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#77 - Airbus : l’histoire d’un tournant industriel européen - Avec Noël Forgeard, ex-président Airbus cover
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#77 - Airbus : l’histoire d’un tournant industriel européen - Avec Noël Forgeard, ex-président Airbus

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1h16 |08/12/2025
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Description

Dans cet épisode, on reçoit Noël Forgeard, ancien président exécutif d’Airbus puis co-président d’EADS, au cœur de l’un des plus grands projets industriels de l’histoire européenne.

Polytechnicien, ingénieur des Mines, passé par la haute fonction publique puis par le groupe Matra, il prend part à la consolidation du spatial et de la défense européenne avant de jouer un rôle déterminant dans la construction d’Airbus SAS, tel qu’on le connaît aujourd’hui.


Au micro de Method to Scale, il revient sur une aventure hors norme :
comment l’Europe a bâti un rival de Boeing, comment se prennent les décisions qui engagent des décennies, et ce que signifie faire émerger un géant industriel dans un contexte politique complexe.

Il partage sans filtre :


  • Les coulisses de la création d’Airbus SAS

  • Comment l’Europe a rattrapé Boeing grâce à des paris technologiques majeurs

  • Les arbitrages politiques derrière un projet industriel continental

  • Le lancement du programme A380, ses ambitions et ses limites

  • Ce que les entreprises européennes peuvent encore apprendre de cette aventure


Une épopée unique, remplie d'enseignements !

Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'ai dit, Miral, si vous ne lancez pas le programme de votre côté, comme vous me l'avez laissé entendre, je suis mort.

  • Speaker #1

    La première stratégie, déjà, c'était d'être en miroir des avions Boeing,

  • Speaker #2

    de copier des mêmes lignes qu'ils faisaient, où il y avait une vision un peu différente au départ.

  • Speaker #0

    Copiez, monsieur.

  • Speaker #2

    Là, vous commencez à vouloir vous attaquer sur la gamme qui fait leur revenu, qui fait leur marge.

  • Speaker #0

    Ici, pour dire la vérité, et si Kossub en tirait des enseignements, la A380 était un semi-échec commercial.

  • Speaker #1

    2006, crise sur l'aménagement intérieur des avions.

  • Speaker #0

    J'ai mis le programme en retard de presque deux ans. C'est en partie de ma faute. Car en 2002...

  • Speaker #3

    Bonsoir à toutes et à tous. Ce soir, nous avons le plaisir de recevoir Noël Forgeart, l'ancien PDG d'Airbus. Bonsoir.

  • Speaker #1

    Bonsoir. Bonsoir.

  • Speaker #3

    Bienvenue dans l'émission. Alors, j'ai un exercice qui n'est pas évident à faire, mais je vais essayer de m'y tenir, de vous présenter avec des points saillants et des points clés. Et n'hésitez pas à me corriger si je dis des anarisques, ce qui est possible. Donc... Euh... Donc vous avez un parcours qui est rare parce qu'il est de ceux qui traversent l'État, qui traversent l'industrie et qui traversent les grandes décisions politiques dans l'histoire notamment de l'aérospatiale, aéronautique. Et du coup, vous avez un parcours qui part d'études d'ingénieur. Vous êtes diplômé de l'école polytechnique et des mines de Paris. Et vous avez débuté votre carrière dans la hausse fonction publique, mais tout de suite dans des ministères. qui derrière vont nous donner un aperçu de ce qui veut arriver dans votre carrière, donc au ministère des Transports et au ministère de la Défense, puis au ministère de la Défense. En 1986, vous devenez même le conseiller industriel auprès du premier ministre de l'époque, un certain Jacques Chirac, et donc ça c'est pour la partie État. Puis vient le temps de l'industrie. Vous rejoignez d'abord le domaine de l'acier avec Usinor, ce qui n'est pas de bêtise, puis Matra, avant d'être nommé directeur général du groupe Lagardère. Et là, nous sommes en 1992. Cette période est décisive parce que pour se projeter, c'est une époque où il y a de la consolidation européenne qui se fait, il y a de la coopération, de la collaboration sur des sujets vraiment stratégiques. Quand on le regarde aujourd'hui, on se rend compte que le monde a changé, on y reviendra dans le podcast, notamment sur la partie satellite, sur la partie missiles tactiques. Il y a des sociétés qui se créent à ce moment-là qui sont Matra Marconi Space et Matra BAE Dynamics. puis c'est la période Airbus fin 1997, nouvel étage de la fusée. Le gouvernement français propose de succéder à Jean Pierson à la tête d'Airbus Industries pour devenir finalement en 2001, on l'a dit en introduction, le premier PDG d'Airbus SS, finalement qui est la création de la société intégrée Airbus.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Alors bon, vous mettez un peu sur le même plan le parcours administrativo-politique et l'industrie, mais je suis d'abord un homme d'industrie. Tout ce que je sais en matière industrielle, si je sais quelque chose, je l'ai appris sur le temps. Je n'ai pas appris dans mon parcours antérieur.

  • Speaker #3

    Mais c'est intéressant de voir que dans le parcours antérieur, effectivement, c'est l'industrie qui vous a tout de suite botté. Vous n'étiez pas dans des bureaux administratifs. de ce point de vue-là. Donc... On est ravis de vous avoir. On a une période de l'histoire à aborder ensemble devant nous et qu'on va essayer de découper en différentes sections que Aymeric a sous les yeux. Mais je pense que je peux te laisser la main, Aymeric, pour commencer à aborder la première thématique. En fait, on essaie d'être chronologique dans cette histoire et d'arriver vers le monde d'aujourd'hui aussi et les défis qu'on a devant soi.

  • Speaker #2

    Oui, et pour que nos auditeurs se rendent un peu compte, effectivement, je pense qu'au départ, j'aimerais bien qu'on reparle de la création de l'Europe des missiles. et des satellites et de Matra. Parce qu'en fait, avant Airbus, il y a eu Matra. Et puis, vous nous parliez un peu de vos relations avec Jean-Luc Lagardère et sa vision, parce que c'est quand même au départ sa vision qu'il avait et les compromis qu'il a su faire. On peut dérouler un peu cette partie-là ? Oui,

  • Speaker #0

    bien sûr.

  • Speaker #2

    En plus, c'est une période que vous préférez. Vous aimez bien Matra et aimez bien les satellites. Oui,

  • Speaker #0

    c'est vrai. C'est ma période de cœur. À cause de Matra et à cause de Jean-Luc Lagardère. Jean-Luc Lagardère avait créé avec Marcel Sassani une vingtaine d'années auparavant des activités de missiles tactiques et de satellites. Et puis il les avait bien développés et il s'est aperçu que l'énormité des budgets qui étaient nécessaires pour faire des grands développements de missiles ou de satellites et contre les américains, l'énormité de ces budgets rendait nécessaire de mobiliser plusieurs pays européens. Et donc, pour ça, il fallait créer des opérateurs européens susceptibles de mobiliser des budgets européens. Et c'est ce qu'il a fait, puisque... Il a apporté ces deux sociétés que je dirigeais, Matra Espace et Matra Défense, à des fusions avec leurs homologues britanniques, alors surtout britanniques dans un premier temps, et allemandes. Et en faisant ça, il a fait preuve d'une remarquable clairvoyance, parce qu'il a privilégié l'intérêt, la vision à long terme, sur l'intérêt à court terme. Oui, tout à fait. Parce qu'en fait, ces sociétés, je parle de Jean-Luc Lagardère, valaient plus que leurs homologues européennes, mais c'était impossible de faire des sociétés communes autrement que sur une base 50-50. Et bien donc, il l'a accepté.

  • Speaker #2

    Gros compromis. Donc, c'était la vision qui a gagné sur le business.

  • Speaker #0

    Absolument. Alors, il y a eu des soutes quand même qui ont été versées,

  • Speaker #2

    mais ça ne compensait pas.

  • Speaker #0

    Ça ne compensait pas complètement. Et donc, alors, il a, bon, comme on était plus gros, plus profitable, il y a eu quand même des contreparties. C'est les équipes françaises qui ont assuré le management, au moins dans un premier temps. Mais il y a quand même eu de sa part un réel... Et je peux dire par exemple que, pour prendre un exemple, si ces fusions n'avaient pas eu lieu, le fameux programme Scalp Storm Sado, le missile de croisière franco-britannique dont on parle pas mal, parce qu'il a été utilisé pendant la guerre du Golfe et exporté en Ukraine récemment, et utilisé, ce programme n'aurait jamais existé. parce que ni la France ni la Grande-Bretagne ne pouvaient se le payer seuls. C'est qu'un exemple parmi d'autres.

  • Speaker #2

    Et vous à l'époque, comment vous faites pour approcher vos homologues ? Parce qu'au départ c'est des entités françaises séparées entre cette élite, les deux activités sont bien séparées. Comment vous approchez vos homologues ? Comment ça s'initie un programme comme ça ?

  • Speaker #0

    J'ai approché les gens de British Aerospace Dynamics, c'est-à-dire la partie missiles, au même moment où Jean-Luc Lagardère et son équipe proche approchaient l'état-major de British Aerospace. Et puis on les a pris un petit peu en tenaille. Et à un moment donné, j'ai pris un risque énorme parce que j'avais lancé le programme. sur la base française, mais il n'était qu'à moitié financé. Ça supposait... Ça supposait qu'on ait le financement britannique dans un deuxième temps. Alors, j'ai été voir le Chief of Defense Procurement, qui était un amiral à l'époque, et je lui ai dit, si vous ne lancez pas le programme de votre côté, comme vous me l'avez laissé entendre, je suis mort. Bon et Dieu merci ils ont lancé le programme. Je crois pas que c'était uniquement pour me sauver la mise mais ils l'ont lancé. Ce que je trouve remarquable dans ce parcours qui a été fait à l'époque sous l'autorité de Jean-Luc Lagardère c'est que ce genre de solution, aujourd'hui on en parle dans plein de domaines et elle se cherche encore dans plein de domaines. Bon par exemple dans le domaine des avions de combat ça n'a jamais pu voir le jour.

  • Speaker #1

    Je les en prends en ce moment d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Par l'encement, et dans beaucoup d'autres domaines, c'est pareil, Chasquin a continué à faire cavalier seul. Donc je peux dire qu'à l'époque, on a vraiment fait oeuvre de pionnier. Je dis on parce que j'étais évidemment pas seul. Il y avait toute une équipe.

  • Speaker #2

    Et ça s'est joué à tous les niveaux ? Parce qu'il y avait une volonté politique aussi derrière à ce moment-là ? Ou c'est vraiment Jean-Luc qui a...

  • Speaker #0

    Non, à l'époque, c'est vraiment Jean-Luc. D'accord. C'est ces hommes d'état-major qui étaient Philippe Camus, qui était ensuite le patron d'Alcatel, et Jean-Louis Gergorin qui est assez connu. Bon, ça c'était pour la partie état-major, disons, et puis moi j'étais le bras droit opérationnel, et on marchait en symbiose.

  • Speaker #2

    Et donc en fait, tout ça, ça part d'une question de budget, en se disant que les Américains ont des budgets qui sont considérables, et que de toute façon, un Français tout seul n'y arrivera pas. on sera complètement subscale voilà, d'accord en quoi ça a été les bases de ce qui s'est passé derrière avec Airbus ? c'est à dire qu'il avait déjà vous aviez déjà initié des programmes de rapprochement avec différents pays, déjà cette notion de compromis capitalistique c'est ça qui a porté les bases de la suite ?

  • Speaker #0

    alors il y a plusieurs choses je pense que quand à la fin des années 90 les gouvernements ont commencé et... Vraiment vouloir que Airbus, qui était à l'époque un groupement d'intérêts économiques, se transforme en société intégrée. Ils ont naturellement pensé à la Gardère. parce qu'il avait fait déjà ses opérations dans d'autres domaines. Et Lionel Jospin, à l'époque, a pensé à moi pour remplacer Jean Pierson, qui était atteint par la limite d'âge, à la tête du groupement d'intérêt économique Airbus Industries, qui deviendra deux ans plus tard, trois ans plus tard, la société... Mais ce n'était pas une société à ce moment-là. Ce n'était pas une société, c'était un groupement d'intérêt économique entre DASA, British Aerospace, CASA. et l'aérospatiale.

  • Speaker #2

    Et du coup, justement, si vous pouvez revenir là-dessus, parce que finalement, on commence à arriver à Airbus. Avant toute chose, il y avait plusieurs entités séparées, des Françaises, des Espagnoles, des Anglais. Comment on arrive à fusionner déjà tout ça ? Ça part dans les années 99-2000, c'est ça ? Comment on initie ce programme-là ? Donc c'est Jospin qui vient vous voir et qui vous dit... Donc là, il y a une volonté politique, pour le coup.

  • Speaker #0

    alors Ça a été une fusée à deux étages. Parce que tout le système était bloqué, parce que les protagonistes allemands, DASA, filiale de Daimler-Benz, et British Aerospace, ne voulaient absolument pas entendre parler d'un rapprochement avec l'aérospatiale, parce qu'elle était publique. Ils ne voulaient entendre parler que d'un rapprochement avec un partenaire privé.

  • Speaker #2

    Ça c'est déterminant déjà.

  • Speaker #0

    C'était sine qua non. Alors, dans ce que je dis, il n'y a pas de jugement de valeur. Ce n'est pas pour dire que... Bon, c'était comme ça. Il ne voulait qu'un partenaire privé. Alors, le gouvernement français, quand même, fait preuve de beaucoup de lucidité et de beaucoup de courage. Parce qu'il fallait donc arriver à mettre l'aérospatiale, qui était le protagoniste français, dans des mains privées. Bon, et Lagardère apparaissait une solution naturelle. puisqu'il avait déjà une projection européenne par ses sociétés de missiles et satellites.

  • Speaker #2

    Et ça, c'est toujours Jospin qui pousse ça ?

  • Speaker #0

    Alors, Jospin, Strauss-Kahn, aussi très actif.

  • Speaker #2

    Donc deux socialistes qui poussent un rapprochement vers du privé.

  • Speaker #0

    Alors, qui pousse ? Je ne pense pas qu'ils poussaient trop sur la place publique. Ils étaient plutôt dans le mode, on va se biesser. Si on ne peut pas faire autrement, on va faire comme ça. Parce que c'était quand même...

  • Speaker #2

    Non, non, mais ils ont dépassé en interne. Oui,

  • Speaker #0

    oui, oui, ils ont dépassé. Et c'est quand même assez remarquable. Alors ça s'est fait en deux temps. D'abord en 99, ou peut-être un peu avant, Aérospatial et Matra ont été rapprochés. Et en fait, la privatisation d'Aérospatial s'est faite sous le contrôle. De la gardière Matra.

  • Speaker #2

    De Matra, oui.

  • Speaker #0

    Bon, c'était donc le petit qui prenait le contrôle du gros, donc tout le monde n'était pas trop...

  • Speaker #2

    Petit privé prend le contrôle du gros public. Du gros public,

  • Speaker #0

    bon. Et ensuite, l'ensemble aérospatial Matra, qui était donc privé, s'est rapproché de Daza et de Casa. Casa, c'est l'espagnol. Et ça a été annoncé à Strasbourg fin 99, et je veux dire que ça fait vraiment ça, l'effet d'une bombe. Et les deux personnes qui ont été vraiment... instrumental dans la phase concrète de l'annonce de 99, ça a été Dominique Strauss-Kahn et Jean-Luc Lagardère et son équipe.

  • Speaker #2

    On parle de l'allemand, de l'espagnol et l'anglais ?

  • Speaker #0

    Alors, l'anglais... Alors, l'anglais...

  • Speaker #2

    Donc l'anglais c'était British Aerospace ?

  • Speaker #0

    L'anglais c'est British Aerospace. Alors... Alors, British Aerospace avait été aussi un candidat putatif au rapprochement avec Aerospatial Matra. Mais les Anglais ne voulaient en aucune façon qu'il y ait un actionnaire dans la future société qui dépasse 2-3% du capital. Pour eux, c'était la bourse. D'abord, aucun actionnaire trop important.

  • Speaker #2

    On retrouve la tradition des Anglais avec les... société cotée, et voilà. Toute cette dynamique de société cotée.

  • Speaker #0

    Et ça, Lagardère ne ne voulait pas l'accepter. C'est pour ça, en partie, qu'il s'est tourné vers les Allemands, et il avait une très bonne relation avec Jürgen Schrempf, le patron de Daimler-Benz. Et, alors, dans un premier temps, les Anglais ont été à côté, mais... Dès qu'on a eu fait l'opération franco-allemande et espagnole, on a sorti Airbus dans une filiale. Les Anglais ont apporté leurs activités d'Airbus à cette filiale et en sont devenus actionnaires à 20%.

  • Speaker #1

    Donc là, la société était officiellement née à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Alors la société était officiellement née. Il y avait donc Airbus avec deux actionnaires, EADS qui était le groupe franco-allemand-espagnol et BAE qui avait 20%. Et BAE est resté jusqu'à 2006 actionnaire à 20% d'Airbus puis a vendu ses parts. à l'EADS.

  • Speaker #2

    Et alors là, j'aimerais bien, comme pour Matra, qu'on revienne un peu, parce que là encore, il y a eu des compromis, il y a eu des compromis un peu capitalistiques, forcément, parce que les actifs apportés, les savoir-faire et les hommes n'étaient pas du tout équivalents, entre guillemets. Il y avait des compétences qui étaient différentes, peut-être un peu complémentaires. En tout cas, c'est le management français qui a pris la direction de l'ensemble dans un premier temps.

  • Speaker #0

    Emery, est-ce que vous parlez d'Airbus ou d'EADS ?

  • Speaker #2

    Airbus.

  • Speaker #0

    Alors, d'Airbus, oui. Bon, les équipes françaises de Toulouse étaient vraiment la force vive du nouvel Airbus. Quand on juxtaposait, ensuite on intégrait les gens du groupement d'intérêts économiques Airbus Industries, les gens d'aérospatial et notamment le bureau d'études d'aérospatial qui était d'une formidable qualité, et bien bon Il n'y avait pas photo. Il n'y avait pas photo. Néanmoins, la fusion a eu lieu sur une base de parité capitalistique, parce qu'elle ne pouvait pas avoir lieu autrement. Mais il a été convenu que le premier patron de la société intégrée Airbus serait français. Et donc, ça a été moi.

  • Speaker #1

    C'est des négociations compliquées à ce moment-là, pour se mettre d'accord sur une table capitalistique ? Ou ça se fait naturellement ?

  • Speaker #0

    Je dirais ni l'un ni l'autre. C'était pas compliqué. Ça pouvait pas être fait autrement. C'était comme ça. C'était paritaire avec les Allemands ou bien ça n'était pas. D'accord. C'est pas le choix. C'est pas le choix.

  • Speaker #2

    Et là, vous aviez aussi une gouvernance avec deux CEOs de mémoire. Il y a le français et l'allemand. Comment après, vous avez opéré ?

  • Speaker #0

    Dans Airbus, non.

  • Speaker #2

    Non, dans Airbus, c'était au-dessus.

  • Speaker #0

    Dans Airbus, il y avait un seul CEO, c'était moi. J'avais un adjoint, mais en fait, il était adjoint. Et en revanche... Dans EADS, la maison mère, il y avait deux co-CEO, donc deux directeurs généraux. Le premier côté français étant Philippe Camus. Et au-dessus, il y avait deux co-chairmen, Lagardère et Manfred Bischoff qui représentaient Dembner. D'accord,

  • Speaker #2

    donc il n'y avait pas les Espagnols dans la représentation du TU.

  • Speaker #0

    Si, dans le conseil, il y avait les Espagnols,

  • Speaker #2

    bien sûr. Mais la direction, si I.O. au-dessus, c'était vraiment un Français et un Allemand.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Mais les Espagnols, il y avait un comité exécutif, bien sûr, qui comprenait toutes les nationalités, choisi en principe selon le mode du plus compétent pour avoir cinq jobs, et les Espagnols étaient là.

  • Speaker #2

    Julien, est-ce que tu veux te lancer là ? Parce qu'en fait, toute cette histoire a un intérêt, parce qu'en fait, et je trouve que c'est beaucoup d'actualité, c'est que vous avez réussi à casser l'hégémonie de Boeing, qui était quand même très très présent, et c'est de ça dont on a envie de discuter, c'est comment les Français et les Européens ont réussi à s'organiser pour, quelque part, un peu damer le pion, alors ça a pris du temps, mais à Boeing, qui était très établi. C'est une période en plus d'histoires que tu aimes bien, Julien, si tu veux.

  • Speaker #1

    Oui, on va en parler. Puis moi, je suis passionné d'avions. Je connais bien la gamme, pour le coup, Airbus. Donc là, le lancement officiel, ça y est, on décide de faire une ligne d'avions qui va être concurrente d'Airbus. Donc pour vous, la première stratégie, déjà, c'était d'être en miroir des avions Boeing, de copier les mêmes lignes qu'ils faisaient où il y avait une vision un peu différente au départ.

  • Speaker #0

    Copier, monsieur. Dans des gammes de capacités, de rayons d'action comparables, de faire des avions meilleurs. Non, mais c'est vrai que dans l'histoire, Airbus a avancé ses pions à peu près en face de chaque avion.

  • Speaker #2

    Il y a un peu un équivalent à chaque gamme quand même.

  • Speaker #0

    Oui, alors voilà, dans les années 70, ça a été la gamme A300, A310 qui était en face, on va dire, du 767. Et puis ensuite, il y a eu les avions moyen courrier, donc la gamme... A320 en face du 737. Alors la guerre d'A320 c'est vraiment...

  • Speaker #1

    Il y a une révolution sur le cockpit et tout ça.

  • Speaker #0

    C'est une révolution. Le glace cockpit, les commandes de vol électriques. Et c'est dû à un homme, un génie, Roger Bétheil, qui était l'ingénieur de l'aérospatiale qui a créé cette gamme. C'est à lui que tout est dû. C'est un homme dont on ne parle jamais. On va lui rendre hommage. On va lui rendre hommage. On va lui rendre hommage, il est mort il y a quelques années. Mais... Il a créé un produit, la 320, absolument incroyable, puisque aujourd'hui... C'est encore le best-seller d'Airbus. Alors après, bon, il a été... C'est le couteau de Jeannot, hein. Il a été X fois modernisé. On a tout remplacé progressivement. Mais la base était bonne. Le diamètre du fusage est toujours le même. Ça a été une intuition formidable. Qui a damé le pion au 737.

  • Speaker #1

    C'était quoi la vision produit qui a été forte ? C'était de repenser le cockpit, l'ingénierie de vol, le système électrique ? C'est quoi qui a vraiment fait la différence ?

  • Speaker #0

    Oui, alors il y a eu le système électrique, il y a eu beaucoup quand même la largeur de cabine. Parce que c'était le 737 comme la 320, c'était les avions à 6 de front, avec un seul couloir. Mais on avait quand même assez nettement plus de place dans la 320 aux épaules. Parce que le cockpit était plus large. Et ça, je crois que ça a quand même fait beaucoup dans le succès de la famille A320.

  • Speaker #1

    Et après, du coup, vous avez commencé à remonter sur des gammes de plus gros porteurs. Parce qu'il y avait le 747 qui était mythique. Je pense qu'on va arriver bientôt au moment croustillant qui était le lancement de l'A380, à mon avis, qui va bien nous passionner. Mais je m'en souviens, il y a eu la gamme des A330, A340, des quadri-réacteurs. Donc c'est comme ça que vous avez après, au fur et à mesure... remonter sur la gamme pour développer moyen et long courrier.

  • Speaker #0

    Oui, alors il y a eu la gamme des A330, A340, au moment où Boeing, de son côté, avait le 777, et puis plus tard un très bel, magnifique avion. Vous allez dire, ils n'ont pas fait d'aussi bon depuis. C'est pas en anglais,

  • Speaker #1

    ils ne nous écoutent qu'on pas.

  • Speaker #0

    Et donc, on avait toujours cet épine. On disait, ah oui, mais alors sur les très gros, Boeing a le monopole, c'est le 747, et ils se font des marges énormes dont ils se servent pour financer leurs autres développements.

  • Speaker #2

    C'est ça. C'est très intéressant ça, c'est parce qu'en fait, là vous commencez à vouloir vous attaquer sur la gamme qui fait leur revenu, qui fait leur marge, et qui finance le reste. Donc là, au départ, vous allez les chatouiller, et là vous rentrez en vous disant on va attaquer la 747 qui est un gros contributeur chez eux, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Et pourquoi d'ailleurs c'est un gros contributeur ? C'est une question de taille ou c'était juste une question de volume de vente ?

  • Speaker #0

    C'est surtout le fait que c'était un monopole, donc ils le vendaient très cher, qu'ils étaient tout seuls. Ils le vendaient à la limite de ce qu'on s'est dit, on va le casser. Rien que le fait de le casser, ça avait une valeur en soi.

  • Speaker #2

    Et en plus, ça avait une valeur de marque aussi, parce qu'ils étaient très implantés. On mettait Boeing vraiment en haut du panier parce qu'ils avaient cette gamme-là.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #2

    Donc quelque part, ne serait-ce que de sa catacasse, c'était montrer qu'on avait des capacités techniques et industrielles qui étaient capables de rivaliser.

  • Speaker #1

    Et comment justement vous prenez la décision en ce moment-là ? C'est le moment où vous prenez la décision de lancer la A380 ?

  • Speaker #0

    Alors ça a été à peu près concomitant de la création de la société intégrée d'Airbus, puisqu'on a pris la décision de lancer l'A380 fin 2001. C'était à peu près concomitant.

  • Speaker #1

    Juste par curiosité, comment ça se passe de prendre une décision pareille, de lancer un avion comme ça ? Il y a des comités, il y a un moment donné c'est une vision d'un dirigeant ?

  • Speaker #0

    Alors d'abord, il y avait... Un grand ingénieur qui a porté le projet A380, et ce grand ingénieur est allemand, il s'appelle Jürgen Thomas. C'était un homme qui était là quand je suis arrivé au GIE, il travaillait déjà des avant-projets sur l'A380. Quand j'ai pris les rênes de la société intégrée, je les ai confirmés dans ses responsabilités, et il a bâti tout le dossier de l'A380 avec les financiers. On a bâti le business plan et puis on l'a soumis aux actionnaires qui ont décidé le lancement de ce programme de 10,7 milliards d'euros à l'époque. de développement. Jean-Luc Lagardère poussait beaucoup à la roue dans le board et donc, voilà, on a fini par lancer le programme. Alors, vous savez que... Je suis ici pour dire la vérité et si possible en tirer des enseignements. La A380 était un semi-échec commercial. Puisqu'on en a vendu 251, là où on en attendait 801 000. Alors si ça vous intéresse... Alors, bon, bien sûr l'avion vole toujours. Oui,

  • Speaker #1

    parce qu'ils les ont mis en route, toutes les grosses compagnies aériennes.

  • Speaker #0

    Ils les ont mis en route, là, voilà, ils volent. Le Chandra, British, ils ont mis. Et surtout Emirates. Oui, Emirates qui perd avec son oeuvre comme ça. C'est la base de la flotte d'Emirates. Donc, l'avion est... extrêmement aimé des passagers et des compagnies aériennes qu'il exploite.

  • Speaker #1

    Une petite question, juste avant qu'on parle justement un peu de cette notion d'échec, juste le ressenti, parce que j'ai regardé les vidéos du premier vol que vous avez fait à Toulouse, j'ai lu aussi le livre du pilote d'essai à l'époque, c'est quoi le sentiment qu'on a quand on est au bord de piste et qu'on voit la première fois l'avion décoller ? Regardez,

  • Speaker #0

    une grande émotion, c'était...

  • Speaker #1

    Ça doit être quelque chose quand même.

  • Speaker #0

    C'était en avril 2005, donc déjà on avait... On a été vite, 4 ans entre la décision de lancement, même pas 4 ans, 3 ans et demi entre la décision de lancement et le premier vol, on avait été extrêmement vite, on avait tous les tripes un petit peu serrées, on était là, tous les ingénieurs qui avaient contribué au programme, Thomas que j'ai cité tout à l'heure. Et d'autres, c'était mon camarade de promotion Claude Lelay qui était aux commandes.

  • Speaker #1

    C'est le livre que j'ai lu.

  • Speaker #0

    De l'avion, bien sûr. Il a consacré toute sa vie aux essais aéronautiques. Jean-Luc Lagardère n'était déjà plus de ce monde puisqu'il est mort en mars 2003. Donc on avait convié son épouse, Betty, qui était là aussi. Et ça mêlait la fierté et l'émotion. Voilà.

  • Speaker #1

    Et pour revenir sur la notion un peu commerciale de la 380, vous disiez que ça avait été un semi-échec. Donc il y avait un volume qui avait été vendu qui n'était pas escompté. Vous l'avez pu expliquer ?

  • Speaker #0

    Oui, en fait, c'est plutôt un volume qui était escompté. Oui, c'est ça. Bon, qu'est-ce qui s'est passé ? Nos commerciaux nous avaient dit que... Le modèle hub and spoke, c'est-à-dire les très gros avions allant d'un hub à un hub.

  • Speaker #1

    À New York-Paris, par exemple.

  • Speaker #0

    Et ensuite, se déversant dans des avions plus petits, allant en faisant New York-Atlanta. Le modèle hub and spoke allait durer encore le temps d'une génération et qu'on pouvait fonder le programme là-dessus. Alors... Ce qui s'est passé, c'est que les consommateurs ont de plus en plus manifesté, et plus rapidement que prévu, leur préférence pour aller directement de Paris à Atlanta, sans passer par New York.

  • Speaker #1

    Du point à point, on appelle ça.

  • Speaker #0

    Du point à point, avec des avions plus petits. Qu'est-ce qui avait empêché... Ça, de se développer avant, c'est que les avions plus petits avaient des coûts d'exploitation au siège kilomètre plus élevés. Et que donc, il n'était pas compétitif. Sur le segment Paris-New York, il n'était pas compétitif par rapport au 747.

  • Speaker #1

    C'était encore des quadris réacteurs.

  • Speaker #0

    Donc, on avait gardé des quadris réacteurs, le 747 en l'occurrence. Alors, qu'est-ce qui s'est passé ? C'est qu'il y a eu des progrès. extrêmement rapide des avions bimoteurs en termes de coûts d'exploitation. Et ça, c'était surtout dû au progrès des moteurs. Et on est arrivé à un point où pour que la 380 est un coût d'exploitation au siège occupé kilomètre plus bas que, on va dire, un 767 ou un A330, eh bien, il fallait qu'il soit très rempli, trop rempli. Et ça a fini par faire peur à certaines compagnies, d'autant plus que c'était dans un contexte où il y a quand même eu la crise de 2001. La suite de l'attentat d'Al-Qaïda, il y a eu une profonde crise en 2003, il y a eu la crise de 2008 après, tout était un peu secoué. Alors, pendant un temps, on a pu se réfugier dans le fait que, enfin se défendre plutôt, dans le fait qu'il y avait des réglementations qui s'appellent ETOPS, qui limitaient l'usage des bimoteurs sur des routes. très très longues, sur volant. L'Atlantique, par exemple. L'Atlantique, ou les déserts. Et il ne fallait pas que les avions s'éloignent de plus d'une certaine distance d'aéroports de diversion au cas où... Il y a un incident. Il y a un incident. Les avions bimoteurs. Les bimoteurs sont devenus d'une telle fiabilité que ces distances se sont allongées de plus en plus et que pour faire un Paris-New York en bimoteur, ce n'était plus la peine de prendre la route extrêmement nord, comme on prenait avant. Vous savez, on passait au Groenland, on passait au sud de l'Irlande, au Groenland, à l'Iffax, etc. C'était plus la peine de faire ça.

  • Speaker #1

    Et avec le recul, c'est toujours plus facile de le faire après, c'était difficile de prévoir cette amélioration technique des bimoteurs. Parce qu'en fait, il y a un moment où les courbes se croisent. C'est-à-dire qu'en fait, les bimoteurs sont devenus de plus en plus performants. C'était difficile à anticiper ça, au-delà du fait qu'effectivement... Le reste a changé le point à point, etc. Sur la partie technique, c'était difficile de mesurer ça ?

  • Speaker #0

    À mon avis, on aurait pu mieux le mesurer. Mais on était porté par notre ambition. Et la volonté de Damel Pion. Et on a eu tendance, probablement, et les commerciaux d'abord, mais moi, je ne m'y suis pas opposé.

  • Speaker #1

    C'est un très beau projet. C'est un projet emblématique.

  • Speaker #2

    L'avion est mythique, de toute façon.

  • Speaker #0

    L'avion est mythique et il le restera. Donc, on a continué quand même. Le programme a coûté de l'argent Airbus. Il n'en a pas rapporté, il en a coûté. D'abord, le développement. Ça n'a pas coûté 10,7 millions d'euros, mais probablement plutôt entre 17 et 20. Bon, il y a eu moins de marge sur la série parce qu'il y a eu moins d'avions. Ça n'a pas été une secousse financière pour Airbus.

  • Speaker #2

    Vous êtes parole.

  • Speaker #0

    Ça n'a pas été une secousse financière qui met en cause la viabilité d'Airbus.

  • Speaker #2

    Par contre, les apprentissages que vous avez eus, on s'en souvient tous de la logistique qui avait été mise en place, les péniches, les ailes qu'on voyait traverser les villes. C'était incroyable. Donc tout ça, vous avez capitalisé dessus.

  • Speaker #0

    On a construit un nouvel avion Beluga pour transporter. Il vole toujours, lui. Les sections, ils volent toujours, oui. Et puis, on a fait quand même de nombreuses avancées technologiques sur la A380 qui ont permis le lancement rapide de la A350 derrière.

  • Speaker #2

    C'est un succès commercial.

  • Speaker #0

    Alors, la A350 est un succès commercial absolu. Il est arrivé en 2013. Donc, ça a été rapide et c'est un très grand succès. Et ça a bénéficié des avancées. de l'A380, notamment dans le domaine du carbone. Parce que l'A380 était le premier avion pratiquement à moitié en carbone. Et ça, on a pu le transplanter, enfin, c'était parti d'Airbus à l'époque, mais les successeurs ont pu le transplanter sur l'A350.

  • Speaker #2

    Oui, donc ce qu'on peut retenir, c'est qu'en tout cas, même si un programme qui est considéré comme un semi-échec, les apprentissages qui sont faits dessus vont servir ensuite... pour faire des produits encore plus à succès, comme ça a été le cas sur la gamme A350.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Ça aurait quand même été mieux que ça soit un succès commercial complet.

  • Speaker #1

    Mais bon, et peut-être au-delà, effectivement, de ces apprentissages techniques, est-ce que, quand même, ça a donné à Airbus une vraie crédibilité technique, une vraie crédibilité d'envergure de groupe, notamment pour des compagnies aériennes qui auraient pu hésiter, enfin, qui étaient chez Boeing, et qui, du coup, se sont dit, attendez, ils ont été capables de faire ce gros porteur. Est-ce que ça a rassuré ? Est-ce qu'on peut se dire que quelque part, ça a aidé Airbus à continuer à vendre ses hauts de gamme ?

  • Speaker #0

    Oui, incontestablement. On est vraiment devenu un grand à ce moment-là. D'ailleurs, vous rappeliez le premier vol de la 380 en 2001. C'est aussi en 2001 qu'on a été à parité pour la première fois. En nombre d'avions vendus, toutes gammes confondues. à parité avec Boeing.

  • Speaker #2

    D'ailleurs, sur chaque salon, je crois que c'est à Dubaï en ce moment, c'est toujours le concours entre le volume d'avions vendus à Boeing et le volume de vente à Airbus. Et souvent, c'est Airbus qui est devant, d'ailleurs. Mais souvent,

  • Speaker #0

    c'est Airbus qui est devant. Mais bon, les volumes, c'est une chose. Il faut aussi que ce soit des ventes rentables, et bien livrés à temps. Et Airbus a eu un passage un peu difficile pendant quelques années, mais ça va beaucoup, beaucoup mieux. Je crois.

  • Speaker #2

    Je terminerai là-dessus. Mais en tout cas, j'ai vu aussi la nouvelle gamme qui est en train d'être sortie, les A321XLR. Celui-là, à mon avis, ça va être un véritable... Alors, l'A321,

  • Speaker #0

    c'est pure merveille. Alors, c'était déjà sous le crayon de Roger Béteil que je citais tout à l'heure. Il y a déjà eu un A321. Bon, alors ensuite, la 321 Extended Range, vous vous rendez compte, c'est une merveille. Maintenant, on fait un...

  • Speaker #2

    Un Nice-New York.

  • Speaker #0

    Voilà, on fait un Nice-New York. Ma fille est arrivée l'année dernière de Boston, elle a fait un Boston-Lisbonne sur un... De la TAP,

  • Speaker #2

    ouais.

  • Speaker #0

    De la TAP.

  • Speaker #2

    Ouais.

  • Speaker #0

    Bon. Je vais être franc, moi, comme passager, je préfère les gros porteurs. Je trouve qu'on a plus de place. Enfin, au point de vue coût d'exploitation, c'est imbattable. Et donc, c'est le haut de la gamme A320. Et en bas, il y a... Alors, on avait lancé l'A318.

  • Speaker #2

    L'A220, oui.

  • Speaker #0

    Mais il y a surtout la gamme A220 de Bombardier, qui est magnifique et que Kerbus a acheté.

  • Speaker #1

    Alors, une autre partie qu'on voulait évoquer, parce que vous avez quand même une carrière très riche à la fois industrielle, politique, et puis évidemment, comme on en a parlé, des grandes aventures commerciales et stratégiques. Et du coup, de tout ce parcours, vous savez, c'est un peu la tradition dans ce podcast, on aime bien tirer quelques leçons et quelques enseignements, notamment pour les entrepreneurs qui nous écoutent. Et est-ce qu'on peut revenir avec vous sur ces enseignements ? d'un point de vue gestion des politiques, gestion de la stratégie avec des groupes différents et des pays différents, que de la gestion du leadership, des hommes, faire cohabiter tout ça. Et voilà, ça fait peut-être un bon programme.

  • Speaker #0

    Oui, vaste programme. Bon, essayez, les conseillers ne sont pas les payeurs. Alors je me garderais bien d'ailleurs de donner le moindre conseil, parce que le monde a tellement changé depuis 20 ans que je pourrais être à côté de la plaque. Enfin, si j'essaie de prendre un peu de recul et de mettre en mots quelques enseignements. Bon, à la base, il y a la vision. La vision de Lagardère, partagée par son équipe rapprochée. Et cette vision, c'est une vision d'investissement dans la durée. C'est-à-dire créer des champions, d'abord dans... Les satellites, les missiles, après les avions. Ne pas se focaliser sur les gains financiers immédiats, mais privilégier la vision à long terme sur les retours à court terme. Pour ça... Se rapprocher d'homologues européens. Même plus petit. Même imparfait.

