- Speaker #0
Bonjour et bienvenue sur Lumière sous la couette, le podcast qui explore les sexualités. Je suis Louise Bonte et à mon micro vous entendrez des récits intimes mettant en lumière des personnes qui ont accepté de vous partager ce qu'on garde généralement secret. À travers leurs histoires, elles assument d'exposer cette partie de leur vie dans l'ombre qui en dit long sur soi, sur nous et notre époque. Parce que la sexualité nous concerne toutes et tous, et que partager ce qui nous fait du bien, nos expériences et nos anecdotes les plus cocasses, permet de donner une multitude de définitions à ce qui se cache derrière le mot sexe, ouvrez bien grand vos oreilles, on va allumer la lumière sous la couette. Dans l'épisode d'aujourd'hui, on va plonger sous la surface de la sexualité dite « classique » et je mets beaucoup de guillemets, pour découvrir la partie immergée de ce gros iceberg qu'est le sexe. Et on va plus particulièrement s'intéresser aux kinks, aux sexualités créatives dont le BDSM fait partie. Et pour ça, j'ai l'immense plaisir d'avoir à mon micro aXelle de Sade. aXelle, avec un petit a et un grand X. Bonjour.
- Speaker #1
Bonjour Louise.
- Speaker #0
Parmi ta multitude de casquettes, tu es notamment dominatrice professionnelle. Tu as aussi fondé l'école des arts sadiens à Paris, école où est enseignée entre autres le BDSM et dont tu es la directrice. Et plus récemment, tu as co-écrit un livre. Kink, manuel de sexualités créatives avec l'essayiste Meta Chitea et l'illustratrice Stella Polaris publié en novembre aux éditions Anne Carrière... alors ça fait déjà une sacrée présentation et encore on n'a pas tout dit mais je vais tout de même te poser la question traditionnelle dans ce podcast la question qui ouvre cet épisode c'est de te présenter alors peux-tu nous donner ton nom, ton âge nous dire où tu vis, ce que tu fais et ce que tu aimes dans la vie mon nom,
- Speaker #1
aXelle de Sade mais j'en ai d'autres ... J'ai une sœur jumelle qui s'appelle Marie, l'Albatrice. Et d'autres noms. Dans le métier du sexe, t'es obligée d'avoir plusieurs identités pour te protéger et protéger surtout les gens qui vivent avec toi, tes proches. C'est extrêmement important. Mon âge, la quarantaine, je vis en région parisienne. Ce que je fais professionnellement, je suis d'abord directrice d'une école qui forme à la sexualité créative au BDSM. Je... Je suis donc par ailleurs dominatrice professionnelle et je co-organise des jeux BDSM grandeur nature et je dors entre 2h du matin et 8h du matin.
- Speaker #0
Oui parce qu'il te faut du temps pour faire tout ça, c'est incroyable.
- Speaker #1
C'est ça et ce que j'adore faire, j'adore la culture. Donc je suis un rat de musée, je suis souvent au théâtre, je suis souvent au cinéma. Vraiment quand je ne suis pas... plongé dans mes activités professionnelles qui sont en rapport avec le sexe, je suis plongée dans la culture. La culture, l'art, ça me transcende.
- Speaker #0
J'aimerais qu'on fasse un petit point glossaire avant de rentrer dans le vif du sujet. Peux-tu avec tes mots nous définir ce qu'est un kink ?
- Speaker #1
Kink ça veut dire bizarrerie en anglais. C'est un terme qui existe depuis très longtemps donc c'est souvent des des envies, des pratiques qui sont du ressort de L'excentricité sexuelle, on va dire ça comme ça. Ce sont des rapports et des pratiques sexuelles qui sortent de la normalité.
- Speaker #0
Et parmi ces kinks, il y a le BDSM. Le BDSM, c'est l'acronyme pour bondage, discipline, domination, soumission et sadomasochisme. Toi, tu as découvert le BDSM il y a une petite vingtaine d'années, si j'ai bien fait mes recherches. Pour en venir à comment tu as découvert ces pratiques, j'aimerais qu'on fasse un bond en arrière et que tu nous parles de ta découverte de la sexualité à toi. Comment est-ce que tu as découvert ? C'était quand ? Comment ?
