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Lumière sur... La sédimentologie

Lumière sur... La sédimentologie

25min |23/07/2025
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Description

La sédimentologie est une discipline scientifique très utile pour comprendre de nombreux phénomènes. Il s’agit d’analyser les sédiments et de comprendre leur formation.
Ces matériaux se déposent au fil du temps dans les océans, mers, lacs et rivières, et peuvent nous en apprendre beaucoup sur l’histoire de notre planète, ses différents environnements et son climat.


Aujourd’hui, nous recevons Iva Jovovic, ingénieur d’études CNRS au laboratoire Biogéosciences. Il s’intéresse à la signature d’éléments comme le carbone, le soufre ou l’oxygène que l’on retrouve dans toutes les enveloppes de la Terre.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Lumière, dans les océans, mers, lacs, rivières, et qui peuvent nous en apprendre beaucoup sur l'histoire de notre planète, ses différents environnements et son climat. Aujourd'hui, nous recevons Ivan Jovovich, qui est ingénieur d'études CNRS au laboratoire Bio-Géosciences. Il s'intéresse à la signature d'éléments comme le carbone, le soufre ou l'oxygène que l'on retrouve dans toutes les enveloppes de la Terre pour mieux comprendre les cycles biologiques. et géologiques. Bonjour Yvan, alors après votre thèse, vous avez rejoint le laboratoire BioGéosciences, quelle est votre mission dans ce labo ?

  • Speaker #1

    Bonjour Véronique, alors comme vous l'avez dit je suis ingénieur d'études au laboratoire BioGéosciences à Dijon et en tant qu'ingénieur ma mission s'articule principalement autour de trois grands axes. Le premier axe c'est comme on peut l'imaginer pour un ingénieur, l'entretien, le réglage des instruments de mesure. et la réalisation d'analyses d'échantillons en utilisant ces instruments. Le deuxième axe concerne l'apport de conseils aux chercheurs, puisque, ayant une expertise technique sur les instruments, je suis amené à les accompagner dans le choix des instruments, des analyses appropriées à leurs besoins, et parfois dans le développement de nouveaux protocoles pour répondre à leurs besoins spécifiques. Par exemple, s'ils ont des échantillons un petit peu originaux qui sortent du cadre des analyses classiques, on va essayer de mettre en place de nouveaux moyens de les étudier. Le troisième axe, c'est la participation à la transmission des connaissances. C'est dans ce cadre-là que je suis présent aujourd'hui. Et cette transmission des connaissances, elle passe évidemment par des entrevues, mais aussi par des enseignements auprès des étudiants de l'université, ou par des visites guidées, ou la participation à des événements de vulgarisation, comme la nuit des chercheurs ou les fêtes de la science.

  • Speaker #0

    Alors, je parlais en introduction de sédiments. Est-ce que vous avez des exemples d'analyse de sédiments dans une recherche précise ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Alors déjà, on va peut-être commencer par clarifier ce que constituent les sédiments. Les sédiments, à l'origine, ce sont de fines particules qu'on peut trouver en suspension dans l'air ou dans l'eau et qui, progressivement, sous l'effet de la gravité, vont finir par se déposer, s'accumuler dans les creux naturels. Alors ces creux naturels, ça peut être les lacs, par exemple. Ce qui est intéressant avec ces particules qui se déposent progressivement, c'est que En fait, comme elles vont se déposer très lentement, elles vont s'accumuler les unes sur les autres, et finir par former des strates qui peuvent, au bout de nombreuses années, former des couches assez épaisses. Alors, l'intérêt majeur d'avoir des strates et des sédiments qui s'accumulent de cette manière, c'est que, puisque, comme je vous le disais, ces couches s'accumulent les unes après les autres, celles qu'on va retrouver en profondeur sont, assez naturellement, les plus anciennes, et celles qu'on retrouve au niveau de la surface vont être les plus récentes, celles qui viennent de se déposer. En étudiant ces strates successives, on va pouvoir remonter dans le temps en regardant ce qui s'est déposé à une époque plus ou moins reculée. Concrètement, pour nos auditeurs bourguignons, je peux donner un exemple qui est celui des falaises de la côte viticole. Ces falaises sont constituées de sédiments qui sont relativement anciens, tellement anciens qu'ils ont fini par se compacter et former des roches. Ces falaises ont de l'ordre de 160 millions d'années. Et ce qui est intéressant, c'est que quand on étudie ces roches, alors c'est évidemment pas moi qui l'ai fait, ça fait des décennies et des décennies que ça a été étudié, mais on s'est rendu compte qu'il y avait un certain nombre de fossiles, de coquillages, qu'on peut retrouver dans les vignes quand on se promène. Il y a certaines personnes qui ont peut-être même déjà trouvé des fragments de bois fossilisés, qui est en fait du bois de cocotier qui a fini par être piégé dans la roche et minéralisé. Alors ce que nous racontent ces fossiles marins et ces bois de cocotier, c'est L'histoire d'un paysage qui était radicalement différent il y a 160 millions d'années de celui qu'on connaît aujourd'hui et qui était beaucoup plus proche de ce qu'on peut imaginer d'une île paradisiaque avec des lagons, des eaux chaudes et peu profondes et évidemment les arbres des tropiques qu'on connaît. Un autre exemple d'utilisation des sédiments pour raconter des histoires que je peux vous mentionner, et là on va partir dans une direction radicalement différente, c'est celle qu'a prise un collègue qui travaille à Orléans. qui est chercheur là-bas, et lui s'est intéressé à étudier les dépôts qu'on trouve dans les cuves de décantation des égouts. Vous savez que dans les stations d'épuration, l'eau est d'abord décantée pour que les débris s'accumulent et avoir une eau la plus claire possible au moment de la filtrer et de la traiter. Ces cuves de décantation finissent par se remplir, et à un moment, il faut les vider. Celle des égouts d'Orléans avait été aménagée dans les années 40, et... Il a fallu la vider il y a une dizaine d'années. Donc ça représente, si on fait le calcul, 60-70 ans de dépôts. Et ces dépôts proviennent de tous les déchets, finalement, de la ville d'Orléans. Lui s'est amusé à analyser la composition chimique de ces dépôts. Il a retrouvé des traces, des traces de produits chimiques, comme des médicaments ou des drogues, qui reviennent directement des eaux usées et qui racontent une histoire de la pratique de la médecine ou des pratiques. liés à la drogue dans la ville d'Orléans depuis les années 40. Donc vous voyez qu'on peut raconter des histoires très très différentes à partir de techniques relativement similaires.

  • Speaker #0

    Si on veut raconter des histoires avec ces sédiments, il faut qu'on les collecte. Comment faites-vous ?

  • Speaker #1

    Pour les collecter, il y a un grand nombre de techniques. La façon de les collecter va avant tout dépendre de la nature des sédiments. Dans les deux exemples que je vous ai donnés, on avait dans un cas des sédiments relativement récents provenant d'une cuve de décantation. Et là, on est sur des sédiments assez meubles, assez friables, qui ressemblent d'ailleurs finalement à ce qu'on peut trouver... Dans le fond des lacs, la vase qu'on connaît si on va dans une eau de lac ou de rivière, ces sédiments meubles sont relativement faciles à collecter. Globalement, on enfonce un tube dedans, ça va être assez facile, c'est un peu comme creuser dans le sable au bord de la mer. Donc là, on va utiliser des outils finalement assez simples qui ressemblent à des tarières. Pour les personnes qui ne connaissent pas, une tarière, c'est finalement un tube en acier qu'on va planter dans le sol, on va faire une rotation, et avec un système proche d'une vis, on va pouvoir extraire. une colonne de sédiments, une espèce de tube, ce qu'on appelle une carotte. Donc là, c'est relativement simple. Quand on travaille sur des sédiments qui sont un peu plus anciens, qui ont été compactés, qui sont devenus des roches, comme ceux de la côte viticole, là, il va falloir utiliser des techniques un petit peu plus lourdes. Et on va utiliser finalement le même principe, c'est-à-dire enfoncer un tube dans la roche pour en extraire un fragment. Sauf que cette fois-ci, le tube sera motorisé, il y aura des lames diamantées qui vont permettre de creuser. C'est ce qu'on appelle un carottier, c'est ce qu'on utilise soit en géotechnique, quand on veut faire une étude avant de terrasser un terrain, ou ce qu'on utilise en exploration minière ou pétrolière pour connaître le sous-sol. Il existe une troisième façon d'échantillonner les sédiments, et c'est peut-être la plus simple, c'est celle qui est à la portée de tout le monde. La côte viticole, ce sont des roches sédimentaires qui sont ouvertes au ciel, sous l'effet de l'érosion, c'est-à-dire le vent, la pluie. de l'usure naturelle des roches, les sédiments peuvent se retrouver exposés à l'air libre. Et alors là, il n'y a plus qu'à se pencher pour les ramasser, que ce soit en utilisant un marteau ou vraiment à la main, et on peut les collecter très facilement de cette manière.

  • Speaker #0

    Y a-t-il des conditions de conservation des sédiments ?

  • Speaker #1

    Alors bien sûr, il y a des conditions de conservation des sédiments. Une fois de plus, je vais répondre, ça dépend. Dans le cas d'une roche sédimentaire comme... celles qu'on a sur la côte, les fameux calcaires de Comblanchien notamment, qui sont très connus, on est sur des roches qui sont quand même assez résistantes. Ce n'est pas pour rien qu'on utilise ces roches pour fabriquer des monuments, que la plupart des monuments de la région sont fabriqués avec des roches similaires. Il y a même un certain nombre de pierres de Comblanchien qui ont été utilisées pour la restauration de Notre-Dame de Paris. Ce sont des roches qui peuvent résister à l'air libre pendant des siècles et des siècles. Donc là, finalement, les conditions de conservation sont relativement peu exigeantes. On essaie de les conserver dans un endroit à l'abri de la poussière, à l'abri de la lumière, de l'humidité, mais pas trop d'exigences supplémentaires. Dans le cas de sédiments plus frais, plus récents, comme de la vase, comme les fameux sédiments de la cuve de décantation, là, c'est une histoire un petit peu différente, puisque ces sédiments vont contenir un certain nombre de composés qui sont très vulnérables. Ils contiennent notamment de la matière organique. Cette matière organique, elle est très sensible à la lumière, à la chaleur, parfois même à l'oxygène, dans le cas de sédiments qui ont été à l'abri de l'air pendant un moment, et peut se dégrader très très rapidement. Donc là, les conditions de conservation vont sembler à celles des aliments, finalement, c'est-à-dire au frais, si possible au frais sec, à l'abri de la chaleur, de la lumière, de l'humidité. Et pour ça, on a des grandes salles qui sont réfrigérées à humidité contrôlée qui nous permettent de stocker ces carottes de sédiments. Parfois, on les place également sous vide, congelées, séchées, etc. Il y a différentes méthodes. Mais il y a par contre un point commun entre tous les sédiments qui va être essentiel dans la conservation, c'est l'étiquetage de ces échantillons. Puisque ces échantillons peuvent avoir été préservés au frais, à l'abri de la lumière, pendant des années extrêmement bien, si on n'a pas d'étiquette qui indique d'où ils proviennent et ce qu'ils représentent, on ne va pas pouvoir les utiliser. Donc il est extrêmement important d'avoir un archivage des informations de collecte des échantillons, des traitements éventuels qu'ils ont pu subir, de leurs conditions de conservation, de leur provenance, toutes ces informations sont précieuses pour pouvoir les utiliser par la suite.

  • Speaker #0

    Une fois rentré au labo, j'imagine qu'il y a peut-être des préparations avant d'analyser les échantillons ?

  • Speaker #1

    Oui, effectivement, il y a un certain nombre de préparations qu'on peut apporter aux échantillons. Là, ça va dépendre du type d'analyse qu'on souhaite faire. En fait, j'aime bien comparer la chimie, puisque je fais beaucoup de chimie, à la cuisine. C'est une analogie qui est assez populaire. On va prendre un petit exemple. L'exemple, ça va être le citron. Le citron, c'est un fruit formidable que beaucoup de gens apprécient. Moi, j'apprécie beaucoup. On peut tout utiliser dans le citron. On peut utiliser le zeste, le ziste, le jus, la pulpe, même les pépins. Mais par contre, on ne va pas les utiliser pour les mêmes préparations ni pour les mêmes raisons. Eh bien, selon la recette qu'on souhaite faire, on va soit faire attention à peler le ziste pour le garder de côté, ou le zeste, voire les deux ensemble. Peut-être que si on a juste besoin d'un jus de citron très rapidement, on va simplement presser le citron et se débarrasser du reste. Alors, on parlait de conservation des échantillons juste avant. Nous, l'intérêt, c'est d'essayer de dégrader le moins possible les échantillons qu'on prélève, puisque parfois, ils sont faciles à obtenir, mais parfois, ils sont extrêmement compliqués. Si on parle d'échantillonnage dans des pays lointains, reculés, ça peut être très coûteux, techniquement difficile, parfois dans des réserves protégées. Donc, on essaie de préserver au maximum le matériel dont on dispose. et là, les techniques qu'on va choisir vont... être sélectionnés pour leur capacité à extraire l'information qui nous intéresse tout en préservant le reste de l'échantillon pour une utilisation ultérieure. C'est un petit peu comme, alors je prenais l'exemple du citron, mais on peut prendre celui des œufs. Quand on prépare un gâteau et qu'on n'a besoin que du jaune d'œuf, on peut très bien conserver les blancs, que ce soit au frais voire congelés, pour une utilisation un peu plus tard si on n'a pas envie de faire de meringue le jour même. C'est un peu ce qu'on essaie de faire avec nos échantillons.

