Speaker #0Donc moi je m'appelle Elisa, je suis éducatrice spécialisée, je travaille dans des structures médico-sociales depuis environ 3 ou 4 ans. Mon parcours a été un peu rocambolesque au début, puisque j'étais en ST2S, et qu'à la fin de ce bac-là, je n'ai pas pu me présenter directement aux concours sociaux. parce que je ne m'étais pas assez renseignée et en plus on m'avait un peu fait perdre confiance en moi au niveau des notes que j'avais obtenues au baccalauréat ou avant. Du coup je me suis inscrite en prépa aux concours sociaux parce qu'avant il y avait des prépas aux concours sociaux et puis j'ai travaillé en aide à domicile à l'ADMR. En fait j'ai commencé dès juillet donc après le baccalauréat et je n'ai pas du tout regretté ce choix. J'ai adoré travailler avec les personnes âgées et on m'a très vite proposé de travailler avec des personnes en situation de handicap parce que j'étais un peu à l'aise. Et ça m'a plu directement. Et puis en parallèle, j'étais en prépa aux concours sociaux. En cours d'année de cette prépa, on nous a appris que c'était plus nécessaire du coup de faire une prépa aux concours sociaux puisque les concours avaient changé. Donc petite descente, mais au final, en fait, on a fait plein de choses, on a été à la rencontre de plein de structures, on a pu faire des projets. À ce stade-là, avant les concours, je ne sais pas vraiment quel métier je veux faire, mais je sais que je veux accompagner des personnes. Et donc je m'inscris au concours de moniteur éducateur et d'éducateur spécialisé parce que j'y trouve des similarités. Donc je passe les deux, j'obtiens les deux, et en fin d'année 2018, je rentre en école d'éducatrice spécialisée.
A la fin de mes trois années d'études, j'ai quelques soucis de santé qui interviennent, en plus de mes difficultés à suivre un peu les cours. C'est des soucis de santé qui prennent énormément de place dans ma vie, en plus de soucis personnels, et du coup, lorsque je passe les concours, je m'écroule. Je comprends qu'à l'oral, je n'ai pas du tout réussi. Je doute des écrits que j'ai pu rendre. Et au final, le résultat est négatif, je n'obtiens pas le diplôme. Donc j'ai un petit moment de désillusion. Je me reprends assez vite parce que j'ai besoin de travailler, j'ai besoin de découvrir davantage de choses et de reprendre un peu confiance en moi. Et du coup, je postule dans différentes structures médico-sociales. Je dépose des lettres de motivation. Parfois, on ne m'ouvre pas, parfois on m'ouvre, parfois on me rappelle. Et puis je suis prise pour certains postes et en fait je me retrouve avec des semaines remplies. En parallèle de ça, je fais des séjours adaptés. Donc vraiment, j'ai un panel de structures, d'associations, de publics auprès duquel j'interviens. Et je me rends compte que ça me plaît, j'apprends énormément, je suis dans l'observation, je me fais connaître aussi. dans tout ce petit monde du médico-social et puis je me crée un carnet d'adresses qui me rappellent au fur et à mesure et qui de plus en plus me font confiance pour intervenir.
Quand on vient régulièrement intervenir sur les mêmes structures en tant que remplaçante, on se crée une place, donc on connaît les personnes qu'on accompagne, on connaît aussi les membres de l'équipe, on connaît l'institution, on connaît le fonctionnement. Et du coup, ça peut être un avantage parce qu'on arrive et on n'a pas besoin d'être drivé. Personne n'a besoin de nous expliquer comment accompagner telle ou telle personne. Personne n'a besoin de nous rappeler quels sont les prénoms de tel ou tel résident. On sait déjà à peu près tout ça. Et du coup, ça facilite l'organisation du quotidien. Et puis en plus, comme on n'est pas là tout le temps et qu'on prend parfois des pauses de deux jours ou une semaine, on a cette possibilité aussi d'avoir un regard un peu extérieur, un peu au-dessus, de prendre du recul. Et du coup, d'avoir le temps d'analyser. Et on peut aussi se permettre de faire part de ces observations-là ou de ces analyses-là aux équipes qui sont tout le temps là. Ça peut être un avantage dans la réflexion, en fait, et dans l'accompagnement, dans la mise en place de nouvelles choses. On peut apporter un regard vraiment changeant, évolutif, en fait. Et il y a aussi le fait d'aller dans plusieurs structures. de pouvoir comparer un petit peu les accompagnements ou les outils et de saisir le manque qu'il peut y avoir dans d'autres. Par exemple, on peut intervenir dans une structure, trouver un outil hyper efficace auprès d'un public et pouvoir en parler dans une autre structure et du coup apporter une solution à une autre structure parce qu'on connaît plein d'outils, on connaît plein de techniques. On peut faire référence à plein de situations un peu similaires qu'on a vécues dans telle ou telle structure et la gestion qu'on a eue dans telle ou telle structure. Et vraiment, on peut apporter des solutions multiples. Et puis c'est vrai qu'au niveau de la fatigabilité, de la lassitude même, je dirais, en fait, on peut prendre la décision de ne pas renouveler notre contrat ou de dire non à certains remplacements, par exemple, pendant un certain temps. Pour avoir le temps de se décharger un petit peu ou de prendre du recul, d'aller dans une autre structure ou simplement de faire une pause, ça permet de revenir un peu plus au clair avec ses émotions, avec ce qu'on a vécu dans la structure. Et du coup, ça laisse moins la place à la fatigue et à la pénibilité du travail.
