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Les Sens de la Danse

Danser pour guérir : la pulsation du cœur, du corps et de la transe (épisode 1)

Danser pour guérir : la pulsation du cœur, du corps et de la transe (épisode 1)

46min |09/02/2025
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Danser pour guérir : la pulsation du cœur, du corps et de la transe (épisode 1)

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Description


Et si la danse était bien plus qu’un simple mouvement ? Si elle était une pulsion de vie, une force capable de réveiller notre corps, d’apaiser notre esprit et de nous reconnecter à nous-mêmes ?


Dans cet épisode fascinant, je reçois France Schott-Billmann, psychanalyste et pionnière de la danse-thérapie, qui nous plonge au cœur des pouvoirs ancestraux du rythme et du mouvement. Ensemble, nous explorons comment la danse, depuis les rituels traditionnels jusqu’à la transe contemporaine, peut libérer nos émotions, stimuler notre énergie et même favoriser la guérison.


De l’expression primitive aux cérémonies vaudou, en passant par le rôle du battement du cœur et la magie de la pulsation collective, cet épisode vous invite à ressentir, vibrer et redécouvrir la danse sous un nouveau prisme.


💫 Prêt(e) à embarquer pour un voyage sensoriel et puissant ?


Appuyez sur ▶️ et laissez-vous porter par le rythme…


Vous pouvez retrouver toutes les informations sur ses prochains ateliers sur son site :

www.atelierdugesterythme.com



Le compte instagram du podcast : https://www.instagram.com/lessensdeladanse.podcast/

Le compte facebook du podcast : https://www.facebook.com/lessensdeladanse.podcast


Très belle écoute !





Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Myriam Sellam

    Les Sens de la danse, le podcast qui met de la conscience dans le mouvement. Bonjour à tous. Ça y est, nous voilà repartis pour une nouvelle saison, et je suis vraiment ravie de vous retrouver pour de nouveaux échanges, de nouveaux formats, et surtout une nouvelle temporalité. Car désormais vous allez pouvoir me retrouver chaque semaine pour un nouvel épisode des Sens de la danse. Alors, pour ouvrir le bal... j'ai le plaisir de recevoir une célèbre danse-thérapeute : France Schott-Billmann. Véritable pionnière dans l'art-thérapie, elle est psychanalyste et enseigne à l'université Paris Descartes. Elle a écrit des ouvrages, dont La Thérapie par la danse rythmée. Les Bienfaits de la transe, que j'ai littéralement dévoré. En le lisant, j'ai ressenti quelque chose de très fort. Vous savez, ce moment où la musique vous traverse, où le rythme devient une énergie qui fait vibrer le corps et l'âme. Elle a su mettre des mots sur ce ressenti tellement puissant qui a rendu pour moi la danse vitale. À travers la transe, France Schott-Billmann a développé une méthode qui nous reconnecte à notre pulsion de vie en nous reliant tout simplement à la pulsation de notre cœur.

  • France Schott-Billmann

    Quand il entend la pulsation... Il y a quelque chose qui se passe. Quand je dis la pulsation, ça veut dire vraiment une régularité. C'est la cadence, ce battement du cœur, c'est comme le geste des rameurs. C'est un va-et-vient qui se répète, qui se répète comme le souffle respiratoire. C'est vraiment la vie, le désir de vivre. C'est l'amour aussi, voilà. Ce qui se transmet aussi aux descendants et qui fait qu'eux aussi vont vouloir transmettre, etc. Et ces danses-là ne sont pas des danses tristes.

  • Myriam Sellam

    Aujourd'hui... On va se relier à notre pulsation, celle du cœur, pour nous relier à notre pulsion de vie. Un retour à nos souvenirs originels, pour ne pas dire transgénérationnels, qui a le pouvoir de nous guérir, que l'on soit malade ou pas. Aujourd'hui, nous allons faire place à la transe pour nous relier à notre être profond. C'est le voyage qu'elle nous propose, et comme souvent, nous aurons plusieurs escales. Cette fois-ci, ce sera le continent africain. Alors, avant de commencer, je vous invite à vous abonner et à laisser 5 étoiles. Votre soutien est essentiel, vous le savez, pour que ce podcast continue de grandir. Alors un grand merci pour votre fidélité et je vous souhaite une très belle écoute. Bonjour France.

  • France Schott-Billmann

    Bonjour Myriam.

  • Myriam Sellam

    Comment allez-vous aujourd'hui ?

  • France Schott-Billmann

    Ça va très bien.

  • Myriam Sellam

    Je suis vraiment ravie d'abord, sachez-le, de vous recevoir sur ce podcast. Est-ce que vous pourriez me dire d'abord votre premier souvenir de danse ? Est-ce que vous vous en rappelez ?

  • France Schott-Billmann

    Oui, je m'en souviens très bien. Comme toutes les petites filles de bonne famille, disons, j'ai fait de la danse classique. Autant qu'on peut en faire quand on a 3-4 ans. Et je me souviens de madame, je crois qu'elle s'appelait Roubalov. Enfin, c'était une Russe, évidemment. Oui, évidemment. Qui était très rythmique. Et 1, et 2, et 3, et 4. Mais elle s'impliquait. Elle s'impliquait corporellement, elle aussi. Parce qu'après, j'ai eu d'autres professeurs de danse classique qui restaient habillés et qui disaient la même chose. Et un, et deux, et trois, et quatre, pose étendue, reposée, pliée, qui ne se déshabillaient pas. Là, elle s'impliquait et elle m'a transmis une certaine flamme. Déjà ? Disons qu'elle a réveillé une certaine flamme qui, je pense, remontait à plus loin.

  • Myriam Sellam

    À plus loin, c'est-à-dire ? C'est quand ?

  • France Schott-Billmann

    Peut-être comme tous les bébés, mais moi, je suis d'origine alsacienne. Et c'est en Alsace qu'il y a eu la première forme de danse-rythme-thérapie, la thérapie de la danse de Saint-Guy, qui était une chorée désordonnée au Moyen-Âge. On emmenait les malades en pèlerinage dansant jusqu'à une chapelle à Saverne, qui est ma ville natale, qui s'appelle la chapelle Saint-Guy, un peu l'ancêtre de la danse rythme-thérapie, parce que mon idée, c'était toujours que la danse-thérapie n'a pas commencé en 1954 aux Etats-Unis, mais que ça existe depuis toujours sous d'autres noms, évidemment.

  • Myriam Sellam

    Donc vous é tiez dès votre plus jeune âge, finalement, sensibilisée à ça, au rythme.

  • France Schott-Billmann

    Alors c'est passé à la fois par le fait que j'ai toujours fait des danses rythmées.

  • Myriam Sellam

    D'accord. Vous faisiez quoi,

  • France Schott-Billmann

    J'ai eu la chance, étant dans l'Est de la France, donc un peu sous l'influence des enseignements rythmiques des Suisses, Dalcroze, des gens comme ça, qui ont vraiment fait un enseignement très structuré, très scientifique des rythmes. Et là-bas, il y a toute une éducation rythmique qui allait jusqu'en Alsace, je ne sais pas pourquoi. Donc c'était des danses très joyeuses, très mélodiques en même temps, mais très rythmées. Et on avait des espèces de petits chaussons. Ce n'était pas les chaussons à pointe de la danse classique, mais c'était très agréable vraiment. Donc j'ai fait ça pendant 3-4 ans. Après, quand j'étais ado, mes parents m'ont inscrite à des danses de société. À l'époque, c'était le boogie, bien sûr toujours aussi le tango, la valse, les universaux.

  • Myriam Sellam

    C'était du tango argentin ?

  • France Schott-Billmann

    Non. C'est l'autre tango ? Vous savez, on faisait deux pas d'un côté, un pas de l'autre, ce genre-là. On se laissait quand même entraîner par la musique. Et je crois que mes premières expériences de trans, c'était à ce moment-là. Vraiment, je partais moi sur la musique. Donc ça, c'était la période de danse de société que j'ai beaucoup aimée. D'autant plus qu'elles étaient se danser en couple. Oui. Et donc, c'était l'époque où j'étais ado. Donc voilà, c'était... Donc c'est une manière de rencontrer. C'est quand même une des fonctions de la danse. Ben oui, bien sûr. Et après, pourquoi est-ce que je suis venue à la danse contemporaine ? Oui, il y a eu un gap là. Je n'ai pas vraiment beaucoup dansé. J'ai fait des études de biologie. Et puis j'ai accouché de ma fille et j'ai eu des problèmes de dos. Et le médecin m'a dit, ah là il faudrait quand même refaire du sport. Et puis j'ai rencontré une de mes amies en baladant mon bébé au Luxembourg, voilà, comme elle. Qui m'a dit, ah tu sais à la Scola Cantorum, il y a de la danse contemporaine avec Karin Waehner, qui est une élève de Marie Wigman. Bon, elle est morte maintenant Karin. Et j'ai fait plusieurs années avec elle. Je ne me suis pas appropriée cette danse-là.

  • Myriam Sellam

    La danse contemporaine.

  • France Schott-Billmann

    Parce que pour moi, elle n'est pas assez rythmée et c'est un peu trop cérébral pour moi. Voilà. Mais c'était intéressant. Comme disait Karin, il y a tout à faire avec vous. Placer le corps et tout. Elle disait ça à beaucoup de monde, il faut dire. C'est un peu... Oui, c'était une Allemande. L'école de Marie Wigman, le dos plat. Même à mon âge, je le fais encore parfaitement parce qu'on faisait ça avec la règle. Ah, dis donc. Et puis, elle nous tapait dessus si c'était pas... Ah oui, ça lance bien. Pas méchamment. D'accord, d'accord, ça va. Mais quand même. Et puis, c'est dans ce cours-là que j'ai entendu de certains élèves qui fréquentaient aussi le centre américain, qui était Boulevard Raspail à l'époque, là où il y a maintenant la Fondation Cartier, et qui était vraiment un lieu fantastique où il y avait tous les modes d'expression underground, le free jazz, tout ce qui se faisait à New York, mais qui n'était pas tellement bien vu des Blancs, s'est exporté à Paris. Et donc, les élèves chez Karin parlaient de ce cours d'expression primitive animé par Herns Duplan, qui est un chorégraphe haïtien. Et donc, je suis allé voir. Et alors là, j'ai été sous le choc tout de suite parce que ça n'avait rien à voir avec les cours de Karin. C'est très tribal.

  • Myriam Sellam

    Primitif, donc il y a quelque chose de très dans la terre.

  • France Schott-Billmann

    Voilà, dans la terre et avec des gestes symboliques. On faisait les grands animaux, les grands fauves, des guerriers, toutes sortes de personnages mythologiques. Puisque Haïti, c'est le pays du vaudou. Donc le vaudou, qui a souvent mauvaise presse en Europe, parce qu'on ne voit que l'aspect sorcellerie, qui est en fait lié à toutes les religions. Le christianisme aussi a son aspect sorcellerie. Il n'y a qu'à aller voir dans les campagnes françaises comment ça se pratique. Donc il utilisait beaucoup les figures des divinités vaudous. Parce que c'est un panthéon, un peu comme en Grèce antique. Dans tous les panthéons, il y a toujours un dieu de la guerre, une déesse de l'amour, un dieu serpent. pas mal de dieux animaux. Donc lui, il n'était pas pratiquant vaudou, mais il utilisait ça déjà comme archétype. Il cherchait vraiment les universaux. Et ce cours avait un succès fou, c'était dans les années 75. Il y avait 50 personnes à son cours, il y avait plusieurs percussionnistes. C'était impressionnant. Et on met la voix en même temps. On chante. Alors lui, avec lui, ce n'était pas tellement du chant. Moi, j'ai introduit le chant après, la mélodie. Mais lui, c'était surtout des « ou » , des « a » , des « he » . C'était vraiment une énergie virile. D'ailleurs, il disait « je veux un corps bandé » . Ah d'accord. On lui disait : « Oui, mais nous, les femmes, enfin bon, comment fait-on ? »

  • Myriam Sellam

    Comment fait-on ?

  • France Schott-Billmann

    Mais bon, il transmettait vraiment une énergie fantastique. Alors, je suis restée sept ans son assistante.

  • Myriam Sellam

    D'accord. Donc, vous avez beaucoup appris à ses côtés.

  • France Schott-Billmann

    Oui, j'ai beaucoup appris. L'Expression primitive, en fait, ça a ceci de particulier, qu'on n'apprend pas tellement. On retrouve des choses qu'on a en nous, en fait.

  • Myriam Sellam

    On ressent.

  • France Schott-Billmann

    Et là, effectivement, j'ai été convaincue par son idée d'universalité, parce que moi, j'avais rien, enfin, j'ai rien d'haïtien.

  • Myriam Sellam

    Pas comme ça, en tout cas.

  • France Schott-Billmann

    Rien de commun, en fait, avec sa culture, apparemment, en tout cas. Et pourtant, c'est moi qui l'a choisie pour être son assistante à l'époque. Donc, je pense que ça réveillait en moi quelque chose de primitif. qui vient peut-être, je vous disais, de mes ancêtres alsaciens qui ont fait la danse de Saint-Guy, je ne sais pas. Et puis il parlait beaucoup aussi de l'esclavage, c'est une énergie de rébellion.

  • Myriam Sellam

    C'est politique finalement.

  • France Schott-Billmann

    Tout ce qui est autour de la pulsation, oui c'est politique, même dans nos contrées. Le rock, le hip-hop, le rap, tout ça, c'est quand même des énergies d'affirmation de soi. Et la très forte affirmation de soi, ça va vite vers la rébellion. Et parallèlement à ça, je faisais une thèse. Parce qu'après la biologie, je suis partie vers la psycho après 68 et ma thèse portait sur la comparaison entre les formes de danse-thérapie traditionnelle et la psychanalyse. Parce qu'en fait je suis partie sur la piste ouverte par Claude Lévi-Strauss quand il compare chamanisme et psychanalyse. Sauf qu'il ne s'est pas vraiment intéressé au corps, lui ce qui l'intéressait surtout c'était les récits que font les chamanes. qui sont des récits symboliques, qui mettent en métaphore les troubles des patients, en métaphore mythologique, pas n'importe quelle métaphore, mais il n'avait pas abordé l'aspect rythme. Même s'il parle quand même du fait que le chaman, dans le récit qu'il fait aux patients, il répète beaucoup, il a un rythme haletant, il répète par exemple, des tas de fois "le chaman est entré dans la hutte de la malade". Il y a quelque chose de rythmique, d'hypnotique. Mais bon, il n'a pas approfondi du tout cet aspect-là. Ce n'était pas celui qui l'intéressait le plus. Et comme je faisais de la danse par ailleurs, j'ai été voir les danses dans tous ces pays où on pratique des cultes de possession.

  • Myriam Sellam

    Donc vous êtes allée où ? Faites-nous voyager !

  • France Schott-Billmann

    J'ai fait d'abord plusieurs pays d'Afrique.

  • Myriam Sellam

    Le Bénin.

  • France Schott-Billmann

    Le Togo, le Bénin, parce que c'est vraiment la source du vaudou.

  • Myriam Sellam

    Tout à fait.

  • France Schott-Billmann

    Parce que le vaudou haïtien est en fait évidemment d'origine africaine. Puisque c'est les malheureux qui ont été emmenés en esclavage de l'autre côté de l'Atlantique qui ont emmené ça avec eux. C'était tout ce qu'on leur laissait, c'était le vaudou. Parce que ça distrayait les Blancs. Les danses distrayaient les Blancs. C'est très choquant, mais voilà, c'est comme ça.

  • Myriam Sellam

    J'imagine que ça a dû être des expériences assez incroyables.

  • France Schott-Billmann

    Oui, c'était assez incroyable, parce que pour entrer dans ces cérémonies, les Blancs ne sont pas évidemment persona grata, même si à l'époque, en payant, c'était encore possible. Depuis, ça ne l'est plus. Au Bénin, ça ne l'est plus secret, depuis quelques années. Oui, parce que... Et ça, c'est une bonne chose. Les Africains se sont rendus compte de la valeur de leur culture. Et maintenant, c'est presque un produit touristique, le vaudou au Bénin. Je n'ai pas de contact avec le Togo, mais j'ai des amis qui vont souvent au Bénin. Il faut y aller au mois de janvier d'ailleurs, parce que c'est là que se passent toutes les grandes cérémonies. Et elles sont spectaculaires. Pas forcément dans les temples vaudous. Ça peut se passer dans les carrefours, dans des lieux importants comme ça. Il y a des divinités qui surgissent. qui ont des costumes absolument extraordinaires. Il y en a un, par exemple, c'est Sakpata. Il tourne, il a un immense costume fait de fibre de raffia. Et quand il tourne, il a absolument l'air d'une toupie. Et alors, on voit cette toupie qui se déplace comme ça. Et bien sûr, on ne sait pas qui est dessous, puisque normalement, c'est la divinité. Bien sûr, c'est un personnage humain, mais c'est des danseurs extraordinaires qui sont là-dessous. Et donc, les danses sont fantastiques. Dans un culte thérapeutique, évidemment, il n'y a pas que la danse. Parce qu'encore maintenant, la danse-thérapie, il faut aussi, ça va rejoindre le titre de votre podcast, il faut que ça ait du sens. Et le sens pour eux, c'est les divinités, et c'est les histoires de ces divinités qui en fait donnent du sens aux histoires des hommes. Parce que c'est les mêmes histoires, des histoires d'amour, des jalousies, des meurtres, mais des belles choses aussi. Et en particulier, c'est... très très très artistique. Les couleurs, les danses elles-mêmes.

  • Myriam Sellam

    C'est quand même hyper impressionnant.

  • France Schott-Billmann

    C'est hyper impressionnant. Hyper impressionnant. Et puis, quand c'est dans un temple vaudou, le cadre aussi est impressionnant parce qu'il y a des sacrifices. Déjà, pour entrer, il faut faire un sacrifice. Qui n'est pas seulement d'argent. Par rapport à la psychanalyse qui est un sacrifice d'argent. Là, il faut vraiment payer de sa personne. Moi, j'ai dû tuer un oiseau. Enfin, on m'a donné un oiseau en main. Puis il faut appuyer, on nous dit d'appuyer à certains endroits. L'oiseau tombe. Et selon le côté où il tombe, on va vous dire ceci ou cela. Après, ils vous font ce qu'ils appellent le pha. C'est la divination. Ils jettent des coquillages, les coris, vous savez, ces petites porcelaines. C'est des coquillages qui s'appellent des porcelaines,

  • Myriam Sellam

    c'est pas en porcelaine.

  • France Schott-Billmann

    Ils les jettent dans le sable, et c'est un peu comme le hiki, selon la constellation qui est formée, ils vont vous dire des choses. Et bien sûr, les choses qui m'ont été dites, c'est qu'il faudrait faire une initiation. Alors j'ai fait un tout petit bout d'initiation.

  • Myriam Sellam

    Initiation à quoi ? Au vaudou ?

  • France Schott-Billmann

    Oui. D'accord. C'est pas vraiment au vaudou, mais c'est un rituel où j'ai dû cracher dans une calbasse, on m'a coupé la moitié des cheveux, les ongles, qu'est-ce qu'ils ont fait encore ? Ils ont touillé dans la calbasse, j'ai dû cracher, et puis on m'a déshabillée, et c'était vraiment, j'étais seule avec le prêtre et deux acolytes. Et il m'a dit, maintenant tu vas aller jusqu'à la rivière avec la calbasse pour tout jeter dans le fleuve. Et ils m'ont mis un paille que j'ai dû enlever dans la rivière. Alors je ne vous dirais pas, je n'étais pas rassurée parce qu'avec les deux acolytes derrière. En fait, ça crée des fantasmes très archaïques. Pas tellement d'être violée, mais j'avais peur d'être mangée, je me rappelle. Dans un fleuve en Afrique, avec deux gars derrière. Interdiction de se retourner, comme Orphée. Enfin voilà, c'était une petite initiation. Ils ne m'ont pas demandé plus. Après, j'avais le droit d'aller dans les cérémonies, d'être ami avec les divinités qui s'incarnaient.

  • Myriam Sellam

    Qu'est-ce que ça vous a apporté, justement, ce genre d'expérience comme ça ?

  • France Schott-Billmann

    Un grand ouversement, parce que moi, je suis une famille de scientifiques, quand même. Ça paraît totalement irrationnel. Et puis, tout le contexte va avec. Les gens chez qui j'étais logé, alors que c'était... des gens qui ont des professions genre avocat, juge, etc. me disaient que le soir, ils entendaient les pas de leur sœur morte sur la terrasse, enfin des choses comme ça. Donc, tous les soirs, je venais à mon mari pour me rassurer. Donc, c'est très impressionnant parce que ces divinités qui s'incarnent dans les humains, les transforment complètement. C'est-à-dire, ils ne sont plus eux-mêmes. Ils deviennent vraiment le dieu qu'ils incarnent. Donc, le corps se met à faire des performances qui peuvent paraître surnaturelles. En tout cas qu'on ne mobilise pas en temps ordinaire. On voit des vieillards qui se mettent à grimper aux arbres, des choses extraordinaires. Des personnes malades, toutes percluses, qui tout à coup font des danses, des performances vraiment dignes de danseurs de haut niveau. Et puis ça donne une impression de surnaturel en fait. Oui, tout à fait. Donc c'est tout à fait bouleversant, dérangeant. Et puis... Ça peut faire peur.

  • Myriam Sellam

    Bien sûr. On a l'impression d'avoir face à la folie finalement quelque part.

  • France Schott-Billmann

    Face à... Oui, dans la mesure où on se dit mais s'ils perdaient leur contrôle. Je me rappelle qu'une fois dans une cérémonie, alors en tant qu'étrangère on m'avait mise au premier rang, c'était pas grand et il y avait un danseur là, enfin c'était pas un danseur professionnel, quelqu'un qui s'est mis à danser. Il était possédé par un dieu tigre. Et ce dieu tigre, il avait un couteau entre les dents. Et il passait devant moi, mais vraiment au ras. Au ras du visage. J'avais vraiment peur. Après, il l'a pris dans ses mains et il faisait jongler avec son couteau. Ça fait peur. Mais ils sont comme les somnambules, en fait. Vous savez qu'ils tombent jamais des toits si on ne les réveille pas. Là, c'est pareil. Ils ont une précision. Mais ils ne sont pas eux-mêmes. Alors j'avais fait des petites expériences. J'en avais photographié certains que je revoyais après dans la vie quotidienne où ils sont tout à fait différents, évidemment. Et je leur montre les photos, ils ne se reconnaissent pas. Ils ne se reconnaissent pas. C'est le Dieu, machin, chose. Donc voilà, c'est assez extraordinaire. Et évidemment, au niveau de la danse, ça leur donne une présence qui n'est pas la leur, qui est celle du Dieu. Donc l'autre en soi, c'est... Très impressionnant parce que bien sûr les dieux qui s'incarnent, ce n'est pas complètement étranger à ce qu'ils sont. C'est vraiment comme l'inconscient dans la psychanalyse. C'est quelque chose qu'on a en soi mais qu'on ne connaît pas. Mais quand il prend possession de nous, il nous fait faire des trucs. Mais oui, c'est des états psychotiques, c'est des états de folie. Mais de folie contrôlée, ritualisée. Et puis il y a un prêtre qui surveille tout ça, qui est le garant. Alors pas seulement le prêtre, mais il y a beaucoup d'assistants aussi.

  • Myriam Sellam

    En tout cas, il y a un cadre.

  • France Schott-Billmann

    Ah oui, il y a un cadre très important. Tout ça était très étonnant pour moi, qui était une 68 arde. Déjà de voir que tout ça était très codifié. Parce que je pensais, comme beaucoup d'Occidentaux, que la trance, c'est n'importe quoi. Enfin, on se laisse aller complètement. Pas du tout. Et ces cérémonies, c'est des véritables musées vivants. Puisque l'initiation, pour chacun, consiste à finalement s'imprégner de la danse du Dieu, telle qu'elle se fait depuis des siècles. Alors bien sûr, chacun met ses petites variations. Parce qu'on ne peut pas faire autrement. On est créatif spontanément, je veux dire. Mais vraiment, le cadre, c'est la gestuelle du dieu de la guerre. Elle est établie depuis je ne sais combien de temps.

  • Myriam Sellam

    C'est-à-dire qu'il y a une chorégraphie ?

  • France Schott-Billmann

    Oui, il y a une chorégraphie pour chaque divinité. Ah,

  • Myriam Sellam

    donc il y a des pas précis.

  • France Schott-Billmann

    Il y a des pas précis, des gestuelles précises, des rythmes précis. Et pour les faire descendre...

  • Myriam Sellam

    Attendez, France, ça veut dire que... chaque personne qui rentre en trance fait exactement les mêmes pas que la dernière fois que le dieu est arrivé.

  • France Schott-Billmann

    Oui.

  • Myriam Sellam

    C'est incroyable.

  • France Schott-Billmann

    Et quand il s'incarne en plusieurs personnes, ce qui peut arriver, j'ai fait des vidéos à l'époque, par exemple le dieu de la pluie, qui a un costume rayé en plus, comme des gouttes de pluie. Parce que quand ils sont possédés, on leur met les habits du dieu.

  • Myriam Sellam

    Et puis un masque, non ? Souvent.

  • France Schott-Billmann

    Oui, souvent un masque, mais pas toujours. Pas toujours. Et donc, ils font exactement les mêmes pas. Ils sont trois, ils font exactement les mêmes pas, et dans le sable ça fait des... parce que c'est souvent sableux le sol, dans le sable ça fait vraiment des empreintes absolument extraordinaires, parce que c'est d'une régularité, on dirait un tableau abstrait.

  • Myriam Sellam

    Donc ils sont synchronisés ?

  • France Schott-Billmann

    Complètement synchronisés, et chaque dieu a sa danse. Alors la danse de la déesse de l'amour n'est pas du tout la même que celle du dieu de la guerre. Le dieu de la guerre c'est... Viril. Vraiment le corps bandé comme dit Herns Duplan. Et donc, dans leur conception de la maladie, c'est le Dieu qui envoie la maladie. Parce que, il est courroucé, on ne sait pas pourquoi. Souvent, on ne sait pas pourquoi. Ce n'est pas forcément la personne elle-même qui a commis une faute. Ça peut être quelqu'un du groupe, ça peut être un de ses ancêtres. Je vais penser aux choses de la Bible, voilà, il sera puni jusqu'à la septième génération. En tout cas, il ne sait pas quel est le Dieu. On ne peut pas dire qu'il y a par exemple le dieu de la guerre qui donnerait mal à la tête.