  • Speaker #0

    Alors, quels instruments utilisez-vous et comment vous les choisissez ? J'imagine que c'est en fonction des résultats que vous attendez ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Les analyses que je fais principalement au laboratoire BioGéosciences sont des analyses dites de composition élémentaire et isotopique. Ce sont des mots un peu barbares, mais l'idée générale, c'est d'essayer de déterminer la teneur d'un échantillon en éléments tels que le carbone, l'oxygène et le soufre. On va me donner une poudre et je vais dire qu'elle contient... 3% de soufre et 20% de carbone, plus ou moins. Ça, c'est la première information qu'on va chercher à obtenir. L'autre information, c'est l'information isotopique. Alors là, on ne va pas rentrer trop dans le détail aujourd'hui, mais disons que c'est une espèce d'empreinte des atomes qui constituent la matière, comme le carbone, l'oxygène, le soufre. Ça va être un petit peu la signature de cet oxygène, ce carbone, ce soufre, et cette signature, elle les distingue. nous permet d'identifier la provenance de ces éléments dans l'échantillon. Les instruments qui permettent de faire ce genre de mesures sont des instruments qu'on appelle des spectromètres de masse. Pourquoi ? Parce qu'ils analysent la masse de la matière à l'échelle moléculaire. Et c'est cette masse qui est directement liée à la fois à la composition et aux propriétés de la matière. Pour utiliser ces spectromètres de masse, il faut conditionner les échantillons sous la forme de gaz très pur. C'est un petit peu contraignant, c'est pour ça que c'est... Ce sont des instruments assez techniques. Et pour transformer un échantillon en un gaz très pur, c'est-à-dire si je pars d'un échantillon de sol et que je veux obtenir un gaz comme le dioxyde de carbone très purifié, je vais utiliser une sorte de four, on appelle ça un analyseur élémentaire, qui va brûler les échantillons, les sédiments, à très haute température. On parle de plusieurs centaines, voire 1000-1400 degrés. Et ça nous permet de les brûler, de les transformer en gaz qu'on va être capable de séparer. et d'analyser individuellement. Et l'intérêt de ces fours, c'est qu'ils sont très polyvalents, ils peuvent être adaptés pour recevoir soit des échantillons solides, comme un sol, mais ils peuvent aussi accueillir, dans certains cas, des échantillons liquides et gazeux. Et évidemment, pour chacune de ces configurations, il va falloir adapter l'instrument et le configurer spécifiquement à l'analyse.

  • Speaker #0

    Alors, quelles sont les interactions que vous avez avec les chercheurs pendant tout ce processus de travail ?

  • Speaker #1

    Alors, les interactions, elles sont multiples, et je dirais que... peuvent démarrer très très en amont du projet. On parlait d'échantillonnage tout à l'heure. Alors, une première interaction qu'on peut avoir avec les chercheurs, ça va être sur la façon à la fois de prélever et de conserver les échantillons de façon optimale. Donc on va se poser la question de ce qu'ils veulent obtenir comme résultat, comme analyse pour répondre à leurs questions, et de la meilleure manière d'accomplir tout le chemin qui va nous mener jusqu'à ce résultat. Ensuite, On va choisir la configuration d'instruments adaptés, ce qu'on mentionnait juste avant. Et puis, dans certains cas, on va réfléchir aussi à la rapidité du processus. Il y a toujours un compromis à trouver entre obtenir des résultats rapides, parfois peu coûteux, mais qui vont peut-être être un petit peu moins précis, des analyses un petit peu moins optimisées pour leurs besoins. Et dans certains cas, on a des échantillons précieux pour lesquels on veut des valeurs les plus robustes et les plus précises possibles, quitte à y consacrer du temps. et là on va pouvoir travailler parfois pendant des années. jusqu'à obtenir une valeur très précise et très fiable. Alors, une fois que l'analyse est réalisée, on va ensuite discuter avec les chercheurs des résultats, de la façon de les interpréter et de présenter au mieux les données pour les publier.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous pouvez faire des images de ces sédiments pour des publications scientifiques ? C'est utile ou pas ?

  • Speaker #1

    Alors, des images, pas tout à fait strictement. En fait, ce qu'on produit, ce sont des données de chiffres. Je vous disais qu'on analysait la composition, donc on va globalement avoir des pourcentages. Par contre, avoir un tableau de pourcentages, ce n'est pas très parlant. Donc, évidemment, il va falloir mettre en forme ces résultats sous la forme de graphes qui sont généralement assez normés dans la communauté. Ça va être un premier travail à effectuer pour bien visualiser, valoriser les données. La deuxième partie du travail va concerner l'interprétation. Une fois qu'on a réfléchi à une explication pour les données qu'on a obtenues, souvent on va produire des schémas, des petits diagrammes qui vont nous permettre de proposer une illustration du mécanisme qu'on est en train de décrire.

  • Speaker #0

    J'imagine que le développement des technologies peut apporter des résultats de plus en plus précis. Vous a-t-on déjà demandé de refaire des analyses de « vieux » échantillons pour vérifier les premières constatations qui avaient été faites il y a quelques années ?

  • Speaker #1

    Alors oui, tout à fait. C'est même une pratique qui est au cœur de la démarche scientifique. Les analyses de « vieux » échantillons, comme vous dites, ce sont des analyses qu'on peut faire pour deux raisons principalement. Alors la première, c'est... Celle que vous mentionnez, il peut être intéressant, avec l'amélioration des techniques, de réviser une analyse qui a été faite peut-être au début du siècle, pour y apporter des précisions, des compléments. C'est quelque chose qu'on observe de façon très récurrente. Dans mon domaine, par exemple, il y a un site qui est très cher à mon cœur, qui se trouve aux Etats-Unis, qui a été... décrit dès le début du 19e siècle. Il a commencé à être étudié très en détail à partir des années 50, puis on ne l'a plus étudié, on l'a oublié, c'est revenu dans les années 80, puis dans les années 2000, et maintenant ça revient. Vous voyez qu'il y a des gaps, et ces gaps correspondent à des améliorations des technologies, des améliorations des connaissances scientifiques qui donnent un intérêt à réviser ces échantillons. La deuxième raison pour laquelle on peut vouloir réanalyser des échantillons qui l'ont déjà été, c'est justement pour le développement des nouvelles technologies. quand on... invente une nouvelle technique, on va d'abord chercher à vérifier qu'elle fonctionne sur des échantillons qui sont bien connus. Et donc pour ça, les échantillons archivés et historiques sont extrêmement précieux parce qu'ils nous permettent non seulement de servir de référence pour l'amélioration des techniques, mais également pour les rendre plus robustes. Dans les deux cas, tout ce processus illustre l'importance cruciale de la conservation des échantillons que vous abordiez tout à l'heure et de l'or. et tic-tac propre de leur bonne conservation.

  • Speaker #0

    Alors, nous avons analysé avec vous des sédiments, mais votre travail peut-il s'intéresser à des domaines complètement différents ? Quand on a préparé un petit peu cette émission, vous parliez que vous pouviez travailler sur l'étude d'eau pétillante. Alors, de quoi s'agit-il exactement ?

  • Speaker #1

    Oui, alors effectivement, on peut trouver un certain nombre de sujets exotiques pour des géologues. En fait, l'eau pétillante, c'est de l'eau qui contient du gaz. Et ce gaz, ces fines bulles, ce sont les mêmes qu'on retrouve dans toutes les boissons gazeuses, que ce soit le Coca-Cola ou le champagne, le crément, bien sûr. Ce gaz, c'est du dioxyde de carbone qui est bien connu. Il est donc constitué de carbone et d'oxygène. Et le carbone et l'oxygène sont des éléments que j'ai l'habitude d'étudier au laboratoire et que je peux étudier avec les instruments dont je dispose. Comme je vous le disais, la composition en carbone et en oxygène nous donne des informations sur leur provenance. Et pour l'eau gazeuse, on espère raconter un peu l'histoire de cette eau gazeuse et du gaz qu'elle contient.

  • Speaker #0

    Et donc du coup, c'est quoi les attendus pour le coup ?

  • Speaker #1

    Eh bien justement, la provenance du CO2 est très intéressante pour le cas de l'eau pétillante en particulier. Vous savez que sur les bouteilles, il est souvent indiqué eau naturellement gazeuse ou adjonction de gaz carbonique. Dans le cas d'une eau naturellement gazeuse, le dioxyde de carbone aura une composition différente du cas dans lequel on l'a ajouté artificiellement. Il peut y avoir plusieurs utilisations de cette technique et de ce diagnostic. Une première, ça peut être d'essayer de mieux comprendre les techniques, les améliorer. Ça peut être aussi de comprendre les sources du gaz dans les eaux naturellement gazeuses. et alors une autre application qui est déjà utilisée par... des collègues qui travaillent pour la répression des fraudes, va être de pouvoir vérifier très facilement finalement l'indication de l'étiquette y a-t-il eu ou non fraude sur le naturellement gazeuse.

  • Speaker #0

    Et alors là, vous allez utiliser quels instruments ? D'autres instruments que les précédents ou c'est encore autre chose ?

  • Speaker #1

    Alors on pourrait utiliser les instruments traditionnellement utilisés pour ces techniques. Là, dans le cas particulier, ce qui est intéressant et ce pourquoi je m'intéresse à ce sujet, c'est qu'on dispose d'un instrument relativement nouveau sur le marché, vous parliez juste avant d'innovation technologique, et qui nous permet de déterminer cette fameuse composition du dioxyde de carbone de façon à la fois rapide et très économique. Donc l'idée... ce n'est pas tant de révolutionner la technique ou son application, c'est plutôt de la démocratiser. Et on pourrait imaginer que, que ce soit pour des cas de fraude, des applications industrielles ou des diagnostics dans le cas, je ne sais pas, d'études géothermales, par exemple, on puisse mettre à disposition une technique qui est à l'heure actuelle très technique, très justement spécifique et qui demande un haut degré d'expertise. On pourrait la démocratiser à des personnes qui auraient besoin de moins de formation pour l'utiliser.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qui vous plaît le plus dans votre travail ? Parce qu'il est multiple, on a l'impression quand même qu'il y a plusieurs facettes.

  • Speaker #1

    Justement, c'est la première chose qui me plaît dans mon travail. J'aime travailler sur des projets très variés, avoir des journées qui sont parfois très différentes. Mais je pense que finalement, ce qui me plaît le plus dans ce travail, c'est le fait d'apprendre de nouvelles choses tous les jours. Et je pense que les métiers de la recherche, c'est avant tout ça, ce sont des métiers de curieux.

  • Speaker #0

    Et quel a été votre parcours pour arriver là ?

  • Speaker #1

    Alors mon parcours, j'ai fait un bac scientifique et ensuite j'ai fait une classe préparatoire, une école d'ingénieur en géologie, suite à laquelle j'ai fait différents stages, dont des stages en laboratoire de recherche. J'ai eu envie de faire une thèse de doctorat en sciences de la Terre. Et cette thèse de doctorat m'a permis de me former aux techniques de l'instrumentation scientifique. Et j'ai ensuite eu l'opportunité de... postuler à un concours du CNRS pour devenir ingénieur au laboratoire bio-géosciences. Ce n'est pas forcément le parcours le plus classique. Les métiers d'ingénieur sont accessibles à partir du bac ou même du bac plus 3, des bacs professionnels. Ils sont ouverts à tous les niveaux d'études. Ils sont très variés et tout le monde peut y trouver du grain à moudre.

  • Speaker #0

    Et alors, quels conseils donneriez-vous à des lycéennes ou des lycéens qui se posent des questions sur leur orientation ?

  • Speaker #1

    Alors, le principal conseil que j'aurais à leur donner, c'est d'être curieux. Être curieux, ne pas hésiter à franchir la porte, que ce soit des laboratoires ou des entreprises, des métiers qui les intriguent, parce qu'il est parfois très très difficile de faire un choix pour déterminer ce qu'on aime. Mais par contre, il est beaucoup plus facile de déterminer ce qu'on n'aime pas. Alors, il ne faut pas hésiter, multiplier les expériences, ne pas avoir peur de se tromper, parce qu'en plus aujourd'hui, il existe de nombreuses passerelles qui permettent de rebondir. entre différentes formations professionnelles. Voilà, la plupart des métiers de passion sont animés par des personnes qui seront ravies de répondre à leurs questions, de les accueillir. On accueille régulièrement des lycéens au laboratoire. Donc voilà, il ne faut pas hésiter.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. En tout cas, je vous remercie beaucoup pour ce partage de connaissances et d'informations. Merci.

  • Speaker #1

    Merci à vous Véronique pour votre invitation et vos questions.

  • Speaker #0

    C'était Lumière sur la sédimentologie avec Yvan Jovovic.