  • Speaker #1

    J'ai beaucoup aimé, on en a beaucoup discuté ça. Savoir, intégrer, acheter, se rapprocher d'actifs imparfaits.

  • Speaker #2

    Ce qu'on entend par actifs imparfaits, c'est...

  • Speaker #0

    Bon, alors, imparfaits, bon... Je marche sur des oeufs en vous disant ça, mais enfin... Bon, par exemple, pour les avions... Bon... Le patrimoine français était quand même plus riche. Oui, et puis il y avait déjà la gamme à 300, 310. Les bureaux d'études de l'aérospatiale, c'était quelque chose. Le partenaire allemand était globalement probablement pas tout à fait au même niveau, même s'il ne se l'avouait pas. En plus, il y avait chez Daza, à l'époque, énormément de problèmes dans les usines. Énormément. Ils avaient dû lancer un programme de restitution de coûts, appelé le Mansanglant, dont je ne me rappelle plus le nom. On voit qu'il y avait un nom de code très évocateur. Et donc, Lagardère dit, il faut un de tout ça. Bon, il faut se rapprocher des Allemands. Il n'y a pas d'autre solution qu'à parité. et on le fait, et ils privilégient toujours le long terme. Bon, pareil, Casa, c'était une petite boîte quand même. Bon, ils ont eu 6% du groupe en échange de leur rapport. Bon, c'était bien. L'important, c'était de faire converger tout le monde vers l'objectif commun, un moyen long terme, même si tout n'était pas idéal au départ. Alors là... C'est là qu'il y a eu la vision industrielle de Lagardère. Lagardère qui est un homme à la mémoire duquel on ne rend pas assez hommage. Parce qu'il a quand même eu dans toute cette affaire un rôle exceptionnel. Et il a su... partager cette conviction autour de lui et donc faire que le gouvernement français place l'aérospatiale dans des bains privés, en fait, dans les siennes. Et c'est ce qui a permis la création ultérieure d'EADS. Jamais EADS n'aurait été créée s'il n'y avait pas eu un partenaire privé en France pour se rapprocher des Allemands. Et ça, je voudrais tirer le coup de chapeau au passage à Lionel Jospin et à Dominique Strauss-Kade, parce qu'il fallait quand même le faire. Bon, s'ils étaient socialistes... Il fallait le faire, bon. Et alors, puisqu'on était tous ensemble dans la même vision, ensuite on a pu mobiliser les avances remboursables pour les gros grammes, c'est-à-dire les financements sous forme de prêts remboursables en cas de succès des principaux programmes d'Airbus, et notamment de l'air 380. Et puis on avait une mentalité de vainqueur, quoi. Bon, pour aplanir toutes les difficultés, surmonter tous les obstacles. convaincre Bruxelles d'accepter les financements dont j'ai parlé tout à l'heure. Il y avait vraiment tout un concours entre le gouvernement français, l'Elysée, la chancellerie allemande au service du projet Airbus. Ça avait pris une nouvelle dimension, mais ça existait déjà avant. Il faut rappeler le rôle éminent que... Le ministre président de Bavière, Franz Josef Strauss, avait pris dans les années 70 au lancement des avions A300, A310, aux côtés de la France de l'époque, celle de Pompidou, etc. Mais là, on a retrouvé 20 ans plus... Oui, 30 ans après, un nouveau souffle pour passer à une nouvelle étape.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, si je tire un petit peu le trait, c'est que votre vision, c'est que sans un capitaine d'industrie comme Lagardère, qui a insufflé ça, qui a poussé, qui n'a pas lâché, ça ne serait pas sorti. C'est-à-dire qu'un projet étatique ou para-étatique ou européen ne serait pas né par la Commission.

  • Speaker #0

    On pourra peut-être en parler plus tard, mais c'est ce qui manque quand on réfléchit aux manières de faire des Airbus dans d'autres domaines. Il manque des incarnations, des entrepreneurs qui incarnent un projet de manière forte. de manière forte. Alors, Lagardère, lui, il l'a incarné avec Philippe Camus, Jean-Louis Gingorin, moi. Bon, Lagardère, il avait une qualité essentiel chez un chef d'entreprise. Je vais paraître ibodeste puisque je suis dans la liste. Mais il savait bien s'entourer. Il savait s'entourer. C'est un homme qui savait juger les autres et s'entourer. Et Il a su accepter, par exemple, une structure à deux étages dans EADS, avec le niveau actionnarial qui était le sien et le niveau des patrons exécutifs, le niveau d'Airbus. Bon, ça ne lui plaisait pas trop. Lui, il avait l'habitude d'être le patron de tout. Mais là, il a su. Bon, malheureusement, ce qu'il n'a pas su bien faire, c'est que quand il est mort en 2003... rien n'était trop préparé pour la suite je parle pas en général mais dans le domaine industriel dans le domaine des... et son groupe s'est rapidement dégagé de l'ADS ce qui est à mes yeux on a perdu le capitaine d'industrie quand même vraiment on a perdu bon

  • Speaker #1

    C'est un point qu'on a abordé plusieurs fois. C'est cette notion de distinction des rôles entre, on va dire, un président et des DG. Et en l'occurrence, c'est un peu la gouvernance que vous aviez mis en place. C'est-à-dire qu'évidemment, il restait très impliqué. Il était dans toutes les décisions stratégiques, etc. Mais il s'était entouré de deux bras droits. Et d'ailleurs, c'est un peu comme ça qu'il avait vu sa succession avec vous, que le record est pris la partie industrielle, et c'était Camus qui devait prendre la partie des médias, si mes souvenirs sont bons.

  • Speaker #0

    C'est ce qu'on a dit, oui, c'est ce qu'on a dit, je crois que c'est vrai. Bon, ça n'a pas été le cas. Non, ça n'a pas été le cas. Ça n'a pas été le cas. Mais alors, dans le groupe ADS, oui, c'était cette forme de gouvernance qui marche très bien, qui a été appliquée, par exemple, dans un autre groupe que je connais très bien, qui est Schneider Electric, parce que je suis ami de très longue date avec Henri Lachman. c'est distinction des étages et je pense que c'est bien. Ça évite une trop grande personnalisation du pouvoir et que ceux qui ont les manettes, ça leur monte à la tête.

  • Speaker #1

    Et ils vous laissaient vraiment diriger ? Parce que quand on... Enfin, de loin, la personnalité d'un Jean-Luc Lagardère, on avait l'impression vraiment que c'était quelqu'un qui était aux manettes, qui dirigeait, etc. Ils vous laissaient carte blanche pour dire comment ça se passait, les décisions avec vous, parce que vous aviez quand même toute la direction des opérations, etc. Quand vous n'étiez pas d'accord avec lui, comment ça se passait ?

  • Speaker #0

    C'était rare de ne pas être d'accord avec lui. On parlait. On parlait beaucoup. D'abord, c'était un homme qui travaillait à l'oral. Beaucoup. Et vous passez sur le grill, et vous repassez, et vous posez plusieurs fois les mêmes questions. Parfois même, il faisait un peu l'âne, pour voir si vous alliez...

  • Speaker #2

    Pour ne pas tomber dans le piège.

  • Speaker #0

    Il ne fallait pas tomber dans le piège. Puis une fois qu'on avait fini... la discussion, il vous disait bon, voilà ce que je pense. Bon, maintenant, vous faites ce que vous voulez. Et alors là, on savait qu'on pouvait effectivement faire ce qu'on voulait. Mais enfin, si c'était le contraire de ce que lui avait dit,

  • Speaker #2

    c'était possible,

  • Speaker #1

    mais il fallait mieux réussir. C'était un petit oui, quoi. Ok, ok. Non, mais ça veut dire qu'il vous le laissait, quand même.

  • Speaker #0

    Ah oui, oui, oui.

  • Speaker #1

    Non, c'est intéressant. Tout à fait. On parle des leçons de management, forcément. Dans toute cette carrière, vous avez eu à gérer des profils, des égaux. Comment on gère les égaux ?

  • Speaker #2

    Et combien de personnes aussi dont on parle ? Ça va faire du monde.

  • Speaker #0

    Quoi ?

  • Speaker #2

    Là, à l'époque,

  • Speaker #0

    vous étiez 110 000 au départ. Ah oui, il y avait un peu de monde. Alors, bon, c'est vrai, c'est un peu le chapitre des leçons de comportement dans ce genre de situation. Alors, dans les négociations, d'abord, sur les répartitions industrielles, il faut d'abord bien connaître son interlocuteur pour analyser sa personnalité. et son objectif réel dans la négociation. Par exemple,

  • Speaker #2

    il arrivait fréquemment qu'en ayant une petite concession de face, on pouvait obtenir des choses plus importantes.

  • Speaker #0

    Les visions industrielles de Lagardère et de Schrempf, par exemple, étaient quand même assez différentes, Schrempf étant plus financier. Il fallait bien essayer de comprendre les motivations. profondes de chacun pour anticiper les points de friction. Alors en cas de friction, que faire ? En cas de friction, il ne fallait pas avoir trop d'égo. C'est-à-dire pas se dire, bon j'ai ça, j'y tiens un mordicule, je tape sur la table, parce que ça pouvait aboutir à de réels blocages. Par exemple, si on avait dit, non, faire un 50-50, on n'accepte pas, bon, c'était fini, il n'y avait plus qu'à aller se... se rhabiller. Donc, pas avoir trop d'égo. Si un conflit d'égo apparaissait, tout faire pour le désamorcer. Généralement, quand même, ça a été le cas. C'est-à-dire que in fine, le succès des revues, c'est quand même beaucoup dû au fait que les gens ont mis l'intérêt collectif au-dessus des orgueils nationaux. Il fallait des fois savoir débrancher un collaborateur qui...

  • Speaker #1

    Ça, ça arrive.

  • Speaker #0

    Oui, qui m'avait pris le drapeau trop haut. J'ai dit, écoute, s'il te plaît, passe à autre chose. Parce que là, ça ne va pas. On va au casque.

  • Speaker #1

    Et dans notre échange, il m'a dit quelque chose qui m'a marqué. C'est qu'il fallait aller vite souvent. Quand on voit une situation qui commence à dégénérer, le succès, c'est d'aller vite. Parce qu'après, ça gangrène.

  • Speaker #0

    Le succès d'aller vite, c'est tenir des propos de vieux. Mais ce qu'on ne sait plus faire du tout. tout dure maintenant des temps absolument infinis, mais nous on décidait dans la semaine. Voilà, bon. Alors, il fallait, quand c'était nécessaire pour désamorcer un conflit d'égo, trouver des compromis. Mais alors, il y a un message très important que je voudrais passer à nos auditeurs, c'est particulier aux jeunes. On doit faire des compromis.

  • Speaker #1

    dans ce genre de situation.

  • Speaker #0

    Mais il y a des compromis qu'il ne faut pas faire, en aucun cas. Et c'est là que c'est difficile, parce qu'il faut entrer en soi-même et se dire, est-ce qu'on est sur un sujet essentiel ou pas ? Si on n'est pas sur un sujet essentiel, on va pouvoir faire tous les compromis possibles et imaginables. Mais si on est sur un sujet essentiel... Il ne faut pas le faire. Pourquoi est-ce que la A380 a été en retard et en 2006 on a découvert un retard ? On avait fait un parcours sans faute du lancement au premier vol. Donc les équipes de développement avaient fait un travail formidable. Formidable. Et l'équipe système de Toulouse, formidable. A l'époque, Jürgen Thomas, que j'ai cité tout à l'heure, avait passé la main à Charles Champion, un grand ingénieur français. Bon. Et voilà, 2006, crise, crise en bourg. Crise sur l'aménagement intérieur des avions. Alors la répartition industrielle qu'on avait prévue prévoyait que l'avion nu s'envolait de Toulouse pour aller en bourg, se faire aménager l'intérieur. Et voilà que... les aménagements électriques se seront avérés pas du tout à l'heure, ils n'y arrivaient pas. Et ça a mis le programme en retard de presque deux ans, cette affaire d'aménagement électrique. Or c'est en partie de ma faute, en partie seulement. Car en 2002, il y avait eu un important débat interne sur les outils logiciels qui devaient être utilisés précisément pour l'aménagement électrique. Les ingénieurs français avaient des outils très up-to-date et qui marchaient très bien. Les ingénieurs allemands avaient des outils beaucoup moins avancés. Beaucoup, beaucoup moins avancés. Les ingénieurs français, c'était du Dassault Systèmes, et les ingénieurs allemands, des Katia, et des dérivés, des prolongements de Katia. Et en Allemagne, c'était pas ça. C'était très en retard. Et en 2002, il y a eu un conflit entre mon adjoint de l'époque et moi. Moi, je voulais généraliser les outils français à l'Allemagne. Et il m'a dit, non, on prendra plus de risques si on change d'outil. Il vaut mieux continuer avec les outils qu'on a. Ça prendra peut-être plus de temps, mais c'est plus sûr. Et là-dessus, j'aurais dû donner ma démission. J'aurais dû sentir que c'était un point vital. Et je vais lui dire non. Alors, il aurait escaladé le problème au niveau des actionnaires. Les actionnaires m'auraient appuyé ou désavoué. Je ne sais pas. Tant que la gardière était vivante, je crois qu'ils m'auraient appuyé. Mais je sentais bien que c'était important. Je n'ai pas senti assez pour mettre tout mon glaive dans le balance, tout mon poids. Et donc, j'ai fini. Alors, on a joué et il me disait mais t'inquiète pas. J'ai fini par me persuader. contre mon instinct, que ça allait marcher. Et donc on est parti là-dessus, et il y a eu, vous allez dire une catastrophe, enfin une crise quand même très importante en 2006, Le caractère erroné des outils de logiciels d'aménagement électrique utilisés à Hambourg est apparu. Et le coup d'envoi au redressement de cette situation a été donné par Christian Streff. qui a fait un passage de quelques mois à Réus, qui a sauté sur le problème et a tout de suite pris des mesures absolument énergiques pour redresser la chose.

  • Speaker #2

    Donc du coup, eux, ils ont changé de logiciel.

  • Speaker #0

    Ah ben ils ont changé de... logiciels. Ils ont fait trois ou quatre ans trop tard, ce qui aurait dû être fait beaucoup plus tôt. Et donc, tout compromis n'est pas... Tout compromis n'est pas bon à faire. Et il faut se laisser en partie guider par son instinct.

  • Speaker #2

    Oui, et à ce niveau-là, il y a des niveaux de pression aussi qui sont extrêmement forts. On ne peut pas être à votre place à ce moment-là. La pression doit être très très forte pour décider si c'est A ou si c'est B.

  • Speaker #0

    La pression était très très forte. C'était difficile pour moi, CEO d'Airbus, d'imposer ma vue à mon adjoint qui était COO, qui dirigeait les opérations. Vous ne pouvez pas le perdre non plus ? Et qui me disait non, ça va marcher et le risque on le prendra si on change. Néanmoins, sur ce point, j'ai sûrement fait d'autres erreurs, mais c'est l'erreur la plus flagrante qui m'apparaît dans ce que j'ai fait contre Thierbus.

  • Speaker #1

    Oui, parce que ce qu'on a du mal à mesurer, c'est les conséquences en chaîne que ça apporte. Parce qu'en fait, on a l'impression qu'on aurait pu utiliser Katia ou un autre logiciel. Enfin, les Français auraient pu mettre leur logiciel, mais on ne l'a pas fait. Et donc, du coup, ça a entraîné tout un tas de choses. Donc, ça a eu des conséquences en chaîne. dans la durée et qui, à la fin, font qu'on a un vrai problème stratégique si la 380 sort avec deux ans de retard ou trois ans de retard.

  • Speaker #0

    Oui, absolument. Ça n'a pas mis le programme vraiment en péril à l'époque, mais enfin, ça a coûté de l'argent. Puis ça a abîmé quand même un peu l'image de maîtrise qu'on avait donnée jusqu'à présent.

  • Speaker #1

    Julien, est-ce que tu veux lancer la dernière partie ?

  • Speaker #0

    Alors, j'avais peut-être encore une chose. Alors, avec plaisir.

  • Speaker #1

    Noël, il faut y aller, c'est le moment.

  • Speaker #0

    J'avais peut-être encore une chose à dire, puisqu'on essaie de tirer les leçons de management de toute cette période. Il y a un point très important, et ça la garderie excellait. Et moi j'ai eu à le faire dans un contexte européen, international. Il faut mettre en situation les talents. Les talents dans un rapprochement international, il y en a. Il y en a partout, dans toutes les nationalités. Il y avait de très grands talents allemands. J'ai cité Jürgen Thoma, tout à l'heure, qui a dirigé la 380. Et ça, les gens qui ont beaucoup de talent... Il faut vraiment les mettre en situation opérationnelle, quelle que soit leur nationalité.

  • Speaker #3

    Ce que vous voulez dire, c'est leur confier des projets.

  • Speaker #0

    Leur confier des projets.

  • Speaker #2

    C'est très ambitieux.

  • Speaker #3

    Peu importe. Lui, c'est un talent, il faut lui confier un projet.

  • Speaker #0

    Absolument. Alors, le problème, c'est d'asseoir son jugement sur les gens. Alors, moi, je suis un peu de la vieille école, je pense beaucoup à l'importance du... Mais bon, des fois, ça ne suffit pas. Il faut que le jugement sur les gens, ce soit un petit peu sur des jugements collectifs. C'est rare que la vox populis se trompe complètement. Quand dans une boîte, un type a une super réputation, que les gens, les équipes disent « ça c'est un mec formidable » , généralement c'est vrai. Donc il faut aller un petit peu, voilà, prendre le pouls. des uns et des autres. C'est comme ça, quand j'ai été confronté au fait que Jürgen Thomas, à cause de l'âge, devait quitter la 381, que j'ai sélectionné Charles Champion, ce qui s'est révélé un très très bon choix, car il n'a été compromis en rien, lui, dans les difficultés électriques. Mais c'est un vrai travail pour le dirigeant dans une situation comme ça. que d'arriver à repérer et à sélectionner les agents, les talents et ensuite confronter son gisement.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que dans beaucoup de projets de croissance qu'on voit, on a ce qu'on appelle des build-up, c'est-à-dire des acquisitions. Quand des acteurs français veulent s'internationaliser, souvent ils le font par rachat. Comment on fait ? C'est-à-dire que concrètement, vous, quand vous êtes rapproché de ces équipes, vous avez fait le tour, parce que vous êtes quand même très haut placé. Comment vous pouvez avoir une vue sur les N-2 ou les N-3 pour savoir qui va être intéressant de garder ? Parce qu'avant de pouvoir se faire, de pouvoir avoir ce feeling et de se dire, bon, je pense qu'il est bien, comment on fait concrètement ?

  • Speaker #2

    Surtout dans un groupe de 110 000 personnes.

  • Speaker #0

    Moi, je pense que gérer un grand groupe, il faut être sans arrêt dans un état d'esprit de scanner. c'est-à-dire couvrir tout le sang pour qu'il n'y ait pas quelque chose de majeur qui vous échappe, et carotter, c'est-à-dire aller au terrain, aller au terrain par échantillon, et là se faire une opinion en parlant aux gens, sur le terrain.

  • Speaker #2

    Un exemple, c'était descendre dans les usines ? Oui,

  • Speaker #0

    c'était descendre dans les usines. en étant bien à l'écoute, en scannant, etc. Savoir que, oh, je ne sais pas, à Saint-Nazaire, tiens, ça serait intéressant d'aller à Saint-Nazaire. Comme ça, il y a une espèce d'intuition qu'il peut y avoir quelque chose qui s'y passe. Et voilà, à mon avis, c'est ce qu'il faut faire.

  • Speaker #1

    Carottage, c'est intéressant comme concept.

  • Speaker #0

    Oui, oui, scanner et carotter, c'est ce que mon expérience m'a appris. et puis, alors il y a un point important aussi quand même, bon, la vie industrielle d'un groupe de la taille d'Airbus est faite aussi de, il y a des crises même si on essaie de les amorcer il y a des crises, il faut être résilient il ne faut pas se casser sous la table dès qu'il y a quelque chose qui se passe, il faut arriver à passer les crises Avec résilience, sans casser trop de vaisselle. C'est-à-dire maintenir l'essentiel, mais ne pas... Comment dire ? Casser la machine, antagoniser les gens.

  • Speaker #2

    Faire des choix trop brutaux.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, on a le temps de désamorcer certaines situations. Ce ne doit pas être si simple qu'on veut bien le croire.

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas du tout simple. Et puis, il faut savoir quelles situations il faut désamorcer et lesquelles il faut aller jusqu'au conflit parce que c'est trop important.

  • Speaker #2

    C'est une bonne transition vers une partie qu'on a l'habitude d'aborder sous l'angle entrepreneurial et qui se fait très bien ici, qui est un peu le next game. C'est-à-dire qu'on en a parlé un petit peu tout à l'heure, mais il y a cette idée sous-jacente régulièrement abordée d'essayer de répliquer le modèle Airbus sur d'autres domaines d'activité pour l'Europe. On l'a vu dans les échanges qu'on a eus qu'en partant d'une intuition... entreprenariat industriel couplé à de la politique et à une éducation exceptionnelle, on est capable de battre un géant américain. Ça fait longtemps qu'on n'a pas entendu ça par ailleurs.

  • Speaker #1

    Dans la tech, notamment,

  • Speaker #2

    on n'a pas réussi. Et aujourd'hui, le géant, il est peut-être plus américain et probablement chinois. Aujourd'hui, tous les regards se disent comment faire pour y arriver. Il y a eu cette volonté qu'on a vue là. Si on échange, c'est un peu une discussion fiction, mais selon vous, ça serait quoi les domaines qui seraient adaptés à faire ce géant européen en appliquant peut-être les recettes qu'on a là. Alors peut-être qu'on va discuter. Finalement, il n'y a peut-être plus de capitaine industrie, donc on ne va peut-être pas y réussir. Mais peut-être, déjà la question,

  • Speaker #0

    c'est ce qu'il y a des domaines qui vous intéressent. Peut-être qu'on n'est pas des billes. Bon, il y a quand même... En Europe.

  • Speaker #2

    Oui, en Europe.

  • Speaker #0

    Et en Europe en général, il y a des entrepreneurs. En France, il y a des ingénieurs. Moi, je suis admiratif du système d'école d'ingénieurs français. Je pense, franchement, qu'on n'a rien à envier au MIT ou à Stanford. On sait à la fois former des gens d'un niveau élevé qui sont des grands ingénieurs qui vont se voir diriger des entreprises. avec, à mon avis, un plus gigantesque par rapport aux purs administratifs, aux managers. Et puis, nos écoles, elles forment ça, et elles forment aussi des spécialistes, absolument pointus d'un domaine où il y a trois personnes dans le monde qui savent,

  • Speaker #3

    et on sait former ces gens-là aussi.

  • Speaker #0

    Alors, je crois que le niveau de nos ingénieurs doit nous donner vraiment confiance dans nos possibilités. La France a quand même bien d'autres atouts. Le coût de l'énergie, à condition que le prix reflète le coût de l'énergie.

  • Speaker #2

    Autre débat. Autre débat.

  • Speaker #0

    Les filières industrielles. Je suis probablement un gars, mais je crois beaucoup aux filières. Pourquoi ? Pour moi, une filière, c'est De Gaulle, à l'époque, qui dit à quelqu'un, Guillaumat par exemple, tu vas me développer l'industrie pétrolière. Voilà le résultat, je veux être dans 5 ans, et voilà les moyens dont tu disposes. Ou le nucléaire. Évoque la galère, on a une filière, une mission. un homme en charge des budgets. Ça me paraît beaucoup plus efficace pour un pays que l'Irlande, on met un milliard et puis on réunit un comité tartemus avec tout le monde, alors où est-ce qu'on va les mettre ? Alors chacun défend son truc, à la fin on pose saupoudre un petit peu. Pour moi, France Industrie, c'est... Un petit peu ça, même si les gens qui gréent ce dispositif sont tous extrêmement estimables. Bon, on a aussi quand même des mécanismes de soutien en France à l'industrie qui sont... C'est intéressant, comme le crédit d'impôt cherche. Il avance remboursable pour les avions. Mais j'aimerais bien qu'il soit plus focalisé sur des filières.

  • Speaker #1

    Il y en a eu récemment. C'est vrai que ça ne me vient pas en tête.

  • Speaker #2

    Comment ?

  • Speaker #1

    Il y en a eu récemment, des filières qui ont été lancées, non ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, par exemple, sur le nucléaire, trop ce qui se passe. Bon, alors le nucléaire... Bon, le nucléaire. Alors, vous me demandez quel secteur on pourrait essayer d'appliquer la démarche Airbus. Bon, le nucléaire, ça me paraît la première évidence, parce que c'est vraiment un domaine dans lequel on a été au premier rang mondial. On savait tout faire. Bon, on a été visionnaire dans les années 60, il faut quand même dire. C'était un peu Pompidou et puis surtout Giscard. Bon, là, quand même, chapeau. Alors, et puis, le nucléaire reprend de l'élan après une période de valsicitation, et on doit s'organiser pour contrer les géants américains et russes. Bon, on a énormément perdu en compétence dans les 20 ans de valsicitation qui ont eu lieu à cause des psychologistes et de la complaisance politique. à l'égard des écologistes. Mais cette filière, il faut la reconstituer. Et il faut l'incarner. Aujourd'hui, l'incarnation naturelle, c'est le président d'EDF. Puisque EDF... a repris la filière nucléaire. Pour moi, c'est un peu bizarre. C'est comme si Air France avait absorbé Airbus. Mais enfin, c'est comme ça. C'est comme ça. Et voilà.

  • Speaker #3

    On ne va pas voler très loin.

  • Speaker #0

    Je ne dis pas que ça ne va pas marcher, mais ça me paraît la première filière à laquelle on peut...

  • Speaker #2

    Ça permet d'être face à... Politiquement, à les Etats-Unis, à la Russie, on retrouve ce niveau-là.

  • Speaker #3

    Et on y est arrivé. Oui,

  • Speaker #1

    et puis ça crée des écoles, ça crée des génies en maths. C'est tout un écosystème qui se relance derrière.

  • Speaker #3

    Tout un écosystème. Ce qui est un peu dommage dans cette filière-là, c'est qu'on l'a beaucoup délaissé, vous l'avez dit, notamment par les écologistes. Et c'est né du mouvement de l'Allemagne, avec Schröder, etc. On sait bien ce qui s'est passé. Merkel, surtout. Oui, Merkel. Après, c'est par Gazprom, etc. Et on voit toutes les conséquences. Ce qui est un peu dommage, c'est que toutes ces compétences, elles existent ou elles sont parties, et beaucoup aussi en Chine, parce qu'on a été développé... Les bateurs notamment, tout ce qui est matématique. Et donc en fait, il y a quand même toute une filière à reconstruire, parce qu'on a perdu, même au niveau de la maintenance d'ailleurs. Donc il y a quand même toute une filière à reconstruire, mais ce que vous dites, c'est qu'on a les bases, on a été très fort, donc à privilégier en priorité.

  • Speaker #1

    Oui, oui,

  • Speaker #0

    à mon sens.

  • Speaker #1

    Il y a de la défense, on dirait qu'il se relance un peu en ce moment.

  • Speaker #0

    Alors, on a la défense. bon, je ne crois pas qu'on ait perdu trop de compétences parce qu'on a eu aussi de politique depuis très longtemps, de rester présent sur tous les fronts technologiques avancés. Alors évidemment, on a une politique d'échantillonnage, mais on a à peu près des échantillons partout.

  • Speaker #3

    On a des beaux sous-marins et des beaux avions de chasse.

  • Speaker #0

    On a des beaux avions de chasse, oui, tout à fait.

  • Speaker #2

    Donc le nucléaire, ça sera un secteur prioritaire. Vous en voyez d'autres ? Nucléaire civil ?

  • Speaker #3

    Est-ce qu'on a parlé du nucléaire, mais nucléaire civil ?

  • Speaker #0

    Ah, civile, oui, oui, oui, je parlais du nucléaire civil. Je parlais du nucléaire civil. Le reste, le nucléaire de défense, c'est le gaz qui continue son chemin.

  • Speaker #3

    Oui, on est plutôt pas mauvais.

  • Speaker #0

    Bon, il y a... J'ai l'impression qu'on a quand même en France une très bonne école de mathématiciens et sur l'intelligence artificielle, le cloud, face au GAFAM, quand je vois une entreprise comme Mistral... Je ne les connais pas du tout, les gens de Mistral, mais d'après ce que j'en entends dire, chapeau. C'est vraiment quelque chose sur lequel il faudrait capitaliser. Mais alors, il ne faut pas être petit bras. Les besoins de financement qu'on prête à Mistral, c'est quelques milliards, mais les autres, ils mettent des centaines de milliards aux États-Unis. Donc, si c'est devenu une véritable priorité européenne. devrait pouvoir réunir quand même des moyens européens, plus importants, peut-être aussi dans le domaine des semi-conducteurs, face à Intel, à TSMC, à AMD, à Micron Technology.

  • Speaker #1

    Apple aussi qui en font maintenant. Oui,

  • Speaker #0

    on a quand même des éléments.

  • Speaker #3

    Parce que c'est une finiaire stratégique. On ne serait peut-être pas compte tenu de l'évolution notamment des américains et des chinois sur le sujet on serait peut-être pas les mieux placés mais en tout cas si c'est une filière stratégique il faut qu'elle le soit et qu'on y mette les moyens on avait les microprocesseurs aussi à un moment donné qui sont en France je sais plus comment ça s'appelle la

  • Speaker #2

    question c'est quels sont les freins en fait parce que je pense que les domaines peuvent être assez bien identifiés mais qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui il n'y a plus cette réunion politique industrielle et d'exécution qui se met en place

  • Speaker #0

    Je pense que le pouvoir ne se sent pas légitime à désigner un homme une mission. Il préfère afficher les moyens, limiter d'ailleurs qu'on a vu la situation budgétaire lamentable du pays, préfère assuffler les moyens et puis distribuer. Mais qui osera dire toi je te confie cette mission et on ira au résultat dans quelques temps parce qu'il y a... Je crois que nos dirigeants politiques sont sans arrêt soumis à des risques d'accusation, de favoritisme, de soucis de cela. Mais enfin, il y a des pas qui se font dans le domaine de l'espace. On n'est quand même pas ridicule en Europe. Je pense que le rapprochement qui s'amorce entre Thales, Aledian Space et Astrium, c'est bien.

  • Speaker #1

    Parce qu'on est quand même fort challengé par les Américains.

  • Speaker #0

    Alors vous me demandez ce qu'on avait comme... quels étaient les freins ? Je pense qu'on... bon, il y a la bureaucratie, évidemment, étatique, et je ne suis pas sûr qu'en matière de production, on ait déjà fait le saut quantique qu'a un Elon Musk imprimé, par exemple, à ses affaires. Il faut quand même reconnaître qu'il arrive à fabriquer des choses à une rapidité qui est un ordre de grandeur. D'une start-up, oui. Oui, c'est incroyable.

  • Speaker #3

    Il doit y avoir des moyens de lancer des choses qui fassent mordre la poussière aux Américains dans la durée du fait de l'euro. leurs erreurs massives de mépris de l'ESG ils méprisent tout ça alors ça paraît créer une bonne occasion on aura la chance d'avoir Rachel Delacour très bientôt qui nous en parlera, elle dit que justement ça se retournera contre eux, et d'ailleurs la plupart des grandes sociétés américaines en sont conscientes moi ce que je trouve fascinant et vous avez parlé d'Elon Musk, ce que je trouve fascinant c'est la capacité des américains à repenser des systèmes dans leur globalité Merci. J'ai écouté récemment le podcast sur Nvidia et la façon dont ils ont fait de l'extrême co-design, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas été simplement se dire qu'il faut améliorer les chips et tout le process de fabrication des composants, mais ils ont tout revu, le cloud, ils ont une capacité à revoir dans leur ensemble et ils ont battu la loi de Moore. En général, on dit on double le nombre de composants tous les 18 à 24 mois, ils ont fait x30 entre... entre les derniers openers et entre Blackwell et openers. Je trouve ça incroyable leur capacité à aller tout revoir une industrie. Mais pourtant, c'est un peu ce que vous aviez fait avec Airbus, puisqu'il fallait revoir les logistiques. C'est penser son système dans son ensemble, pas simplement une petite partie améliorée bout par bout.

  • Speaker #0

    Oui, mais même de notre temps, il y avait des challenges. Par exemple, à l'époque, je me souviens, il y avait une boîte qui s'appelait Watch Bay, qui nous challengeait sur les satellites. Ils faisaient des tout petits satellites à des coûts défiant toute concurrence. Et d'ailleurs, je crois savoir qu'Watch Bay est engagée dans un grand projet européen ces temps-ci. Est-ce qu'on a repensé à ces systèmes en matière aéronautique ? Je ne suis pas sûr. A l'époque, la grande chose, c'était de dire « Allez voir du côté de l'automobile, vous aurez des choses à apprendre. » Je ne suis pas totalement sûr. L'automobile, elle a engagé son truc aussi avec Stellantis, qui est quand même une belle fusion européenne. Stellantis, européenne et américaine, avec Jeep, Chrysler et Jeep. filiale de Chrysler. Et si l'Orlux Autica aussi, c'est quand même...

  • Speaker #3

    Oui, ça, on a eu Xavier Fontanel. Ah oui, c'est une formidable réussite. Et c'est vrai que vous avez toute une génération... Il y a un livre d'ailleurs qui le résume très bien, que j'aime beaucoup, qui s'appelle Les Grands Fauves. Je vous invite à le lire. Ça avait été toute une génération où il y a toutes ces grandes sociétés françaises qui sont nées dans l'air post-mitterrand, mais que ce soit les AXA avec BBR qui est parti il n'y a pas longtemps, mais derrière Schneider, derrière... On a parlé de Legrand, on a parlé de toutes ces grosses sociétés qui sont nées de la France, même les Air Liquide depuis longtemps, mais qui ont pris des parts de marché. On est passé de belles PME, ETI françaises à des gros groupes internationaux. C'est le moment où il y avait Bolloré aussi. C'était fantastique cette époque.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Je n'ai pas d'analyse fine à vous livrer sur les différences entre cette époque et maintenant. Je pense quand même que l'argent était plus facile. Il y a 20 ans, parce que la situation budgétaire du pays n'était pas du tout la même.

  • Speaker #1

    Et la raison dans ce qu'il dit, c'est que depuis ces années-là, il n'y a pas eu un géant du 4,40 qui a émergé sur ces dix dernières années, quand on regarde. Non, c'est toujours des boîtes qui ont 20, 30, 40 ans. Tu regardes ce 4,40, ça n'a pas bougé. Non,

  • Speaker #2

    non,

  • Speaker #0

    non, pas beaucoup.

  • Speaker #2

    Je pense que tu voudrais résumer, toi, Julien, peut-être les trois points que tu... Ouais,

  • Speaker #1

    non, là, c'est vrai que c'est délicat, mais il y a plusieurs points que j'ai retenus. Le premier qui est hyper intéressant, qu'on a évoqué plusieurs fois dans le podcast, c'est quand même la vision d'un homme qui est capable de fédérer autour de lui une équipe de top guns, on va faire une analogie avec le monde de l'avion, et qui a une vision quand même long terme d'un très gros projet industriel, c'est-à-dire qu'il ne regarde pas, comme vous l'avez expliqué, les économiques court terme, c'est-à-dire qu'il va regarder sur 5, 10, 20 ans, ce qui aujourd'hui est moins le cas en tout cas. Deuxième point, c'est cette capacité quand même à... Quand vous parliez de leadership et de management, c'est quand même d'avoir des intuitions fortes sur des paris qui sont à risque et d'aller au bout du projet. Lancer un avion comme l'A380, ce n'est pas non plus une décision. Nous qui sommes plutôt issus du monde du digital, ça nous dépasse un peu de prendre la décision de lancer un projet de 15 milliards d'euros.

  • Speaker #3

    Ce qui fait qu'il y a ton avant.

  • Speaker #1

    Oui, 20. Bon, à un moment donné, c'est aussi d'avoir cette vision stratégique sur l'évolution des marchés et ne pas se tromper. Parce qu'il y avait l'histoire du point-à-point à un moment donné. Vous, c'était le pari du hub-à-hub. Enfin voilà, il fallait faire ce pari-là. Et puis le troisième, je trouve que j'aime bien. Je ne sais pas si c'est un point de scale, en tout cas. Mais on a parlé des filières. Je trouve ça hyper passionnant, en vérité. D'avoir cette vision, de se dire, on doit relancer des filières et de recréer tout un écosystème autour de ça. Et ça aussi, c'est des projets long terme. Donc moi, ce que je retiens un peu de l'échange qu'on a aujourd'hui, c'est de faire sur... C'est pas de regarder à court terme, mais c'est vrai qu'on regarde ce qui se passe au gouvernement, on a l'impression que c'est très court-termiste. Oui,

  • Speaker #0

    mais où est l'état de stratégie ?

  • Speaker #1

    Oui, il n'y a pas de gros projet, quoi.

  • Speaker #3

    Mais ça manque aussi de capitaine d'industrie, parce que ce que vous dites, c'est que... Oui, voilà, on l'a perdu. Voilà, la gardière, il a été clé dans le fait de mettre tout le monde autour de la table, y compris les politiques.

  • Speaker #0

    Je serais étonné qu'il n'y ait pas dans les 40-50 ans aujourd'hui des... des grands capitaines d'industries capables de prendre... Je ne connais pas, moi. Je serais étonné qu'il n'y en ait pas.

  • Speaker #3

    Il y en aura. On va être optimiste. Il y en a des bons ingénieurs. On a retenu ça.

  • Speaker #2

    Exactement. Et peut-être une question. Il y a une personne que vous aimeriez qu'on invite et que vous connaissez à ce podcast qui devrait témoigner peut-être sur des périodes...

  • Speaker #3

    De notre histoire industrielle, oui.

  • Speaker #0

    Moi, je pourrais dire le patron. Je ne le connais pas. Le patron de Mistral.

  • Speaker #1

    beau pari celui-là comment ?

  • Speaker #0

    c'est un beau pari de l'inviter lui c'est la star et alors comment vous voyez comment donner une projection mondiale à ce succès ?

  • Speaker #1

    bonne question si vous m'invitez je l'installerai d'abord on a deux super invités qui sont déjà passés là merci beaucoup en tout cas pour votre temps passionnant pour les auditeurs n'oubliez pas de mettre

  • Speaker #2

    5 étoiles sur vos applications de podcast préférées, des petits commentaires. Ça remonte dans l'algorithme, ça nous fait connaître encore plus. Vous voyez, ça permet à Julien de se payer des vacances. À Paris !

