Ça a été assez catastrophique, on était dévastés. C'est un raccordement de chauffe-eau qui a lâché chez le locataire du dessus. Et donc on a, dans la nuit de jeudi à vendredi, des centaines de litres d'eau qui se sont déversés. Cette eau est tombée sur l'ensemble de la littérature traduite, donc tout le rayon était en pâte à papier, c'était de l'eau chaude. Et puis elle s'est écoulée à travers le plancher, le parquet, qui a sauté bien évidemment en séchant. L'eau coulait en douche aussi au sous-sol. Toutes les tables des sciences humaines ont été dévastées. Alors rapidement, on a pris les mesures nécessaires pour couper l'eau là-haut. Et puis ensuite, on s'est regardé, on avait à la fois envie de pleurer, et en même temps, toute l'équipe s'est dit, mais voilà, on ne peut pas rester comme ça, il faut agir. Alors évidemment, on a perdu quelques centaines, voire peut-être plus d'un millier de livres. Et depuis, on jongle entre les assurances, les experts, les artisans, parce qu'il y aura beaucoup de travaux à venir. Les annulations d'événements. Évidemment, on avait Vanessa Springora qui était prévue et on a dû malheureusement annuler. On avait plus de 120 personnes inscrites. Mais pour des raisons de sécurité, il était impensable de laisser la librairie ouverte. En tout cas, d'accueillir un public aussi nombreux. C'est un lieu absolument magnifique. Donc, on est heureux de savoir que la librairie est sauve. Et c'est un lieu qui a été fondé en 1984. Je vais me diriger vers Manuela, puisque Manuela est là depuis la création de la librairie. Alors ce lieu, c'est d'abord l'histoire d'une rencontre entre deux personnes, qui était à l'époque Jacques Baudouin, qui avait une toute petite librairie dans les galeries Bortier, et Brigitte De Meeûs, qui avait une librairie à Bois-Avres, qui est une petite ville en province, en Brabant-Wallon. Et ils ont trouvé ce lieu, qui était complètement abandonné, qui était un ancien club de jazz, le Blue Note, où Jacques Brel jouait, Philippe Katerine, enfin... Pascal, vous m'avez nommé aussi quelques autres... Oui, on m'a dit que les Rolling Stones étaient venus à l'époque du Blue Note, mais... Oui, enfin, ce qui n'est pas une légende, c'est que le décor avait été entièrement retapissé par des dessins d'Alechinsky, à l'époque, qui ont disparu. Et donc Jacques et Brigitte se sont vraiment émerveillées devant le lieu. On a tout de suite reçu le soutien des éditions de minuit. Comme le lieu était tellement beau, il y a eu un grand article dans Libération, la plus belle librairie d'Europe, etc. Quelles sont les grandes évolutions que vous avez pu observer en 40 ans dans cette librairie et dans le monde de la librairie belge en général ? Au fil du temps, ce qui est frappant, c'est que la production est devenue vraiment ingérable. Si on veut être une grande librairie, nous on n'est pas vraiment une grande librairie, on est une librairie moyenne qui choisit tous ses livres. Donc, le travail de choix est devenu colossal. En fait, Brigitte de Meeûs, jusqu'à sa mort, elle ne faisait que ça. Vous diriez que le métier de libraire n'a plus rien à voir depuis 40 ans ? Ici, oui, parce qu'on est d'abord un artisanat. On a été formé comme des artisans. Donc, on ne vient pas des écoles de libraire. Peut-être ça a des défauts parce qu'on ne gère pas tout de façon très stricte, avec des chiffres uniquement. On gère avec ce que nous, on veut présenter, tout en étant très diversifiés, parce qu'on doit l'être, ce n'est pas une librairie non plus de niche. Pascal, vous m'avez parlé aussi du rôle qu'a joué Brigitte De Meeûs dans le prix unique du livre en Belgique. Oui, en fait, Brigitte De Meeûs s'est battue pendant de très longues années avec le SLFB, qui est le syndicat de la librairie francophone de Belgique, pour pouvoir avoir comme en France un prix unique du livre. Avant cela, les distributeurs et les éditeurs appliquaient une tabelle