  • Myriam Sellam

    Il n'y a pas les symptômes qui sont associés.

  • France Schott-Billmann

    Voilà, ils ne sont pas associés au dieu. Donc il s'agit de diagnostiquer quel est le dieu Kouroussé pour pouvoir entrer en dialogue avec lui et puis savoir pourquoi il est fâché et puis qu'est-ce qu'il faut faire pour réparer. Pour diagnostiquer le dieu, ce qui est extraordinaire, parce qu'on va retrouver ça aussi dans le tarantisme en Europe, on fait venir les musiciens et on joue les airs. des différents dieux et le public chante les hymnes des différents dieux. Et quand le malade entend, c'est son inconscient qui entend, c'est son corps, ce n'est pas lui. Il n'est pas, enfin je veux dire, lui, il ne sait pas quel est le dieu, mais il réagit. Il réagit, donc on sait que c'est ce dieu-là.

  • Myriam Sellam

    Il est comme appelé ?

  • France Schott-Billmann

    Reconnu. Le dieu est reconnu et il est reconnu par le groupe. Alors, qu'est-ce qu'il faut faire pour apaiser le dieu ? Pour apaiser le dieu, il faut lui faire un rituel. Et ce rituel, ça va être pas que la danse, mais la danse fait partie bien sûr du rituel. On peut dire que la danse c'est un rituel. La danse quand elle est sacrée, comme ça, c'est un rituel. Et le rituel, il faut toujours qu'il soit bien fait. Ça, dans tous les livres d'anthropologie aussi que j'ai lus après, c'est partout dans le monde, si le rituel n'est pas bien fait, le dieu n'est pas content, les symptômes continuent. Alors on réfléchit beaucoup, les arts thérapeutes, sur ce que c'est aussi un rituel bien fait. Pour moi en particulier, il faut qu'il soit beau, parce que quand même c'est le langage des dieux, on ne fait pas n'importe quoi. Pour Freud, ce serait la sublimation, c'est-à-dire l'art en fait. Mais il faut aussi qu'il suive un certain ordre de rituel. Donc j'ai un peu découvert tout ça avec un grand étonnement. Et puis je suis allée aussi au Sénégal, où c'est des variantes de tout ça, mais les principes c'est toujours les mêmes. On appelle les dieux pour qu'ils viennent sur Terre. guérir puisqu'ils ont cette faculté à la fois de donner la maladie mais aussi de la guérir s'ils sont contents. Les fautes souvent ça peut être d'avoir pas honoré l'hôtel des ancêtres et ça va aussi plonger dans des abîmes de réflexion parce que je suis psychanalyste ça me faisait penser aussi à la phrase de Jung qui disait nos maladies sont des dieux que nous avons négligé. Parce que pour les psychanalystes, les dieux sont des symboles d'épulsion. Je vous disais, il y a un dieu de la guerre, un dieu de l'amour, partout, dans tous les panthéons. D'ailleurs, avec les étudiants, moi je leur fais toujours un petit peu rappeler quels étaient les attributs et les prérogatives de chaque dieu grec. Il y avait aussi un dieu de la guerre, (Arès, Mars) une déesse de l'amour, Aphrodite, Vénus, un dieu de la beauté, un dieu messager, Hermès. Et il est très important aussi dans tous les panthéons, le messager, parce que c'est vraiment lui qui fait le lien entre les dieux et les hommes. Et le prêtre aussi, bien sûr, fait ce lien. Là-bas, ça s'appelle les Oungans, en Afrique, et les femmes prêtresses, parce qu'il y a des femmes aussi, tout autant d'ailleurs, les Mambo. On connaît plus, en fait, aujourd'hui, le terme chaman, qui est aussi ce guérisseur qui se met en relation avec les puissances... Divines. Puissances divines, enfin surnaturelles. Surnaturel, pas tant que ça finalement, puisque c'est la nature qui est divine. Tout ça, c'est la perspective animiste, c'est-à-dire que derrière chaque chose, il y a un esprit ou une divinité ou une âme. Animisme, c'est une âme. Actuellement, on redécouvre beaucoup ce système thérapeutique, parce qu'il est très juste en fait.

  • Myriam Sellam

    Alors justement, comment est-ce que vous, vous arrivez avec tous ces voyages pour mettre en place finalement votre danse rythme thérapie ?

  • France Schott-Billmann

    Alors, je ne sais pas si c'était pour ça, peut-être qu'inconsciemment c'était pour ça, mais enfin, je voulais surtout finir ma thèse avec un sujet qui vraiment me passionnait, me passionne toujours, parce qu'on n'en finit jamais de travailler ces questions-là. Donc, en rentrant à Paris, je n'ai pas pensé tout de suite à l'expression primitive pour utiliser ça. Et en ce plan lui-même, qui avait été très influencée par Katherine Dunham. Katherine Dunham", c'est vraiment une grande pionnière de la danse afro. On appelait ça la black dance aux Etats-Unis, la danse afro-américaine. En même temps, elle a été anthropologue et elle a travaillé beaucoup sur le vaudou, justement. Elle s'inspirait beaucoup des danses vaudou dans ses ballets, dans les années 50. Et Hans Duplan a été son élève et donc il a beaucoup travaillé avec elle aussi.

  • Myriam Sellam

    Donc votre professeur.

  • France Schott-Billmann

    Donc mon professeur. Et tous les deux, aussi bien Catherine Denham... Alors qu'elle est absolument contemporaine de Marianne Chase, qui a inventé la danse mouvement-thérapie en Amérique, elle ne se voulait pas du tout dans ce thérapeute. Elle disait « Non, moi je suis artiste. » C'est la grande question de savoir, est-ce que c'est artiste ou thérapeute ? Ou alors est-ce qu'on peut penser, comme disait Le Clésio, qu'un jour on saura qu'il n'y avait pas de médecine, il n'y avait que de l'art ? Ce n'est pas du tout incompatible. Mais bon, en tout cas à l'époque, lui ne se voulait absolument pas dans ce thérapeute, mais artiste. Et j'ai dû quand même réfléchir beaucoup. Le jour où je me suis dit, mais l'expression primitive, ça pourrait marcher, puisque c'est aussi les représentations des pulsions, ces grands archétypes. Puis cette pulsation qui est universelle, le battement du cœur, ces choses qui parlent à tout le monde. Et donc là, je me suis dit, mais on ne peut pas faire du vaudou à Paris, ça, ce n'est pas possible. C'est compliqué. Même si c'est des archétypes, surtout un pays comme la France, quand même, on serait fait traiter de secte. Et donc, j'ai cherché à le théoriser autrement que religieusement. Et avec l'anthropologie et la psychanalyse, c'était relativement facile. Et donc c'est comme ça que ça a démarré, mais il n'était pas trop d'accord, Herns Duplan. Donc j'ai quand même modifié des choses par rapport à ce qu'il faisait lui. Je n'ai probablement pas l'énergie fantastique qu'il avait, mais je pense que je suis resté vraiment dans la ligne primitiviste, c'est-à-dire rechercher un essentiel, sous les diversités culturelles, vraiment chercher un tronc commun.

  • Myriam Sellam

    Justement, alors c'est quoi ce tronc commun ? Parce qu'il y a quand même un processus dans lequel moi, en tout cas, je me suis retrouvée en tant que danseuse amateur complètement. Mais où on ressent ces sensations qui, juste là, je n'arrivais pas à mettre des mots en fait. Et si je vous suis bien, tout commence finalement par la musique.

  • France Schott-Billmann

    Tout commence par la musique et la musique est indissociable de ce qu'on fait. Le rythme en particulier. C'est pour ça qu'on a tenu à se différencier de la danse mouvement thérapique et le courant américain, qui est beaucoup plus basé sur la danse contemporaine. Là, vraiment, le rythme est essentiel et on est marié avec le rythme. C'est jamais un bruit de fond, il n'est pas là pour décorer, il est vraiment constituant même du mouvement.

  • Myriam Sellam

    C'est la colonne vertébrale.

  • France Schott-Billmann

    Oui, c'est la colonne vertébrale. Alors la pulsation, sur laquelle il insistait beaucoup, toujours jouée au tambour. Donc la pulsation, c'est le battement. Et on retrouve ça dans toutes les musiques populaires. C'est Souriau, l'esthéticien Souriau, qui met sur le même plan les danses populaires et les danses tribales, primitives. Parce que justement, elles ont ces points communs qui sont cette répétition de la pulsation, qui lui renvoie plutôt au souffle respiratoire, le va-et-vient. On inspire, on expire, on inspire, on expire. Et dans la danse, on va faire un déplacement vers la droite, un déplacement vers la gauche. Dans les danses populaires, c'est beaucoup ça. Ou en avant, en arrière. Et donc, quand on fait ça même avec des patients, puisque maintenant ça se fait beaucoup dans les hôpitaux, y compris avec des patients parkinsoniens. J'ai eu l'ancienne élève, Svetlana Panova, qui fait ça à l'hôpital de la Salpêtrière. Elle a des résultats extraordinaires. Parce que les patients découvrent que finalement ils avaient ça en eux. C'est inné. Et très souvent c'est absolument inné. Et très souvent ils font ça tout naturellement. On leur fait taper un rythme d'une musique simple. Tout le monde peut le faire. Même les psychotiques dans les hôpitaux, tout le monde peut le faire. Après on les fait balancer sur cette musique. Et ils disent finalement on savait danser.

  • Myriam Sellam

    Tout le monde sait danser finalement.

  • France Schott-Billmann

    Tout le monde sait danser.

  • Myriam Sellam

    Et j'aime beaucoup ce que vous dites. Vous dites tout le monde est danseur parce que vivant.

  • France Schott-Billmann

    Et parce qu'ayant passé déjà neuf mois dans le ventre de la mère, où il a été pulsé par le battement du cœur de la mère. Donc pulsé, impulsé, massé, massé rythmiquement et balancé par la respiration, le souffle de la mère. D'ailleurs les grecs qui avaient tout compris disaient que Dionysos, qui est vraiment le dieu qui représente l'être humain en fait, à la fois mortel, chacun est mortel. mais immortel quant à son espèce. Il dansait déjà dans le ventre de la mère, mais on a tous fait ça. On a tous été d'abord danser et ensuite on s'est approprié ces mouvements. Parce que c'est ce que fait la mère après. Toutes les mères du monde ont inventé ce procédé absolument génial qui est de s'appuyer sur ces rythmes qui sont des rythmes biologiques, naturels, le battement du coeur que le foetus aperçu pendant neuf mois et après... ça va tout naturellement dans les chansons, dans les berceuses. La berceuse, j'ai l'habitude de dire que c'est la première danse qu'on a connue dans les bras d'un autre humain.

  • Myriam Sellam

    C'est tout à fait ça.

  • France Schott-Billmann

    Vous dites, ça met des mots sur ce qu'on ressent. Mais effectivement, je pense que c'est ça que les gens ressentent. Ils revivent quelque chose qui est une mémoire archaïque que nous avons tous en nous. Et ensuite, on s'aperçoit que de le faire avec d'autres, ça crée un autre nouveau corps, un grand corps commun. qui est ce sentiment d'appartenance à un groupe,

  • Myriam Sellam

    à une communauté.

  • France Schott-Billmann

    Donc il faut que le geste soit répétitif, le rythme soit répétitif. Ce qui a en plus l'intérêt de mettre les gens dans cet état second, très enthousiaste.

  • Myriam Sellam

    Cette transe dont on parle, on retrouve finalement dans le voyage.

  • France Schott-Billmann

    Exactement, voilà. Donc on voyage dans son inconscient, quelque part. Et ça libère complètement l'esprit, effectivement, on peut voyager. Le geste devient complètement automatique, comme le battement du cœur. Heureusement, on n'a pas besoin de réfléchir pour faire battre son cœur. Ça continue tout seul. C'est pareil, ces gestes simples, répétitifs, ils continuent tout seuls.

  • Myriam Sellam

    Oui, parce que ce que vous dites dans votre livre, c'est que finalement, cette musique répétitive va faire que tous les organes vitaux vont finalement se synchroniser à cette musique. C'est incroyable.

  • France Schott-Billmann

    Ça ne veut pas dire qu'ils vont battre au même rythme. Mais ils vont s'accorder.

  • Myriam Sellam

    Ce qui est différent.

  • France Schott-Billmann

    Comme l'enfant s'accorde au rythme de la mère, l'accordage c'est très important. Et on s'accorde du coup aussi émotionnellement.

  • Myriam Sellam

    Et finalement, on fait qu'un. C'est un peu ça qui fait qu'on passe de cette synchronisation à la trance. Qu'est-ce qui fait le passage entre « Ok, j'entends cette musique, elle me rappelle sans doute, comme vous dites, quelque chose de très... » très ancien, très archaïque. Je suis de manière innée danseur, je danse, et ça m'amène à un état d'exaltation.

  • France Schott-Billmann

    Sauf qu'on ne se dit pas tout ça.

  • Myriam Sellam

    Bien sûr !

  • France Schott-Billmann

    On le sent, et pour vous qui parlez des sens de la danse, le sens, ce n'est pas la signification. C'est quelque chose qui nous vient d'avant les mots. Donc, ce n'est pas quelque chose de formulable. C'est ce que Lacan appelle le réel, qui ne peut pas se dire, mais qui peut se musiquer, se chanter, se dessiner. Donc c'est une des bases de l'art-thérapie, cette idée-là, bien sûr. Mais ça ne peut pas se traduire en mots raisonnables. Bien sûr, on peut dire « oui, ça évoque le battement du cœur » , mais ce que ça nous fait à nous, ça nous renvoie à des choses tellement profondes et qui viennent de si loin, bien avant notre naissance, et qui vont en plus se poursuivre après notre mort.

  • Myriam Sellam

    Et tant mieux !

  • France Schott-Billmann

    Heureusement, si l'homme ne fait pas trop de bêtises.

  • Myriam Sellam

    Et justement, comment ça se fait que cette transe, vous dites qu'elle a des bienfaits. C'est quoi ces bienfaits ? Au niveau scientifique, ça a été prouvé ?

  • France Schott-Billmann

    Oui, tout à fait. Déjà, ça revivifie. Et je pense qu'il y a aussi une dimension symbolique, inconsciente, parce que le battement du cœur... Vous savez que le bébé, après la naissance, ce que fait la mère, si l'accouchement n'a pas été trop médicalisé, elle met l'enfant contre son cœur. Et c'est très important pour l'enfant. Ça l'aide à avoir envie de vivre. Parce que tous les nourrissons n'ont pas forcément envie de vivre. Et donc c'est très important le contact avec ce battement du cœur, avec cette pulsation. Ça revigore complètement. Est-ce que c'est parce qu'on fait le rapprochement avec le battement du cœur ? Ou est-ce que c'est plus physique que psychique ? Je ne sais pas. Mais en tout cas, ça fonctionne énormément. Et en effet, les gens, quand ils entendent la pulsation, il y a quelque chose qui se passe. Quand je dis la pulsation... Ça veut dire vraiment une régularité. C'est la cadence, ce battement du cœur, c'est comme le geste des rameurs. C'est un va-et-vient qui se répète, comme le souffle respiratoire. C'est à partir de ça que vraiment, il y a une énergie qui se... D'ailleurs Dionysos, qui est le dieu du rythme, c'était Eros en même temps. La pulsion de vie. Ce que les grecs appelaient Eros, c'est la pulsion de vie. Donc c'est la libido, mais pas que sexuelle bien sûr. Le sexe il est... embarqué là-dedans, mais c'est vraiment la vie, le désir de vivre et même de survivre, je dirais, puisque c'est l'amour aussi, voilà. Ce qui se transmet aussi aux descendants et qui font qu'eux aussi vont vouloir transmettre, etc. Et ces danses-là ne sont pas des danses tristes, c'est au service de la célébration de la vie et pas forcément que de sa vie personnelle.

  • Myriam Sellam

    Oui, parce qu'on est en groupe, donc on se connecte à l'autre.

  • France Schott-Billmann

    On se connecte à l'autre et on sait que pour chaque individu, ça va finir un jour. mais que ça va continuer avec les générations suivantes. Et ce n'est pas qu'une transmission biologique, c'est aussi une transmission culturelle, parce que ce que la mère transmet à l'enfant, quand elle le berce, par exemple, ou elle l'allait, mais elle l'allait en même temps, elle chante, elle parle, etc., elle lui transmet de la culture en même temps. Donc c'est un processus tellement naturel et anthropologique, je pourrais dire, et qui a été sélectionné par la sélection naturelle, puisque ça fait des... C'est Castoriadis qui disait que ça doit faire 3 millions d'années. que les mères bercent leur bébé, parce que déjà les mamans singes le font aussi avec leur bébé, sauf que ça prend sens chez l'être humain différemment, évidemment. Donc on commence par la perception du battement du cœur, union avec la musique, synchronie avec le groupe. Et puis, quand ils disent « on savait danser » , on dit « non, il manque quand même quelque chose, c'est les gestes » . Souvent, on commence par les paroles de la chanson qu'on est en train de chanter, tout simplement. Parce que les patients, ils ne savent pas quoi faire. Si vous dites à des patients d'improviser, alors là, c'est... C'est la panique avant. Vous les angoissez. Mais oui, c'est vraiment, il faut le savoir, ça. Parce qu'il y a des danse-thérapeutes qui pensent toujours qu'il faut faire de l'improvisation, alors que c'est une partie infime de ce qui fait vraiment thérapie. Et en tout cas, les patients, ce n'est pas de ça qu'ils ont besoin. C'est clair qu'ils ont besoin d'abord de se relier aux autres, parce qu'ils crèvent de solitude, ou ils sont enfermés dans leur bulle, ou dans leur dépression. Ils ont besoin de se relier aux autres. Et puis, ils ont besoin de mettre... du sens dans ce qu'ils sont en train de vivre. Et c'est à ça que servent les gestes. Par exemple, récemment, on était parti d'une berceuse haïtienne qui différencie le rôle du père et de la mère. Mais comme « Fais dodo comme un petit frère » , maman est en haut qui fait du gâteau, papa est en bas qui fait du chocolat, il y a toute une éducation dans ces chansons par les mots, par le fait qu'on met de la différence. Il y a un père, il y a une mère, et ça ne veut pas dire un papa et une maman, mais on met de la différence. On ne fait pas la même chose si on envoie le geste en haut et il n'est pas en bas, etc. Donc c'est très important de créer de la différence. La berceuse déjà, ça crée de la différence. Droite-gauche, un temps pour aller, un temps pour revenir, ça crée de la différence. Mais c'est implicite. C'est-à-dire qu'on ne dit pas aux gens qu'on est en train de vous créer de la différence parce que ça va organiser votre pensée, ça va organiser votre relation à l'autre. Mais le fait est que ça fait ça. Puis après, on met des gestes qui sont du langage en fait. Si on fait le guerrier, on fait le guerrier. Et puis on ne va pas s'amuser à interpréter contre qui tu es en train de te bagarrer là. Surtout pas, ce n'est pas de la psychothérapie. L'art-thérapie, ça passe par l'inconscient. Ça s'adresse à l'inconscient et ça reste au niveau inconscient. Ça vraiment, j'y insiste beaucoup, parce que l'art-thérapie, ce n'est pas de la psychothérapie à mon avis. Et donc on met très peu de mots d'ailleurs dans cette histoire-là. Ou quand on met des mots, c'est des mots mythologiques. Ah, qu'est-ce qu'il a fait le guerrier là ? Donc on va prendre un mythe par exemple, ou des héros.

  • Myriam Sellam

    Oui, finalement des icônes, des personnages dans lesquels on peut se... S'inspirer.

  • France Schott-Billmann

    Se reconnaître. S'inspirer, c'est ça. Donc ça donne l'occasion d'exprimer toutes sortes d'émotions refoulées. Prendre le guerrier par exemple, ça permet en effet de sortir. Les gens vont tout de suite penser à l'agressivité, mais c'est surtout déjà affirmation de soi. Au point qu'il y a des personnes qui ont la maladie de Parkinson par exemple. La première fois que j'ai fait devant des médecins, avant que cette forme de thérapie entre dans les hôpitaux, j'avais deux personnes en fauteuil roulant. qui se sont levés parce qu'ils voulaient faire les guerriers. Souvent, je fais deux tribus, une de chaque côté, très contrastées. Par exemple, les guerriers et les princesses. Ce jour-là, ils avaient voulu faire ça. Alors les princesses avaient trouvé des gestes gracieux, etc. Et puis les guerriers ne savaient pas quoi faire et m'ont dit « Ah, tu sais faire le haka des Polynésiens ? » Moi, je ne sais pas bien le faire, mais j'ai fait un truc. Ils ont commencé à faire ça et galvanisés, c'est même pas de l'agressivité, c'est de l'affirmation de soi, c'est le réveil de la pulsion de vie. Donc on fait toutes sortes de figures comme ça, et puis c'est plus ou moins adapté aussi au niveau possible des gens. Avec les adolescents, on peut faire des choses plus complexes déjà, des enchaînements, des choses comme ça. Parce que maintenant, les adolescents sont très rythmiques. De toute façon, la musique qui marche le mieux actuellement, c'est le rap. Et le hip-hop, c'est très intéressant parce que c'était, j'ai raconté ça dans Le Besoin de Danser, c'était une thérapie spontanée que se sont inventées ces gens des ghettos pour exprimer leur violence, plutôt que de se taper dessus ou de taper sur les flics, de faire cette musique qui est effectivement très saccadée, très énergique, et cette danse très saccadée, très énergique, c'est un bel exemple de sublimation. Alors là, Freud, il aurait été ravi.

  • Myriam Sellam

    On peut utiliser le rap comme une danse populaire finalement.

  • France Schott-Billmann

    Tout à fait, c'est la fonction des danses populaires d'autrefois. Sauf que les danses populaires d'autrefois, elles avaient un sens dans un contexte culturel qui n'est plus du tout celui d'aujourd'hui. Donc, à mon avis, ça ne suffit pas pour faire danse-thérapie, les danses populaires, même si elles ont des tas de qualités, effectivement, de réveil de la vie, de socialisation, mais au niveau symbolique, au niveau d'un langage vraiment qui prend en compte les problèmes d'aujourd'hui. c'est peut-être pas l'idéal. Enfin, je vous dis ça.

  • Myriam Sellam

    Si justement, on fait le parallélisme avec ce que vous vous proposez, vous mettez aussi cette symbolisation qui fait les archétypes, les personnages, qui va faire la différence, c'est ça ?

  • France Schott-Billmann

    Avec les danses traditionnelles, oui. C'est aussi que la pulsation, elle a plus d'énergie parce qu'elle a quand même cette origine africaine. Il faut savoir qu'en Europe, nous, on a été victime d'une grande répression de nos danses populaires. Pierre Le Gendre qui a fait toute une étude là-dessus, vraiment c'était très important. Pas seulement le clergé, on dit toujours c'est le clergé, mais c'était aussi le roi qui a voulu chasser complètement la culture paysanne, les jacqueries, tout ça. Et donc on a affadé vraiment nos danses par rapport à ce qu'elles étaient au temps du Moyen-Âge.

  • Myriam Sellam

    Et toute cette richesse du coup.

  • France Schott-Billmann

    Oui, tout un terreau populaire qui est vraiment cet enracinement. terre ce côté primitif a disparu de nos danses alors qu'on en avait besoin et qu'on s'appuie on avait besoin et on a besoin de transe alors on l'a trouvé quand même dans la valse dans les cadres y tout ça c'est quand même très exaltant mais ça va pas aussi loin que la primitivité donc

  • Myriam Sellam

    c'est grâce à cette primitivité qu'on arrive justement à cet état de conscience modifiée et cet état de conscience modifiée il va amener quoi concrètement qu'on soit malade ou pas j'ai envie d

  • France Schott-Billmann

    Ah oui, bien sûr, en danse-thérapie, on n'a pas que des malades.

  • Myriam Sellam

    On est d'accord. Et nous-mêmes danseurs, je pense que forcément, si on est amené à replonger toujours dans la danse, c'est bien que ça nous fait du bien. Et c'est pour ça qu'on est aussi passionnés, pour ne pas dire des fois où on attend notre dose.

  • France Schott-Billmann

    Tout à fait. On peut être addict à ça d'ailleurs.

  • Myriam Sellam

    Je pense l'être moi, en tout cas.

  • France Schott-Billmann

    Vous allez dans les raves parties ?

  • Myriam Sellam

    Non, moi, j'aime ça. Pas forcément les rêves, mais... L'électro, je vois très bien.

  • France Schott-Billmann

    Moi aussi, j'adore.

  • Myriam Sellam

    Où il y a effectivement ces basses, où on commence à sortir, où on sent une espèce de trance, et comme vous dites, il y a cet effet de groupe. C'est-à-dire qu'on n'a pas envie d'y aller tout seul, danser seul chez soi, ça n'a pas d'intérêt.

  • France Schott-Billmann

    Je suis tout à fait d'accord. Combien de fois je dis ça à des gens qui me disent « Non, mais ils dansent, ils sont tout seuls. » Sauf qu'on ne fait pas ça dans sa chambre.

  • Myriam Sellam

    Jamais.

  • France Schott-Billmann

    Et je pense qu'il se passe quelque chose de très important quand... qu'on vit aussi en expression primitive, c'est qu'il y a une dénarcissisation, et Dieu sait qu'on en a besoin actuellement, parce qu'on est une société terriblement narcissique, égoïste, individualiste, et il y a une communion autour de quelque chose d'essentiel, qui est la source de la vie. Il y a même des ravers qui se collent à la pulsation, ils deviennent cette vie, cette source de vie, au point de se démolir les oreilles, en toute connaissance de cause, ils le savent, ils se font du mal. Mais ils sont aspirés par ça.

  • Myriam Sellam

    Effectivement, et donc on a besoin de ça, d'autant plus quand finalement ça va mal, c'est le meilleur médicament finalement.

  • France Schott-Billmann

    Oui, d'ailleurs c'est toujours dans les périodes de crise ou de guerre qu'on danse le plus, parce qu'on est trop content d'être encore vivant.

  • Myriam Sellam

    Et voilà, nous arrivons à la fin de cette première partie de notre échange avec France Schott-Billmann. Ce voyage nous a montré à quel point le rythme et le mouvement sont ancrés en nous depuis toujours, depuis notre premier battement de cœur. Elle nous a montré aussi combien la danse peut être une véritable source de guérison. Alors que vous soyez danseur aguerri ou simple amateur, souvenez-vous, la danse est un langage instinctif, un retour à l'essentiel. à un moment où l'on s'abandonne pour mieux se retrouver. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour poursuivre cette plongée au cœur du mouvement. D'ici là, si cet épisode vous a plu, pensez à laisser un petit 5 étoiles sur votre plateforme d'écoute préférée. Prenez soin de vous et à la semaine prochaine.