  • Speaker #1

    Ingénieur d'études au laboratoire Bio-Géosciences à Dijon.

Description

La sédimentologie est une discipline scientifique très utile pour comprendre de nombreux phénomènes. Il s’agit d’analyser les sédiments et de comprendre leur formation.
Ces matériaux se déposent au fil du temps dans les océans, mers, lacs et rivières, et peuvent nous en apprendre beaucoup sur l’histoire de notre planète, ses différents environnements et son climat.


Aujourd’hui, nous recevons Iva Jovovic, ingénieur d’études CNRS au laboratoire Biogéosciences. Il s’intéresse à la signature d’éléments comme le carbone, le soufre ou l’oxygène que l’on retrouve dans toutes les enveloppes de la Terre.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    Lumière, dans les océans, mers, lacs, rivières, et qui peuvent nous en apprendre beaucoup sur l'histoire de notre planète, ses différents environnements et son climat. Aujourd'hui, nous recevons Ivan Jovovich, qui est ingénieur d'études CNRS au laboratoire Bio-Géosciences. Il s'intéresse à la signature d'éléments comme le carbone, le soufre ou l'oxygène que l'on retrouve dans toutes les enveloppes de la Terre pour mieux comprendre les cycles biologiques. et géologiques. Bonjour Yvan, alors après votre thèse, vous avez rejoint le laboratoire BioGéosciences, quelle est votre mission dans ce labo ?

  • Speaker #1

    Bonjour Véronique, alors comme vous l'avez dit je suis ingénieur d'études au laboratoire BioGéosciences à Dijon et en tant qu'ingénieur ma mission s'articule principalement autour de trois grands axes. Le premier axe c'est comme on peut l'imaginer pour un ingénieur, l'entretien, le réglage des instruments de mesure. et la réalisation d'analyses d'échantillons en utilisant ces instruments. Le deuxième axe concerne l'apport de conseils aux chercheurs, puisque, ayant une expertise technique sur les instruments, je suis amené à les accompagner dans le choix des instruments, des analyses appropriées à leurs besoins, et parfois dans le développement de nouveaux protocoles pour répondre à leurs besoins spécifiques. Par exemple, s'ils ont des échantillons un petit peu originaux qui sortent du cadre des analyses classiques, on va essayer de mettre en place de nouveaux moyens de les étudier. Le troisième axe, c'est la participation à la transmission des connaissances. C'est dans ce cadre-là que je suis présent aujourd'hui. Et cette transmission des connaissances, elle passe évidemment par des entrevues, mais aussi par des enseignements auprès des étudiants de l'université, ou par des visites guidées, ou la participation à des événements de vulgarisation, comme la nuit des chercheurs ou les fêtes de la science.

  • Speaker #0

    Alors, je parlais en introduction de sédiments. Est-ce que vous avez des exemples d'analyse de sédiments dans une recherche précise ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Alors déjà, on va peut-être commencer par clarifier ce que constituent les sédiments. Les sédiments, à l'origine, ce sont de fines particules qu'on peut trouver en suspension dans l'air ou dans l'eau et qui, progressivement, sous l'effet de la gravité, vont finir par se déposer, s'accumuler dans les creux naturels. Alors ces creux naturels, ça peut être les lacs, par exemple. Ce qui est intéressant avec ces particules qui se déposent progressivement, c'est que En fait, comme elles vont se déposer très lentement, elles vont s'accumuler les unes sur les autres, et finir par former des strates qui peuvent, au bout de nombreuses années, former des couches assez épaisses. Alors, l'intérêt majeur d'avoir des strates et des sédiments qui s'accumulent de cette manière, c'est que, puisque, comme je vous le disais, ces couches s'accumulent les unes après les autres, celles qu'on va retrouver en profondeur sont, assez naturellement, les plus anciennes, et celles qu'on retrouve au niveau de la surface vont être les plus récentes, celles qui viennent de se déposer. En étudiant ces strates successives, on va pouvoir remonter dans le temps en regardant ce qui s'est déposé à une époque plus ou moins reculée. Concrètement, pour nos auditeurs bourguignons, je peux donner un exemple qui est celui des falaises de la côte viticole. Ces falaises sont constituées de sédiments qui sont relativement anciens, tellement anciens qu'ils ont fini par se compacter et former des roches. Ces falaises ont de l'ordre de 160 millions d'années. Et ce qui est intéressant, c'est que quand on étudie ces roches, alors c'est évidemment pas moi qui l'ai fait, ça fait des décennies et des décennies que ça a été étudié, mais on s'est rendu compte qu'il y avait un certain nombre de fossiles, de coquillages, qu'on peut retrouver dans les vignes quand on se promène. Il y a certaines personnes qui ont peut-être même déjà trouvé des fragments de bois fossilisés, qui est en fait du bois de cocotier qui a fini par être piégé dans la roche et minéralisé. Alors ce que nous racontent ces fossiles marins et ces bois de cocotier, c'est L'histoire d'un paysage qui était radicalement différent il y a 160 millions d'années de celui qu'on connaît aujourd'hui et qui était beaucoup plus proche de ce qu'on peut imaginer d'une île paradisiaque avec des lagons, des eaux chaudes et peu profondes et évidemment les arbres des tropiques qu'on connaît. Un autre exemple d'utilisation des sédiments pour raconter des histoires que je peux vous mentionner, et là on va partir dans une direction radicalement différente, c'est celle qu'a prise un collègue qui travaille à Orléans. qui est chercheur là-bas, et lui s'est intéressé à étudier les dépôts qu'on trouve dans les cuves de décantation des égouts. Vous savez que dans les stations d'épuration, l'eau est d'abord décantée pour que les débris s'accumulent et avoir une eau la plus claire possible au moment de la filtrer et de la traiter. Ces cuves de décantation finissent par se remplir, et à un moment, il faut les vider. Celle des égouts d'Orléans avait été aménagée dans les années 40, et... Il a fallu la vider il y a une dizaine d'années. Donc ça représente, si on fait le calcul, 60-70 ans de dépôts. Et ces dépôts proviennent de tous les déchets, finalement, de la ville d'Orléans. Lui s'est amusé à analyser la composition chimique de ces dépôts. Il a retrouvé des traces, des traces de produits chimiques, comme des médicaments ou des drogues, qui reviennent directement des eaux usées et qui racontent une histoire de la pratique de la médecine ou des pratiques. liés à la drogue dans la ville d'Orléans depuis les années 40. Donc vous voyez qu'on peut raconter des histoires très très différentes à partir de techniques relativement similaires.

  • Speaker #0

    Si on veut raconter des histoires avec ces sédiments, il faut qu'on les collecte. Comment faites-vous ?

  • Speaker #1

    Pour les collecter, il y a un grand nombre de techniques. La façon de les collecter va avant tout dépendre de la nature des sédiments. Dans les deux exemples que je vous ai donnés, on avait dans un cas des sédiments relativement récents provenant d'une cuve de décantation. Et là, on est sur des sédiments assez meubles, assez friables, qui ressemblent d'ailleurs finalement à ce qu'on peut trouver... Dans le fond des lacs, la vase qu'on connaît si on va dans une eau de lac ou de rivière, ces sédiments meubles sont relativement faciles à collecter. Globalement, on enfonce un tube dedans, ça va être assez facile, c'est un peu comme creuser dans le sable au bord de la mer. Donc là, on va utiliser des outils finalement assez simples qui ressemblent à des tarières. Pour les personnes qui ne connaissent pas, une tarière, c'est finalement un tube en acier qu'on va planter dans le sol, on va faire une rotation, et avec un système proche d'une vis, on va pouvoir extraire. une colonne de sédiments, une espèce de tube, ce qu'on appelle une carotte. Donc là, c'est relativement simple. Quand on travaille sur des sédiments qui sont un peu plus anciens, qui ont été compactés, qui sont devenus des roches, comme ceux de la côte viticole, là, il va falloir utiliser des techniques un petit peu plus lourdes. Et on va utiliser finalement le même principe, c'est-à-dire enfoncer un tube dans la roche pour en extraire un fragment. Sauf que cette fois-ci, le tube sera motorisé, il y aura des lames diamantées qui vont permettre de creuser. C'est ce qu'on appelle un carottier, c'est ce qu'on utilise soit en géotechnique, quand on veut faire une étude avant de terrasser un terrain, ou ce qu'on utilise en exploration minière ou pétrolière pour connaître le sous-sol. Il existe une troisième façon d'échantillonner les sédiments, et c'est peut-être la plus simple, c'est celle qui est à la portée de tout le monde. La côte viticole, ce sont des roches sédimentaires qui sont ouvertes au ciel, sous l'effet de l'érosion, c'est-à-dire le vent, la pluie. de l'usure naturelle des roches, les sédiments peuvent se retrouver exposés à l'air libre. Et alors là, il n'y a plus qu'à se pencher pour les ramasser, que ce soit en utilisant un marteau ou vraiment à la main, et on peut les collecter très facilement de cette manière.

  • Speaker #0

    Y a-t-il des conditions de conservation des sédiments ?

  • Speaker #1

    Alors bien sûr, il y a des conditions de conservation des sédiments. Une fois de plus, je vais répondre, ça dépend. Dans le cas d'une roche sédimentaire comme... celles qu'on a sur la côte, les fameux calcaires de Comblanchien notamment, qui sont très connus, on est sur des roches qui sont quand même assez résistantes. Ce n'est pas pour rien qu'on utilise ces roches pour fabriquer des monuments, que la plupart des monuments de la région sont fabriqués avec des roches similaires. Il y a même un certain nombre de pierres de Comblanchien qui ont été utilisées pour la restauration de Notre-Dame de Paris. Ce sont des roches qui peuvent résister à l'air libre pendant des siècles et des siècles. Donc là, finalement, les conditions de conservation sont relativement peu exigeantes. On essaie de les conserver dans un endroit à l'abri de la poussière, à l'abri de la lumière, de l'humidité, mais pas trop d'exigences supplémentaires. Dans le cas de sédiments plus frais, plus récents, comme de la vase, comme les fameux sédiments de la cuve de décantation, là, c'est une histoire un petit peu différente, puisque ces sédiments vont contenir un certain nombre de composés qui sont très vulnérables. Ils contiennent notamment de la matière organique. Cette matière organique, elle est très sensible à la lumière, à la chaleur, parfois même à l'oxygène, dans le cas de sédiments qui ont été à l'abri de l'air pendant un moment, et peut se dégrader très très rapidement. Donc là, les conditions de conservation vont sembler à celles des aliments, finalement, c'est-à-dire au frais, si possible au frais sec, à l'abri de la chaleur, de la lumière, de l'humidité. Et pour ça, on a des grandes salles qui sont réfrigérées à humidité contrôlée qui nous permettent de stocker ces carottes de sédiments. Parfois, on les place également sous vide, congelées, séchées, etc. Il y a différentes méthodes. Mais il y a par contre un point commun entre tous les sédiments qui va être essentiel dans la conservation, c'est l'étiquetage de ces échantillons. Puisque ces échantillons peuvent avoir été préservés au frais, à l'abri de la lumière, pendant des années extrêmement bien, si on n'a pas d'étiquette qui indique d'où ils proviennent et ce qu'ils représentent, on ne va pas pouvoir les utiliser. Donc il est extrêmement important d'avoir un archivage des informations de collecte des échantillons, des traitements éventuels qu'ils ont pu subir, de leurs conditions de conservation, de leur provenance, toutes ces informations sont précieuses pour pouvoir les utiliser par la suite.

  • Speaker #0

    Une fois rentré au labo, j'imagine qu'il y a peut-être des préparations avant d'analyser les échantillons ?

  • Speaker #1

    Oui, effectivement, il y a un certain nombre de préparations qu'on peut apporter aux échantillons. Là, ça va dépendre du type d'analyse qu'on souhaite faire. En fait, j'aime bien comparer la chimie, puisque je fais beaucoup de chimie, à la cuisine. C'est une analogie qui est assez populaire. On va prendre un petit exemple. L'exemple, ça va être le citron. Le citron, c'est un fruit formidable que beaucoup de gens apprécient. Moi, j'apprécie beaucoup. On peut tout utiliser dans le citron. On peut utiliser le zeste, le ziste, le jus, la pulpe, même les pépins. Mais par contre, on ne va pas les utiliser pour les mêmes préparations ni pour les mêmes raisons. Eh bien, selon la recette qu'on souhaite faire, on va soit faire attention à peler le ziste pour le garder de côté, ou le zeste, voire les deux ensemble. Peut-être que si on a juste besoin d'un jus de citron très rapidement, on va simplement presser le citron et se débarrasser du reste. Alors, on parlait de conservation des échantillons juste avant. Nous, l'intérêt, c'est d'essayer de dégrader le moins possible les échantillons qu'on prélève, puisque parfois, ils sont faciles à obtenir, mais parfois, ils sont extrêmement compliqués. Si on parle d'échantillonnage dans des pays lointains, reculés, ça peut être très coûteux, techniquement difficile, parfois dans des réserves protégées. Donc, on essaie de préserver au maximum le matériel dont on dispose. et là, les techniques qu'on va choisir vont... être sélectionnés pour leur capacité à extraire l'information qui nous intéresse tout en préservant le reste de l'échantillon pour une utilisation ultérieure. C'est un petit peu comme, alors je prenais l'exemple du citron, mais on peut prendre celui des œufs. Quand on prépare un gâteau et qu'on n'a besoin que du jaune d'œuf, on peut très bien conserver les blancs, que ce soit au frais voire congelés, pour une utilisation un peu plus tard si on n'a pas envie de faire de meringue le jour même. C'est un peu ce qu'on essaie de faire avec nos échantillons.