à un prix qui était augmenté pour les libraires belges. Et ce qui fait que n'importe quel client français venant à Bruxelles trouvait les livres plus chers qu'à Paris ou n'importe où en France. Brigitte, pour elle, c'était important. La loi langue a toujours résonné, je pense, pour elle. Et donc, elle s'est battue pendant des années pour pouvoir obtenir à peu près la même chose, à la différence près qu'on a une différence de TVA, parce qu'en France, c'est 5,5 et nous ici, c'est 6%. Mais on est au prix unique du livre et c'est extrêmement important pour nous, en tout cas. Il y a une spécificité à Bruxelles qui est aussi vraie pour Paris, qui est le mythe du bouquiniste. Est-ce que vous les considérez plutôt comme des amis des marchés complémentaires ou des concurrents ? Alors, il y en a un qui s'est installé il y a peu. Il faut savoir qu'effectivement, à Bruxelles, il y a énormément de bouquinistes. Il y en avait beaucoup et la plupart étaient dans les galeries Bortier, qui sont à deux pas d'ici. Pendant des années, c'était vraiment le lieu des bouquinistes. Et depuis quelques mois... En fait, ces galeries Bortier, qui étaient un peu vieilles, qui manquaient de trafic, etc. La ville, avec d'autres entrepreneurs, a décidé de la redynamiser en installant un foot court. Donc, une multitude de restaurants. Il reste, je crois, deux bouquinistes. Les autres ont été expropriés. On a eu beau essayer de soutenir via diverses pétitions et autres, t'en as que trop peu de suite. Les bouquinistes ne sont pas des concurrents des libraires. Je pense qu'on est plus confrères. Voilà, on s'envoie les uns les autres, nos clients. Parce que quand il y a des livres qui sont épuisés, on ne sait pas les autres. obtenir. Si on ne peut pas les obtenir, qui peut-être en avoir ? C'est les bouquinistes. On a une même passion, c'est le livre. Pour ce podcast, Livres Hebdo, en partenariat avec les éditions Dunod, pousse la porte des libraires pour les écouter nous décrire leurs enjeux, décrypter les tendances éditoriales du moment et partager leur coup de cœur. La Maison Dunod publie des ouvrages de non-fiction sous les éditions Dunod et Armand Collin pour rendre le savoir accessible au grand public, aux professionnels et aux étudiants. Nous sommes toujours avec Pascal Manuela et Thalie. Thalie qui est libraire ici et qui va nous parler de son rayon BD, en particulier les BD de savoir. Oui, donc on a un rayon de bande dessinée ici chez Tropismes qui n'est pas immense. On essaye vraiment de cibler dans la production et c'est vrai que la production en bande dessinée de savoir, bande dessinée documentaire a aussi pris beaucoup d'ampleur. Nous, étant une librairie généraliste, c'est vraiment important pour nous de suivre cette tendance et de mettre en avant ce type de bande dessinée parce qu'on a vraiment le public. Donc bien sûr, depuis, je dirais quand même déjà 10-15 ans, il y a eu des grands titres aussi qui ont tiré les autres. Il y a eu des adaptations aussi de livres, comme l'adaptation de Sapiens en bande dessinée, qui est parue chez Albin Michel, ou l'adaptation de La vie secrète des arbres aux arènes. Beaucoup d'éditeurs de sciences humaines aussi qui se sont lancés sur ce segment, ce qui a évidemment enrichi le rayon. Et en même temps, d'un autre côté, on a dû faire des choix, parce que très honnêtement, tout n'est pas non plus incroyable. Le problème peut-être de la bêtise de savoir, c'est de parfois mettre l'accent sur le contenu en oubliant la forme. Et pour moi, le médium bande dessinée doit quand même être respecté. Il faut qu'il y ait quand même une créativité graphique. Est-ce que vous avez des coups de cœur ? Alors, bien sûr. Je voulais parler de trois livres très, très différents. Le premier, c'est peut-être justement une adaptation que j'ai trouvé hyper réussie de Capital & idéologie de Thomas Piketty par la journaliste Claire Allais et le dessinateur Benjamin