Je trouve qu'il y a quelque chose qui est aussi essentiel quand on intervient dans les structures de manière ponctuelle, plus ou moins longue, c'est la prise de relais parce que souvent les éducateurs sont toujours avec les mêmes personnes, accompagnent toujours les mêmes personnes. Et on le sait, il y a des problématiques qui peuvent être compliquées, qui peuvent être vraiment lassantes, qui peuvent être très répétitives. Et ces problématiques répétitives, ça crée vraiment de l'usure, de la fatigue. C'est vrai que nous, on arrive avec moins de lassitude. Et du coup, on peut prendre du relais sur les éducateurs qui peuvent être un peu plus fatigués. Ça leur permet de souffler, de faire des choses qu'ils n'auraient pas pu faire s'il n'y avait pas eu un remplaçant. Ça leur permet de se détacher un peu de la situation, parce que quand on ne se détache pas des situations, finalement, on n'arrive même plus à voir pourquoi elle sont problématiques. On est un peu un robot et on gère la chose sans vraiment réfléchir. En fait, on fait toujours les mêmes choses. Et là, ça permet vraiment de s'entraider, en fait.
C'est vrai que quand on intervient dans les équipes, il y a certains professionnels qui sont un peu réticents au début, quand on arrive. parce qu'ils se disent que c'est un remplaçant et qu'on va encore devoir lui expliquer comme tous les autres remplaçants. Et puis il y a certaines structures, certaines institutions qui amènent vraiment les postes de remplaçants comme quelque chose d'assez pérenne et qui expliquent vraiment, même à nous quand on passe les entretiens, qui expliquent vraiment qu'ils aimeraient créer tout un répertoire de remplaçants et appeler ce répertoire de remplaçants pour avoir en fait toujours les mêmes éducateurs qui interviennent. Donc, quand c'est amené comme ça auprès de l'équipe, qu'il y aura toujours les mêmes remplaçants, et que ces remplaçants-là vont être amenés à intervenir sur les différents groupes ou auprès des différents roulements, etc., c'est mieux perçu souvent par l'équipe qui nous accueille vraiment à bras ouverts parce qu'ils sont ravis, en fait, de pouvoir avoir du relais, des remplaçants dont ils sont sûrs que ça va bien se passer.
Alors moi, on me demande souvent pourquoi je n'accepte pas un CDI, parce que j'ai quand même eu des propositions de CDI. Pourquoi je n'en recherche pas un et pourquoi je ne fais que des CDD, des contrats courts ou des contrats longs. Parce que ça m'apporte de la confiance en moi de toujours me sentir utile partout où je vais. C'est-à-dire que dans un mois, je peux intervenir dans trois ou quatre structures et chaque structure... m'apporte quelque chose, c'est-à-dire que chaque structure, je connais déjà le public, je connais déjà l'équipe, je me sens vraiment très à l'aise et en fait ça me donne confiance en moi et en plus ça me permet de bouger et de changer, de voir différentes personnes au fil des jours, au fil des semaines et au fil des mois, ça me permet de prendre du recul. J'y trouve aussi une continuité dans l'apprentissage de mon métier d'éducatrice spécialisée, parce que je trouve que j'ai seulement 24 ans et que j'ai besoin d'encore apprendre beaucoup et vraiment changer de public et changer d'équipe et de structure et d'institution, ça me permet vraiment d'avoir une richesse d'apprentissage dans la continuité de l'école, dans la continuité de mes stages aussi. Je peux tenter, essayer. Et en fait, je peux faire des erreurs. J'y trouve vraiment un intérêt d'apprentissage. Je continue un peu de m'exercer au métier d'éducatrice spécialisée avant vraiment de m'ancrer dans un poste où je resterai sûrement des années.
Pour moi, la question du remplacement, ce n'est pas du tout une question d'investissement parce que je suis justement quelqu'un qui est très investie dans mon travail. Peut-être même un peu trop. Il faudrait poser la question à mes proches, mais je pense qu'ils diront que je suis un peu trop investie. Je prends mon travail très à cœur, le social, les personnes en situation de handicap, les migrants, tous les publics avec lesquels j'ai travaillé. J'ai toujours pris ça très à cœur. J'avais même du mal à mettre de la distance. C'est pas parce que je suis en CDD que j'accompagne pas des personnes dans la continuité. En fait, alors forcément quand je suis là une semaine, non, mais il m'est arrivé d'avoir des CDD de six mois ou d'un an, où j'ai pu avoir des références, où j'ai pu créer des projets, les mettre en place, les réaliser. Il m'est arrivé aussi de faire des remplacements, où j'ai même pu faire de la coordination, être coordinatrice. Et pour moi, c'est ça l'engagement, en fait, c'est planter des graines dans les différentes structures. Parfois, je reviens dans les structures qui sont dans les mêmes associations. Donc, en fait, je suis parfois dans un foyer de vie en 2019, et puis en 2020, je suis dans un autre foyer de vie de la même association, par exemple, et en fait, il m'arrive de retrouver, du coup, des résidents à des fêtes, à des projets interstructuraux, et je trouve que c'est vraiment de la continuité en fait j'ai vraiment toujours des nouvelles des personnes que j'accompagne et je reviens et donc je peux reprendre mes accompagnements. Et puis c'est vrai que je peux aussi remettre un peu de mouvement dans ces accompagnements là, contrairement à des personnes qui sont là tout le temps et qui encore une fois comme on l'a dit tout à l'heure vont être un peu lassées. Et ça veut pas dire qu'elles seront moins engagées que moi, ça veut juste dire que j'aurais plus de peps dans cet engagement là. Voilà, pour moi, je trouve que je suis engagée. Je trouve que le fait d'intervenir dans différentes structures et avec différents publics, c'est pas être très posée, mais c'est être engagée dans plein d'endroits. Et c'est toujours vouloir apporter le meilleur dans les endroits où je vais.