- Speaker #1
Moi, ma découverte de la sexualité, j'en ai fait une performance qui s'appelle 30 ans après. Parce que moi, la découverte de la sexualité, elle a été violente. Dans le sens où je me suis retrouvée dans une pièce avec des individus qui étaient des camarades de classe. Et je n'ai pas grand souvenir de ce qui s'est passé, mis à part quand je suis rentrée chez moi, j'étais ensemble. Et j'ai subi un an de harcèlement. de la part de ces personnes-là. Pendant un an, j'ai été traitée de salope, en fait. J'ai vécu un an d'enfer. J'ai réalisé que très longtemps après, que j'étais victime et que je n'étais pas coupable de ce qui s'était passé, de ce viol d'intimité. Et en fait, je l'ai réalisé après, parce que 13 ans après, j'étais voir un psy et la première chose que j'ai dite à ce psy, c'est cette histoire-là et j'ai compris en fait à quel point ça avait été impactant. Et c'est très étrange parce que... J'ai toujours su que j'allais revoir l'agresseur principal et que j'allais le confronter. Et en fait, cette personne-là, 30 ans après, m'a appelée. C'est pas vrai. Si. Cette personne-là, 30 ans après, m'a appelée un dimanche soir à 21h. Et cette personne était sous l'effet de l'alcool. Et j'ai tellement attendu que j'ai eu le réflexe d'appuyer sur le bouton enregistrement. Et j'ai enregistré cette conversation-là. Et j'en ai fait une performance. J'en ai fait une performance artistique qui n'est pas facile d'accès et à écouter parce que je suis sur scène. Et à un moment donné, je vais diffuser cette conversation. C'est une conversation qui dure 12 minutes. 30 ans après, il me raconte à quel point sa vie a été impactée et à quel point il a souffert de ce moment-là. Et en fait, c'est intéressant de voir ces deux vécus. Parce que lui, il a été désigné comme violeur. Et on a confronté nos souvenirs. Lui, il me parle de buissons. Et moi, je me souviens effectivement qu'il s'est passé des choses dans des buissons, mais je ne sais pas en fait ce qui s'est passé dans des buissons. Et donc, j'ai fait un travail avec ma meilleure amie de l'époque. Je l'ai appelée pour lui demander. Elle ne se souvient pas non plus. Donc, on est là. On est trois aujourd'hui dans cette histoire. À essayer de comprendre ce qui s'est passé. Et donc, lui, il me parle au début. Il me parle de lui. À quel point c'était souffrant. Qu'il ne comprenait pas. Qu'il m'a énormément aimée. Puis, il y a des gens qui sont entrés dans cette salle. Et en fait, lui aussi, il a une mémoire assez parcellaire. Moi j'ai une mémoire parcellaire, on a tous une mémoire parcellaire. Donc c'est très étrange de me replonger des années en arrière sur cette découverte-là qui a été extrêmement traumatisante. Ma sexualité a été impactée évidemment parce qu'il paraît que du premier acte sexuel va découler le reste. Et c'est peut-être pour ça que j'ai un attrait particulier pour la sexualité transgressive. Et le fait d'être dominatrice... d'être celle qui dirige une relation sexuelle, ça a un sens parce que mon corps est protégé. Alors là, vraiment, je crois que je n'en ai jamais parlé dans un média. Et aujourd'hui, j'en parle, mais je ne veux pas non plus qu'on associe le travail du sexe à une découverte du sexe traumatique. Parce qu'on est nombreuses et nombreux à avoir eu des traumatismes. liées à notre sexualité et c'est pas pour autant qu'on en fait un métier. Donc ça n'a pas un lien de cause à effet chez tout le monde. Est-ce que chez moi ça en a eu un ? Certainement. Mais je tiens quand même à décorréler. C'est important parce que c'est le discours des abolitionnistes. De dire ah oui non mais c'est des filles qui ont été traumatisées, qui par la suite ont développé... Non, moi c'est sûr que ça a été un moteur. Et en fait, mon parcours est intéressant parce que ce stigmate de la salope du lycée, je crois que je l'ai transformé. Et c'est pour ça que j'ai cofondé l'érosycratie avec Charlie Oscar et puis d'autres personnes comme Mélanie et Senzo. Parce que j'avais besoin en fait qu'on parle de la sexualité autrement que de manière transgressive, violente, en lui montrant sa dimension esthétique et aussi le fait que ça pouvait être un geste d'amour.