Adam. Parce que déjà, leur adapter un bouquin de 1500 pages, c'était un sacré challenge. Et ils l'ont vraiment fait avec une grande originalité. Et puis, il y a vraiment un esprit créatif de la part de Benjamin Adam, qui est un dessinateur qui a un style vraiment bien à lui, qui a fait un travail graphique super étonnant. Donc, il y avait celui-là. J'avais aussi envie de parler d'un livre super atypique qui s'appelle La Forêt, qui est parue chez Casterman par une autrice parmi mes autrices préférées et qui, je trouve, n'a pas le succès qu'elle mérite. C'est Claire Brault, qui est une autrice française. Et là, dans ce livre, La Forêt, justement, c'est un documentaire un peu hybride. Et c'est ça que j'aime aussi, c'est d'avoir des formes un peu différentes, puisqu'elle parle à la fois de son expérience personnelle, puisque c'est en fait son histoire. Elle décide de quitter Paris pour retourner vivre dans la région de son enfance, qui est la Touraine. Et elle s'interroge justement à ce que représente La Forêt. Elle fait toute une enquête très documentée, très précise sur ce que représente la forêt, en interrogeant des institutions, mais aussi des chasseurs, parce qu'il y a un lobby de chasseurs très important en France, toujours très compliqué pour nous de le comprendre en Belgique aussi. Et en même temps, elle parle de sa reconnexion à la nature. Cette forme un peu hybride, moi, ça me touche, ça me parle beaucoup. Et puis, il y a son graphisme incroyable, un dessin très libre. Là, ça me parle. Et puis, je voulais aussi parler d'un livre qui est paru chez Duneau, qui est le « Geostrategics » de Pascal Boniface. Ce grand, je ne sais pas si on dit géopoliticien, mais en tout cas, ce grand spécialiste de géopolitique. Et je pense qu'en ce moment, on a vraiment besoin de comprendre les enjeux de la géopolitique avec l'élection de Trump, la montée des extrémistes partout en Europe. Et là, on a de façon hyper précise, hyper détaillée et en même temps hyper compréhensive, parce que c'est ça aussi, c'est qu'on n'est pas tous des spécialistes d'actualité politique, de géopolitique, d'histoire. Il y a cette vulgarisation et en même temps cette précision qui m'a vraiment beaucoup plu et beaucoup intéressée. Merci Thalie, merci aux éditions Dunod pour cette séquence Transmission des savoirs. Manuela, est-ce que vous avez des auteurs-autrices totem belges que vous aimeriez faire découvrir aux librairies françaises ? Écoutez, inévitablement on doit rendre hommage aujourd'hui à Pierre Mertens qui est décédé il y a quelques jours et qui est... C'est quand même un de nos grands monstres de littérature. C'était un grand journaliste, c'était un grand défenseur des droits de l'homme, c'était un auteur exigeant et surtout un lecteur impressionnant. On s'intéresse à l'histoire de la Belgique. Son livre « Une paix royale » qui avait fait beaucoup de bruit reste dans les mémoires de notre histoire politique. On a la chance d'avoir énormément de femmes écrivaines, d es femmes qui ont écrit des livres importants, que ce soit Madeleine Bourdouxhe, Suzanne Médard, Marie Guéverse évidemment, Caroline Lamarck, qui est une novelliste absolument remarquable. Et puis on ne peut pas se lasser de lire des gens comme Jeanne Savitskaya, qui est publiée chez Minuit, et Jean-Philippe Toussaint aussi de l'écurie Minuit, qui sont des grands stylistes. Merci à tous les trois. Qu'est-ce qu'on peut souhaiter à la librairie Tropismes pour les années qui viennent ? Pascal ? De continuer au moins 40 ans après Brigitte. La librairie a été fondée en 84, on l'a dit. Et je crois que si dans 40 ans, Tropismes est encore là, on aura tous réussi ce qu'on avait envie de faire. Il faudra une grande fête pour les 80 ans. Il faudra une grande fête de toute façon et j'ose espérer que la Relève fera une grande fête pour fêter ça. Merci à tous les trois. C'était un plaisir. Merci à vous. Au revoir. Les