Description

Dans cet épisode, on reçoit Noël Forgeard, ancien président exécutif d’Airbus puis co-président d’EADS, au cœur de l’un des plus grands projets industriels de l’histoire européenne.

Polytechnicien, ingénieur des Mines, passé par la haute fonction publique puis par le groupe Matra, il prend part à la consolidation du spatial et de la défense européenne avant de jouer un rôle déterminant dans la construction d’Airbus SAS, tel qu’on le connaît aujourd’hui.


Au micro de Method to Scale, il revient sur une aventure hors norme :
comment l’Europe a bâti un rival de Boeing, comment se prennent les décisions qui engagent des décennies, et ce que signifie faire émerger un géant industriel dans un contexte politique complexe.

Il partage sans filtre :


  • Les coulisses de la création d’Airbus SAS

  • Comment l’Europe a rattrapé Boeing grâce à des paris technologiques majeurs

  • Les arbitrages politiques derrière un projet industriel continental

  • Le lancement du programme A380, ses ambitions et ses limites

  • Ce que les entreprises européennes peuvent encore apprendre de cette aventure


Une épopée unique, remplie d'enseignements !

Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'ai dit, Miral, si vous ne lancez pas le programme de votre côté, comme vous me l'avez laissé entendre, je suis mort.

  • Speaker #1

    La première stratégie, déjà, c'était d'être en miroir des avions Boeing,

  • Speaker #2

    de copier des mêmes lignes qu'ils faisaient, où il y avait une vision un peu différente au départ.

  • Speaker #0

    Copiez, monsieur.

  • Speaker #2

    Là, vous commencez à vouloir vous attaquer sur la gamme qui fait leur revenu, qui fait leur marge.

  • Speaker #0

    Ici, pour dire la vérité, et si Kossub en tirait des enseignements, la A380 était un semi-échec commercial.

  • Speaker #1

    2006, crise sur l'aménagement intérieur des avions.

  • Speaker #0

    J'ai mis le programme en retard de presque deux ans. C'est en partie de ma faute. Car en 2002...

  • Speaker #3

    Bonsoir à toutes et à tous. Ce soir, nous avons le plaisir de recevoir Noël Forgeart, l'ancien PDG d'Airbus. Bonsoir.

  • Speaker #1

    Bonsoir. Bonsoir.

  • Speaker #3

    Bienvenue dans l'émission. Alors, j'ai un exercice qui n'est pas évident à faire, mais je vais essayer de m'y tenir, de vous présenter avec des points saillants et des points clés. Et n'hésitez pas à me corriger si je dis des anarisques, ce qui est possible. Donc... Euh... Donc vous avez un parcours qui est rare parce qu'il est de ceux qui traversent l'État, qui traversent l'industrie et qui traversent les grandes décisions politiques dans l'histoire notamment de l'aérospatiale, aéronautique. Et du coup, vous avez un parcours qui part d'études d'ingénieur. Vous êtes diplômé de l'école polytechnique et des mines de Paris. Et vous avez débuté votre carrière dans la hausse fonction publique, mais tout de suite dans des ministères. qui derrière vont nous donner un aperçu de ce qui veut arriver dans votre carrière, donc au ministère des Transports et au ministère de la Défense, puis au ministère de la Défense. En 1986, vous devenez même le conseiller industriel auprès du premier ministre de l'époque, un certain Jacques Chirac, et donc ça c'est pour la partie État. Puis vient le temps de l'industrie. Vous rejoignez d'abord le domaine de l'acier avec Usinor, ce qui n'est pas de bêtise, puis Matra, avant d'être nommé directeur général du groupe Lagardère. Et là, nous sommes en 1992. Cette période est décisive parce que pour se projeter, c'est une époque où il y a de la consolidation européenne qui se fait, il y a de la coopération, de la collaboration sur des sujets vraiment stratégiques. Quand on le regarde aujourd'hui, on se rend compte que le monde a changé, on y reviendra dans le podcast, notamment sur la partie satellite, sur la partie missiles tactiques. Il y a des sociétés qui se créent à ce moment-là qui sont Matra Marconi Space et Matra BAE Dynamics. puis c'est la période Airbus fin 1997, nouvel étage de la fusée. Le gouvernement français propose de succéder à Jean Pierson à la tête d'Airbus Industries pour devenir finalement en 2001, on l'a dit en introduction, le premier PDG d'Airbus SS, finalement qui est la création de la société intégrée Airbus.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Alors bon, vous mettez un peu sur le même plan le parcours administrativo-politique et l'industrie, mais je suis d'abord un homme d'industrie. Tout ce que je sais en matière industrielle, si je sais quelque chose, je l'ai appris sur le temps. Je n'ai pas appris dans mon parcours antérieur.

  • Speaker #3

    Mais c'est intéressant de voir que dans le parcours antérieur, effectivement, c'est l'industrie qui vous a tout de suite botté. Vous n'étiez pas dans des bureaux administratifs. de ce point de vue-là. Donc... On est ravis de vous avoir. On a une période de l'histoire à aborder ensemble devant nous et qu'on va essayer de découper en différentes sections que Aymeric a sous les yeux. Mais je pense que je peux te laisser la main, Aymeric, pour commencer à aborder la première thématique. En fait, on essaie d'être chronologique dans cette histoire et d'arriver vers le monde d'aujourd'hui aussi et les défis qu'on a devant soi.

  • Speaker #2

    Oui, et pour que nos auditeurs se rendent un peu compte, effectivement, je pense qu'au départ, j'aimerais bien qu'on reparle de la création de l'Europe des missiles. et des satellites et de Matra. Parce qu'en fait, avant Airbus, il y a eu Matra. Et puis, vous nous parliez un peu de vos relations avec Jean-Luc Lagardère et sa vision, parce que c'est quand même au départ sa vision qu'il avait et les compromis qu'il a su faire. On peut dérouler un peu cette partie-là ? Oui,

  • Speaker #0

    bien sûr.

  • Speaker #2

    En plus, c'est une période que vous préférez. Vous aimez bien Matra et aimez bien les satellites. Oui,

  • Speaker #0

    c'est vrai. C'est ma période de cœur. À cause de Matra et à cause de Jean-Luc Lagardère. Jean-Luc Lagardère avait créé avec Marcel Sassani une vingtaine d'années auparavant des activités de missiles tactiques et de satellites. Et puis il les avait bien développés et il s'est aperçu que l'énormité des budgets qui étaient nécessaires pour faire des grands développements de missiles ou de satellites et contre les américains, l'énormité de ces budgets rendait nécessaire de mobiliser plusieurs pays européens. Et donc, pour ça, il fallait créer des opérateurs européens susceptibles de mobiliser des budgets européens. Et c'est ce qu'il a fait, puisque... Il a apporté ces deux sociétés que je dirigeais, Matra Espace et Matra Défense, à des fusions avec leurs homologues britanniques, alors surtout britanniques dans un premier temps, et allemandes. Et en faisant ça, il a fait preuve d'une remarquable clairvoyance, parce qu'il a privilégié l'intérêt, la vision à long terme, sur l'intérêt à court terme. Oui, tout à fait. Parce qu'en fait, ces sociétés, je parle de Jean-Luc Lagardère, valaient plus que leurs homologues européennes, mais c'était impossible de faire des sociétés communes autrement que sur une base 50-50. Et bien donc, il l'a accepté.

  • Speaker #2

    Gros compromis. Donc, c'était la vision qui a gagné sur le business.

  • Speaker #0

    Absolument. Alors, il y a eu des soutes quand même qui ont été versées,

  • Speaker #2

    mais ça ne compensait pas.

  • Speaker #0

    Ça ne compensait pas complètement. Et donc, alors, il a, bon, comme on était plus gros, plus profitable, il y a eu quand même des contreparties. C'est les équipes françaises qui ont assuré le management, au moins dans un premier temps. Mais il y a quand même eu de sa part un réel... Et je peux dire par exemple que, pour prendre un exemple, si ces fusions n'avaient pas eu lieu, le fameux programme Scalp Storm Sado, le missile de croisière franco-britannique dont on parle pas mal, parce qu'il a été utilisé pendant la guerre du Golfe et exporté en Ukraine récemment, et utilisé, ce programme n'aurait jamais existé. parce que ni la France ni la Grande-Bretagne ne pouvaient se le payer seuls. C'est qu'un exemple parmi d'autres.

  • Speaker #2

    Et vous à l'époque, comment vous faites pour approcher vos homologues ? Parce qu'au départ c'est des entités françaises séparées entre cette élite, les deux activités sont bien séparées. Comment vous approchez vos homologues ? Comment ça s'initie un programme comme ça ?

  • Speaker #0

    J'ai approché les gens de British Aerospace Dynamics, c'est-à-dire la partie missiles, au même moment où Jean-Luc Lagardère et son équipe proche approchaient l'état-major de British Aerospace. Et puis on les a pris un petit peu en tenaille. Et à un moment donné, j'ai pris un risque énorme parce que j'avais lancé le programme. sur la base française, mais il n'était qu'à moitié financé. Ça supposait... Ça supposait qu'on ait le financement britannique dans un deuxième temps. Alors, j'ai été voir le Chief of Defense Procurement, qui était un amiral à l'époque, et je lui ai dit, si vous ne lancez pas le programme de votre côté, comme vous me l'avez laissé entendre, je suis mort. Bon et Dieu merci ils ont lancé le programme. Je crois pas que c'était uniquement pour me sauver la mise mais ils l'ont lancé. Ce que je trouve remarquable dans ce parcours qui a été fait à l'époque sous l'autorité de Jean-Luc Lagardère c'est que ce genre de solution, aujourd'hui on en parle dans plein de domaines et elle se cherche encore dans plein de domaines. Bon par exemple dans le domaine des avions de combat ça n'a jamais pu voir le jour.

  • Speaker #1

    Je les en prends en ce moment d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Par l'encement, et dans beaucoup d'autres domaines, c'est pareil, Chasquin a continué à faire cavalier seul. Donc je peux dire qu'à l'époque, on a vraiment fait oeuvre de pionnier. Je dis on parce que j'étais évidemment pas seul. Il y avait toute une équipe.

  • Speaker #2

    Et ça s'est joué à tous les niveaux ? Parce qu'il y avait une volonté politique aussi derrière à ce moment-là ? Ou c'est vraiment Jean-Luc qui a...

  • Speaker #0

    Non, à l'époque, c'est vraiment Jean-Luc. D'accord. C'est ces hommes d'état-major qui étaient Philippe Camus, qui était ensuite le patron d'Alcatel, et Jean-Louis Gergorin qui est assez connu. Bon, ça c'était pour la partie état-major, disons, et puis moi j'étais le bras droit opérationnel, et on marchait en symbiose.

  • Speaker #2

    Et donc en fait, tout ça, ça part d'une question de budget, en se disant que les Américains ont des budgets qui sont considérables, et que de toute façon, un Français tout seul n'y arrivera pas. on sera complètement subscale voilà, d'accord en quoi ça a été les bases de ce qui s'est passé derrière avec Airbus ? c'est à dire qu'il avait déjà vous aviez déjà initié des programmes de rapprochement avec différents pays, déjà cette notion de compromis capitalistique c'est ça qui a porté les bases de la suite ?

  • Speaker #0

    alors il y a plusieurs choses je pense que quand à la fin des années 90 les gouvernements ont commencé et... Vraiment vouloir que Airbus, qui était à l'époque un groupement d'intérêts économiques, se transforme en société intégrée. Ils ont naturellement pensé à la Gardère. parce qu'il avait fait déjà ses opérations dans d'autres domaines. Et Lionel Jospin, à l'époque, a pensé à moi pour remplacer Jean Pierson, qui était atteint par la limite d'âge, à la tête du groupement d'intérêt économique Airbus Industries, qui deviendra deux ans plus tard, trois ans plus tard, la société... Mais ce n'était pas une société à ce moment-là. Ce n'était pas une société, c'était un groupement d'intérêt économique entre DASA, British Aerospace, CASA. et l'aérospatiale.

  • Speaker #2

    Et du coup, justement, si vous pouvez revenir là-dessus, parce que finalement, on commence à arriver à Airbus. Avant toute chose, il y avait plusieurs entités séparées, des Françaises, des Espagnoles, des Anglais. Comment on arrive à fusionner déjà tout ça ? Ça part dans les années 99-2000, c'est ça ? Comment on initie ce programme-là ? Donc c'est Jospin qui vient vous voir et qui vous dit... Donc là, il y a une volonté politique, pour le coup.

  • Speaker #0

    alors Ça a été une fusée à deux étages. Parce que tout le système était bloqué, parce que les protagonistes allemands, DASA, filiale de Daimler-Benz, et British Aerospace, ne voulaient absolument pas entendre parler d'un rapprochement avec l'aérospatiale, parce qu'elle était publique. Ils ne voulaient entendre parler que d'un rapprochement avec un partenaire privé.

  • Speaker #2

    Ça c'est déterminant déjà.

  • Speaker #0

    C'était sine qua non. Alors, dans ce que je dis, il n'y a pas de jugement de valeur. Ce n'est pas pour dire que... Bon, c'était comme ça. Il ne voulait qu'un partenaire privé. Alors, le gouvernement français, quand même, fait preuve de beaucoup de lucidité et de beaucoup de courage. Parce qu'il fallait donc arriver à mettre l'aérospatiale, qui était le protagoniste français, dans des mains privées. Bon, et Lagardère apparaissait une solution naturelle. puisqu'il avait déjà une projection européenne par ses sociétés de missiles et satellites.

  • Speaker #2

    Et ça, c'est toujours Jospin qui pousse ça ?

  • Speaker #0

    Alors, Jospin, Strauss-Kahn, aussi très actif.

  • Speaker #2

    Donc deux socialistes qui poussent un rapprochement vers du privé.

  • Speaker #0

    Alors, qui pousse ? Je ne pense pas qu'ils poussaient trop sur la place publique. Ils étaient plutôt dans le mode, on va se biesser. Si on ne peut pas faire autrement, on va faire comme ça. Parce que c'était quand même...

  • Speaker #2

    Non, non, mais ils ont dépassé en interne. Oui,

  • Speaker #0

    oui, oui, ils ont dépassé. Et c'est quand même assez remarquable. Alors ça s'est fait en deux temps. D'abord en 99, ou peut-être un peu avant, Aérospatial et Matra ont été rapprochés. Et en fait, la privatisation d'Aérospatial s'est faite sous le contrôle. De la gardière Matra.

  • Speaker #2

    De Matra, oui.

  • Speaker #0

    Bon, c'était donc le petit qui prenait le contrôle du gros, donc tout le monde n'était pas trop...

  • Speaker #2

    Petit privé prend le contrôle du gros public. Du gros public,

  • Speaker #0

    bon. Et ensuite, l'ensemble aérospatial Matra, qui était donc privé, s'est rapproché de Daza et de Casa. Casa, c'est l'espagnol. Et ça a été annoncé à Strasbourg fin 99, et je veux dire que ça fait vraiment ça, l'effet d'une bombe. Et les deux personnes qui ont été vraiment... instrumental dans la phase concrète de l'annonce de 99, ça a été Dominique Strauss-Kahn et Jean-Luc Lagardère et son équipe.

  • Speaker #2

    On parle de l'allemand, de l'espagnol et l'anglais ?

  • Speaker #0

    Alors, l'anglais... Alors, l'anglais...

  • Speaker #2

    Donc l'anglais c'était British Aerospace ?

  • Speaker #0

    L'anglais c'est British Aerospace. Alors... Alors, British Aerospace avait été aussi un candidat putatif au rapprochement avec Aerospatial Matra. Mais les Anglais ne voulaient en aucune façon qu'il y ait un actionnaire dans la future société qui dépasse 2-3% du capital. Pour eux, c'était la bourse. D'abord, aucun actionnaire trop important.

  • Speaker #2

    On retrouve la tradition des Anglais avec les... société cotée, et voilà. Toute cette dynamique de société cotée.

  • Speaker #0

    Et ça, Lagardère ne ne voulait pas l'accepter. C'est pour ça, en partie, qu'il s'est tourné vers les Allemands, et il avait une très bonne relation avec Jürgen Schrempf, le patron de Daimler-Benz. Et, alors, dans un premier temps, les Anglais ont été à côté, mais... Dès qu'on a eu fait l'opération franco-allemande et espagnole, on a sorti Airbus dans une filiale. Les Anglais ont apporté leurs activités d'Airbus à cette filiale et en sont devenus actionnaires à 20%.

  • Speaker #1

    Donc là, la société était officiellement née à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Alors la société était officiellement née. Il y avait donc Airbus avec deux actionnaires, EADS qui était le groupe franco-allemand-espagnol et BAE qui avait 20%. Et BAE est resté jusqu'à 2006 actionnaire à 20% d'Airbus puis a vendu ses parts. à l'EADS.

  • Speaker #2

    Et alors là, j'aimerais bien, comme pour Matra, qu'on revienne un peu, parce que là encore, il y a eu des compromis, il y a eu des compromis un peu capitalistiques, forcément, parce que les actifs apportés, les savoir-faire et les hommes n'étaient pas du tout équivalents, entre guillemets. Il y avait des compétences qui étaient différentes, peut-être un peu complémentaires. En tout cas, c'est le management français qui a pris la direction de l'ensemble dans un premier temps.

  • Speaker #0

    Emery, est-ce que vous parlez d'Airbus ou d'EADS ?

  • Speaker #2

    Airbus.

  • Speaker #0

    Alors, d'Airbus, oui. Bon, les équipes françaises de Toulouse étaient vraiment la force vive du nouvel Airbus. Quand on juxtaposait, ensuite on intégrait les gens du groupement d'intérêts économiques Airbus Industries, les gens d'aérospatial et notamment le bureau d'études d'aérospatial qui était d'une formidable qualité, et bien bon Il n'y avait pas photo. Il n'y avait pas photo. Néanmoins, la fusion a eu lieu sur une base de parité capitalistique, parce qu'elle ne pouvait pas avoir lieu autrement. Mais il a été convenu que le premier patron de la société intégrée Airbus serait français. Et donc, ça a été moi.

  • Speaker #1

    C'est des négociations compliquées à ce moment-là, pour se mettre d'accord sur une table capitalistique ? Ou ça se fait naturellement ?

  • Speaker #0

    Je dirais ni l'un ni l'autre. C'était pas compliqué. Ça pouvait pas être fait autrement. C'était comme ça. C'était paritaire avec les Allemands ou bien ça n'était pas. D'accord. C'est pas le choix. C'est pas le choix.

  • Speaker #2

    Et là, vous aviez aussi une gouvernance avec deux CEOs de mémoire. Il y a le français et l'allemand. Comment après, vous avez opéré ?

  • Speaker #0

    Dans Airbus, non.

  • Speaker #2

    Non, dans Airbus, c'était au-dessus.

  • Speaker #0

    Dans Airbus, il y avait un seul CEO, c'était moi. J'avais un adjoint, mais en fait, il était adjoint. Et en revanche... Dans EADS, la maison mère, il y avait deux co-CEO, donc deux directeurs généraux. Le premier côté français étant Philippe Camus. Et au-dessus, il y avait deux co-chairmen, Lagardère et Manfred Bischoff qui représentaient Dembner. D'accord,

  • Speaker #2

    donc il n'y avait pas les Espagnols dans la représentation du TU.

  • Speaker #0

    Si, dans le conseil, il y avait les Espagnols,

  • Speaker #2

    bien sûr. Mais la direction, si I.O. au-dessus, c'était vraiment un Français et un Allemand.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Mais les Espagnols, il y avait un comité exécutif, bien sûr, qui comprenait toutes les nationalités, choisi en principe selon le mode du plus compétent pour avoir cinq jobs, et les Espagnols étaient là.

  • Speaker #2

    Julien, est-ce que tu veux te lancer là ? Parce qu'en fait, toute cette histoire a un intérêt, parce qu'en fait, et je trouve que c'est beaucoup d'actualité, c'est que vous avez réussi à casser l'hégémonie de Boeing, qui était quand même très très présent, et c'est de ça dont on a envie de discuter, c'est comment les Français et les Européens ont réussi à s'organiser pour, quelque part, un peu damer le pion, alors ça a pris du temps, mais à Boeing, qui était très établi. C'est une période en plus d'histoires que tu aimes bien, Julien, si tu veux.

  • Speaker #1

    Oui, on va en parler. Puis moi, je suis passionné d'avions. Je connais bien la gamme, pour le coup, Airbus. Donc là, le lancement officiel, ça y est, on décide de faire une ligne d'avions qui va être concurrente d'Airbus. Donc pour vous, la première stratégie, déjà, c'était d'être en miroir des avions Boeing, de copier les mêmes lignes qu'ils faisaient où il y avait une vision un peu différente au départ.

  • Speaker #0

    Copier, monsieur. Dans des gammes de capacités, de rayons d'action comparables, de faire des avions meilleurs. Non, mais c'est vrai que dans l'histoire, Airbus a avancé ses pions à peu près en face de chaque avion.

  • Speaker #2

    Il y a un peu un équivalent à chaque gamme quand même.

  • Speaker #0

    Oui, alors voilà, dans les années 70, ça a été la gamme A300, A310 qui était en face, on va dire, du 767. Et puis ensuite, il y a eu les avions moyen courrier, donc la gamme... A320 en face du 737. Alors la guerre d'A320 c'est vraiment...

  • Speaker #1

    Il y a une révolution sur le cockpit et tout ça.

  • Speaker #0

    C'est une révolution. Le glace cockpit, les commandes de vol électriques. Et c'est dû à un homme, un génie, Roger Bétheil, qui était l'ingénieur de l'aérospatiale qui a créé cette gamme. C'est à lui que tout est dû. C'est un homme dont on ne parle jamais. On va lui rendre hommage. On va lui rendre hommage. On va lui rendre hommage, il est mort il y a quelques années. Mais... Il a créé un produit, la 320, absolument incroyable, puisque aujourd'hui... C'est encore le best-seller d'Airbus. Alors après, bon, il a été... C'est le couteau de Jeannot, hein. Il a été X fois modernisé. On a tout remplacé progressivement. Mais la base était bonne. Le diamètre du fusage est toujours le même. Ça a été une intuition formidable. Qui a damé le pion au 737.

  • Speaker #1

    C'était quoi la vision produit qui a été forte ? C'était de repenser le cockpit, l'ingénierie de vol, le système électrique ? C'est quoi qui a vraiment fait la différence ?

  • Speaker #0

    Oui, alors il y a eu le système électrique, il y a eu beaucoup quand même la largeur de cabine. Parce que c'était le 737 comme la 320, c'était les avions à 6 de front, avec un seul couloir. Mais on avait quand même assez nettement plus de place dans la 320 aux épaules. Parce que le cockpit était plus large. Et ça, je crois que ça a quand même fait beaucoup dans le succès de la famille A320.

  • Speaker #1

    Et après, du coup, vous avez commencé à remonter sur des gammes de plus gros porteurs. Parce qu'il y avait le 747 qui était mythique. Je pense qu'on va arriver bientôt au moment croustillant qui était le lancement de l'A380, à mon avis, qui va bien nous passionner. Mais je m'en souviens, il y a eu la gamme des A330, A340, des quadri-réacteurs. Donc c'est comme ça que vous avez après, au fur et à mesure... remonter sur la gamme pour développer moyen et long courrier.

  • Speaker #0

    Oui, alors il y a eu la gamme des A330, A340, au moment où Boeing, de son côté, avait le 777, et puis plus tard un très bel, magnifique avion. Vous allez dire, ils n'ont pas fait d'aussi bon depuis. C'est pas en anglais,

  • Speaker #1

    ils ne nous écoutent qu'on pas.

  • Speaker #0

    Et donc, on avait toujours cet épine. On disait, ah oui, mais alors sur les très gros, Boeing a le monopole, c'est le 747, et ils se font des marges énormes dont ils se servent pour financer leurs autres développements.

  • Speaker #2

    C'est ça. C'est très intéressant ça, c'est parce qu'en fait, là vous commencez à vouloir vous attaquer sur la gamme qui fait leur revenu, qui fait leur marge, et qui finance le reste. Donc là, au départ, vous allez les chatouiller, et là vous rentrez en vous disant on va attaquer la 747 qui est un gros contributeur chez eux, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Et pourquoi d'ailleurs c'est un gros contributeur ? C'est une question de taille ou c'était juste une question de volume de vente ?

  • Speaker #0

    C'est surtout le fait que c'était un monopole, donc ils le vendaient très cher, qu'ils étaient tout seuls. Ils le vendaient à la limite de ce qu'on s'est dit, on va le casser. Rien que le fait de le casser, ça avait une valeur en soi.

  • Speaker #2

    Et en plus, ça avait une valeur de marque aussi, parce qu'ils étaient très implantés. On mettait Boeing vraiment en haut du panier parce qu'ils avaient cette gamme-là.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #2

    Donc quelque part, ne serait-ce que de sa catacasse, c'était montrer qu'on avait des capacités techniques et industrielles qui étaient capables de rivaliser.

  • Speaker #1

    Et comment justement vous prenez la décision en ce moment-là ? C'est le moment où vous prenez la décision de lancer la A380 ?

  • Speaker #0

    Alors ça a été à peu près concomitant de la création de la société intégrée d'Airbus, puisqu'on a pris la décision de lancer l'A380 fin 2001. C'était à peu près concomitant.

  • Speaker #1

    Juste par curiosité, comment ça se passe de prendre une décision pareille, de lancer un avion comme ça ? Il y a des comités, il y a un moment donné c'est une vision d'un dirigeant ?

  • Speaker #0

    Alors d'abord, il y avait... Un grand ingénieur qui a porté le projet A380, et ce grand ingénieur est allemand, il s'appelle Jürgen Thomas. C'était un homme qui était là quand je suis arrivé au GIE, il travaillait déjà des avant-projets sur l'A380. Quand j'ai pris les rênes de la société intégrée, je les ai confirmés dans ses responsabilités, et il a bâti tout le dossier de l'A380 avec les financiers. On a bâti le business plan et puis on l'a soumis aux actionnaires qui ont décidé le lancement de ce programme de 10,7 milliards d'euros à l'époque. de développement. Jean-Luc Lagardère poussait beaucoup à la roue dans le board et donc, voilà, on a fini par lancer le programme. Alors, vous savez que... Je suis ici pour dire la vérité et si possible en tirer des enseignements. La A380 était un semi-échec commercial. Puisqu'on en a vendu 251, là où on en attendait 801 000. Alors si ça vous intéresse... Alors, bon, bien sûr l'avion vole toujours. Oui,

  • Speaker #1

    parce qu'ils les ont mis en route, toutes les grosses compagnies aériennes.

  • Speaker #0

    Ils les ont mis en route, là, voilà, ils volent. Le Chandra, British, ils ont mis. Et surtout Emirates. Oui, Emirates qui perd avec son oeuvre comme ça. C'est la base de la flotte d'Emirates. Donc, l'avion est... extrêmement aimé des passagers et des compagnies aériennes qu'il exploite.

  • Speaker #1

    Une petite question, juste avant qu'on parle justement un peu de cette notion d'échec, juste le ressenti, parce que j'ai regardé les vidéos du premier vol que vous avez fait à Toulouse, j'ai lu aussi le livre du pilote d'essai à l'époque, c'est quoi le sentiment qu'on a quand on est au bord de piste et qu'on voit la première fois l'avion décoller ? Regardez,

  • Speaker #0

    une grande émotion, c'était...

  • Speaker #1

    Ça doit être quelque chose quand même.

  • Speaker #0

    C'était en avril 2005, donc déjà on avait... On a été vite, 4 ans entre la décision de lancement, même pas 4 ans, 3 ans et demi entre la décision de lancement et le premier vol, on avait été extrêmement vite, on avait tous les tripes un petit peu serrées, on était là, tous les ingénieurs qui avaient contribué au programme, Thomas que j'ai cité tout à l'heure. Et d'autres, c'était mon camarade de promotion Claude Lelay qui était aux commandes.

  • Speaker #1

    C'est le livre que j'ai lu.

  • Speaker #0

    De l'avion, bien sûr. Il a consacré toute sa vie aux essais aéronautiques. Jean-Luc Lagardère n'était déjà plus de ce monde puisqu'il est mort en mars 2003. Donc on avait convié son épouse, Betty, qui était là aussi. Et ça mêlait la fierté et l'émotion. Voilà.

  • Speaker #1

    Et pour revenir sur la notion un peu commerciale de la 380, vous disiez que ça avait été un semi-échec. Donc il y avait un volume qui avait été vendu qui n'était pas escompté. Vous l'avez pu expliquer ?

  • Speaker #0

    Oui, en fait, c'est plutôt un volume qui était escompté. Oui, c'est ça. Bon, qu'est-ce qui s'est passé ? Nos commerciaux nous avaient dit que... Le modèle hub and spoke, c'est-à-dire les très gros avions allant d'un hub à un hub.

  • Speaker #1

    À New York-Paris, par exemple.

  • Speaker #0

    Et ensuite, se déversant dans des avions plus petits, allant en faisant New York-Atlanta. Le modèle hub and spoke allait durer encore le temps d'une génération et qu'on pouvait fonder le programme là-dessus. Alors... Ce qui s'est passé, c'est que les consommateurs ont de plus en plus manifesté, et plus rapidement que prévu, leur préférence pour aller directement de Paris à Atlanta, sans passer par New York.

  • Speaker #1

    Du point à point, on appelle ça.

  • Speaker #0

    Du point à point, avec des avions plus petits. Qu'est-ce qui avait empêché... Ça, de se développer avant, c'est que les avions plus petits avaient des coûts d'exploitation au siège kilomètre plus élevés. Et que donc, il n'était pas compétitif. Sur le segment Paris-New York, il n'était pas compétitif par rapport au 747.

  • Speaker #1

    C'était encore des quadris réacteurs.

  • Speaker #0

    Donc, on avait gardé des quadris réacteurs, le 747 en l'occurrence. Alors, qu'est-ce qui s'est passé ? C'est qu'il y a eu des progrès. extrêmement rapide des avions bimoteurs en termes de coûts d'exploitation. Et ça, c'était surtout dû au progrès des moteurs. Et on est arrivé à un point où pour que la 380 est un coût d'exploitation au siège occupé kilomètre plus bas que, on va dire, un 767 ou un A330, eh bien, il fallait qu'il soit très rempli, trop rempli. Et ça a fini par faire peur à certaines compagnies, d'autant plus que c'était dans un contexte où il y a quand même eu la crise de 2001. La suite de l'attentat d'Al-Qaïda, il y a eu une profonde crise en 2003, il y a eu la crise de 2008 après, tout était un peu secoué. Alors, pendant un temps, on a pu se réfugier dans le fait que, enfin se défendre plutôt, dans le fait qu'il y avait des réglementations qui s'appellent ETOPS, qui limitaient l'usage des bimoteurs sur des routes. très très longues, sur volant. L'Atlantique, par exemple. L'Atlantique, ou les déserts. Et il ne fallait pas que les avions s'éloignent de plus d'une certaine distance d'aéroports de diversion au cas où... Il y a un incident. Il y a un incident. Les avions bimoteurs. Les bimoteurs sont devenus d'une telle fiabilité que ces distances se sont allongées de plus en plus et que pour faire un Paris-New York en bimoteur, ce n'était plus la peine de prendre la route extrêmement nord, comme on prenait avant. Vous savez, on passait au Groenland, on passait au sud de l'Irlande, au Groenland, à l'Iffax, etc. C'était plus la peine de faire ça.

  • Speaker #1

    Et avec le recul, c'est toujours plus facile de le faire après, c'était difficile de prévoir cette amélioration technique des bimoteurs. Parce qu'en fait, il y a un moment où les courbes se croisent. C'est-à-dire qu'en fait, les bimoteurs sont devenus de plus en plus performants. C'était difficile à anticiper ça, au-delà du fait qu'effectivement... Le reste a changé le point à point, etc. Sur la partie technique, c'était difficile de mesurer ça ?

  • Speaker #0

    À mon avis, on aurait pu mieux le mesurer. Mais on était porté par notre ambition. Et la volonté de Damel Pion. Et on a eu tendance, probablement, et les commerciaux d'abord, mais moi, je ne m'y suis pas opposé.

  • Speaker #1

    C'est un très beau projet. C'est un projet emblématique.

  • Speaker #2

    L'avion est mythique, de toute façon.

  • Speaker #0

    L'avion est mythique et il le restera. Donc, on a continué quand même. Le programme a coûté de l'argent Airbus. Il n'en a pas rapporté, il en a coûté. D'abord, le développement. Ça n'a pas coûté 10,7 millions d'euros, mais probablement plutôt entre 17 et 20. Bon, il y a eu moins de marge sur la série parce qu'il y a eu moins d'avions. Ça n'a pas été une secousse financière pour Airbus.

  • Speaker #2

    Vous êtes parole.

  • Speaker #0

    Ça n'a pas été une secousse financière qui met en cause la viabilité d'Airbus.

  • Speaker #2

    Par contre, les apprentissages que vous avez eus, on s'en souvient tous de la logistique qui avait été mise en place, les péniches, les ailes qu'on voyait traverser les villes. C'était incroyable. Donc tout ça, vous avez capitalisé dessus.

  • Speaker #0

    On a construit un nouvel avion Beluga pour transporter. Il vole toujours, lui. Les sections, ils volent toujours, oui. Et puis, on a fait quand même de nombreuses avancées technologiques sur la A380 qui ont permis le lancement rapide de la A350 derrière.

  • Speaker #2

    C'est un succès commercial.

  • Speaker #0

    Alors, la A350 est un succès commercial absolu. Il est arrivé en 2013. Donc, ça a été rapide et c'est un très grand succès. Et ça a bénéficié des avancées. de l'A380, notamment dans le domaine du carbone. Parce que l'A380 était le premier avion pratiquement à moitié en carbone. Et ça, on a pu le transplanter, enfin, c'était parti d'Airbus à l'époque, mais les successeurs ont pu le transplanter sur l'A350.

  • Speaker #2

    Oui, donc ce qu'on peut retenir, c'est qu'en tout cas, même si un programme qui est considéré comme un semi-échec, les apprentissages qui sont faits dessus vont servir ensuite... pour faire des produits encore plus à succès, comme ça a été le cas sur la gamme A350.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Ça aurait quand même été mieux que ça soit un succès commercial complet.

  • Speaker #1

    Mais bon, et peut-être au-delà, effectivement, de ces apprentissages techniques, est-ce que, quand même, ça a donné à Airbus une vraie crédibilité technique, une vraie crédibilité d'envergure de groupe, notamment pour des compagnies aériennes qui auraient pu hésiter, enfin, qui étaient chez Boeing, et qui, du coup, se sont dit, attendez, ils ont été capables de faire ce gros porteur. Est-ce que ça a rassuré ? Est-ce qu'on peut se dire que quelque part, ça a aidé Airbus à continuer à vendre ses hauts de gamme ?

  • Speaker #0

    Oui, incontestablement. On est vraiment devenu un grand à ce moment-là. D'ailleurs, vous rappeliez le premier vol de la 380 en 2001. C'est aussi en 2001 qu'on a été à parité pour la première fois. En nombre d'avions vendus, toutes gammes confondues. à parité avec Boeing.

  • Speaker #2

    D'ailleurs, sur chaque salon, je crois que c'est à Dubaï en ce moment, c'est toujours le concours entre le volume d'avions vendus à Boeing et le volume de vente à Airbus. Et souvent, c'est Airbus qui est devant, d'ailleurs. Mais souvent,

  • Speaker #0

    c'est Airbus qui est devant. Mais bon, les volumes, c'est une chose. Il faut aussi que ce soit des ventes rentables, et bien livrés à temps. Et Airbus a eu un passage un peu difficile pendant quelques années, mais ça va beaucoup, beaucoup mieux. Je crois.

  • Speaker #2

    Je terminerai là-dessus. Mais en tout cas, j'ai vu aussi la nouvelle gamme qui est en train d'être sortie, les A321XLR. Celui-là, à mon avis, ça va être un véritable... Alors, l'A321,

  • Speaker #0

    c'est pure merveille. Alors, c'était déjà sous le crayon de Roger Béteil que je citais tout à l'heure. Il y a déjà eu un A321. Bon, alors ensuite, la 321 Extended Range, vous vous rendez compte, c'est une merveille. Maintenant, on fait un...

  • Speaker #2

    Un Nice-New York.

  • Speaker #0

    Voilà, on fait un Nice-New York. Ma fille est arrivée l'année dernière de Boston, elle a fait un Boston-Lisbonne sur un... De la TAP,

  • Speaker #2

    ouais.

  • Speaker #0

    De la TAP.

  • Speaker #2

    Ouais.

  • Speaker #0

    Bon. Je vais être franc, moi, comme passager, je préfère les gros porteurs. Je trouve qu'on a plus de place. Enfin, au point de vue coût d'exploitation, c'est imbattable. Et donc, c'est le haut de la gamme A320. Et en bas, il y a... Alors, on avait lancé l'A318.

  • Speaker #2

    L'A220, oui.

  • Speaker #0

    Mais il y a surtout la gamme A220 de Bombardier, qui est magnifique et que Kerbus a acheté.

  • Speaker #1

    Alors, une autre partie qu'on voulait évoquer, parce que vous avez quand même une carrière très riche à la fois industrielle, politique, et puis évidemment, comme on en a parlé, des grandes aventures commerciales et stratégiques. Et du coup, de tout ce parcours, vous savez, c'est un peu la tradition dans ce podcast, on aime bien tirer quelques leçons et quelques enseignements, notamment pour les entrepreneurs qui nous écoutent. Et est-ce qu'on peut revenir avec vous sur ces enseignements ? d'un point de vue gestion des politiques, gestion de la stratégie avec des groupes différents et des pays différents, que de la gestion du leadership, des hommes, faire cohabiter tout ça. Et voilà, ça fait peut-être un bon programme.

  • Speaker #0

    Oui, vaste programme. Bon, essayez, les conseillers ne sont pas les payeurs. Alors je me garderais bien d'ailleurs de donner le moindre conseil, parce que le monde a tellement changé depuis 20 ans que je pourrais être à côté de la plaque. Enfin, si j'essaie de prendre un peu de recul et de mettre en mots quelques enseignements. Bon, à la base, il y a la vision. La vision de Lagardère, partagée par son équipe rapprochée. Et cette vision, c'est une vision d'investissement dans la durée. C'est-à-dire créer des champions, d'abord dans... Les satellites, les missiles, après les avions. Ne pas se focaliser sur les gains financiers immédiats, mais privilégier la vision à long terme sur les retours à court terme. Pour ça... Se rapprocher d'homologues européens. Même plus petit. Même imparfait.