  • Speaker #0

    Alors, quels instruments utilisez-vous et comment vous les choisissez ? J'imagine que c'est en fonction des résultats que vous attendez ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Les analyses que je fais principalement au laboratoire BioGéosciences sont des analyses dites de composition élémentaire et isotopique. Ce sont des mots un peu barbares, mais l'idée générale, c'est d'essayer de déterminer la teneur d'un échantillon en éléments tels que le carbone, l'oxygène et le soufre. On va me donner une poudre et je vais dire qu'elle contient... 3% de soufre et 20% de carbone, plus ou moins. Ça, c'est la première information qu'on va chercher à obtenir. L'autre information, c'est l'information isotopique. Alors là, on ne va pas rentrer trop dans le détail aujourd'hui, mais disons que c'est une espèce d'empreinte des atomes qui constituent la matière, comme le carbone, l'oxygène, le soufre. Ça va être un petit peu la signature de cet oxygène, ce carbone, ce soufre, et cette signature, elle les distingue. nous permet d'identifier la provenance de ces éléments dans l'échantillon. Les instruments qui permettent de faire ce genre de mesures sont des instruments qu'on appelle des spectromètres de masse. Pourquoi ? Parce qu'ils analysent la masse de la matière à l'échelle moléculaire. Et c'est cette masse qui est directement liée à la fois à la composition et aux propriétés de la matière. Pour utiliser ces spectromètres de masse, il faut conditionner les échantillons sous la forme de gaz très pur. C'est un petit peu contraignant, c'est pour ça que c'est... Ce sont des instruments assez techniques. Et pour transformer un échantillon en un gaz très pur, c'est-à-dire si je pars d'un échantillon de sol et que je veux obtenir un gaz comme le dioxyde de carbone très purifié, je vais utiliser une sorte de four, on appelle ça un analyseur élémentaire, qui va brûler les échantillons, les sédiments, à très haute température. On parle de plusieurs centaines, voire 1000-1400 degrés. Et ça nous permet de les brûler, de les transformer en gaz qu'on va être capable de séparer. et d'analyser individuellement. Et l'intérêt de ces fours, c'est qu'ils sont très polyvalents, ils peuvent être adaptés pour recevoir soit des échantillons solides, comme un sol, mais ils peuvent aussi accueillir, dans certains cas, des échantillons liquides et gazeux. Et évidemment, pour chacune de ces configurations, il va falloir adapter l'instrument et le configurer spécifiquement à l'analyse.

  • Speaker #0

    Alors, quelles sont les interactions que vous avez avec les chercheurs pendant tout ce processus de travail ?

  • Speaker #1

    Alors, les interactions, elles sont multiples, et je dirais que... peuvent démarrer très très en amont du projet. On parlait d'échantillonnage tout à l'heure. Alors, une première interaction qu'on peut avoir avec les chercheurs, ça va être sur la façon à la fois de prélever et de conserver les échantillons de façon optimale. Donc on va se poser la question de ce qu'ils veulent obtenir comme résultat, comme analyse pour répondre à leurs questions, et de la meilleure manière d'accomplir tout le chemin qui va nous mener jusqu'à ce résultat. Ensuite, On va choisir la configuration d'instruments adaptés, ce qu'on mentionnait juste avant. Et puis, dans certains cas, on va réfléchir aussi à la rapidité du processus. Il y a toujours un compromis à trouver entre obtenir des résultats rapides, parfois peu coûteux, mais qui vont peut-être être un petit peu moins précis, des analyses un petit peu moins optimisées pour leurs besoins. Et dans certains cas, on a des échantillons précieux pour lesquels on veut des valeurs les plus robustes et les plus précises possibles, quitte à y consacrer du temps. et là on va pouvoir travailler parfois pendant des années. jusqu'à obtenir une valeur très précise et très fiable. Alors, une fois que l'analyse est réalisée, on va ensuite discuter avec les chercheurs des résultats, de la façon de les interpréter et de présenter au mieux les données pour les publier.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous pouvez faire des images de ces sédiments pour des publications scientifiques ? C'est utile ou pas ?

  • Speaker #1

    Alors, des images, pas tout à fait strictement. En fait, ce qu'on produit, ce sont des données de chiffres. Je vous disais qu'on analysait la composition, donc on va globalement avoir des pourcentages. Par contre, avoir un tableau de pourcentages, ce n'est pas très parlant. Donc, évidemment, il va falloir mettre en forme ces résultats sous la forme de graphes qui sont généralement assez normés dans la communauté. Ça va être un premier travail à effectuer pour bien visualiser, valoriser les données. La deuxième partie du travail va concerner l'interprétation. Une fois qu'on a réfléchi à une explication pour les données qu'on a obtenues, souvent on va produire des schémas, des petits diagrammes qui vont nous permettre de proposer une illustration du mécanisme qu'on est en train de décrire.

  • Speaker #0

    J'imagine que le développement des technologies peut apporter des résultats de plus en plus précis. Vous a-t-on déjà demandé de refaire des analyses de « vieux » échantillons pour vérifier les premières constatations qui avaient été faites il y a quelques années ?

  • Speaker #1

    Alors oui, tout à fait. C'est même une pratique qui est au cœur de la démarche scientifique. Les analyses de « vieux » échantillons, comme vous dites, ce sont des analyses qu'on peut faire pour deux raisons principalement. Alors la première, c'est... Celle que vous mentionnez, il peut être intéressant, avec l'amélioration des techniques, de réviser une analyse qui a été faite peut-être au début du siècle, pour y apporter des précisions, des compléments. C'est quelque chose qu'on observe de façon très récurrente. Dans mon domaine, par exemple, il y a un site qui est très cher à mon cœur, qui se trouve aux Etats-Unis, qui a été... décrit dès le début du 19e siècle. Il a commencé à être étudié très en détail à partir des années 50, puis on ne l'a plus étudié, on l'a oublié, c'est revenu dans les années 80, puis dans les années 2000, et maintenant ça revient. Vous voyez qu'il y a des gaps, et ces gaps correspondent à des améliorations des technologies, des améliorations des connaissances scientifiques qui donnent un intérêt à réviser ces échantillons. La deuxième raison pour laquelle on peut vouloir réanalyser des échantillons qui l'ont déjà été, c'est justement pour le développement des nouvelles technologies. quand on... invente une nouvelle technique, on va d'abord chercher à vérifier qu'elle fonctionne sur des échantillons qui sont bien connus. Et donc pour ça, les échantillons archivés et historiques sont extrêmement précieux parce qu'ils nous permettent non seulement de servir de référence pour l'amélioration des techniques, mais également pour les rendre plus robustes. Dans les deux cas, tout ce processus illustre l'importance cruciale de la conservation des échantillons que vous abordiez tout à l'heure et de l'or. et tic-tac propre de leur bonne conservation.

  • Speaker #0

    Alors, nous avons analysé avec vous des sédiments, mais votre travail peut-il s'intéresser à des domaines complètement différents ? Quand on a préparé un petit peu cette émission, vous parliez que vous pouviez travailler sur l'étude d'eau pétillante. Alors, de quoi s'agit-il exactement ?

  • Speaker #1

    Oui, alors effectivement, on peut trouver un certain nombre de sujets exotiques pour des géologues. En fait, l'eau pétillante, c'est de l'eau qui contient du gaz. Et ce gaz, ces fines bulles, ce sont les mêmes qu'on retrouve dans toutes les boissons gazeuses, que ce soit le Coca-Cola ou le champagne, le crément, bien sûr. Ce gaz, c'est du dioxyde de carbone qui est bien connu. Il est donc constitué de carbone et d'oxygène. Et le carbone et l'oxygène sont des éléments que j'ai l'habitude d'étudier au laboratoire et que je peux étudier avec les instruments dont je dispose. Comme je vous le disais, la composition en carbone et en oxygène nous donne des informations sur leur provenance. Et pour l'eau gazeuse, on espère raconter un peu l'histoire de cette eau gazeuse et du gaz qu'elle contient.

  • Speaker #0

    Et donc du coup, c'est quoi les attendus pour le coup ?

  • Speaker #1

    Eh bien justement, la provenance du CO2 est très intéressante pour le cas de l'eau pétillante en particulier. Vous savez que sur les bouteilles, il est souvent indiqué eau naturellement gazeuse ou adjonction de gaz carbonique. Dans le cas d'une eau naturellement gazeuse, le dioxyde de carbone aura une composition différente du cas dans lequel on l'a ajouté artificiellement. Il peut y avoir plusieurs utilisations de cette technique et de ce diagnostic. Une première, ça peut être d'essayer de mieux comprendre les techniques, les améliorer. Ça peut être aussi de comprendre les sources du gaz dans les eaux naturellement gazeuses. et alors une autre application qui est déjà utilisée par... des collègues qui travaillent pour la répression des fraudes, va être de pouvoir vérifier très facilement finalement l'indication de l'étiquette y a-t-il eu ou non fraude sur le naturellement gazeuse.

  • Speaker #0

    Et alors là, vous allez utiliser quels instruments ? D'autres instruments que les précédents ou c'est encore autre chose ?

  • Speaker #1

    Alors on pourrait utiliser les instruments traditionnellement utilisés pour ces techniques. Là, dans le cas particulier, ce qui est intéressant et ce pourquoi je m'intéresse à ce sujet, c'est qu'on dispose d'un instrument relativement nouveau sur le marché, vous parliez juste avant d'innovation technologique, et qui nous permet de déterminer cette fameuse composition du dioxyde de carbone de façon à la fois rapide et très économique. Donc l'idée... ce n'est pas tant de révolutionner la technique ou son application, c'est plutôt de la démocratiser. Et on pourrait imaginer que, que ce soit pour des cas de fraude, des applications industrielles ou des diagnostics dans le cas, je ne sais pas, d'études géothermales, par exemple, on puisse mettre à disposition une technique qui est à l'heure actuelle très technique, très justement spécifique et qui demande un haut degré d'expertise. On pourrait la démocratiser à des personnes qui auraient besoin de moins de formation pour l'utiliser.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qui vous plaît le plus dans votre travail ? Parce qu'il est multiple, on a l'impression quand même qu'il y a plusieurs facettes.

  • Speaker #1

    Justement, c'est la première chose qui me plaît dans mon travail. J'aime travailler sur des projets très variés, avoir des journées qui sont parfois très différentes. Mais je pense que finalement, ce qui me plaît le plus dans ce travail, c'est le fait d'apprendre de nouvelles choses tous les jours. Et je pense que les métiers de la recherche, c'est avant tout ça, ce sont des métiers de curieux.

  • Speaker #0

    Et quel a été votre parcours pour arriver là ?

  • Speaker #1

    Alors mon parcours, j'ai fait un bac scientifique et ensuite j'ai fait une classe préparatoire, une école d'ingénieur en géologie, suite à laquelle j'ai fait différents stages, dont des stages en laboratoire de recherche. J'ai eu envie de faire une thèse de doctorat en sciences de la Terre. Et cette thèse de doctorat m'a permis de me former aux techniques de l'instrumentation scientifique. Et j'ai ensuite eu l'opportunité de... postuler à un concours du CNRS pour devenir ingénieur au laboratoire bio-géosciences. Ce n'est pas forcément le parcours le plus classique. Les métiers d'ingénieur sont accessibles à partir du bac ou même du bac plus 3, des bacs professionnels. Ils sont ouverts à tous les niveaux d'études. Ils sont très variés et tout le monde peut y trouver du grain à moudre.

  • Speaker #0

    Et alors, quels conseils donneriez-vous à des lycéennes ou des lycéens qui se posent des questions sur leur orientation ?

  • Speaker #1

    Alors, le principal conseil que j'aurais à leur donner, c'est d'être curieux. Être curieux, ne pas hésiter à franchir la porte, que ce soit des laboratoires ou des entreprises, des métiers qui les intriguent, parce qu'il est parfois très très difficile de faire un choix pour déterminer ce qu'on aime. Mais par contre, il est beaucoup plus facile de déterminer ce qu'on n'aime pas. Alors, il ne faut pas hésiter, multiplier les expériences, ne pas avoir peur de se tromper, parce qu'en plus aujourd'hui, il existe de nombreuses passerelles qui permettent de rebondir. entre différentes formations professionnelles. Voilà, la plupart des métiers de passion sont animés par des personnes qui seront ravies de répondre à leurs questions, de les accueillir. On accueille régulièrement des lycéens au laboratoire. Donc voilà, il ne faut pas hésiter.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. En tout cas, je vous remercie beaucoup pour ce partage de connaissances et d'informations. Merci.

  • Speaker #1

    Merci à vous Véronique pour votre invitation et vos questions.

  • Speaker #0

    C'était Lumière sur la sédimentologie avec Yvan Jovovic.