- Speaker #0
Et donc comment est-ce que le BDSM est rentré dans ta vie des années après ?
- Speaker #1
Moi je pense qu'on est nombreux et nombreuses à avoir découvert le BDSM sans le savoir. En commençant par avoir les yeux bandés ou les mains attachées lors d'un rapport sexuel, ou avoir des petites tapes sur les fesses. On a tous et toutes eu recours à des pratiques, à des pensées, à des comportements qui sont du ressort du BDSM, sauf qu'on ne met pas de mots. pas de mots dessus. Donc moi, ma découverte, je pense comme pas mal de gens, elle est assez naturelle dans mon chemin. Et c'est par le domaine de la fête que j'ai commencé à rencontrer la communauté. J'ai fait des fêtes extraordinaires, des rêves parties, plein de choses. Et à un moment donné, je suis tombée sur un flyer de la nuit élastique avec des gens qui portaient des tenues extraordinaires. Et je me suis dit « Waouh ! Il faut que j'y aille ! » Et la première fois que je suis allée, je me souviens, j'avais mis une belle robe et tout. Et j'ai pas pu rentrer parce que j'avais pas la fameuse matière latex, vinyle, j'ai pas pu rentrer. Et j'y suis retournée que cinq ans plus tard, et je me souviens de la première fois où j'ai plongé dans cet univers-là, et j'ai vu ces gens habillés de manière excentrique. Ça fait peur en fait, tous ces gens habillés en noir, certains avec des chaînes, d'autres avec des colliers, certaines personnes à genoux. avec des fouets, des martinets.
- Speaker #0
T'étais impressionnée ? Oui,
- Speaker #1
j'étais impressionnée. Je suis remontée. D'ailleurs, j'ai dû rester deux secondes dans l'espace et je suis remontée dans l'espace fumeur qui est à l'extérieur. J'ai fumé une cigarette et j'ai entendu les gens parler. Et en fait, c'était des sujets assez classiques. Le travail, ça m'ennuie.
- Speaker #0
Mais des sujets du quotidien.
- Speaker #1
Du quotidien, exactement. Et après, j'ai été rassurée, j'ai plongé dans cette soirée-là, c'était au cave Le Chapelet. Donc quand je dis plonger, c'est parce qu'il y a un grand escalier qui descend dans les caves. Donc j'ai plongé dans cet univers-là, je ne suis jamais remontée.
- Speaker #0
On est resté sous la surface du coup.
- Speaker #1
Oui, et j'ai trouvé une liberté. J'ai trouvé... Oui, c'est ça, une liberté. J'ai pu être le personnage que je voulais être. Parce que ce qui est intéressant dans ces mondes-là, c'est qu'on se crée un double. En tout cas, moi, j'ai créé un double. Donc je suis devenue... Marie puis Axel mais donc je suis devenue une autre personne très rapidement j'ai été dominatrice et donc je suis devenue cette femme forte puissante indépendante qui m'a servi ensuite dans mon quotidien dans ma vie hors milieu et il y a surtout cette culture du consentement qui n'a pas ailleurs en fait c'est ça qui est assez surprenant c'est que dans ce milieu de la sexualité transgressive il y avait déjà des règles de consentement qui n'existaient pas ailleurs. Et je me suis sentie safe. Et je me suis sentie bien. C'est pour ça que je ne suis jamais remontée. Moi, je me suis sentie à ma place. J'étais déjà un mouton noir dans la société, de par ma personnalité, de par mes habits, de par ma manière d'être. Même dans l'entreprise, je voyais bien que je détonnais. Parce que... Il y avait cette liberté, ce franc-parler. Je ne me sentais pas à ma place. Et j'ai trouvé ma place, en fait, dans les égouts. Donc, j'ai l'habitude de dire que je suis la reine des égouts. On n'a pas voulu de moi dans la norme, mais en fait, on vit très bien hors norme.