Voix du livre - En haut de la pile. C'est la troisième partie de cet épisode, la rubrique en haut de la pile, avec une thématique spéciale ce mois-ci autour de la nature et du rapport au vivant. L'invention de la mer, un roman de Laure Limongi, Fermentation : pourquoi le moisi nous fascine, un essai d'Anne-Sophie Moreau, Quand tombent les aiguilles de pin, un récit signé de la résistante autochtone Ellen Gabriel, et La France en train - un guide de voyage pas comme les autres. C'est notre sélection littéraire spéciale nature de ce début de printemps. Autour de moi, une clique critique qui a arpenté la nature tout l'hiver par son versant littéraire, Pauline Gabinari, journaliste indépendante pour Livres Hebdo, Télérama et la Revue 21. Bonjour Pauline. Bonjour. Sean Rose, l'avant-critique qui fait la pluie et le beau temps chez Livres Hebdo. Bonjour Sean. Bonjour. Jacques Braunstein, rédacteur en chef de Livres Hebdo. Bonjour Jacques. Bonjour. Et Alain Nicolas qu'on accueille pour la première fois, critique littéraire à l'Humanité, animateur de rencontres et d'ateliers d'écriture sur la critique. Bonjour Alain. Bonjour. Alors Alain, tu n'as pas toujours été critique littéraire. À une époque, tu travaillais un peu plus près des étoiles ou de la nature. Oui, mes premiers papiers dans l'Humanité, ce sont des papiers de... sport et de sport de nature, de montagne et de voile. Mon premier reportage a été une interview d'Éric Tabarly, qui était mon idole. Merci Alain. Alors, avant de partir en nature, toujours prendre la température. Jacques, quel est le chiffre du mois ? Eh bien, le chiffre du mois, c'est 65 535. Ce qui correspond à la production de titres en 2024 par l'édition française, c'est-à-dire de nouveaux titres et de nouvelles éditions. C'est un chiffre qu'on scrute à Livre Hebdo chaque année puisque ça donne un peu une tendance du marché. On sait par exemple cette année que c'est 2,5% de plus que l'année précédente. Et après, ce n'est pas le chiffre le plus facile à analyser parce que grosso modo, il y a des gens qui vont dire « Oui, c'est une industrie de l'offre, donc plus il y a de titres, mieux c'est. » Puis il y en a d'autres qui vont dire « Oui, mais si c'est pour sortir plein de titres et qu'ils ne se vendent pas, ce n'est pas la peine. » Ce qui est certain, c'est que depuis 2015, en dessous de 68 000 titres, on est sorti d'une spirale assez négative qu'on avait pu connaître dans les années 2000-2010, qui était moins on vende chaque titre, plus on produit de titres différents. Aujourd'hui, les éditeurs ont une production relativement raisonnée. Elle a été un peu moins importante en 2020 du fait de la fermeture des librairies. Elle est remontée en 2021, puis elle a baissé un petit peu en 2022, en 2023, elle remonte un petit peu en 2025. ... Donc, c'est une production raisonnée. Après, elle n'est pas toujours très simple à analyser. Je ne vais prendre qu'un seul exemple. La BD et le manga, il y a eu une baisse en 2024. Ce n'est pas une très bonne année. On est dans les moins 5%. Côté BD, on est quasiment à égalité. C'est-à-dire qu'on a une dizaine de titres en moins par rapport à l'année précédente. On est passé de 3784 titres à 3763 titres. Alors que Coup tes mangas, alors que c'est les mêmes éditeurs, on passe de 3134 titres à 3463 titres. Le manga continue à augmenter en nombre de titres, alors qu'il ne se porte pas très bien. Ce qu'on comprend, ce qu'on voit finalement, c'est que dans la BD, ils sont conscients que certaines séries s'essoufflent et qu'il faut faire peut-être plus attention à ce qu'on publie. Dans le mangas, on est encore, même si les chiffres sont moins bons dans un marché, qui a beaucoup cru ces dernières années. Certaines séries emblématiques se sont arrêtées. Les éditeurs essayent des choses. Peut-être que c'est un peu beaucoup, mais ça paraît néanmoins logique par rapport au dynamisme qu'a connu le manga dans la