  • Speaker #1

    Ingénieur d'études au laboratoire Bio-Géosciences à Dijon.

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Description

La sédimentologie est une discipline scientifique très utile pour comprendre de nombreux phénomènes. Il s’agit d’analyser les sédiments et de comprendre leur formation.
Ces matériaux se déposent au fil du temps dans les océans, mers, lacs et rivières, et peuvent nous en apprendre beaucoup sur l’histoire de notre planète, ses différents environnements et son climat.


Aujourd’hui, nous recevons Iva Jovovic, ingénieur d’études CNRS au laboratoire Biogéosciences. Il s’intéresse à la signature d’éléments comme le carbone, le soufre ou l’oxygène que l’on retrouve dans toutes les enveloppes de la Terre.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Lumière, dans les océans, mers, lacs, rivières, et qui peuvent nous en apprendre beaucoup sur l'histoire de notre planète, ses différents environnements et son climat. Aujourd'hui, nous recevons Ivan Jovovich, qui est ingénieur d'études CNRS au laboratoire Bio-Géosciences. Il s'intéresse à la signature d'éléments comme le carbone, le soufre ou l'oxygène que l'on retrouve dans toutes les enveloppes de la Terre pour mieux comprendre les cycles biologiques. et géologiques. Bonjour Yvan, alors après votre thèse, vous avez rejoint le laboratoire BioGéosciences, quelle est votre mission dans ce labo ?

  • Speaker #1

    Bonjour Véronique, alors comme vous l'avez dit je suis ingénieur d'études au laboratoire BioGéosciences à Dijon et en tant qu'ingénieur ma mission s'articule principalement autour de trois grands axes. Le premier axe c'est comme on peut l'imaginer pour un ingénieur, l'entretien, le réglage des instruments de mesure. et la réalisation d'analyses d'échantillons en utilisant ces instruments. Le deuxième axe concerne l'apport de conseils aux chercheurs, puisque, ayant une expertise technique sur les instruments, je suis amené à les accompagner dans le choix des instruments, des analyses appropriées à leurs besoins, et parfois dans le développement de nouveaux protocoles pour répondre à leurs besoins spécifiques. Par exemple, s'ils ont des échantillons un petit peu originaux qui sortent du cadre des analyses classiques, on va essayer de mettre en place de nouveaux moyens de les étudier. Le troisième axe, c'est la participation à la transmission des connaissances. C'est dans ce cadre-là que je suis présent aujourd'hui. Et cette transmission des connaissances, elle passe évidemment par des entrevues, mais aussi par des enseignements auprès des étudiants de l'université, ou par des visites guidées, ou la participation à des événements de vulgarisation, comme la nuit des chercheurs ou les fêtes de la science.

  • Speaker #0

    Alors, je parlais en introduction de sédiments. Est-ce que vous avez des exemples d'analyse de sédiments dans une recherche précise ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Alors déjà, on va peut-être commencer par clarifier ce que constituent les sédiments. Les sédiments, à l'origine, ce sont de fines particules qu'on peut trouver en suspension dans l'air ou dans l'eau et qui, progressivement, sous l'effet de la gravité, vont finir par se déposer, s'accumuler dans les creux naturels. Alors ces creux naturels, ça peut être les lacs, par exemple. Ce qui est intéressant avec ces particules qui se déposent progressivement, c'est que En fait, comme elles vont se déposer très lentement, elles vont s'accumuler les unes sur les autres, et finir par former des strates qui peuvent, au bout de nombreuses années, former des couches assez épaisses. Alors, l'intérêt majeur d'avoir des strates et des sédiments qui s'accumulent de cette manière, c'est que, puisque, comme je vous le disais, ces couches s'accumulent les unes après les autres, celles qu'on va retrouver en profondeur sont, assez naturellement, les plus anciennes, et celles qu'on retrouve au niveau de la surface vont être les plus récentes, celles qui viennent de se déposer. En étudiant ces strates successives, on va pouvoir remonter dans le temps en regardant ce qui s'est déposé à une époque plus ou moins reculée. Concrètement, pour nos auditeurs bourguignons, je peux donner un exemple qui est celui des falaises de la côte viticole. Ces falaises sont constituées de sédiments qui sont relativement anciens, tellement anciens qu'ils ont fini par se compacter et former des roches. Ces falaises ont de l'ordre de 160 millions d'années. Et ce qui est intéressant, c'est que quand on étudie ces roches, alors c'est évidemment pas moi qui l'ai fait, ça fait des décennies et des décennies que ça a été étudié, mais on s'est rendu compte qu'il y avait un certain nombre de fossiles, de coquillages, qu'on peut retrouver dans les vignes quand on se promène. Il y a certaines personnes qui ont peut-être même déjà trouvé des fragments de bois fossilisés, qui est en fait du bois de cocotier qui a fini par être piégé dans la roche et minéralisé. Alors ce que nous racontent ces fossiles marins et ces bois de cocotier, c'est L'histoire d'un paysage qui était radicalement différent il y a 160 millions d'années de celui qu'on connaît aujourd'hui et qui était beaucoup plus proche de ce qu'on peut imaginer d'une île paradisiaque avec des lagons, des eaux chaudes et peu profondes et évidemment les arbres des tropiques qu'on connaît. Un autre exemple d'utilisation des sédiments pour raconter des histoires que je peux vous mentionner, et là on va partir dans une direction radicalement différente, c'est celle qu'a prise un collègue qui travaille à Orléans. qui est chercheur là-bas, et lui s'est intéressé à étudier les dépôts qu'on trouve dans les cuves de décantation des égouts. Vous savez que dans les stations d'épuration, l'eau est d'abord décantée pour que les débris s'accumulent et avoir une eau la plus claire possible au moment de la filtrer et de la traiter. Ces cuves de décantation finissent par se remplir, et à un moment, il faut les vider. Celle des égouts d'Orléans avait été aménagée dans les années 40, et... Il a fallu la vider il y a une dizaine d'années. Donc ça représente, si on fait le calcul, 60-70 ans de dépôts. Et ces dépôts proviennent de tous les déchets, finalement, de la ville d'Orléans. Lui s'est amusé à analyser la composition chimique de ces dépôts. Il a retrouvé des traces, des traces de produits chimiques, comme des médicaments ou des drogues, qui reviennent directement des eaux usées et qui racontent une histoire de la pratique de la médecine ou des pratiques. liés à la drogue dans la ville d'Orléans depuis les années 40. Donc vous voyez qu'on peut raconter des histoires très très différentes à partir de techniques relativement similaires.

  • Speaker #0

    Si on veut raconter des histoires avec ces sédiments, il faut qu'on les collecte. Comment faites-vous ?

  • Speaker #1

    Pour les collecter, il y a un grand nombre de techniques. La façon de les collecter va avant tout dépendre de la nature des sédiments. Dans les deux exemples que je vous ai donnés, on avait dans un cas des sédiments relativement récents provenant d'une cuve de décantation. Et là, on est sur des sédiments assez meubles, assez friables, qui ressemblent d'ailleurs finalement à ce qu'on peut trouver... Dans le fond des lacs, la vase qu'on connaît si on va dans une eau de lac ou de rivière, ces sédiments meubles sont relativement faciles à collecter. Globalement, on enfonce un tube dedans, ça va être assez facile, c'est un peu comme creuser dans le sable au bord de la mer. Donc là, on va utiliser des outils finalement assez simples qui ressemblent à des tarières. Pour les personnes qui ne connaissent pas, une tarière, c'est finalement un tube en acier qu'on va planter dans le sol, on va faire une rotation, et avec un système proche d'une vis, on va pouvoir extraire. une colonne de sédiments, une espèce de tube, ce qu'on appelle une carotte. Donc là, c'est relativement simple. Quand on travaille sur des sédiments qui sont un peu plus anciens, qui ont été compactés, qui sont devenus des roches, comme ceux de la côte viticole, là, il va falloir utiliser des techniques un petit peu plus lourdes. Et on va utiliser finalement le même principe, c'est-à-dire enfoncer un tube dans la roche pour en extraire un fragment. Sauf que cette fois-ci, le tube sera motorisé, il y aura des lames diamantées qui vont permettre de creuser. C'est ce qu'on appelle un carottier, c'est ce qu'on utilise soit en géotechnique, quand on veut faire une étude avant de terrasser un terrain, ou ce qu'on utilise en exploration minière ou pétrolière pour connaître le sous-sol. Il existe une troisième façon d'échantillonner les sédiments, et c'est peut-être la plus simple, c'est celle qui est à la portée de tout le monde. La côte viticole, ce sont des roches sédimentaires qui sont ouvertes au ciel, sous l'effet de l'érosion, c'est-à-dire le vent, la pluie. de l'usure naturelle des roches, les sédiments peuvent se retrouver exposés à l'air libre. Et alors là, il n'y a plus qu'à se pencher pour les ramasser, que ce soit en utilisant un marteau ou vraiment à la main, et on peut les collecter très facilement de cette manière.

  • Speaker #0

    Y a-t-il des conditions de conservation des sédiments ?

  • Speaker #1

    Alors bien sûr, il y a des conditions de conservation des sédiments. Une fois de plus, je vais répondre, ça dépend. Dans le cas d'une roche sédimentaire comme... celles qu'on a sur la côte, les fameux calcaires de Comblanchien notamment, qui sont très connus, on est sur des roches qui sont quand même assez résistantes. Ce n'est pas pour rien qu'on utilise ces roches pour fabriquer des monuments, que la plupart des monuments de la région sont fabriqués avec des roches similaires. Il y a même un certain nombre de pierres de Comblanchien qui ont été utilisées pour la restauration de Notre-Dame de Paris. Ce sont des roches qui peuvent résister à l'air libre pendant des siècles et des siècles. Donc là, finalement, les conditions de conservation sont relativement peu exigeantes. On essaie de les conserver dans un endroit à l'abri de la poussière, à l'abri de la lumière, de l'humidité, mais pas trop d'exigences supplémentaires. Dans le cas de sédiments plus frais, plus récents, comme de la vase, comme les fameux sédiments de la cuve de décantation, là, c'est une histoire un petit peu différente, puisque ces sédiments vont contenir un certain nombre de composés qui sont très vulnérables. Ils contiennent notamment de la matière organique. Cette matière organique, elle est très sensible à la lumière, à la chaleur, parfois même à l'oxygène, dans le cas de sédiments qui ont été à l'abri de l'air pendant un moment, et peut se dégrader très très rapidement. Donc là, les conditions de conservation vont sembler à celles des aliments, finalement, c'est-à-dire au frais, si possible au frais sec, à l'abri de la chaleur, de la lumière, de l'humidité. Et pour ça, on a des grandes salles qui sont réfrigérées à humidité contrôlée qui nous permettent de stocker ces carottes de sédiments. Parfois, on les place également sous vide, congelées, séchées, etc. Il y a différentes méthodes. Mais il y a par contre un point commun entre tous les sédiments qui va être essentiel dans la conservation, c'est l'étiquetage de ces échantillons. Puisque ces échantillons peuvent avoir été préservés au frais, à l'abri de la lumière, pendant des années extrêmement bien, si on n'a pas d'étiquette qui indique d'où ils proviennent et ce qu'ils représentent, on ne va pas pouvoir les utiliser. Donc il est extrêmement important d'avoir un archivage des informations de collecte des échantillons, des traitements éventuels qu'ils ont pu subir, de leurs conditions de conservation, de leur provenance, toutes ces informations sont précieuses pour pouvoir les utiliser par la suite.

  • Speaker #0

    Une fois rentré au labo, j'imagine qu'il y a peut-être des préparations avant d'analyser les échantillons ?

  • Speaker #1

    Oui, effectivement, il y a un certain nombre de préparations qu'on peut apporter aux échantillons. Là, ça va dépendre du type d'analyse qu'on souhaite faire. En fait, j'aime bien comparer la chimie, puisque je fais beaucoup de chimie, à la cuisine. C'est une analogie qui est assez populaire. On va prendre un petit exemple. L'exemple, ça va être le citron. Le citron, c'est un fruit formidable que beaucoup de gens apprécient. Moi, j'apprécie beaucoup. On peut tout utiliser dans le citron. On peut utiliser le zeste, le ziste, le jus, la pulpe, même les pépins. Mais par contre, on ne va pas les utiliser pour les mêmes préparations ni pour les mêmes raisons. Eh bien, selon la recette qu'on souhaite faire, on va soit faire attention à peler le ziste pour le garder de côté, ou le zeste, voire les deux ensemble. Peut-être que si on a juste besoin d'un jus de citron très rapidement, on va simplement presser le citron et se débarrasser du reste. Alors, on parlait de conservation des échantillons juste avant. Nous, l'intérêt, c'est d'essayer de dégrader le moins possible les échantillons qu'on prélève, puisque parfois, ils sont faciles à obtenir, mais parfois, ils sont extrêmement compliqués. Si on parle d'échantillonnage dans des pays lointains, reculés, ça peut être très coûteux, techniquement difficile, parfois dans des réserves protégées. Donc, on essaie de préserver au maximum le matériel dont on dispose. et là, les techniques qu'on va choisir vont... être sélectionnés pour leur capacité à extraire l'information qui nous intéresse tout en préservant le reste de l'échantillon pour une utilisation ultérieure. C'est un petit peu comme, alors je prenais l'exemple du citron, mais on peut prendre celui des œufs. Quand on prépare un gâteau et qu'on n'a besoin que du jaune d'œuf, on peut très bien conserver les blancs, que ce soit au frais voire congelés, pour une utilisation un peu plus tard si on n'a pas envie de faire de meringue le jour même. C'est un peu ce qu'on essaie de faire avec nos échantillons.