  • Speaker #1

    J'ai beaucoup aimé, on en a beaucoup discuté ça. Savoir, intégrer, acheter, se rapprocher d'actifs imparfaits.

  • Speaker #2

    Ce qu'on entend par actifs imparfaits, c'est...

  • Speaker #0

    Bon, alors, imparfaits, bon... Je marche sur des oeufs en vous disant ça, mais enfin... Bon, par exemple, pour les avions... Bon... Le patrimoine français était quand même plus riche. Oui, et puis il y avait déjà la gamme à 300, 310. Les bureaux d'études de l'aérospatiale, c'était quelque chose. Le partenaire allemand était globalement probablement pas tout à fait au même niveau, même s'il ne se l'avouait pas. En plus, il y avait chez Daza, à l'époque, énormément de problèmes dans les usines. Énormément. Ils avaient dû lancer un programme de restitution de coûts, appelé le Mansanglant, dont je ne me rappelle plus le nom. On voit qu'il y avait un nom de code très évocateur. Et donc, Lagardère dit, il faut un de tout ça. Bon, il faut se rapprocher des Allemands. Il n'y a pas d'autre solution qu'à parité. et on le fait, et ils privilégient toujours le long terme. Bon, pareil, Casa, c'était une petite boîte quand même. Bon, ils ont eu 6% du groupe en échange de leur rapport. Bon, c'était bien. L'important, c'était de faire converger tout le monde vers l'objectif commun, un moyen long terme, même si tout n'était pas idéal au départ. Alors là... C'est là qu'il y a eu la vision industrielle de Lagardère. Lagardère qui est un homme à la mémoire duquel on ne rend pas assez hommage. Parce qu'il a quand même eu dans toute cette affaire un rôle exceptionnel. Et il a su... partager cette conviction autour de lui et donc faire que le gouvernement français place l'aérospatiale dans des bains privés, en fait, dans les siennes. Et c'est ce qui a permis la création ultérieure d'EADS. Jamais EADS n'aurait été créée s'il n'y avait pas eu un partenaire privé en France pour se rapprocher des Allemands. Et ça, je voudrais tirer le coup de chapeau au passage à Lionel Jospin et à Dominique Strauss-Kade, parce qu'il fallait quand même le faire. Bon, s'ils étaient socialistes... Il fallait le faire, bon. Et alors, puisqu'on était tous ensemble dans la même vision, ensuite on a pu mobiliser les avances remboursables pour les gros grammes, c'est-à-dire les financements sous forme de prêts remboursables en cas de succès des principaux programmes d'Airbus, et notamment de l'air 380. Et puis on avait une mentalité de vainqueur, quoi. Bon, pour aplanir toutes les difficultés, surmonter tous les obstacles. convaincre Bruxelles d'accepter les financements dont j'ai parlé tout à l'heure. Il y avait vraiment tout un concours entre le gouvernement français, l'Elysée, la chancellerie allemande au service du projet Airbus. Ça avait pris une nouvelle dimension, mais ça existait déjà avant. Il faut rappeler le rôle éminent que... Le ministre président de Bavière, Franz Josef Strauss, avait pris dans les années 70 au lancement des avions A300, A310, aux côtés de la France de l'époque, celle de Pompidou, etc. Mais là, on a retrouvé 20 ans plus... Oui, 30 ans après, un nouveau souffle pour passer à une nouvelle étape.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, si je tire un petit peu le trait, c'est que votre vision, c'est que sans un capitaine d'industrie comme Lagardère, qui a insufflé ça, qui a poussé, qui n'a pas lâché, ça ne serait pas sorti. C'est-à-dire qu'un projet étatique ou para-étatique ou européen ne serait pas né par la Commission.

  • Speaker #0

    On pourra peut-être en parler plus tard, mais c'est ce qui manque quand on réfléchit aux manières de faire des Airbus dans d'autres domaines. Il manque des incarnations, des entrepreneurs qui incarnent un projet de manière forte. de manière forte. Alors, Lagardère, lui, il l'a incarné avec Philippe Camus, Jean-Louis Gingorin, moi. Bon, Lagardère, il avait une qualité essentiel chez un chef d'entreprise. Je vais paraître ibodeste puisque je suis dans la liste. Mais il savait bien s'entourer. Il savait s'entourer. C'est un homme qui savait juger les autres et s'entourer. Et Il a su accepter, par exemple, une structure à deux étages dans EADS, avec le niveau actionnarial qui était le sien et le niveau des patrons exécutifs, le niveau d'Airbus. Bon, ça ne lui plaisait pas trop. Lui, il avait l'habitude d'être le patron de tout. Mais là, il a su. Bon, malheureusement, ce qu'il n'a pas su bien faire, c'est que quand il est mort en 2003... rien n'était trop préparé pour la suite je parle pas en général mais dans le domaine industriel dans le domaine des... et son groupe s'est rapidement dégagé de l'ADS ce qui est à mes yeux on a perdu le capitaine d'industrie quand même vraiment on a perdu bon

  • Speaker #1

    C'est un point qu'on a abordé plusieurs fois. C'est cette notion de distinction des rôles entre, on va dire, un président et des DG. Et en l'occurrence, c'est un peu la gouvernance que vous aviez mis en place. C'est-à-dire qu'évidemment, il restait très impliqué. Il était dans toutes les décisions stratégiques, etc. Mais il s'était entouré de deux bras droits. Et d'ailleurs, c'est un peu comme ça qu'il avait vu sa succession avec vous, que le record est pris la partie industrielle, et c'était Camus qui devait prendre la partie des médias, si mes souvenirs sont bons.

  • Speaker #0

    C'est ce qu'on a dit, oui, c'est ce qu'on a dit, je crois que c'est vrai. Bon, ça n'a pas été le cas. Non, ça n'a pas été le cas. Ça n'a pas été le cas. Mais alors, dans le groupe ADS, oui, c'était cette forme de gouvernance qui marche très bien, qui a été appliquée, par exemple, dans un autre groupe que je connais très bien, qui est Schneider Electric, parce que je suis ami de très longue date avec Henri Lachman. c'est distinction des étages et je pense que c'est bien. Ça évite une trop grande personnalisation du pouvoir et que ceux qui ont les manettes, ça leur monte à la tête.

  • Speaker #1

    Et ils vous laissaient vraiment diriger ? Parce que quand on... Enfin, de loin, la personnalité d'un Jean-Luc Lagardère, on avait l'impression vraiment que c'était quelqu'un qui était aux manettes, qui dirigeait, etc. Ils vous laissaient carte blanche pour dire comment ça se passait, les décisions avec vous, parce que vous aviez quand même toute la direction des opérations, etc. Quand vous n'étiez pas d'accord avec lui, comment ça se passait ?

  • Speaker #0

    C'était rare de ne pas être d'accord avec lui. On parlait. On parlait beaucoup. D'abord, c'était un homme qui travaillait à l'oral. Beaucoup. Et vous passez sur le grill, et vous repassez, et vous posez plusieurs fois les mêmes questions. Parfois même, il faisait un peu l'âne, pour voir si vous alliez...

  • Speaker #2

    Pour ne pas tomber dans le piège.

  • Speaker #0

    Il ne fallait pas tomber dans le piège. Puis une fois qu'on avait fini... la discussion, il vous disait bon, voilà ce que je pense. Bon, maintenant, vous faites ce que vous voulez. Et alors là, on savait qu'on pouvait effectivement faire ce qu'on voulait. Mais enfin, si c'était le contraire de ce que lui avait dit,

  • Speaker #2

    c'était possible,

  • Speaker #1

    mais il fallait mieux réussir. C'était un petit oui, quoi. Ok, ok. Non, mais ça veut dire qu'il vous le laissait, quand même.

  • Speaker #0

    Ah oui, oui, oui.

  • Speaker #1

    Non, c'est intéressant. Tout à fait. On parle des leçons de management, forcément. Dans toute cette carrière, vous avez eu à gérer des profils, des égaux. Comment on gère les égaux ?

  • Speaker #2

    Et combien de personnes aussi dont on parle ? Ça va faire du monde.

  • Speaker #0

    Quoi ?

  • Speaker #2

    Là, à l'époque,

  • Speaker #0

    vous étiez 110 000 au départ. Ah oui, il y avait un peu de monde. Alors, bon, c'est vrai, c'est un peu le chapitre des leçons de comportement dans ce genre de situation. Alors, dans les négociations, d'abord, sur les répartitions industrielles, il faut d'abord bien connaître son interlocuteur pour analyser sa personnalité. et son objectif réel dans la négociation. Par exemple,

  • Speaker #2

    il arrivait fréquemment qu'en ayant une petite concession de face, on pouvait obtenir des choses plus importantes.

  • Speaker #0

    Les visions industrielles de Lagardère et de Schrempf, par exemple, étaient quand même assez différentes, Schrempf étant plus financier. Il fallait bien essayer de comprendre les motivations. profondes de chacun pour anticiper les points de friction. Alors en cas de friction, que faire ? En cas de friction, il ne fallait pas avoir trop d'égo. C'est-à-dire pas se dire, bon j'ai ça, j'y tiens un mordicule, je tape sur la table, parce que ça pouvait aboutir à de réels blocages. Par exemple, si on avait dit, non, faire un 50-50, on n'accepte pas, bon, c'était fini, il n'y avait plus qu'à aller se... se rhabiller. Donc, pas avoir trop d'égo. Si un conflit d'égo apparaissait, tout faire pour le désamorcer. Généralement, quand même, ça a été le cas. C'est-à-dire que in fine, le succès des revues, c'est quand même beaucoup dû au fait que les gens ont mis l'intérêt collectif au-dessus des orgueils nationaux. Il fallait des fois savoir débrancher un collaborateur qui...

  • Speaker #1

    Ça, ça arrive.

  • Speaker #0

    Oui, qui m'avait pris le drapeau trop haut. J'ai dit, écoute, s'il te plaît, passe à autre chose. Parce que là, ça ne va pas. On va au casque.

  • Speaker #1

    Et dans notre échange, il m'a dit quelque chose qui m'a marqué. C'est qu'il fallait aller vite souvent. Quand on voit une situation qui commence à dégénérer, le succès, c'est d'aller vite. Parce qu'après, ça gangrène.

  • Speaker #0

    Le succès d'aller vite, c'est tenir des propos de vieux. Mais ce qu'on ne sait plus faire du tout. tout dure maintenant des temps absolument infinis, mais nous on décidait dans la semaine. Voilà, bon. Alors, il fallait, quand c'était nécessaire pour désamorcer un conflit d'égo, trouver des compromis. Mais alors, il y a un message très important que je voudrais passer à nos auditeurs, c'est particulier aux jeunes. On doit faire des compromis.

  • Speaker #1

    dans ce genre de situation.

  • Speaker #0

    Mais il y a des compromis qu'il ne faut pas faire, en aucun cas. Et c'est là que c'est difficile, parce qu'il faut entrer en soi-même et se dire, est-ce qu'on est sur un sujet essentiel ou pas ? Si on n'est pas sur un sujet essentiel, on va pouvoir faire tous les compromis possibles et imaginables. Mais si on est sur un sujet essentiel... Il ne faut pas le faire. Pourquoi est-ce que la A380 a été en retard et en 2006 on a découvert un retard ? On avait fait un parcours sans faute du lancement au premier vol. Donc les équipes de développement avaient fait un travail formidable. Formidable. Et l'équipe système de Toulouse, formidable. A l'époque, Jürgen Thomas, que j'ai cité tout à l'heure, avait passé la main à Charles Champion, un grand ingénieur français. Bon. Et voilà, 2006, crise, crise en bourg. Crise sur l'aménagement intérieur des avions. Alors la répartition industrielle qu'on avait prévue prévoyait que l'avion nu s'envolait de Toulouse pour aller en bourg, se faire aménager l'intérieur. Et voilà que... les aménagements électriques se seront avérés pas du tout à l'heure, ils n'y arrivaient pas. Et ça a mis le programme en retard de presque deux ans, cette affaire d'aménagement électrique. Or c'est en partie de ma faute, en partie seulement. Car en 2002, il y avait eu un important débat interne sur les outils logiciels qui devaient être utilisés précisément pour l'aménagement électrique. Les ingénieurs français avaient des outils très up-to-date et qui marchaient très bien. Les ingénieurs allemands avaient des outils beaucoup moins avancés. Beaucoup, beaucoup moins avancés. Les ingénieurs français, c'était du Dassault Systèmes, et les ingénieurs allemands, des Katia, et des dérivés, des prolongements de Katia. Et en Allemagne, c'était pas ça. C'était très en retard. Et en 2002, il y a eu un conflit entre mon adjoint de l'époque et moi. Moi, je voulais généraliser les outils français à l'Allemagne. Et il m'a dit, non, on prendra plus de risques si on change d'outil. Il vaut mieux continuer avec les outils qu'on a. Ça prendra peut-être plus de temps, mais c'est plus sûr. Et là-dessus, j'aurais dû donner ma démission. J'aurais dû sentir que c'était un point vital. Et je vais lui dire non. Alors, il aurait escaladé le problème au niveau des actionnaires. Les actionnaires m'auraient appuyé ou désavoué. Je ne sais pas. Tant que la gardière était vivante, je crois qu'ils m'auraient appuyé. Mais je sentais bien que c'était important. Je n'ai pas senti assez pour mettre tout mon glaive dans le balance, tout mon poids. Et donc, j'ai fini. Alors, on a joué et il me disait mais t'inquiète pas. J'ai fini par me persuader. contre mon instinct, que ça allait marcher. Et donc on est parti là-dessus, et il y a eu, vous allez dire une catastrophe, enfin une crise quand même très importante en 2006, Le caractère erroné des outils de logiciels d'aménagement électrique utilisés à Hambourg est apparu. Et le coup d'envoi au redressement de cette situation a été donné par Christian Streff. qui a fait un passage de quelques mois à Réus, qui a sauté sur le problème et a tout de suite pris des mesures absolument énergiques pour redresser la chose.

  • Speaker #2

    Donc du coup, eux, ils ont changé de logiciel.

  • Speaker #0

    Ah ben ils ont changé de... logiciels. Ils ont fait trois ou quatre ans trop tard, ce qui aurait dû être fait beaucoup plus tôt. Et donc, tout compromis n'est pas... Tout compromis n'est pas bon à faire. Et il faut se laisser en partie guider par son instinct.

  • Speaker #2

    Oui, et à ce niveau-là, il y a des niveaux de pression aussi qui sont extrêmement forts. On ne peut pas être à votre place à ce moment-là. La pression doit être très très forte pour décider si c'est A ou si c'est B.

  • Speaker #0

    La pression était très très forte. C'était difficile pour moi, CEO d'Airbus, d'imposer ma vue à mon adjoint qui était COO, qui dirigeait les opérations. Vous ne pouvez pas le perdre non plus ? Et qui me disait non, ça va marcher et le risque on le prendra si on change. Néanmoins, sur ce point, j'ai sûrement fait d'autres erreurs, mais c'est l'erreur la plus flagrante qui m'apparaît dans ce que j'ai fait contre Thierbus.

  • Speaker #1

    Oui, parce que ce qu'on a du mal à mesurer, c'est les conséquences en chaîne que ça apporte. Parce qu'en fait, on a l'impression qu'on aurait pu utiliser Katia ou un autre logiciel. Enfin, les Français auraient pu mettre leur logiciel, mais on ne l'a pas fait. Et donc, du coup, ça a entraîné tout un tas de choses. Donc, ça a eu des conséquences en chaîne. dans la durée et qui, à la fin, font qu'on a un vrai problème stratégique si la 380 sort avec deux ans de retard ou trois ans de retard.

  • Speaker #0

    Oui, absolument. Ça n'a pas mis le programme vraiment en péril à l'époque, mais enfin, ça a coûté de l'argent. Puis ça a abîmé quand même un peu l'image de maîtrise qu'on avait donnée jusqu'à présent.

  • Speaker #1

    Julien, est-ce que tu veux lancer la dernière partie ?

  • Speaker #0

    Alors, j'avais peut-être encore une chose. Alors, avec plaisir.

  • Speaker #1

    Noël, il faut y aller, c'est le moment.

  • Speaker #0

    J'avais peut-être encore une chose à dire, puisqu'on essaie de tirer les leçons de management de toute cette période. Il y a un point très important, et ça la garderie excellait. Et moi j'ai eu à le faire dans un contexte européen, international. Il faut mettre en situation les talents. Les talents dans un rapprochement international, il y en a. Il y en a partout, dans toutes les nationalités. Il y avait de très grands talents allemands. J'ai cité Jürgen Thoma, tout à l'heure, qui a dirigé la 380. Et ça, les gens qui ont beaucoup de talent... Il faut vraiment les mettre en situation opérationnelle, quelle que soit leur nationalité.

  • Speaker #3

    Ce que vous voulez dire, c'est leur confier des projets.

  • Speaker #0

    Leur confier des projets.

  • Speaker #2

    C'est très ambitieux.

  • Speaker #3

    Peu importe. Lui, c'est un talent, il faut lui confier un projet.

  • Speaker #0

    Absolument. Alors, le problème, c'est d'asseoir son jugement sur les gens. Alors, moi, je suis un peu de la vieille école, je pense beaucoup à l'importance du... Mais bon, des fois, ça ne suffit pas. Il faut que le jugement sur les gens, ce soit un petit peu sur des jugements collectifs. C'est rare que la vox populis se trompe complètement. Quand dans une boîte, un type a une super réputation, que les gens, les équipes disent « ça c'est un mec formidable » , généralement c'est vrai. Donc il faut aller un petit peu, voilà, prendre le pouls. des uns et des autres. C'est comme ça, quand j'ai été confronté au fait que Jürgen Thomas, à cause de l'âge, devait quitter la 381, que j'ai sélectionné Charles Champion, ce qui s'est révélé un très très bon choix, car il n'a été compromis en rien, lui, dans les difficultés électriques. Mais c'est un vrai travail pour le dirigeant dans une situation comme ça. que d'arriver à repérer et à sélectionner les agents, les talents et ensuite confronter son gisement.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que dans beaucoup de projets de croissance qu'on voit, on a ce qu'on appelle des build-up, c'est-à-dire des acquisitions. Quand des acteurs français veulent s'internationaliser, souvent ils le font par rachat. Comment on fait ? C'est-à-dire que concrètement, vous, quand vous êtes rapproché de ces équipes, vous avez fait le tour, parce que vous êtes quand même très haut placé. Comment vous pouvez avoir une vue sur les N-2 ou les N-3 pour savoir qui va être intéressant de garder ? Parce qu'avant de pouvoir se faire, de pouvoir avoir ce feeling et de se dire, bon, je pense qu'il est bien, comment on fait concrètement ?

  • Speaker #2

    Surtout dans un groupe de 110 000 personnes.

  • Speaker #0

    Moi, je pense que gérer un grand groupe, il faut être sans arrêt dans un état d'esprit de scanner. c'est-à-dire couvrir tout le sang pour qu'il n'y ait pas quelque chose de majeur qui vous échappe, et carotter, c'est-à-dire aller au terrain, aller au terrain par échantillon, et là se faire une opinion en parlant aux gens, sur le terrain.

  • Speaker #2

    Un exemple, c'était descendre dans les usines ? Oui,

  • Speaker #0

    c'était descendre dans les usines. en étant bien à l'écoute, en scannant, etc. Savoir que, oh, je ne sais pas, à Saint-Nazaire, tiens, ça serait intéressant d'aller à Saint-Nazaire. Comme ça, il y a une espèce d'intuition qu'il peut y avoir quelque chose qui s'y passe. Et voilà, à mon avis, c'est ce qu'il faut faire.

  • Speaker #1

    Carottage, c'est intéressant comme concept.

  • Speaker #0

    Oui, oui, scanner et carotter, c'est ce que mon expérience m'a appris. et puis, alors il y a un point important aussi quand même, bon, la vie industrielle d'un groupe de la taille d'Airbus est faite aussi de, il y a des crises même si on essaie de les amorcer il y a des crises, il faut être résilient il ne faut pas se casser sous la table dès qu'il y a quelque chose qui se passe, il faut arriver à passer les crises Avec résilience, sans casser trop de vaisselle. C'est-à-dire maintenir l'essentiel, mais ne pas... Comment dire ? Casser la machine, antagoniser les gens.

  • Speaker #2

    Faire des choix trop brutaux.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, on a le temps de désamorcer certaines situations. Ce ne doit pas être si simple qu'on veut bien le croire.

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas du tout simple. Et puis, il faut savoir quelles situations il faut désamorcer et lesquelles il faut aller jusqu'au conflit parce que c'est trop important.

  • Speaker #2

    C'est une bonne transition vers une partie qu'on a l'habitude d'aborder sous l'angle entrepreneurial et qui se fait très bien ici, qui est un peu le next game. C'est-à-dire qu'on en a parlé un petit peu tout à l'heure, mais il y a cette idée sous-jacente régulièrement abordée d'essayer de répliquer le modèle Airbus sur d'autres domaines d'activité pour l'Europe. On l'a vu dans les échanges qu'on a eus qu'en partant d'une intuition... entreprenariat industriel couplé à de la politique et à une éducation exceptionnelle, on est capable de battre un géant américain. Ça fait longtemps qu'on n'a pas entendu ça par ailleurs.

  • Speaker #1

    Dans la tech, notamment,

  • Speaker #2

    on n'a pas réussi. Et aujourd'hui, le géant, il est peut-être plus américain et probablement chinois. Aujourd'hui, tous les regards se disent comment faire pour y arriver. Il y a eu cette volonté qu'on a vue là. Si on échange, c'est un peu une discussion fiction, mais selon vous, ça serait quoi les domaines qui seraient adaptés à faire ce géant européen en appliquant peut-être les recettes qu'on a là. Alors peut-être qu'on va discuter. Finalement, il n'y a peut-être plus de capitaine industrie, donc on ne va peut-être pas y réussir. Mais peut-être, déjà la question,

  • Speaker #0

    c'est ce qu'il y a des domaines qui vous intéressent. Peut-être qu'on n'est pas des billes. Bon, il y a quand même... En Europe.

  • Speaker #2

    Oui, en Europe.

  • Speaker #0

    Et en Europe en général, il y a des entrepreneurs. En France, il y a des ingénieurs. Moi, je suis admiratif du système d'école d'ingénieurs français. Je pense, franchement, qu'on n'a rien à envier au MIT ou à Stanford. On sait à la fois former des gens d'un niveau élevé qui sont des grands ingénieurs qui vont se voir diriger des entreprises. avec, à mon avis, un plus gigantesque par rapport aux purs administratifs, aux managers. Et puis, nos écoles, elles forment ça, et elles forment aussi des spécialistes, absolument pointus d'un domaine où il y a trois personnes dans le monde qui savent,

  • Speaker #3

    et on sait former ces gens-là aussi.

  • Speaker #0

    Alors, je crois que le niveau de nos ingénieurs doit nous donner vraiment confiance dans nos possibilités. La France a quand même bien d'autres atouts. Le coût de l'énergie, à condition que le prix reflète le coût de l'énergie.

  • Speaker #2

    Autre débat. Autre débat.

  • Speaker #0

    Les filières industrielles. Je suis probablement un gars, mais je crois beaucoup aux filières. Pourquoi ? Pour moi, une filière, c'est De Gaulle, à l'époque, qui dit à quelqu'un, Guillaumat par exemple, tu vas me développer l'industrie pétrolière. Voilà le résultat, je veux être dans 5 ans, et voilà les moyens dont tu disposes. Ou le nucléaire. Évoque la galère, on a une filière, une mission. un homme en charge des budgets. Ça me paraît beaucoup plus efficace pour un pays que l'Irlande, on met un milliard et puis on réunit un comité tartemus avec tout le monde, alors où est-ce qu'on va les mettre ? Alors chacun défend son truc, à la fin on pose saupoudre un petit peu. Pour moi, France Industrie, c'est... Un petit peu ça, même si les gens qui gréent ce dispositif sont tous extrêmement estimables. Bon, on a aussi quand même des mécanismes de soutien en France à l'industrie qui sont... C'est intéressant, comme le crédit d'impôt cherche. Il avance remboursable pour les avions. Mais j'aimerais bien qu'il soit plus focalisé sur des filières.

  • Speaker #1

    Il y en a eu récemment. C'est vrai que ça ne me vient pas en tête.

  • Speaker #2

    Comment ?

  • Speaker #1

    Il y en a eu récemment, des filières qui ont été lancées, non ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, par exemple, sur le nucléaire, trop ce qui se passe. Bon, alors le nucléaire... Bon, le nucléaire. Alors, vous me demandez quel secteur on pourrait essayer d'appliquer la démarche Airbus. Bon, le nucléaire, ça me paraît la première évidence, parce que c'est vraiment un domaine dans lequel on a été au premier rang mondial. On savait tout faire. Bon, on a été visionnaire dans les années 60, il faut quand même dire. C'était un peu Pompidou et puis surtout Giscard. Bon, là, quand même, chapeau. Alors, et puis, le nucléaire reprend de l'élan après une période de valsicitation, et on doit s'organiser pour contrer les géants américains et russes. Bon, on a énormément perdu en compétence dans les 20 ans de valsicitation qui ont eu lieu à cause des psychologistes et de la complaisance politique. à l'égard des écologistes. Mais cette filière, il faut la reconstituer. Et il faut l'incarner. Aujourd'hui, l'incarnation naturelle, c'est le président d'EDF. Puisque EDF... a repris la filière nucléaire. Pour moi, c'est un peu bizarre. C'est comme si Air France avait absorbé Airbus. Mais enfin, c'est comme ça. C'est comme ça. Et voilà.

  • Speaker #3

    On ne va pas voler très loin.

  • Speaker #0

    Je ne dis pas que ça ne va pas marcher, mais ça me paraît la première filière à laquelle on peut...

  • Speaker #2

    Ça permet d'être face à... Politiquement, à les Etats-Unis, à la Russie, on retrouve ce niveau-là.

  • Speaker #3

    Et on y est arrivé. Oui,

  • Speaker #1

    et puis ça crée des écoles, ça crée des génies en maths. C'est tout un écosystème qui se relance derrière.

  • Speaker #3

    Tout un écosystème. Ce qui est un peu dommage dans cette filière-là, c'est qu'on l'a beaucoup délaissé, vous l'avez dit, notamment par les écologistes. Et c'est né du mouvement de l'Allemagne, avec Schröder, etc. On sait bien ce qui s'est passé. Merkel, surtout. Oui, Merkel. Après, c'est par Gazprom, etc. Et on voit toutes les conséquences. Ce qui est un peu dommage, c'est que toutes ces compétences, elles existent ou elles sont parties, et beaucoup aussi en Chine, parce qu'on a été développé... Les bateurs notamment, tout ce qui est matématique. Et donc en fait, il y a quand même toute une filière à reconstruire, parce qu'on a perdu, même au niveau de la maintenance d'ailleurs. Donc il y a quand même toute une filière à reconstruire, mais ce que vous dites, c'est qu'on a les bases, on a été très fort, donc à privilégier en priorité.

  • Speaker #1

    Oui, oui,

  • Speaker #0

    à mon sens.

  • Speaker #1

    Il y a de la défense, on dirait qu'il se relance un peu en ce moment.

  • Speaker #0

    Alors, on a la défense. bon, je ne crois pas qu'on ait perdu trop de compétences parce qu'on a eu aussi de politique depuis très longtemps, de rester présent sur tous les fronts technologiques avancés. Alors évidemment, on a une politique d'échantillonnage, mais on a à peu près des échantillons partout.

  • Speaker #3

    On a des beaux sous-marins et des beaux avions de chasse.

  • Speaker #0

    On a des beaux avions de chasse, oui, tout à fait.

  • Speaker #2

    Donc le nucléaire, ça sera un secteur prioritaire. Vous en voyez d'autres ? Nucléaire civil ?

  • Speaker #3

    Est-ce qu'on a parlé du nucléaire, mais nucléaire civil ?

  • Speaker #0

    Ah, civile, oui, oui, oui, je parlais du nucléaire civil. Je parlais du nucléaire civil. Le reste, le nucléaire de défense, c'est le gaz qui continue son chemin.

  • Speaker #3

    Oui, on est plutôt pas mauvais.

  • Speaker #0

    Bon, il y a... J'ai l'impression qu'on a quand même en France une très bonne école de mathématiciens et sur l'intelligence artificielle, le cloud, face au GAFAM, quand je vois une entreprise comme Mistral... Je ne les connais pas du tout, les gens de Mistral, mais d'après ce que j'en entends dire, chapeau. C'est vraiment quelque chose sur lequel il faudrait capitaliser. Mais alors, il ne faut pas être petit bras. Les besoins de financement qu'on prête à Mistral, c'est quelques milliards, mais les autres, ils mettent des centaines de milliards aux États-Unis. Donc, si c'est devenu une véritable priorité européenne. devrait pouvoir réunir quand même des moyens européens, plus importants, peut-être aussi dans le domaine des semi-conducteurs, face à Intel, à TSMC, à AMD, à Micron Technology.

  • Speaker #1

    Apple aussi qui en font maintenant. Oui,

  • Speaker #0

    on a quand même des éléments.

  • Speaker #3

    Parce que c'est une finiaire stratégique. On ne serait peut-être pas compte tenu de l'évolution notamment des américains et des chinois sur le sujet on serait peut-être pas les mieux placés mais en tout cas si c'est une filière stratégique il faut qu'elle le soit et qu'on y mette les moyens on avait les microprocesseurs aussi à un moment donné qui sont en France je sais plus comment ça s'appelle la

  • Speaker #2

    question c'est quels sont les freins en fait parce que je pense que les domaines peuvent être assez bien identifiés mais qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui il n'y a plus cette réunion politique industrielle et d'exécution qui se met en place

  • Speaker #0

    Je pense que le pouvoir ne se sent pas légitime à désigner un homme une mission. Il préfère afficher les moyens, limiter d'ailleurs qu'on a vu la situation budgétaire lamentable du pays, préfère assuffler les moyens et puis distribuer. Mais qui osera dire toi je te confie cette mission et on ira au résultat dans quelques temps parce qu'il y a... Je crois que nos dirigeants politiques sont sans arrêt soumis à des risques d'accusation, de favoritisme, de soucis de cela. Mais enfin, il y a des pas qui se font dans le domaine de l'espace. On n'est quand même pas ridicule en Europe. Je pense que le rapprochement qui s'amorce entre Thales, Aledian Space et Astrium, c'est bien.

  • Speaker #1

    Parce qu'on est quand même fort challengé par les Américains.

  • Speaker #0

    Alors vous me demandez ce qu'on avait comme... quels étaient les freins ? Je pense qu'on... bon, il y a la bureaucratie, évidemment, étatique, et je ne suis pas sûr qu'en matière de production, on ait déjà fait le saut quantique qu'a un Elon Musk imprimé, par exemple, à ses affaires. Il faut quand même reconnaître qu'il arrive à fabriquer des choses à une rapidité qui est un ordre de grandeur. D'une start-up, oui. Oui, c'est incroyable.

  • Speaker #3

    Il doit y avoir des moyens de lancer des choses qui fassent mordre la poussière aux Américains dans la durée du fait de l'euro. leurs erreurs massives de mépris de l'ESG ils méprisent tout ça alors ça paraît créer une bonne occasion on aura la chance d'avoir Rachel Delacour très bientôt qui nous en parlera, elle dit que justement ça se retournera contre eux, et d'ailleurs la plupart des grandes sociétés américaines en sont conscientes moi ce que je trouve fascinant et vous avez parlé d'Elon Musk, ce que je trouve fascinant c'est la capacité des américains à repenser des systèmes dans leur globalité Merci. J'ai écouté récemment le podcast sur Nvidia et la façon dont ils ont fait de l'extrême co-design, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas été simplement se dire qu'il faut améliorer les chips et tout le process de fabrication des composants, mais ils ont tout revu, le cloud, ils ont une capacité à revoir dans leur ensemble et ils ont battu la loi de Moore. En général, on dit on double le nombre de composants tous les 18 à 24 mois, ils ont fait x30 entre... entre les derniers openers et entre Blackwell et openers. Je trouve ça incroyable leur capacité à aller tout revoir une industrie. Mais pourtant, c'est un peu ce que vous aviez fait avec Airbus, puisqu'il fallait revoir les logistiques. C'est penser son système dans son ensemble, pas simplement une petite partie améliorée bout par bout.

  • Speaker #0

    Oui, mais même de notre temps, il y avait des challenges. Par exemple, à l'époque, je me souviens, il y avait une boîte qui s'appelait Watch Bay, qui nous challengeait sur les satellites. Ils faisaient des tout petits satellites à des coûts défiant toute concurrence. Et d'ailleurs, je crois savoir qu'Watch Bay est engagée dans un grand projet européen ces temps-ci. Est-ce qu'on a repensé à ces systèmes en matière aéronautique ? Je ne suis pas sûr. A l'époque, la grande chose, c'était de dire « Allez voir du côté de l'automobile, vous aurez des choses à apprendre. » Je ne suis pas totalement sûr. L'automobile, elle a engagé son truc aussi avec Stellantis, qui est quand même une belle fusion européenne. Stellantis, européenne et américaine, avec Jeep, Chrysler et Jeep. filiale de Chrysler. Et si l'Orlux Autica aussi, c'est quand même...

  • Speaker #3

    Oui, ça, on a eu Xavier Fontanel. Ah oui, c'est une formidable réussite. Et c'est vrai que vous avez toute une génération... Il y a un livre d'ailleurs qui le résume très bien, que j'aime beaucoup, qui s'appelle Les Grands Fauves. Je vous invite à le lire. Ça avait été toute une génération où il y a toutes ces grandes sociétés françaises qui sont nées dans l'air post-mitterrand, mais que ce soit les AXA avec BBR qui est parti il n'y a pas longtemps, mais derrière Schneider, derrière... On a parlé de Legrand, on a parlé de toutes ces grosses sociétés qui sont nées de la France, même les Air Liquide depuis longtemps, mais qui ont pris des parts de marché. On est passé de belles PME, ETI françaises à des gros groupes internationaux. C'est le moment où il y avait Bolloré aussi. C'était fantastique cette époque.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Je n'ai pas d'analyse fine à vous livrer sur les différences entre cette époque et maintenant. Je pense quand même que l'argent était plus facile. Il y a 20 ans, parce que la situation budgétaire du pays n'était pas du tout la même.

  • Speaker #1

    Et la raison dans ce qu'il dit, c'est que depuis ces années-là, il n'y a pas eu un géant du 4,40 qui a émergé sur ces dix dernières années, quand on regarde. Non, c'est toujours des boîtes qui ont 20, 30, 40 ans. Tu regardes ce 4,40, ça n'a pas bougé. Non,

  • Speaker #2

    non,

  • Speaker #0

    non, pas beaucoup.

  • Speaker #2

    Je pense que tu voudrais résumer, toi, Julien, peut-être les trois points que tu... Ouais,

  • Speaker #1

    non, là, c'est vrai que c'est délicat, mais il y a plusieurs points que j'ai retenus. Le premier qui est hyper intéressant, qu'on a évoqué plusieurs fois dans le podcast, c'est quand même la vision d'un homme qui est capable de fédérer autour de lui une équipe de top guns, on va faire une analogie avec le monde de l'avion, et qui a une vision quand même long terme d'un très gros projet industriel, c'est-à-dire qu'il ne regarde pas, comme vous l'avez expliqué, les économiques court terme, c'est-à-dire qu'il va regarder sur 5, 10, 20 ans, ce qui aujourd'hui est moins le cas en tout cas. Deuxième point, c'est cette capacité quand même à... Quand vous parliez de leadership et de management, c'est quand même d'avoir des intuitions fortes sur des paris qui sont à risque et d'aller au bout du projet. Lancer un avion comme l'A380, ce n'est pas non plus une décision. Nous qui sommes plutôt issus du monde du digital, ça nous dépasse un peu de prendre la décision de lancer un projet de 15 milliards d'euros.

  • Speaker #3

    Ce qui fait qu'il y a ton avant.

  • Speaker #1

    Oui, 20. Bon, à un moment donné, c'est aussi d'avoir cette vision stratégique sur l'évolution des marchés et ne pas se tromper. Parce qu'il y avait l'histoire du point-à-point à un moment donné. Vous, c'était le pari du hub-à-hub. Enfin voilà, il fallait faire ce pari-là. Et puis le troisième, je trouve que j'aime bien. Je ne sais pas si c'est un point de scale, en tout cas. Mais on a parlé des filières. Je trouve ça hyper passionnant, en vérité. D'avoir cette vision, de se dire, on doit relancer des filières et de recréer tout un écosystème autour de ça. Et ça aussi, c'est des projets long terme. Donc moi, ce que je retiens un peu de l'échange qu'on a aujourd'hui, c'est de faire sur... C'est pas de regarder à court terme, mais c'est vrai qu'on regarde ce qui se passe au gouvernement, on a l'impression que c'est très court-termiste. Oui,

  • Speaker #0

    mais où est l'état de stratégie ?

  • Speaker #1

    Oui, il n'y a pas de gros projet, quoi.

  • Speaker #3

    Mais ça manque aussi de capitaine d'industrie, parce que ce que vous dites, c'est que... Oui, voilà, on l'a perdu. Voilà, la gardière, il a été clé dans le fait de mettre tout le monde autour de la table, y compris les politiques.

  • Speaker #0

    Je serais étonné qu'il n'y ait pas dans les 40-50 ans aujourd'hui des... des grands capitaines d'industries capables de prendre... Je ne connais pas, moi. Je serais étonné qu'il n'y en ait pas.

  • Speaker #3

    Il y en aura. On va être optimiste. Il y en a des bons ingénieurs. On a retenu ça.

  • Speaker #2

    Exactement. Et peut-être une question. Il y a une personne que vous aimeriez qu'on invite et que vous connaissez à ce podcast qui devrait témoigner peut-être sur des périodes...

  • Speaker #3

    De notre histoire industrielle, oui.

  • Speaker #0

    Moi, je pourrais dire le patron. Je ne le connais pas. Le patron de Mistral.

  • Speaker #1

    beau pari celui-là comment ?

  • Speaker #0

    c'est un beau pari de l'inviter lui c'est la star et alors comment vous voyez comment donner une projection mondiale à ce succès ?

  • Speaker #1

    bonne question si vous m'invitez je l'installerai d'abord on a deux super invités qui sont déjà passés là merci beaucoup en tout cas pour votre temps passionnant pour les auditeurs n'oubliez pas de mettre

  • Speaker #2

    5 étoiles sur vos applications de podcast préférées, des petits commentaires. Ça remonte dans l'algorithme, ça nous fait connaître encore plus. Vous voyez, ça permet à Julien de se payer des vacances. À Paris !

