Speaker #0Bonjour à tous et bienvenue dans ce cinquième épisode de Lyric Hunter, le podcast qui explore les paroles des chansons anglaises mais en français. Moi c'est Micha, je suis 50% français, 50% suisse, 100% guitariste amateur du dimanche, à mes heures perdues, pendant que je travaille pas, surtout entre le vendredi et le lundi. Le gros du répertoire dans lequel je fais mes incursions guitaristiques vient principalement d'Outre-Manche ou des Etats-Unis. Et jusque là je n'accordais pas trop d'importance aux paroles des chansons que je jouais. Ainsi est né l'Eric Hunter, le podcast qui dépiote. qui analyse au microscope laser les paroles des grands tubes anglophones, mais dans la langue de Balzac ou de Nabila, c'est selon. Alors, la chanson du jour. Elle est un peu particulière, cette chanson. Aujourd'hui, on va traiter une musique dont je suis absolument certain que vous connaissez sa mélodie. Pour ce qui est du sens des paroles, je suis prêt à vous parier mon poids en noix de cajou grillé, que c'est un peu moins le cas. Devinette, quel est le point commun entre l'armée du salut, les supporters du club de foot de Bruges, James Bond, Donald Trump, Zinedine Zidane et la cinquième symphonie de Bruckner. Comme vous êtes vifs d'esprit et que vous avez cliqué sur le titre de l'épisode, vous savez déjà que l'épisode du jour va parler de Seven Nation Army du groupe The White Stripes. Seven Nation Army, c'est ce tube interplanétaire sorti en mars 2003 sur l'album Elephant, disque d'or en Italie, en Allemagne et au Royaume-Uni. Le titre cumule près de 2 milliards de streams sur Spotify et 750 millions de vues sur YouTube. C'est surtout une suite de 7 notes parmi les plus iconiques de l'histoire du rock et probablement de l'histoire de la musique. Avec Satisfaction de Rolling Stones, Smoke on the Water de Deep Purple, elle figure au panthéon des riffs auxquels tout guitariste débutant s'est immanquablement frotté lors du premier contact avec l'instrument. Ça n'a pas été mon cas, c'est pas que j'étais un débutant particulièrement snob, mais tout simplement parce que je suis vieux et que j'avais déjà commencé l'instrument quelques années plus tôt. Par contre, pour Satisfaction et Smoke on the Water, je plaide 100% coupable. Donc Seven Nation Army, c'est ce motif qu'on entend chanter presque à chaque match de foot. Enfin, je dis chanter. Bramer serait plus juste, mais passons. Vous savez, le fameux... Pour la naissance de cette chanson, il va falloir faire nos bagages et aller à Melbourne. En janvier 2002, les White Stripes sont en tournée en Australie. Alors qu'ils sont en train de faire leur balance de son au Corner Hotel, Jack White, le guitariste-chanteur, trouve un petit motif mélodique et s'empresse de le montrer à Ben Swank, un cadre de la maison de disques qui était avec lui. Sa réaction ? « Mouais, c'est un peu bof ton truc, hein. Le rythme est pas ouf et tu peux faire un peu mieux, hein. » Quoi qu'il en soit, White ne se laisse pas décourager et garde le riff bien au chaud dans sa musette. D'ailleurs, il s'en est fallu de peu que cette mélodie finisse au cinéma. En effet, il avait été approché pour composer un générique de James Bond. Mais, l'industrie du cinéma étant ce qu'elle est, Il a préféré garder ce thème pour lui en estimant qu'il était peu probable que le projet prenne forme. Imaginez, il existe un monde parallèle où le générique de James Bond aurait donné ça. Cela étant dit, le destin a plutôt bien fait les choses pour nous et surtout pour les White Stripes. Non seulement Seven Nation Army va nous parvenir comme une de leurs musiques, Mais Jack White composera effectivement Another Way to Die avec Alicia Keys pour le film Quantum of Solace, donc un James Bond, sorti en 2008. Heureusement, le fameux continuera d'avoir son existence propre. Cela étant dit, les amateurs de musique symphonique en général, et d'Antoine Bruckner en particulier, vont me dire « Mais dis donc, ça ressemble vachement au thème de la 5e symphonie de Bruckner, ça ! » Et effectivement, il y a de quoi se poser la question. Jugez plutôt. Est-ce qu'on est en présence d'un plagiat, d'une citation, d'une coïncidence ? C'est dur à dire. Certains