décennie précédente. Pour finir, je vous donnerai les chiffres des romans. On aime bien les romans. Et alors là, c'est assez intéressant, parce qu'on est passé de 10 371 romans en 2023 à 10 934 romans. En 2024, c'est encore en augmentation, mais c'est quelque chose de raisonnable. Merci Jacques. Alain, c'est à toi, tu nous parles d'un roman qui a la particularité d'avoir été co-écrit par des crustacés. On t'écoute. Alors, par des crustacés, par des poulpes et par des cachalots. Alors, nous sommes en 2123. Ce qui devait arriver est arrivé, c'est-à-dire que le niveau des mers a monté, que le réchauffement climatique s'est emballé, que les épidémies ont déferlé sur les créatures vivantes et en particulier sur les humains. Qu'ils n'ont eu d'autre choix que de s'hybrider avec les créatures marines qui sont devenues des chimères. C'est comme si les métamorphoses d'Ovid s'incarnaient sans le secours des dieux, dit Laure Limongi. Le roman est pris en charge par une narratrice qui s'appelle Violetta Benedetti Ogundipe, qui est une chimère poulpe humaine et qui présente des textes issus de cette civilisation qu'elle appelle l'ère du plancton et qui a prospéré sur les ruines de ce que nous avons déclenché. Le premier texte est issu d'un manuscrit écrit par une certaine Gina de Galen qui est une hybride cachalot humain et qui est un témoignage en fait de sa vie dans son clan de cétacés qui parcourent les océans du globe. Alors, ils sont beaucoup moins mobiles que la deuxième créature que nous présente Violetta qui s'appelle Ménipe Zale qui est un crustacé. Voilà, les crustacés sont là. C'est un bad boy en fait, c'est un crabe qui se drogue avec des algues hallucinogènes, qui fréquente les bas-fonds des bas-fonds si on peut dire, les profondeurs des profondeurs, les bouges des fosses marines. Il a pour particularité d'avoir sur sa carapace des dessins, c'est une espèce qui existe réellement en fait. des dessins d'un visage humain qui lui permettent d'échapper à ces prédateurs. Et alors, il trafique un peu partout et il tombe à un moment dans un endroit un peu interlope où il y a des combats entre créatures. Et ces combats, ce sont des combats dansés et qui donnent naissance à des poèmes qui viennent à la fois de l'activité du cerveau. et de l'activité musculaire. Alors ça, ne me demandez pas par quel miracle c'est possible, il faut lire le livre de Laurie Mangier, on comprend très bien, mais c'est un peu long à expliquer. Et donc lui est un poète, et ses poèmes, il les accomplit sous forme olfactive. Ça m'a beaucoup intéressé parce qu'on a habituellement tendance à associer la poésie à l'image, à la musicalité, et là il y a une olfactivité de la poésie que Laure Limongi essaye de rendre à sa façon. Il y a un petit lexique qui permet d'ailleurs de comprendre de quelles odeurs il s'agit. J'ai beaucoup aimé ce livre, d'abord par son originalité, son engagement aussi par rapport aux problèmes qui nous menace et d'ailleurs qui nous affecte déjà aujourd'hui. Aussi par son côté composite, aussi hybride que les créatures dont elle parle, puisqu'il y a un témoignage, il y a une sorte de roman policier suivi de poèmes. Et aussi parce que Laure Limongi est une autrice qui a un peu tâté de tous les genres. Et elle prend des risques importants en se lançant dans quelque chose de complètement inédit, qui est d'une originalité folle. Et je pense qu'il faut dire aussi que ça procure un plaisir de lecture et je suis certain qu'il sera contagieux. Je suis d'accord, je l'ai lu aussi et effectivement j'ai adoré moi aussi ce livre. Je trouve que ce qui est incroyable c'est qu'elle va très très loin dans la documentation ethnographique scientifique mais sur un terrain complètement futuriste et dément. Jacques ? Je crois qu'en plus Laure Limongi, elle est prof d'écriture créative à l'école d'art de Cergy. Et c'est vrai que quand on entend cette histoire, on se dit « Ah bah