Description


Et si la danse était bien plus qu’un simple mouvement ? Si elle était une pulsion de vie, une force capable de réveiller notre corps, d’apaiser notre esprit et de nous reconnecter à nous-mêmes ?


Dans cet épisode fascinant, je reçois France Schott-Billmann, psychanalyste et pionnière de la danse-thérapie, qui nous plonge au cœur des pouvoirs ancestraux du rythme et du mouvement. Ensemble, nous explorons comment la danse, depuis les rituels traditionnels jusqu’à la transe contemporaine, peut libérer nos émotions, stimuler notre énergie et même favoriser la guérison.


De l’expression primitive aux cérémonies vaudou, en passant par le rôle du battement du cœur et la magie de la pulsation collective, cet épisode vous invite à ressentir, vibrer et redécouvrir la danse sous un nouveau prisme.


💫 Prêt(e) à embarquer pour un voyage sensoriel et puissant ?


Appuyez sur ▶️ et laissez-vous porter par le rythme…


Vous pouvez retrouver toutes les informations sur ses prochains ateliers sur son site :

www.atelierdugesterythme.com



Le compte instagram du podcast : https://www.instagram.com/lessensdeladanse.podcast/

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Très belle écoute !





Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Myriam Sellam

    Les Sens de la danse, le podcast qui met de la conscience dans le mouvement. Bonjour à tous. Ça y est, nous voilà repartis pour une nouvelle saison, et je suis vraiment ravie de vous retrouver pour de nouveaux échanges, de nouveaux formats, et surtout une nouvelle temporalité. Car désormais vous allez pouvoir me retrouver chaque semaine pour un nouvel épisode des Sens de la danse. Alors, pour ouvrir le bal... j'ai le plaisir de recevoir une célèbre danse-thérapeute : France Schott-Billmann. Véritable pionnière dans l'art-thérapie, elle est psychanalyste et enseigne à l'université Paris Descartes. Elle a écrit des ouvrages, dont La Thérapie par la danse rythmée. Les Bienfaits de la transe, que j'ai littéralement dévoré. En le lisant, j'ai ressenti quelque chose de très fort. Vous savez, ce moment où la musique vous traverse, où le rythme devient une énergie qui fait vibrer le corps et l'âme. Elle a su mettre des mots sur ce ressenti tellement puissant qui a rendu pour moi la danse vitale. À travers la transe, France Schott-Billmann a développé une méthode qui nous reconnecte à notre pulsion de vie en nous reliant tout simplement à la pulsation de notre cœur.

  • France Schott-Billmann

    Quand il entend la pulsation... Il y a quelque chose qui se passe. Quand je dis la pulsation, ça veut dire vraiment une régularité. C'est la cadence, ce battement du cœur, c'est comme le geste des rameurs. C'est un va-et-vient qui se répète, qui se répète comme le souffle respiratoire. C'est vraiment la vie, le désir de vivre. C'est l'amour aussi, voilà. Ce qui se transmet aussi aux descendants et qui fait qu'eux aussi vont vouloir transmettre, etc. Et ces danses-là ne sont pas des danses tristes.

  • Myriam Sellam

    Aujourd'hui... On va se relier à notre pulsation, celle du cœur, pour nous relier à notre pulsion de vie. Un retour à nos souvenirs originels, pour ne pas dire transgénérationnels, qui a le pouvoir de nous guérir, que l'on soit malade ou pas. Aujourd'hui, nous allons faire place à la transe pour nous relier à notre être profond. C'est le voyage qu'elle nous propose, et comme souvent, nous aurons plusieurs escales. Cette fois-ci, ce sera le continent africain. Alors, avant de commencer, je vous invite à vous abonner et à laisser 5 étoiles. Votre soutien est essentiel, vous le savez, pour que ce podcast continue de grandir. Alors un grand merci pour votre fidélité et je vous souhaite une très belle écoute. Bonjour France.

  • France Schott-Billmann

    Bonjour Myriam.

  • Myriam Sellam

    Comment allez-vous aujourd'hui ?

  • France Schott-Billmann

    Ça va très bien.

  • Myriam Sellam

    Je suis vraiment ravie d'abord, sachez-le, de vous recevoir sur ce podcast. Est-ce que vous pourriez me dire d'abord votre premier souvenir de danse ? Est-ce que vous vous en rappelez ?

  • France Schott-Billmann

    Oui, je m'en souviens très bien. Comme toutes les petites filles de bonne famille, disons, j'ai fait de la danse classique. Autant qu'on peut en faire quand on a 3-4 ans. Et je me souviens de madame, je crois qu'elle s'appelait Roubalov. Enfin, c'était une Russe, évidemment. Oui, évidemment. Qui était très rythmique. Et 1, et 2, et 3, et 4. Mais elle s'impliquait. Elle s'impliquait corporellement, elle aussi. Parce qu'après, j'ai eu d'autres professeurs de danse classique qui restaient habillés et qui disaient la même chose. Et un, et deux, et trois, et quatre, pose étendue, reposée, pliée, qui ne se déshabillaient pas. Là, elle s'impliquait et elle m'a transmis une certaine flamme. Déjà ? Disons qu'elle a réveillé une certaine flamme qui, je pense, remontait à plus loin.

  • Myriam Sellam

    À plus loin, c'est-à-dire ? C'est quand ?

  • France Schott-Billmann

    Peut-être comme tous les bébés, mais moi, je suis d'origine alsacienne. Et c'est en Alsace qu'il y a eu la première forme de danse-rythme-thérapie, la thérapie de la danse de Saint-Guy, qui était une chorée désordonnée au Moyen-Âge. On emmenait les malades en pèlerinage dansant jusqu'à une chapelle à Saverne, qui est ma ville natale, qui s'appelle la chapelle Saint-Guy, un peu l'ancêtre de la danse rythme-thérapie, parce que mon idée, c'était toujours que la danse-thérapie n'a pas commencé en 1954 aux Etats-Unis, mais que ça existe depuis toujours sous d'autres noms, évidemment.

  • Myriam Sellam

    Donc vous é tiez dès votre plus jeune âge, finalement, sensibilisée à ça, au rythme.

  • France Schott-Billmann

    Alors c'est passé à la fois par le fait que j'ai toujours fait des danses rythmées.

  • Myriam Sellam

    D'accord. Vous faisiez quoi,

  • France Schott-Billmann

    J'ai eu la chance, étant dans l'Est de la France, donc un peu sous l'influence des enseignements rythmiques des Suisses, Dalcroze, des gens comme ça, qui ont vraiment fait un enseignement très structuré, très scientifique des rythmes. Et là-bas, il y a toute une éducation rythmique qui allait jusqu'en Alsace, je ne sais pas pourquoi. Donc c'était des danses très joyeuses, très mélodiques en même temps, mais très rythmées. Et on avait des espèces de petits chaussons. Ce n'était pas les chaussons à pointe de la danse classique, mais c'était très agréable vraiment. Donc j'ai fait ça pendant 3-4 ans. Après, quand j'étais ado, mes parents m'ont inscrite à des danses de société. À l'époque, c'était le boogie, bien sûr toujours aussi le tango, la valse, les universaux.

  • Myriam Sellam

    C'était du tango argentin ?

  • France Schott-Billmann

    Non. C'est l'autre tango ? Vous savez, on faisait deux pas d'un côté, un pas de l'autre, ce genre-là. On se laissait quand même entraîner par la musique. Et je crois que mes premières expériences de trans, c'était à ce moment-là. Vraiment, je partais moi sur la musique. Donc ça, c'était la période de danse de société que j'ai beaucoup aimée. D'autant plus qu'elles étaient se danser en couple. Oui. Et donc, c'était l'époque où j'étais ado. Donc voilà, c'était... Donc c'est une manière de rencontrer. C'est quand même une des fonctions de la danse. Ben oui, bien sûr. Et après, pourquoi est-ce que je suis venue à la danse contemporaine ? Oui, il y a eu un gap là. Je n'ai pas vraiment beaucoup dansé. J'ai fait des études de biologie. Et puis j'ai accouché de ma fille et j'ai eu des problèmes de dos. Et le médecin m'a dit, ah là il faudrait quand même refaire du sport. Et puis j'ai rencontré une de mes amies en baladant mon bébé au Luxembourg, voilà, comme elle. Qui m'a dit, ah tu sais à la Scola Cantorum, il y a de la danse contemporaine avec Karin Waehner, qui est une élève de Marie Wigman. Bon, elle est morte maintenant Karin. Et j'ai fait plusieurs années avec elle. Je ne me suis pas appropriée cette danse-là.

  • Myriam Sellam

    La danse contemporaine.

  • France Schott-Billmann

    Parce que pour moi, elle n'est pas assez rythmée et c'est un peu trop cérébral pour moi. Voilà. Mais c'était intéressant. Comme disait Karin, il y a tout à faire avec vous. Placer le corps et tout. Elle disait ça à beaucoup de monde, il faut dire. C'est un peu... Oui, c'était une Allemande. L'école de Marie Wigman, le dos plat. Même à mon âge, je le fais encore parfaitement parce qu'on faisait ça avec la règle. Ah, dis donc. Et puis, elle nous tapait dessus si c'était pas... Ah oui, ça lance bien. Pas méchamment. D'accord, d'accord, ça va. Mais quand même. Et puis, c'est dans ce cours-là que j'ai entendu de certains élèves qui fréquentaient aussi le centre américain, qui était Boulevard Raspail à l'époque, là où il y a maintenant la Fondation Cartier, et qui était vraiment un lieu fantastique où il y avait tous les modes d'expression underground, le free jazz, tout ce qui se faisait à New York, mais qui n'était pas tellement bien vu des Blancs, s'est exporté à Paris. Et donc, les élèves chez Karin parlaient de ce cours d'expression primitive animé par Herns Duplan, qui est un chorégraphe haïtien. Et donc, je suis allé voir. Et alors là, j'ai été sous le choc tout de suite parce que ça n'avait rien à voir avec les cours de Karin. C'est très tribal.

  • Myriam Sellam

    Primitif, donc il y a quelque chose de très dans la terre.

  • France Schott-Billmann

    Voilà, dans la terre et avec des gestes symboliques. On faisait les grands animaux, les grands fauves, des guerriers, toutes sortes de personnages mythologiques. Puisque Haïti, c'est le pays du vaudou. Donc le vaudou, qui a souvent mauvaise presse en Europe, parce qu'on ne voit que l'aspect sorcellerie, qui est en fait lié à toutes les religions. Le christianisme aussi a son aspect sorcellerie. Il n'y a qu'à aller voir dans les campagnes françaises comment ça se pratique. Donc il utilisait beaucoup les figures des divinités vaudous. Parce que c'est un panthéon, un peu comme en Grèce antique. Dans tous les panthéons, il y a toujours un dieu de la guerre, une déesse de l'amour, un dieu serpent. pas mal de dieux animaux. Donc lui, il n'était pas pratiquant vaudou, mais il utilisait ça déjà comme archétype. Il cherchait vraiment les universaux. Et ce cours avait un succès fou, c'était dans les années 75. Il y avait 50 personnes à son cours, il y avait plusieurs percussionnistes. C'était impressionnant. Et on met la voix en même temps. On chante. Alors lui, avec lui, ce n'était pas tellement du chant. Moi, j'ai introduit le chant après, la mélodie. Mais lui, c'était surtout des « ou » , des « a » , des « he » . C'était vraiment une énergie virile. D'ailleurs, il disait « je veux un corps bandé » . Ah d'accord. On lui disait : « Oui, mais nous, les femmes, enfin bon, comment fait-on ? »

  • Myriam Sellam

    Comment fait-on ?

  • France Schott-Billmann

    Mais bon, il transmettait vraiment une énergie fantastique. Alors, je suis restée sept ans son assistante.

  • Myriam Sellam

    D'accord. Donc, vous avez beaucoup appris à ses côtés.

  • France Schott-Billmann

    Oui, j'ai beaucoup appris. L'Expression primitive, en fait, ça a ceci de particulier, qu'on n'apprend pas tellement. On retrouve des choses qu'on a en nous, en fait.

  • Myriam Sellam

    On ressent.

  • France Schott-Billmann

    Et là, effectivement, j'ai été convaincue par son idée d'universalité, parce que moi, j'avais rien, enfin, j'ai rien d'haïtien.

  • Myriam Sellam

    Pas comme ça, en tout cas.

  • France Schott-Billmann

    Rien de commun, en fait, avec sa culture, apparemment, en tout cas. Et pourtant, c'est moi qui l'a choisie pour être son assistante à l'époque. Donc, je pense que ça réveillait en moi quelque chose de primitif. qui vient peut-être, je vous disais, de mes ancêtres alsaciens qui ont fait la danse de Saint-Guy, je ne sais pas. Et puis il parlait beaucoup aussi de l'esclavage, c'est une énergie de rébellion.

  • Myriam Sellam

    C'est politique finalement.

  • France Schott-Billmann

    Tout ce qui est autour de la pulsation, oui c'est politique, même dans nos contrées. Le rock, le hip-hop, le rap, tout ça, c'est quand même des énergies d'affirmation de soi. Et la très forte affirmation de soi, ça va vite vers la rébellion. Et parallèlement à ça, je faisais une thèse. Parce qu'après la biologie, je suis partie vers la psycho après 68 et ma thèse portait sur la comparaison entre les formes de danse-thérapie traditionnelle et la psychanalyse. Parce qu'en fait je suis partie sur la piste ouverte par Claude Lévi-Strauss quand il compare chamanisme et psychanalyse. Sauf qu'il ne s'est pas vraiment intéressé au corps, lui ce qui l'intéressait surtout c'était les récits que font les chamanes. qui sont des récits symboliques, qui mettent en métaphore les troubles des patients, en métaphore mythologique, pas n'importe quelle métaphore, mais il n'avait pas abordé l'aspect rythme. Même s'il parle quand même du fait que le chaman, dans le récit qu'il fait aux patients, il répète beaucoup, il a un rythme haletant, il répète par exemple, des tas de fois "le chaman est entré dans la hutte de la malade". Il y a quelque chose de rythmique, d'hypnotique. Mais bon, il n'a pas approfondi du tout cet aspect-là. Ce n'était pas celui qui l'intéressait le plus. Et comme je faisais de la danse par ailleurs, j'ai été voir les danses dans tous ces pays où on pratique des cultes de possession.

  • Myriam Sellam

    Donc vous êtes allée où ? Faites-nous voyager !

  • France Schott-Billmann

    J'ai fait d'abord plusieurs pays d'Afrique.

  • Myriam Sellam

    Le Bénin.

  • France Schott-Billmann

    Le Togo, le Bénin, parce que c'est vraiment la source du vaudou.

  • Myriam Sellam

    Tout à fait.

  • France Schott-Billmann

    Parce que le vaudou haïtien est en fait évidemment d'origine africaine. Puisque c'est les malheureux qui ont été emmenés en esclavage de l'autre côté de l'Atlantique qui ont emmené ça avec eux. C'était tout ce qu'on leur laissait, c'était le vaudou. Parce que ça distrayait les Blancs. Les danses distrayaient les Blancs. C'est très choquant, mais voilà, c'est comme ça.

  • Myriam Sellam

    J'imagine que ça a dû être des expériences assez incroyables.

  • France Schott-Billmann

    Oui, c'était assez incroyable, parce que pour entrer dans ces cérémonies, les Blancs ne sont pas évidemment persona grata, même si à l'époque, en payant, c'était encore possible. Depuis, ça ne l'est plus. Au Bénin, ça ne l'est plus secret, depuis quelques années. Oui, parce que... Et ça, c'est une bonne chose. Les Africains se sont rendus compte de la valeur de leur culture. Et maintenant, c'est presque un produit touristique, le vaudou au Bénin. Je n'ai pas de contact avec le Togo, mais j'ai des amis qui vont souvent au Bénin. Il faut y aller au mois de janvier d'ailleurs, parce que c'est là que se passent toutes les grandes cérémonies. Et elles sont spectaculaires. Pas forcément dans les temples vaudous. Ça peut se passer dans les carrefours, dans des lieux importants comme ça. Il y a des divinités qui surgissent. qui ont des costumes absolument extraordinaires. Il y en a un, par exemple, c'est Sakpata. Il tourne, il a un immense costume fait de fibre de raffia. Et quand il tourne, il a absolument l'air d'une toupie. Et alors, on voit cette toupie qui se déplace comme ça. Et bien sûr, on ne sait pas qui est dessous, puisque normalement, c'est la divinité. Bien sûr, c'est un personnage humain, mais c'est des danseurs extraordinaires qui sont là-dessous. Et donc, les danses sont fantastiques. Dans un culte thérapeutique, évidemment, il n'y a pas que la danse. Parce qu'encore maintenant, la danse-thérapie, il faut aussi, ça va rejoindre le titre de votre podcast, il faut que ça ait du sens. Et le sens pour eux, c'est les divinités, et c'est les histoires de ces divinités qui en fait donnent du sens aux histoires des hommes. Parce que c'est les mêmes histoires, des histoires d'amour, des jalousies, des meurtres, mais des belles choses aussi. Et en particulier, c'est... très très très artistique. Les couleurs, les danses elles-mêmes.

  • Myriam Sellam

    C'est quand même hyper impressionnant.

  • France Schott-Billmann

    C'est hyper impressionnant. Hyper impressionnant. Et puis, quand c'est dans un temple vaudou, le cadre aussi est impressionnant parce qu'il y a des sacrifices. Déjà, pour entrer, il faut faire un sacrifice. Qui n'est pas seulement d'argent. Par rapport à la psychanalyse qui est un sacrifice d'argent. Là, il faut vraiment payer de sa personne. Moi, j'ai dû tuer un oiseau. Enfin, on m'a donné un oiseau en main. Puis il faut appuyer, on nous dit d'appuyer à certains endroits. L'oiseau tombe. Et selon le côté où il tombe, on va vous dire ceci ou cela. Après, ils vous font ce qu'ils appellent le pha. C'est la divination. Ils jettent des coquillages, les coris, vous savez, ces petites porcelaines. C'est des coquillages qui s'appellent des porcelaines,

  • Myriam Sellam

    c'est pas en porcelaine.

  • France Schott-Billmann

    Ils les jettent dans le sable, et c'est un peu comme le hiki, selon la constellation qui est formée, ils vont vous dire des choses. Et bien sûr, les choses qui m'ont été dites, c'est qu'il faudrait faire une initiation. Alors j'ai fait un tout petit bout d'initiation.

  • Myriam Sellam

    Initiation à quoi ? Au vaudou ?

  • France Schott-Billmann

    Oui. D'accord. C'est pas vraiment au vaudou, mais c'est un rituel où j'ai dû cracher dans une calbasse, on m'a coupé la moitié des cheveux, les ongles, qu'est-ce qu'ils ont fait encore ? Ils ont touillé dans la calbasse, j'ai dû cracher, et puis on m'a déshabillée, et c'était vraiment, j'étais seule avec le prêtre et deux acolytes. Et il m'a dit, maintenant tu vas aller jusqu'à la rivière avec la calbasse pour tout jeter dans le fleuve. Et ils m'ont mis un paille que j'ai dû enlever dans la rivière. Alors je ne vous dirais pas, je n'étais pas rassurée parce qu'avec les deux acolytes derrière. En fait, ça crée des fantasmes très archaïques. Pas tellement d'être violée, mais j'avais peur d'être mangée, je me rappelle. Dans un fleuve en Afrique, avec deux gars derrière. Interdiction de se retourner, comme Orphée. Enfin voilà, c'était une petite initiation. Ils ne m'ont pas demandé plus. Après, j'avais le droit d'aller dans les cérémonies, d'être ami avec les divinités qui s'incarnaient.

  • Myriam Sellam

    Qu'est-ce que ça vous a apporté, justement, ce genre d'expérience comme ça ?

  • France Schott-Billmann

    Un grand ouversement, parce que moi, je suis une famille de scientifiques, quand même. Ça paraît totalement irrationnel. Et puis, tout le contexte va avec. Les gens chez qui j'étais logé, alors que c'était... des gens qui ont des professions genre avocat, juge, etc. me disaient que le soir, ils entendaient les pas de leur sœur morte sur la terrasse, enfin des choses comme ça. Donc, tous les soirs, je venais à mon mari pour me rassurer. Donc, c'est très impressionnant parce que ces divinités qui s'incarnent dans les humains, les transforment complètement. C'est-à-dire, ils ne sont plus eux-mêmes. Ils deviennent vraiment le dieu qu'ils incarnent. Donc, le corps se met à faire des performances qui peuvent paraître surnaturelles. En tout cas qu'on ne mobilise pas en temps ordinaire. On voit des vieillards qui se mettent à grimper aux arbres, des choses extraordinaires. Des personnes malades, toutes percluses, qui tout à coup font des danses, des performances vraiment dignes de danseurs de haut niveau. Et puis ça donne une impression de surnaturel en fait. Oui, tout à fait. Donc c'est tout à fait bouleversant, dérangeant. Et puis... Ça peut faire peur.

  • Myriam Sellam

    Bien sûr. On a l'impression d'avoir face à la folie finalement quelque part.

  • France Schott-Billmann

    Face à... Oui, dans la mesure où on se dit mais s'ils perdaient leur contrôle. Je me rappelle qu'une fois dans une cérémonie, alors en tant qu'étrangère on m'avait mise au premier rang, c'était pas grand et il y avait un danseur là, enfin c'était pas un danseur professionnel, quelqu'un qui s'est mis à danser. Il était possédé par un dieu tigre. Et ce dieu tigre, il avait un couteau entre les dents. Et il passait devant moi, mais vraiment au ras. Au ras du visage. J'avais vraiment peur. Après, il l'a pris dans ses mains et il faisait jongler avec son couteau. Ça fait peur. Mais ils sont comme les somnambules, en fait. Vous savez qu'ils tombent jamais des toits si on ne les réveille pas. Là, c'est pareil. Ils ont une précision. Mais ils ne sont pas eux-mêmes. Alors j'avais fait des petites expériences. J'en avais photographié certains que je revoyais après dans la vie quotidienne où ils sont tout à fait différents, évidemment. Et je leur montre les photos, ils ne se reconnaissent pas. Ils ne se reconnaissent pas. C'est le Dieu, machin, chose. Donc voilà, c'est assez extraordinaire. Et évidemment, au niveau de la danse, ça leur donne une présence qui n'est pas la leur, qui est celle du Dieu. Donc l'autre en soi, c'est... Très impressionnant parce que bien sûr les dieux qui s'incarnent, ce n'est pas complètement étranger à ce qu'ils sont. C'est vraiment comme l'inconscient dans la psychanalyse. C'est quelque chose qu'on a en soi mais qu'on ne connaît pas. Mais quand il prend possession de nous, il nous fait faire des trucs. Mais oui, c'est des états psychotiques, c'est des états de folie. Mais de folie contrôlée, ritualisée. Et puis il y a un prêtre qui surveille tout ça, qui est le garant. Alors pas seulement le prêtre, mais il y a beaucoup d'assistants aussi.

  • Myriam Sellam

    En tout cas, il y a un cadre.

  • France Schott-Billmann

    Ah oui, il y a un cadre très important. Tout ça était très étonnant pour moi, qui était une 68 arde. Déjà de voir que tout ça était très codifié. Parce que je pensais, comme beaucoup d'Occidentaux, que la trance, c'est n'importe quoi. Enfin, on se laisse aller complètement. Pas du tout. Et ces cérémonies, c'est des véritables musées vivants. Puisque l'initiation, pour chacun, consiste à finalement s'imprégner de la danse du Dieu, telle qu'elle se fait depuis des siècles. Alors bien sûr, chacun met ses petites variations. Parce qu'on ne peut pas faire autrement. On est créatif spontanément, je veux dire. Mais vraiment, le cadre, c'est la gestuelle du dieu de la guerre. Elle est établie depuis je ne sais combien de temps.

  • Myriam Sellam

    C'est-à-dire qu'il y a une chorégraphie ?

  • France Schott-Billmann

    Oui, il y a une chorégraphie pour chaque divinité. Ah,

  • Myriam Sellam

    donc il y a des pas précis.

  • France Schott-Billmann

    Il y a des pas précis, des gestuelles précises, des rythmes précis. Et pour les faire descendre...

  • Myriam Sellam

    Attendez, France, ça veut dire que... chaque personne qui rentre en trance fait exactement les mêmes pas que la dernière fois que le dieu est arrivé.

  • France Schott-Billmann

    Oui.

  • Myriam Sellam

    C'est incroyable.

  • France Schott-Billmann

    Et quand il s'incarne en plusieurs personnes, ce qui peut arriver, j'ai fait des vidéos à l'époque, par exemple le dieu de la pluie, qui a un costume rayé en plus, comme des gouttes de pluie. Parce que quand ils sont possédés, on leur met les habits du dieu.

  • Myriam Sellam

    Et puis un masque, non ? Souvent.

  • France Schott-Billmann

    Oui, souvent un masque, mais pas toujours. Pas toujours. Et donc, ils font exactement les mêmes pas. Ils sont trois, ils font exactement les mêmes pas, et dans le sable ça fait des... parce que c'est souvent sableux le sol, dans le sable ça fait vraiment des empreintes absolument extraordinaires, parce que c'est d'une régularité, on dirait un tableau abstrait.

  • Myriam Sellam

    Donc ils sont synchronisés ?

  • France Schott-Billmann

    Complètement synchronisés, et chaque dieu a sa danse. Alors la danse de la déesse de l'amour n'est pas du tout la même que celle du dieu de la guerre. Le dieu de la guerre c'est... Viril. Vraiment le corps bandé comme dit Herns Duplan. Et donc, dans leur conception de la maladie, c'est le Dieu qui envoie la maladie. Parce que, il est courroucé, on ne sait pas pourquoi. Souvent, on ne sait pas pourquoi. Ce n'est pas forcément la personne elle-même qui a commis une faute. Ça peut être quelqu'un du groupe, ça peut être un de ses ancêtres. Je vais penser aux choses de la Bible, voilà, il sera puni jusqu'à la septième génération. En tout cas, il ne sait pas quel est le Dieu. On ne peut pas dire qu'il y a par exemple le dieu de la guerre qui donnerait mal à la tête.

  • Myriam Sellam

    Il n'y a pas les symptômes qui sont associés.