affirment de manière catégorique que White avait étudié la musique classique étant plus jeune et qu'il s'était directement inspiré de Bruckner. Selon eux, la corrélation ne fait pas l'ombre d'un doute. Cependant, Jack White n'a jamais dit qu'il s'était inspiré du compositeur autrichien. Je vous laisserai vous faire votre avis. Pour ma part, je pense qu'il s'agit soit d'une coïncidence, soit d'une réminiscence inconsciente. Finalement, Seven Nation Army sera enregistré en Angleterre. White dira plus tard qu'il considérait cette musique comme une petite expérience et n'écrira les paroles que la veille de l'enregistrement. Pour la musique en elle-même, on est sur une configuration relativement basique. A la batterie, on a Meg White qui assure une partie simple mais rudement efficace et on a Jack White pour le chant et la guitare. Ici, il y a une petite curiosité qu'il faut signaler. L'instrument qu'on entend n'est pas une basse, mais bien une guitare électro-acoustique. Vous allez me dire, non mais Micha, t'as de la peau de saucisson dans les oreilles, c'est notes graves, c'est joué par une basse forcément. Et ben non, il se trouve que c'est bien une guitare qui joue, mais White a utilisé une pédale Whammy. Alors la pédale Whammy, si vous ne visualisez pas, c'est un effet qui permet de modifier la hauteur d'une note à l'aide d'une pédale qui ressemble un peu à celle d'une voiture. Pédale qui a été notamment usée et abusée par ce petit coquin de Tom Morello. Dans le contexte de Rage Against The Machine, voilà ce que ça donne. Et pour la chanson qui nous intéresse aujourd'hui, ça donne ça. Ça marche aussi pour la voix, mais bon. Disons qu'on fait déjà assez d'horreur avec l'autotune, il n'y a pas besoin de s'y mettre avec une voix mi non plus. Et du coup, pour Seven Nation Army, comment cette chanson est-elle devenue cette hymne de stade qu'on nous resserre systématiquement jusqu'à la nausée ? Alors, comme pour Tintin, comme pour les frites, comme pour le saxophone, c'est la faute des Belges. C'est plus particulièrement aux bourgeois que l'on doit l'arrivée de la chanson dans les stades de Belgique, de France, de Navarre et du monde entier. On est en octobre 2003 et le club... Brugge Königliche Wettballvereniging
Speaker #0on va dire FC Bruges à partir de maintenant. Donc, le FC Bruges se rend à Milan pour un match de Ligue des Champions. L'air transalpin est frais en ce soir d'automne 2003. Et pour se réchauffer, les supporters belges reprennent en chœur une chanson fraîchement sortie dans les bacs. Plus tard dans la soirée, les brujois l'emportent et les supporters belges reprennent de plus belle en chantant à tue-tête dans les rues de Milan. Les supporters italiens qui sont mélomanes un peu taquin et doué d'une bonne mémoire, resserviront ce même chant aux Brejois chez eux en Belgique en 2006. L'hymne deviendra d'ailleurs l'hymne officieux de l'équipe d'Italie pendant la Coupe du Monde de 2006, qu'ils finiront par gagner contre... je sais plus qui, c'est pas grave, on s'en fout de manière. Bref, pendant que les Français commençaient une thérapie de groupe pour digérer la défaite et le fameux coup de boule de Zidane, le polo popopopo escandé en continue dans les rues de Rome. Jack White dira à ce sujet Je suis honoré que les italiens aient adopté cette chanson. Rien n'est plus beau en musique que de voir des gens s'approprier une mélodie et la laisser entrer au panthéon de la musique folklorique. L'histoire se met en marche et après ça, le monde entier reprend l'idée. Les stades de foot, les fanfares et même les politiciens. Et c'est ici qu'on retrouve l'actuel occupant de la Maison Blanche. Pendant sa campagne de 2016, la chanson de nos White Stripes préférée est utilisée pour un clip de campagne. Et ça, c'était vachement moins du goût du groupe qui dira être dégoûté par l'utilisation de leur tube. Cet incident va inspirer un compositeur britannique qui composera une fugue intitulée « Donald Trump is a wanker » qu'on pourrait traduire par « Donald Trump est un branleur » . Je ne résiste pas au plaisir de vous partager un petit extrait. S'il y a des musicologues ou des amateurs de musique baroque parmi vous, vous apprécierez