  • Speaker #0

    Alors, quels instruments utilisez-vous et comment vous les choisissez ? J'imagine que c'est en fonction des résultats que vous attendez ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Les analyses que je fais principalement au laboratoire BioGéosciences sont des analyses dites de composition élémentaire et isotopique. Ce sont des mots un peu barbares, mais l'idée générale, c'est d'essayer de déterminer la teneur d'un échantillon en éléments tels que le carbone, l'oxygène et le soufre. On va me donner une poudre et je vais dire qu'elle contient... 3% de soufre et 20% de carbone, plus ou moins. Ça, c'est la première information qu'on va chercher à obtenir. L'autre information, c'est l'information isotopique. Alors là, on ne va pas rentrer trop dans le détail aujourd'hui, mais disons que c'est une espèce d'empreinte des atomes qui constituent la matière, comme le carbone, l'oxygène, le soufre. Ça va être un petit peu la signature de cet oxygène, ce carbone, ce soufre, et cette signature, elle les distingue. nous permet d'identifier la provenance de ces éléments dans l'échantillon. Les instruments qui permettent de faire ce genre de mesures sont des instruments qu'on appelle des spectromètres de masse. Pourquoi ? Parce qu'ils analysent la masse de la matière à l'échelle moléculaire. Et c'est cette masse qui est directement liée à la fois à la composition et aux propriétés de la matière. Pour utiliser ces spectromètres de masse, il faut conditionner les échantillons sous la forme de gaz très pur. C'est un petit peu contraignant, c'est pour ça que c'est... Ce sont des instruments assez techniques. Et pour transformer un échantillon en un gaz très pur, c'est-à-dire si je pars d'un échantillon de sol et que je veux obtenir un gaz comme le dioxyde de carbone très purifié, je vais utiliser une sorte de four, on appelle ça un analyseur élémentaire, qui va brûler les échantillons, les sédiments, à très haute température. On parle de plusieurs centaines, voire 1000-1400 degrés. Et ça nous permet de les brûler, de les transformer en gaz qu'on va être capable de séparer. et d'analyser individuellement. Et l'intérêt de ces fours, c'est qu'ils sont très polyvalents, ils peuvent être adaptés pour recevoir soit des échantillons solides, comme un sol, mais ils peuvent aussi accueillir, dans certains cas, des échantillons liquides et gazeux. Et évidemment, pour chacune de ces configurations, il va falloir adapter l'instrument et le configurer spécifiquement à l'analyse.

  • Speaker #0

    Alors, quelles sont les interactions que vous avez avec les chercheurs pendant tout ce processus de travail ?

  • Speaker #1

    Alors, les interactions, elles sont multiples, et je dirais que... peuvent démarrer très très en amont du projet. On parlait d'échantillonnage tout à l'heure. Alors, une première interaction qu'on peut avoir avec les chercheurs, ça va être sur la façon à la fois de prélever et de conserver les échantillons de façon optimale. Donc on va se poser la question de ce qu'ils veulent obtenir comme résultat, comme analyse pour répondre à leurs questions, et de la meilleure manière d'accomplir tout le chemin qui va nous mener jusqu'à ce résultat. Ensuite, On va choisir la configuration d'instruments adaptés, ce qu'on mentionnait juste avant. Et puis, dans certains cas, on va réfléchir aussi à la rapidité du processus. Il y a toujours un compromis à trouver entre obtenir des résultats rapides, parfois peu coûteux, mais qui vont peut-être être un petit peu moins précis, des analyses un petit peu moins optimisées pour leurs besoins. Et dans certains cas, on a des échantillons précieux pour lesquels on veut des valeurs les plus robustes et les plus précises possibles, quitte à y consacrer du temps. et là on va pouvoir travailler parfois pendant des années. jusqu'à obtenir une valeur très précise et très fiable. Alors, une fois que l'analyse est réalisée, on va ensuite discuter avec les chercheurs des résultats, de la façon de les interpréter et de présenter au mieux les données pour les publier.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous pouvez faire des images de ces sédiments pour des publications scientifiques ? C'est utile ou pas ?

  • Speaker #1

    Alors, des images, pas tout à fait strictement. En fait, ce qu'on produit, ce sont des données de chiffres. Je vous disais qu'on analysait la composition, donc on va globalement avoir des pourcentages. Par contre, avoir un tableau de pourcentages, ce n'est pas très parlant. Donc, évidemment, il va falloir mettre en forme ces résultats sous la forme de graphes qui sont généralement assez normés dans la communauté. Ça va être un premier travail à effectuer pour bien visualiser, valoriser les données. La deuxième partie du travail va concerner l'interprétation. Une fois qu'on a réfléchi à une explication pour les données qu'on a obtenues, souvent on va produire des schémas, des petits diagrammes qui vont nous permettre de proposer une illustration du mécanisme qu'on est en train de décrire.

  • Speaker #0

    J'imagine que le développement des technologies peut apporter des résultats de plus en plus précis. Vous a-t-on déjà demandé de refaire des analyses de « vieux » échantillons pour vérifier les premières constatations qui avaient été faites il y a quelques années ?

  • Speaker #1

    Alors oui, tout à fait. C'est même une pratique qui est au cœur de la démarche scientifique. Les analyses de « vieux » échantillons, comme vous dites, ce sont des analyses qu'on peut faire pour deux raisons principalement. Alors la première, c'est... Celle que vous mentionnez, il peut être intéressant, avec l'amélioration des techniques, de réviser une analyse qui a été faite peut-être au début du siècle, pour y apporter des précisions, des compléments. C'est quelque chose qu'on observe de façon très récurrente. Dans mon domaine, par exemple, il y a un site qui est très cher à mon cœur, qui se trouve aux Etats-Unis, qui a été... décrit dès le début du 19e siècle. Il a commencé à être étudié très en détail à partir des années 50, puis on ne l'a plus étudié, on l'a oublié, c'est revenu dans les années 80, puis dans les années 2000, et maintenant ça revient. Vous voyez qu'il y a des gaps, et ces gaps correspondent à des améliorations des technologies, des améliorations des connaissances scientifiques qui donnent un intérêt à réviser ces échantillons. La deuxième raison pour laquelle on peut vouloir réanalyser des échantillons qui l'ont déjà été, c'est justement pour le développement des nouvelles technologies. quand on... invente une nouvelle technique, on va d'abord chercher à vérifier qu'elle fonctionne sur des échantillons qui sont bien connus. Et donc pour ça, les échantillons archivés et historiques sont extrêmement précieux parce qu'ils nous permettent non seulement de servir de référence pour l'amélioration des techniques, mais également pour les rendre plus robustes. Dans les deux cas, tout ce processus illustre l'importance cruciale de la conservation des échantillons que vous abordiez tout à l'heure et de l'or. et tic-tac propre de leur bonne conservation.

  • Speaker #0

    Alors, nous avons analysé avec vous des sédiments, mais votre travail peut-il s'intéresser à des domaines complètement différents ? Quand on a préparé un petit peu cette émission, vous parliez que vous pouviez travailler sur l'étude d'eau pétillante. Alors, de quoi s'agit-il exactement ?

  • Speaker #1

    Oui, alors effectivement, on peut trouver un certain nombre de sujets exotiques pour des géologues. En fait, l'eau pétillante, c'est de l'eau qui contient du gaz. Et ce gaz, ces fines bulles, ce sont les mêmes qu'on retrouve dans toutes les boissons gazeuses, que ce soit le Coca-Cola ou le champagne, le crément, bien sûr. Ce gaz, c'est du dioxyde de carbone qui est bien connu. Il est donc constitué de carbone et d'oxygène. Et le carbone et l'oxygène sont des éléments que j'ai l'habitude d'étudier au laboratoire et que je peux étudier avec les instruments dont je dispose. Comme je vous le disais, la composition en carbone et en oxygène nous donne des informations sur leur provenance. Et pour l'eau gazeuse, on espère raconter un peu l'histoire de cette eau gazeuse et du gaz qu'elle contient.

  • Speaker #0

    Et donc du coup, c'est quoi les attendus pour le coup ?

  • Speaker #1

    Eh bien justement, la provenance du CO2 est très intéressante pour le cas de l'eau pétillante en particulier. Vous savez que sur les bouteilles, il est souvent indiqué eau naturellement gazeuse ou adjonction de gaz carbonique. Dans le cas d'une eau naturellement gazeuse, le dioxyde de carbone aura une composition différente du cas dans lequel on l'a ajouté artificiellement. Il peut y avoir plusieurs utilisations de cette technique et de ce diagnostic. Une première, ça peut être d'essayer de mieux comprendre les techniques, les améliorer. Ça peut être aussi de comprendre les sources du gaz dans les eaux naturellement gazeuses. et alors une autre application qui est déjà utilisée par... des collègues qui travaillent pour la répression des fraudes, va être de pouvoir vérifier très facilement finalement l'indication de l'étiquette y a-t-il eu ou non fraude sur le naturellement gazeuse.

  • Speaker #0

    Et alors là, vous allez utiliser quels instruments ? D'autres instruments que les précédents ou c'est encore autre chose ?

  • Speaker #1

    Alors on pourrait utiliser les instruments traditionnellement utilisés pour ces techniques. Là, dans le cas particulier, ce qui est intéressant et ce pourquoi je m'intéresse à ce sujet, c'est qu'on dispose d'un instrument relativement nouveau sur le marché, vous parliez juste avant d'innovation technologique, et qui nous permet de déterminer cette fameuse composition du dioxyde de carbone de façon à la fois rapide et très économique. Donc l'idée... ce n'est pas tant de révolutionner la technique ou son application, c'est plutôt de la démocratiser. Et on pourrait imaginer que, que ce soit pour des cas de fraude, des applications industrielles ou des diagnostics dans le cas, je ne sais pas, d'études géothermales, par exemple, on puisse mettre à disposition une technique qui est à l'heure actuelle très technique, très justement spécifique et qui demande un haut degré d'expertise. On pourrait la démocratiser à des personnes qui auraient besoin de moins de formation pour l'utiliser.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qui vous plaît le plus dans votre travail ? Parce qu'il est multiple, on a l'impression quand même qu'il y a plusieurs facettes.

  • Speaker #1

    Justement, c'est la première chose qui me plaît dans mon travail. J'aime travailler sur des projets très variés, avoir des journées qui sont parfois très différentes. Mais je pense que finalement, ce qui me plaît le plus dans ce travail, c'est le fait d'apprendre de nouvelles choses tous les jours. Et je pense que les métiers de la recherche, c'est avant tout ça, ce sont des métiers de curieux.

  • Speaker #0

    Et quel a été votre parcours pour arriver là ?

  • Speaker #1

    Alors mon parcours, j'ai fait un bac scientifique et ensuite j'ai fait une classe préparatoire, une école d'ingénieur en géologie, suite à laquelle j'ai fait différents stages, dont des stages en laboratoire de recherche. J'ai eu envie de faire une thèse de doctorat en sciences de la Terre. Et cette thèse de doctorat m'a permis de me former aux techniques de l'instrumentation scientifique. Et j'ai ensuite eu l'opportunité de... postuler à un concours du CNRS pour devenir ingénieur au laboratoire bio-géosciences. Ce n'est pas forcément le parcours le plus classique. Les métiers d'ingénieur sont accessibles à partir du bac ou même du bac plus 3, des bacs professionnels. Ils sont ouverts à tous les niveaux d'études. Ils sont très variés et tout le monde peut y trouver du grain à moudre.

  • Speaker #0

    Et alors, quels conseils donneriez-vous à des lycéennes ou des lycéens qui se posent des questions sur leur orientation ?

  • Speaker #1

    Alors, le principal conseil que j'aurais à leur donner, c'est d'être curieux. Être curieux, ne pas hésiter à franchir la porte, que ce soit des laboratoires ou des entreprises, des métiers qui les intriguent, parce qu'il est parfois très très difficile de faire un choix pour déterminer ce qu'on aime. Mais par contre, il est beaucoup plus facile de déterminer ce qu'on n'aime pas. Alors, il ne faut pas hésiter, multiplier les expériences, ne pas avoir peur de se tromper, parce qu'en plus aujourd'hui, il existe de nombreuses passerelles qui permettent de rebondir. entre différentes formations professionnelles. Voilà, la plupart des métiers de passion sont animés par des personnes qui seront ravies de répondre à leurs questions, de les accueillir. On accueille régulièrement des lycéens au laboratoire. Donc voilà, il ne faut pas hésiter.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. En tout cas, je vous remercie beaucoup pour ce partage de connaissances et d'informations. Merci.

  • Speaker #1

    Merci à vous Véronique pour votre invitation et vos questions.

  • Speaker #0

    C'était Lumière sur la sédimentologie avec Yvan Jovovic.

  • Speaker #1

    Ingénieur d'études au laboratoire Bio-Géosciences à Dijon.