  • France Schott-Billmann

    Voilà, ils ne sont pas associés au dieu. Donc il s'agit de diagnostiquer quel est le dieu Kouroussé pour pouvoir entrer en dialogue avec lui et puis savoir pourquoi il est fâché et puis qu'est-ce qu'il faut faire pour réparer. Pour diagnostiquer le dieu, ce qui est extraordinaire, parce qu'on va retrouver ça aussi dans le tarantisme en Europe, on fait venir les musiciens et on joue les airs. des différents dieux et le public chante les hymnes des différents dieux. Et quand le malade entend, c'est son inconscient qui entend, c'est son corps, ce n'est pas lui. Il n'est pas, enfin je veux dire, lui, il ne sait pas quel est le dieu, mais il réagit. Il réagit, donc on sait que c'est ce dieu-là.

  • Myriam Sellam

    Il est comme appelé ?

  • France Schott-Billmann

    Reconnu. Le dieu est reconnu et il est reconnu par le groupe. Alors, qu'est-ce qu'il faut faire pour apaiser le dieu ? Pour apaiser le dieu, il faut lui faire un rituel. Et ce rituel, ça va être pas que la danse, mais la danse fait partie bien sûr du rituel. On peut dire que la danse c'est un rituel. La danse quand elle est sacrée, comme ça, c'est un rituel. Et le rituel, il faut toujours qu'il soit bien fait. Ça, dans tous les livres d'anthropologie aussi que j'ai lus après, c'est partout dans le monde, si le rituel n'est pas bien fait, le dieu n'est pas content, les symptômes continuent. Alors on réfléchit beaucoup, les arts thérapeutes, sur ce que c'est aussi un rituel bien fait. Pour moi en particulier, il faut qu'il soit beau, parce que quand même c'est le langage des dieux, on ne fait pas n'importe quoi. Pour Freud, ce serait la sublimation, c'est-à-dire l'art en fait. Mais il faut aussi qu'il suive un certain ordre de rituel. Donc j'ai un peu découvert tout ça avec un grand étonnement. Et puis je suis allée aussi au Sénégal, où c'est des variantes de tout ça, mais les principes c'est toujours les mêmes. On appelle les dieux pour qu'ils viennent sur Terre. guérir puisqu'ils ont cette faculté à la fois de donner la maladie mais aussi de la guérir s'ils sont contents. Les fautes souvent ça peut être d'avoir pas honoré l'hôtel des ancêtres et ça va aussi plonger dans des abîmes de réflexion parce que je suis psychanalyste ça me faisait penser aussi à la phrase de Jung qui disait nos maladies sont des dieux que nous avons négligé. Parce que pour les psychanalystes, les dieux sont des symboles d'épulsion. Je vous disais, il y a un dieu de la guerre, un dieu de l'amour, partout, dans tous les panthéons. D'ailleurs, avec les étudiants, moi je leur fais toujours un petit peu rappeler quels étaient les attributs et les prérogatives de chaque dieu grec. Il y avait aussi un dieu de la guerre, (Arès, Mars) une déesse de l'amour, Aphrodite, Vénus, un dieu de la beauté, un dieu messager, Hermès. Et il est très important aussi dans tous les panthéons, le messager, parce que c'est vraiment lui qui fait le lien entre les dieux et les hommes. Et le prêtre aussi, bien sûr, fait ce lien. Là-bas, ça s'appelle les Oungans, en Afrique, et les femmes prêtresses, parce qu'il y a des femmes aussi, tout autant d'ailleurs, les Mambo. On connaît plus, en fait, aujourd'hui, le terme chaman, qui est aussi ce guérisseur qui se met en relation avec les puissances... Divines. Puissances divines, enfin surnaturelles. Surnaturel, pas tant que ça finalement, puisque c'est la nature qui est divine. Tout ça, c'est la perspective animiste, c'est-à-dire que derrière chaque chose, il y a un esprit ou une divinité ou une âme. Animisme, c'est une âme. Actuellement, on redécouvre beaucoup ce système thérapeutique, parce qu'il est très juste en fait.

  • Myriam Sellam

    Alors justement, comment est-ce que vous, vous arrivez avec tous ces voyages pour mettre en place finalement votre danse rythme thérapie ?

  • France Schott-Billmann

    Alors, je ne sais pas si c'était pour ça, peut-être qu'inconsciemment c'était pour ça, mais enfin, je voulais surtout finir ma thèse avec un sujet qui vraiment me passionnait, me passionne toujours, parce qu'on n'en finit jamais de travailler ces questions-là. Donc, en rentrant à Paris, je n'ai pas pensé tout de suite à l'expression primitive pour utiliser ça. Et en ce plan lui-même, qui avait été très influencée par Katherine Dunham. Katherine Dunham", c'est vraiment une grande pionnière de la danse afro. On appelait ça la black dance aux Etats-Unis, la danse afro-américaine. En même temps, elle a été anthropologue et elle a travaillé beaucoup sur le vaudou, justement. Elle s'inspirait beaucoup des danses vaudou dans ses ballets, dans les années 50. Et Hans Duplan a été son élève et donc il a beaucoup travaillé avec elle aussi.

  • Myriam Sellam

    Donc votre professeur.

  • France Schott-Billmann

    Donc mon professeur. Et tous les deux, aussi bien Catherine Denham... Alors qu'elle est absolument contemporaine de Marianne Chase, qui a inventé la danse mouvement-thérapie en Amérique, elle ne se voulait pas du tout dans ce thérapeute. Elle disait « Non, moi je suis artiste. » C'est la grande question de savoir, est-ce que c'est artiste ou thérapeute ? Ou alors est-ce qu'on peut penser, comme disait Le Clésio, qu'un jour on saura qu'il n'y avait pas de médecine, il n'y avait que de l'art ? Ce n'est pas du tout incompatible. Mais bon, en tout cas à l'époque, lui ne se voulait absolument pas dans ce thérapeute, mais artiste. Et j'ai dû quand même réfléchir beaucoup. Le jour où je me suis dit, mais l'expression primitive, ça pourrait marcher, puisque c'est aussi les représentations des pulsions, ces grands archétypes. Puis cette pulsation qui est universelle, le battement du cœur, ces choses qui parlent à tout le monde. Et donc là, je me suis dit, mais on ne peut pas faire du vaudou à Paris, ça, ce n'est pas possible. C'est compliqué. Même si c'est des archétypes, surtout un pays comme la France, quand même, on serait fait traiter de secte. Et donc, j'ai cherché à le théoriser autrement que religieusement. Et avec l'anthropologie et la psychanalyse, c'était relativement facile. Et donc c'est comme ça que ça a démarré, mais il n'était pas trop d'accord, Herns Duplan. Donc j'ai quand même modifié des choses par rapport à ce qu'il faisait lui. Je n'ai probablement pas l'énergie fantastique qu'il avait, mais je pense que je suis resté vraiment dans la ligne primitiviste, c'est-à-dire rechercher un essentiel, sous les diversités culturelles, vraiment chercher un tronc commun.

  • Myriam Sellam

    Justement, alors c'est quoi ce tronc commun ? Parce qu'il y a quand même un processus dans lequel moi, en tout cas, je me suis retrouvée en tant que danseuse amateur complètement. Mais où on ressent ces sensations qui, juste là, je n'arrivais pas à mettre des mots en fait. Et si je vous suis bien, tout commence finalement par la musique.

  • France Schott-Billmann

    Tout commence par la musique et la musique est indissociable de ce qu'on fait. Le rythme en particulier. C'est pour ça qu'on a tenu à se différencier de la danse mouvement thérapique et le courant américain, qui est beaucoup plus basé sur la danse contemporaine. Là, vraiment, le rythme est essentiel et on est marié avec le rythme. C'est jamais un bruit de fond, il n'est pas là pour décorer, il est vraiment constituant même du mouvement.

  • Myriam Sellam

    C'est la colonne vertébrale.

  • France Schott-Billmann

    Oui, c'est la colonne vertébrale. Alors la pulsation, sur laquelle il insistait beaucoup, toujours jouée au tambour. Donc la pulsation, c'est le battement. Et on retrouve ça dans toutes les musiques populaires. C'est Souriau, l'esthéticien Souriau, qui met sur le même plan les danses populaires et les danses tribales, primitives. Parce que justement, elles ont ces points communs qui sont cette répétition de la pulsation, qui lui renvoie plutôt au souffle respiratoire, le va-et-vient. On inspire, on expire, on inspire, on expire. Et dans la danse, on va faire un déplacement vers la droite, un déplacement vers la gauche. Dans les danses populaires, c'est beaucoup ça. Ou en avant, en arrière. Et donc, quand on fait ça même avec des patients, puisque maintenant ça se fait beaucoup dans les hôpitaux, y compris avec des patients parkinsoniens. J'ai eu l'ancienne élève, Svetlana Panova, qui fait ça à l'hôpital de la Salpêtrière. Elle a des résultats extraordinaires. Parce que les patients découvrent que finalement ils avaient ça en eux. C'est inné. Et très souvent c'est absolument inné. Et très souvent ils font ça tout naturellement. On leur fait taper un rythme d'une musique simple. Tout le monde peut le faire. Même les psychotiques dans les hôpitaux, tout le monde peut le faire. Après on les fait balancer sur cette musique. Et ils disent finalement on savait danser.

  • Myriam Sellam

    Tout le monde sait danser finalement.

  • France Schott-Billmann

    Tout le monde sait danser.

  • Myriam Sellam

    Et j'aime beaucoup ce que vous dites. Vous dites tout le monde est danseur parce que vivant.

  • France Schott-Billmann

    Et parce qu'ayant passé déjà neuf mois dans le ventre de la mère, où il a été pulsé par le battement du cœur de la mère. Donc pulsé, impulsé, massé, massé rythmiquement et balancé par la respiration, le souffle de la mère. D'ailleurs les grecs qui avaient tout compris disaient que Dionysos, qui est vraiment le dieu qui représente l'être humain en fait, à la fois mortel, chacun est mortel. mais immortel quant à son espèce. Il dansait déjà dans le ventre de la mère, mais on a tous fait ça. On a tous été d'abord danser et ensuite on s'est approprié ces mouvements. Parce que c'est ce que fait la mère après. Toutes les mères du monde ont inventé ce procédé absolument génial qui est de s'appuyer sur ces rythmes qui sont des rythmes biologiques, naturels, le battement du coeur que le foetus aperçu pendant neuf mois et après... ça va tout naturellement dans les chansons, dans les berceuses. La berceuse, j'ai l'habitude de dire que c'est la première danse qu'on a connue dans les bras d'un autre humain.

  • Myriam Sellam

    C'est tout à fait ça.

  • France Schott-Billmann

    Vous dites, ça met des mots sur ce qu'on ressent. Mais effectivement, je pense que c'est ça que les gens ressentent. Ils revivent quelque chose qui est une mémoire archaïque que nous avons tous en nous. Et ensuite, on s'aperçoit que de le faire avec d'autres, ça crée un autre nouveau corps, un grand corps commun. qui est ce sentiment d'appartenance à un groupe,

  • Myriam Sellam

    à une communauté.

  • France Schott-Billmann

    Donc il faut que le geste soit répétitif, le rythme soit répétitif. Ce qui a en plus l'intérêt de mettre les gens dans cet état second, très enthousiaste.

  • Myriam Sellam

    Cette transe dont on parle, on retrouve finalement dans le voyage.

  • France Schott-Billmann

    Exactement, voilà. Donc on voyage dans son inconscient, quelque part. Et ça libère complètement l'esprit, effectivement, on peut voyager. Le geste devient complètement automatique, comme le battement du cœur. Heureusement, on n'a pas besoin de réfléchir pour faire battre son cœur. Ça continue tout seul. C'est pareil, ces gestes simples, répétitifs, ils continuent tout seuls.

  • Myriam Sellam

    Oui, parce que ce que vous dites dans votre livre, c'est que finalement, cette musique répétitive va faire que tous les organes vitaux vont finalement se synchroniser à cette musique. C'est incroyable.

  • France Schott-Billmann

    Ça ne veut pas dire qu'ils vont battre au même rythme. Mais ils vont s'accorder.

  • Myriam Sellam

    Ce qui est différent.

  • France Schott-Billmann

    Comme l'enfant s'accorde au rythme de la mère, l'accordage c'est très important. Et on s'accorde du coup aussi émotionnellement.

  • Myriam Sellam

    Et finalement, on fait qu'un. C'est un peu ça qui fait qu'on passe de cette synchronisation à la trance. Qu'est-ce qui fait le passage entre « Ok, j'entends cette musique, elle me rappelle sans doute, comme vous dites, quelque chose de très... » très ancien, très archaïque. Je suis de manière innée danseur, je danse, et ça m'amène à un état d'exaltation.

  • France Schott-Billmann

    Sauf qu'on ne se dit pas tout ça.

  • Myriam Sellam

    Bien sûr !

  • France Schott-Billmann

    On le sent, et pour vous qui parlez des sens de la danse, le sens, ce n'est pas la signification. C'est quelque chose qui nous vient d'avant les mots. Donc, ce n'est pas quelque chose de formulable. C'est ce que Lacan appelle le réel, qui ne peut pas se dire, mais qui peut se musiquer, se chanter, se dessiner. Donc c'est une des bases de l'art-thérapie, cette idée-là, bien sûr. Mais ça ne peut pas se traduire en mots raisonnables. Bien sûr, on peut dire « oui, ça évoque le battement du cœur » , mais ce que ça nous fait à nous, ça nous renvoie à des choses tellement profondes et qui viennent de si loin, bien avant notre naissance, et qui vont en plus se poursuivre après notre mort.

  • Myriam Sellam

    Et tant mieux !

  • France Schott-Billmann

    Heureusement, si l'homme ne fait pas trop de bêtises.

  • Myriam Sellam

    Et justement, comment ça se fait que cette transe, vous dites qu'elle a des bienfaits. C'est quoi ces bienfaits ? Au niveau scientifique, ça a été prouvé ?

  • France Schott-Billmann

    Oui, tout à fait. Déjà, ça revivifie. Et je pense qu'il y a aussi une dimension symbolique, inconsciente, parce que le battement du cœur... Vous savez que le bébé, après la naissance, ce que fait la mère, si l'accouchement n'a pas été trop médicalisé, elle met l'enfant contre son cœur. Et c'est très important pour l'enfant. Ça l'aide à avoir envie de vivre. Parce que tous les nourrissons n'ont pas forcément envie de vivre. Et donc c'est très important le contact avec ce battement du cœur, avec cette pulsation. Ça revigore complètement. Est-ce que c'est parce qu'on fait le rapprochement avec le battement du cœur ? Ou est-ce que c'est plus physique que psychique ? Je ne sais pas. Mais en tout cas, ça fonctionne énormément. Et en effet, les gens, quand ils entendent la pulsation, il y a quelque chose qui se passe. Quand je dis la pulsation... Ça veut dire vraiment une régularité. C'est la cadence, ce battement du cœur, c'est comme le geste des rameurs. C'est un va-et-vient qui se répète, comme le souffle respiratoire. C'est à partir de ça que vraiment, il y a une énergie qui se... D'ailleurs Dionysos, qui est le dieu du rythme, c'était Eros en même temps. La pulsion de vie. Ce que les grecs appelaient Eros, c'est la pulsion de vie. Donc c'est la libido, mais pas que sexuelle bien sûr. Le sexe il est... embarqué là-dedans, mais c'est vraiment la vie, le désir de vivre et même de survivre, je dirais, puisque c'est l'amour aussi, voilà. Ce qui se transmet aussi aux descendants et qui font qu'eux aussi vont vouloir transmettre, etc. Et ces danses-là ne sont pas des danses tristes, c'est au service de la célébration de la vie et pas forcément que de sa vie personnelle.

  • Myriam Sellam

    Oui, parce qu'on est en groupe, donc on se connecte à l'autre.

  • France Schott-Billmann

    On se connecte à l'autre et on sait que pour chaque individu, ça va finir un jour. mais que ça va continuer avec les générations suivantes. Et ce n'est pas qu'une transmission biologique, c'est aussi une transmission culturelle, parce que ce que la mère transmet à l'enfant, quand elle le berce, par exemple, ou elle l'allait, mais elle l'allait en même temps, elle chante, elle parle, etc., elle lui transmet de la culture en même temps. Donc c'est un processus tellement naturel et anthropologique, je pourrais dire, et qui a été sélectionné par la sélection naturelle, puisque ça fait des... C'est Castoriadis qui disait que ça doit faire 3 millions d'années. que les mères bercent leur bébé, parce que déjà les mamans singes le font aussi avec leur bébé, sauf que ça prend sens chez l'être humain différemment, évidemment. Donc on commence par la perception du battement du cœur, union avec la musique, synchronie avec le groupe. Et puis, quand ils disent « on savait danser » , on dit « non, il manque quand même quelque chose, c'est les gestes » . Souvent, on commence par les paroles de la chanson qu'on est en train de chanter, tout simplement. Parce que les patients, ils ne savent pas quoi faire. Si vous dites à des patients d'improviser, alors là, c'est... C'est la panique avant. Vous les angoissez. Mais oui, c'est vraiment, il faut le savoir, ça. Parce qu'il y a des danse-thérapeutes qui pensent toujours qu'il faut faire de l'improvisation, alors que c'est une partie infime de ce qui fait vraiment thérapie. Et en tout cas, les patients, ce n'est pas de ça qu'ils ont besoin. C'est clair qu'ils ont besoin d'abord de se relier aux autres, parce qu'ils crèvent de solitude, ou ils sont enfermés dans leur bulle, ou dans leur dépression. Ils ont besoin de se relier aux autres. Et puis, ils ont besoin de mettre... du sens dans ce qu'ils sont en train de vivre. Et c'est à ça que servent les gestes. Par exemple, récemment, on était parti d'une berceuse haïtienne qui différencie le rôle du père et de la mère. Mais comme « Fais dodo comme un petit frère » , maman est en haut qui fait du gâteau, papa est en bas qui fait du chocolat, il y a toute une éducation dans ces chansons par les mots, par le fait qu'on met de la différence. Il y a un père, il y a une mère, et ça ne veut pas dire un papa et une maman, mais on met de la différence. On ne fait pas la même chose si on envoie le geste en haut et il n'est pas en bas, etc. Donc c'est très important de créer de la différence. La berceuse déjà, ça crée de la différence. Droite-gauche, un temps pour aller, un temps pour revenir, ça crée de la différence. Mais c'est implicite. C'est-à-dire qu'on ne dit pas aux gens qu'on est en train de vous créer de la différence parce que ça va organiser votre pensée, ça va organiser votre relation à l'autre. Mais le fait est que ça fait ça. Puis après, on met des gestes qui sont du langage en fait. Si on fait le guerrier, on fait le guerrier. Et puis on ne va pas s'amuser à interpréter contre qui tu es en train de te bagarrer là. Surtout pas, ce n'est pas de la psychothérapie. L'art-thérapie, ça passe par l'inconscient. Ça s'adresse à l'inconscient et ça reste au niveau inconscient. Ça vraiment, j'y insiste beaucoup, parce que l'art-thérapie, ce n'est pas de la psychothérapie à mon avis. Et donc on met très peu de mots d'ailleurs dans cette histoire-là. Ou quand on met des mots, c'est des mots mythologiques. Ah, qu'est-ce qu'il a fait le guerrier là ? Donc on va prendre un mythe par exemple, ou des héros.

  • Myriam Sellam

    Oui, finalement des icônes, des personnages dans lesquels on peut se... S'inspirer.

  • France Schott-Billmann

    Se reconnaître. S'inspirer, c'est ça. Donc ça donne l'occasion d'exprimer toutes sortes d'émotions refoulées. Prendre le guerrier par exemple, ça permet en effet de sortir. Les gens vont tout de suite penser à l'agressivité, mais c'est surtout déjà affirmation de soi. Au point qu'il y a des personnes qui ont la maladie de Parkinson par exemple. La première fois que j'ai fait devant des médecins, avant que cette forme de thérapie entre dans les hôpitaux, j'avais deux personnes en fauteuil roulant. qui se sont levés parce qu'ils voulaient faire les guerriers. Souvent, je fais deux tribus, une de chaque côté, très contrastées. Par exemple, les guerriers et les princesses. Ce jour-là, ils avaient voulu faire ça. Alors les princesses avaient trouvé des gestes gracieux, etc. Et puis les guerriers ne savaient pas quoi faire et m'ont dit « Ah, tu sais faire le haka des Polynésiens ? » Moi, je ne sais pas bien le faire, mais j'ai fait un truc. Ils ont commencé à faire ça et galvanisés, c'est même pas de l'agressivité, c'est de l'affirmation de soi, c'est le réveil de la pulsion de vie. Donc on fait toutes sortes de figures comme ça, et puis c'est plus ou moins adapté aussi au niveau possible des gens. Avec les adolescents, on peut faire des choses plus complexes déjà, des enchaînements, des choses comme ça. Parce que maintenant, les adolescents sont très rythmiques. De toute façon, la musique qui marche le mieux actuellement, c'est le rap. Et le hip-hop, c'est très intéressant parce que c'était, j'ai raconté ça dans Le Besoin de Danser, c'était une thérapie spontanée que se sont inventées ces gens des ghettos pour exprimer leur violence, plutôt que de se taper dessus ou de taper sur les flics, de faire cette musique qui est effectivement très saccadée, très énergique, et cette danse très saccadée, très énergique, c'est un bel exemple de sublimation. Alors là, Freud, il aurait été ravi.

  • Myriam Sellam

    On peut utiliser le rap comme une danse populaire finalement.

  • France Schott-Billmann

    Tout à fait, c'est la fonction des danses populaires d'autrefois. Sauf que les danses populaires d'autrefois, elles avaient un sens dans un contexte culturel qui n'est plus du tout celui d'aujourd'hui. Donc, à mon avis, ça ne suffit pas pour faire danse-thérapie, les danses populaires, même si elles ont des tas de qualités, effectivement, de réveil de la vie, de socialisation, mais au niveau symbolique, au niveau d'un langage vraiment qui prend en compte les problèmes d'aujourd'hui. c'est peut-être pas l'idéal. Enfin, je vous dis ça.

  • Myriam Sellam

    Si justement, on fait le parallélisme avec ce que vous vous proposez, vous mettez aussi cette symbolisation qui fait les archétypes, les personnages, qui va faire la différence, c'est ça ?

  • France Schott-Billmann

    Avec les danses traditionnelles, oui. C'est aussi que la pulsation, elle a plus d'énergie parce qu'elle a quand même cette origine africaine. Il faut savoir qu'en Europe, nous, on a été victime d'une grande répression de nos danses populaires. Pierre Le Gendre qui a fait toute une étude là-dessus, vraiment c'était très important. Pas seulement le clergé, on dit toujours c'est le clergé, mais c'était aussi le roi qui a voulu chasser complètement la culture paysanne, les jacqueries, tout ça. Et donc on a affadé vraiment nos danses par rapport à ce qu'elles étaient au temps du Moyen-Âge.

  • Myriam Sellam

    Et toute cette richesse du coup.

  • France Schott-Billmann

    Oui, tout un terreau populaire qui est vraiment cet enracinement. terre ce côté primitif a disparu de nos danses alors qu'on en avait besoin et qu'on s'appuie on avait besoin et on a besoin de transe alors on l'a trouvé quand même dans la valse dans les cadres y tout ça c'est quand même très exaltant mais ça va pas aussi loin que la primitivité donc

  • Myriam Sellam

    c'est grâce à cette primitivité qu'on arrive justement à cet état de conscience modifiée et cet état de conscience modifiée il va amener quoi concrètement qu'on soit malade ou pas j'ai envie d

  • France Schott-Billmann

    Ah oui, bien sûr, en danse-thérapie, on n'a pas que des malades.

  • Myriam Sellam

    On est d'accord. Et nous-mêmes danseurs, je pense que forcément, si on est amené à replonger toujours dans la danse, c'est bien que ça nous fait du bien. Et c'est pour ça qu'on est aussi passionnés, pour ne pas dire des fois où on attend notre dose.

  • France Schott-Billmann

    Tout à fait. On peut être addict à ça d'ailleurs.

  • Myriam Sellam

    Je pense l'être moi, en tout cas.

  • France Schott-Billmann

    Vous allez dans les raves parties ?

  • Myriam Sellam

    Non, moi, j'aime ça. Pas forcément les rêves, mais... L'électro, je vois très bien.

  • France Schott-Billmann

    Moi aussi, j'adore.

  • Myriam Sellam

    Où il y a effectivement ces basses, où on commence à sortir, où on sent une espèce de trance, et comme vous dites, il y a cet effet de groupe. C'est-à-dire qu'on n'a pas envie d'y aller tout seul, danser seul chez soi, ça n'a pas d'intérêt.

  • France Schott-Billmann

    Je suis tout à fait d'accord. Combien de fois je dis ça à des gens qui me disent « Non, mais ils dansent, ils sont tout seuls. » Sauf qu'on ne fait pas ça dans sa chambre.

  • Myriam Sellam

    Jamais.

  • France Schott-Billmann

    Et je pense qu'il se passe quelque chose de très important quand... qu'on vit aussi en expression primitive, c'est qu'il y a une dénarcissisation, et Dieu sait qu'on en a besoin actuellement, parce qu'on est une société terriblement narcissique, égoïste, individualiste, et il y a une communion autour de quelque chose d'essentiel, qui est la source de la vie. Il y a même des ravers qui se collent à la pulsation, ils deviennent cette vie, cette source de vie, au point de se démolir les oreilles, en toute connaissance de cause, ils le savent, ils se font du mal. Mais ils sont aspirés par ça.

  • Myriam Sellam

    Effectivement, et donc on a besoin de ça, d'autant plus quand finalement ça va mal, c'est le meilleur médicament finalement.

  • France Schott-Billmann

    Oui, d'ailleurs c'est toujours dans les périodes de crise ou de guerre qu'on danse le plus, parce qu'on est trop content d'être encore vivant.

  • Myriam Sellam

    Et voilà, nous arrivons à la fin de cette première partie de notre échange avec France Schott-Billmann. Ce voyage nous a montré à quel point le rythme et le mouvement sont ancrés en nous depuis toujours, depuis notre premier battement de cœur. Elle nous a montré aussi combien la danse peut être une véritable source de guérison. Alors que vous soyez danseur aguerri ou simple amateur, souvenez-vous, la danse est un langage instinctif, un retour à l'essentiel. à un moment où l'on s'abandonne pour mieux se retrouver. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour poursuivre cette plongée au cœur du mouvement. D'ici là, si cet épisode vous a plu, pensez à laisser un petit 5 étoiles sur votre plateforme d'écoute préférée. Prenez soin de vous et à la semaine prochaine.