l'effort de composition et d'interprétation. En effet, la fugue est un style de composition particulièrement complexe, auquel j'ai eu l'occasion de me frotter personnellement et lamentablement échoué. Mais ça c'est une autre histoire. Assez parlé de musique maintenant, il est temps de passer aux paroles. On va se lire ensemble une version des paroles traduites en français. Pour la version originale, je vous laisse consulter votre moteur de recherche préféré. je vais les combattre même une armée de sept nations ne pourrait m'arrêter ils vont me l'arracher en prenant leur temps dans mon dos je me parle à moi-même la nuit parce que je ne peux pas oublier derrière une cigarette ça tourne en boucle dans ma tête et le message que mes yeux envoient dit laisse tomber je ne veux pas en entendre parler chacun a une histoire à raconter tout le monde est au courant De la reine d'Angleterre jusqu'au chien de l'enfer. Et si ça me revient dans la figure, je vais te le renvoyer. Ce n'est pas ce que tu veux entendre, mais c'est ce que je vais faire. Et le sentiment qui vient des tripes dit, trouve un foyer. Je pars pour Wichita, loin de ce théâtre, pour toujours. Je vais travailler la paille, faire suer chaque pore de ma peau. Et je saigne encore et encore devant le Seigneur. Tous les mots vont saigner de moi et je ne chanterai plus. Et les taches venant de mon sang me disent, rentre chez toi. Bon, ça respire pas le bien-être et l'harmonie tout ça. On va s'allumer une petite bougie parfumée, ouverture de chakra aux boîtes centales de Madagascar, et on va reprendre tout ça dans le calme. Déjà, commençons par le titre. L'armée des sept nations. Est-ce qu'il existe une coalition secrète de sept nations qu'il faut montrer de noir dessin contre le monde, ou Jack White en particulier ? Bah pas du tout. C'est une invention qui vient directement de l'esprit du jeune Jack White enfant. Étant petit, il pensait que l'armée du salut, Salvation Army en VO, s'appelait « Seven Nation Army » . Il dira « Quand j'étais gosse, je croyais que l'armée du salut s'appelait l'armée des sept nations. Cette expression m'est restée parce que l'idée me paraissait puissante. » Donc ici, il ne s'agit pas d'une coalition réelle de sept nations, mais plutôt d'un concept ancré dans l'esprit du jeune Jack White, quelque chose qui évoque une idée de force écrasante ou de coalition oppressante. Le texte ne suit pas une narration linéaire. Ici, White procède plus de manière impressionniste en décrivant ses sentiments par petites touches. Il est plus question de décrire un climat émotionnel plutôt que de raconter une histoire, même si des éléments viennent parfois nous ramener dans le monde physique avec la cigarette, Wichita, la paille ou le sang. Tout ça reste assez abstrait et une première lecture à froid donne un sentiment général plutôt qu'une explication évidente. Dans sa grande bonté, Jack White a été plutôt clair quant à la signification de Seven Nation Army. Le site, la chanson parle de Rago, ça parle de moi, de Meg et des personnes avec qui nous sortons. En effet, beaucoup ignoraient que Meg était son ex-femme, parce qu'il y a une époque où il faisait semblant d'être frère et sœur. Donc maintenant qu'on a cette clé de lecture, on peut rentrer véritablement dans le texte. « Je vais tous les combattre. Même une armée de sept nations ne pourrait m'arrêter. » Les deux premiers vers donnent directement le ton. Le récit se fait à la première personne et l'auteur expose la dynamique. Il est dans un combat contre une armée de sept nations, c'est-à-dire une force oppressante qui n'est pas clairement définie. On peut imaginer qu'il s'agit probablement de la presse et de tous ceux qui diffusent des ragots sur son compte. On sent qu'il y a une volonté de résistance qui n'est en aucun cas du domaine de la résignation. L'utilisation de l'adverbe « même » vient renforcer cette idée. Même une armée de cette nation ne pourrait m'arrêter. Ils vont me l'arracher en prenant leur temps dans mon dos. Ici, on ne sait pas précisément ce qui va être arraché, mais dans le contexte du conflit entre le groupe et ses détracteurs, il doit parler de leur intimité, de leur quiétude, ou plus