oui, elle, elle va m'apprendre des choses sur l'écriture créative » . Oui, oui, alors bon, elle est d'une créativité, à titre personnel, effectivement, réelle. Ça, c'est tout à fait remarquable. Et puis, ce que j'aime beaucoup, c'est justement sa capacité à ne pas rester trop longtemps dans des territoires qu'elle a défrichés, où elle s'est installée, où elle se sent bien. Et il faut que ça bouge, quoi. Et là, on a affaire à des créatures qui bougent et puis aussi à une écriture qui est complètement très lisible et très facile à suivre, mais avec un univers très déroutant. Merci Alain. L'invention de la mer de Laure Limongi, c'est parue au Tripod le 16 janvier 2025. Pauline, c'est à toi. Comme tu es une journaliste bûcheuse, studieuse, tu as pris tes premiers rayons de soleil de l'année, non pas en nature, mais en librairie. Oui, tout à fait. Alors moi, ce sera un petit peu moins poétique puisque j'en avais marre de toute cette pluie alors j'ai fait ce que je sais faire de mieux, partir en vacances. Pour m'inspirer, direction le rayon guide de voyage et là sur les étagères, out le Paris-Barcelone le temps d'un week-end et bonjour les guides, cyclotourisme, randonnée ou encore voyage éthique et écologique. L'édition de voyage serait-elle donc passée au vert ? En tout cas, c'est une tendance de consommation assez marquée, me confirme Jean-Baptiste Passé. le directeur général des éditions Michelin. Lui-même s'est lancé dans la course que l'on peut appeler du slow travel et prévoit de faire une refonte totale de ses cartes routières pour septembre 2025. Quant à moi, pas de voiture, je n'ai pas le permis, mais je prends le train. L'année dernière, j'avais traversé l'Europe avec un Paris-Istanbul en 5 jours. Cette année, je vise un programme un peu moins ambitieux et jette mon dévolu sur la France en train. 40 escapades bas carbone pour voyager de gare en gare. Pour ce qui est de la maquette du bouquin, tout est assez bien ficelé. On a à chaque fois une jolie carto pour chaque trajet. Alors, qu'est-ce que je peux vous raconter comme trajet pour faire un petit peu rêver ? Pas très exotique, mais un vin de caperre en six escales ou un baisier Saint-Flour au onze jours. Un côté en dehors des sentiers battus, mais aussi, et c'est ça qui est agréable avec cet ouvrage, des formules très belles, très enlevées, qui permettent vraiment de percevoir autrement ces territoires qui peuvent parfois paraître pas très excitants. Par exemple, pour parler du Paris-Grandville, qui, il faut se l'avouer, est un petit peu limité d'un point de vue imaginaire narratif, l'auteur écrit "Après un bref arrêt à Versailles, l'horizon se dégage à Dreux, aux confins du pays d'Ouche, sans crier gard, entre paysages de bocage et massifs forestiers, la ligne s'échappe en Normandie." Bon, moi je trouve que ça donne vachement envie, alors que de prime abord le Paris-Grandville, ça m'évoquait pas grand chose. De mon côté, j'ai choisi la ligne dite des Hirondelles, qui traverse la Franche-Comté, pour arriver dans le Jura. Le guide me promet un col à 1000 mètres d'altitude, 6 viaducs et un tunnel en fer à cheval. En attendant de vous dire ce que ça donne, un chiffre tout de même, car tout n'est pas rose au pays de l'écologie. En début d'année, l'Association internationale du transport aérien a annoncé que le trafic des vols avait dépassé celui de 2019. Comme quoi le fameux Paris-Barcelone a encore quelques beaux jours devant lui. De l'art de trouver la poésie dans les guides de voyage. La France en train - 140 escapades bas carbone pour voyager de gare en gare. Ça sort chez Michelin le 21 mars 2025 sous la direction de Philippe Orains. Merci Pauline. Sean, c'est à toi. Tu nous parles d'un livre qui évoque un procédé révolutionnaire, mais vieux comme le monde. Oui, la fermentation. En fait, c'est un essai de la philosophe Anne-Sophie Moreau qui s'appelle « Fermentation, kéfir, compost et