Description

La sédimentologie est une discipline scientifique très utile pour comprendre de nombreux phénomènes. Il s’agit d’analyser les sédiments et de comprendre leur formation.
Ces matériaux se déposent au fil du temps dans les océans, mers, lacs et rivières, et peuvent nous en apprendre beaucoup sur l’histoire de notre planète, ses différents environnements et son climat.


Aujourd’hui, nous recevons Iva Jovovic, ingénieur d’études CNRS au laboratoire Biogéosciences. Il s’intéresse à la signature d’éléments comme le carbone, le soufre ou l’oxygène que l’on retrouve dans toutes les enveloppes de la Terre.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Lumière, dans les océans, mers, lacs, rivières, et qui peuvent nous en apprendre beaucoup sur l'histoire de notre planète, ses différents environnements et son climat. Aujourd'hui, nous recevons Ivan Jovovich, qui est ingénieur d'études CNRS au laboratoire Bio-Géosciences. Il s'intéresse à la signature d'éléments comme le carbone, le soufre ou l'oxygène que l'on retrouve dans toutes les enveloppes de la Terre pour mieux comprendre les cycles biologiques. et géologiques. Bonjour Yvan, alors après votre thèse, vous avez rejoint le laboratoire BioGéosciences, quelle est votre mission dans ce labo ?

  • Speaker #1

    Bonjour Véronique, alors comme vous l'avez dit je suis ingénieur d'études au laboratoire BioGéosciences à Dijon et en tant qu'ingénieur ma mission s'articule principalement autour de trois grands axes. Le premier axe c'est comme on peut l'imaginer pour un ingénieur, l'entretien, le réglage des instruments de mesure. et la réalisation d'analyses d'échantillons en utilisant ces instruments. Le deuxième axe concerne l'apport de conseils aux chercheurs, puisque, ayant une expertise technique sur les instruments, je suis amené à les accompagner dans le choix des instruments, des analyses appropriées à leurs besoins, et parfois dans le développement de nouveaux protocoles pour répondre à leurs besoins spécifiques. Par exemple, s'ils ont des échantillons un petit peu originaux qui sortent du cadre des analyses classiques, on va essayer de mettre en place de nouveaux moyens de les étudier. Le troisième axe, c'est la participation à la transmission des connaissances. C'est dans ce cadre-là que je suis présent aujourd'hui. Et cette transmission des connaissances, elle passe évidemment par des entrevues, mais aussi par des enseignements auprès des étudiants de l'université, ou par des visites guidées, ou la participation à des événements de vulgarisation, comme la nuit des chercheurs ou les fêtes de la science.

  • Speaker #0

    Alors, je parlais en introduction de sédiments. Est-ce que vous avez des exemples d'analyse de sédiments dans une recherche précise ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Alors déjà, on va peut-être commencer par clarifier ce que constituent les sédiments. Les sédiments, à l'origine, ce sont de fines particules qu'on peut trouver en suspension dans l'air ou dans l'eau et qui, progressivement, sous l'effet de la gravité, vont finir par se déposer, s'accumuler dans les creux naturels. Alors ces creux naturels, ça peut être les lacs, par exemple. Ce qui est intéressant avec ces particules qui se déposent progressivement, c'est que En fait, comme elles vont se déposer très lentement, elles vont s'accumuler les unes sur les autres, et finir par former des strates qui peuvent, au bout de nombreuses années, former des couches assez épaisses. Alors, l'intérêt majeur d'avoir des strates et des sédiments qui s'accumulent de cette manière, c'est que, puisque, comme je vous le disais, ces couches s'accumulent les unes après les autres, celles qu'on va retrouver en profondeur sont, assez naturellement, les plus anciennes, et celles qu'on retrouve au niveau de la surface vont être les plus récentes, celles qui viennent de se déposer. En étudiant ces strates successives, on va pouvoir remonter dans le temps en regardant ce qui s'est déposé à une époque plus ou moins reculée. Concrètement, pour nos auditeurs bourguignons, je peux donner un exemple qui est celui des falaises de la côte viticole. Ces falaises sont constituées de sédiments qui sont relativement anciens, tellement anciens qu'ils ont fini par se compacter et former des roches. Ces falaises ont de l'ordre de 160 millions d'années. Et ce qui est intéressant, c'est que quand on étudie ces roches, alors c'est évidemment pas moi qui l'ai fait, ça fait des décennies et des décennies que ça a été étudié, mais on s'est rendu compte qu'il y avait un certain nombre de fossiles, de coquillages, qu'on peut retrouver dans les vignes quand on se promène. Il y a certaines personnes qui ont peut-être même déjà trouvé des fragments de bois fossilisés, qui est en fait du bois de cocotier qui a fini par être piégé dans la roche et minéralisé. Alors ce que nous racontent ces fossiles marins et ces bois de cocotier, c'est L'histoire d'un paysage qui était radicalement différent il y a 160 millions d'années de celui qu'on connaît aujourd'hui et qui était beaucoup plus proche de ce qu'on peut imaginer d'une île paradisiaque avec des lagons, des eaux chaudes et peu profondes et évidemment les arbres des tropiques qu'on connaît. Un autre exemple d'utilisation des sédiments pour raconter des histoires que je peux vous mentionner, et là on va partir dans une direction radicalement différente, c'est celle qu'a prise un collègue qui travaille à Orléans. qui est chercheur là-bas, et lui s'est intéressé à étudier les dépôts qu'on trouve dans les cuves de décantation des égouts. Vous savez que dans les stations d'épuration, l'eau est d'abord décantée pour que les débris s'accumulent et avoir une eau la plus claire possible au moment de la filtrer et de la traiter. Ces cuves de décantation finissent par se remplir, et à un moment, il faut les vider. Celle des égouts d'Orléans avait été aménagée dans les années 40, et... Il a fallu la vider il y a une dizaine d'années. Donc ça représente, si on fait le calcul, 60-70 ans de dépôts. Et ces dépôts proviennent de tous les déchets, finalement, de la ville d'Orléans. Lui s'est amusé à analyser la composition chimique de ces dépôts. Il a retrouvé des traces, des traces de produits chimiques, comme des médicaments ou des drogues, qui reviennent directement des eaux usées et qui racontent une histoire de la pratique de la médecine ou des pratiques. liés à la drogue dans la ville d'Orléans depuis les années 40. Donc vous voyez qu'on peut raconter des histoires très très différentes à partir de techniques relativement similaires.

  • Speaker #0

    Si on veut raconter des histoires avec ces sédiments, il faut qu'on les collecte. Comment faites-vous ?

  • Speaker #1

    Pour les collecter, il y a un grand nombre de techniques. La façon de les collecter va avant tout dépendre de la nature des sédiments. Dans les deux exemples que je vous ai donnés, on avait dans un cas des sédiments relativement récents provenant d'une cuve de décantation. Et là, on est sur des sédiments assez meubles, assez friables, qui ressemblent d'ailleurs finalement à ce qu'on peut trouver... Dans le fond des lacs, la vase qu'on connaît si on va dans une eau de lac ou de rivière, ces sédiments meubles sont relativement faciles à collecter. Globalement, on enfonce un tube dedans, ça va être assez facile, c'est un peu comme creuser dans le sable au bord de la mer. Donc là, on va utiliser des outils finalement assez simples qui ressemblent à des tarières. Pour les personnes qui ne connaissent pas, une tarière, c'est finalement un tube en acier qu'on va planter dans le sol, on va faire une rotation, et avec un système proche d'une vis, on va pouvoir extraire. une colonne de sédiments, une espèce de tube, ce qu'on appelle une carotte. Donc là, c'est relativement simple. Quand on travaille sur des sédiments qui sont un peu plus anciens, qui ont été compactés, qui sont devenus des roches, comme ceux de la côte viticole, là, il va falloir utiliser des techniques un petit peu plus lourdes. Et on va utiliser finalement le même principe, c'est-à-dire enfoncer un tube dans la roche pour en extraire un fragment. Sauf que cette fois-ci, le tube sera motorisé, il y aura des lames diamantées qui vont permettre de creuser. C'est ce qu'on appelle un carottier, c'est ce qu'on utilise soit en géotechnique, quand on veut faire une étude avant de terrasser un terrain, ou ce qu'on utilise en exploration minière ou pétrolière pour connaître le sous-sol. Il existe une troisième façon d'échantillonner les sédiments, et c'est peut-être la plus simple, c'est celle qui est à la portée de tout le monde. La côte viticole, ce sont des roches sédimentaires qui sont ouvertes au ciel, sous l'effet de l'érosion, c'est-à-dire le vent, la pluie. de l'usure naturelle des roches, les sédiments peuvent se retrouver exposés à l'air libre. Et alors là, il n'y a plus qu'à se pencher pour les ramasser, que ce soit en utilisant un marteau ou vraiment à la main, et on peut les collecter très facilement de cette manière.

  • Speaker #0

    Y a-t-il des conditions de conservation des sédiments ?

  • Speaker #1

    Alors bien sûr, il y a des conditions de conservation des sédiments. Une fois de plus, je vais répondre, ça dépend. Dans le cas d'une roche sédimentaire comme... celles qu'on a sur la côte, les fameux calcaires de Comblanchien notamment, qui sont très connus, on est sur des roches qui sont quand même assez résistantes. Ce n'est pas pour rien qu'on utilise ces roches pour fabriquer des monuments, que la plupart des monuments de la région sont fabriqués avec des roches similaires. Il y a même un certain nombre de pierres de Comblanchien qui ont été utilisées pour la restauration de Notre-Dame de Paris. Ce sont des roches qui peuvent résister à l'air libre pendant des siècles et des siècles. Donc là, finalement, les conditions de conservation sont relativement peu exigeantes. On essaie de les conserver dans un endroit à l'abri de la poussière, à l'abri de la lumière, de l'humidité, mais pas trop d'exigences supplémentaires. Dans le cas de sédiments plus frais, plus récents, comme de la vase, comme les fameux sédiments de la cuve de décantation, là, c'est une histoire un petit peu différente, puisque ces sédiments vont contenir un certain nombre de composés qui sont très vulnérables. Ils contiennent notamment de la matière organique. Cette matière organique, elle est très sensible à la lumière, à la chaleur, parfois même à l'oxygène, dans le cas de sédiments qui ont été à l'abri de l'air pendant un moment, et peut se dégrader très très rapidement. Donc là, les conditions de conservation vont sembler à celles des aliments, finalement, c'est-à-dire au frais, si possible au frais sec, à l'abri de la chaleur, de la lumière, de l'humidité. Et pour ça, on a des grandes salles qui sont réfrigérées à humidité contrôlée qui nous permettent de stocker ces carottes de sédiments. Parfois, on les place également sous vide, congelées, séchées, etc. Il y a différentes méthodes. Mais il y a par contre un point commun entre tous les sédiments qui va être essentiel dans la conservation, c'est l'étiquetage de ces échantillons. Puisque ces échantillons peuvent avoir été préservés au frais, à l'abri de la lumière, pendant des années extrêmement bien, si on n'a pas d'étiquette qui indique d'où ils proviennent et ce qu'ils représentent, on ne va pas pouvoir les utiliser. Donc il est extrêmement important d'avoir un archivage des informations de collecte des échantillons, des traitements éventuels qu'ils ont pu subir, de leurs conditions de conservation, de leur provenance, toutes ces informations sont précieuses pour pouvoir les utiliser par la suite.

  • Speaker #0

    Une fois rentré au labo, j'imagine qu'il y a peut-être des préparations avant d'analyser les échantillons ?

  • Speaker #1

    Oui, effectivement, il y a un certain nombre de préparations qu'on peut apporter aux échantillons. Là, ça va dépendre du type d'analyse qu'on souhaite faire. En fait, j'aime bien comparer la chimie, puisque je fais beaucoup de chimie, à la cuisine. C'est une analogie qui est assez populaire. On va prendre un petit exemple. L'exemple, ça va être le citron. Le citron, c'est un fruit formidable que beaucoup de gens apprécient. Moi, j'apprécie beaucoup. On peut tout utiliser dans le citron. On peut utiliser le zeste, le ziste, le jus, la pulpe, même les pépins. Mais par contre, on ne va pas les utiliser pour les mêmes préparations ni pour les mêmes raisons. Eh bien, selon la recette qu'on souhaite faire, on va soit faire attention à peler le ziste pour le garder de côté, ou le zeste, voire les deux ensemble. Peut-être que si on a juste besoin d'un jus de citron très rapidement, on va simplement presser le citron et se débarrasser du reste. Alors, on parlait de conservation des échantillons juste avant. Nous, l'intérêt, c'est d'essayer de dégrader le moins possible les échantillons qu'on prélève, puisque parfois, ils sont faciles à obtenir, mais parfois, ils sont extrêmement compliqués. Si on parle d'échantillonnage dans des pays lointains, reculés, ça peut être très coûteux, techniquement difficile, parfois dans des réserves protégées. Donc, on essaie de préserver au maximum le matériel dont on dispose. et là, les techniques qu'on va choisir vont... être sélectionnés pour leur capacité à extraire l'information qui nous intéresse tout en préservant le reste de l'échantillon pour une utilisation ultérieure. C'est un petit peu comme, alors je prenais l'exemple du citron, mais on peut prendre celui des œufs. Quand on prépare un gâteau et qu'on n'a besoin que du jaune d'œuf, on peut très bien conserver les blancs, que ce soit au frais voire congelés, pour une utilisation un peu plus tard si on n'a pas envie de faire de meringue le jour même. C'est un peu ce qu'on essaie de faire avec nos échantillons.