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Description

Dans cet épisode, on reçoit Noël Forgeard, ancien président exécutif d’Airbus puis co-président d’EADS, au cœur de l’un des plus grands projets industriels de l’histoire européenne.

Polytechnicien, ingénieur des Mines, passé par la haute fonction publique puis par le groupe Matra, il prend part à la consolidation du spatial et de la défense européenne avant de jouer un rôle déterminant dans la construction d’Airbus SAS, tel qu’on le connaît aujourd’hui.


Au micro de Method to Scale, il revient sur une aventure hors norme :
comment l’Europe a bâti un rival de Boeing, comment se prennent les décisions qui engagent des décennies, et ce que signifie faire émerger un géant industriel dans un contexte politique complexe.

Il partage sans filtre :


  • Les coulisses de la création d’Airbus SAS

  • Comment l’Europe a rattrapé Boeing grâce à des paris technologiques majeurs

  • Les arbitrages politiques derrière un projet industriel continental

  • Le lancement du programme A380, ses ambitions et ses limites

  • Ce que les entreprises européennes peuvent encore apprendre de cette aventure


Une épopée unique, remplie d'enseignements !

Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'ai dit, Miral, si vous ne lancez pas le programme de votre côté, comme vous me l'avez laissé entendre, je suis mort.

  • Speaker #1

    La première stratégie, déjà, c'était d'être en miroir des avions Boeing,

  • Speaker #2

    de copier des mêmes lignes qu'ils faisaient, où il y avait une vision un peu différente au départ.

  • Speaker #0

    Copiez, monsieur.

  • Speaker #2

    Là, vous commencez à vouloir vous attaquer sur la gamme qui fait leur revenu, qui fait leur marge.

  • Speaker #0

    Ici, pour dire la vérité, et si Kossub en tirait des enseignements, la A380 était un semi-échec commercial.

  • Speaker #1

    2006, crise sur l'aménagement intérieur des avions.

  • Speaker #0

    J'ai mis le programme en retard de presque deux ans. C'est en partie de ma faute. Car en 2002...

  • Speaker #3

    Bonsoir à toutes et à tous. Ce soir, nous avons le plaisir de recevoir Noël Forgeart, l'ancien PDG d'Airbus. Bonsoir.

  • Speaker #1

    Bonsoir. Bonsoir.

  • Speaker #3

    Bienvenue dans l'émission. Alors, j'ai un exercice qui n'est pas évident à faire, mais je vais essayer de m'y tenir, de vous présenter avec des points saillants et des points clés. Et n'hésitez pas à me corriger si je dis des anarisques, ce qui est possible. Donc... Euh... Donc vous avez un parcours qui est rare parce qu'il est de ceux qui traversent l'État, qui traversent l'industrie et qui traversent les grandes décisions politiques dans l'histoire notamment de l'aérospatiale, aéronautique. Et du coup, vous avez un parcours qui part d'études d'ingénieur. Vous êtes diplômé de l'école polytechnique et des mines de Paris. Et vous avez débuté votre carrière dans la hausse fonction publique, mais tout de suite dans des ministères. qui derrière vont nous donner un aperçu de ce qui veut arriver dans votre carrière, donc au ministère des Transports et au ministère de la Défense, puis au ministère de la Défense. En 1986, vous devenez même le conseiller industriel auprès du premier ministre de l'époque, un certain Jacques Chirac, et donc ça c'est pour la partie État. Puis vient le temps de l'industrie. Vous rejoignez d'abord le domaine de l'acier avec Usinor, ce qui n'est pas de bêtise, puis Matra, avant d'être nommé directeur général du groupe Lagardère. Et là, nous sommes en 1992. Cette période est décisive parce que pour se projeter, c'est une époque où il y a de la consolidation européenne qui se fait, il y a de la coopération, de la collaboration sur des sujets vraiment stratégiques. Quand on le regarde aujourd'hui, on se rend compte que le monde a changé, on y reviendra dans le podcast, notamment sur la partie satellite, sur la partie missiles tactiques. Il y a des sociétés qui se créent à ce moment-là qui sont Matra Marconi Space et Matra BAE Dynamics. puis c'est la période Airbus fin 1997, nouvel étage de la fusée. Le gouvernement français propose de succéder à Jean Pierson à la tête d'Airbus Industries pour devenir finalement en 2001, on l'a dit en introduction, le premier PDG d'Airbus SS, finalement qui est la création de la société intégrée Airbus.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Alors bon, vous mettez un peu sur le même plan le parcours administrativo-politique et l'industrie, mais je suis d'abord un homme d'industrie. Tout ce que je sais en matière industrielle, si je sais quelque chose, je l'ai appris sur le temps. Je n'ai pas appris dans mon parcours antérieur.

  • Speaker #3

    Mais c'est intéressant de voir que dans le parcours antérieur, effectivement, c'est l'industrie qui vous a tout de suite botté. Vous n'étiez pas dans des bureaux administratifs. de ce point de vue-là. Donc... On est ravis de vous avoir. On a une période de l'histoire à aborder ensemble devant nous et qu'on va essayer de découper en différentes sections que Aymeric a sous les yeux. Mais je pense que je peux te laisser la main, Aymeric, pour commencer à aborder la première thématique. En fait, on essaie d'être chronologique dans cette histoire et d'arriver vers le monde d'aujourd'hui aussi et les défis qu'on a devant soi.

  • Speaker #2

    Oui, et pour que nos auditeurs se rendent un peu compte, effectivement, je pense qu'au départ, j'aimerais bien qu'on reparle de la création de l'Europe des missiles. et des satellites et de Matra. Parce qu'en fait, avant Airbus, il y a eu Matra. Et puis, vous nous parliez un peu de vos relations avec Jean-Luc Lagardère et sa vision, parce que c'est quand même au départ sa vision qu'il avait et les compromis qu'il a su faire. On peut dérouler un peu cette partie-là ? Oui,

  • Speaker #0

    bien sûr.

  • Speaker #2

    En plus, c'est une période que vous préférez. Vous aimez bien Matra et aimez bien les satellites. Oui,

  • Speaker #0

    c'est vrai. C'est ma période de cœur. À cause de Matra et à cause de Jean-Luc Lagardère. Jean-Luc Lagardère avait créé avec Marcel Sassani une vingtaine d'années auparavant des activités de missiles tactiques et de satellites. Et puis il les avait bien développés et il s'est aperçu que l'énormité des budgets qui étaient nécessaires pour faire des grands développements de missiles ou de satellites et contre les américains, l'énormité de ces budgets rendait nécessaire de mobiliser plusieurs pays européens. Et donc, pour ça, il fallait créer des opérateurs européens susceptibles de mobiliser des budgets européens. Et c'est ce qu'il a fait, puisque... Il a apporté ces deux sociétés que je dirigeais, Matra Espace et Matra Défense, à des fusions avec leurs homologues britanniques, alors surtout britanniques dans un premier temps, et allemandes. Et en faisant ça, il a fait preuve d'une remarquable clairvoyance, parce qu'il a privilégié l'intérêt, la vision à long terme, sur l'intérêt à court terme. Oui, tout à fait. Parce qu'en fait, ces sociétés, je parle de Jean-Luc Lagardère, valaient plus que leurs homologues européennes, mais c'était impossible de faire des sociétés communes autrement que sur une base 50-50. Et bien donc, il l'a accepté.

  • Speaker #2

    Gros compromis. Donc, c'était la vision qui a gagné sur le business.

  • Speaker #0

    Absolument. Alors, il y a eu des soutes quand même qui ont été versées,

  • Speaker #2

    mais ça ne compensait pas.

  • Speaker #0

    Ça ne compensait pas complètement. Et donc, alors, il a, bon, comme on était plus gros, plus profitable, il y a eu quand même des contreparties. C'est les équipes françaises qui ont assuré le management, au moins dans un premier temps. Mais il y a quand même eu de sa part un réel... Et je peux dire par exemple que, pour prendre un exemple, si ces fusions n'avaient pas eu lieu, le fameux programme Scalp Storm Sado, le missile de croisière franco-britannique dont on parle pas mal, parce qu'il a été utilisé pendant la guerre du Golfe et exporté en Ukraine récemment, et utilisé, ce programme n'aurait jamais existé. parce que ni la France ni la Grande-Bretagne ne pouvaient se le payer seuls. C'est qu'un exemple parmi d'autres.

  • Speaker #2

    Et vous à l'époque, comment vous faites pour approcher vos homologues ? Parce qu'au départ c'est des entités françaises séparées entre cette élite, les deux activités sont bien séparées. Comment vous approchez vos homologues ? Comment ça s'initie un programme comme ça ?

  • Speaker #0

    J'ai approché les gens de British Aerospace Dynamics, c'est-à-dire la partie missiles, au même moment où Jean-Luc Lagardère et son équipe proche approchaient l'état-major de British Aerospace. Et puis on les a pris un petit peu en tenaille. Et à un moment donné, j'ai pris un risque énorme parce que j'avais lancé le programme. sur la base française, mais il n'était qu'à moitié financé. Ça supposait... Ça supposait qu'on ait le financement britannique dans un deuxième temps. Alors, j'ai été voir le Chief of Defense Procurement, qui était un amiral à l'époque, et je lui ai dit, si vous ne lancez pas le programme de votre côté, comme vous me l'avez laissé entendre, je suis mort. Bon et Dieu merci ils ont lancé le programme. Je crois pas que c'était uniquement pour me sauver la mise mais ils l'ont lancé. Ce que je trouve remarquable dans ce parcours qui a été fait à l'époque sous l'autorité de Jean-Luc Lagardère c'est que ce genre de solution, aujourd'hui on en parle dans plein de domaines et elle se cherche encore dans plein de domaines. Bon par exemple dans le domaine des avions de combat ça n'a jamais pu voir le jour.

  • Speaker #1

    Je les en prends en ce moment d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Par l'encement, et dans beaucoup d'autres domaines, c'est pareil, Chasquin a continué à faire cavalier seul. Donc je peux dire qu'à l'époque, on a vraiment fait oeuvre de pionnier. Je dis on parce que j'étais évidemment pas seul. Il y avait toute une équipe.

  • Speaker #2

    Et ça s'est joué à tous les niveaux ? Parce qu'il y avait une volonté politique aussi derrière à ce moment-là ? Ou c'est vraiment Jean-Luc qui a...

  • Speaker #0

    Non, à l'époque, c'est vraiment Jean-Luc. D'accord. C'est ces hommes d'état-major qui étaient Philippe Camus, qui était ensuite le patron d'Alcatel, et Jean-Louis Gergorin qui est assez connu. Bon, ça c'était pour la partie état-major, disons, et puis moi j'étais le bras droit opérationnel, et on marchait en symbiose.

  • Speaker #2

    Et donc en fait, tout ça, ça part d'une question de budget, en se disant que les Américains ont des budgets qui sont considérables, et que de toute façon, un Français tout seul n'y arrivera pas. on sera complètement subscale voilà, d'accord en quoi ça a été les bases de ce qui s'est passé derrière avec Airbus ? c'est à dire qu'il avait déjà vous aviez déjà initié des programmes de rapprochement avec différents pays, déjà cette notion de compromis capitalistique c'est ça qui a porté les bases de la suite ?

  • Speaker #0

    alors il y a plusieurs choses je pense que quand à la fin des années 90 les gouvernements ont commencé et... Vraiment vouloir que Airbus, qui était à l'époque un groupement d'intérêts économiques, se transforme en société intégrée. Ils ont naturellement pensé à la Gardère. parce qu'il avait fait déjà ses opérations dans d'autres domaines. Et Lionel Jospin, à l'époque, a pensé à moi pour remplacer Jean Pierson, qui était atteint par la limite d'âge, à la tête du groupement d'intérêt économique Airbus Industries, qui deviendra deux ans plus tard, trois ans plus tard, la société... Mais ce n'était pas une société à ce moment-là. Ce n'était pas une société, c'était un groupement d'intérêt économique entre DASA, British Aerospace, CASA. et l'aérospatiale.

  • Speaker #2

    Et du coup, justement, si vous pouvez revenir là-dessus, parce que finalement, on commence à arriver à Airbus. Avant toute chose, il y avait plusieurs entités séparées, des Françaises, des Espagnoles, des Anglais. Comment on arrive à fusionner déjà tout ça ? Ça part dans les années 99-2000, c'est ça ? Comment on initie ce programme-là ? Donc c'est Jospin qui vient vous voir et qui vous dit... Donc là, il y a une volonté politique, pour le coup.

  • Speaker #0

    alors Ça a été une fusée à deux étages. Parce que tout le système était bloqué, parce que les protagonistes allemands, DASA, filiale de Daimler-Benz, et British Aerospace, ne voulaient absolument pas entendre parler d'un rapprochement avec l'aérospatiale, parce qu'elle était publique. Ils ne voulaient entendre parler que d'un rapprochement avec un partenaire privé.

  • Speaker #2

    Ça c'est déterminant déjà.

  • Speaker #0

    C'était sine qua non. Alors, dans ce que je dis, il n'y a pas de jugement de valeur. Ce n'est pas pour dire que... Bon, c'était comme ça. Il ne voulait qu'un partenaire privé. Alors, le gouvernement français, quand même, fait preuve de beaucoup de lucidité et de beaucoup de courage. Parce qu'il fallait donc arriver à mettre l'aérospatiale, qui était le protagoniste français, dans des mains privées. Bon, et Lagardère apparaissait une solution naturelle. puisqu'il avait déjà une projection européenne par ses sociétés de missiles et satellites.

  • Speaker #2

    Et ça, c'est toujours Jospin qui pousse ça ?

  • Speaker #0

    Alors, Jospin, Strauss-Kahn, aussi très actif.

  • Speaker #2

    Donc deux socialistes qui poussent un rapprochement vers du privé.

  • Speaker #0

    Alors, qui pousse ? Je ne pense pas qu'ils poussaient trop sur la place publique. Ils étaient plutôt dans le mode, on va se biesser. Si on ne peut pas faire autrement, on va faire comme ça. Parce que c'était quand même...

  • Speaker #2

    Non, non, mais ils ont dépassé en interne. Oui,

  • Speaker #0

    oui, oui, ils ont dépassé. Et c'est quand même assez remarquable. Alors ça s'est fait en deux temps. D'abord en 99, ou peut-être un peu avant, Aérospatial et Matra ont été rapprochés. Et en fait, la privatisation d'Aérospatial s'est faite sous le contrôle. De la gardière Matra.

  • Speaker #2

    De Matra, oui.

  • Speaker #0

    Bon, c'était donc le petit qui prenait le contrôle du gros, donc tout le monde n'était pas trop...

  • Speaker #2

    Petit privé prend le contrôle du gros public. Du gros public,

  • Speaker #0

    bon. Et ensuite, l'ensemble aérospatial Matra, qui était donc privé, s'est rapproché de Daza et de Casa. Casa, c'est l'espagnol. Et ça a été annoncé à Strasbourg fin 99, et je veux dire que ça fait vraiment ça, l'effet d'une bombe. Et les deux personnes qui ont été vraiment... instrumental dans la phase concrète de l'annonce de 99, ça a été Dominique Strauss-Kahn et Jean-Luc Lagardère et son équipe.

  • Speaker #2

    On parle de l'allemand, de l'espagnol et l'anglais ?

  • Speaker #0

    Alors, l'anglais... Alors, l'anglais...

  • Speaker #2

    Donc l'anglais c'était British Aerospace ?

  • Speaker #0

    L'anglais c'est British Aerospace. Alors... Alors, British Aerospace avait été aussi un candidat putatif au rapprochement avec Aerospatial Matra. Mais les Anglais ne voulaient en aucune façon qu'il y ait un actionnaire dans la future société qui dépasse 2-3% du capital. Pour eux, c'était la bourse. D'abord, aucun actionnaire trop important.

  • Speaker #2

    On retrouve la tradition des Anglais avec les... société cotée, et voilà. Toute cette dynamique de société cotée.

  • Speaker #0

    Et ça, Lagardère ne ne voulait pas l'accepter. C'est pour ça, en partie, qu'il s'est tourné vers les Allemands, et il avait une très bonne relation avec Jürgen Schrempf, le patron de Daimler-Benz. Et, alors, dans un premier temps, les Anglais ont été à côté, mais... Dès qu'on a eu fait l'opération franco-allemande et espagnole, on a sorti Airbus dans une filiale. Les Anglais ont apporté leurs activités d'Airbus à cette filiale et en sont devenus actionnaires à 20%.

  • Speaker #1

    Donc là, la société était officiellement née à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Alors la société était officiellement née. Il y avait donc Airbus avec deux actionnaires, EADS qui était le groupe franco-allemand-espagnol et BAE qui avait 20%. Et BAE est resté jusqu'à 2006 actionnaire à 20% d'Airbus puis a vendu ses parts. à l'EADS.

  • Speaker #2

    Et alors là, j'aimerais bien, comme pour Matra, qu'on revienne un peu, parce que là encore, il y a eu des compromis, il y a eu des compromis un peu capitalistiques, forcément, parce que les actifs apportés, les savoir-faire et les hommes n'étaient pas du tout équivalents, entre guillemets. Il y avait des compétences qui étaient différentes, peut-être un peu complémentaires. En tout cas, c'est le management français qui a pris la direction de l'ensemble dans un premier temps.

  • Speaker #0

    Emery, est-ce que vous parlez d'Airbus ou d'EADS ?

  • Speaker #2

    Airbus.

  • Speaker #0

    Alors, d'Airbus, oui. Bon, les équipes françaises de Toulouse étaient vraiment la force vive du nouvel Airbus. Quand on juxtaposait, ensuite on intégrait les gens du groupement d'intérêts économiques Airbus Industries, les gens d'aérospatial et notamment le bureau d'études d'aérospatial qui était d'une formidable qualité, et bien bon Il n'y avait pas photo. Il n'y avait pas photo. Néanmoins, la fusion a eu lieu sur une base de parité capitalistique, parce qu'elle ne pouvait pas avoir lieu autrement. Mais il a été convenu que le premier patron de la société intégrée Airbus serait français. Et donc, ça a été moi.

  • Speaker #1

    C'est des négociations compliquées à ce moment-là, pour se mettre d'accord sur une table capitalistique ? Ou ça se fait naturellement ?

  • Speaker #0

    Je dirais ni l'un ni l'autre. C'était pas compliqué. Ça pouvait pas être fait autrement. C'était comme ça. C'était paritaire avec les Allemands ou bien ça n'était pas. D'accord. C'est pas le choix. C'est pas le choix.

  • Speaker #2

    Et là, vous aviez aussi une gouvernance avec deux CEOs de mémoire. Il y a le français et l'allemand. Comment après, vous avez opéré ?

  • Speaker #0

    Dans Airbus, non.

  • Speaker #2

    Non, dans Airbus, c'était au-dessus.

  • Speaker #0

    Dans Airbus, il y avait un seul CEO, c'était moi. J'avais un adjoint, mais en fait, il était adjoint. Et en revanche... Dans EADS, la maison mère, il y avait deux co-CEO, donc deux directeurs généraux. Le premier côté français étant Philippe Camus. Et au-dessus, il y avait deux co-chairmen, Lagardère et Manfred Bischoff qui représentaient Dembner. D'accord,

  • Speaker #2

    donc il n'y avait pas les Espagnols dans la représentation du TU.

  • Speaker #0

    Si, dans le conseil, il y avait les Espagnols,

  • Speaker #2

    bien sûr. Mais la direction, si I.O. au-dessus, c'était vraiment un Français et un Allemand.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Mais les Espagnols, il y avait un comité exécutif, bien sûr, qui comprenait toutes les nationalités, choisi en principe selon le mode du plus compétent pour avoir cinq jobs, et les Espagnols étaient là.

  • Speaker #2

    Julien, est-ce que tu veux te lancer là ? Parce qu'en fait, toute cette histoire a un intérêt, parce qu'en fait, et je trouve que c'est beaucoup d'actualité, c'est que vous avez réussi à casser l'hégémonie de Boeing, qui était quand même très très présent, et c'est de ça dont on a envie de discuter, c'est comment les Français et les Européens ont réussi à s'organiser pour, quelque part, un peu damer le pion, alors ça a pris du temps, mais à Boeing, qui était très établi. C'est une période en plus d'histoires que tu aimes bien, Julien, si tu veux.

  • Speaker #1

    Oui, on va en parler. Puis moi, je suis passionné d'avions. Je connais bien la gamme, pour le coup, Airbus. Donc là, le lancement officiel, ça y est, on décide de faire une ligne d'avions qui va être concurrente d'Airbus. Donc pour vous, la première stratégie, déjà, c'était d'être en miroir des avions Boeing, de copier les mêmes lignes qu'ils faisaient où il y avait une vision un peu différente au départ.

  • Speaker #0

    Copier, monsieur. Dans des gammes de capacités, de rayons d'action comparables, de faire des avions meilleurs. Non, mais c'est vrai que dans l'histoire, Airbus a avancé ses pions à peu près en face de chaque avion.

  • Speaker #2

    Il y a un peu un équivalent à chaque gamme quand même.

  • Speaker #0

    Oui, alors voilà, dans les années 70, ça a été la gamme A300, A310 qui était en face, on va dire, du 767. Et puis ensuite, il y a eu les avions moyen courrier, donc la gamme... A320 en face du 737. Alors la guerre d'A320 c'est vraiment...

  • Speaker #1

    Il y a une révolution sur le cockpit et tout ça.

  • Speaker #0

    C'est une révolution. Le glace cockpit, les commandes de vol électriques. Et c'est dû à un homme, un génie, Roger Bétheil, qui était l'ingénieur de l'aérospatiale qui a créé cette gamme. C'est à lui que tout est dû. C'est un homme dont on ne parle jamais. On va lui rendre hommage. On va lui rendre hommage. On va lui rendre hommage, il est mort il y a quelques années. Mais... Il a créé un produit, la 320, absolument incroyable, puisque aujourd'hui... C'est encore le best-seller d'Airbus. Alors après, bon, il a été... C'est le couteau de Jeannot, hein. Il a été X fois modernisé. On a tout remplacé progressivement. Mais la base était bonne. Le diamètre du fusage est toujours le même. Ça a été une intuition formidable. Qui a damé le pion au 737.

  • Speaker #1

    C'était quoi la vision produit qui a été forte ? C'était de repenser le cockpit, l'ingénierie de vol, le système électrique ? C'est quoi qui a vraiment fait la différence ?

  • Speaker #0

    Oui, alors il y a eu le système électrique, il y a eu beaucoup quand même la largeur de cabine. Parce que c'était le 737 comme la 320, c'était les avions à 6 de front, avec un seul couloir. Mais on avait quand même assez nettement plus de place dans la 320 aux épaules. Parce que le cockpit était plus large. Et ça, je crois que ça a quand même fait beaucoup dans le succès de la famille A320.

  • Speaker #1

    Et après, du coup, vous avez commencé à remonter sur des gammes de plus gros porteurs. Parce qu'il y avait le 747 qui était mythique. Je pense qu'on va arriver bientôt au moment croustillant qui était le lancement de l'A380, à mon avis, qui va bien nous passionner. Mais je m'en souviens, il y a eu la gamme des A330, A340, des quadri-réacteurs. Donc c'est comme ça que vous avez après, au fur et à mesure... remonter sur la gamme pour développer moyen et long courrier.

  • Speaker #0

    Oui, alors il y a eu la gamme des A330, A340, au moment où Boeing, de son côté, avait le 777, et puis plus tard un très bel, magnifique avion. Vous allez dire, ils n'ont pas fait d'aussi bon depuis. C'est pas en anglais,

  • Speaker #1

    ils ne nous écoutent qu'on pas.

  • Speaker #0

    Et donc, on avait toujours cet épine. On disait, ah oui, mais alors sur les très gros, Boeing a le monopole, c'est le 747, et ils se font des marges énormes dont ils se servent pour financer leurs autres développements.

  • Speaker #2

    C'est ça. C'est très intéressant ça, c'est parce qu'en fait, là vous commencez à vouloir vous attaquer sur la gamme qui fait leur revenu, qui fait leur marge, et qui finance le reste. Donc là, au départ, vous allez les chatouiller, et là vous rentrez en vous disant on va attaquer la 747 qui est un gros contributeur chez eux, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Et pourquoi d'ailleurs c'est un gros contributeur ? C'est une question de taille ou c'était juste une question de volume de vente ?

  • Speaker #0

    C'est surtout le fait que c'était un monopole, donc ils le vendaient très cher, qu'ils étaient tout seuls. Ils le vendaient à la limite de ce qu'on s'est dit, on va le casser. Rien que le fait de le casser, ça avait une valeur en soi.

  • Speaker #2

    Et en plus, ça avait une valeur de marque aussi, parce qu'ils étaient très implantés. On mettait Boeing vraiment en haut du panier parce qu'ils avaient cette gamme-là.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #2

    Donc quelque part, ne serait-ce que de sa catacasse, c'était montrer qu'on avait des capacités techniques et industrielles qui étaient capables de rivaliser.

  • Speaker #1

    Et comment justement vous prenez la décision en ce moment-là ? C'est le moment où vous prenez la décision de lancer la A380 ?

  • Speaker #0

    Alors ça a été à peu près concomitant de la création de la société intégrée d'Airbus, puisqu'on a pris la décision de lancer l'A380 fin 2001. C'était à peu près concomitant.

  • Speaker #1

    Juste par curiosité, comment ça se passe de prendre une décision pareille, de lancer un avion comme ça ? Il y a des comités, il y a un moment donné c'est une vision d'un dirigeant ?

  • Speaker #0

    Alors d'abord, il y avait... Un grand ingénieur qui a porté le projet A380, et ce grand ingénieur est allemand, il s'appelle Jürgen Thomas. C'était un homme qui était là quand je suis arrivé au GIE, il travaillait déjà des avant-projets sur l'A380. Quand j'ai pris les rênes de la société intégrée, je les ai confirmés dans ses responsabilités, et il a bâti tout le dossier de l'A380 avec les financiers. On a bâti le business plan et puis on l'a soumis aux actionnaires qui ont décidé le lancement de ce programme de 10,7 milliards d'euros à l'époque. de développement. Jean-Luc Lagardère poussait beaucoup à la roue dans le board et donc, voilà, on a fini par lancer le programme. Alors, vous savez que... Je suis ici pour dire la vérité et si possible en tirer des enseignements. La A380 était un semi-échec commercial. Puisqu'on en a vendu 251, là où on en attendait 801 000. Alors si ça vous intéresse... Alors, bon, bien sûr l'avion vole toujours. Oui,

  • Speaker #1

    parce qu'ils les ont mis en route, toutes les grosses compagnies aériennes.

  • Speaker #0

    Ils les ont mis en route, là, voilà, ils volent. Le Chandra, British, ils ont mis. Et surtout Emirates. Oui, Emirates qui perd avec son oeuvre comme ça. C'est la base de la flotte d'Emirates. Donc, l'avion est... extrêmement aimé des passagers et des compagnies aériennes qu'il exploite.

  • Speaker #1

    Une petite question, juste avant qu'on parle justement un peu de cette notion d'échec, juste le ressenti, parce que j'ai regardé les vidéos du premier vol que vous avez fait à Toulouse, j'ai lu aussi le livre du pilote d'essai à l'époque, c'est quoi le sentiment qu'on a quand on est au bord de piste et qu'on voit la première fois l'avion décoller ? Regardez,

  • Speaker #0

    une grande émotion, c'était...

  • Speaker #1

    Ça doit être quelque chose quand même.

  • Speaker #0

    C'était en avril 2005, donc déjà on avait... On a été vite, 4 ans entre la décision de lancement, même pas 4 ans, 3 ans et demi entre la décision de lancement et le premier vol, on avait été extrêmement vite, on avait tous les tripes un petit peu serrées, on était là, tous les ingénieurs qui avaient contribué au programme, Thomas que j'ai cité tout à l'heure. Et d'autres, c'était mon camarade de promotion Claude Lelay qui était aux commandes.

  • Speaker #1

    C'est le livre que j'ai lu.

  • Speaker #0

    De l'avion, bien sûr. Il a consacré toute sa vie aux essais aéronautiques. Jean-Luc Lagardère n'était déjà plus de ce monde puisqu'il est mort en mars 2003. Donc on avait convié son épouse, Betty, qui était là aussi. Et ça mêlait la fierté et l'émotion. Voilà.

  • Speaker #1

    Et pour revenir sur la notion un peu commerciale de la 380, vous disiez que ça avait été un semi-échec. Donc il y avait un volume qui avait été vendu qui n'était pas escompté. Vous l'avez pu expliquer ?

  • Speaker #0

    Oui, en fait, c'est plutôt un volume qui était escompté. Oui, c'est ça. Bon, qu'est-ce qui s'est passé ? Nos commerciaux nous avaient dit que... Le modèle hub and spoke, c'est-à-dire les très gros avions allant d'un hub à un hub.

  • Speaker #1

    À New York-Paris, par exemple.

  • Speaker #0

    Et ensuite, se déversant dans des avions plus petits, allant en faisant New York-Atlanta. Le modèle hub and spoke allait durer encore le temps d'une génération et qu'on pouvait fonder le programme là-dessus. Alors... Ce qui s'est passé, c'est que les consommateurs ont de plus en plus manifesté, et plus rapidement que prévu, leur préférence pour aller directement de Paris à Atlanta, sans passer par New York.

  • Speaker #1

    Du point à point, on appelle ça.

  • Speaker #0

    Du point à point, avec des avions plus petits. Qu'est-ce qui avait empêché... Ça, de se développer avant, c'est que les avions plus petits avaient des coûts d'exploitation au siège kilomètre plus élevés. Et que donc, il n'était pas compétitif. Sur le segment Paris-New York, il n'était pas compétitif par rapport au 747.

  • Speaker #1

    C'était encore des quadris réacteurs.

  • Speaker #0

    Donc, on avait gardé des quadris réacteurs, le 747 en l'occurrence. Alors, qu'est-ce qui s'est passé ? C'est qu'il y a eu des progrès. extrêmement rapide des avions bimoteurs en termes de coûts d'exploitation. Et ça, c'était surtout dû au progrès des moteurs. Et on est arrivé à un point où pour que la 380 est un coût d'exploitation au siège occupé kilomètre plus bas que, on va dire, un 767 ou un A330, eh bien, il fallait qu'il soit très rempli, trop rempli. Et ça a fini par faire peur à certaines compagnies, d'autant plus que c'était dans un contexte où il y a quand même eu la crise de 2001. La suite de l'attentat d'Al-Qaïda, il y a eu une profonde crise en 2003, il y a eu la crise de 2008 après, tout était un peu secoué. Alors, pendant un temps, on a pu se réfugier dans le fait que, enfin se défendre plutôt, dans le fait qu'il y avait des réglementations qui s'appellent ETOPS, qui limitaient l'usage des bimoteurs sur des routes. très très longues, sur volant. L'Atlantique, par exemple. L'Atlantique, ou les déserts. Et il ne fallait pas que les avions s'éloignent de plus d'une certaine distance d'aéroports de diversion au cas où... Il y a un incident. Il y a un incident. Les avions bimoteurs. Les bimoteurs sont devenus d'une telle fiabilité que ces distances se sont allongées de plus en plus et que pour faire un Paris-New York en bimoteur, ce n'était plus la peine de prendre la route extrêmement nord, comme on prenait avant. Vous savez, on passait au Groenland, on passait au sud de l'Irlande, au Groenland, à l'Iffax, etc. C'était plus la peine de faire ça.

  • Speaker #1

    Et avec le recul, c'est toujours plus facile de le faire après, c'était difficile de prévoir cette amélioration technique des bimoteurs. Parce qu'en fait, il y a un moment où les courbes se croisent. C'est-à-dire qu'en fait, les bimoteurs sont devenus de plus en plus performants. C'était difficile à anticiper ça, au-delà du fait qu'effectivement... Le reste a changé le point à point, etc. Sur la partie technique, c'était difficile de mesurer ça ?

  • Speaker #0

    À mon avis, on aurait pu mieux le mesurer. Mais on était porté par notre ambition. Et la volonté de Damel Pion. Et on a eu tendance, probablement, et les commerciaux d'abord, mais moi, je ne m'y suis pas opposé.

  • Speaker #1

    C'est un très beau projet. C'est un projet emblématique.

  • Speaker #2

    L'avion est mythique, de toute façon.

  • Speaker #0

    L'avion est mythique et il le restera. Donc, on a continué quand même. Le programme a coûté de l'argent Airbus. Il n'en a pas rapporté, il en a coûté. D'abord, le développement. Ça n'a pas coûté 10,7 millions d'euros, mais probablement plutôt entre 17 et 20. Bon, il y a eu moins de marge sur la série parce qu'il y a eu moins d'avions. Ça n'a pas été une secousse financière pour Airbus.

  • Speaker #2

    Vous êtes parole.

  • Speaker #0

    Ça n'a pas été une secousse financière qui met en cause la viabilité d'Airbus.

  • Speaker #2

    Par contre, les apprentissages que vous avez eus, on s'en souvient tous de la logistique qui avait été mise en place, les péniches, les ailes qu'on voyait traverser les villes. C'était incroyable. Donc tout ça, vous avez capitalisé dessus.

  • Speaker #0

    On a construit un nouvel avion Beluga pour transporter. Il vole toujours, lui. Les sections, ils volent toujours, oui. Et puis, on a fait quand même de nombreuses avancées technologiques sur la A380 qui ont permis le lancement rapide de la A350 derrière.

  • Speaker #2

    C'est un succès commercial.

  • Speaker #0

    Alors, la A350 est un succès commercial absolu. Il est arrivé en 2013. Donc, ça a été rapide et c'est un très grand succès. Et ça a bénéficié des avancées. de l'A380, notamment dans le domaine du carbone. Parce que l'A380 était le premier avion pratiquement à moitié en carbone. Et ça, on a pu le transplanter, enfin, c'était parti d'Airbus à l'époque, mais les successeurs ont pu le transplanter sur l'A350.

  • Speaker #2

    Oui, donc ce qu'on peut retenir, c'est qu'en tout cas, même si un programme qui est considéré comme un semi-échec, les apprentissages qui sont faits dessus vont servir ensuite... pour faire des produits encore plus à succès, comme ça a été le cas sur la gamme A350.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Ça aurait quand même été mieux que ça soit un succès commercial complet.

  • Speaker #1

    Mais bon, et peut-être au-delà, effectivement, de ces apprentissages techniques, est-ce que, quand même, ça a donné à Airbus une vraie crédibilité technique, une vraie crédibilité d'envergure de groupe, notamment pour des compagnies aériennes qui auraient pu hésiter, enfin, qui étaient chez Boeing, et qui, du coup, se sont dit, attendez, ils ont été capables de faire ce gros porteur. Est-ce que ça a rassuré ? Est-ce qu'on peut se dire que quelque part, ça a aidé Airbus à continuer à vendre ses hauts de gamme ?

  • Speaker #0

    Oui, incontestablement. On est vraiment devenu un grand à ce moment-là. D'ailleurs, vous rappeliez le premier vol de la 380 en 2001. C'est aussi en 2001 qu'on a été à parité pour la première fois. En nombre d'avions vendus, toutes gammes confondues. à parité avec Boeing.

  • Speaker #2

    D'ailleurs, sur chaque salon, je crois que c'est à Dubaï en ce moment, c'est toujours le concours entre le volume d'avions vendus à Boeing et le volume de vente à Airbus. Et souvent, c'est Airbus qui est devant, d'ailleurs. Mais souvent,

  • Speaker #0

    c'est Airbus qui est devant. Mais bon, les volumes, c'est une chose. Il faut aussi que ce soit des ventes rentables, et bien livrés à temps. Et Airbus a eu un passage un peu difficile pendant quelques années, mais ça va beaucoup, beaucoup mieux. Je crois.

  • Speaker #2

    Je terminerai là-dessus. Mais en tout cas, j'ai vu aussi la nouvelle gamme qui est en train d'être sortie, les A321XLR. Celui-là, à mon avis, ça va être un véritable... Alors, l'A321,

  • Speaker #0

    c'est pure merveille. Alors, c'était déjà sous le crayon de Roger Béteil que je citais tout à l'heure. Il y a déjà eu un A321. Bon, alors ensuite, la 321 Extended Range, vous vous rendez compte, c'est une merveille. Maintenant, on fait un...

  • Speaker #2

    Un Nice-New York.

  • Speaker #0

    Voilà, on fait un Nice-New York. Ma fille est arrivée l'année dernière de Boston, elle a fait un Boston-Lisbonne sur un... De la TAP,

  • Speaker #2

    ouais.

  • Speaker #0

    De la TAP.

  • Speaker #2

    Ouais.

  • Speaker #0

    Bon. Je vais être franc, moi, comme passager, je préfère les gros porteurs. Je trouve qu'on a plus de place. Enfin, au point de vue coût d'exploitation, c'est imbattable. Et donc, c'est le haut de la gamme A320. Et en bas, il y a... Alors, on avait lancé l'A318.

  • Speaker #2

    L'A220, oui.

  • Speaker #0

    Mais il y a surtout la gamme A220 de Bombardier, qui est magnifique et que Kerbus a acheté.

  • Speaker #1

    Alors, une autre partie qu'on voulait évoquer, parce que vous avez quand même une carrière très riche à la fois industrielle, politique, et puis évidemment, comme on en a parlé, des grandes aventures commerciales et stratégiques. Et du coup, de tout ce parcours, vous savez, c'est un peu la tradition dans ce podcast, on aime bien tirer quelques leçons et quelques enseignements, notamment pour les entrepreneurs qui nous écoutent. Et est-ce qu'on peut revenir avec vous sur ces enseignements ? d'un point de vue gestion des politiques, gestion de la stratégie avec des groupes différents et des pays différents, que de la gestion du leadership, des hommes, faire cohabiter tout ça. Et voilà, ça fait peut-être un bon programme.

  • Speaker #0

    Oui, vaste programme. Bon, essayez, les conseillers ne sont pas les payeurs. Alors je me garderais bien d'ailleurs de donner le moindre conseil, parce que le monde a tellement changé depuis 20 ans que je pourrais être à côté de la plaque. Enfin, si j'essaie de prendre un peu de recul et de mettre en mots quelques enseignements. Bon, à la base, il y a la vision. La vision de Lagardère, partagée par son équipe rapprochée. Et cette vision, c'est une vision d'investissement dans la durée. C'est-à-dire créer des champions, d'abord dans... Les satellites, les missiles, après les avions. Ne pas se focaliser sur les gains financiers immédiats, mais privilégier la vision à long terme sur les retours à court terme. Pour ça... Se rapprocher d'homologues européens. Même plus petit. Même imparfait.