bactéries. Pourquoi le moisi nous fascine ? » J'ai été fasciné par ce livre parce qu'Anne-Sophie Moreau prend l'histoire du moisi ou de la fermentation sous son angle philosophique. On connaissait les paradigmes de Claude Lévi-Strauss entre le cuit et le cru. Et qu'est-ce qui entre ? Le pas frais, donc le moisi. Et elle nous fait toute une histoire de ce qu'est en fait cette fermentation qui a toujours été là. Évidemment, la bière, c'est la fermentation, le vin, c'est la fermentation, le Roquefort, c'est la fermentation. Maintenant, on a d'autres plats comme le tofu, etc. Mais là, elle nous montre que dans les années 80, on était dans une cesse de propreté hygiéniste. Donc en fait, tout ce qui était moisi et c'était un peu l'histoire de ce que la fermentation, c'était de la pourriture, donc de la putressence et donc de la mort. Donc c'était pas bien. Aujourd'hui, on a une attitude inverse. Au lieu de penser que c'est quelque chose de mauvais, de pourri, on va dire que c'est du vivant qui continue. Donc en fait, vive les bactéries, on adore nos intestins, c'est notre meilleur ami, c'est notre deuxième cerveau. Quand le premier ne marche pas, on ne sait jamais. Mais elles montrent vraiment des visions anthropologiques très différentes. Il y a ceux qui aiment les champignons, les mycophiles, ceux qui n'aiment pas les champignons, c'est-à-dire les mycophobes. Donc en fait, il y a un côté, les hygiénistes qui sont dans ce qui est propre, dans la compétition, qui sont une forme de darwinisme social, ils veulent que tout soit propre. Et les autres, ils ont ce côté genre voilà... C'est bien que ça se reproduise, c'est bien qu'il y ait des champignons. Et à tel point que même vis-à-vis de la mort, on est toujours vivant. C'est-à-dire qu'il y a cette mode lumisation, c'est-à-dire qu'en fait, il y a des gens qui préfèrent ne pas se faire ni enterrer ni incinérer, mais devenir du compost. C'est qu'en fait, comme si on était dans un cycle permanent de la vie. Donc ça, c'est vraiment fascinant comme vision du fermenté. Je précise que la fermentation a fait l'objet d'un autre livre vraiment qui est passionnant, que j'avais lu aussi. Fermentation Rébellion, signé Tien Uyen Do, qui est sorti aux éditions des Équateurs, et avec une dimension politique très forte et philosophique. Vraiment la fermentation comme nouvelle matière à repenser le rapport au vivant et au monde en général. Alain ? Non, moi j'ai été effectivement fasciné par ça. Et je me disais que notre alimentation de base est une alimentation fermentée. Si j'ai mangé à midi du pain, du fromage avec un verre de vin, je n'ai fait qu'ingérer du fermenté. Et c'est intéressant de voir que tout ce qui est à la mode n'est jamais qu'une extension de notre connaissance de ces nourritures-là. Mais sauf qu'avant, on ne voulait pas le voir, parce qu'en fait, c'était considéré comme, dans certaines cultures, le fromage. Par exemple, en Asie, c'était vraiment vu comme un peu dégoûtant. Vous voyez, en fait, les époques... Il y a des espoirs de mode aussi, par rapport à l'esthétique, par rapport au goût. Et le dégoût est culturel. Oui, la viande faisandée, la viande rassie, qui est quand même nettement plus tendre et bien meilleure. Alors qu'en fait, c'est de la viande qu'on a laissée fermenter. Moi, ça me rappelait seulement le souvenir d'une vieille lecture que j'avais faite et que j'aimais beaucoup, le miasme et la jonquille, il me semble. C'était ce qui pue et ce qui ne pue pas. Absolument. Fermentation, kéfir. compost et bactéries, pourquoi le moisi nous fascine, c'est signé Anne-Sophie Moreau et c'est paru le 7 février au Seuil. Merci Sean. A mon tour, je vous parle d'un livre qui m'a fait découvrir une séquence éclairante de l'histoire récente du Québec et une personnalité majeure que j'ignorais totalement. Quand tombent les aiguilles de pain sous-titrée Une histoire de résistance autochtone, signé Ellen Gabriel. C'est