- Speaker #0
Tu parlais du monde de l'entreprise tout à l'heure. Tu as été responsable ressources humaines. Et puis, à un moment donné, tu as opéré une reconversion professionnelle. Et tu es devenue dominatrice professionnelle. Comment est-ce que toi, tu as... Tu as opéré cette reconversion, à quel moment tu t'es dit « Justement, je suis un mouton noir en entreprise, je ne correspond pas au moule, je vais en sortir et je vais vivre de ça. »
- Speaker #1
J'ai travaillé dans les ressources humaines, mais très rapidement j'ai cherché à ne plus y travailler parce que je pensais que j'allais aider au bien-être du salarié dans l'entreprise. Je me suis rendu compte que j'allais aider les gens à être manipulés pour mieux travailler. C'est autre chose. Mais à un moment donné, dans mon parcours, j'ai eu une maladie, donc j'ai eu un cancer du sein assez grave. et qui m'a fait me poser une question de qu'est-ce qui me faisait vivre. Et je me suis rendue compte que le milieu de l'entreprise était ce qui me rendait malheureuse. Et donc j'étais en mi-temps thérapeutique, et j'ai commencé ma carrière de dominatrice professionnelle en étant en mi-temps thérapeutique. Le matin, j'allais dans un bureau travailler, et l'après-midi, je devenais dominatrice. Et je me souviendrai parfaitement d'un 14 décembre où... j'étais en réunion du personnel et j'écoutais les objectifs pour l'année à venir. Les objectifs qui étaient personnaliser la relation client et décloisonner les directions. Et je me suis dit mais ça fait 7 ans qu'on est sur les mêmes objectifs. Et je me suis dit c'est plus possible, je ne peux pas. Je ne peux plus. Et je suis devenue dominatrice professionnelle à plein temps. Et j'ai été extrêmement épanouie en fait. Mon truc c'était aussi de développer des événements et des initiatives qui sortent de la proposition de sexualité qui existait, qui étaient les clubs BDSM ou les clubs libertins ou les soirées libertines, pour aller proposer des festivals comme Hérosphère, où justement je voulais montrer qu'on était aussi sur la sexualité créative et joyeuse. On n'était pas dans le monde du BDSM, parce que justement, hum... voulait sortir de ces codes qui faisaient peur, pour que un maximum de personnes viennent découvrir cet univers-là, de la fête, de la liberté. Donc c'est un beau métier, franchement, c'est un très beau métier, en tout cas j'ai la chance, moi, de l'exercer dans des bonnes conditions. Ce qui fait que je suis assez fière de ce que je fais. On a face à soi une personne qui souvent est en souffrance parce qu'il y a ce besoin-là et j'arrive pas à la souffrir autrement. J'ai envie de connaître ça et je vais passer par une professionnelle parce que moi j'aime mon conjoint ou ma conjointe, je suis profondément amoureuse de mon conjoint ou ma conjointe. Et j'ai envie d'aller assouvir une pulsion sexuelle, mais c'est juste assouvir une pulsion sexuelle, c'est pas nouer une relation. Et donc c'est pour ça qu'ils viennent voir des professionnels, c'est justement pour ne pas avoir de l'émotionnel. Parce que dans mon métier de dominatrice, moi je reçois beaucoup de personnes, et souvent des hommes cis, hétéros, qui sont adeptes de la sodomie. Et donc certes, il y a un scénario autour de... de cette pratique-là, à savoir de pénétrer un corps, souvent en ayant recours au dirty talk. Et donc moi, c'est quand même la majorité de ma clientèle. J'ai un de mes clients aussi qui aime bien être attaché, habillé. Et moi, je suis là autour de lui, à lui dire des choses coquines, à m'asseoir sur ses genoux, à lire un texte. Et ça, j'aime bien. Ce que j'aime bien, c'est des scènes qui ne font pas forcément appel au génital. Pourquoi ? Parce que justement, c'est aller explorer d'autres pratiques, d'autres fantasmagories. Tu sais, c'est comme dans ton travail, si tu es la majeure partie du temps sur Excel et que tout d'un coup on dit tiens, tu vas faire une présentation Powerpoint, t'es là, oh trop bien ! Donc là, c'est un peu pareil en fait. Ça te sort de ta zone de confort où je peux chatouiller aussi pendant une heure quelqu'un.