  • Speaker #1

    J'ai beaucoup aimé, on en a beaucoup discuté ça. Savoir, intégrer, acheter, se rapprocher d'actifs imparfaits.

  • Speaker #2

    Ce qu'on entend par actifs imparfaits, c'est...

  • Speaker #0

    Bon, alors, imparfaits, bon... Je marche sur des oeufs en vous disant ça, mais enfin... Bon, par exemple, pour les avions... Bon... Le patrimoine français était quand même plus riche. Oui, et puis il y avait déjà la gamme à 300, 310. Les bureaux d'études de l'aérospatiale, c'était quelque chose. Le partenaire allemand était globalement probablement pas tout à fait au même niveau, même s'il ne se l'avouait pas. En plus, il y avait chez Daza, à l'époque, énormément de problèmes dans les usines. Énormément. Ils avaient dû lancer un programme de restitution de coûts, appelé le Mansanglant, dont je ne me rappelle plus le nom. On voit qu'il y avait un nom de code très évocateur. Et donc, Lagardère dit, il faut un de tout ça. Bon, il faut se rapprocher des Allemands. Il n'y a pas d'autre solution qu'à parité. et on le fait, et ils privilégient toujours le long terme. Bon, pareil, Casa, c'était une petite boîte quand même. Bon, ils ont eu 6% du groupe en échange de leur rapport. Bon, c'était bien. L'important, c'était de faire converger tout le monde vers l'objectif commun, un moyen long terme, même si tout n'était pas idéal au départ. Alors là... C'est là qu'il y a eu la vision industrielle de Lagardère. Lagardère qui est un homme à la mémoire duquel on ne rend pas assez hommage. Parce qu'il a quand même eu dans toute cette affaire un rôle exceptionnel. Et il a su... partager cette conviction autour de lui et donc faire que le gouvernement français place l'aérospatiale dans des bains privés, en fait, dans les siennes. Et c'est ce qui a permis la création ultérieure d'EADS. Jamais EADS n'aurait été créée s'il n'y avait pas eu un partenaire privé en France pour se rapprocher des Allemands. Et ça, je voudrais tirer le coup de chapeau au passage à Lionel Jospin et à Dominique Strauss-Kade, parce qu'il fallait quand même le faire. Bon, s'ils étaient socialistes... Il fallait le faire, bon. Et alors, puisqu'on était tous ensemble dans la même vision, ensuite on a pu mobiliser les avances remboursables pour les gros grammes, c'est-à-dire les financements sous forme de prêts remboursables en cas de succès des principaux programmes d'Airbus, et notamment de l'air 380. Et puis on avait une mentalité de vainqueur, quoi. Bon, pour aplanir toutes les difficultés, surmonter tous les obstacles. convaincre Bruxelles d'accepter les financements dont j'ai parlé tout à l'heure. Il y avait vraiment tout un concours entre le gouvernement français, l'Elysée, la chancellerie allemande au service du projet Airbus. Ça avait pris une nouvelle dimension, mais ça existait déjà avant. Il faut rappeler le rôle éminent que... Le ministre président de Bavière, Franz Josef Strauss, avait pris dans les années 70 au lancement des avions A300, A310, aux côtés de la France de l'époque, celle de Pompidou, etc. Mais là, on a retrouvé 20 ans plus... Oui, 30 ans après, un nouveau souffle pour passer à une nouvelle étape.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, si je tire un petit peu le trait, c'est que votre vision, c'est que sans un capitaine d'industrie comme Lagardère, qui a insufflé ça, qui a poussé, qui n'a pas lâché, ça ne serait pas sorti. C'est-à-dire qu'un projet étatique ou para-étatique ou européen ne serait pas né par la Commission.

  • Speaker #0

    On pourra peut-être en parler plus tard, mais c'est ce qui manque quand on réfléchit aux manières de faire des Airbus dans d'autres domaines. Il manque des incarnations, des entrepreneurs qui incarnent un projet de manière forte. de manière forte. Alors, Lagardère, lui, il l'a incarné avec Philippe Camus, Jean-Louis Gingorin, moi. Bon, Lagardère, il avait une qualité essentiel chez un chef d'entreprise. Je vais paraître ibodeste puisque je suis dans la liste. Mais il savait bien s'entourer. Il savait s'entourer. C'est un homme qui savait juger les autres et s'entourer. Et Il a su accepter, par exemple, une structure à deux étages dans EADS, avec le niveau actionnarial qui était le sien et le niveau des patrons exécutifs, le niveau d'Airbus. Bon, ça ne lui plaisait pas trop. Lui, il avait l'habitude d'être le patron de tout. Mais là, il a su. Bon, malheureusement, ce qu'il n'a pas su bien faire, c'est que quand il est mort en 2003... rien n'était trop préparé pour la suite je parle pas en général mais dans le domaine industriel dans le domaine des... et son groupe s'est rapidement dégagé de l'ADS ce qui est à mes yeux on a perdu le capitaine d'industrie quand même vraiment on a perdu bon

  • Speaker #1

    C'est un point qu'on a abordé plusieurs fois. C'est cette notion de distinction des rôles entre, on va dire, un président et des DG. Et en l'occurrence, c'est un peu la gouvernance que vous aviez mis en place. C'est-à-dire qu'évidemment, il restait très impliqué. Il était dans toutes les décisions stratégiques, etc. Mais il s'était entouré de deux bras droits. Et d'ailleurs, c'est un peu comme ça qu'il avait vu sa succession avec vous, que le record est pris la partie industrielle, et c'était Camus qui devait prendre la partie des médias, si mes souvenirs sont bons.

  • Speaker #0

    C'est ce qu'on a dit, oui, c'est ce qu'on a dit, je crois que c'est vrai. Bon, ça n'a pas été le cas. Non, ça n'a pas été le cas. Ça n'a pas été le cas. Mais alors, dans le groupe ADS, oui, c'était cette forme de gouvernance qui marche très bien, qui a été appliquée, par exemple, dans un autre groupe que je connais très bien, qui est Schneider Electric, parce que je suis ami de très longue date avec Henri Lachman. c'est distinction des étages et je pense que c'est bien. Ça évite une trop grande personnalisation du pouvoir et que ceux qui ont les manettes, ça leur monte à la tête.

  • Speaker #1

    Et ils vous laissaient vraiment diriger ? Parce que quand on... Enfin, de loin, la personnalité d'un Jean-Luc Lagardère, on avait l'impression vraiment que c'était quelqu'un qui était aux manettes, qui dirigeait, etc. Ils vous laissaient carte blanche pour dire comment ça se passait, les décisions avec vous, parce que vous aviez quand même toute la direction des opérations, etc. Quand vous n'étiez pas d'accord avec lui, comment ça se passait ?

  • Speaker #0

    C'était rare de ne pas être d'accord avec lui. On parlait. On parlait beaucoup. D'abord, c'était un homme qui travaillait à l'oral. Beaucoup. Et vous passez sur le grill, et vous repassez, et vous posez plusieurs fois les mêmes questions. Parfois même, il faisait un peu l'âne, pour voir si vous alliez...

  • Speaker #2

    Pour ne pas tomber dans le piège.

  • Speaker #0

    Il ne fallait pas tomber dans le piège. Puis une fois qu'on avait fini... la discussion, il vous disait bon, voilà ce que je pense. Bon, maintenant, vous faites ce que vous voulez. Et alors là, on savait qu'on pouvait effectivement faire ce qu'on voulait. Mais enfin, si c'était le contraire de ce que lui avait dit,

  • Speaker #2

    c'était possible,

  • Speaker #1

    mais il fallait mieux réussir. C'était un petit oui, quoi. Ok, ok. Non, mais ça veut dire qu'il vous le laissait, quand même.

  • Speaker #0

    Ah oui, oui, oui.

  • Speaker #1

    Non, c'est intéressant. Tout à fait. On parle des leçons de management, forcément. Dans toute cette carrière, vous avez eu à gérer des profils, des égaux. Comment on gère les égaux ?

  • Speaker #2

    Et combien de personnes aussi dont on parle ? Ça va faire du monde.

  • Speaker #0

    Quoi ?

  • Speaker #2

    Là, à l'époque,

  • Speaker #0

    vous étiez 110 000 au départ. Ah oui, il y avait un peu de monde. Alors, bon, c'est vrai, c'est un peu le chapitre des leçons de comportement dans ce genre de situation. Alors, dans les négociations, d'abord, sur les répartitions industrielles, il faut d'abord bien connaître son interlocuteur pour analyser sa personnalité. et son objectif réel dans la négociation. Par exemple,

  • Speaker #2

    il arrivait fréquemment qu'en ayant une petite concession de face, on pouvait obtenir des choses plus importantes.

  • Speaker #0

    Les visions industrielles de Lagardère et de Schrempf, par exemple, étaient quand même assez différentes, Schrempf étant plus financier. Il fallait bien essayer de comprendre les motivations. profondes de chacun pour anticiper les points de friction. Alors en cas de friction, que faire ? En cas de friction, il ne fallait pas avoir trop d'égo. C'est-à-dire pas se dire, bon j'ai ça, j'y tiens un mordicule, je tape sur la table, parce que ça pouvait aboutir à de réels blocages. Par exemple, si on avait dit, non, faire un 50-50, on n'accepte pas, bon, c'était fini, il n'y avait plus qu'à aller se... se rhabiller. Donc, pas avoir trop d'égo. Si un conflit d'égo apparaissait, tout faire pour le désamorcer. Généralement, quand même, ça a été le cas. C'est-à-dire que in fine, le succès des revues, c'est quand même beaucoup dû au fait que les gens ont mis l'intérêt collectif au-dessus des orgueils nationaux. Il fallait des fois savoir débrancher un collaborateur qui...

  • Speaker #1

    Ça, ça arrive.

  • Speaker #0

    Oui, qui m'avait pris le drapeau trop haut. J'ai dit, écoute, s'il te plaît, passe à autre chose. Parce que là, ça ne va pas. On va au casque.

  • Speaker #1

    Et dans notre échange, il m'a dit quelque chose qui m'a marqué. C'est qu'il fallait aller vite souvent. Quand on voit une situation qui commence à dégénérer, le succès, c'est d'aller vite. Parce qu'après, ça gangrène.

  • Speaker #0

    Le succès d'aller vite, c'est tenir des propos de vieux. Mais ce qu'on ne sait plus faire du tout. tout dure maintenant des temps absolument infinis, mais nous on décidait dans la semaine. Voilà, bon. Alors, il fallait, quand c'était nécessaire pour désamorcer un conflit d'égo, trouver des compromis. Mais alors, il y a un message très important que je voudrais passer à nos auditeurs, c'est particulier aux jeunes. On doit faire des compromis.

  • Speaker #1

    dans ce genre de situation.

  • Speaker #0

    Mais il y a des compromis qu'il ne faut pas faire, en aucun cas. Et c'est là que c'est difficile, parce qu'il faut entrer en soi-même et se dire, est-ce qu'on est sur un sujet essentiel ou pas ? Si on n'est pas sur un sujet essentiel, on va pouvoir faire tous les compromis possibles et imaginables. Mais si on est sur un sujet essentiel... Il ne faut pas le faire. Pourquoi est-ce que la A380 a été en retard et en 2006 on a découvert un retard ? On avait fait un parcours sans faute du lancement au premier vol. Donc les équipes de développement avaient fait un travail formidable. Formidable. Et l'équipe système de Toulouse, formidable. A l'époque, Jürgen Thomas, que j'ai cité tout à l'heure, avait passé la main à Charles Champion, un grand ingénieur français. Bon. Et voilà, 2006, crise, crise en bourg. Crise sur l'aménagement intérieur des avions. Alors la répartition industrielle qu'on avait prévue prévoyait que l'avion nu s'envolait de Toulouse pour aller en bourg, se faire aménager l'intérieur. Et voilà que... les aménagements électriques se seront avérés pas du tout à l'heure, ils n'y arrivaient pas. Et ça a mis le programme en retard de presque deux ans, cette affaire d'aménagement électrique. Or c'est en partie de ma faute, en partie seulement. Car en 2002, il y avait eu un important débat interne sur les outils logiciels qui devaient être utilisés précisément pour l'aménagement électrique. Les ingénieurs français avaient des outils très up-to-date et qui marchaient très bien. Les ingénieurs allemands avaient des outils beaucoup moins avancés. Beaucoup, beaucoup moins avancés. Les ingénieurs français, c'était du Dassault Systèmes, et les ingénieurs allemands, des Katia, et des dérivés, des prolongements de Katia. Et en Allemagne, c'était pas ça. C'était très en retard. Et en 2002, il y a eu un conflit entre mon adjoint de l'époque et moi. Moi, je voulais généraliser les outils français à l'Allemagne. Et il m'a dit, non, on prendra plus de risques si on change d'outil. Il vaut mieux continuer avec les outils qu'on a. Ça prendra peut-être plus de temps, mais c'est plus sûr. Et là-dessus, j'aurais dû donner ma démission. J'aurais dû sentir que c'était un point vital. Et je vais lui dire non. Alors, il aurait escaladé le problème au niveau des actionnaires. Les actionnaires m'auraient appuyé ou désavoué. Je ne sais pas. Tant que la gardière était vivante, je crois qu'ils m'auraient appuyé. Mais je sentais bien que c'était important. Je n'ai pas senti assez pour mettre tout mon glaive dans le balance, tout mon poids. Et donc, j'ai fini. Alors, on a joué et il me disait mais t'inquiète pas. J'ai fini par me persuader. contre mon instinct, que ça allait marcher. Et donc on est parti là-dessus, et il y a eu, vous allez dire une catastrophe, enfin une crise quand même très importante en 2006, Le caractère erroné des outils de logiciels d'aménagement électrique utilisés à Hambourg est apparu. Et le coup d'envoi au redressement de cette situation a été donné par Christian Streff. qui a fait un passage de quelques mois à Réus, qui a sauté sur le problème et a tout de suite pris des mesures absolument énergiques pour redresser la chose.

  • Speaker #2

    Donc du coup, eux, ils ont changé de logiciel.

  • Speaker #0

    Ah ben ils ont changé de... logiciels. Ils ont fait trois ou quatre ans trop tard, ce qui aurait dû être fait beaucoup plus tôt. Et donc, tout compromis n'est pas... Tout compromis n'est pas bon à faire. Et il faut se laisser en partie guider par son instinct.

  • Speaker #2

    Oui, et à ce niveau-là, il y a des niveaux de pression aussi qui sont extrêmement forts. On ne peut pas être à votre place à ce moment-là. La pression doit être très très forte pour décider si c'est A ou si c'est B.

  • Speaker #0

    La pression était très très forte. C'était difficile pour moi, CEO d'Airbus, d'imposer ma vue à mon adjoint qui était COO, qui dirigeait les opérations. Vous ne pouvez pas le perdre non plus ? Et qui me disait non, ça va marcher et le risque on le prendra si on change. Néanmoins, sur ce point, j'ai sûrement fait d'autres erreurs, mais c'est l'erreur la plus flagrante qui m'apparaît dans ce que j'ai fait contre Thierbus.

  • Speaker #1

    Oui, parce que ce qu'on a du mal à mesurer, c'est les conséquences en chaîne que ça apporte. Parce qu'en fait, on a l'impression qu'on aurait pu utiliser Katia ou un autre logiciel. Enfin, les Français auraient pu mettre leur logiciel, mais on ne l'a pas fait. Et donc, du coup, ça a entraîné tout un tas de choses. Donc, ça a eu des conséquences en chaîne. dans la durée et qui, à la fin, font qu'on a un vrai problème stratégique si la 380 sort avec deux ans de retard ou trois ans de retard.

  • Speaker #0

    Oui, absolument. Ça n'a pas mis le programme vraiment en péril à l'époque, mais enfin, ça a coûté de l'argent. Puis ça a abîmé quand même un peu l'image de maîtrise qu'on avait donnée jusqu'à présent.

  • Speaker #1

    Julien, est-ce que tu veux lancer la dernière partie ?

  • Speaker #0

    Alors, j'avais peut-être encore une chose. Alors, avec plaisir.

  • Speaker #1

    Noël, il faut y aller, c'est le moment.

  • Speaker #0

    J'avais peut-être encore une chose à dire, puisqu'on essaie de tirer les leçons de management de toute cette période. Il y a un point très important, et ça la garderie excellait. Et moi j'ai eu à le faire dans un contexte européen, international. Il faut mettre en situation les talents. Les talents dans un rapprochement international, il y en a. Il y en a partout, dans toutes les nationalités. Il y avait de très grands talents allemands. J'ai cité Jürgen Thoma, tout à l'heure, qui a dirigé la 380. Et ça, les gens qui ont beaucoup de talent... Il faut vraiment les mettre en situation opérationnelle, quelle que soit leur nationalité.

  • Speaker #3

    Ce que vous voulez dire, c'est leur confier des projets.

  • Speaker #0

    Leur confier des projets.

  • Speaker #2

    C'est très ambitieux.

  • Speaker #3

    Peu importe. Lui, c'est un talent, il faut lui confier un projet.

  • Speaker #0

    Absolument. Alors, le problème, c'est d'asseoir son jugement sur les gens. Alors, moi, je suis un peu de la vieille école, je pense beaucoup à l'importance du... Mais bon, des fois, ça ne suffit pas. Il faut que le jugement sur les gens, ce soit un petit peu sur des jugements collectifs. C'est rare que la vox populis se trompe complètement. Quand dans une boîte, un type a une super réputation, que les gens, les équipes disent « ça c'est un mec formidable » , généralement c'est vrai. Donc il faut aller un petit peu, voilà, prendre le pouls. des uns et des autres. C'est comme ça, quand j'ai été confronté au fait que Jürgen Thomas, à cause de l'âge, devait quitter la 381, que j'ai sélectionné Charles Champion, ce qui s'est révélé un très très bon choix, car il n'a été compromis en rien, lui, dans les difficultés électriques. Mais c'est un vrai travail pour le dirigeant dans une situation comme ça. que d'arriver à repérer et à sélectionner les agents, les talents et ensuite confronter son gisement.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que dans beaucoup de projets de croissance qu'on voit, on a ce qu'on appelle des build-up, c'est-à-dire des acquisitions. Quand des acteurs français veulent s'internationaliser, souvent ils le font par rachat. Comment on fait ? C'est-à-dire que concrètement, vous, quand vous êtes rapproché de ces équipes, vous avez fait le tour, parce que vous êtes quand même très haut placé. Comment vous pouvez avoir une vue sur les N-2 ou les N-3 pour savoir qui va être intéressant de garder ? Parce qu'avant de pouvoir se faire, de pouvoir avoir ce feeling et de se dire, bon, je pense qu'il est bien, comment on fait concrètement ?

  • Speaker #2

    Surtout dans un groupe de 110 000 personnes.

  • Speaker #0

    Moi, je pense que gérer un grand groupe, il faut être sans arrêt dans un état d'esprit de scanner. c'est-à-dire couvrir tout le sang pour qu'il n'y ait pas quelque chose de majeur qui vous échappe, et carotter, c'est-à-dire aller au terrain, aller au terrain par échantillon, et là se faire une opinion en parlant aux gens, sur le terrain.

  • Speaker #2

    Un exemple, c'était descendre dans les usines ? Oui,

  • Speaker #0

    c'était descendre dans les usines. en étant bien à l'écoute, en scannant, etc. Savoir que, oh, je ne sais pas, à Saint-Nazaire, tiens, ça serait intéressant d'aller à Saint-Nazaire. Comme ça, il y a une espèce d'intuition qu'il peut y avoir quelque chose qui s'y passe. Et voilà, à mon avis, c'est ce qu'il faut faire.

  • Speaker #1

    Carottage, c'est intéressant comme concept.

  • Speaker #0

    Oui, oui, scanner et carotter, c'est ce que mon expérience m'a appris. et puis, alors il y a un point important aussi quand même, bon, la vie industrielle d'un groupe de la taille d'Airbus est faite aussi de, il y a des crises même si on essaie de les amorcer il y a des crises, il faut être résilient il ne faut pas se casser sous la table dès qu'il y a quelque chose qui se passe, il faut arriver à passer les crises Avec résilience, sans casser trop de vaisselle. C'est-à-dire maintenir l'essentiel, mais ne pas... Comment dire ? Casser la machine, antagoniser les gens.

  • Speaker #2

    Faire des choix trop brutaux.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, on a le temps de désamorcer certaines situations. Ce ne doit pas être si simple qu'on veut bien le croire.

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas du tout simple. Et puis, il faut savoir quelles situations il faut désamorcer et lesquelles il faut aller jusqu'au conflit parce que c'est trop important.

  • Speaker #2

    C'est une bonne transition vers une partie qu'on a l'habitude d'aborder sous l'angle entrepreneurial et qui se fait très bien ici, qui est un peu le next game. C'est-à-dire qu'on en a parlé un petit peu tout à l'heure, mais il y a cette idée sous-jacente régulièrement abordée d'essayer de répliquer le modèle Airbus sur d'autres domaines d'activité pour l'Europe. On l'a vu dans les échanges qu'on a eus qu'en partant d'une intuition... entreprenariat industriel couplé à de la politique et à une éducation exceptionnelle, on est capable de battre un géant américain. Ça fait longtemps qu'on n'a pas entendu ça par ailleurs.

  • Speaker #1

    Dans la tech, notamment,

  • Speaker #2

    on n'a pas réussi. Et aujourd'hui, le géant, il est peut-être plus américain et probablement chinois. Aujourd'hui, tous les regards se disent comment faire pour y arriver. Il y a eu cette volonté qu'on a vue là. Si on échange, c'est un peu une discussion fiction, mais selon vous, ça serait quoi les domaines qui seraient adaptés à faire ce géant européen en appliquant peut-être les recettes qu'on a là. Alors peut-être qu'on va discuter. Finalement, il n'y a peut-être plus de capitaine industrie, donc on ne va peut-être pas y réussir. Mais peut-être, déjà la question,

  • Speaker #0

    c'est ce qu'il y a des domaines qui vous intéressent. Peut-être qu'on n'est pas des billes. Bon, il y a quand même... En Europe.

  • Speaker #2

    Oui, en Europe.

  • Speaker #0

    Et en Europe en général, il y a des entrepreneurs. En France, il y a des ingénieurs. Moi, je suis admiratif du système d'école d'ingénieurs français. Je pense, franchement, qu'on n'a rien à envier au MIT ou à Stanford. On sait à la fois former des gens d'un niveau élevé qui sont des grands ingénieurs qui vont se voir diriger des entreprises. avec, à mon avis, un plus gigantesque par rapport aux purs administratifs, aux managers. Et puis, nos écoles, elles forment ça, et elles forment aussi des spécialistes, absolument pointus d'un domaine où il y a trois personnes dans le monde qui savent,

  • Speaker #3

    et on sait former ces gens-là aussi.

  • Speaker #0

    Alors, je crois que le niveau de nos ingénieurs doit nous donner vraiment confiance dans nos possibilités. La France a quand même bien d'autres atouts. Le coût de l'énergie, à condition que le prix reflète le coût de l'énergie.

  • Speaker #2

    Autre débat. Autre débat.

  • Speaker #0

    Les filières industrielles. Je suis probablement un gars, mais je crois beaucoup aux filières. Pourquoi ? Pour moi, une filière, c'est De Gaulle, à l'époque, qui dit à quelqu'un, Guillaumat par exemple, tu vas me développer l'industrie pétrolière. Voilà le résultat, je veux être dans 5 ans, et voilà les moyens dont tu disposes. Ou le nucléaire. Évoque la galère, on a une filière, une mission. un homme en charge des budgets. Ça me paraît beaucoup plus efficace pour un pays que l'Irlande, on met un milliard et puis on réunit un comité tartemus avec tout le monde, alors où est-ce qu'on va les mettre ? Alors chacun défend son truc, à la fin on pose saupoudre un petit peu. Pour moi, France Industrie, c'est... Un petit peu ça, même si les gens qui gréent ce dispositif sont tous extrêmement estimables. Bon, on a aussi quand même des mécanismes de soutien en France à l'industrie qui sont... C'est intéressant, comme le crédit d'impôt cherche. Il avance remboursable pour les avions. Mais j'aimerais bien qu'il soit plus focalisé sur des filières.

  • Speaker #1

    Il y en a eu récemment. C'est vrai que ça ne me vient pas en tête.

  • Speaker #2

    Comment ?

  • Speaker #1

    Il y en a eu récemment, des filières qui ont été lancées, non ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, par exemple, sur le nucléaire, trop ce qui se passe. Bon, alors le nucléaire... Bon, le nucléaire. Alors, vous me demandez quel secteur on pourrait essayer d'appliquer la démarche Airbus. Bon, le nucléaire, ça me paraît la première évidence, parce que c'est vraiment un domaine dans lequel on a été au premier rang mondial. On savait tout faire. Bon, on a été visionnaire dans les années 60, il faut quand même dire. C'était un peu Pompidou et puis surtout Giscard. Bon, là, quand même, chapeau. Alors, et puis, le nucléaire reprend de l'élan après une période de valsicitation, et on doit s'organiser pour contrer les géants américains et russes. Bon, on a énormément perdu en compétence dans les 20 ans de valsicitation qui ont eu lieu à cause des psychologistes et de la complaisance politique. à l'égard des écologistes. Mais cette filière, il faut la reconstituer. Et il faut l'incarner. Aujourd'hui, l'incarnation naturelle, c'est le président d'EDF. Puisque EDF... a repris la filière nucléaire. Pour moi, c'est un peu bizarre. C'est comme si Air France avait absorbé Airbus. Mais enfin, c'est comme ça. C'est comme ça. Et voilà.

  • Speaker #3

    On ne va pas voler très loin.

  • Speaker #0

    Je ne dis pas que ça ne va pas marcher, mais ça me paraît la première filière à laquelle on peut...

  • Speaker #2

    Ça permet d'être face à... Politiquement, à les Etats-Unis, à la Russie, on retrouve ce niveau-là.

  • Speaker #3

    Et on y est arrivé. Oui,

  • Speaker #1

    et puis ça crée des écoles, ça crée des génies en maths. C'est tout un écosystème qui se relance derrière.

  • Speaker #3

    Tout un écosystème. Ce qui est un peu dommage dans cette filière-là, c'est qu'on l'a beaucoup délaissé, vous l'avez dit, notamment par les écologistes. Et c'est né du mouvement de l'Allemagne, avec Schröder, etc. On sait bien ce qui s'est passé. Merkel, surtout. Oui, Merkel. Après, c'est par Gazprom, etc. Et on voit toutes les conséquences. Ce qui est un peu dommage, c'est que toutes ces compétences, elles existent ou elles sont parties, et beaucoup aussi en Chine, parce qu'on a été développé... Les bateurs notamment, tout ce qui est matématique. Et donc en fait, il y a quand même toute une filière à reconstruire, parce qu'on a perdu, même au niveau de la maintenance d'ailleurs. Donc il y a quand même toute une filière à reconstruire, mais ce que vous dites, c'est qu'on a les bases, on a été très fort, donc à privilégier en priorité.

  • Speaker #1

    Oui, oui,

  • Speaker #0

    à mon sens.

  • Speaker #1

    Il y a de la défense, on dirait qu'il se relance un peu en ce moment.

  • Speaker #0

    Alors, on a la défense. bon, je ne crois pas qu'on ait perdu trop de compétences parce qu'on a eu aussi de politique depuis très longtemps, de rester présent sur tous les fronts technologiques avancés. Alors évidemment, on a une politique d'échantillonnage, mais on a à peu près des échantillons partout.

  • Speaker #3

    On a des beaux sous-marins et des beaux avions de chasse.

  • Speaker #0

    On a des beaux avions de chasse, oui, tout à fait.

  • Speaker #2

    Donc le nucléaire, ça sera un secteur prioritaire. Vous en voyez d'autres ? Nucléaire civil ?

  • Speaker #3

    Est-ce qu'on a parlé du nucléaire, mais nucléaire civil ?

  • Speaker #0

    Ah, civile, oui, oui, oui, je parlais du nucléaire civil. Je parlais du nucléaire civil. Le reste, le nucléaire de défense, c'est le gaz qui continue son chemin.

  • Speaker #3

    Oui, on est plutôt pas mauvais.

  • Speaker #0

    Bon, il y a... J'ai l'impression qu'on a quand même en France une très bonne école de mathématiciens et sur l'intelligence artificielle, le cloud, face au GAFAM, quand je vois une entreprise comme Mistral... Je ne les connais pas du tout, les gens de Mistral, mais d'après ce que j'en entends dire, chapeau. C'est vraiment quelque chose sur lequel il faudrait capitaliser. Mais alors, il ne faut pas être petit bras. Les besoins de financement qu'on prête à Mistral, c'est quelques milliards, mais les autres, ils mettent des centaines de milliards aux États-Unis. Donc, si c'est devenu une véritable priorité européenne. devrait pouvoir réunir quand même des moyens européens, plus importants, peut-être aussi dans le domaine des semi-conducteurs, face à Intel, à TSMC, à AMD, à Micron Technology.

  • Speaker #1

    Apple aussi qui en font maintenant. Oui,

  • Speaker #0

    on a quand même des éléments.

  • Speaker #3

    Parce que c'est une finiaire stratégique. On ne serait peut-être pas compte tenu de l'évolution notamment des américains et des chinois sur le sujet on serait peut-être pas les mieux placés mais en tout cas si c'est une filière stratégique il faut qu'elle le soit et qu'on y mette les moyens on avait les microprocesseurs aussi à un moment donné qui sont en France je sais plus comment ça s'appelle la

  • Speaker #2

    question c'est quels sont les freins en fait parce que je pense que les domaines peuvent être assez bien identifiés mais qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui il n'y a plus cette réunion politique industrielle et d'exécution qui se met en place

  • Speaker #0

    Je pense que le pouvoir ne se sent pas légitime à désigner un homme une mission. Il préfère afficher les moyens, limiter d'ailleurs qu'on a vu la situation budgétaire lamentable du pays, préfère assuffler les moyens et puis distribuer. Mais qui osera dire toi je te confie cette mission et on ira au résultat dans quelques temps parce qu'il y a... Je crois que nos dirigeants politiques sont sans arrêt soumis à des risques d'accusation, de favoritisme, de soucis de cela. Mais enfin, il y a des pas qui se font dans le domaine de l'espace. On n'est quand même pas ridicule en Europe. Je pense que le rapprochement qui s'amorce entre Thales, Aledian Space et Astrium, c'est bien.

  • Speaker #1

    Parce qu'on est quand même fort challengé par les Américains.

  • Speaker #0

    Alors vous me demandez ce qu'on avait comme... quels étaient les freins ? Je pense qu'on... bon, il y a la bureaucratie, évidemment, étatique, et je ne suis pas sûr qu'en matière de production, on ait déjà fait le saut quantique qu'a un Elon Musk imprimé, par exemple, à ses affaires. Il faut quand même reconnaître qu'il arrive à fabriquer des choses à une rapidité qui est un ordre de grandeur. D'une start-up, oui. Oui, c'est incroyable.

  • Speaker #3

    Il doit y avoir des moyens de lancer des choses qui fassent mordre la poussière aux Américains dans la durée du fait de l'euro. leurs erreurs massives de mépris de l'ESG ils méprisent tout ça alors ça paraît créer une bonne occasion on aura la chance d'avoir Rachel Delacour très bientôt qui nous en parlera, elle dit que justement ça se retournera contre eux, et d'ailleurs la plupart des grandes sociétés américaines en sont conscientes moi ce que je trouve fascinant et vous avez parlé d'Elon Musk, ce que je trouve fascinant c'est la capacité des américains à repenser des systèmes dans leur globalité Merci. J'ai écouté récemment le podcast sur Nvidia et la façon dont ils ont fait de l'extrême co-design, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas été simplement se dire qu'il faut améliorer les chips et tout le process de fabrication des composants, mais ils ont tout revu, le cloud, ils ont une capacité à revoir dans leur ensemble et ils ont battu la loi de Moore. En général, on dit on double le nombre de composants tous les 18 à 24 mois, ils ont fait x30 entre... entre les derniers openers et entre Blackwell et openers. Je trouve ça incroyable leur capacité à aller tout revoir une industrie. Mais pourtant, c'est un peu ce que vous aviez fait avec Airbus, puisqu'il fallait revoir les logistiques. C'est penser son système dans son ensemble, pas simplement une petite partie améliorée bout par bout.

  • Speaker #0

    Oui, mais même de notre temps, il y avait des challenges. Par exemple, à l'époque, je me souviens, il y avait une boîte qui s'appelait Watch Bay, qui nous challengeait sur les satellites. Ils faisaient des tout petits satellites à des coûts défiant toute concurrence. Et d'ailleurs, je crois savoir qu'Watch Bay est engagée dans un grand projet européen ces temps-ci. Est-ce qu'on a repensé à ces systèmes en matière aéronautique ? Je ne suis pas sûr. A l'époque, la grande chose, c'était de dire « Allez voir du côté de l'automobile, vous aurez des choses à apprendre. » Je ne suis pas totalement sûr. L'automobile, elle a engagé son truc aussi avec Stellantis, qui est quand même une belle fusion européenne. Stellantis, européenne et américaine, avec Jeep, Chrysler et Jeep. filiale de Chrysler. Et si l'Orlux Autica aussi, c'est quand même...

  • Speaker #3

    Oui, ça, on a eu Xavier Fontanel. Ah oui, c'est une formidable réussite. Et c'est vrai que vous avez toute une génération... Il y a un livre d'ailleurs qui le résume très bien, que j'aime beaucoup, qui s'appelle Les Grands Fauves. Je vous invite à le lire. Ça avait été toute une génération où il y a toutes ces grandes sociétés françaises qui sont nées dans l'air post-mitterrand, mais que ce soit les AXA avec BBR qui est parti il n'y a pas longtemps, mais derrière Schneider, derrière... On a parlé de Legrand, on a parlé de toutes ces grosses sociétés qui sont nées de la France, même les Air Liquide depuis longtemps, mais qui ont pris des parts de marché. On est passé de belles PME, ETI françaises à des gros groupes internationaux. C'est le moment où il y avait Bolloré aussi. C'était fantastique cette époque.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Je n'ai pas d'analyse fine à vous livrer sur les différences entre cette époque et maintenant. Je pense quand même que l'argent était plus facile. Il y a 20 ans, parce que la situation budgétaire du pays n'était pas du tout la même.

  • Speaker #1

    Et la raison dans ce qu'il dit, c'est que depuis ces années-là, il n'y a pas eu un géant du 4,40 qui a émergé sur ces dix dernières années, quand on regarde. Non, c'est toujours des boîtes qui ont 20, 30, 40 ans. Tu regardes ce 4,40, ça n'a pas bougé. Non,

  • Speaker #2

    non,

  • Speaker #0

    non, pas beaucoup.

  • Speaker #2

    Je pense que tu voudrais résumer, toi, Julien, peut-être les trois points que tu... Ouais,

  • Speaker #1

    non, là, c'est vrai que c'est délicat, mais il y a plusieurs points que j'ai retenus. Le premier qui est hyper intéressant, qu'on a évoqué plusieurs fois dans le podcast, c'est quand même la vision d'un homme qui est capable de fédérer autour de lui une équipe de top guns, on va faire une analogie avec le monde de l'avion, et qui a une vision quand même long terme d'un très gros projet industriel, c'est-à-dire qu'il ne regarde pas, comme vous l'avez expliqué, les économiques court terme, c'est-à-dire qu'il va regarder sur 5, 10, 20 ans, ce qui aujourd'hui est moins le cas en tout cas. Deuxième point, c'est cette capacité quand même à... Quand vous parliez de leadership et de management, c'est quand même d'avoir des intuitions fortes sur des paris qui sont à risque et d'aller au bout du projet. Lancer un avion comme l'A380, ce n'est pas non plus une décision. Nous qui sommes plutôt issus du monde du digital, ça nous dépasse un peu de prendre la décision de lancer un projet de 15 milliards d'euros.

  • Speaker #3

    Ce qui fait qu'il y a ton avant.

  • Speaker #1

    Oui, 20. Bon, à un moment donné, c'est aussi d'avoir cette vision stratégique sur l'évolution des marchés et ne pas se tromper. Parce qu'il y avait l'histoire du point-à-point à un moment donné. Vous, c'était le pari du hub-à-hub. Enfin voilà, il fallait faire ce pari-là. Et puis le troisième, je trouve que j'aime bien. Je ne sais pas si c'est un point de scale, en tout cas. Mais on a parlé des filières. Je trouve ça hyper passionnant, en vérité. D'avoir cette vision, de se dire, on doit relancer des filières et de recréer tout un écosystème autour de ça. Et ça aussi, c'est des projets long terme. Donc moi, ce que je retiens un peu de l'échange qu'on a aujourd'hui, c'est de faire sur... C'est pas de regarder à court terme, mais c'est vrai qu'on regarde ce qui se passe au gouvernement, on a l'impression que c'est très court-termiste. Oui,

  • Speaker #0

    mais où est l'état de stratégie ?

  • Speaker #1

    Oui, il n'y a pas de gros projet, quoi.

  • Speaker #3

    Mais ça manque aussi de capitaine d'industrie, parce que ce que vous dites, c'est que... Oui, voilà, on l'a perdu. Voilà, la gardière, il a été clé dans le fait de mettre tout le monde autour de la table, y compris les politiques.

  • Speaker #0

    Je serais étonné qu'il n'y ait pas dans les 40-50 ans aujourd'hui des... des grands capitaines d'industries capables de prendre... Je ne connais pas, moi. Je serais étonné qu'il n'y en ait pas.

  • Speaker #3

    Il y en aura. On va être optimiste. Il y en a des bons ingénieurs. On a retenu ça.

  • Speaker #2

    Exactement. Et peut-être une question. Il y a une personne que vous aimeriez qu'on invite et que vous connaissez à ce podcast qui devrait témoigner peut-être sur des périodes...

  • Speaker #3

    De notre histoire industrielle, oui.

  • Speaker #0

    Moi, je pourrais dire le patron. Je ne le connais pas. Le patron de Mistral.

  • Speaker #1

    beau pari celui-là comment ?

  • Speaker #0

    c'est un beau pari de l'inviter lui c'est la star et alors comment vous voyez comment donner une projection mondiale à ce succès ?

  • Speaker #1

    bonne question si vous m'invitez je l'installerai d'abord on a deux super invités qui sont déjà passés là merci beaucoup en tout cas pour votre temps passionnant pour les auditeurs n'oubliez pas de mettre

  • Speaker #2

    5 étoiles sur vos applications de podcast préférées, des petits commentaires. Ça remonte dans l'algorithme, ça nous fait connaître encore plus. Vous voyez, ça permet à Julien de se payer des vacances. À Paris !