généralement de leur image. Il doit parler du phénomène de désappropriation qui affecte les gens qui accèdent à la notoriété. Les médias, le grand public, s'approprient l'image d'un artiste en exposant chaque fait et geste sur la place publique et finalement, c'est une partie d'eux qui cesse de leur appartenir. Toutes ces attaques sont lentes et insidieuses. Elles viennent d'individus cachés dans une foule d'anonymes et ici, l'idée fait parfaitement écho au concept d'armée. Il y a une paranoïa qui s'installe Merci. puisque toutes ces attaques sont préparées dans l'ombre sans qu'ils sachent d'où elles vont provenir et quand elles vont se produire. Je me parle à moi-même la nuit parce que je ne peux pas oublier. La paranoïa est omniprésente et elle continue de hanter ses pensées jusque tard dans la nuit. Il n'arrive pas à faire abstraction des attaques dont il fait l'objet et il se parle à lui-même, probablement pour tromper sa solitude. La phrase « parce que je ne peux pas oublier » peut se comprendre de deux façons. Il y a le verbe « oublier » qu'on peut décrire comme son incapacité à ignorer ses problèmes, mais il y a aussi une signification qui est plus menaçante si on se dit qu'il ne peut pas ou ne veut pas oublier ceux qui l'ont blessé. Ces deux phrases sont puissantes puisque Jack White dit que les blessures qu'il a reçues sont indélébiles. Il n'arrive tout simplement pas à passer outre. Il est dans un chemin de pensée obsessionnel où il ne trouve aucune paix et aucun répit. « Derrière une cigarette, ça tourne en boucle dans ma tête. » Et le message que mes yeux envoient dit « laisse tomber » . Ces deux vers viennent souligner le sentiment de tourment subi par l'auteur. Cependant, il y a un changement qui s'opère dans l'angle de la narration et dans l'état d'esprit général. Jusque là, on était dans le monde des pensées et on revient dans le monde physique. Il est en train de fumer sa cigarette au milieu de la nuit tout en ruminant. Et la cigarette symbolise son état d'anxiété. Il fume pour essayer de décompresser. On voit aussi un changement dans le ton du discours. Au début, il se montrait combatif en disant « même une armée de cette nation ne pourrait m'arrêter » . Mais là, il y a un changement qui se fait. Il se parle à lui-même. On ne sait pas ce qu'il dit, mais on peut supposer qu'il est en train de pester contre ses oppresseurs. Pourtant, ses yeux disent autre chose. Ils disent « laisse tomber » . Et pour la première fois, on perçoit le sentiment de résignation. Et on a encore une phrase à double interprétation. Quand il dit « laisse tomber » , est-ce qu'il se dit qu'il faut laisser tomber le combat, ou est-ce qu'il se dit « laisse tomber » dans le sens « allez, arrête de te prendre la tête et va te coucher » . On ne peut pas le dire avec certitude, mais je pense que les deux lectures sont valables et complémentaires. Et justement, les vers subants vont nous éclairer un peu plus. Je ne veux pas en entendre parler. Chacun a une histoire à raconter. Tout le monde est au courant. De la reine d'Angleterre jusqu'au chien de l'enfer. Il semble avoir pris une résolution. White rejette toutes les rumeurs et tous les jugements sur son compte. Il devient plus pragmatique et, après s'être dit de laisser tomber, il fait le constat que tout le monde a un avis et que tout le monde veut y aller de son petit commentaire. Il emploie l'ironie en disant que tout le monde est au courant. De la reine d'Angleterre jusqu'au chien de l'enfer. Je doute qu'Elisabeth II ait eu un avis en particulier sur les White Stripes, quoique... Ici, le principe d'exagération est utilisé avec deux extrêmes. On a d'un côté une figure noble, institutionnelle, qui représente l'ordre établi, légitime et emprunt d'une certaine neutralité. Et à l'autre extrême, on a les chiens de l'enfer qui, évidemment, représentent tout ce qu'il y a de plus négatif. D'ailleurs, je pense que la référence à la famille royale n'est pas une coïncidence. Quand on sait la violence avec laquelle les médias ont traité les monarques anglais, on peut dire sans trop se tromper que la presse à scandale compte parmi les clébards infernaux dont il est question. Quoi qu'il en soit, l'auteur