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Description


Et si la danse était bien plus qu’un simple mouvement ? Si elle était une pulsion de vie, une force capable de réveiller notre corps, d’apaiser notre esprit et de nous reconnecter à nous-mêmes ?


Dans cet épisode fascinant, je reçois France Schott-Billmann, psychanalyste et pionnière de la danse-thérapie, qui nous plonge au cœur des pouvoirs ancestraux du rythme et du mouvement. Ensemble, nous explorons comment la danse, depuis les rituels traditionnels jusqu’à la transe contemporaine, peut libérer nos émotions, stimuler notre énergie et même favoriser la guérison.


De l’expression primitive aux cérémonies vaudou, en passant par le rôle du battement du cœur et la magie de la pulsation collective, cet épisode vous invite à ressentir, vibrer et redécouvrir la danse sous un nouveau prisme.


💫 Prêt(e) à embarquer pour un voyage sensoriel et puissant ?


Appuyez sur ▶️ et laissez-vous porter par le rythme…


Vous pouvez retrouver toutes les informations sur ses prochains ateliers sur son site :

www.atelierdugesterythme.com



Le compte instagram du podcast : https://www.instagram.com/lessensdeladanse.podcast/

Le compte facebook du podcast : https://www.facebook.com/lessensdeladanse.podcast


Très belle écoute !





Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Myriam Sellam

    Les Sens de la danse, le podcast qui met de la conscience dans le mouvement. Bonjour à tous. Ça y est, nous voilà repartis pour une nouvelle saison, et je suis vraiment ravie de vous retrouver pour de nouveaux échanges, de nouveaux formats, et surtout une nouvelle temporalité. Car désormais vous allez pouvoir me retrouver chaque semaine pour un nouvel épisode des Sens de la danse. Alors, pour ouvrir le bal... j'ai le plaisir de recevoir une célèbre danse-thérapeute : France Schott-Billmann. Véritable pionnière dans l'art-thérapie, elle est psychanalyste et enseigne à l'université Paris Descartes. Elle a écrit des ouvrages, dont La Thérapie par la danse rythmée. Les Bienfaits de la transe, que j'ai littéralement dévoré. En le lisant, j'ai ressenti quelque chose de très fort. Vous savez, ce moment où la musique vous traverse, où le rythme devient une énergie qui fait vibrer le corps et l'âme. Elle a su mettre des mots sur ce ressenti tellement puissant qui a rendu pour moi la danse vitale. À travers la transe, France Schott-Billmann a développé une méthode qui nous reconnecte à notre pulsion de vie en nous reliant tout simplement à la pulsation de notre cœur.

  • France Schott-Billmann

    Quand il entend la pulsation... Il y a quelque chose qui se passe. Quand je dis la pulsation, ça veut dire vraiment une régularité. C'est la cadence, ce battement du cœur, c'est comme le geste des rameurs. C'est un va-et-vient qui se répète, qui se répète comme le souffle respiratoire. C'est vraiment la vie, le désir de vivre. C'est l'amour aussi, voilà. Ce qui se transmet aussi aux descendants et qui fait qu'eux aussi vont vouloir transmettre, etc. Et ces danses-là ne sont pas des danses tristes.

  • Myriam Sellam

    Aujourd'hui... On va se relier à notre pulsation, celle du cœur, pour nous relier à notre pulsion de vie. Un retour à nos souvenirs originels, pour ne pas dire transgénérationnels, qui a le pouvoir de nous guérir, que l'on soit malade ou pas. Aujourd'hui, nous allons faire place à la transe pour nous relier à notre être profond. C'est le voyage qu'elle nous propose, et comme souvent, nous aurons plusieurs escales. Cette fois-ci, ce sera le continent africain. Alors, avant de commencer, je vous invite à vous abonner et à laisser 5 étoiles. Votre soutien est essentiel, vous le savez, pour que ce podcast continue de grandir. Alors un grand merci pour votre fidélité et je vous souhaite une très belle écoute. Bonjour France.

  • France Schott-Billmann

    Bonjour Myriam.

  • Myriam Sellam

    Comment allez-vous aujourd'hui ?

  • France Schott-Billmann

    Ça va très bien.

  • Myriam Sellam

    Je suis vraiment ravie d'abord, sachez-le, de vous recevoir sur ce podcast. Est-ce que vous pourriez me dire d'abord votre premier souvenir de danse ? Est-ce que vous vous en rappelez ?

  • France Schott-Billmann

    Oui, je m'en souviens très bien. Comme toutes les petites filles de bonne famille, disons, j'ai fait de la danse classique. Autant qu'on peut en faire quand on a 3-4 ans. Et je me souviens de madame, je crois qu'elle s'appelait Roubalov. Enfin, c'était une Russe, évidemment. Oui, évidemment. Qui était très rythmique. Et 1, et 2, et 3, et 4. Mais elle s'impliquait. Elle s'impliquait corporellement, elle aussi. Parce qu'après, j'ai eu d'autres professeurs de danse classique qui restaient habillés et qui disaient la même chose. Et un, et deux, et trois, et quatre, pose étendue, reposée, pliée, qui ne se déshabillaient pas. Là, elle s'impliquait et elle m'a transmis une certaine flamme. Déjà ? Disons qu'elle a réveillé une certaine flamme qui, je pense, remontait à plus loin.

  • Myriam Sellam

    À plus loin, c'est-à-dire ? C'est quand ?

  • France Schott-Billmann

    Peut-être comme tous les bébés, mais moi, je suis d'origine alsacienne. Et c'est en Alsace qu'il y a eu la première forme de danse-rythme-thérapie, la thérapie de la danse de Saint-Guy, qui était une chorée désordonnée au Moyen-Âge. On emmenait les malades en pèlerinage dansant jusqu'à une chapelle à Saverne, qui est ma ville natale, qui s'appelle la chapelle Saint-Guy, un peu l'ancêtre de la danse rythme-thérapie, parce que mon idée, c'était toujours que la danse-thérapie n'a pas commencé en 1954 aux Etats-Unis, mais que ça existe depuis toujours sous d'autres noms, évidemment.

  • Myriam Sellam

    Donc vous é tiez dès votre plus jeune âge, finalement, sensibilisée à ça, au rythme.

  • France Schott-Billmann

    Alors c'est passé à la fois par le fait que j'ai toujours fait des danses rythmées.

  • Myriam Sellam

    D'accord. Vous faisiez quoi,

  • France Schott-Billmann

    J'ai eu la chance, étant dans l'Est de la France, donc un peu sous l'influence des enseignements rythmiques des Suisses, Dalcroze, des gens comme ça, qui ont vraiment fait un enseignement très structuré, très scientifique des rythmes. Et là-bas, il y a toute une éducation rythmique qui allait jusqu'en Alsace, je ne sais pas pourquoi. Donc c'était des danses très joyeuses, très mélodiques en même temps, mais très rythmées. Et on avait des espèces de petits chaussons. Ce n'était pas les chaussons à pointe de la danse classique, mais c'était très agréable vraiment. Donc j'ai fait ça pendant 3-4 ans. Après, quand j'étais ado, mes parents m'ont inscrite à des danses de société. À l'époque, c'était le boogie, bien sûr toujours aussi le tango, la valse, les universaux.

  • Myriam Sellam

    C'était du tango argentin ?

  • France Schott-Billmann

    Non. C'est l'autre tango ? Vous savez, on faisait deux pas d'un côté, un pas de l'autre, ce genre-là. On se laissait quand même entraîner par la musique. Et je crois que mes premières expériences de trans, c'était à ce moment-là. Vraiment, je partais moi sur la musique. Donc ça, c'était la période de danse de société que j'ai beaucoup aimée. D'autant plus qu'elles étaient se danser en couple. Oui. Et donc, c'était l'époque où j'étais ado. Donc voilà, c'était... Donc c'est une manière de rencontrer. C'est quand même une des fonctions de la danse. Ben oui, bien sûr. Et après, pourquoi est-ce que je suis venue à la danse contemporaine ? Oui, il y a eu un gap là. Je n'ai pas vraiment beaucoup dansé. J'ai fait des études de biologie. Et puis j'ai accouché de ma fille et j'ai eu des problèmes de dos. Et le médecin m'a dit, ah là il faudrait quand même refaire du sport. Et puis j'ai rencontré une de mes amies en baladant mon bébé au Luxembourg, voilà, comme elle. Qui m'a dit, ah tu sais à la Scola Cantorum, il y a de la danse contemporaine avec Karin Waehner, qui est une élève de Marie Wigman. Bon, elle est morte maintenant Karin. Et j'ai fait plusieurs années avec elle. Je ne me suis pas appropriée cette danse-là.

  • Myriam Sellam

    La danse contemporaine.

  • France Schott-Billmann

    Parce que pour moi, elle n'est pas assez rythmée et c'est un peu trop cérébral pour moi. Voilà. Mais c'était intéressant. Comme disait Karin, il y a tout à faire avec vous. Placer le corps et tout. Elle disait ça à beaucoup de monde, il faut dire. C'est un peu... Oui, c'était une Allemande. L'école de Marie Wigman, le dos plat. Même à mon âge, je le fais encore parfaitement parce qu'on faisait ça avec la règle. Ah, dis donc. Et puis, elle nous tapait dessus si c'était pas... Ah oui, ça lance bien. Pas méchamment. D'accord, d'accord, ça va. Mais quand même. Et puis, c'est dans ce cours-là que j'ai entendu de certains élèves qui fréquentaient aussi le centre américain, qui était Boulevard Raspail à l'époque, là où il y a maintenant la Fondation Cartier, et qui était vraiment un lieu fantastique où il y avait tous les modes d'expression underground, le free jazz, tout ce qui se faisait à New York, mais qui n'était pas tellement bien vu des Blancs, s'est exporté à Paris. Et donc, les élèves chez Karin parlaient de ce cours d'expression primitive animé par Herns Duplan, qui est un chorégraphe haïtien. Et donc, je suis allé voir. Et alors là, j'ai été sous le choc tout de suite parce que ça n'avait rien à voir avec les cours de Karin. C'est très tribal.

  • Myriam Sellam

    Primitif, donc il y a quelque chose de très dans la terre.

  • France Schott-Billmann

    Voilà, dans la terre et avec des gestes symboliques. On faisait les grands animaux, les grands fauves, des guerriers, toutes sortes de personnages mythologiques. Puisque Haïti, c'est le pays du vaudou. Donc le vaudou, qui a souvent mauvaise presse en Europe, parce qu'on ne voit que l'aspect sorcellerie, qui est en fait lié à toutes les religions. Le christianisme aussi a son aspect sorcellerie. Il n'y a qu'à aller voir dans les campagnes françaises comment ça se pratique. Donc il utilisait beaucoup les figures des divinités vaudous. Parce que c'est un panthéon, un peu comme en Grèce antique. Dans tous les panthéons, il y a toujours un dieu de la guerre, une déesse de l'amour, un dieu serpent. pas mal de dieux animaux. Donc lui, il n'était pas pratiquant vaudou, mais il utilisait ça déjà comme archétype. Il cherchait vraiment les universaux. Et ce cours avait un succès fou, c'était dans les années 75. Il y avait 50 personnes à son cours, il y avait plusieurs percussionnistes. C'était impressionnant. Et on met la voix en même temps. On chante. Alors lui, avec lui, ce n'était pas tellement du chant. Moi, j'ai introduit le chant après, la mélodie. Mais lui, c'était surtout des « ou » , des « a » , des « he » . C'était vraiment une énergie virile. D'ailleurs, il disait « je veux un corps bandé » . Ah d'accord. On lui disait : « Oui, mais nous, les femmes, enfin bon, comment fait-on ? »

  • Myriam Sellam

    Comment fait-on ?

  • France Schott-Billmann

    Mais bon, il transmettait vraiment une énergie fantastique. Alors, je suis restée sept ans son assistante.

  • Myriam Sellam

    D'accord. Donc, vous avez beaucoup appris à ses côtés.

  • France Schott-Billmann

    Oui, j'ai beaucoup appris. L'Expression primitive, en fait, ça a ceci de particulier, qu'on n'apprend pas tellement. On retrouve des choses qu'on a en nous, en fait.

  • Myriam Sellam

    On ressent.

  • France Schott-Billmann

    Et là, effectivement, j'ai été convaincue par son idée d'universalité, parce que moi, j'avais rien, enfin, j'ai rien d'haïtien.

  • Myriam Sellam

    Pas comme ça, en tout cas.

  • France Schott-Billmann

    Rien de commun, en fait, avec sa culture, apparemment, en tout cas. Et pourtant, c'est moi qui l'a choisie pour être son assistante à l'époque. Donc, je pense que ça réveillait en moi quelque chose de primitif. qui vient peut-être, je vous disais, de mes ancêtres alsaciens qui ont fait la danse de Saint-Guy, je ne sais pas. Et puis il parlait beaucoup aussi de l'esclavage, c'est une énergie de rébellion.

  • Myriam Sellam

    C'est politique finalement.

  • France Schott-Billmann

    Tout ce qui est autour de la pulsation, oui c'est politique, même dans nos contrées. Le rock, le hip-hop, le rap, tout ça, c'est quand même des énergies d'affirmation de soi. Et la très forte affirmation de soi, ça va vite vers la rébellion. Et parallèlement à ça, je faisais une thèse. Parce qu'après la biologie, je suis partie vers la psycho après 68 et ma thèse portait sur la comparaison entre les formes de danse-thérapie traditionnelle et la psychanalyse. Parce qu'en fait je suis partie sur la piste ouverte par Claude Lévi-Strauss quand il compare chamanisme et psychanalyse. Sauf qu'il ne s'est pas vraiment intéressé au corps, lui ce qui l'intéressait surtout c'était les récits que font les chamanes. qui sont des récits symboliques, qui mettent en métaphore les troubles des patients, en métaphore mythologique, pas n'importe quelle métaphore, mais il n'avait pas abordé l'aspect rythme. Même s'il parle quand même du fait que le chaman, dans le récit qu'il fait aux patients, il répète beaucoup, il a un rythme haletant, il répète par exemple, des tas de fois "le chaman est entré dans la hutte de la malade". Il y a quelque chose de rythmique, d'hypnotique. Mais bon, il n'a pas approfondi du tout cet aspect-là. Ce n'était pas celui qui l'intéressait le plus. Et comme je faisais de la danse par ailleurs, j'ai été voir les danses dans tous ces pays où on pratique des cultes de possession.

  • Myriam Sellam

    Donc vous êtes allée où ? Faites-nous voyager !

  • France Schott-Billmann

    J'ai fait d'abord plusieurs pays d'Afrique.

  • Myriam Sellam

    Le Bénin.

  • France Schott-Billmann

    Le Togo, le Bénin, parce que c'est vraiment la source du vaudou.

  • Myriam Sellam

    Tout à fait.

  • France Schott-Billmann

    Parce que le vaudou haïtien est en fait évidemment d'origine africaine. Puisque c'est les malheureux qui ont été emmenés en esclavage de l'autre côté de l'Atlantique qui ont emmené ça avec eux. C'était tout ce qu'on leur laissait, c'était le vaudou. Parce que ça distrayait les Blancs. Les danses distrayaient les Blancs. C'est très choquant, mais voilà, c'est comme ça.

  • Myriam Sellam

    J'imagine que ça a dû être des expériences assez incroyables.

  • France Schott-Billmann

    Oui, c'était assez incroyable, parce que pour entrer dans ces cérémonies, les Blancs ne sont pas évidemment persona grata, même si à l'époque, en payant, c'était encore possible. Depuis, ça ne l'est plus. Au Bénin, ça ne l'est plus secret, depuis quelques années. Oui, parce que... Et ça, c'est une bonne chose. Les Africains se sont rendus compte de la valeur de leur culture. Et maintenant, c'est presque un produit touristique, le vaudou au Bénin. Je n'ai pas de contact avec le Togo, mais j'ai des amis qui vont souvent au Bénin. Il faut y aller au mois de janvier d'ailleurs, parce que c'est là que se passent toutes les grandes cérémonies. Et elles sont spectaculaires. Pas forcément dans les temples vaudous. Ça peut se passer dans les carrefours, dans des lieux importants comme ça. Il y a des divinités qui surgissent. qui ont des costumes absolument extraordinaires. Il y en a un, par exemple, c'est Sakpata. Il tourne, il a un immense costume fait de fibre de raffia. Et quand il tourne, il a absolument l'air d'une toupie. Et alors, on voit cette toupie qui se déplace comme ça. Et bien sûr, on ne sait pas qui est dessous, puisque normalement, c'est la divinité. Bien sûr, c'est un personnage humain, mais c'est des danseurs extraordinaires qui sont là-dessous. Et donc, les danses sont fantastiques. Dans un culte thérapeutique, évidemment, il n'y a pas que la danse. Parce qu'encore maintenant, la danse-thérapie, il faut aussi, ça va rejoindre le titre de votre podcast, il faut que ça ait du sens. Et le sens pour eux, c'est les divinités, et c'est les histoires de ces divinités qui en fait donnent du sens aux histoires des hommes. Parce que c'est les mêmes histoires, des histoires d'amour, des jalousies, des meurtres, mais des belles choses aussi. Et en particulier, c'est... très très très artistique. Les couleurs, les danses elles-mêmes.

  • Myriam Sellam

    C'est quand même hyper impressionnant.

  • France Schott-Billmann

    C'est hyper impressionnant. Hyper impressionnant. Et puis, quand c'est dans un temple vaudou, le cadre aussi est impressionnant parce qu'il y a des sacrifices. Déjà, pour entrer, il faut faire un sacrifice. Qui n'est pas seulement d'argent. Par rapport à la psychanalyse qui est un sacrifice d'argent. Là, il faut vraiment payer de sa personne. Moi, j'ai dû tuer un oiseau. Enfin, on m'a donné un oiseau en main. Puis il faut appuyer, on nous dit d'appuyer à certains endroits. L'oiseau tombe. Et selon le côté où il tombe, on va vous dire ceci ou cela. Après, ils vous font ce qu'ils appellent le pha. C'est la divination. Ils jettent des coquillages, les coris, vous savez, ces petites porcelaines. C'est des coquillages qui s'appellent des porcelaines,

  • Myriam Sellam

    c'est pas en porcelaine.

  • France Schott-Billmann

    Ils les jettent dans le sable, et c'est un peu comme le hiki, selon la constellation qui est formée, ils vont vous dire des choses. Et bien sûr, les choses qui m'ont été dites, c'est qu'il faudrait faire une initiation. Alors j'ai fait un tout petit bout d'initiation.

  • Myriam Sellam

    Initiation à quoi ? Au vaudou ?

  • France Schott-Billmann

    Oui. D'accord. C'est pas vraiment au vaudou, mais c'est un rituel où j'ai dû cracher dans une calbasse, on m'a coupé la moitié des cheveux, les ongles, qu'est-ce qu'ils ont fait encore ? Ils ont touillé dans la calbasse, j'ai dû cracher, et puis on m'a déshabillée, et c'était vraiment, j'étais seule avec le prêtre et deux acolytes. Et il m'a dit, maintenant tu vas aller jusqu'à la rivière avec la calbasse pour tout jeter dans le fleuve. Et ils m'ont mis un paille que j'ai dû enlever dans la rivière. Alors je ne vous dirais pas, je n'étais pas rassurée parce qu'avec les deux acolytes derrière. En fait, ça crée des fantasmes très archaïques. Pas tellement d'être violée, mais j'avais peur d'être mangée, je me rappelle. Dans un fleuve en Afrique, avec deux gars derrière. Interdiction de se retourner, comme Orphée. Enfin voilà, c'était une petite initiation. Ils ne m'ont pas demandé plus. Après, j'avais le droit d'aller dans les cérémonies, d'être ami avec les divinités qui s'incarnaient.

  • Myriam Sellam

    Qu'est-ce que ça vous a apporté, justement, ce genre d'expérience comme ça ?

  • France Schott-Billmann

    Un grand ouversement, parce que moi, je suis une famille de scientifiques, quand même. Ça paraît totalement irrationnel. Et puis, tout le contexte va avec. Les gens chez qui j'étais logé, alors que c'était... des gens qui ont des professions genre avocat, juge, etc. me disaient que le soir, ils entendaient les pas de leur sœur morte sur la terrasse, enfin des choses comme ça. Donc, tous les soirs, je venais à mon mari pour me rassurer. Donc, c'est très impressionnant parce que ces divinités qui s'incarnent dans les humains, les transforment complètement. C'est-à-dire, ils ne sont plus eux-mêmes. Ils deviennent vraiment le dieu qu'ils incarnent. Donc, le corps se met à faire des performances qui peuvent paraître surnaturelles. En tout cas qu'on ne mobilise pas en temps ordinaire. On voit des vieillards qui se mettent à grimper aux arbres, des choses extraordinaires. Des personnes malades, toutes percluses, qui tout à coup font des danses, des performances vraiment dignes de danseurs de haut niveau. Et puis ça donne une impression de surnaturel en fait. Oui, tout à fait. Donc c'est tout à fait bouleversant, dérangeant. Et puis... Ça peut faire peur.

  • Myriam Sellam

    Bien sûr. On a l'impression d'avoir face à la folie finalement quelque part.

  • France Schott-Billmann

    Face à... Oui, dans la mesure où on se dit mais s'ils perdaient leur contrôle. Je me rappelle qu'une fois dans une cérémonie, alors en tant qu'étrangère on m'avait mise au premier rang, c'était pas grand et il y avait un danseur là, enfin c'était pas un danseur professionnel, quelqu'un qui s'est mis à danser. Il était possédé par un dieu tigre. Et ce dieu tigre, il avait un couteau entre les dents. Et il passait devant moi, mais vraiment au ras. Au ras du visage. J'avais vraiment peur. Après, il l'a pris dans ses mains et il faisait jongler avec son couteau. Ça fait peur. Mais ils sont comme les somnambules, en fait. Vous savez qu'ils tombent jamais des toits si on ne les réveille pas. Là, c'est pareil. Ils ont une précision. Mais ils ne sont pas eux-mêmes. Alors j'avais fait des petites expériences. J'en avais photographié certains que je revoyais après dans la vie quotidienne où ils sont tout à fait différents, évidemment. Et je leur montre les photos, ils ne se reconnaissent pas. Ils ne se reconnaissent pas. C'est le Dieu, machin, chose. Donc voilà, c'est assez extraordinaire. Et évidemment, au niveau de la danse, ça leur donne une présence qui n'est pas la leur, qui est celle du Dieu. Donc l'autre en soi, c'est... Très impressionnant parce que bien sûr les dieux qui s'incarnent, ce n'est pas complètement étranger à ce qu'ils sont. C'est vraiment comme l'inconscient dans la psychanalyse. C'est quelque chose qu'on a en soi mais qu'on ne connaît pas. Mais quand il prend possession de nous, il nous fait faire des trucs. Mais oui, c'est des états psychotiques, c'est des états de folie. Mais de folie contrôlée, ritualisée. Et puis il y a un prêtre qui surveille tout ça, qui est le garant. Alors pas seulement le prêtre, mais il y a beaucoup d'assistants aussi.

  • Myriam Sellam

    En tout cas, il y a un cadre.

  • France Schott-Billmann

    Ah oui, il y a un cadre très important. Tout ça était très étonnant pour moi, qui était une 68 arde. Déjà de voir que tout ça était très codifié. Parce que je pensais, comme beaucoup d'Occidentaux, que la trance, c'est n'importe quoi. Enfin, on se laisse aller complètement. Pas du tout. Et ces cérémonies, c'est des véritables musées vivants. Puisque l'initiation, pour chacun, consiste à finalement s'imprégner de la danse du Dieu, telle qu'elle se fait depuis des siècles. Alors bien sûr, chacun met ses petites variations. Parce qu'on ne peut pas faire autrement. On est créatif spontanément, je veux dire. Mais vraiment, le cadre, c'est la gestuelle du dieu de la guerre. Elle est établie depuis je ne sais combien de temps.

  • Myriam Sellam

    C'est-à-dire qu'il y a une chorégraphie ?

  • France Schott-Billmann

    Oui, il y a une chorégraphie pour chaque divinité. Ah,

  • Myriam Sellam

    donc il y a des pas précis.

  • France Schott-Billmann

    Il y a des pas précis, des gestuelles précises, des rythmes précis. Et pour les faire descendre...

  • Myriam Sellam

    Attendez, France, ça veut dire que... chaque personne qui rentre en trance fait exactement les mêmes pas que la dernière fois que le dieu est arrivé.

  • France Schott-Billmann

    Oui.

  • Myriam Sellam

    C'est incroyable.

  • France Schott-Billmann

    Et quand il s'incarne en plusieurs personnes, ce qui peut arriver, j'ai fait des vidéos à l'époque, par exemple le dieu de la pluie, qui a un costume rayé en plus, comme des gouttes de pluie. Parce que quand ils sont possédés, on leur met les habits du dieu.

  • Myriam Sellam

    Et puis un masque, non ? Souvent.

  • France Schott-Billmann

    Oui, souvent un masque, mais pas toujours. Pas toujours. Et donc, ils font exactement les mêmes pas. Ils sont trois, ils font exactement les mêmes pas, et dans le sable ça fait des... parce que c'est souvent sableux le sol, dans le sable ça fait vraiment des empreintes absolument extraordinaires, parce que c'est d'une régularité, on dirait un tableau abstrait.

  • Myriam Sellam

    Donc ils sont synchronisés ?

  • France Schott-Billmann

    Complètement synchronisés, et chaque dieu a sa danse. Alors la danse de la déesse de l'amour n'est pas du tout la même que celle du dieu de la guerre. Le dieu de la guerre c'est... Viril. Vraiment le corps bandé comme dit Herns Duplan. Et donc, dans leur conception de la maladie, c'est le Dieu qui envoie la maladie. Parce que, il est courroucé, on ne sait pas pourquoi. Souvent, on ne sait pas pourquoi. Ce n'est pas forcément la personne elle-même qui a commis une faute. Ça peut être quelqu'un du groupe, ça peut être un de ses ancêtres. Je vais penser aux choses de la Bible, voilà, il sera puni jusqu'à la septième génération. En tout cas, il ne sait pas quel est le Dieu. On ne peut pas dire qu'il y a par exemple le dieu de la guerre qui donnerait mal à la tête.

  • Myriam Sellam

    Il n'y a pas les symptômes qui sont associés.