Description

Dans cet épisode, on reçoit Noël Forgeard, ancien président exécutif d’Airbus puis co-président d’EADS, au cœur de l’un des plus grands projets industriels de l’histoire européenne.

Polytechnicien, ingénieur des Mines, passé par la haute fonction publique puis par le groupe Matra, il prend part à la consolidation du spatial et de la défense européenne avant de jouer un rôle déterminant dans la construction d’Airbus SAS, tel qu’on le connaît aujourd’hui.


Au micro de Method to Scale, il revient sur une aventure hors norme :
comment l’Europe a bâti un rival de Boeing, comment se prennent les décisions qui engagent des décennies, et ce que signifie faire émerger un géant industriel dans un contexte politique complexe.

Il partage sans filtre :


  • Les coulisses de la création d’Airbus SAS

  • Comment l’Europe a rattrapé Boeing grâce à des paris technologiques majeurs

  • Les arbitrages politiques derrière un projet industriel continental

  • Le lancement du programme A380, ses ambitions et ses limites

  • Ce que les entreprises européennes peuvent encore apprendre de cette aventure


Une épopée unique, remplie d'enseignements !

Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'ai dit, Miral, si vous ne lancez pas le programme de votre côté, comme vous me l'avez laissé entendre, je suis mort.

  • Speaker #1

    La première stratégie, déjà, c'était d'être en miroir des avions Boeing,

  • Speaker #2

    de copier des mêmes lignes qu'ils faisaient, où il y avait une vision un peu différente au départ.

  • Speaker #0

    Copiez, monsieur.

  • Speaker #2

    Là, vous commencez à vouloir vous attaquer sur la gamme qui fait leur revenu, qui fait leur marge.

  • Speaker #0

    Ici, pour dire la vérité, et si Kossub en tirait des enseignements, la A380 était un semi-échec commercial.

  • Speaker #1

    2006, crise sur l'aménagement intérieur des avions.

  • Speaker #0

    J'ai mis le programme en retard de presque deux ans. C'est en partie de ma faute. Car en 2002...

  • Speaker #3

    Bonsoir à toutes et à tous. Ce soir, nous avons le plaisir de recevoir Noël Forgeart, l'ancien PDG d'Airbus. Bonsoir.

  • Speaker #1

    Bonsoir. Bonsoir.

  • Speaker #3

    Bienvenue dans l'émission. Alors, j'ai un exercice qui n'est pas évident à faire, mais je vais essayer de m'y tenir, de vous présenter avec des points saillants et des points clés. Et n'hésitez pas à me corriger si je dis des anarisques, ce qui est possible. Donc... Euh... Donc vous avez un parcours qui est rare parce qu'il est de ceux qui traversent l'État, qui traversent l'industrie et qui traversent les grandes décisions politiques dans l'histoire notamment de l'aérospatiale, aéronautique. Et du coup, vous avez un parcours qui part d'études d'ingénieur. Vous êtes diplômé de l'école polytechnique et des mines de Paris. Et vous avez débuté votre carrière dans la hausse fonction publique, mais tout de suite dans des ministères. qui derrière vont nous donner un aperçu de ce qui veut arriver dans votre carrière, donc au ministère des Transports et au ministère de la Défense, puis au ministère de la Défense. En 1986, vous devenez même le conseiller industriel auprès du premier ministre de l'époque, un certain Jacques Chirac, et donc ça c'est pour la partie État. Puis vient le temps de l'industrie. Vous rejoignez d'abord le domaine de l'acier avec Usinor, ce qui n'est pas de bêtise, puis Matra, avant d'être nommé directeur général du groupe Lagardère. Et là, nous sommes en 1992. Cette période est décisive parce que pour se projeter, c'est une époque où il y a de la consolidation européenne qui se fait, il y a de la coopération, de la collaboration sur des sujets vraiment stratégiques. Quand on le regarde aujourd'hui, on se rend compte que le monde a changé, on y reviendra dans le podcast, notamment sur la partie satellite, sur la partie missiles tactiques. Il y a des sociétés qui se créent à ce moment-là qui sont Matra Marconi Space et Matra BAE Dynamics. puis c'est la période Airbus fin 1997, nouvel étage de la fusée. Le gouvernement français propose de succéder à Jean Pierson à la tête d'Airbus Industries pour devenir finalement en 2001, on l'a dit en introduction, le premier PDG d'Airbus SS, finalement qui est la création de la société intégrée Airbus.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Alors bon, vous mettez un peu sur le même plan le parcours administrativo-politique et l'industrie, mais je suis d'abord un homme d'industrie. Tout ce que je sais en matière industrielle, si je sais quelque chose, je l'ai appris sur le temps. Je n'ai pas appris dans mon parcours antérieur.

  • Speaker #3

    Mais c'est intéressant de voir que dans le parcours antérieur, effectivement, c'est l'industrie qui vous a tout de suite botté. Vous n'étiez pas dans des bureaux administratifs. de ce point de vue-là. Donc... On est ravis de vous avoir. On a une période de l'histoire à aborder ensemble devant nous et qu'on va essayer de découper en différentes sections que Aymeric a sous les yeux. Mais je pense que je peux te laisser la main, Aymeric, pour commencer à aborder la première thématique. En fait, on essaie d'être chronologique dans cette histoire et d'arriver vers le monde d'aujourd'hui aussi et les défis qu'on a devant soi.

  • Speaker #2

    Oui, et pour que nos auditeurs se rendent un peu compte, effectivement, je pense qu'au départ, j'aimerais bien qu'on reparle de la création de l'Europe des missiles. et des satellites et de Matra. Parce qu'en fait, avant Airbus, il y a eu Matra. Et puis, vous nous parliez un peu de vos relations avec Jean-Luc Lagardère et sa vision, parce que c'est quand même au départ sa vision qu'il avait et les compromis qu'il a su faire. On peut dérouler un peu cette partie-là ? Oui,

  • Speaker #0

    bien sûr.

  • Speaker #2

    En plus, c'est une période que vous préférez. Vous aimez bien Matra et aimez bien les satellites. Oui,

  • Speaker #0

    c'est vrai. C'est ma période de cœur. À cause de Matra et à cause de Jean-Luc Lagardère. Jean-Luc Lagardère avait créé avec Marcel Sassani une vingtaine d'années auparavant des activités de missiles tactiques et de satellites. Et puis il les avait bien développés et il s'est aperçu que l'énormité des budgets qui étaient nécessaires pour faire des grands développements de missiles ou de satellites et contre les américains, l'énormité de ces budgets rendait nécessaire de mobiliser plusieurs pays européens. Et donc, pour ça, il fallait créer des opérateurs européens susceptibles de mobiliser des budgets européens. Et c'est ce qu'il a fait, puisque... Il a apporté ces deux sociétés que je dirigeais, Matra Espace et Matra Défense, à des fusions avec leurs homologues britanniques, alors surtout britanniques dans un premier temps, et allemandes. Et en faisant ça, il a fait preuve d'une remarquable clairvoyance, parce qu'il a privilégié l'intérêt, la vision à long terme, sur l'intérêt à court terme. Oui, tout à fait. Parce qu'en fait, ces sociétés, je parle de Jean-Luc Lagardère, valaient plus que leurs homologues européennes, mais c'était impossible de faire des sociétés communes autrement que sur une base 50-50. Et bien donc, il l'a accepté.

  • Speaker #2

    Gros compromis. Donc, c'était la vision qui a gagné sur le business.

  • Speaker #0

    Absolument. Alors, il y a eu des soutes quand même qui ont été versées,

  • Speaker #2

    mais ça ne compensait pas.

  • Speaker #0

    Ça ne compensait pas complètement. Et donc, alors, il a, bon, comme on était plus gros, plus profitable, il y a eu quand même des contreparties. C'est les équipes françaises qui ont assuré le management, au moins dans un premier temps. Mais il y a quand même eu de sa part un réel... Et je peux dire par exemple que, pour prendre un exemple, si ces fusions n'avaient pas eu lieu, le fameux programme Scalp Storm Sado, le missile de croisière franco-britannique dont on parle pas mal, parce qu'il a été utilisé pendant la guerre du Golfe et exporté en Ukraine récemment, et utilisé, ce programme n'aurait jamais existé. parce que ni la France ni la Grande-Bretagne ne pouvaient se le payer seuls. C'est qu'un exemple parmi d'autres.

  • Speaker #2

    Et vous à l'époque, comment vous faites pour approcher vos homologues ? Parce qu'au départ c'est des entités françaises séparées entre cette élite, les deux activités sont bien séparées. Comment vous approchez vos homologues ? Comment ça s'initie un programme comme ça ?

  • Speaker #0

    J'ai approché les gens de British Aerospace Dynamics, c'est-à-dire la partie missiles, au même moment où Jean-Luc Lagardère et son équipe proche approchaient l'état-major de British Aerospace. Et puis on les a pris un petit peu en tenaille. Et à un moment donné, j'ai pris un risque énorme parce que j'avais lancé le programme. sur la base française, mais il n'était qu'à moitié financé. Ça supposait... Ça supposait qu'on ait le financement britannique dans un deuxième temps. Alors, j'ai été voir le Chief of Defense Procurement, qui était un amiral à l'époque, et je lui ai dit, si vous ne lancez pas le programme de votre côté, comme vous me l'avez laissé entendre, je suis mort. Bon et Dieu merci ils ont lancé le programme. Je crois pas que c'était uniquement pour me sauver la mise mais ils l'ont lancé. Ce que je trouve remarquable dans ce parcours qui a été fait à l'époque sous l'autorité de Jean-Luc Lagardère c'est que ce genre de solution, aujourd'hui on en parle dans plein de domaines et elle se cherche encore dans plein de domaines. Bon par exemple dans le domaine des avions de combat ça n'a jamais pu voir le jour.

  • Speaker #1

    Je les en prends en ce moment d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Par l'encement, et dans beaucoup d'autres domaines, c'est pareil, Chasquin a continué à faire cavalier seul. Donc je peux dire qu'à l'époque, on a vraiment fait oeuvre de pionnier. Je dis on parce que j'étais évidemment pas seul. Il y avait toute une équipe.

  • Speaker #2

    Et ça s'est joué à tous les niveaux ? Parce qu'il y avait une volonté politique aussi derrière à ce moment-là ? Ou c'est vraiment Jean-Luc qui a...

  • Speaker #0

    Non, à l'époque, c'est vraiment Jean-Luc. D'accord. C'est ces hommes d'état-major qui étaient Philippe Camus, qui était ensuite le patron d'Alcatel, et Jean-Louis Gergorin qui est assez connu. Bon, ça c'était pour la partie état-major, disons, et puis moi j'étais le bras droit opérationnel, et on marchait en symbiose.

  • Speaker #2

    Et donc en fait, tout ça, ça part d'une question de budget, en se disant que les Américains ont des budgets qui sont considérables, et que de toute façon, un Français tout seul n'y arrivera pas. on sera complètement subscale voilà, d'accord en quoi ça a été les bases de ce qui s'est passé derrière avec Airbus ? c'est à dire qu'il avait déjà vous aviez déjà initié des programmes de rapprochement avec différents pays, déjà cette notion de compromis capitalistique c'est ça qui a porté les bases de la suite ?

  • Speaker #0

    alors il y a plusieurs choses je pense que quand à la fin des années 90 les gouvernements ont commencé et... Vraiment vouloir que Airbus, qui était à l'époque un groupement d'intérêts économiques, se transforme en société intégrée. Ils ont naturellement pensé à la Gardère. parce qu'il avait fait déjà ses opérations dans d'autres domaines. Et Lionel Jospin, à l'époque, a pensé à moi pour remplacer Jean Pierson, qui était atteint par la limite d'âge, à la tête du groupement d'intérêt économique Airbus Industries, qui deviendra deux ans plus tard, trois ans plus tard, la société... Mais ce n'était pas une société à ce moment-là. Ce n'était pas une société, c'était un groupement d'intérêt économique entre DASA, British Aerospace, CASA. et l'aérospatiale.

  • Speaker #2

    Et du coup, justement, si vous pouvez revenir là-dessus, parce que finalement, on commence à arriver à Airbus. Avant toute chose, il y avait plusieurs entités séparées, des Françaises, des Espagnoles, des Anglais. Comment on arrive à fusionner déjà tout ça ? Ça part dans les années 99-2000, c'est ça ? Comment on initie ce programme-là ? Donc c'est Jospin qui vient vous voir et qui vous dit... Donc là, il y a une volonté politique, pour le coup.

  • Speaker #0

    alors Ça a été une fusée à deux étages. Parce que tout le système était bloqué, parce que les protagonistes allemands, DASA, filiale de Daimler-Benz, et British Aerospace, ne voulaient absolument pas entendre parler d'un rapprochement avec l'aérospatiale, parce qu'elle était publique. Ils ne voulaient entendre parler que d'un rapprochement avec un partenaire privé.

  • Speaker #2

    Ça c'est déterminant déjà.

  • Speaker #0

    C'était sine qua non. Alors, dans ce que je dis, il n'y a pas de jugement de valeur. Ce n'est pas pour dire que... Bon, c'était comme ça. Il ne voulait qu'un partenaire privé. Alors, le gouvernement français, quand même, fait preuve de beaucoup de lucidité et de beaucoup de courage. Parce qu'il fallait donc arriver à mettre l'aérospatiale, qui était le protagoniste français, dans des mains privées. Bon, et Lagardère apparaissait une solution naturelle. puisqu'il avait déjà une projection européenne par ses sociétés de missiles et satellites.

  • Speaker #2

    Et ça, c'est toujours Jospin qui pousse ça ?

  • Speaker #0

    Alors, Jospin, Strauss-Kahn, aussi très actif.

  • Speaker #2

    Donc deux socialistes qui poussent un rapprochement vers du privé.

  • Speaker #0

    Alors, qui pousse ? Je ne pense pas qu'ils poussaient trop sur la place publique. Ils étaient plutôt dans le mode, on va se biesser. Si on ne peut pas faire autrement, on va faire comme ça. Parce que c'était quand même...

  • Speaker #2

    Non, non, mais ils ont dépassé en interne. Oui,

  • Speaker #0

    oui, oui, ils ont dépassé. Et c'est quand même assez remarquable. Alors ça s'est fait en deux temps. D'abord en 99, ou peut-être un peu avant, Aérospatial et Matra ont été rapprochés. Et en fait, la privatisation d'Aérospatial s'est faite sous le contrôle. De la gardière Matra.

  • Speaker #2

    De Matra, oui.

  • Speaker #0

    Bon, c'était donc le petit qui prenait le contrôle du gros, donc tout le monde n'était pas trop...

  • Speaker #2

    Petit privé prend le contrôle du gros public. Du gros public,

  • Speaker #0

    bon. Et ensuite, l'ensemble aérospatial Matra, qui était donc privé, s'est rapproché de Daza et de Casa. Casa, c'est l'espagnol. Et ça a été annoncé à Strasbourg fin 99, et je veux dire que ça fait vraiment ça, l'effet d'une bombe. Et les deux personnes qui ont été vraiment... instrumental dans la phase concrète de l'annonce de 99, ça a été Dominique Strauss-Kahn et Jean-Luc Lagardère et son équipe.

  • Speaker #2

    On parle de l'allemand, de l'espagnol et l'anglais ?

  • Speaker #0

    Alors, l'anglais... Alors, l'anglais...

  • Speaker #2

    Donc l'anglais c'était British Aerospace ?

  • Speaker #0

    L'anglais c'est British Aerospace. Alors... Alors, British Aerospace avait été aussi un candidat putatif au rapprochement avec Aerospatial Matra. Mais les Anglais ne voulaient en aucune façon qu'il y ait un actionnaire dans la future société qui dépasse 2-3% du capital. Pour eux, c'était la bourse. D'abord, aucun actionnaire trop important.

  • Speaker #2

    On retrouve la tradition des Anglais avec les... société cotée, et voilà. Toute cette dynamique de société cotée.

  • Speaker #0

    Et ça, Lagardère ne ne voulait pas l'accepter. C'est pour ça, en partie, qu'il s'est tourné vers les Allemands, et il avait une très bonne relation avec Jürgen Schrempf, le patron de Daimler-Benz. Et, alors, dans un premier temps, les Anglais ont été à côté, mais... Dès qu'on a eu fait l'opération franco-allemande et espagnole, on a sorti Airbus dans une filiale. Les Anglais ont apporté leurs activités d'Airbus à cette filiale et en sont devenus actionnaires à 20%.

  • Speaker #1

    Donc là, la société était officiellement née à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Alors la société était officiellement née. Il y avait donc Airbus avec deux actionnaires, EADS qui était le groupe franco-allemand-espagnol et BAE qui avait 20%. Et BAE est resté jusqu'à 2006 actionnaire à 20% d'Airbus puis a vendu ses parts. à l'EADS.

  • Speaker #2

    Et alors là, j'aimerais bien, comme pour Matra, qu'on revienne un peu, parce que là encore, il y a eu des compromis, il y a eu des compromis un peu capitalistiques, forcément, parce que les actifs apportés, les savoir-faire et les hommes n'étaient pas du tout équivalents, entre guillemets. Il y avait des compétences qui étaient différentes, peut-être un peu complémentaires. En tout cas, c'est le management français qui a pris la direction de l'ensemble dans un premier temps.

  • Speaker #0

    Emery, est-ce que vous parlez d'Airbus ou d'EADS ?

  • Speaker #2

    Airbus.

  • Speaker #0

    Alors, d'Airbus, oui. Bon, les équipes françaises de Toulouse étaient vraiment la force vive du nouvel Airbus. Quand on juxtaposait, ensuite on intégrait les gens du groupement d'intérêts économiques Airbus Industries, les gens d'aérospatial et notamment le bureau d'études d'aérospatial qui était d'une formidable qualité, et bien bon Il n'y avait pas photo. Il n'y avait pas photo. Néanmoins, la fusion a eu lieu sur une base de parité capitalistique, parce qu'elle ne pouvait pas avoir lieu autrement. Mais il a été convenu que le premier patron de la société intégrée Airbus serait français. Et donc, ça a été moi.

  • Speaker #1

    C'est des négociations compliquées à ce moment-là, pour se mettre d'accord sur une table capitalistique ? Ou ça se fait naturellement ?

  • Speaker #0

    Je dirais ni l'un ni l'autre. C'était pas compliqué. Ça pouvait pas être fait autrement. C'était comme ça. C'était paritaire avec les Allemands ou bien ça n'était pas. D'accord. C'est pas le choix. C'est pas le choix.

  • Speaker #2

    Et là, vous aviez aussi une gouvernance avec deux CEOs de mémoire. Il y a le français et l'allemand. Comment après, vous avez opéré ?

  • Speaker #0

    Dans Airbus, non.

  • Speaker #2

    Non, dans Airbus, c'était au-dessus.

  • Speaker #0

    Dans Airbus, il y avait un seul CEO, c'était moi. J'avais un adjoint, mais en fait, il était adjoint. Et en revanche... Dans EADS, la maison mère, il y avait deux co-CEO, donc deux directeurs généraux. Le premier côté français étant Philippe Camus. Et au-dessus, il y avait deux co-chairmen, Lagardère et Manfred Bischoff qui représentaient Dembner. D'accord,

  • Speaker #2

    donc il n'y avait pas les Espagnols dans la représentation du TU.

  • Speaker #0

    Si, dans le conseil, il y avait les Espagnols,

  • Speaker #2

    bien sûr. Mais la direction, si I.O. au-dessus, c'était vraiment un Français et un Allemand.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Mais les Espagnols, il y avait un comité exécutif, bien sûr, qui comprenait toutes les nationalités, choisi en principe selon le mode du plus compétent pour avoir cinq jobs, et les Espagnols étaient là.

  • Speaker #2

    Julien, est-ce que tu veux te lancer là ? Parce qu'en fait, toute cette histoire a un intérêt, parce qu'en fait, et je trouve que c'est beaucoup d'actualité, c'est que vous avez réussi à casser l'hégémonie de Boeing, qui était quand même très très présent, et c'est de ça dont on a envie de discuter, c'est comment les Français et les Européens ont réussi à s'organiser pour, quelque part, un peu damer le pion, alors ça a pris du temps, mais à Boeing, qui était très établi. C'est une période en plus d'histoires que tu aimes bien, Julien, si tu veux.

  • Speaker #1

    Oui, on va en parler. Puis moi, je suis passionné d'avions. Je connais bien la gamme, pour le coup, Airbus. Donc là, le lancement officiel, ça y est, on décide de faire une ligne d'avions qui va être concurrente d'Airbus. Donc pour vous, la première stratégie, déjà, c'était d'être en miroir des avions Boeing, de copier les mêmes lignes qu'ils faisaient où il y avait une vision un peu différente au départ.

  • Speaker #0

    Copier, monsieur. Dans des gammes de capacités, de rayons d'action comparables, de faire des avions meilleurs. Non, mais c'est vrai que dans l'histoire, Airbus a avancé ses pions à peu près en face de chaque avion.

  • Speaker #2

    Il y a un peu un équivalent à chaque gamme quand même.

  • Speaker #0

    Oui, alors voilà, dans les années 70, ça a été la gamme A300, A310 qui était en face, on va dire, du 767. Et puis ensuite, il y a eu les avions moyen courrier, donc la gamme... A320 en face du 737. Alors la guerre d'A320 c'est vraiment...

  • Speaker #1

    Il y a une révolution sur le cockpit et tout ça.

  • Speaker #0

    C'est une révolution. Le glace cockpit, les commandes de vol électriques. Et c'est dû à un homme, un génie, Roger Bétheil, qui était l'ingénieur de l'aérospatiale qui a créé cette gamme. C'est à lui que tout est dû. C'est un homme dont on ne parle jamais. On va lui rendre hommage. On va lui rendre hommage. On va lui rendre hommage, il est mort il y a quelques années. Mais... Il a créé un produit, la 320, absolument incroyable, puisque aujourd'hui... C'est encore le best-seller d'Airbus. Alors après, bon, il a été... C'est le couteau de Jeannot, hein. Il a été X fois modernisé. On a tout remplacé progressivement. Mais la base était bonne. Le diamètre du fusage est toujours le même. Ça a été une intuition formidable. Qui a damé le pion au 737.

  • Speaker #1

    C'était quoi la vision produit qui a été forte ? C'était de repenser le cockpit, l'ingénierie de vol, le système électrique ? C'est quoi qui a vraiment fait la différence ?

  • Speaker #0

    Oui, alors il y a eu le système électrique, il y a eu beaucoup quand même la largeur de cabine. Parce que c'était le 737 comme la 320, c'était les avions à 6 de front, avec un seul couloir. Mais on avait quand même assez nettement plus de place dans la 320 aux épaules. Parce que le cockpit était plus large. Et ça, je crois que ça a quand même fait beaucoup dans le succès de la famille A320.

  • Speaker #1

    Et après, du coup, vous avez commencé à remonter sur des gammes de plus gros porteurs. Parce qu'il y avait le 747 qui était mythique. Je pense qu'on va arriver bientôt au moment croustillant qui était le lancement de l'A380, à mon avis, qui va bien nous passionner. Mais je m'en souviens, il y a eu la gamme des A330, A340, des quadri-réacteurs. Donc c'est comme ça que vous avez après, au fur et à mesure... remonter sur la gamme pour développer moyen et long courrier.

  • Speaker #0

    Oui, alors il y a eu la gamme des A330, A340, au moment où Boeing, de son côté, avait le 777, et puis plus tard un très bel, magnifique avion. Vous allez dire, ils n'ont pas fait d'aussi bon depuis. C'est pas en anglais,

  • Speaker #1

    ils ne nous écoutent qu'on pas.

  • Speaker #0

    Et donc, on avait toujours cet épine. On disait, ah oui, mais alors sur les très gros, Boeing a le monopole, c'est le 747, et ils se font des marges énormes dont ils se servent pour financer leurs autres développements.

  • Speaker #2

    C'est ça. C'est très intéressant ça, c'est parce qu'en fait, là vous commencez à vouloir vous attaquer sur la gamme qui fait leur revenu, qui fait leur marge, et qui finance le reste. Donc là, au départ, vous allez les chatouiller, et là vous rentrez en vous disant on va attaquer la 747 qui est un gros contributeur chez eux, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Et pourquoi d'ailleurs c'est un gros contributeur ? C'est une question de taille ou c'était juste une question de volume de vente ?

  • Speaker #0

    C'est surtout le fait que c'était un monopole, donc ils le vendaient très cher, qu'ils étaient tout seuls. Ils le vendaient à la limite de ce qu'on s'est dit, on va le casser. Rien que le fait de le casser, ça avait une valeur en soi.

  • Speaker #2

    Et en plus, ça avait une valeur de marque aussi, parce qu'ils étaient très implantés. On mettait Boeing vraiment en haut du panier parce qu'ils avaient cette gamme-là.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #2

    Donc quelque part, ne serait-ce que de sa catacasse, c'était montrer qu'on avait des capacités techniques et industrielles qui étaient capables de rivaliser.

  • Speaker #1

    Et comment justement vous prenez la décision en ce moment-là ? C'est le moment où vous prenez la décision de lancer la A380 ?

  • Speaker #0

    Alors ça a été à peu près concomitant de la création de la société intégrée d'Airbus, puisqu'on a pris la décision de lancer l'A380 fin 2001. C'était à peu près concomitant.

  • Speaker #1

    Juste par curiosité, comment ça se passe de prendre une décision pareille, de lancer un avion comme ça ? Il y a des comités, il y a un moment donné c'est une vision d'un dirigeant ?

  • Speaker #0

    Alors d'abord, il y avait... Un grand ingénieur qui a porté le projet A380, et ce grand ingénieur est allemand, il s'appelle Jürgen Thomas. C'était un homme qui était là quand je suis arrivé au GIE, il travaillait déjà des avant-projets sur l'A380. Quand j'ai pris les rênes de la société intégrée, je les ai confirmés dans ses responsabilités, et il a bâti tout le dossier de l'A380 avec les financiers. On a bâti le business plan et puis on l'a soumis aux actionnaires qui ont décidé le lancement de ce programme de 10,7 milliards d'euros à l'époque. de développement. Jean-Luc Lagardère poussait beaucoup à la roue dans le board et donc, voilà, on a fini par lancer le programme. Alors, vous savez que... Je suis ici pour dire la vérité et si possible en tirer des enseignements. La A380 était un semi-échec commercial. Puisqu'on en a vendu 251, là où on en attendait 801 000. Alors si ça vous intéresse... Alors, bon, bien sûr l'avion vole toujours. Oui,

  • Speaker #1

    parce qu'ils les ont mis en route, toutes les grosses compagnies aériennes.

  • Speaker #0

    Ils les ont mis en route, là, voilà, ils volent. Le Chandra, British, ils ont mis. Et surtout Emirates. Oui, Emirates qui perd avec son oeuvre comme ça. C'est la base de la flotte d'Emirates. Donc, l'avion est... extrêmement aimé des passagers et des compagnies aériennes qu'il exploite.

  • Speaker #1

    Une petite question, juste avant qu'on parle justement un peu de cette notion d'échec, juste le ressenti, parce que j'ai regardé les vidéos du premier vol que vous avez fait à Toulouse, j'ai lu aussi le livre du pilote d'essai à l'époque, c'est quoi le sentiment qu'on a quand on est au bord de piste et qu'on voit la première fois l'avion décoller ? Regardez,

  • Speaker #0

    une grande émotion, c'était...

  • Speaker #1

    Ça doit être quelque chose quand même.

  • Speaker #0

    C'était en avril 2005, donc déjà on avait... On a été vite, 4 ans entre la décision de lancement, même pas 4 ans, 3 ans et demi entre la décision de lancement et le premier vol, on avait été extrêmement vite, on avait tous les tripes un petit peu serrées, on était là, tous les ingénieurs qui avaient contribué au programme, Thomas que j'ai cité tout à l'heure. Et d'autres, c'était mon camarade de promotion Claude Lelay qui était aux commandes.

  • Speaker #1

    C'est le livre que j'ai lu.

  • Speaker #0

    De l'avion, bien sûr. Il a consacré toute sa vie aux essais aéronautiques. Jean-Luc Lagardère n'était déjà plus de ce monde puisqu'il est mort en mars 2003. Donc on avait convié son épouse, Betty, qui était là aussi. Et ça mêlait la fierté et l'émotion. Voilà.

  • Speaker #1

    Et pour revenir sur la notion un peu commerciale de la 380, vous disiez que ça avait été un semi-échec. Donc il y avait un volume qui avait été vendu qui n'était pas escompté. Vous l'avez pu expliquer ?

  • Speaker #0

    Oui, en fait, c'est plutôt un volume qui était escompté. Oui, c'est ça. Bon, qu'est-ce qui s'est passé ? Nos commerciaux nous avaient dit que... Le modèle hub and spoke, c'est-à-dire les très gros avions allant d'un hub à un hub.

  • Speaker #1

    À New York-Paris, par exemple.

  • Speaker #0

    Et ensuite, se déversant dans des avions plus petits, allant en faisant New York-Atlanta. Le modèle hub and spoke allait durer encore le temps d'une génération et qu'on pouvait fonder le programme là-dessus. Alors... Ce qui s'est passé, c'est que les consommateurs ont de plus en plus manifesté, et plus rapidement que prévu, leur préférence pour aller directement de Paris à Atlanta, sans passer par New York.

  • Speaker #1

    Du point à point, on appelle ça.

  • Speaker #0

    Du point à point, avec des avions plus petits. Qu'est-ce qui avait empêché... Ça, de se développer avant, c'est que les avions plus petits avaient des coûts d'exploitation au siège kilomètre plus élevés. Et que donc, il n'était pas compétitif. Sur le segment Paris-New York, il n'était pas compétitif par rapport au 747.

  • Speaker #1

    C'était encore des quadris réacteurs.

  • Speaker #0

    Donc, on avait gardé des quadris réacteurs, le 747 en l'occurrence. Alors, qu'est-ce qui s'est passé ? C'est qu'il y a eu des progrès. extrêmement rapide des avions bimoteurs en termes de coûts d'exploitation. Et ça, c'était surtout dû au progrès des moteurs. Et on est arrivé à un point où pour que la 380 est un coût d'exploitation au siège occupé kilomètre plus bas que, on va dire, un 767 ou un A330, eh bien, il fallait qu'il soit très rempli, trop rempli. Et ça a fini par faire peur à certaines compagnies, d'autant plus que c'était dans un contexte où il y a quand même eu la crise de 2001. La suite de l'attentat d'Al-Qaïda, il y a eu une profonde crise en 2003, il y a eu la crise de 2008 après, tout était un peu secoué. Alors, pendant un temps, on a pu se réfugier dans le fait que, enfin se défendre plutôt, dans le fait qu'il y avait des réglementations qui s'appellent ETOPS, qui limitaient l'usage des bimoteurs sur des routes. très très longues, sur volant. L'Atlantique, par exemple. L'Atlantique, ou les déserts. Et il ne fallait pas que les avions s'éloignent de plus d'une certaine distance d'aéroports de diversion au cas où... Il y a un incident. Il y a un incident. Les avions bimoteurs. Les bimoteurs sont devenus d'une telle fiabilité que ces distances se sont allongées de plus en plus et que pour faire un Paris-New York en bimoteur, ce n'était plus la peine de prendre la route extrêmement nord, comme on prenait avant. Vous savez, on passait au Groenland, on passait au sud de l'Irlande, au Groenland, à l'Iffax, etc. C'était plus la peine de faire ça.

  • Speaker #1

    Et avec le recul, c'est toujours plus facile de le faire après, c'était difficile de prévoir cette amélioration technique des bimoteurs. Parce qu'en fait, il y a un moment où les courbes se croisent. C'est-à-dire qu'en fait, les bimoteurs sont devenus de plus en plus performants. C'était difficile à anticiper ça, au-delà du fait qu'effectivement... Le reste a changé le point à point, etc. Sur la partie technique, c'était difficile de mesurer ça ?

  • Speaker #0

    À mon avis, on aurait pu mieux le mesurer. Mais on était porté par notre ambition. Et la volonté de Damel Pion. Et on a eu tendance, probablement, et les commerciaux d'abord, mais moi, je ne m'y suis pas opposé.

  • Speaker #1

    C'est un très beau projet. C'est un projet emblématique.

  • Speaker #2

    L'avion est mythique, de toute façon.

  • Speaker #0

    L'avion est mythique et il le restera. Donc, on a continué quand même. Le programme a coûté de l'argent Airbus. Il n'en a pas rapporté, il en a coûté. D'abord, le développement. Ça n'a pas coûté 10,7 millions d'euros, mais probablement plutôt entre 17 et 20. Bon, il y a eu moins de marge sur la série parce qu'il y a eu moins d'avions. Ça n'a pas été une secousse financière pour Airbus.

  • Speaker #2

    Vous êtes parole.

  • Speaker #0

    Ça n'a pas été une secousse financière qui met en cause la viabilité d'Airbus.

  • Speaker #2

    Par contre, les apprentissages que vous avez eus, on s'en souvient tous de la logistique qui avait été mise en place, les péniches, les ailes qu'on voyait traverser les villes. C'était incroyable. Donc tout ça, vous avez capitalisé dessus.

  • Speaker #0

    On a construit un nouvel avion Beluga pour transporter. Il vole toujours, lui. Les sections, ils volent toujours, oui. Et puis, on a fait quand même de nombreuses avancées technologiques sur la A380 qui ont permis le lancement rapide de la A350 derrière.

  • Speaker #2

    C'est un succès commercial.

  • Speaker #0

    Alors, la A350 est un succès commercial absolu. Il est arrivé en 2013. Donc, ça a été rapide et c'est un très grand succès. Et ça a bénéficié des avancées. de l'A380, notamment dans le domaine du carbone. Parce que l'A380 était le premier avion pratiquement à moitié en carbone. Et ça, on a pu le transplanter, enfin, c'était parti d'Airbus à l'époque, mais les successeurs ont pu le transplanter sur l'A350.

  • Speaker #2

    Oui, donc ce qu'on peut retenir, c'est qu'en tout cas, même si un programme qui est considéré comme un semi-échec, les apprentissages qui sont faits dessus vont servir ensuite... pour faire des produits encore plus à succès, comme ça a été le cas sur la gamme A350.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Ça aurait quand même été mieux que ça soit un succès commercial complet.

  • Speaker #1

    Mais bon, et peut-être au-delà, effectivement, de ces apprentissages techniques, est-ce que, quand même, ça a donné à Airbus une vraie crédibilité technique, une vraie crédibilité d'envergure de groupe, notamment pour des compagnies aériennes qui auraient pu hésiter, enfin, qui étaient chez Boeing, et qui, du coup, se sont dit, attendez, ils ont été capables de faire ce gros porteur. Est-ce que ça a rassuré ? Est-ce qu'on peut se dire que quelque part, ça a aidé Airbus à continuer à vendre ses hauts de gamme ?

  • Speaker #0

    Oui, incontestablement. On est vraiment devenu un grand à ce moment-là. D'ailleurs, vous rappeliez le premier vol de la 380 en 2001. C'est aussi en 2001 qu'on a été à parité pour la première fois. En nombre d'avions vendus, toutes gammes confondues. à parité avec Boeing.

  • Speaker #2

    D'ailleurs, sur chaque salon, je crois que c'est à Dubaï en ce moment, c'est toujours le concours entre le volume d'avions vendus à Boeing et le volume de vente à Airbus. Et souvent, c'est Airbus qui est devant, d'ailleurs. Mais souvent,

  • Speaker #0

    c'est Airbus qui est devant. Mais bon, les volumes, c'est une chose. Il faut aussi que ce soit des ventes rentables, et bien livrés à temps. Et Airbus a eu un passage un peu difficile pendant quelques années, mais ça va beaucoup, beaucoup mieux. Je crois.

  • Speaker #2

    Je terminerai là-dessus. Mais en tout cas, j'ai vu aussi la nouvelle gamme qui est en train d'être sortie, les A321XLR. Celui-là, à mon avis, ça va être un véritable... Alors, l'A321,

  • Speaker #0

    c'est pure merveille. Alors, c'était déjà sous le crayon de Roger Béteil que je citais tout à l'heure. Il y a déjà eu un A321. Bon, alors ensuite, la 321 Extended Range, vous vous rendez compte, c'est une merveille. Maintenant, on fait un...

  • Speaker #2

    Un Nice-New York.

  • Speaker #0

    Voilà, on fait un Nice-New York. Ma fille est arrivée l'année dernière de Boston, elle a fait un Boston-Lisbonne sur un... De la TAP,

  • Speaker #2

    ouais.

  • Speaker #0

    De la TAP.

  • Speaker #2

    Ouais.

  • Speaker #0

    Bon. Je vais être franc, moi, comme passager, je préfère les gros porteurs. Je trouve qu'on a plus de place. Enfin, au point de vue coût d'exploitation, c'est imbattable. Et donc, c'est le haut de la gamme A320. Et en bas, il y a... Alors, on avait lancé l'A318.

  • Speaker #2

    L'A220, oui.

  • Speaker #0

    Mais il y a surtout la gamme A220 de Bombardier, qui est magnifique et que Kerbus a acheté.

  • Speaker #1

    Alors, une autre partie qu'on voulait évoquer, parce que vous avez quand même une carrière très riche à la fois industrielle, politique, et puis évidemment, comme on en a parlé, des grandes aventures commerciales et stratégiques. Et du coup, de tout ce parcours, vous savez, c'est un peu la tradition dans ce podcast, on aime bien tirer quelques leçons et quelques enseignements, notamment pour les entrepreneurs qui nous écoutent. Et est-ce qu'on peut revenir avec vous sur ces enseignements ? d'un point de vue gestion des politiques, gestion de la stratégie avec des groupes différents et des pays différents, que de la gestion du leadership, des hommes, faire cohabiter tout ça. Et voilà, ça fait peut-être un bon programme.

  • Speaker #0

    Oui, vaste programme. Bon, essayez, les conseillers ne sont pas les payeurs. Alors je me garderais bien d'ailleurs de donner le moindre conseil, parce que le monde a tellement changé depuis 20 ans que je pourrais être à côté de la plaque. Enfin, si j'essaie de prendre un peu de recul et de mettre en mots quelques enseignements. Bon, à la base, il y a la vision. La vision de Lagardère, partagée par son équipe rapprochée. Et cette vision, c'est une vision d'investissement dans la durée. C'est-à-dire créer des champions, d'abord dans... Les satellites, les missiles, après les avions. Ne pas se focaliser sur les gains financiers immédiats, mais privilégier la vision à long terme sur les retours à court terme. Pour ça... Se rapprocher d'homologues européens. Même plus petit. Même imparfait.