reprend du poil de la bête et continue avec « Et si ça me revient dans la figure, je vais te le renvoyer. Ce n'est pas ce que tu veux entendre, mais c'est ce que je vais faire. » Le message et la menace sont clairs. Si les attaques reviennent, il ripostera. Par là, il affirme de nouveau son intégrité. Même si son attitude dérange, il entend rester fidèle à lui-même et ne fera pas de compromis. Cette strophe vient conclure la première partie de notre chanson du jour. On a posé le contexte, la dynamique et les enjeux. Jusque là, on était dans un scénario d'opposition entre Jack White et la nation des sept armées. La seconde partie, vous allez voir, va amener un changement d'angle et d'ambiance avec une imagerie assez typique du blues. Cette deuxième partie commence par ce sentiment qui vient des tripes, qui me dit « trouve un foyer » . Je vais partir pour Wichita, loin de ce théâtre, pour toujours. White quitte le terrain guerrier qu'il évoquait plus tôt et revient à un questionnement intérieur. Il tourne ses pensées vers lui-même et entend une voix qui lui dit de trouver un foyer. Il faut prendre le mot foyer comme une métaphore illustrant la notion de lieu paisible. Un endroit où il pourrait être lui-même sans avoir à se soucier du candiraton, loin de cette mauvaise pièce de théâtre qu'est la vie médiatique. Et c'est à Wichita qu'il décide de poser ses valises. Un petit point géographie sur Wichita. En gros, vous prenez les Etats-Unis, vous placez un point exactement au milieu, et voilà, vous êtes à Wichita. Pour la petite histoire, au moment de l'écriture de Seven Nation Army, Jack White n'avait jamais mis les pieds à Wichita. Il a choisi cette ville parce qu'elle symbolise la ville un peu rurale, à bonne distance de l'agitation des grandes villes. Et voilà comment il prévoit d'occuper ses journées. Je vais travailler la paille, faire suer chaque porc de ma peau, et saigner encore et encore devant le Seigneur. Pourquoi pas, c'est un concept. Plus sérieusement, il compte se soustraire à la vie qui est la sienne actuellement, et revenir à une existence faite de choses plus simples comme travailler la paille. On est en plein dans l'imagerie blues typique, une vie de dur labeur nimbée de dévotions religieuses où le travail physique sert de processus cathartique. Je ne pense pas qu'il faille prendre cette strophe au sens littéral. À ce moment-là, l'auteur prend du recul par rapport à sa situation. Il arrête de parler totalement au premier degré, Et traite le protagoniste de la chanson comme une figure romantique, celle de l'artiste critiqué qui se retire du monde. Et il conclut « Tous les mots vont saigner de moi, et je ne chanterai plus, et les taches venant de mon sang me disent « Rentre chez toi » . » Dans ces quatre dernières phrases, il développe encore plus l'idée de faire le processus de rédemption par la souffrance. Il met fin au combat, il n'a plus de mots, plus de voix, seulement des blessures. Et ces blessures deviennent une voix intérieure qui lui murmure « Rentre chez toi » . C'est un aveu d'épuisement en fait, et peut-être de lucidité. Comme si après avoir résisté à une armée entière, la seule issue possible était de se taire, de rentrer chez lui. Cette ultime phrase peut aussi vouloir signifier de se retrouver lui-même, de ne plus essayer de gagner un combat perdu d'avance, et de se concentrer sur lui-même et de revenir à l'essentiel en faisant abstraction du reste. Il pousse l'imagerie de l'ermite encore plus loin, et on pourrait presque résumer cette dernière section par « Bon bah puisque c'est comme ça, je vais m'arrêter » et vous m'entendrez plus chanter, et ce sera bien fait pour vous. Et voilà, hein ? Voilà, je pense qu'on a fait un bon tour des paroles de Seven Nation Army. Qu'est-ce qu'on peut retenir de tout ça ? Cette chanson, c'est l'histoire de Jack White, qui est poussé à bout par les rumeurs colportées sur son compte et celui de sa partenaire. On a une première partie qui parle du combat mental entre lui et ses oppresseurs, et une seconde partie qui est une vision romantisée de l'artiste malmené par les médias et les racontards, qui décide d'aller faire des chapeaux de paille à Wichita. Bien