  • France Schott-Billmann

    Voilà, ils ne sont pas associés au dieu. Donc il s'agit de diagnostiquer quel est le dieu Kouroussé pour pouvoir entrer en dialogue avec lui et puis savoir pourquoi il est fâché et puis qu'est-ce qu'il faut faire pour réparer. Pour diagnostiquer le dieu, ce qui est extraordinaire, parce qu'on va retrouver ça aussi dans le tarantisme en Europe, on fait venir les musiciens et on joue les airs. des différents dieux et le public chante les hymnes des différents dieux. Et quand le malade entend, c'est son inconscient qui entend, c'est son corps, ce n'est pas lui. Il n'est pas, enfin je veux dire, lui, il ne sait pas quel est le dieu, mais il réagit. Il réagit, donc on sait que c'est ce dieu-là.

  • Myriam Sellam

    Il est comme appelé ?

  • France Schott-Billmann

    Reconnu. Le dieu est reconnu et il est reconnu par le groupe. Alors, qu'est-ce qu'il faut faire pour apaiser le dieu ? Pour apaiser le dieu, il faut lui faire un rituel. Et ce rituel, ça va être pas que la danse, mais la danse fait partie bien sûr du rituel. On peut dire que la danse c'est un rituel. La danse quand elle est sacrée, comme ça, c'est un rituel. Et le rituel, il faut toujours qu'il soit bien fait. Ça, dans tous les livres d'anthropologie aussi que j'ai lus après, c'est partout dans le monde, si le rituel n'est pas bien fait, le dieu n'est pas content, les symptômes continuent. Alors on réfléchit beaucoup, les arts thérapeutes, sur ce que c'est aussi un rituel bien fait. Pour moi en particulier, il faut qu'il soit beau, parce que quand même c'est le langage des dieux, on ne fait pas n'importe quoi. Pour Freud, ce serait la sublimation, c'est-à-dire l'art en fait. Mais il faut aussi qu'il suive un certain ordre de rituel. Donc j'ai un peu découvert tout ça avec un grand étonnement. Et puis je suis allée aussi au Sénégal, où c'est des variantes de tout ça, mais les principes c'est toujours les mêmes. On appelle les dieux pour qu'ils viennent sur Terre. guérir puisqu'ils ont cette faculté à la fois de donner la maladie mais aussi de la guérir s'ils sont contents. Les fautes souvent ça peut être d'avoir pas honoré l'hôtel des ancêtres et ça va aussi plonger dans des abîmes de réflexion parce que je suis psychanalyste ça me faisait penser aussi à la phrase de Jung qui disait nos maladies sont des dieux que nous avons négligé. Parce que pour les psychanalystes, les dieux sont des symboles d'épulsion. Je vous disais, il y a un dieu de la guerre, un dieu de l'amour, partout, dans tous les panthéons. D'ailleurs, avec les étudiants, moi je leur fais toujours un petit peu rappeler quels étaient les attributs et les prérogatives de chaque dieu grec. Il y avait aussi un dieu de la guerre, (Arès, Mars) une déesse de l'amour, Aphrodite, Vénus, un dieu de la beauté, un dieu messager, Hermès. Et il est très important aussi dans tous les panthéons, le messager, parce que c'est vraiment lui qui fait le lien entre les dieux et les hommes. Et le prêtre aussi, bien sûr, fait ce lien. Là-bas, ça s'appelle les Oungans, en Afrique, et les femmes prêtresses, parce qu'il y a des femmes aussi, tout autant d'ailleurs, les Mambo. On connaît plus, en fait, aujourd'hui, le terme chaman, qui est aussi ce guérisseur qui se met en relation avec les puissances... Divines. Puissances divines, enfin surnaturelles. Surnaturel, pas tant que ça finalement, puisque c'est la nature qui est divine. Tout ça, c'est la perspective animiste, c'est-à-dire que derrière chaque chose, il y a un esprit ou une divinité ou une âme. Animisme, c'est une âme. Actuellement, on redécouvre beaucoup ce système thérapeutique, parce qu'il est très juste en fait.

  • Myriam Sellam

    Alors justement, comment est-ce que vous, vous arrivez avec tous ces voyages pour mettre en place finalement votre danse rythme thérapie ?

  • France Schott-Billmann

    Alors, je ne sais pas si c'était pour ça, peut-être qu'inconsciemment c'était pour ça, mais enfin, je voulais surtout finir ma thèse avec un sujet qui vraiment me passionnait, me passionne toujours, parce qu'on n'en finit jamais de travailler ces questions-là. Donc, en rentrant à Paris, je n'ai pas pensé tout de suite à l'expression primitive pour utiliser ça. Et en ce plan lui-même, qui avait été très influencée par Katherine Dunham. Katherine Dunham", c'est vraiment une grande pionnière de la danse afro. On appelait ça la black dance aux Etats-Unis, la danse afro-américaine. En même temps, elle a été anthropologue et elle a travaillé beaucoup sur le vaudou, justement. Elle s'inspirait beaucoup des danses vaudou dans ses ballets, dans les années 50. Et Hans Duplan a été son élève et donc il a beaucoup travaillé avec elle aussi.

  • Myriam Sellam

    Donc votre professeur.

  • France Schott-Billmann

    Donc mon professeur. Et tous les deux, aussi bien Catherine Denham... Alors qu'elle est absolument contemporaine de Marianne Chase, qui a inventé la danse mouvement-thérapie en Amérique, elle ne se voulait pas du tout dans ce thérapeute. Elle disait « Non, moi je suis artiste. » C'est la grande question de savoir, est-ce que c'est artiste ou thérapeute ? Ou alors est-ce qu'on peut penser, comme disait Le Clésio, qu'un jour on saura qu'il n'y avait pas de médecine, il n'y avait que de l'art ? Ce n'est pas du tout incompatible. Mais bon, en tout cas à l'époque, lui ne se voulait absolument pas dans ce thérapeute, mais artiste. Et j'ai dû quand même réfléchir beaucoup. Le jour où je me suis dit, mais l'expression primitive, ça pourrait marcher, puisque c'est aussi les représentations des pulsions, ces grands archétypes. Puis cette pulsation qui est universelle, le battement du cœur, ces choses qui parlent à tout le monde. Et donc là, je me suis dit, mais on ne peut pas faire du vaudou à Paris, ça, ce n'est pas possible. C'est compliqué. Même si c'est des archétypes, surtout un pays comme la France, quand même, on serait fait traiter de secte. Et donc, j'ai cherché à le théoriser autrement que religieusement. Et avec l'anthropologie et la psychanalyse, c'était relativement facile. Et donc c'est comme ça que ça a démarré, mais il n'était pas trop d'accord, Herns Duplan. Donc j'ai quand même modifié des choses par rapport à ce qu'il faisait lui. Je n'ai probablement pas l'énergie fantastique qu'il avait, mais je pense que je suis resté vraiment dans la ligne primitiviste, c'est-à-dire rechercher un essentiel, sous les diversités culturelles, vraiment chercher un tronc commun.

  • Myriam Sellam

    Justement, alors c'est quoi ce tronc commun ? Parce qu'il y a quand même un processus dans lequel moi, en tout cas, je me suis retrouvée en tant que danseuse amateur complètement. Mais où on ressent ces sensations qui, juste là, je n'arrivais pas à mettre des mots en fait. Et si je vous suis bien, tout commence finalement par la musique.

  • France Schott-Billmann

    Tout commence par la musique et la musique est indissociable de ce qu'on fait. Le rythme en particulier. C'est pour ça qu'on a tenu à se différencier de la danse mouvement thérapique et le courant américain, qui est beaucoup plus basé sur la danse contemporaine. Là, vraiment, le rythme est essentiel et on est marié avec le rythme. C'est jamais un bruit de fond, il n'est pas là pour décorer, il est vraiment constituant même du mouvement.

  • Myriam Sellam

    C'est la colonne vertébrale.

  • France Schott-Billmann

    Oui, c'est la colonne vertébrale. Alors la pulsation, sur laquelle il insistait beaucoup, toujours jouée au tambour. Donc la pulsation, c'est le battement. Et on retrouve ça dans toutes les musiques populaires. C'est Souriau, l'esthéticien Souriau, qui met sur le même plan les danses populaires et les danses tribales, primitives. Parce que justement, elles ont ces points communs qui sont cette répétition de la pulsation, qui lui renvoie plutôt au souffle respiratoire, le va-et-vient. On inspire, on expire, on inspire, on expire. Et dans la danse, on va faire un déplacement vers la droite, un déplacement vers la gauche. Dans les danses populaires, c'est beaucoup ça. Ou en avant, en arrière. Et donc, quand on fait ça même avec des patients, puisque maintenant ça se fait beaucoup dans les hôpitaux, y compris avec des patients parkinsoniens. J'ai eu l'ancienne élève, Svetlana Panova, qui fait ça à l'hôpital de la Salpêtrière. Elle a des résultats extraordinaires. Parce que les patients découvrent que finalement ils avaient ça en eux. C'est inné. Et très souvent c'est absolument inné. Et très souvent ils font ça tout naturellement. On leur fait taper un rythme d'une musique simple. Tout le monde peut le faire. Même les psychotiques dans les hôpitaux, tout le monde peut le faire. Après on les fait balancer sur cette musique. Et ils disent finalement on savait danser.

  • Myriam Sellam

    Tout le monde sait danser finalement.

  • France Schott-Billmann

    Tout le monde sait danser.

  • Myriam Sellam

    Et j'aime beaucoup ce que vous dites. Vous dites tout le monde est danseur parce que vivant.

  • France Schott-Billmann

    Et parce qu'ayant passé déjà neuf mois dans le ventre de la mère, où il a été pulsé par le battement du cœur de la mère. Donc pulsé, impulsé, massé, massé rythmiquement et balancé par la respiration, le souffle de la mère. D'ailleurs les grecs qui avaient tout compris disaient que Dionysos, qui est vraiment le dieu qui représente l'être humain en fait, à la fois mortel, chacun est mortel. mais immortel quant à son espèce. Il dansait déjà dans le ventre de la mère, mais on a tous fait ça. On a tous été d'abord danser et ensuite on s'est approprié ces mouvements. Parce que c'est ce que fait la mère après. Toutes les mères du monde ont inventé ce procédé absolument génial qui est de s'appuyer sur ces rythmes qui sont des rythmes biologiques, naturels, le battement du coeur que le foetus aperçu pendant neuf mois et après... ça va tout naturellement dans les chansons, dans les berceuses. La berceuse, j'ai l'habitude de dire que c'est la première danse qu'on a connue dans les bras d'un autre humain.

  • Myriam Sellam

    C'est tout à fait ça.

  • France Schott-Billmann

    Vous dites, ça met des mots sur ce qu'on ressent. Mais effectivement, je pense que c'est ça que les gens ressentent. Ils revivent quelque chose qui est une mémoire archaïque que nous avons tous en nous. Et ensuite, on s'aperçoit que de le faire avec d'autres, ça crée un autre nouveau corps, un grand corps commun. qui est ce sentiment d'appartenance à un groupe,

  • Myriam Sellam

    à une communauté.

  • France Schott-Billmann

    Donc il faut que le geste soit répétitif, le rythme soit répétitif. Ce qui a en plus l'intérêt de mettre les gens dans cet état second, très enthousiaste.

  • Myriam Sellam

    Cette transe dont on parle, on retrouve finalement dans le voyage.

  • France Schott-Billmann

    Exactement, voilà. Donc on voyage dans son inconscient, quelque part. Et ça libère complètement l'esprit, effectivement, on peut voyager. Le geste devient complètement automatique, comme le battement du cœur. Heureusement, on n'a pas besoin de réfléchir pour faire battre son cœur. Ça continue tout seul. C'est pareil, ces gestes simples, répétitifs, ils continuent tout seuls.

  • Myriam Sellam

    Oui, parce que ce que vous dites dans votre livre, c'est que finalement, cette musique répétitive va faire que tous les organes vitaux vont finalement se synchroniser à cette musique. C'est incroyable.

  • France Schott-Billmann

    Ça ne veut pas dire qu'ils vont battre au même rythme. Mais ils vont s'accorder.

  • Myriam Sellam

    Ce qui est différent.

  • France Schott-Billmann

    Comme l'enfant s'accorde au rythme de la mère, l'accordage c'est très important. Et on s'accorde du coup aussi émotionnellement.

  • Myriam Sellam

    Et finalement, on fait qu'un. C'est un peu ça qui fait qu'on passe de cette synchronisation à la trance. Qu'est-ce qui fait le passage entre « Ok, j'entends cette musique, elle me rappelle sans doute, comme vous dites, quelque chose de très... » très ancien, très archaïque. Je suis de manière innée danseur, je danse, et ça m'amène à un état d'exaltation.

  • France Schott-Billmann

    Sauf qu'on ne se dit pas tout ça.

  • Myriam Sellam

    Bien sûr !

  • France Schott-Billmann

    On le sent, et pour vous qui parlez des sens de la danse, le sens, ce n'est pas la signification. C'est quelque chose qui nous vient d'avant les mots. Donc, ce n'est pas quelque chose de formulable. C'est ce que Lacan appelle le réel, qui ne peut pas se dire, mais qui peut se musiquer, se chanter, se dessiner. Donc c'est une des bases de l'art-thérapie, cette idée-là, bien sûr. Mais ça ne peut pas se traduire en mots raisonnables. Bien sûr, on peut dire « oui, ça évoque le battement du cœur » , mais ce que ça nous fait à nous, ça nous renvoie à des choses tellement profondes et qui viennent de si loin, bien avant notre naissance, et qui vont en plus se poursuivre après notre mort.

  • Myriam Sellam

    Et tant mieux !

  • France Schott-Billmann

    Heureusement, si l'homme ne fait pas trop de bêtises.

  • Myriam Sellam

    Et justement, comment ça se fait que cette transe, vous dites qu'elle a des bienfaits. C'est quoi ces bienfaits ? Au niveau scientifique, ça a été prouvé ?

  • France Schott-Billmann

    Oui, tout à fait. Déjà, ça revivifie. Et je pense qu'il y a aussi une dimension symbolique, inconsciente, parce que le battement du cœur... Vous savez que le bébé, après la naissance, ce que fait la mère, si l'accouchement n'a pas été trop médicalisé, elle met l'enfant contre son cœur. Et c'est très important pour l'enfant. Ça l'aide à avoir envie de vivre. Parce que tous les nourrissons n'ont pas forcément envie de vivre. Et donc c'est très important le contact avec ce battement du cœur, avec cette pulsation. Ça revigore complètement. Est-ce que c'est parce qu'on fait le rapprochement avec le battement du cœur ? Ou est-ce que c'est plus physique que psychique ? Je ne sais pas. Mais en tout cas, ça fonctionne énormément. Et en effet, les gens, quand ils entendent la pulsation, il y a quelque chose qui se passe. Quand je dis la pulsation... Ça veut dire vraiment une régularité. C'est la cadence, ce battement du cœur, c'est comme le geste des rameurs. C'est un va-et-vient qui se répète, comme le souffle respiratoire. C'est à partir de ça que vraiment, il y a une énergie qui se... D'ailleurs Dionysos, qui est le dieu du rythme, c'était Eros en même temps. La pulsion de vie. Ce que les grecs appelaient Eros, c'est la pulsion de vie. Donc c'est la libido, mais pas que sexuelle bien sûr. Le sexe il est... embarqué là-dedans, mais c'est vraiment la vie, le désir de vivre et même de survivre, je dirais, puisque c'est l'amour aussi, voilà. Ce qui se transmet aussi aux descendants et qui font qu'eux aussi vont vouloir transmettre, etc. Et ces danses-là ne sont pas des danses tristes, c'est au service de la célébration de la vie et pas forcément que de sa vie personnelle.

  • Myriam Sellam

    Oui, parce qu'on est en groupe, donc on se connecte à l'autre.

  • France Schott-Billmann

    On se connecte à l'autre et on sait que pour chaque individu, ça va finir un jour. mais que ça va continuer avec les générations suivantes. Et ce n'est pas qu'une transmission biologique, c'est aussi une transmission culturelle, parce que ce que la mère transmet à l'enfant, quand elle le berce, par exemple, ou elle l'allait, mais elle l'allait en même temps, elle chante, elle parle, etc., elle lui transmet de la culture en même temps. Donc c'est un processus tellement naturel et anthropologique, je pourrais dire, et qui a été sélectionné par la sélection naturelle, puisque ça fait des... C'est Castoriadis qui disait que ça doit faire 3 millions d'années. que les mères bercent leur bébé, parce que déjà les mamans singes le font aussi avec leur bébé, sauf que ça prend sens chez l'être humain différemment, évidemment. Donc on commence par la perception du battement du cœur, union avec la musique, synchronie avec le groupe. Et puis, quand ils disent « on savait danser » , on dit « non, il manque quand même quelque chose, c'est les gestes » . Souvent, on commence par les paroles de la chanson qu'on est en train de chanter, tout simplement. Parce que les patients, ils ne savent pas quoi faire. Si vous dites à des patients d'improviser, alors là, c'est... C'est la panique avant. Vous les angoissez. Mais oui, c'est vraiment, il faut le savoir, ça. Parce qu'il y a des danse-thérapeutes qui pensent toujours qu'il faut faire de l'improvisation, alors que c'est une partie infime de ce qui fait vraiment thérapie. Et en tout cas, les patients, ce n'est pas de ça qu'ils ont besoin. C'est clair qu'ils ont besoin d'abord de se relier aux autres, parce qu'ils crèvent de solitude, ou ils sont enfermés dans leur bulle, ou dans leur dépression. Ils ont besoin de se relier aux autres. Et puis, ils ont besoin de mettre... du sens dans ce qu'ils sont en train de vivre. Et c'est à ça que servent les gestes. Par exemple, récemment, on était parti d'une berceuse haïtienne qui différencie le rôle du père et de la mère. Mais comme « Fais dodo comme un petit frère » , maman est en haut qui fait du gâteau, papa est en bas qui fait du chocolat, il y a toute une éducation dans ces chansons par les mots, par le fait qu'on met de la différence. Il y a un père, il y a une mère, et ça ne veut pas dire un papa et une maman, mais on met de la différence. On ne fait pas la même chose si on envoie le geste en haut et il n'est pas en bas, etc. Donc c'est très important de créer de la différence. La berceuse déjà, ça crée de la différence. Droite-gauche, un temps pour aller, un temps pour revenir, ça crée de la différence. Mais c'est implicite. C'est-à-dire qu'on ne dit pas aux gens qu'on est en train de vous créer de la différence parce que ça va organiser votre pensée, ça va organiser votre relation à l'autre. Mais le fait est que ça fait ça. Puis après, on met des gestes qui sont du langage en fait. Si on fait le guerrier, on fait le guerrier. Et puis on ne va pas s'amuser à interpréter contre qui tu es en train de te bagarrer là. Surtout pas, ce n'est pas de la psychothérapie. L'art-thérapie, ça passe par l'inconscient. Ça s'adresse à l'inconscient et ça reste au niveau inconscient. Ça vraiment, j'y insiste beaucoup, parce que l'art-thérapie, ce n'est pas de la psychothérapie à mon avis. Et donc on met très peu de mots d'ailleurs dans cette histoire-là. Ou quand on met des mots, c'est des mots mythologiques. Ah, qu'est-ce qu'il a fait le guerrier là ? Donc on va prendre un mythe par exemple, ou des héros.

  • Myriam Sellam

    Oui, finalement des icônes, des personnages dans lesquels on peut se... S'inspirer.

  • France Schott-Billmann

    Se reconnaître. S'inspirer, c'est ça. Donc ça donne l'occasion d'exprimer toutes sortes d'émotions refoulées. Prendre le guerrier par exemple, ça permet en effet de sortir. Les gens vont tout de suite penser à l'agressivité, mais c'est surtout déjà affirmation de soi. Au point qu'il y a des personnes qui ont la maladie de Parkinson par exemple. La première fois que j'ai fait devant des médecins, avant que cette forme de thérapie entre dans les hôpitaux, j'avais deux personnes en fauteuil roulant. qui se sont levés parce qu'ils voulaient faire les guerriers. Souvent, je fais deux tribus, une de chaque côté, très contrastées. Par exemple, les guerriers et les princesses. Ce jour-là, ils avaient voulu faire ça. Alors les princesses avaient trouvé des gestes gracieux, etc. Et puis les guerriers ne savaient pas quoi faire et m'ont dit « Ah, tu sais faire le haka des Polynésiens ? » Moi, je ne sais pas bien le faire, mais j'ai fait un truc. Ils ont commencé à faire ça et galvanisés, c'est même pas de l'agressivité, c'est de l'affirmation de soi, c'est le réveil de la pulsion de vie. Donc on fait toutes sortes de figures comme ça, et puis c'est plus ou moins adapté aussi au niveau possible des gens. Avec les adolescents, on peut faire des choses plus complexes déjà, des enchaînements, des choses comme ça. Parce que maintenant, les adolescents sont très rythmiques. De toute façon, la musique qui marche le mieux actuellement, c'est le rap. Et le hip-hop, c'est très intéressant parce que c'était, j'ai raconté ça dans Le Besoin de Danser, c'était une thérapie spontanée que se sont inventées ces gens des ghettos pour exprimer leur violence, plutôt que de se taper dessus ou de taper sur les flics, de faire cette musique qui est effectivement très saccadée, très énergique, et cette danse très saccadée, très énergique, c'est un bel exemple de sublimation. Alors là, Freud, il aurait été ravi.

  • Myriam Sellam

    On peut utiliser le rap comme une danse populaire finalement.

  • France Schott-Billmann

    Tout à fait, c'est la fonction des danses populaires d'autrefois. Sauf que les danses populaires d'autrefois, elles avaient un sens dans un contexte culturel qui n'est plus du tout celui d'aujourd'hui. Donc, à mon avis, ça ne suffit pas pour faire danse-thérapie, les danses populaires, même si elles ont des tas de qualités, effectivement, de réveil de la vie, de socialisation, mais au niveau symbolique, au niveau d'un langage vraiment qui prend en compte les problèmes d'aujourd'hui. c'est peut-être pas l'idéal. Enfin, je vous dis ça.

  • Myriam Sellam

    Si justement, on fait le parallélisme avec ce que vous vous proposez, vous mettez aussi cette symbolisation qui fait les archétypes, les personnages, qui va faire la différence, c'est ça ?

  • France Schott-Billmann

    Avec les danses traditionnelles, oui. C'est aussi que la pulsation, elle a plus d'énergie parce qu'elle a quand même cette origine africaine. Il faut savoir qu'en Europe, nous, on a été victime d'une grande répression de nos danses populaires. Pierre Le Gendre qui a fait toute une étude là-dessus, vraiment c'était très important. Pas seulement le clergé, on dit toujours c'est le clergé, mais c'était aussi le roi qui a voulu chasser complètement la culture paysanne, les jacqueries, tout ça. Et donc on a affadé vraiment nos danses par rapport à ce qu'elles étaient au temps du Moyen-Âge.

  • Myriam Sellam

    Et toute cette richesse du coup.

  • France Schott-Billmann

    Oui, tout un terreau populaire qui est vraiment cet enracinement. terre ce côté primitif a disparu de nos danses alors qu'on en avait besoin et qu'on s'appuie on avait besoin et on a besoin de transe alors on l'a trouvé quand même dans la valse dans les cadres y tout ça c'est quand même très exaltant mais ça va pas aussi loin que la primitivité donc

  • Myriam Sellam

    c'est grâce à cette primitivité qu'on arrive justement à cet état de conscience modifiée et cet état de conscience modifiée il va amener quoi concrètement qu'on soit malade ou pas j'ai envie d

  • France Schott-Billmann

    Ah oui, bien sûr, en danse-thérapie, on n'a pas que des malades.

  • Myriam Sellam

    On est d'accord. Et nous-mêmes danseurs, je pense que forcément, si on est amené à replonger toujours dans la danse, c'est bien que ça nous fait du bien. Et c'est pour ça qu'on est aussi passionnés, pour ne pas dire des fois où on attend notre dose.

  • France Schott-Billmann

    Tout à fait. On peut être addict à ça d'ailleurs.

  • Myriam Sellam

    Je pense l'être moi, en tout cas.

  • France Schott-Billmann

    Vous allez dans les raves parties ?

  • Myriam Sellam

    Non, moi, j'aime ça. Pas forcément les rêves, mais... L'électro, je vois très bien.

  • France Schott-Billmann

    Moi aussi, j'adore.

  • Myriam Sellam

    Où il y a effectivement ces basses, où on commence à sortir, où on sent une espèce de trance, et comme vous dites, il y a cet effet de groupe. C'est-à-dire qu'on n'a pas envie d'y aller tout seul, danser seul chez soi, ça n'a pas d'intérêt.

  • France Schott-Billmann

    Je suis tout à fait d'accord. Combien de fois je dis ça à des gens qui me disent « Non, mais ils dansent, ils sont tout seuls. » Sauf qu'on ne fait pas ça dans sa chambre.

  • Myriam Sellam

    Jamais.

  • France Schott-Billmann

    Et je pense qu'il se passe quelque chose de très important quand... qu'on vit aussi en expression primitive, c'est qu'il y a une dénarcissisation, et Dieu sait qu'on en a besoin actuellement, parce qu'on est une société terriblement narcissique, égoïste, individualiste, et il y a une communion autour de quelque chose d'essentiel, qui est la source de la vie. Il y a même des ravers qui se collent à la pulsation, ils deviennent cette vie, cette source de vie, au point de se démolir les oreilles, en toute connaissance de cause, ils le savent, ils se font du mal. Mais ils sont aspirés par ça.

  • Myriam Sellam

    Effectivement, et donc on a besoin de ça, d'autant plus quand finalement ça va mal, c'est le meilleur médicament finalement.

  • France Schott-Billmann

    Oui, d'ailleurs c'est toujours dans les périodes de crise ou de guerre qu'on danse le plus, parce qu'on est trop content d'être encore vivant.

  • Myriam Sellam

    Et voilà, nous arrivons à la fin de cette première partie de notre échange avec France Schott-Billmann. Ce voyage nous a montré à quel point le rythme et le mouvement sont ancrés en nous depuis toujours, depuis notre premier battement de cœur. Elle nous a montré aussi combien la danse peut être une véritable source de guérison. Alors que vous soyez danseur aguerri ou simple amateur, souvenez-vous, la danse est un langage instinctif, un retour à l'essentiel. à un moment où l'on s'abandonne pour mieux se retrouver. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour poursuivre cette plongée au cœur du mouvement. D'ici là, si cet épisode vous a plu, pensez à laisser un petit 5 étoiles sur votre plateforme d'écoute préférée. Prenez soin de vous et à la semaine prochaine.