  • Speaker #1

    J'ai beaucoup aimé, on en a beaucoup discuté ça. Savoir, intégrer, acheter, se rapprocher d'actifs imparfaits.

  • Speaker #2

    Ce qu'on entend par actifs imparfaits, c'est...

  • Speaker #0

    Bon, alors, imparfaits, bon... Je marche sur des oeufs en vous disant ça, mais enfin... Bon, par exemple, pour les avions... Bon... Le patrimoine français était quand même plus riche. Oui, et puis il y avait déjà la gamme à 300, 310. Les bureaux d'études de l'aérospatiale, c'était quelque chose. Le partenaire allemand était globalement probablement pas tout à fait au même niveau, même s'il ne se l'avouait pas. En plus, il y avait chez Daza, à l'époque, énormément de problèmes dans les usines. Énormément. Ils avaient dû lancer un programme de restitution de coûts, appelé le Mansanglant, dont je ne me rappelle plus le nom. On voit qu'il y avait un nom de code très évocateur. Et donc, Lagardère dit, il faut un de tout ça. Bon, il faut se rapprocher des Allemands. Il n'y a pas d'autre solution qu'à parité. et on le fait, et ils privilégient toujours le long terme. Bon, pareil, Casa, c'était une petite boîte quand même. Bon, ils ont eu 6% du groupe en échange de leur rapport. Bon, c'était bien. L'important, c'était de faire converger tout le monde vers l'objectif commun, un moyen long terme, même si tout n'était pas idéal au départ. Alors là... C'est là qu'il y a eu la vision industrielle de Lagardère. Lagardère qui est un homme à la mémoire duquel on ne rend pas assez hommage. Parce qu'il a quand même eu dans toute cette affaire un rôle exceptionnel. Et il a su... partager cette conviction autour de lui et donc faire que le gouvernement français place l'aérospatiale dans des bains privés, en fait, dans les siennes. Et c'est ce qui a permis la création ultérieure d'EADS. Jamais EADS n'aurait été créée s'il n'y avait pas eu un partenaire privé en France pour se rapprocher des Allemands. Et ça, je voudrais tirer le coup de chapeau au passage à Lionel Jospin et à Dominique Strauss-Kade, parce qu'il fallait quand même le faire. Bon, s'ils étaient socialistes... Il fallait le faire, bon. Et alors, puisqu'on était tous ensemble dans la même vision, ensuite on a pu mobiliser les avances remboursables pour les gros grammes, c'est-à-dire les financements sous forme de prêts remboursables en cas de succès des principaux programmes d'Airbus, et notamment de l'air 380. Et puis on avait une mentalité de vainqueur, quoi. Bon, pour aplanir toutes les difficultés, surmonter tous les obstacles. convaincre Bruxelles d'accepter les financements dont j'ai parlé tout à l'heure. Il y avait vraiment tout un concours entre le gouvernement français, l'Elysée, la chancellerie allemande au service du projet Airbus. Ça avait pris une nouvelle dimension, mais ça existait déjà avant. Il faut rappeler le rôle éminent que... Le ministre président de Bavière, Franz Josef Strauss, avait pris dans les années 70 au lancement des avions A300, A310, aux côtés de la France de l'époque, celle de Pompidou, etc. Mais là, on a retrouvé 20 ans plus... Oui, 30 ans après, un nouveau souffle pour passer à une nouvelle étape.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, si je tire un petit peu le trait, c'est que votre vision, c'est que sans un capitaine d'industrie comme Lagardère, qui a insufflé ça, qui a poussé, qui n'a pas lâché, ça ne serait pas sorti. C'est-à-dire qu'un projet étatique ou para-étatique ou européen ne serait pas né par la Commission.

  • Speaker #0

    On pourra peut-être en parler plus tard, mais c'est ce qui manque quand on réfléchit aux manières de faire des Airbus dans d'autres domaines. Il manque des incarnations, des entrepreneurs qui incarnent un projet de manière forte. de manière forte. Alors, Lagardère, lui, il l'a incarné avec Philippe Camus, Jean-Louis Gingorin, moi. Bon, Lagardère, il avait une qualité essentiel chez un chef d'entreprise. Je vais paraître ibodeste puisque je suis dans la liste. Mais il savait bien s'entourer. Il savait s'entourer. C'est un homme qui savait juger les autres et s'entourer. Et Il a su accepter, par exemple, une structure à deux étages dans EADS, avec le niveau actionnarial qui était le sien et le niveau des patrons exécutifs, le niveau d'Airbus. Bon, ça ne lui plaisait pas trop. Lui, il avait l'habitude d'être le patron de tout. Mais là, il a su. Bon, malheureusement, ce qu'il n'a pas su bien faire, c'est que quand il est mort en 2003... rien n'était trop préparé pour la suite je parle pas en général mais dans le domaine industriel dans le domaine des... et son groupe s'est rapidement dégagé de l'ADS ce qui est à mes yeux on a perdu le capitaine d'industrie quand même vraiment on a perdu bon

  • Speaker #1

    C'est un point qu'on a abordé plusieurs fois. C'est cette notion de distinction des rôles entre, on va dire, un président et des DG. Et en l'occurrence, c'est un peu la gouvernance que vous aviez mis en place. C'est-à-dire qu'évidemment, il restait très impliqué. Il était dans toutes les décisions stratégiques, etc. Mais il s'était entouré de deux bras droits. Et d'ailleurs, c'est un peu comme ça qu'il avait vu sa succession avec vous, que le record est pris la partie industrielle, et c'était Camus qui devait prendre la partie des médias, si mes souvenirs sont bons.

  • Speaker #0

    C'est ce qu'on a dit, oui, c'est ce qu'on a dit, je crois que c'est vrai. Bon, ça n'a pas été le cas. Non, ça n'a pas été le cas. Ça n'a pas été le cas. Mais alors, dans le groupe ADS, oui, c'était cette forme de gouvernance qui marche très bien, qui a été appliquée, par exemple, dans un autre groupe que je connais très bien, qui est Schneider Electric, parce que je suis ami de très longue date avec Henri Lachman. c'est distinction des étages et je pense que c'est bien. Ça évite une trop grande personnalisation du pouvoir et que ceux qui ont les manettes, ça leur monte à la tête.

  • Speaker #1

    Et ils vous laissaient vraiment diriger ? Parce que quand on... Enfin, de loin, la personnalité d'un Jean-Luc Lagardère, on avait l'impression vraiment que c'était quelqu'un qui était aux manettes, qui dirigeait, etc. Ils vous laissaient carte blanche pour dire comment ça se passait, les décisions avec vous, parce que vous aviez quand même toute la direction des opérations, etc. Quand vous n'étiez pas d'accord avec lui, comment ça se passait ?

  • Speaker #0

    C'était rare de ne pas être d'accord avec lui. On parlait. On parlait beaucoup. D'abord, c'était un homme qui travaillait à l'oral. Beaucoup. Et vous passez sur le grill, et vous repassez, et vous posez plusieurs fois les mêmes questions. Parfois même, il faisait un peu l'âne, pour voir si vous alliez...

  • Speaker #2

    Pour ne pas tomber dans le piège.

  • Speaker #0

    Il ne fallait pas tomber dans le piège. Puis une fois qu'on avait fini... la discussion, il vous disait bon, voilà ce que je pense. Bon, maintenant, vous faites ce que vous voulez. Et alors là, on savait qu'on pouvait effectivement faire ce qu'on voulait. Mais enfin, si c'était le contraire de ce que lui avait dit,

  • Speaker #2

    c'était possible,

  • Speaker #1

    mais il fallait mieux réussir. C'était un petit oui, quoi. Ok, ok. Non, mais ça veut dire qu'il vous le laissait, quand même.

  • Speaker #0

    Ah oui, oui, oui.

  • Speaker #1

    Non, c'est intéressant. Tout à fait. On parle des leçons de management, forcément. Dans toute cette carrière, vous avez eu à gérer des profils, des égaux. Comment on gère les égaux ?

  • Speaker #2

    Et combien de personnes aussi dont on parle ? Ça va faire du monde.

  • Speaker #0

    Quoi ?

  • Speaker #2

    Là, à l'époque,

  • Speaker #0

    vous étiez 110 000 au départ. Ah oui, il y avait un peu de monde. Alors, bon, c'est vrai, c'est un peu le chapitre des leçons de comportement dans ce genre de situation. Alors, dans les négociations, d'abord, sur les répartitions industrielles, il faut d'abord bien connaître son interlocuteur pour analyser sa personnalité. et son objectif réel dans la négociation. Par exemple,

  • Speaker #2

    il arrivait fréquemment qu'en ayant une petite concession de face, on pouvait obtenir des choses plus importantes.

  • Speaker #0

    Les visions industrielles de Lagardère et de Schrempf, par exemple, étaient quand même assez différentes, Schrempf étant plus financier. Il fallait bien essayer de comprendre les motivations. profondes de chacun pour anticiper les points de friction. Alors en cas de friction, que faire ? En cas de friction, il ne fallait pas avoir trop d'égo. C'est-à-dire pas se dire, bon j'ai ça, j'y tiens un mordicule, je tape sur la table, parce que ça pouvait aboutir à de réels blocages. Par exemple, si on avait dit, non, faire un 50-50, on n'accepte pas, bon, c'était fini, il n'y avait plus qu'à aller se... se rhabiller. Donc, pas avoir trop d'égo. Si un conflit d'égo apparaissait, tout faire pour le désamorcer. Généralement, quand même, ça a été le cas. C'est-à-dire que in fine, le succès des revues, c'est quand même beaucoup dû au fait que les gens ont mis l'intérêt collectif au-dessus des orgueils nationaux. Il fallait des fois savoir débrancher un collaborateur qui...

  • Speaker #1

    Ça, ça arrive.

  • Speaker #0

    Oui, qui m'avait pris le drapeau trop haut. J'ai dit, écoute, s'il te plaît, passe à autre chose. Parce que là, ça ne va pas. On va au casque.

  • Speaker #1

    Et dans notre échange, il m'a dit quelque chose qui m'a marqué. C'est qu'il fallait aller vite souvent. Quand on voit une situation qui commence à dégénérer, le succès, c'est d'aller vite. Parce qu'après, ça gangrène.

  • Speaker #0

    Le succès d'aller vite, c'est tenir des propos de vieux. Mais ce qu'on ne sait plus faire du tout. tout dure maintenant des temps absolument infinis, mais nous on décidait dans la semaine. Voilà, bon. Alors, il fallait, quand c'était nécessaire pour désamorcer un conflit d'égo, trouver des compromis. Mais alors, il y a un message très important que je voudrais passer à nos auditeurs, c'est particulier aux jeunes. On doit faire des compromis.

  • Speaker #1

    dans ce genre de situation.

  • Speaker #0

    Mais il y a des compromis qu'il ne faut pas faire, en aucun cas. Et c'est là que c'est difficile, parce qu'il faut entrer en soi-même et se dire, est-ce qu'on est sur un sujet essentiel ou pas ? Si on n'est pas sur un sujet essentiel, on va pouvoir faire tous les compromis possibles et imaginables. Mais si on est sur un sujet essentiel... Il ne faut pas le faire. Pourquoi est-ce que la A380 a été en retard et en 2006 on a découvert un retard ? On avait fait un parcours sans faute du lancement au premier vol. Donc les équipes de développement avaient fait un travail formidable. Formidable. Et l'équipe système de Toulouse, formidable. A l'époque, Jürgen Thomas, que j'ai cité tout à l'heure, avait passé la main à Charles Champion, un grand ingénieur français. Bon. Et voilà, 2006, crise, crise en bourg. Crise sur l'aménagement intérieur des avions. Alors la répartition industrielle qu'on avait prévue prévoyait que l'avion nu s'envolait de Toulouse pour aller en bourg, se faire aménager l'intérieur. Et voilà que... les aménagements électriques se seront avérés pas du tout à l'heure, ils n'y arrivaient pas. Et ça a mis le programme en retard de presque deux ans, cette affaire d'aménagement électrique. Or c'est en partie de ma faute, en partie seulement. Car en 2002, il y avait eu un important débat interne sur les outils logiciels qui devaient être utilisés précisément pour l'aménagement électrique. Les ingénieurs français avaient des outils très up-to-date et qui marchaient très bien. Les ingénieurs allemands avaient des outils beaucoup moins avancés. Beaucoup, beaucoup moins avancés. Les ingénieurs français, c'était du Dassault Systèmes, et les ingénieurs allemands, des Katia, et des dérivés, des prolongements de Katia. Et en Allemagne, c'était pas ça. C'était très en retard. Et en 2002, il y a eu un conflit entre mon adjoint de l'époque et moi. Moi, je voulais généraliser les outils français à l'Allemagne. Et il m'a dit, non, on prendra plus de risques si on change d'outil. Il vaut mieux continuer avec les outils qu'on a. Ça prendra peut-être plus de temps, mais c'est plus sûr. Et là-dessus, j'aurais dû donner ma démission. J'aurais dû sentir que c'était un point vital. Et je vais lui dire non. Alors, il aurait escaladé le problème au niveau des actionnaires. Les actionnaires m'auraient appuyé ou désavoué. Je ne sais pas. Tant que la gardière était vivante, je crois qu'ils m'auraient appuyé. Mais je sentais bien que c'était important. Je n'ai pas senti assez pour mettre tout mon glaive dans le balance, tout mon poids. Et donc, j'ai fini. Alors, on a joué et il me disait mais t'inquiète pas. J'ai fini par me persuader. contre mon instinct, que ça allait marcher. Et donc on est parti là-dessus, et il y a eu, vous allez dire une catastrophe, enfin une crise quand même très importante en 2006, Le caractère erroné des outils de logiciels d'aménagement électrique utilisés à Hambourg est apparu. Et le coup d'envoi au redressement de cette situation a été donné par Christian Streff. qui a fait un passage de quelques mois à Réus, qui a sauté sur le problème et a tout de suite pris des mesures absolument énergiques pour redresser la chose.

  • Speaker #2

    Donc du coup, eux, ils ont changé de logiciel.

  • Speaker #0

    Ah ben ils ont changé de... logiciels. Ils ont fait trois ou quatre ans trop tard, ce qui aurait dû être fait beaucoup plus tôt. Et donc, tout compromis n'est pas... Tout compromis n'est pas bon à faire. Et il faut se laisser en partie guider par son instinct.

  • Speaker #2

    Oui, et à ce niveau-là, il y a des niveaux de pression aussi qui sont extrêmement forts. On ne peut pas être à votre place à ce moment-là. La pression doit être très très forte pour décider si c'est A ou si c'est B.

  • Speaker #0

    La pression était très très forte. C'était difficile pour moi, CEO d'Airbus, d'imposer ma vue à mon adjoint qui était COO, qui dirigeait les opérations. Vous ne pouvez pas le perdre non plus ? Et qui me disait non, ça va marcher et le risque on le prendra si on change. Néanmoins, sur ce point, j'ai sûrement fait d'autres erreurs, mais c'est l'erreur la plus flagrante qui m'apparaît dans ce que j'ai fait contre Thierbus.

  • Speaker #1

    Oui, parce que ce qu'on a du mal à mesurer, c'est les conséquences en chaîne que ça apporte. Parce qu'en fait, on a l'impression qu'on aurait pu utiliser Katia ou un autre logiciel. Enfin, les Français auraient pu mettre leur logiciel, mais on ne l'a pas fait. Et donc, du coup, ça a entraîné tout un tas de choses. Donc, ça a eu des conséquences en chaîne. dans la durée et qui, à la fin, font qu'on a un vrai problème stratégique si la 380 sort avec deux ans de retard ou trois ans de retard.

  • Speaker #0

    Oui, absolument. Ça n'a pas mis le programme vraiment en péril à l'époque, mais enfin, ça a coûté de l'argent. Puis ça a abîmé quand même un peu l'image de maîtrise qu'on avait donnée jusqu'à présent.

  • Speaker #1

    Julien, est-ce que tu veux lancer la dernière partie ?

  • Speaker #0

    Alors, j'avais peut-être encore une chose. Alors, avec plaisir.

  • Speaker #1

    Noël, il faut y aller, c'est le moment.

  • Speaker #0

    J'avais peut-être encore une chose à dire, puisqu'on essaie de tirer les leçons de management de toute cette période. Il y a un point très important, et ça la garderie excellait. Et moi j'ai eu à le faire dans un contexte européen, international. Il faut mettre en situation les talents. Les talents dans un rapprochement international, il y en a. Il y en a partout, dans toutes les nationalités. Il y avait de très grands talents allemands. J'ai cité Jürgen Thoma, tout à l'heure, qui a dirigé la 380. Et ça, les gens qui ont beaucoup de talent... Il faut vraiment les mettre en situation opérationnelle, quelle que soit leur nationalité.

  • Speaker #3

    Ce que vous voulez dire, c'est leur confier des projets.

  • Speaker #0

    Leur confier des projets.

  • Speaker #2

    C'est très ambitieux.

  • Speaker #3

    Peu importe. Lui, c'est un talent, il faut lui confier un projet.

  • Speaker #0

    Absolument. Alors, le problème, c'est d'asseoir son jugement sur les gens. Alors, moi, je suis un peu de la vieille école, je pense beaucoup à l'importance du... Mais bon, des fois, ça ne suffit pas. Il faut que le jugement sur les gens, ce soit un petit peu sur des jugements collectifs. C'est rare que la vox populis se trompe complètement. Quand dans une boîte, un type a une super réputation, que les gens, les équipes disent « ça c'est un mec formidable » , généralement c'est vrai. Donc il faut aller un petit peu, voilà, prendre le pouls. des uns et des autres. C'est comme ça, quand j'ai été confronté au fait que Jürgen Thomas, à cause de l'âge, devait quitter la 381, que j'ai sélectionné Charles Champion, ce qui s'est révélé un très très bon choix, car il n'a été compromis en rien, lui, dans les difficultés électriques. Mais c'est un vrai travail pour le dirigeant dans une situation comme ça. que d'arriver à repérer et à sélectionner les agents, les talents et ensuite confronter son gisement.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que dans beaucoup de projets de croissance qu'on voit, on a ce qu'on appelle des build-up, c'est-à-dire des acquisitions. Quand des acteurs français veulent s'internationaliser, souvent ils le font par rachat. Comment on fait ? C'est-à-dire que concrètement, vous, quand vous êtes rapproché de ces équipes, vous avez fait le tour, parce que vous êtes quand même très haut placé. Comment vous pouvez avoir une vue sur les N-2 ou les N-3 pour savoir qui va être intéressant de garder ? Parce qu'avant de pouvoir se faire, de pouvoir avoir ce feeling et de se dire, bon, je pense qu'il est bien, comment on fait concrètement ?

  • Speaker #2

    Surtout dans un groupe de 110 000 personnes.

  • Speaker #0

    Moi, je pense que gérer un grand groupe, il faut être sans arrêt dans un état d'esprit de scanner. c'est-à-dire couvrir tout le sang pour qu'il n'y ait pas quelque chose de majeur qui vous échappe, et carotter, c'est-à-dire aller au terrain, aller au terrain par échantillon, et là se faire une opinion en parlant aux gens, sur le terrain.

  • Speaker #2

    Un exemple, c'était descendre dans les usines ? Oui,

  • Speaker #0

    c'était descendre dans les usines. en étant bien à l'écoute, en scannant, etc. Savoir que, oh, je ne sais pas, à Saint-Nazaire, tiens, ça serait intéressant d'aller à Saint-Nazaire. Comme ça, il y a une espèce d'intuition qu'il peut y avoir quelque chose qui s'y passe. Et voilà, à mon avis, c'est ce qu'il faut faire.

  • Speaker #1

    Carottage, c'est intéressant comme concept.

  • Speaker #0

    Oui, oui, scanner et carotter, c'est ce que mon expérience m'a appris. et puis, alors il y a un point important aussi quand même, bon, la vie industrielle d'un groupe de la taille d'Airbus est faite aussi de, il y a des crises même si on essaie de les amorcer il y a des crises, il faut être résilient il ne faut pas se casser sous la table dès qu'il y a quelque chose qui se passe, il faut arriver à passer les crises Avec résilience, sans casser trop de vaisselle. C'est-à-dire maintenir l'essentiel, mais ne pas... Comment dire ? Casser la machine, antagoniser les gens.

  • Speaker #2

    Faire des choix trop brutaux.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, on a le temps de désamorcer certaines situations. Ce ne doit pas être si simple qu'on veut bien le croire.

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas du tout simple. Et puis, il faut savoir quelles situations il faut désamorcer et lesquelles il faut aller jusqu'au conflit parce que c'est trop important.

  • Speaker #2

    C'est une bonne transition vers une partie qu'on a l'habitude d'aborder sous l'angle entrepreneurial et qui se fait très bien ici, qui est un peu le next game. C'est-à-dire qu'on en a parlé un petit peu tout à l'heure, mais il y a cette idée sous-jacente régulièrement abordée d'essayer de répliquer le modèle Airbus sur d'autres domaines d'activité pour l'Europe. On l'a vu dans les échanges qu'on a eus qu'en partant d'une intuition... entreprenariat industriel couplé à de la politique et à une éducation exceptionnelle, on est capable de battre un géant américain. Ça fait longtemps qu'on n'a pas entendu ça par ailleurs.

  • Speaker #1

    Dans la tech, notamment,

  • Speaker #2

    on n'a pas réussi. Et aujourd'hui, le géant, il est peut-être plus américain et probablement chinois. Aujourd'hui, tous les regards se disent comment faire pour y arriver. Il y a eu cette volonté qu'on a vue là. Si on échange, c'est un peu une discussion fiction, mais selon vous, ça serait quoi les domaines qui seraient adaptés à faire ce géant européen en appliquant peut-être les recettes qu'on a là. Alors peut-être qu'on va discuter. Finalement, il n'y a peut-être plus de capitaine industrie, donc on ne va peut-être pas y réussir. Mais peut-être, déjà la question,

  • Speaker #0

    c'est ce qu'il y a des domaines qui vous intéressent. Peut-être qu'on n'est pas des billes. Bon, il y a quand même... En Europe.

  • Speaker #2

    Oui, en Europe.

  • Speaker #0

    Et en Europe en général, il y a des entrepreneurs. En France, il y a des ingénieurs. Moi, je suis admiratif du système d'école d'ingénieurs français. Je pense, franchement, qu'on n'a rien à envier au MIT ou à Stanford. On sait à la fois former des gens d'un niveau élevé qui sont des grands ingénieurs qui vont se voir diriger des entreprises. avec, à mon avis, un plus gigantesque par rapport aux purs administratifs, aux managers. Et puis, nos écoles, elles forment ça, et elles forment aussi des spécialistes, absolument pointus d'un domaine où il y a trois personnes dans le monde qui savent,

  • Speaker #3

    et on sait former ces gens-là aussi.

  • Speaker #0

    Alors, je crois que le niveau de nos ingénieurs doit nous donner vraiment confiance dans nos possibilités. La France a quand même bien d'autres atouts. Le coût de l'énergie, à condition que le prix reflète le coût de l'énergie.

  • Speaker #2

    Autre débat. Autre débat.

  • Speaker #0

    Les filières industrielles. Je suis probablement un gars, mais je crois beaucoup aux filières. Pourquoi ? Pour moi, une filière, c'est De Gaulle, à l'époque, qui dit à quelqu'un, Guillaumat par exemple, tu vas me développer l'industrie pétrolière. Voilà le résultat, je veux être dans 5 ans, et voilà les moyens dont tu disposes. Ou le nucléaire. Évoque la galère, on a une filière, une mission. un homme en charge des budgets. Ça me paraît beaucoup plus efficace pour un pays que l'Irlande, on met un milliard et puis on réunit un comité tartemus avec tout le monde, alors où est-ce qu'on va les mettre ? Alors chacun défend son truc, à la fin on pose saupoudre un petit peu. Pour moi, France Industrie, c'est... Un petit peu ça, même si les gens qui gréent ce dispositif sont tous extrêmement estimables. Bon, on a aussi quand même des mécanismes de soutien en France à l'industrie qui sont... C'est intéressant, comme le crédit d'impôt cherche. Il avance remboursable pour les avions. Mais j'aimerais bien qu'il soit plus focalisé sur des filières.

  • Speaker #1

    Il y en a eu récemment. C'est vrai que ça ne me vient pas en tête.

  • Speaker #2

    Comment ?

  • Speaker #1

    Il y en a eu récemment, des filières qui ont été lancées, non ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, par exemple, sur le nucléaire, trop ce qui se passe. Bon, alors le nucléaire... Bon, le nucléaire. Alors, vous me demandez quel secteur on pourrait essayer d'appliquer la démarche Airbus. Bon, le nucléaire, ça me paraît la première évidence, parce que c'est vraiment un domaine dans lequel on a été au premier rang mondial. On savait tout faire. Bon, on a été visionnaire dans les années 60, il faut quand même dire. C'était un peu Pompidou et puis surtout Giscard. Bon, là, quand même, chapeau. Alors, et puis, le nucléaire reprend de l'élan après une période de valsicitation, et on doit s'organiser pour contrer les géants américains et russes. Bon, on a énormément perdu en compétence dans les 20 ans de valsicitation qui ont eu lieu à cause des psychologistes et de la complaisance politique. à l'égard des écologistes. Mais cette filière, il faut la reconstituer. Et il faut l'incarner. Aujourd'hui, l'incarnation naturelle, c'est le président d'EDF. Puisque EDF... a repris la filière nucléaire. Pour moi, c'est un peu bizarre. C'est comme si Air France avait absorbé Airbus. Mais enfin, c'est comme ça. C'est comme ça. Et voilà.

  • Speaker #3

    On ne va pas voler très loin.

  • Speaker #0

    Je ne dis pas que ça ne va pas marcher, mais ça me paraît la première filière à laquelle on peut...

  • Speaker #2

    Ça permet d'être face à... Politiquement, à les Etats-Unis, à la Russie, on retrouve ce niveau-là.

  • Speaker #3

    Et on y est arrivé. Oui,

  • Speaker #1

    et puis ça crée des écoles, ça crée des génies en maths. C'est tout un écosystème qui se relance derrière.

  • Speaker #3

    Tout un écosystème. Ce qui est un peu dommage dans cette filière-là, c'est qu'on l'a beaucoup délaissé, vous l'avez dit, notamment par les écologistes. Et c'est né du mouvement de l'Allemagne, avec Schröder, etc. On sait bien ce qui s'est passé. Merkel, surtout. Oui, Merkel. Après, c'est par Gazprom, etc. Et on voit toutes les conséquences. Ce qui est un peu dommage, c'est que toutes ces compétences, elles existent ou elles sont parties, et beaucoup aussi en Chine, parce qu'on a été développé... Les bateurs notamment, tout ce qui est matématique. Et donc en fait, il y a quand même toute une filière à reconstruire, parce qu'on a perdu, même au niveau de la maintenance d'ailleurs. Donc il y a quand même toute une filière à reconstruire, mais ce que vous dites, c'est qu'on a les bases, on a été très fort, donc à privilégier en priorité.

  • Speaker #1

    Oui, oui,

  • Speaker #0

    à mon sens.

  • Speaker #1

    Il y a de la défense, on dirait qu'il se relance un peu en ce moment.

  • Speaker #0

    Alors, on a la défense. bon, je ne crois pas qu'on ait perdu trop de compétences parce qu'on a eu aussi de politique depuis très longtemps, de rester présent sur tous les fronts technologiques avancés. Alors évidemment, on a une politique d'échantillonnage, mais on a à peu près des échantillons partout.

  • Speaker #3

    On a des beaux sous-marins et des beaux avions de chasse.

  • Speaker #0

    On a des beaux avions de chasse, oui, tout à fait.

  • Speaker #2

    Donc le nucléaire, ça sera un secteur prioritaire. Vous en voyez d'autres ? Nucléaire civil ?

  • Speaker #3

    Est-ce qu'on a parlé du nucléaire, mais nucléaire civil ?

  • Speaker #0

    Ah, civile, oui, oui, oui, je parlais du nucléaire civil. Je parlais du nucléaire civil. Le reste, le nucléaire de défense, c'est le gaz qui continue son chemin.

  • Speaker #3

    Oui, on est plutôt pas mauvais.

  • Speaker #0

    Bon, il y a... J'ai l'impression qu'on a quand même en France une très bonne école de mathématiciens et sur l'intelligence artificielle, le cloud, face au GAFAM, quand je vois une entreprise comme Mistral... Je ne les connais pas du tout, les gens de Mistral, mais d'après ce que j'en entends dire, chapeau. C'est vraiment quelque chose sur lequel il faudrait capitaliser. Mais alors, il ne faut pas être petit bras. Les besoins de financement qu'on prête à Mistral, c'est quelques milliards, mais les autres, ils mettent des centaines de milliards aux États-Unis. Donc, si c'est devenu une véritable priorité européenne. devrait pouvoir réunir quand même des moyens européens, plus importants, peut-être aussi dans le domaine des semi-conducteurs, face à Intel, à TSMC, à AMD, à Micron Technology.

  • Speaker #1

    Apple aussi qui en font maintenant. Oui,

  • Speaker #0

    on a quand même des éléments.

  • Speaker #3

    Parce que c'est une finiaire stratégique. On ne serait peut-être pas compte tenu de l'évolution notamment des américains et des chinois sur le sujet on serait peut-être pas les mieux placés mais en tout cas si c'est une filière stratégique il faut qu'elle le soit et qu'on y mette les moyens on avait les microprocesseurs aussi à un moment donné qui sont en France je sais plus comment ça s'appelle la

  • Speaker #2

    question c'est quels sont les freins en fait parce que je pense que les domaines peuvent être assez bien identifiés mais qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui il n'y a plus cette réunion politique industrielle et d'exécution qui se met en place

  • Speaker #0

    Je pense que le pouvoir ne se sent pas légitime à désigner un homme une mission. Il préfère afficher les moyens, limiter d'ailleurs qu'on a vu la situation budgétaire lamentable du pays, préfère assuffler les moyens et puis distribuer. Mais qui osera dire toi je te confie cette mission et on ira au résultat dans quelques temps parce qu'il y a... Je crois que nos dirigeants politiques sont sans arrêt soumis à des risques d'accusation, de favoritisme, de soucis de cela. Mais enfin, il y a des pas qui se font dans le domaine de l'espace. On n'est quand même pas ridicule en Europe. Je pense que le rapprochement qui s'amorce entre Thales, Aledian Space et Astrium, c'est bien.

  • Speaker #1

    Parce qu'on est quand même fort challengé par les Américains.

  • Speaker #0

    Alors vous me demandez ce qu'on avait comme... quels étaient les freins ? Je pense qu'on... bon, il y a la bureaucratie, évidemment, étatique, et je ne suis pas sûr qu'en matière de production, on ait déjà fait le saut quantique qu'a un Elon Musk imprimé, par exemple, à ses affaires. Il faut quand même reconnaître qu'il arrive à fabriquer des choses à une rapidité qui est un ordre de grandeur. D'une start-up, oui. Oui, c'est incroyable.

  • Speaker #3

    Il doit y avoir des moyens de lancer des choses qui fassent mordre la poussière aux Américains dans la durée du fait de l'euro. leurs erreurs massives de mépris de l'ESG ils méprisent tout ça alors ça paraît créer une bonne occasion on aura la chance d'avoir Rachel Delacour très bientôt qui nous en parlera, elle dit que justement ça se retournera contre eux, et d'ailleurs la plupart des grandes sociétés américaines en sont conscientes moi ce que je trouve fascinant et vous avez parlé d'Elon Musk, ce que je trouve fascinant c'est la capacité des américains à repenser des systèmes dans leur globalité Merci. J'ai écouté récemment le podcast sur Nvidia et la façon dont ils ont fait de l'extrême co-design, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas été simplement se dire qu'il faut améliorer les chips et tout le process de fabrication des composants, mais ils ont tout revu, le cloud, ils ont une capacité à revoir dans leur ensemble et ils ont battu la loi de Moore. En général, on dit on double le nombre de composants tous les 18 à 24 mois, ils ont fait x30 entre... entre les derniers openers et entre Blackwell et openers. Je trouve ça incroyable leur capacité à aller tout revoir une industrie. Mais pourtant, c'est un peu ce que vous aviez fait avec Airbus, puisqu'il fallait revoir les logistiques. C'est penser son système dans son ensemble, pas simplement une petite partie améliorée bout par bout.

  • Speaker #0

    Oui, mais même de notre temps, il y avait des challenges. Par exemple, à l'époque, je me souviens, il y avait une boîte qui s'appelait Watch Bay, qui nous challengeait sur les satellites. Ils faisaient des tout petits satellites à des coûts défiant toute concurrence. Et d'ailleurs, je crois savoir qu'Watch Bay est engagée dans un grand projet européen ces temps-ci. Est-ce qu'on a repensé à ces systèmes en matière aéronautique ? Je ne suis pas sûr. A l'époque, la grande chose, c'était de dire « Allez voir du côté de l'automobile, vous aurez des choses à apprendre. » Je ne suis pas totalement sûr. L'automobile, elle a engagé son truc aussi avec Stellantis, qui est quand même une belle fusion européenne. Stellantis, européenne et américaine, avec Jeep, Chrysler et Jeep. filiale de Chrysler. Et si l'Orlux Autica aussi, c'est quand même...

  • Speaker #3

    Oui, ça, on a eu Xavier Fontanel. Ah oui, c'est une formidable réussite. Et c'est vrai que vous avez toute une génération... Il y a un livre d'ailleurs qui le résume très bien, que j'aime beaucoup, qui s'appelle Les Grands Fauves. Je vous invite à le lire. Ça avait été toute une génération où il y a toutes ces grandes sociétés françaises qui sont nées dans l'air post-mitterrand, mais que ce soit les AXA avec BBR qui est parti il n'y a pas longtemps, mais derrière Schneider, derrière... On a parlé de Legrand, on a parlé de toutes ces grosses sociétés qui sont nées de la France, même les Air Liquide depuis longtemps, mais qui ont pris des parts de marché. On est passé de belles PME, ETI françaises à des gros groupes internationaux. C'est le moment où il y avait Bolloré aussi. C'était fantastique cette époque.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Je n'ai pas d'analyse fine à vous livrer sur les différences entre cette époque et maintenant. Je pense quand même que l'argent était plus facile. Il y a 20 ans, parce que la situation budgétaire du pays n'était pas du tout la même.

  • Speaker #1

    Et la raison dans ce qu'il dit, c'est que depuis ces années-là, il n'y a pas eu un géant du 4,40 qui a émergé sur ces dix dernières années, quand on regarde. Non, c'est toujours des boîtes qui ont 20, 30, 40 ans. Tu regardes ce 4,40, ça n'a pas bougé. Non,

  • Speaker #2

    non,

  • Speaker #0

    non, pas beaucoup.

  • Speaker #2

    Je pense que tu voudrais résumer, toi, Julien, peut-être les trois points que tu... Ouais,

  • Speaker #1

    non, là, c'est vrai que c'est délicat, mais il y a plusieurs points que j'ai retenus. Le premier qui est hyper intéressant, qu'on a évoqué plusieurs fois dans le podcast, c'est quand même la vision d'un homme qui est capable de fédérer autour de lui une équipe de top guns, on va faire une analogie avec le monde de l'avion, et qui a une vision quand même long terme d'un très gros projet industriel, c'est-à-dire qu'il ne regarde pas, comme vous l'avez expliqué, les économiques court terme, c'est-à-dire qu'il va regarder sur 5, 10, 20 ans, ce qui aujourd'hui est moins le cas en tout cas. Deuxième point, c'est cette capacité quand même à... Quand vous parliez de leadership et de management, c'est quand même d'avoir des intuitions fortes sur des paris qui sont à risque et d'aller au bout du projet. Lancer un avion comme l'A380, ce n'est pas non plus une décision. Nous qui sommes plutôt issus du monde du digital, ça nous dépasse un peu de prendre la décision de lancer un projet de 15 milliards d'euros.

  • Speaker #3

    Ce qui fait qu'il y a ton avant.

  • Speaker #1

    Oui, 20. Bon, à un moment donné, c'est aussi d'avoir cette vision stratégique sur l'évolution des marchés et ne pas se tromper. Parce qu'il y avait l'histoire du point-à-point à un moment donné. Vous, c'était le pari du hub-à-hub. Enfin voilà, il fallait faire ce pari-là. Et puis le troisième, je trouve que j'aime bien. Je ne sais pas si c'est un point de scale, en tout cas. Mais on a parlé des filières. Je trouve ça hyper passionnant, en vérité. D'avoir cette vision, de se dire, on doit relancer des filières et de recréer tout un écosystème autour de ça. Et ça aussi, c'est des projets long terme. Donc moi, ce que je retiens un peu de l'échange qu'on a aujourd'hui, c'est de faire sur... C'est pas de regarder à court terme, mais c'est vrai qu'on regarde ce qui se passe au gouvernement, on a l'impression que c'est très court-termiste. Oui,

  • Speaker #0

    mais où est l'état de stratégie ?

  • Speaker #1

    Oui, il n'y a pas de gros projet, quoi.

  • Speaker #3

    Mais ça manque aussi de capitaine d'industrie, parce que ce que vous dites, c'est que... Oui, voilà, on l'a perdu. Voilà, la gardière, il a été clé dans le fait de mettre tout le monde autour de la table, y compris les politiques.

  • Speaker #0

    Je serais étonné qu'il n'y ait pas dans les 40-50 ans aujourd'hui des... des grands capitaines d'industries capables de prendre... Je ne connais pas, moi. Je serais étonné qu'il n'y en ait pas.

  • Speaker #3

    Il y en aura. On va être optimiste. Il y en a des bons ingénieurs. On a retenu ça.

  • Speaker #2

    Exactement. Et peut-être une question. Il y a une personne que vous aimeriez qu'on invite et que vous connaissez à ce podcast qui devrait témoigner peut-être sur des périodes...

  • Speaker #3

    De notre histoire industrielle, oui.

  • Speaker #0

    Moi, je pourrais dire le patron. Je ne le connais pas. Le patron de Mistral.

  • Speaker #1

    beau pari celui-là comment ?

  • Speaker #0

    c'est un beau pari de l'inviter lui c'est la star et alors comment vous voyez comment donner une projection mondiale à ce succès ?

  • Speaker #1

    bonne question si vous m'invitez je l'installerai d'abord on a deux super invités qui sont déjà passés là merci beaucoup en tout cas pour votre temps passionnant pour les auditeurs n'oubliez pas de mettre

  • Speaker #2

    5 étoiles sur vos applications de podcast préférées, des petits commentaires. Ça remonte dans l'algorithme, ça nous fait connaître encore plus. Vous voyez, ça permet à Julien de se payer des vacances. À Paris !

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