- Speaker #0
Chatouiller, comment tu chatouilles alors ?
- Speaker #1
Ça commence par attacher la personne. Et il faut l'attacher de manière à ce qu'elle ne puisse pas bouger d'un orteil. Et ensuite, tu vas commencer par ce qu'on appelle le knick-messis. C'est très technique. Mais c'est la chatouille qui fait frémir et qui donne la chair de poule. identifier les ânes qui sont sensibles et celles qui le sont moins. C'est un effleurement vraiment de toutes les zones du corps. Et une fois que tu as identifié, tu vas commencer à mettre du gel sur ces parties-là, sur les parties sensibles. Et tu vas continuer avec les doigts. Et là, tu vas aller sur un doigté, mais sur une gestuelle qui est un peu plus intrusive, on va dire, dans le corps puisque avant, c'est juste des effleurements mais là, tu vas aller vraiment appuyé sur différentes parties du corps. Et donc là, tu vas provoquer un peu plus le rire et ensuite, tu vas utiliser des objets, souvent des brosses, mais tu as le pet grooming qui est un gant avec des petits picots en plastique aussi qui est très efficace ou des peignes ou les plumes sous le nez et là, donc, tu vas aller vraiment provoquer le rire et tu vas agrémenter ton scénario de... De petits défis, par exemple, moi j'aime bien utiliser la course fragmentée, c'est-à-dire que pendant deux minutes, je vais chatouiller quelqu'un, et après il va y avoir 30 secondes de repos, et re-deux minutes de chatouille, et re-30 secondes. Et ça cinq fois, par exemple. Puis après, je vais passer à cinq minutes, avec une minute de repos, ou alors carrément dix minutes de chatouille, sans interruption.
- Speaker #0
Une petite torture. Oui,
- Speaker #1
une douce torture. Et au fur et à mesure, tu peux aussi... aller en fonction de la personne sur la torture-humiliation où tu vas donner à boire à l'autre un litre d'eau avant ou du thé et donc là évidemment tu vas avoir donc l'envie d'uriner qui va se rajouter en fait au rire Vraiment, la chatouille, comme ça, ça part d'une gestuelle très enfantine, mais tu peux élaborer ton scénario pour aller vraiment sur une douce torture. Et ce qui est très jouissif dans cette pratique-là, c'est que l'autre rit sous tes doigts. Et en même temps, c'est une torture.
- Speaker #0
Quelle relation s'établit avec tes clients et tes clientes ? Est-ce qu'ils arrivent tous à bien respecter le cadre qui est posé, celui où il y a un commencement, où il y a une fin, ou est-ce que parfois tu as des clients, des clientes qui te proposent d'autres choses ?
- Speaker #1
Non, majoritairement, ils sont très respectueux du cadre. La seule question qui se pose souvent, c'est est-ce qu'on a le droit de me toucher ou pas ? Est-ce qu'on a le droit de me prendre le bras ? Ça dépend. Ça dépend. Souvent, non. Mais c'est les seuls cadres. Si, une fois, j'ai eu un type qui pensait que la relation génitale était possible, et là, ça a été non tout de suite. Mais moi, ce que je fais aussi, c'est que quand je reçois un... client ou une cliente, donc je dis les safe words c'est et je dis donc les safe words rouges où tu peux arrêter la relation, vous pouvez arrêter la relation, mais moi aussi je peux arrêter la relation si j'estime qu'on n'est pas dans le cadre. Et ça fait que les gens restent dans le cadre.
- Speaker #0
Tu as souvent des clients ou clientes réguliers, régulières ?