Description


Et si la danse était bien plus qu’un simple mouvement ? Si elle était une pulsion de vie, une force capable de réveiller notre corps, d’apaiser notre esprit et de nous reconnecter à nous-mêmes ?


Dans cet épisode fascinant, je reçois France Schott-Billmann, psychanalyste et pionnière de la danse-thérapie, qui nous plonge au cœur des pouvoirs ancestraux du rythme et du mouvement. Ensemble, nous explorons comment la danse, depuis les rituels traditionnels jusqu’à la transe contemporaine, peut libérer nos émotions, stimuler notre énergie et même favoriser la guérison.


De l’expression primitive aux cérémonies vaudou, en passant par le rôle du battement du cœur et la magie de la pulsation collective, cet épisode vous invite à ressentir, vibrer et redécouvrir la danse sous un nouveau prisme.


💫 Prêt(e) à embarquer pour un voyage sensoriel et puissant ?


Appuyez sur ▶️ et laissez-vous porter par le rythme…


Vous pouvez retrouver toutes les informations sur ses prochains ateliers sur son site :

www.atelierdugesterythme.com



Le compte instagram du podcast : https://www.instagram.com/lessensdeladanse.podcast/

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Très belle écoute !





Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Myriam Sellam

    Les Sens de la danse, le podcast qui met de la conscience dans le mouvement. Bonjour à tous. Ça y est, nous voilà repartis pour une nouvelle saison, et je suis vraiment ravie de vous retrouver pour de nouveaux échanges, de nouveaux formats, et surtout une nouvelle temporalité. Car désormais vous allez pouvoir me retrouver chaque semaine pour un nouvel épisode des Sens de la danse. Alors, pour ouvrir le bal... j'ai le plaisir de recevoir une célèbre danse-thérapeute : France Schott-Billmann. Véritable pionnière dans l'art-thérapie, elle est psychanalyste et enseigne à l'université Paris Descartes. Elle a écrit des ouvrages, dont La Thérapie par la danse rythmée. Les Bienfaits de la transe, que j'ai littéralement dévoré. En le lisant, j'ai ressenti quelque chose de très fort. Vous savez, ce moment où la musique vous traverse, où le rythme devient une énergie qui fait vibrer le corps et l'âme. Elle a su mettre des mots sur ce ressenti tellement puissant qui a rendu pour moi la danse vitale. À travers la transe, France Schott-Billmann a développé une méthode qui nous reconnecte à notre pulsion de vie en nous reliant tout simplement à la pulsation de notre cœur.

  • France Schott-Billmann

    Quand il entend la pulsation... Il y a quelque chose qui se passe. Quand je dis la pulsation, ça veut dire vraiment une régularité. C'est la cadence, ce battement du cœur, c'est comme le geste des rameurs. C'est un va-et-vient qui se répète, qui se répète comme le souffle respiratoire. C'est vraiment la vie, le désir de vivre. C'est l'amour aussi, voilà. Ce qui se transmet aussi aux descendants et qui fait qu'eux aussi vont vouloir transmettre, etc. Et ces danses-là ne sont pas des danses tristes.

  • Myriam Sellam

    Aujourd'hui... On va se relier à notre pulsation, celle du cœur, pour nous relier à notre pulsion de vie. Un retour à nos souvenirs originels, pour ne pas dire transgénérationnels, qui a le pouvoir de nous guérir, que l'on soit malade ou pas. Aujourd'hui, nous allons faire place à la transe pour nous relier à notre être profond. C'est le voyage qu'elle nous propose, et comme souvent, nous aurons plusieurs escales. Cette fois-ci, ce sera le continent africain. Alors, avant de commencer, je vous invite à vous abonner et à laisser 5 étoiles. Votre soutien est essentiel, vous le savez, pour que ce podcast continue de grandir. Alors un grand merci pour votre fidélité et je vous souhaite une très belle écoute. Bonjour France.

  • France Schott-Billmann

    Bonjour Myriam.

  • Myriam Sellam

    Comment allez-vous aujourd'hui ?

  • France Schott-Billmann

    Ça va très bien.

  • Myriam Sellam

    Je suis vraiment ravie d'abord, sachez-le, de vous recevoir sur ce podcast. Est-ce que vous pourriez me dire d'abord votre premier souvenir de danse ? Est-ce que vous vous en rappelez ?

  • France Schott-Billmann

    Oui, je m'en souviens très bien. Comme toutes les petites filles de bonne famille, disons, j'ai fait de la danse classique. Autant qu'on peut en faire quand on a 3-4 ans. Et je me souviens de madame, je crois qu'elle s'appelait Roubalov. Enfin, c'était une Russe, évidemment. Oui, évidemment. Qui était très rythmique. Et 1, et 2, et 3, et 4. Mais elle s'impliquait. Elle s'impliquait corporellement, elle aussi. Parce qu'après, j'ai eu d'autres professeurs de danse classique qui restaient habillés et qui disaient la même chose. Et un, et deux, et trois, et quatre, pose étendue, reposée, pliée, qui ne se déshabillaient pas. Là, elle s'impliquait et elle m'a transmis une certaine flamme. Déjà ? Disons qu'elle a réveillé une certaine flamme qui, je pense, remontait à plus loin.

  • Myriam Sellam

    À plus loin, c'est-à-dire ? C'est quand ?

  • France Schott-Billmann

    Peut-être comme tous les bébés, mais moi, je suis d'origine alsacienne. Et c'est en Alsace qu'il y a eu la première forme de danse-rythme-thérapie, la thérapie de la danse de Saint-Guy, qui était une chorée désordonnée au Moyen-Âge. On emmenait les malades en pèlerinage dansant jusqu'à une chapelle à Saverne, qui est ma ville natale, qui s'appelle la chapelle Saint-Guy, un peu l'ancêtre de la danse rythme-thérapie, parce que mon idée, c'était toujours que la danse-thérapie n'a pas commencé en 1954 aux Etats-Unis, mais que ça existe depuis toujours sous d'autres noms, évidemment.

  • Myriam Sellam

    Donc vous é tiez dès votre plus jeune âge, finalement, sensibilisée à ça, au rythme.

  • France Schott-Billmann

    Alors c'est passé à la fois par le fait que j'ai toujours fait des danses rythmées.

  • Myriam Sellam

    D'accord. Vous faisiez quoi,

  • France Schott-Billmann

    J'ai eu la chance, étant dans l'Est de la France, donc un peu sous l'influence des enseignements rythmiques des Suisses, Dalcroze, des gens comme ça, qui ont vraiment fait un enseignement très structuré, très scientifique des rythmes. Et là-bas, il y a toute une éducation rythmique qui allait jusqu'en Alsace, je ne sais pas pourquoi. Donc c'était des danses très joyeuses, très mélodiques en même temps, mais très rythmées. Et on avait des espèces de petits chaussons. Ce n'était pas les chaussons à pointe de la danse classique, mais c'était très agréable vraiment. Donc j'ai fait ça pendant 3-4 ans. Après, quand j'étais ado, mes parents m'ont inscrite à des danses de société. À l'époque, c'était le boogie, bien sûr toujours aussi le tango, la valse, les universaux.

  • Myriam Sellam

    C'était du tango argentin ?

  • France Schott-Billmann

    Non. C'est l'autre tango ? Vous savez, on faisait deux pas d'un côté, un pas de l'autre, ce genre-là. On se laissait quand même entraîner par la musique. Et je crois que mes premières expériences de trans, c'était à ce moment-là. Vraiment, je partais moi sur la musique. Donc ça, c'était la période de danse de société que j'ai beaucoup aimée. D'autant plus qu'elles étaient se danser en couple. Oui. Et donc, c'était l'époque où j'étais ado. Donc voilà, c'était... Donc c'est une manière de rencontrer. C'est quand même une des fonctions de la danse. Ben oui, bien sûr. Et après, pourquoi est-ce que je suis venue à la danse contemporaine ? Oui, il y a eu un gap là. Je n'ai pas vraiment beaucoup dansé. J'ai fait des études de biologie. Et puis j'ai accouché de ma fille et j'ai eu des problèmes de dos. Et le médecin m'a dit, ah là il faudrait quand même refaire du sport. Et puis j'ai rencontré une de mes amies en baladant mon bébé au Luxembourg, voilà, comme elle. Qui m'a dit, ah tu sais à la Scola Cantorum, il y a de la danse contemporaine avec Karin Waehner, qui est une élève de Marie Wigman. Bon, elle est morte maintenant Karin. Et j'ai fait plusieurs années avec elle. Je ne me suis pas appropriée cette danse-là.

  • Myriam Sellam

    La danse contemporaine.

  • France Schott-Billmann

    Parce que pour moi, elle n'est pas assez rythmée et c'est un peu trop cérébral pour moi. Voilà. Mais c'était intéressant. Comme disait Karin, il y a tout à faire avec vous. Placer le corps et tout. Elle disait ça à beaucoup de monde, il faut dire. C'est un peu... Oui, c'était une Allemande. L'école de Marie Wigman, le dos plat. Même à mon âge, je le fais encore parfaitement parce qu'on faisait ça avec la règle. Ah, dis donc. Et puis, elle nous tapait dessus si c'était pas... Ah oui, ça lance bien. Pas méchamment. D'accord, d'accord, ça va. Mais quand même. Et puis, c'est dans ce cours-là que j'ai entendu de certains élèves qui fréquentaient aussi le centre américain, qui était Boulevard Raspail à l'époque, là où il y a maintenant la Fondation Cartier, et qui était vraiment un lieu fantastique où il y avait tous les modes d'expression underground, le free jazz, tout ce qui se faisait à New York, mais qui n'était pas tellement bien vu des Blancs, s'est exporté à Paris. Et donc, les élèves chez Karin parlaient de ce cours d'expression primitive animé par Herns Duplan, qui est un chorégraphe haïtien. Et donc, je suis allé voir. Et alors là, j'ai été sous le choc tout de suite parce que ça n'avait rien à voir avec les cours de Karin. C'est très tribal.

  • Myriam Sellam

    Primitif, donc il y a quelque chose de très dans la terre.

  • France Schott-Billmann

    Voilà, dans la terre et avec des gestes symboliques. On faisait les grands animaux, les grands fauves, des guerriers, toutes sortes de personnages mythologiques. Puisque Haïti, c'est le pays du vaudou. Donc le vaudou, qui a souvent mauvaise presse en Europe, parce qu'on ne voit que l'aspect sorcellerie, qui est en fait lié à toutes les religions. Le christianisme aussi a son aspect sorcellerie. Il n'y a qu'à aller voir dans les campagnes françaises comment ça se pratique. Donc il utilisait beaucoup les figures des divinités vaudous. Parce que c'est un panthéon, un peu comme en Grèce antique. Dans tous les panthéons, il y a toujours un dieu de la guerre, une déesse de l'amour, un dieu serpent. pas mal de dieux animaux. Donc lui, il n'était pas pratiquant vaudou, mais il utilisait ça déjà comme archétype. Il cherchait vraiment les universaux. Et ce cours avait un succès fou, c'était dans les années 75. Il y avait 50 personnes à son cours, il y avait plusieurs percussionnistes. C'était impressionnant. Et on met la voix en même temps. On chante. Alors lui, avec lui, ce n'était pas tellement du chant. Moi, j'ai introduit le chant après, la mélodie. Mais lui, c'était surtout des « ou » , des « a » , des « he » . C'était vraiment une énergie virile. D'ailleurs, il disait « je veux un corps bandé » . Ah d'accord. On lui disait : « Oui, mais nous, les femmes, enfin bon, comment fait-on ? »

  • Myriam Sellam

    Comment fait-on ?

  • France Schott-Billmann

    Mais bon, il transmettait vraiment une énergie fantastique. Alors, je suis restée sept ans son assistante.

  • Myriam Sellam

    D'accord. Donc, vous avez beaucoup appris à ses côtés.

  • France Schott-Billmann

    Oui, j'ai beaucoup appris. L'Expression primitive, en fait, ça a ceci de particulier, qu'on n'apprend pas tellement. On retrouve des choses qu'on a en nous, en fait.

  • Myriam Sellam

    On ressent.

  • France Schott-Billmann

    Et là, effectivement, j'ai été convaincue par son idée d'universalité, parce que moi, j'avais rien, enfin, j'ai rien d'haïtien.

  • Myriam Sellam

    Pas comme ça, en tout cas.

  • France Schott-Billmann

    Rien de commun, en fait, avec sa culture, apparemment, en tout cas. Et pourtant, c'est moi qui l'a choisie pour être son assistante à l'époque. Donc, je pense que ça réveillait en moi quelque chose de primitif. qui vient peut-être, je vous disais, de mes ancêtres alsaciens qui ont fait la danse de Saint-Guy, je ne sais pas. Et puis il parlait beaucoup aussi de l'esclavage, c'est une énergie de rébellion.

  • Myriam Sellam

    C'est politique finalement.

  • France Schott-Billmann

    Tout ce qui est autour de la pulsation, oui c'est politique, même dans nos contrées. Le rock, le hip-hop, le rap, tout ça, c'est quand même des énergies d'affirmation de soi. Et la très forte affirmation de soi, ça va vite vers la rébellion. Et parallèlement à ça, je faisais une thèse. Parce qu'après la biologie, je suis partie vers la psycho après 68 et ma thèse portait sur la comparaison entre les formes de danse-thérapie traditionnelle et la psychanalyse. Parce qu'en fait je suis partie sur la piste ouverte par Claude Lévi-Strauss quand il compare chamanisme et psychanalyse. Sauf qu'il ne s'est pas vraiment intéressé au corps, lui ce qui l'intéressait surtout c'était les récits que font les chamanes. qui sont des récits symboliques, qui mettent en métaphore les troubles des patients, en métaphore mythologique, pas n'importe quelle métaphore, mais il n'avait pas abordé l'aspect rythme. Même s'il parle quand même du fait que le chaman, dans le récit qu'il fait aux patients, il répète beaucoup, il a un rythme haletant, il répète par exemple, des tas de fois "le chaman est entré dans la hutte de la malade". Il y a quelque chose de rythmique, d'hypnotique. Mais bon, il n'a pas approfondi du tout cet aspect-là. Ce n'était pas celui qui l'intéressait le plus. Et comme je faisais de la danse par ailleurs, j'ai été voir les danses dans tous ces pays où on pratique des cultes de possession.

  • Myriam Sellam

    Donc vous êtes allée où ? Faites-nous voyager !

  • France Schott-Billmann

    J'ai fait d'abord plusieurs pays d'Afrique.

  • Myriam Sellam

    Le Bénin.

  • France Schott-Billmann

    Le Togo, le Bénin, parce que c'est vraiment la source du vaudou.

  • Myriam Sellam

    Tout à fait.

  • France Schott-Billmann

    Parce que le vaudou haïtien est en fait évidemment d'origine africaine. Puisque c'est les malheureux qui ont été emmenés en esclavage de l'autre côté de l'Atlantique qui ont emmené ça avec eux. C'était tout ce qu'on leur laissait, c'était le vaudou. Parce que ça distrayait les Blancs. Les danses distrayaient les Blancs. C'est très choquant, mais voilà, c'est comme ça.

  • Myriam Sellam

    J'imagine que ça a dû être des expériences assez incroyables.

  • France Schott-Billmann

    Oui, c'était assez incroyable, parce que pour entrer dans ces cérémonies, les Blancs ne sont pas évidemment persona grata, même si à l'époque, en payant, c'était encore possible. Depuis, ça ne l'est plus. Au Bénin, ça ne l'est plus secret, depuis quelques années. Oui, parce que... Et ça, c'est une bonne chose. Les Africains se sont rendus compte de la valeur de leur culture. Et maintenant, c'est presque un produit touristique, le vaudou au Bénin. Je n'ai pas de contact avec le Togo, mais j'ai des amis qui vont souvent au Bénin. Il faut y aller au mois de janvier d'ailleurs, parce que c'est là que se passent toutes les grandes cérémonies. Et elles sont spectaculaires. Pas forcément dans les temples vaudous. Ça peut se passer dans les carrefours, dans des lieux importants comme ça. Il y a des divinités qui surgissent. qui ont des costumes absolument extraordinaires. Il y en a un, par exemple, c'est Sakpata. Il tourne, il a un immense costume fait de fibre de raffia. Et quand il tourne, il a absolument l'air d'une toupie. Et alors, on voit cette toupie qui se déplace comme ça. Et bien sûr, on ne sait pas qui est dessous, puisque normalement, c'est la divinité. Bien sûr, c'est un personnage humain, mais c'est des danseurs extraordinaires qui sont là-dessous. Et donc, les danses sont fantastiques. Dans un culte thérapeutique, évidemment, il n'y a pas que la danse. Parce qu'encore maintenant, la danse-thérapie, il faut aussi, ça va rejoindre le titre de votre podcast, il faut que ça ait du sens. Et le sens pour eux, c'est les divinités, et c'est les histoires de ces divinités qui en fait donnent du sens aux histoires des hommes. Parce que c'est les mêmes histoires, des histoires d'amour, des jalousies, des meurtres, mais des belles choses aussi. Et en particulier, c'est... très très très artistique. Les couleurs, les danses elles-mêmes.

  • Myriam Sellam

    C'est quand même hyper impressionnant.

  • France Schott-Billmann

    C'est hyper impressionnant. Hyper impressionnant. Et puis, quand c'est dans un temple vaudou, le cadre aussi est impressionnant parce qu'il y a des sacrifices. Déjà, pour entrer, il faut faire un sacrifice. Qui n'est pas seulement d'argent. Par rapport à la psychanalyse qui est un sacrifice d'argent. Là, il faut vraiment payer de sa personne. Moi, j'ai dû tuer un oiseau. Enfin, on m'a donné un oiseau en main. Puis il faut appuyer, on nous dit d'appuyer à certains endroits. L'oiseau tombe. Et selon le côté où il tombe, on va vous dire ceci ou cela. Après, ils vous font ce qu'ils appellent le pha. C'est la divination. Ils jettent des coquillages, les coris, vous savez, ces petites porcelaines. C'est des coquillages qui s'appellent des porcelaines,

  • Myriam Sellam

    c'est pas en porcelaine.

  • France Schott-Billmann

    Ils les jettent dans le sable, et c'est un peu comme le hiki, selon la constellation qui est formée, ils vont vous dire des choses. Et bien sûr, les choses qui m'ont été dites, c'est qu'il faudrait faire une initiation. Alors j'ai fait un tout petit bout d'initiation.

  • Myriam Sellam

    Initiation à quoi ? Au vaudou ?

  • France Schott-Billmann

    Oui. D'accord. C'est pas vraiment au vaudou, mais c'est un rituel où j'ai dû cracher dans une calbasse, on m'a coupé la moitié des cheveux, les ongles, qu'est-ce qu'ils ont fait encore ? Ils ont touillé dans la calbasse, j'ai dû cracher, et puis on m'a déshabillée, et c'était vraiment, j'étais seule avec le prêtre et deux acolytes. Et il m'a dit, maintenant tu vas aller jusqu'à la rivière avec la calbasse pour tout jeter dans le fleuve. Et ils m'ont mis un paille que j'ai dû enlever dans la rivière. Alors je ne vous dirais pas, je n'étais pas rassurée parce qu'avec les deux acolytes derrière. En fait, ça crée des fantasmes très archaïques. Pas tellement d'être violée, mais j'avais peur d'être mangée, je me rappelle. Dans un fleuve en Afrique, avec deux gars derrière. Interdiction de se retourner, comme Orphée. Enfin voilà, c'était une petite initiation. Ils ne m'ont pas demandé plus. Après, j'avais le droit d'aller dans les cérémonies, d'être ami avec les divinités qui s'incarnaient.

  • Myriam Sellam

    Qu'est-ce que ça vous a apporté, justement, ce genre d'expérience comme ça ?

  • France Schott-Billmann

    Un grand ouversement, parce que moi, je suis une famille de scientifiques, quand même. Ça paraît totalement irrationnel. Et puis, tout le contexte va avec. Les gens chez qui j'étais logé, alors que c'était... des gens qui ont des professions genre avocat, juge, etc. me disaient que le soir, ils entendaient les pas de leur sœur morte sur la terrasse, enfin des choses comme ça. Donc, tous les soirs, je venais à mon mari pour me rassurer. Donc, c'est très impressionnant parce que ces divinités qui s'incarnent dans les humains, les transforment complètement. C'est-à-dire, ils ne sont plus eux-mêmes. Ils deviennent vraiment le dieu qu'ils incarnent. Donc, le corps se met à faire des performances qui peuvent paraître surnaturelles. En tout cas qu'on ne mobilise pas en temps ordinaire. On voit des vieillards qui se mettent à grimper aux arbres, des choses extraordinaires. Des personnes malades, toutes percluses, qui tout à coup font des danses, des performances vraiment dignes de danseurs de haut niveau. Et puis ça donne une impression de surnaturel en fait. Oui, tout à fait. Donc c'est tout à fait bouleversant, dérangeant. Et puis... Ça peut faire peur.

  • Myriam Sellam

    Bien sûr. On a l'impression d'avoir face à la folie finalement quelque part.

  • France Schott-Billmann

    Face à... Oui, dans la mesure où on se dit mais s'ils perdaient leur contrôle. Je me rappelle qu'une fois dans une cérémonie, alors en tant qu'étrangère on m'avait mise au premier rang, c'était pas grand et il y avait un danseur là, enfin c'était pas un danseur professionnel, quelqu'un qui s'est mis à danser. Il était possédé par un dieu tigre. Et ce dieu tigre, il avait un couteau entre les dents. Et il passait devant moi, mais vraiment au ras. Au ras du visage. J'avais vraiment peur. Après, il l'a pris dans ses mains et il faisait jongler avec son couteau. Ça fait peur. Mais ils sont comme les somnambules, en fait. Vous savez qu'ils tombent jamais des toits si on ne les réveille pas. Là, c'est pareil. Ils ont une précision. Mais ils ne sont pas eux-mêmes. Alors j'avais fait des petites expériences. J'en avais photographié certains que je revoyais après dans la vie quotidienne où ils sont tout à fait différents, évidemment. Et je leur montre les photos, ils ne se reconnaissent pas. Ils ne se reconnaissent pas. C'est le Dieu, machin, chose. Donc voilà, c'est assez extraordinaire. Et évidemment, au niveau de la danse, ça leur donne une présence qui n'est pas la leur, qui est celle du Dieu. Donc l'autre en soi, c'est... Très impressionnant parce que bien sûr les dieux qui s'incarnent, ce n'est pas complètement étranger à ce qu'ils sont. C'est vraiment comme l'inconscient dans la psychanalyse. C'est quelque chose qu'on a en soi mais qu'on ne connaît pas. Mais quand il prend possession de nous, il nous fait faire des trucs. Mais oui, c'est des états psychotiques, c'est des états de folie. Mais de folie contrôlée, ritualisée. Et puis il y a un prêtre qui surveille tout ça, qui est le garant. Alors pas seulement le prêtre, mais il y a beaucoup d'assistants aussi.

  • Myriam Sellam

    En tout cas, il y a un cadre.

  • France Schott-Billmann

    Ah oui, il y a un cadre très important. Tout ça était très étonnant pour moi, qui était une 68 arde. Déjà de voir que tout ça était très codifié. Parce que je pensais, comme beaucoup d'Occidentaux, que la trance, c'est n'importe quoi. Enfin, on se laisse aller complètement. Pas du tout. Et ces cérémonies, c'est des véritables musées vivants. Puisque l'initiation, pour chacun, consiste à finalement s'imprégner de la danse du Dieu, telle qu'elle se fait depuis des siècles. Alors bien sûr, chacun met ses petites variations. Parce qu'on ne peut pas faire autrement. On est créatif spontanément, je veux dire. Mais vraiment, le cadre, c'est la gestuelle du dieu de la guerre. Elle est établie depuis je ne sais combien de temps.

  • Myriam Sellam

    C'est-à-dire qu'il y a une chorégraphie ?

  • France Schott-Billmann

    Oui, il y a une chorégraphie pour chaque divinité. Ah,

  • Myriam Sellam

    donc il y a des pas précis.

  • France Schott-Billmann

    Il y a des pas précis, des gestuelles précises, des rythmes précis. Et pour les faire descendre...

  • Myriam Sellam

    Attendez, France, ça veut dire que... chaque personne qui rentre en trance fait exactement les mêmes pas que la dernière fois que le dieu est arrivé.

  • France Schott-Billmann

    Oui.

  • Myriam Sellam

    C'est incroyable.

  • France Schott-Billmann

    Et quand il s'incarne en plusieurs personnes, ce qui peut arriver, j'ai fait des vidéos à l'époque, par exemple le dieu de la pluie, qui a un costume rayé en plus, comme des gouttes de pluie. Parce que quand ils sont possédés, on leur met les habits du dieu.

  • Myriam Sellam

    Et puis un masque, non ? Souvent.

  • France Schott-Billmann

    Oui, souvent un masque, mais pas toujours. Pas toujours. Et donc, ils font exactement les mêmes pas. Ils sont trois, ils font exactement les mêmes pas, et dans le sable ça fait des... parce que c'est souvent sableux le sol, dans le sable ça fait vraiment des empreintes absolument extraordinaires, parce que c'est d'une régularité, on dirait un tableau abstrait.

  • Myriam Sellam

    Donc ils sont synchronisés ?

  • France Schott-Billmann

    Complètement synchronisés, et chaque dieu a sa danse. Alors la danse de la déesse de l'amour n'est pas du tout la même que celle du dieu de la guerre. Le dieu de la guerre c'est... Viril. Vraiment le corps bandé comme dit Herns Duplan. Et donc, dans leur conception de la maladie, c'est le Dieu qui envoie la maladie. Parce que, il est courroucé, on ne sait pas pourquoi. Souvent, on ne sait pas pourquoi. Ce n'est pas forcément la personne elle-même qui a commis une faute. Ça peut être quelqu'un du groupe, ça peut être un de ses ancêtres. Je vais penser aux choses de la Bible, voilà, il sera puni jusqu'à la septième génération. En tout cas, il ne sait pas quel est le Dieu. On ne peut pas dire qu'il y a par exemple le dieu de la guerre qui donnerait mal à la tête.

  • Myriam Sellam

    Il n'y a pas les symptômes qui sont associés.