que l'histoire raconte un moment vécu par les White Stripes en tant que groupe, les paroles de la chanson sont suffisamment allusives pour que chacun puisse se les approprier. En conclusion, on dira que le motif « en tétan » accompagné d'un vocabulaire guerrier font de cette chanson un hymne universel qui parle à quiconque se trouve dans l'adversité. C'est ce qui a permis à cette chanson de rentrer dans la culture populaire, avec une portée qui dépasse largement la seule histoire du groupe. Voilà ! j'espère que ce cinquième épisode vous aura permis d'en apprendre un peu plus sur Seven Nation Army du groupe The White Stripes. Si vous avez des remarques, des commentaires à me partager, n'hésitez surtout pas à m'écrire à l'adresse de lyrichunter.gmail.com que vous trouverez aussi en description. Je vous lirai et vous répondrai avec plaisir. Avant de vous laisser, je vous ai préparé une petite rubrique pour finir sur une note sucrée, le bon, la brute et le truand. Ici, je vais vous proposer trois versions de la chanson, une version magnifiée de l'original qui sera le Bon ? Une version de la chanson qui se permet une revisite osée ou décalée, la brute. Et le truand, ça c'est mon goût pour les trucs déviants. Il va s'agir d'une reprise malfagotée, feignante ou crapuleuse. Car, comme dit le philosophe, si on n'a jamais connu les affres d'une nuit de camping partant d'orage, où la pluie vous goûte sur le bout du nez au travers de la toile de tente et que le froid, l'humidité vous tourmente toute une nuit durant, comment savourer les délices d'une nuit dans un hôtel douillet, bien enroulé dans un peignoir moelleux, Avec des claquettes à moumoute aux pieds alors qu'une bouteille de champagne vous attend dans son seau de glace ? Alors on va commencer par le truand. Bon, ici je préfère prévenir, je pense qu'on est aux présences d'une blague d'étudiant plutôt que d'un vrai projet musical. J'ai écouté des centaines de versions de la chanson, j'en ai trouvé beaucoup qui n'étaient pas terribles, mais pas au point de figurer dans la partie truand. Par contre, pour cette version du groupe éphémère Fallen Vengeance, on a affaire à un véritable massacre. C'est bien simple, ils sont cités comme la pire reprise du monde de Seven Nation Army. et leur vidéo YouTube peut s'en orgueillir d'atteindre 620 000 vues. Je laisserai le lien dans la description et je vous recommande la lecture des commentaires qui sont d'ailleurs plus amusants que la chanson en elle-même. Vous ne connaissiez pas la pire version du monde de Seven Nation Army ? Ça va être chose faite et c'est ici que vous l'aurez découverte. Ne me remerciez pas, ça me fait plaisir. Pour la brute, je vous propose une version rafraîchissante interprétée par The Hoss Boss. Même s'ils n'ont pas réinventé la poudre, on est en présence ici d'une proposition plutôt sympathique et elle s'écoute assez bien. Elle a aussi le mérite de donner à la fameuse mélodie un peu plus de légèreté. Alors, sortez vos sentiags, votre banjo, votre chapeau de covaille, on y va ! Et finalement, on termine avec le bon. Et non, ce ne sera pas la version de Ben l'oncle sol. Bien entendu, sa version est excellente. Mais à moins que vous n'habitiez sur une autre planète en 2010, vous connaissez forcément cette version. D'ailleurs, ses arrangements ont été largement copiés par d'autres artistes. Et c'est des reprises de reprises, une sorte de repriseception si vous voulez. C'est donc le Scott Bradley's Postmodern Jukebox qu'on va s'écouter dans une version New Orleans Jazz Funeral. Là, il y a la totale. La contrebasse traînante, la performance vocale exécutée dans les règles de l'art. Les cuivres qui viennent reprendre la mélodie en s'autorisant quelques solos par-ci par-là, ça sent le vieux bourbon et les pensées noires ruminées à couder aux incs d'un bar de Louisiane enfumée alors que le mégot de votre dernière clope est en train de mourir dans un cendrier trop plein. Bref, une version dont l'esprit colle finalement assez bien au propos original. Voilà, c'était Lyricator épisode 5 consacré à Seven Nation Army de The White Stripes. Je vous remercie de m'avoir écouté jusque là et je vous dis à très bientôt pour l'épisode 6.