- Speaker #1
Ça peut être aussi ponctuel, il y a des gens qui viennent voir qui est Axelle Dessane. Mais moi j'aime bien les réguliers réguliers et puis j'aime bien faire connaissance avec de nouvelles personnes. Tout dépend en fait de la fantasmagorie, il y a des choses sur lesquelles je ne vais pas. Mais, ouais, j'aime bien mes numéros, comme je les appelle parce qu'ils ont des numéros. J'aime bien mes numéros.
- Speaker #0
Le terme BDSM peut faire un peu peur. Je sais que certains ou certaines de nos auditeurs et de nos éditrices ont une assurance pour une forme de BDSM. Comme on le disait, se faire attacher les mains, se faire bander les yeux, c'est souvent la première étape. Et puis, on ne colle pas l'acronyme BDSM dessus. Pour ceux et celles... qui souhaiteraient s'y essayer, mais qui ne savent pas par où commencer, qu'est-ce que tu leur conseillerais ?
- Speaker #1
Alors déjà, d'avoir une conversation avec l'autre, et d'une conversation assez ouverte, et de fixer un cadre de, ok, on va parler, dans l'absence de jugement, dans la bienveillance, parce que c'est un cadeau. Le fait de parler de son intimité, de ses désirs, de ses fantasmes, ça te met en vulnérabilité. Et donc, quand l'autre se sent suffisamment en confiance, ou suffisamment aimé pour partager cette vulnérabilité, c'est beau. Il faut l'accueillir comme un cadeau, en fait. Après, ça plaît, ça ne plaît pas. On ne peut pas le faire, OK. Mais c'est déjà un super cadeau. Ça veut dire que l'autre, vraiment, est en confiance. Et ça, c'est beau. Moi, j'aime beaucoup les objets littéraires ou cinématographiques. Il y a des films fantastiques à regarder, comme La Secrétaire, comme Bonding, qui parle du métier du sexe. C'est une série sur Netflix. Première saison, on ne parle pas très bien, mais la deuxième saison, on parle bien. Sexe et éducation aussi, le duc de Burgundy. Dans le manuel, on a mis plein de références. Et le fait de regarder avec l'autre ce type de film, ça permet de voir comment l'autre se saisit du sujet. Surtout si on n'a pas commencé à en parler. On passe par un film, on voit si l'autre est réceptif ou pas, ou si il ou elle est complètement choqué. Et passer par ces objets culturels permet peut-être de... commencer à former l'autre, à habituer l'autre, à une sexualité qui sort d'énorme. Et puis il existe des soirées qui s'appellent les munchs, qui se passent dans des bars ou pas, ça dépend. Et là on va rencontrer la communauté, il y a des discussions ou des débats des fois qui sont autour de peut-on être féministe et soumise, qu'est-ce que l'euro, enfin bon bref, plein de sujets. Il y a des sites internet aussi comme fetlife.com qui permettent de rencontrer la communauté. Et en fait, il y a une règle pour moi, c'est lentement mais sûrement. On découvre les choses lentement mais sûrement. La sexualité, c'est au final un énorme striptease dont on ne sait pas où ça finit. Quand on découvre quelque chose, il y a une sorte de gourmandise, d'appétence et d'urgence qui va se mettre en place. il y a les calmements. C'est hyper important. Moi, j'insiste sur la co-construction du jeu. L'étape de, on se met à table et on discute de ce qui est possible ou pas de faire, de ce qu'on a envie, quels sont les tabous, les limites, les safe words, qu'est-ce que j'ai besoin en aftercare, quels sont ces gestes qui vont me réhumaniser. Tout ça, il faut que ce soit abordé. La question du consentement, elle est centrale. Et ensuite, lorsque le jeu se déroule, c'est... important de dire énoncer un safe word n'est pas un échec. Ce n'est pas parce que tu me dis orange ou rouge que ça fait de toi un mauvais ou une mauvaise soumise ou quelqu'un qui n'est pas endurant. Pas du tout. Au contraire. Le fait que je sais que tu es capable de me dire stop me donne plus de liberté. Parce que sinon, je serais tout le temps dans la tension extrême et ne pas oser. Alors que là, Je sais que tu es capable de me dire stop, je sais que tu es capable de me dire un safe word, donc je suis plus libre dans mon jeu.