  • France Schott-Billmann

    Voilà, ils ne sont pas associés au dieu. Donc il s'agit de diagnostiquer quel est le dieu Kouroussé pour pouvoir entrer en dialogue avec lui et puis savoir pourquoi il est fâché et puis qu'est-ce qu'il faut faire pour réparer. Pour diagnostiquer le dieu, ce qui est extraordinaire, parce qu'on va retrouver ça aussi dans le tarantisme en Europe, on fait venir les musiciens et on joue les airs. des différents dieux et le public chante les hymnes des différents dieux. Et quand le malade entend, c'est son inconscient qui entend, c'est son corps, ce n'est pas lui. Il n'est pas, enfin je veux dire, lui, il ne sait pas quel est le dieu, mais il réagit. Il réagit, donc on sait que c'est ce dieu-là.

  • Myriam Sellam

    Il est comme appelé ?

  • France Schott-Billmann

    Reconnu. Le dieu est reconnu et il est reconnu par le groupe. Alors, qu'est-ce qu'il faut faire pour apaiser le dieu ? Pour apaiser le dieu, il faut lui faire un rituel. Et ce rituel, ça va être pas que la danse, mais la danse fait partie bien sûr du rituel. On peut dire que la danse c'est un rituel. La danse quand elle est sacrée, comme ça, c'est un rituel. Et le rituel, il faut toujours qu'il soit bien fait. Ça, dans tous les livres d'anthropologie aussi que j'ai lus après, c'est partout dans le monde, si le rituel n'est pas bien fait, le dieu n'est pas content, les symptômes continuent. Alors on réfléchit beaucoup, les arts thérapeutes, sur ce que c'est aussi un rituel bien fait. Pour moi en particulier, il faut qu'il soit beau, parce que quand même c'est le langage des dieux, on ne fait pas n'importe quoi. Pour Freud, ce serait la sublimation, c'est-à-dire l'art en fait. Mais il faut aussi qu'il suive un certain ordre de rituel. Donc j'ai un peu découvert tout ça avec un grand étonnement. Et puis je suis allée aussi au Sénégal, où c'est des variantes de tout ça, mais les principes c'est toujours les mêmes. On appelle les dieux pour qu'ils viennent sur Terre. guérir puisqu'ils ont cette faculté à la fois de donner la maladie mais aussi de la guérir s'ils sont contents. Les fautes souvent ça peut être d'avoir pas honoré l'hôtel des ancêtres et ça va aussi plonger dans des abîmes de réflexion parce que je suis psychanalyste ça me faisait penser aussi à la phrase de Jung qui disait nos maladies sont des dieux que nous avons négligé. Parce que pour les psychanalystes, les dieux sont des symboles d'épulsion. Je vous disais, il y a un dieu de la guerre, un dieu de l'amour, partout, dans tous les panthéons. D'ailleurs, avec les étudiants, moi je leur fais toujours un petit peu rappeler quels étaient les attributs et les prérogatives de chaque dieu grec. Il y avait aussi un dieu de la guerre, (Arès, Mars) une déesse de l'amour, Aphrodite, Vénus, un dieu de la beauté, un dieu messager, Hermès. Et il est très important aussi dans tous les panthéons, le messager, parce que c'est vraiment lui qui fait le lien entre les dieux et les hommes. Et le prêtre aussi, bien sûr, fait ce lien. Là-bas, ça s'appelle les Oungans, en Afrique, et les femmes prêtresses, parce qu'il y a des femmes aussi, tout autant d'ailleurs, les Mambo. On connaît plus, en fait, aujourd'hui, le terme chaman, qui est aussi ce guérisseur qui se met en relation avec les puissances... Divines. Puissances divines, enfin surnaturelles. Surnaturel, pas tant que ça finalement, puisque c'est la nature qui est divine. Tout ça, c'est la perspective animiste, c'est-à-dire que derrière chaque chose, il y a un esprit ou une divinité ou une âme. Animisme, c'est une âme. Actuellement, on redécouvre beaucoup ce système thérapeutique, parce qu'il est très juste en fait.

  • Myriam Sellam

    Alors justement, comment est-ce que vous, vous arrivez avec tous ces voyages pour mettre en place finalement votre danse rythme thérapie ?

  • France Schott-Billmann

    Alors, je ne sais pas si c'était pour ça, peut-être qu'inconsciemment c'était pour ça, mais enfin, je voulais surtout finir ma thèse avec un sujet qui vraiment me passionnait, me passionne toujours, parce qu'on n'en finit jamais de travailler ces questions-là. Donc, en rentrant à Paris, je n'ai pas pensé tout de suite à l'expression primitive pour utiliser ça. Et en ce plan lui-même, qui avait été très influencée par Katherine Dunham. Katherine Dunham", c'est vraiment une grande pionnière de la danse afro. On appelait ça la black dance aux Etats-Unis, la danse afro-américaine. En même temps, elle a été anthropologue et elle a travaillé beaucoup sur le vaudou, justement. Elle s'inspirait beaucoup des danses vaudou dans ses ballets, dans les années 50. Et Hans Duplan a été son élève et donc il a beaucoup travaillé avec elle aussi.

  • Myriam Sellam

    Donc votre professeur.

  • France Schott-Billmann

    Donc mon professeur. Et tous les deux, aussi bien Catherine Denham... Alors qu'elle est absolument contemporaine de Marianne Chase, qui a inventé la danse mouvement-thérapie en Amérique, elle ne se voulait pas du tout dans ce thérapeute. Elle disait « Non, moi je suis artiste. » C'est la grande question de savoir, est-ce que c'est artiste ou thérapeute ? Ou alors est-ce qu'on peut penser, comme disait Le Clésio, qu'un jour on saura qu'il n'y avait pas de médecine, il n'y avait que de l'art ? Ce n'est pas du tout incompatible. Mais bon, en tout cas à l'époque, lui ne se voulait absolument pas dans ce thérapeute, mais artiste. Et j'ai dû quand même réfléchir beaucoup. Le jour où je me suis dit, mais l'expression primitive, ça pourrait marcher, puisque c'est aussi les représentations des pulsions, ces grands archétypes. Puis cette pulsation qui est universelle, le battement du cœur, ces choses qui parlent à tout le monde. Et donc là, je me suis dit, mais on ne peut pas faire du vaudou à Paris, ça, ce n'est pas possible. C'est compliqué. Même si c'est des archétypes, surtout un pays comme la France, quand même, on serait fait traiter de secte. Et donc, j'ai cherché à le théoriser autrement que religieusement. Et avec l'anthropologie et la psychanalyse, c'était relativement facile. Et donc c'est comme ça que ça a démarré, mais il n'était pas trop d'accord, Herns Duplan. Donc j'ai quand même modifié des choses par rapport à ce qu'il faisait lui. Je n'ai probablement pas l'énergie fantastique qu'il avait, mais je pense que je suis resté vraiment dans la ligne primitiviste, c'est-à-dire rechercher un essentiel, sous les diversités culturelles, vraiment chercher un tronc commun.

  • Myriam Sellam

    Justement, alors c'est quoi ce tronc commun ? Parce qu'il y a quand même un processus dans lequel moi, en tout cas, je me suis retrouvée en tant que danseuse amateur complètement. Mais où on ressent ces sensations qui, juste là, je n'arrivais pas à mettre des mots en fait. Et si je vous suis bien, tout commence finalement par la musique.

  • France Schott-Billmann

    Tout commence par la musique et la musique est indissociable de ce qu'on fait. Le rythme en particulier. C'est pour ça qu'on a tenu à se différencier de la danse mouvement thérapique et le courant américain, qui est beaucoup plus basé sur la danse contemporaine. Là, vraiment, le rythme est essentiel et on est marié avec le rythme. C'est jamais un bruit de fond, il n'est pas là pour décorer, il est vraiment constituant même du mouvement.

  • Myriam Sellam

    C'est la colonne vertébrale.

  • France Schott-Billmann

    Oui, c'est la colonne vertébrale. Alors la pulsation, sur laquelle il insistait beaucoup, toujours jouée au tambour. Donc la pulsation, c'est le battement. Et on retrouve ça dans toutes les musiques populaires. C'est Souriau, l'esthéticien Souriau, qui met sur le même plan les danses populaires et les danses tribales, primitives. Parce que justement, elles ont ces points communs qui sont cette répétition de la pulsation, qui lui renvoie plutôt au souffle respiratoire, le va-et-vient. On inspire, on expire, on inspire, on expire. Et dans la danse, on va faire un déplacement vers la droite, un déplacement vers la gauche. Dans les danses populaires, c'est beaucoup ça. Ou en avant, en arrière. Et donc, quand on fait ça même avec des patients, puisque maintenant ça se fait beaucoup dans les hôpitaux, y compris avec des patients parkinsoniens. J'ai eu l'ancienne élève, Svetlana Panova, qui fait ça à l'hôpital de la Salpêtrière. Elle a des résultats extraordinaires. Parce que les patients découvrent que finalement ils avaient ça en eux. C'est inné. Et très souvent c'est absolument inné. Et très souvent ils font ça tout naturellement. On leur fait taper un rythme d'une musique simple. Tout le monde peut le faire. Même les psychotiques dans les hôpitaux, tout le monde peut le faire. Après on les fait balancer sur cette musique. Et ils disent finalement on savait danser.

  • Myriam Sellam

    Tout le monde sait danser finalement.

  • France Schott-Billmann

    Tout le monde sait danser.

  • Myriam Sellam

    Et j'aime beaucoup ce que vous dites. Vous dites tout le monde est danseur parce que vivant.

  • France Schott-Billmann

    Et parce qu'ayant passé déjà neuf mois dans le ventre de la mère, où il a été pulsé par le battement du cœur de la mère. Donc pulsé, impulsé, massé, massé rythmiquement et balancé par la respiration, le souffle de la mère. D'ailleurs les grecs qui avaient tout compris disaient que Dionysos, qui est vraiment le dieu qui représente l'être humain en fait, à la fois mortel, chacun est mortel. mais immortel quant à son espèce. Il dansait déjà dans le ventre de la mère, mais on a tous fait ça. On a tous été d'abord danser et ensuite on s'est approprié ces mouvements. Parce que c'est ce que fait la mère après. Toutes les mères du monde ont inventé ce procédé absolument génial qui est de s'appuyer sur ces rythmes qui sont des rythmes biologiques, naturels, le battement du coeur que le foetus aperçu pendant neuf mois et après... ça va tout naturellement dans les chansons, dans les berceuses. La berceuse, j'ai l'habitude de dire que c'est la première danse qu'on a connue dans les bras d'un autre humain.

  • Myriam Sellam

    C'est tout à fait ça.

  • France Schott-Billmann

    Vous dites, ça met des mots sur ce qu'on ressent. Mais effectivement, je pense que c'est ça que les gens ressentent. Ils revivent quelque chose qui est une mémoire archaïque que nous avons tous en nous. Et ensuite, on s'aperçoit que de le faire avec d'autres, ça crée un autre nouveau corps, un grand corps commun. qui est ce sentiment d'appartenance à un groupe,

  • Myriam Sellam

    à une communauté.

  • France Schott-Billmann

    Donc il faut que le geste soit répétitif, le rythme soit répétitif. Ce qui a en plus l'intérêt de mettre les gens dans cet état second, très enthousiaste.

  • Myriam Sellam

    Cette transe dont on parle, on retrouve finalement dans le voyage.

  • France Schott-Billmann

    Exactement, voilà. Donc on voyage dans son inconscient, quelque part. Et ça libère complètement l'esprit, effectivement, on peut voyager. Le geste devient complètement automatique, comme le battement du cœur. Heureusement, on n'a pas besoin de réfléchir pour faire battre son cœur. Ça continue tout seul. C'est pareil, ces gestes simples, répétitifs, ils continuent tout seuls.

  • Myriam Sellam

    Oui, parce que ce que vous dites dans votre livre, c'est que finalement, cette musique répétitive va faire que tous les organes vitaux vont finalement se synchroniser à cette musique. C'est incroyable.

  • France Schott-Billmann

    Ça ne veut pas dire qu'ils vont battre au même rythme. Mais ils vont s'accorder.

  • Myriam Sellam

    Ce qui est différent.

  • France Schott-Billmann

    Comme l'enfant s'accorde au rythme de la mère, l'accordage c'est très important. Et on s'accorde du coup aussi émotionnellement.

  • Myriam Sellam

    Et finalement, on fait qu'un. C'est un peu ça qui fait qu'on passe de cette synchronisation à la trance. Qu'est-ce qui fait le passage entre « Ok, j'entends cette musique, elle me rappelle sans doute, comme vous dites, quelque chose de très... » très ancien, très archaïque. Je suis de manière innée danseur, je danse, et ça m'amène à un état d'exaltation.

  • France Schott-Billmann

    Sauf qu'on ne se dit pas tout ça.

  • Myriam Sellam

    Bien sûr !

  • France Schott-Billmann

    On le sent, et pour vous qui parlez des sens de la danse, le sens, ce n'est pas la signification. C'est quelque chose qui nous vient d'avant les mots. Donc, ce n'est pas quelque chose de formulable. C'est ce que Lacan appelle le réel, qui ne peut pas se dire, mais qui peut se musiquer, se chanter, se dessiner. Donc c'est une des bases de l'art-thérapie, cette idée-là, bien sûr. Mais ça ne peut pas se traduire en mots raisonnables. Bien sûr, on peut dire « oui, ça évoque le battement du cœur » , mais ce que ça nous fait à nous, ça nous renvoie à des choses tellement profondes et qui viennent de si loin, bien avant notre naissance, et qui vont en plus se poursuivre après notre mort.

  • Myriam Sellam

    Et tant mieux !

  • France Schott-Billmann

    Heureusement, si l'homme ne fait pas trop de bêtises.

  • Myriam Sellam

    Et justement, comment ça se fait que cette transe, vous dites qu'elle a des bienfaits. C'est quoi ces bienfaits ? Au niveau scientifique, ça a été prouvé ?

  • France Schott-Billmann

    Oui, tout à fait. Déjà, ça revivifie. Et je pense qu'il y a aussi une dimension symbolique, inconsciente, parce que le battement du cœur... Vous savez que le bébé, après la naissance, ce que fait la mère, si l'accouchement n'a pas été trop médicalisé, elle met l'enfant contre son cœur. Et c'est très important pour l'enfant. Ça l'aide à avoir envie de vivre. Parce que tous les nourrissons n'ont pas forcément envie de vivre. Et donc c'est très important le contact avec ce battement du cœur, avec cette pulsation. Ça revigore complètement. Est-ce que c'est parce qu'on fait le rapprochement avec le battement du cœur ? Ou est-ce que c'est plus physique que psychique ? Je ne sais pas. Mais en tout cas, ça fonctionne énormément. Et en effet, les gens, quand ils entendent la pulsation, il y a quelque chose qui se passe. Quand je dis la pulsation... Ça veut dire vraiment une régularité. C'est la cadence, ce battement du cœur, c'est comme le geste des rameurs. C'est un va-et-vient qui se répète, comme le souffle respiratoire. C'est à partir de ça que vraiment, il y a une énergie qui se... D'ailleurs Dionysos, qui est le dieu du rythme, c'était Eros en même temps. La pulsion de vie. Ce que les grecs appelaient Eros, c'est la pulsion de vie. Donc c'est la libido, mais pas que sexuelle bien sûr. Le sexe il est... embarqué là-dedans, mais c'est vraiment la vie, le désir de vivre et même de survivre, je dirais, puisque c'est l'amour aussi, voilà. Ce qui se transmet aussi aux descendants et qui font qu'eux aussi vont vouloir transmettre, etc. Et ces danses-là ne sont pas des danses tristes, c'est au service de la célébration de la vie et pas forcément que de sa vie personnelle.

  • Myriam Sellam

    Oui, parce qu'on est en groupe, donc on se connecte à l'autre.

  • France Schott-Billmann

    On se connecte à l'autre et on sait que pour chaque individu, ça va finir un jour. mais que ça va continuer avec les générations suivantes. Et ce n'est pas qu'une transmission biologique, c'est aussi une transmission culturelle, parce que ce que la mère transmet à l'enfant, quand elle le berce, par exemple, ou elle l'allait, mais elle l'allait en même temps, elle chante, elle parle, etc., elle lui transmet de la culture en même temps. Donc c'est un processus tellement naturel et anthropologique, je pourrais dire, et qui a été sélectionné par la sélection naturelle, puisque ça fait des... C'est Castoriadis qui disait que ça doit faire 3 millions d'années. que les mères bercent leur bébé, parce que déjà les mamans singes le font aussi avec leur bébé, sauf que ça prend sens chez l'être humain différemment, évidemment. Donc on commence par la perception du battement du cœur, union avec la musique, synchronie avec le groupe. Et puis, quand ils disent « on savait danser » , on dit « non, il manque quand même quelque chose, c'est les gestes » . Souvent, on commence par les paroles de la chanson qu'on est en train de chanter, tout simplement. Parce que les patients, ils ne savent pas quoi faire. Si vous dites à des patients d'improviser, alors là, c'est... C'est la panique avant. Vous les angoissez. Mais oui, c'est vraiment, il faut le savoir, ça. Parce qu'il y a des danse-thérapeutes qui pensent toujours qu'il faut faire de l'improvisation, alors que c'est une partie infime de ce qui fait vraiment thérapie. Et en tout cas, les patients, ce n'est pas de ça qu'ils ont besoin. C'est clair qu'ils ont besoin d'abord de se relier aux autres, parce qu'ils crèvent de solitude, ou ils sont enfermés dans leur bulle, ou dans leur dépression. Ils ont besoin de se relier aux autres. Et puis, ils ont besoin de mettre... du sens dans ce qu'ils sont en train de vivre. Et c'est à ça que servent les gestes. Par exemple, récemment, on était parti d'une berceuse haïtienne qui différencie le rôle du père et de la mère. Mais comme « Fais dodo comme un petit frère » , maman est en haut qui fait du gâteau, papa est en bas qui fait du chocolat, il y a toute une éducation dans ces chansons par les mots, par le fait qu'on met de la différence. Il y a un père, il y a une mère, et ça ne veut pas dire un papa et une maman, mais on met de la différence. On ne fait pas la même chose si on envoie le geste en haut et il n'est pas en bas, etc. Donc c'est très important de créer de la différence. La berceuse déjà, ça crée de la différence. Droite-gauche, un temps pour aller, un temps pour revenir, ça crée de la différence. Mais c'est implicite. C'est-à-dire qu'on ne dit pas aux gens qu'on est en train de vous créer de la différence parce que ça va organiser votre pensée, ça va organiser votre relation à l'autre. Mais le fait est que ça fait ça. Puis après, on met des gestes qui sont du langage en fait. Si on fait le guerrier, on fait le guerrier. Et puis on ne va pas s'amuser à interpréter contre qui tu es en train de te bagarrer là. Surtout pas, ce n'est pas de la psychothérapie. L'art-thérapie, ça passe par l'inconscient. Ça s'adresse à l'inconscient et ça reste au niveau inconscient. Ça vraiment, j'y insiste beaucoup, parce que l'art-thérapie, ce n'est pas de la psychothérapie à mon avis. Et donc on met très peu de mots d'ailleurs dans cette histoire-là. Ou quand on met des mots, c'est des mots mythologiques. Ah, qu'est-ce qu'il a fait le guerrier là ? Donc on va prendre un mythe par exemple, ou des héros.

  • Myriam Sellam

    Oui, finalement des icônes, des personnages dans lesquels on peut se... S'inspirer.

  • France Schott-Billmann

    Se reconnaître. S'inspirer, c'est ça. Donc ça donne l'occasion d'exprimer toutes sortes d'émotions refoulées. Prendre le guerrier par exemple, ça permet en effet de sortir. Les gens vont tout de suite penser à l'agressivité, mais c'est surtout déjà affirmation de soi. Au point qu'il y a des personnes qui ont la maladie de Parkinson par exemple. La première fois que j'ai fait devant des médecins, avant que cette forme de thérapie entre dans les hôpitaux, j'avais deux personnes en fauteuil roulant. qui se sont levés parce qu'ils voulaient faire les guerriers. Souvent, je fais deux tribus, une de chaque côté, très contrastées. Par exemple, les guerriers et les princesses. Ce jour-là, ils avaient voulu faire ça. Alors les princesses avaient trouvé des gestes gracieux, etc. Et puis les guerriers ne savaient pas quoi faire et m'ont dit « Ah, tu sais faire le haka des Polynésiens ? » Moi, je ne sais pas bien le faire, mais j'ai fait un truc. Ils ont commencé à faire ça et galvanisés, c'est même pas de l'agressivité, c'est de l'affirmation de soi, c'est le réveil de la pulsion de vie. Donc on fait toutes sortes de figures comme ça, et puis c'est plus ou moins adapté aussi au niveau possible des gens. Avec les adolescents, on peut faire des choses plus complexes déjà, des enchaînements, des choses comme ça. Parce que maintenant, les adolescents sont très rythmiques. De toute façon, la musique qui marche le mieux actuellement, c'est le rap. Et le hip-hop, c'est très intéressant parce que c'était, j'ai raconté ça dans Le Besoin de Danser, c'était une thérapie spontanée que se sont inventées ces gens des ghettos pour exprimer leur violence, plutôt que de se taper dessus ou de taper sur les flics, de faire cette musique qui est effectivement très saccadée, très énergique, et cette danse très saccadée, très énergique, c'est un bel exemple de sublimation. Alors là, Freud, il aurait été ravi.

  • Myriam Sellam

    On peut utiliser le rap comme une danse populaire finalement.

  • France Schott-Billmann

    Tout à fait, c'est la fonction des danses populaires d'autrefois. Sauf que les danses populaires d'autrefois, elles avaient un sens dans un contexte culturel qui n'est plus du tout celui d'aujourd'hui. Donc, à mon avis, ça ne suffit pas pour faire danse-thérapie, les danses populaires, même si elles ont des tas de qualités, effectivement, de réveil de la vie, de socialisation, mais au niveau symbolique, au niveau d'un langage vraiment qui prend en compte les problèmes d'aujourd'hui. c'est peut-être pas l'idéal. Enfin, je vous dis ça.

  • Myriam Sellam

    Si justement, on fait le parallélisme avec ce que vous vous proposez, vous mettez aussi cette symbolisation qui fait les archétypes, les personnages, qui va faire la différence, c'est ça ?

  • France Schott-Billmann

    Avec les danses traditionnelles, oui. C'est aussi que la pulsation, elle a plus d'énergie parce qu'elle a quand même cette origine africaine. Il faut savoir qu'en Europe, nous, on a été victime d'une grande répression de nos danses populaires. Pierre Le Gendre qui a fait toute une étude là-dessus, vraiment c'était très important. Pas seulement le clergé, on dit toujours c'est le clergé, mais c'était aussi le roi qui a voulu chasser complètement la culture paysanne, les jacqueries, tout ça. Et donc on a affadé vraiment nos danses par rapport à ce qu'elles étaient au temps du Moyen-Âge.

  • Myriam Sellam

    Et toute cette richesse du coup.

  • France Schott-Billmann

    Oui, tout un terreau populaire qui est vraiment cet enracinement. terre ce côté primitif a disparu de nos danses alors qu'on en avait besoin et qu'on s'appuie on avait besoin et on a besoin de transe alors on l'a trouvé quand même dans la valse dans les cadres y tout ça c'est quand même très exaltant mais ça va pas aussi loin que la primitivité donc

  • Myriam Sellam

    c'est grâce à cette primitivité qu'on arrive justement à cet état de conscience modifiée et cet état de conscience modifiée il va amener quoi concrètement qu'on soit malade ou pas j'ai envie d

  • France Schott-Billmann

    Ah oui, bien sûr, en danse-thérapie, on n'a pas que des malades.

  • Myriam Sellam

    On est d'accord. Et nous-mêmes danseurs, je pense que forcément, si on est amené à replonger toujours dans la danse, c'est bien que ça nous fait du bien. Et c'est pour ça qu'on est aussi passionnés, pour ne pas dire des fois où on attend notre dose.

  • France Schott-Billmann

    Tout à fait. On peut être addict à ça d'ailleurs.

  • Myriam Sellam

    Je pense l'être moi, en tout cas.

  • France Schott-Billmann

    Vous allez dans les raves parties ?

  • Myriam Sellam

    Non, moi, j'aime ça. Pas forcément les rêves, mais... L'électro, je vois très bien.

  • France Schott-Billmann

    Moi aussi, j'adore.

  • Myriam Sellam

    Où il y a effectivement ces basses, où on commence à sortir, où on sent une espèce de trance, et comme vous dites, il y a cet effet de groupe. C'est-à-dire qu'on n'a pas envie d'y aller tout seul, danser seul chez soi, ça n'a pas d'intérêt.

  • France Schott-Billmann

    Je suis tout à fait d'accord. Combien de fois je dis ça à des gens qui me disent « Non, mais ils dansent, ils sont tout seuls. » Sauf qu'on ne fait pas ça dans sa chambre.

  • Myriam Sellam

    Jamais.

  • France Schott-Billmann

    Et je pense qu'il se passe quelque chose de très important quand... qu'on vit aussi en expression primitive, c'est qu'il y a une dénarcissisation, et Dieu sait qu'on en a besoin actuellement, parce qu'on est une société terriblement narcissique, égoïste, individualiste, et il y a une communion autour de quelque chose d'essentiel, qui est la source de la vie. Il y a même des ravers qui se collent à la pulsation, ils deviennent cette vie, cette source de vie, au point de se démolir les oreilles, en toute connaissance de cause, ils le savent, ils se font du mal. Mais ils sont aspirés par ça.

  • Myriam Sellam

    Effectivement, et donc on a besoin de ça, d'autant plus quand finalement ça va mal, c'est le meilleur médicament finalement.

  • France Schott-Billmann

    Oui, d'ailleurs c'est toujours dans les périodes de crise ou de guerre qu'on danse le plus, parce qu'on est trop content d'être encore vivant.

  • Myriam Sellam

    Et voilà, nous arrivons à la fin de cette première partie de notre échange avec France Schott-Billmann. Ce voyage nous a montré à quel point le rythme et le mouvement sont ancrés en nous depuis toujours, depuis notre premier battement de cœur. Elle nous a montré aussi combien la danse peut être une véritable source de guérison. Alors que vous soyez danseur aguerri ou simple amateur, souvenez-vous, la danse est un langage instinctif, un retour à l'essentiel. à un moment où l'on s'abandonne pour mieux se retrouver. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour poursuivre cette plongée au cœur du mouvement. D'ici là, si cet épisode vous a plu, pensez à laisser un petit 5 étoiles sur votre plateforme d'écoute préférée. Prenez soin de vous et à la semaine prochaine.

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