  • Speaker #0

    Alors, quels instruments utilisez-vous et comment vous les choisissez ? J'imagine que c'est en fonction des résultats que vous attendez ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Les analyses que je fais principalement au laboratoire BioGéosciences sont des analyses dites de composition élémentaire et isotopique. Ce sont des mots un peu barbares, mais l'idée générale, c'est d'essayer de déterminer la teneur d'un échantillon en éléments tels que le carbone, l'oxygène et le soufre. On va me donner une poudre et je vais dire qu'elle contient... 3% de soufre et 20% de carbone, plus ou moins. Ça, c'est la première information qu'on va chercher à obtenir. L'autre information, c'est l'information isotopique. Alors là, on ne va pas rentrer trop dans le détail aujourd'hui, mais disons que c'est une espèce d'empreinte des atomes qui constituent la matière, comme le carbone, l'oxygène, le soufre. Ça va être un petit peu la signature de cet oxygène, ce carbone, ce soufre, et cette signature, elle les distingue. nous permet d'identifier la provenance de ces éléments dans l'échantillon. Les instruments qui permettent de faire ce genre de mesures sont des instruments qu'on appelle des spectromètres de masse. Pourquoi ? Parce qu'ils analysent la masse de la matière à l'échelle moléculaire. Et c'est cette masse qui est directement liée à la fois à la composition et aux propriétés de la matière. Pour utiliser ces spectromètres de masse, il faut conditionner les échantillons sous la forme de gaz très pur. C'est un petit peu contraignant, c'est pour ça que c'est... Ce sont des instruments assez techniques. Et pour transformer un échantillon en un gaz très pur, c'est-à-dire si je pars d'un échantillon de sol et que je veux obtenir un gaz comme le dioxyde de carbone très purifié, je vais utiliser une sorte de four, on appelle ça un analyseur élémentaire, qui va brûler les échantillons, les sédiments, à très haute température. On parle de plusieurs centaines, voire 1000-1400 degrés. Et ça nous permet de les brûler, de les transformer en gaz qu'on va être capable de séparer. et d'analyser individuellement. Et l'intérêt de ces fours, c'est qu'ils sont très polyvalents, ils peuvent être adaptés pour recevoir soit des échantillons solides, comme un sol, mais ils peuvent aussi accueillir, dans certains cas, des échantillons liquides et gazeux. Et évidemment, pour chacune de ces configurations, il va falloir adapter l'instrument et le configurer spécifiquement à l'analyse.

  • Speaker #0

    Alors, quelles sont les interactions que vous avez avec les chercheurs pendant tout ce processus de travail ?

  • Speaker #1

    Alors, les interactions, elles sont multiples, et je dirais que... peuvent démarrer très très en amont du projet. On parlait d'échantillonnage tout à l'heure. Alors, une première interaction qu'on peut avoir avec les chercheurs, ça va être sur la façon à la fois de prélever et de conserver les échantillons de façon optimale. Donc on va se poser la question de ce qu'ils veulent obtenir comme résultat, comme analyse pour répondre à leurs questions, et de la meilleure manière d'accomplir tout le chemin qui va nous mener jusqu'à ce résultat. Ensuite, On va choisir la configuration d'instruments adaptés, ce qu'on mentionnait juste avant. Et puis, dans certains cas, on va réfléchir aussi à la rapidité du processus. Il y a toujours un compromis à trouver entre obtenir des résultats rapides, parfois peu coûteux, mais qui vont peut-être être un petit peu moins précis, des analyses un petit peu moins optimisées pour leurs besoins. Et dans certains cas, on a des échantillons précieux pour lesquels on veut des valeurs les plus robustes et les plus précises possibles, quitte à y consacrer du temps. et là on va pouvoir travailler parfois pendant des années. jusqu'à obtenir une valeur très précise et très fiable. Alors, une fois que l'analyse est réalisée, on va ensuite discuter avec les chercheurs des résultats, de la façon de les interpréter et de présenter au mieux les données pour les publier.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous pouvez faire des images de ces sédiments pour des publications scientifiques ? C'est utile ou pas ?

  • Speaker #1

    Alors, des images, pas tout à fait strictement. En fait, ce qu'on produit, ce sont des données de chiffres. Je vous disais qu'on analysait la composition, donc on va globalement avoir des pourcentages. Par contre, avoir un tableau de pourcentages, ce n'est pas très parlant. Donc, évidemment, il va falloir mettre en forme ces résultats sous la forme de graphes qui sont généralement assez normés dans la communauté. Ça va être un premier travail à effectuer pour bien visualiser, valoriser les données. La deuxième partie du travail va concerner l'interprétation. Une fois qu'on a réfléchi à une explication pour les données qu'on a obtenues, souvent on va produire des schémas, des petits diagrammes qui vont nous permettre de proposer une illustration du mécanisme qu'on est en train de décrire.

  • Speaker #0

    J'imagine que le développement des technologies peut apporter des résultats de plus en plus précis. Vous a-t-on déjà demandé de refaire des analyses de « vieux » échantillons pour vérifier les premières constatations qui avaient été faites il y a quelques années ?

  • Speaker #1

    Alors oui, tout à fait. C'est même une pratique qui est au cœur de la démarche scientifique. Les analyses de « vieux » échantillons, comme vous dites, ce sont des analyses qu'on peut faire pour deux raisons principalement. Alors la première, c'est... Celle que vous mentionnez, il peut être intéressant, avec l'amélioration des techniques, de réviser une analyse qui a été faite peut-être au début du siècle, pour y apporter des précisions, des compléments. C'est quelque chose qu'on observe de façon très récurrente. Dans mon domaine, par exemple, il y a un site qui est très cher à mon cœur, qui se trouve aux Etats-Unis, qui a été... décrit dès le début du 19e siècle. Il a commencé à être étudié très en détail à partir des années 50, puis on ne l'a plus étudié, on l'a oublié, c'est revenu dans les années 80, puis dans les années 2000, et maintenant ça revient. Vous voyez qu'il y a des gaps, et ces gaps correspondent à des améliorations des technologies, des améliorations des connaissances scientifiques qui donnent un intérêt à réviser ces échantillons. La deuxième raison pour laquelle on peut vouloir réanalyser des échantillons qui l'ont déjà été, c'est justement pour le développement des nouvelles technologies. quand on... invente une nouvelle technique, on va d'abord chercher à vérifier qu'elle fonctionne sur des échantillons qui sont bien connus. Et donc pour ça, les échantillons archivés et historiques sont extrêmement précieux parce qu'ils nous permettent non seulement de servir de référence pour l'amélioration des techniques, mais également pour les rendre plus robustes. Dans les deux cas, tout ce processus illustre l'importance cruciale de la conservation des échantillons que vous abordiez tout à l'heure et de l'or. et tic-tac propre de leur bonne conservation.

  • Speaker #0

    Alors, nous avons analysé avec vous des sédiments, mais votre travail peut-il s'intéresser à des domaines complètement différents ? Quand on a préparé un petit peu cette émission, vous parliez que vous pouviez travailler sur l'étude d'eau pétillante. Alors, de quoi s'agit-il exactement ?

  • Speaker #1

    Oui, alors effectivement, on peut trouver un certain nombre de sujets exotiques pour des géologues. En fait, l'eau pétillante, c'est de l'eau qui contient du gaz. Et ce gaz, ces fines bulles, ce sont les mêmes qu'on retrouve dans toutes les boissons gazeuses, que ce soit le Coca-Cola ou le champagne, le crément, bien sûr. Ce gaz, c'est du dioxyde de carbone qui est bien connu. Il est donc constitué de carbone et d'oxygène. Et le carbone et l'oxygène sont des éléments que j'ai l'habitude d'étudier au laboratoire et que je peux étudier avec les instruments dont je dispose. Comme je vous le disais, la composition en carbone et en oxygène nous donne des informations sur leur provenance. Et pour l'eau gazeuse, on espère raconter un peu l'histoire de cette eau gazeuse et du gaz qu'elle contient.

  • Speaker #0

    Et donc du coup, c'est quoi les attendus pour le coup ?

  • Speaker #1

    Eh bien justement, la provenance du CO2 est très intéressante pour le cas de l'eau pétillante en particulier. Vous savez que sur les bouteilles, il est souvent indiqué eau naturellement gazeuse ou adjonction de gaz carbonique. Dans le cas d'une eau naturellement gazeuse, le dioxyde de carbone aura une composition différente du cas dans lequel on l'a ajouté artificiellement. Il peut y avoir plusieurs utilisations de cette technique et de ce diagnostic. Une première, ça peut être d'essayer de mieux comprendre les techniques, les améliorer. Ça peut être aussi de comprendre les sources du gaz dans les eaux naturellement gazeuses. et alors une autre application qui est déjà utilisée par... des collègues qui travaillent pour la répression des fraudes, va être de pouvoir vérifier très facilement finalement l'indication de l'étiquette y a-t-il eu ou non fraude sur le naturellement gazeuse.

  • Speaker #0

    Et alors là, vous allez utiliser quels instruments ? D'autres instruments que les précédents ou c'est encore autre chose ?

  • Speaker #1

    Alors on pourrait utiliser les instruments traditionnellement utilisés pour ces techniques. Là, dans le cas particulier, ce qui est intéressant et ce pourquoi je m'intéresse à ce sujet, c'est qu'on dispose d'un instrument relativement nouveau sur le marché, vous parliez juste avant d'innovation technologique, et qui nous permet de déterminer cette fameuse composition du dioxyde de carbone de façon à la fois rapide et très économique. Donc l'idée... ce n'est pas tant de révolutionner la technique ou son application, c'est plutôt de la démocratiser. Et on pourrait imaginer que, que ce soit pour des cas de fraude, des applications industrielles ou des diagnostics dans le cas, je ne sais pas, d'études géothermales, par exemple, on puisse mettre à disposition une technique qui est à l'heure actuelle très technique, très justement spécifique et qui demande un haut degré d'expertise. On pourrait la démocratiser à des personnes qui auraient besoin de moins de formation pour l'utiliser.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qui vous plaît le plus dans votre travail ? Parce qu'il est multiple, on a l'impression quand même qu'il y a plusieurs facettes.

  • Speaker #1

    Justement, c'est la première chose qui me plaît dans mon travail. J'aime travailler sur des projets très variés, avoir des journées qui sont parfois très différentes. Mais je pense que finalement, ce qui me plaît le plus dans ce travail, c'est le fait d'apprendre de nouvelles choses tous les jours. Et je pense que les métiers de la recherche, c'est avant tout ça, ce sont des métiers de curieux.

  • Speaker #0

    Et quel a été votre parcours pour arriver là ?

  • Speaker #1

    Alors mon parcours, j'ai fait un bac scientifique et ensuite j'ai fait une classe préparatoire, une école d'ingénieur en géologie, suite à laquelle j'ai fait différents stages, dont des stages en laboratoire de recherche. J'ai eu envie de faire une thèse de doctorat en sciences de la Terre. Et cette thèse de doctorat m'a permis de me former aux techniques de l'instrumentation scientifique. Et j'ai ensuite eu l'opportunité de... postuler à un concours du CNRS pour devenir ingénieur au laboratoire bio-géosciences. Ce n'est pas forcément le parcours le plus classique. Les métiers d'ingénieur sont accessibles à partir du bac ou même du bac plus 3, des bacs professionnels. Ils sont ouverts à tous les niveaux d'études. Ils sont très variés et tout le monde peut y trouver du grain à moudre.

  • Speaker #0

    Et alors, quels conseils donneriez-vous à des lycéennes ou des lycéens qui se posent des questions sur leur orientation ?

  • Speaker #1

    Alors, le principal conseil que j'aurais à leur donner, c'est d'être curieux. Être curieux, ne pas hésiter à franchir la porte, que ce soit des laboratoires ou des entreprises, des métiers qui les intriguent, parce qu'il est parfois très très difficile de faire un choix pour déterminer ce qu'on aime. Mais par contre, il est beaucoup plus facile de déterminer ce qu'on n'aime pas. Alors, il ne faut pas hésiter, multiplier les expériences, ne pas avoir peur de se tromper, parce qu'en plus aujourd'hui, il existe de nombreuses passerelles qui permettent de rebondir. entre différentes formations professionnelles. Voilà, la plupart des métiers de passion sont animés par des personnes qui seront ravies de répondre à leurs questions, de les accueillir. On accueille régulièrement des lycéens au laboratoire. Donc voilà, il ne faut pas hésiter.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. En tout cas, je vous remercie beaucoup pour ce partage de connaissances et d'informations. Merci.

  • Speaker #1

    Merci à vous Véronique pour votre invitation et vos questions.

  • Speaker #0

    C'était Lumière sur la sédimentologie avec Yvan Jovovic.

  • Speaker #1

    Ingénieur d'études au laboratoire Bio-Géosciences à Dijon.

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