- Speaker #0
Toi, Axelle, dans ta sexualité, ton intimité propre, est-ce que la domination fait aussi partie de ton intimité à toi personnelle ?
- Speaker #1
Alors justement, tu vois, quand on disait de protéger l'autre, je vais protéger l'autre et je ne vais pas parler de ce sujet-là. Parce que ça veut dire que je parle de notre intimité. Je pense qu'il n'a pas envie. Et moi non plus, je n'ai pas trop envie. J'ai envie de garder ça pour moi.
- Speaker #0
Eh bien, gardons ça pour soi. Est-ce qu'il peut y avoir une lassitude de la sexualité quand on a exploré plein de choses ? Quand j'ai préparé cette question, tu sais, j'ai pensé aux chefs cuisiniers qui passent leur journée à cuisiner pour les autres, à réfléchir à des plats, aux associations de saveurs, etc. Et qui, en fait, quand ils rentrent chez eux, ils n'ont pas du tout envie de se mettre derrière les fourneaux. Est-ce qu'il y a des moments où toi, il y a un trop-plein ? Une espèce de lassitude créative ?
- Speaker #1
C'est sûr qu'être payé pour sa créativité sexuelle, ça a un impact. Et la question de ses propres désirs, de ses envies se pose. Il y a un coût. C'est un métier, c'est sûr, c'est un métier qui a un coût. Il y a un coût social et qui a un coût personnel. Et le coût personnel, c'est la question de son intimité. L'avantage, c'est que j'ai l'habitude de discuter. Et l'autre est à l'aise pour ouvrir le dialogue avec moi sur ces questions-là. Donc, on peut parler assez librement des questions intimes. Et du coup, on trouve des solutions.
- Speaker #0
Bon, la sexualité créative, on l'a compris, c'est quelque chose que tu portes comme un véritable projet politique, parce que tu milites pour la réhabilitation des sexualités transgressives, axées sur le désir, le plaisir, la diversité des expériences et des partenaires. Pourtant, dans un monde certes en évolution, mais quand même très normé, j'imagine que les stigmates, les stigmatisations autour de ta profession ont la peau dure, et que ce militantisme, il ne doit pas... Toujours être facile à porter, est-ce que c'est quelque chose que tu ressens ?
- Speaker #1
Alors le militantisme, intégrer une structure comme j'ai pu l'intégrer, le syndicat du travail sexuel, et de porter la parole, c'est dur, c'est très dur. En France on n'arrive pas à faire avancer les choses, et au contraire en 2016 quand la pénalisation du client est passée, alors qu'on a manifesté etc, donc on est retourné en arrière, ça a été vraiment extrêmement dur. Et là, les choses n'évoluent pas. Les journaux ne parlent que de traite, de prostitution forcée. Et on n'arrive pas, en fait, étant donné qu'il n'y a pas de statistiques, on n'arrive pas à savoir quelles sont les véritables conditions des travailleurs et travailleuses du sexe. Donc c'est dur. Après, individuellement, moi j'aime beaucoup parler de mon métier avec des personnes, avec des moldus, comme on les appelle, parce que c'est... justement leur montrer une autre facette. Puis les gens sont curieux. C'est un métier qui est aussi très fantasmé, fantasmagorique. Je ne compte plus le nombre de films qui parlent de ce sujet-là ou dont le caractère principal va être une prostituée. Il y en a beaucoup, il y a beaucoup de films. Mais souvent on est maltraité dans les films. On finit mal, on est souvent tué, on est souvent sous le joug de quelqu'un. Enfin bon bref, on est très souvent maltraités. Mais maintenant, on voit qu'il y a quand même une évolution et on est de mieux en mieux traités. Et puis, il y a des personnes aussi qui portent bien notre parole. Moi, je suis très attendrie par exemple par Zahia. J'aime beaucoup ce qu'elle dit, j'aime beaucoup ce qu'elle véhicule. Puis on voit aussi qu'on peut être travailleuse du sexe ou travailler dans les métiers du sexe et puis avoir une autre carrière. Je vois Ovidie, je vois Céline Tran, je vois Clara Morgan. Donc on voit qu'on peut à un moment donné exercer ce métier-là, mais après on peut en sortir. Les personnes qui exercent ce métier sont des personnes extraordinaires. Vraiment, moi je suis face à des personnes qui sont extrêmement fortes, intelligentes, brillantes. Et en fait, c'est parce que ça véhicule. Et vu les stigmates, la difficulté d'exercer ce métier, Beaucoup, en fait, c'est une vocation. C'est un métier qu'elles... quelque part qu'elles ont choisi, même si on aimerait tous être entiers et rentières et ne pas avoir à travailler. On est tous d'accord. On est bien d'accord. Mais bon, vu qu'on ne l'est pas tous. Mais voilà, c'est des personnes qui aiment profondément leur métier.