une autobiographie en forme de conversation avec l'historien et Sean Carlton, spécialiste de la colonisation. Le livre raconte la vie et les 40-50 combats d'Ellen Gabriel. Alors qui est Ellen Gabriel ? On la nomme aussi Katsi Tsakwas. C'est une militante artiste écoféministe. Elle a été présidente de l'Association des femmes autochtones du Québec et elle a défendu les droits des premiers peuples, notamment devant l'ONU. Elle est d'origine Mao-Hawks, c'est-à-dire issue de l'une des nations iroquoises situées au sud-ouest du Québec. Ellen Gabriel a marqué l'histoire en devenant la porte-parole de la résistance au moment de la crise Oka en 1990, qui a opposé le peuple autochtone à des promoteurs qui voulaient construire un club de golf dans une pinède sacrée. Cette crise politique, qui a entraîné un soulèvement de la population et une répression policière violente, a fait l'objet de confusions médiatiques, ou plutôt d'une propagande, qui visait à présenter les résistants mofoques comme menaçant l'ordre public. Cet événement n'est pas le seul. Pas anecdotique, il cristallise la discrimination raciste des peuples autochtones depuis des siècles, présente jusqu'aux livres scolaires actuels. Mais il traduit aussi le rapport de ce peuple à la nature et au sacré, leur façon de saluer l'eau, les poissons, de remercier les arbres avant chaque action, chaque matin, de considérer la pinède comme un refuge, notamment pour les femmes victimes de violences sexistes et racistes qui veulent se cacher. Ellen Gabriel dit « Nous avons un merveilleux système de gouvernance. Ce cadre politique a inspiré le système politique des États-Unis, mais ce fait est méconnu et on nous traite comme si notre unique motivation était de causer des ennuis. La crise d'Oka a fait l'objet de nombreux livres et documentaires, mais jamais du point de vue féminin et encore moins autochtone. » Alors que les femmes autochtones étaient les premières au front de ce combat. Donc ce livre nous éclaire sur tout cela, mais aussi sur le processus brutal de colonisation qui perdure aujourd'hui plus que jamais, puisque c'est le récit d'une résistance contre un État qui s'approprie des terres et qui déporte les habitants en niant leur droit à l'autodétermination. Les résonances avec l'actualité font froid dans le dos. C'est donc une voix qui me semble essentielle à faire entendre aujourd'hui. Ellen Gabriel, quand tombent les aiguilles de pin. C'est traduit de l'anglais par Marie Scholl-Dimanche et c'est paru aux éditions du Remue-Ménage. Sur ce, je vous souhaite un joli printemps, en gare, en mer ou en forêt, à parler aux arbres, aux poulpes et aux crustacés. Et je vous dis à bientôt pour un prochain épisode. Merci ! Merci ! C'était Les Voix du Livre, le podcast mensuel de Livres Hebdo, présenté par Lauren Malka. À la musique, Ferdinand Bayard. Merci au Conseil économique, social et environnemental d'avoir soutenu cet épisode. Avec son prix littéraire, le CESE récompense des auteurs et des autrices dont les ouvrages apportent un éclairage original et nécessaire sur les mutations de notre monde. Un prix qui s'adresse aux passionnés de littérature engagée et à tous les acteurs du secteur du livre des éditeurs aux libraires en passant par les bibliothécaires et les journalistes littéraires. La cérémonie de remise du prix aura lieu le 27 mai 2025 au CESE. Pour suivre cette édition et découvrir les finalistes, rendez-vous sur le site du CESE et sur leurs réseaux sociaux. Si vous avez aimé cet épisode, abonnez-vous au podcast Les Voix du Livre et envoyez-nous des tas de cœurs et d'étoiles. À bientôt !

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • En ouverture : écologie du livre : les défis de la distribution

    00:40

  • En chemin : à la découverte de la librairie Tropismes

    06:39

  • La clique critique de Livres Hebdo

    17:59

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