- Speaker #0
On approche tout doucement de la fin de cette interview et à la fin de l'interview, il y a la question signature. Est-ce que tu peux nous partager une anecdote cul, une anecdote cocasse ?
- Speaker #1
J'ai un donjon avec plein d'accessoires, plein de mobilier pour en contraindre les gens. Je peux recevoir un client qui aime que je sois en réunion et je le mets dans ma table cage parce qu'il adore être à mes pieds. Écoutez... Je ne suis pas sûre qu'il écoute ce que je dis en réunion parce que j'ai un casque aussi, donc il n'entend pas. Tu la vois, la table de cage ? Oui,
- Speaker #0
je la vois bien. Effectivement, c'est une grande table avec une feuille de marbre et des barreaux.
- Speaker #1
Oui,
- Speaker #0
c'est ça. C'est incroyable.
- Speaker #1
Et ça dure une heure. Et au bout d'une heure, je le sors de la cage. Je le mets à mes pieds. Il se masturbe. Il se rhabille et il rentre chez lui. J'adore.
- Speaker #0
Évidemment, personne ne sait qu'il est là au moment où tu as ta réunion. Non. Et c'est sous le plaisir de la chose.
- Speaker #1
Je suppose. Mais moi, j'adore ce genre de fantasmes et de fantaisies qui, d'extérieur, sont quand même surprenantes. Et quand tu les vis, tu peux... Enfin, moi, je le vis de manière assez naturelle. Et j'adore, en fait. J'adore parce que, ben voilà, c'est extraordinaire.
- Speaker #0
Merci beaucoup, Axelle, de nous avoir ouvert les portes de ton métier. Et surtout, grand conseil, allez vite en librairie pour acquérir Kink, manuel des sexualités créatives, parce que c'est un très, très, très beau livre.
- Speaker #1
J'y ai mis vraiment tout mon cœur. On y a mis vraiment tout notre cœur. C'est important pour moi, faire une boîte à outils. C'est vraiment le livre que j'aurais aimé avoir quand j'ai commencé. mes explorations. Comme Jouissance Club, je trouve que c'est un très très bon livre. On a essayé de faire ce Jouissance Club des sexualités créatives, donc avec Meta, Ausha et Stella Polaris. Je crois qu'on y est arrivés. Modestement,
- Speaker #0
j'ai l'impression que c'est plutôt réussi, oui. Merci beaucoup, Axelle Lessade.
- Speaker #1
Merci à toi, Louise.
- Speaker #0
C'est la fin de cet épisode, j'espère qu'il vous a plu. Merci de votre écoute et si vous avez aimé ce que vous avez écouté, alors likez le podcast avec 5 étoiles et mettez des commentaires sur Spotify, Deezer, Apple Podcast pour faire connaître Lumière sous la couette au plus grand nombre, ça nous aide vraiment beaucoup. Abonnez-vous au podcast sur votre appli d'écoute et sur notre page Insta pour rester à l'affût de toutes les actus et des nouvelles sorties d'épisodes. Et enfin, si vous aussi vous avez envie de témoigner, vous pouvez me contacter sur Insta via DM ou à l'adresse mail hello arrobase lumière sous la couette point com on se retrouve un mardi sur deux pour la sortie d'un nouvel épisode d'ici là prenez soin de vous et kiffez