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MiXiT On Air

Episode 03 - Comprendre les autres, ça commence par les mots… et par soi-même

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26min |03/12/2025
Play
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26min |03/12/2025
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Description

Dans cet épisode, nous discutons avec Anne-Laure Gros, développeuse, et Diane Moinet, facilitatrice en communication inclusive. Ensemble, nous explorons comment comprendre les autres commence par les mots et soi-même. Entre les activités de discipline positive et le langage inclusif, découvrez comment muscler notre capacité à vivre ensemble dans les équipes. Une conversation où de la technique oui, mais de la tech éthique, les fondations sont d'abord humaines et relationnelles.


Invité.es :

- Anne-Laure Gros

- Diane Moinet


Interviewers :

- Aude Lemar-Verrier

- Véronique Bonnefond


Liens de l'épisode :

- https://fr.wikipedia.org/wiki/Test_de_Bechdel

- https://www.marabout.com/livre/la-discipline-positive-9782501141314/

- https://fr.wikipedia.org/wiki/Alfred_Adler

- https://www.editions-tredaniel.com/avoir-le-courage-de-ne-pas-etre-aime-p-7575.html?v=awzGnQ

- https://ncase.me/trust/

- https://www.binge.audio/podcast/parler-comme-jamais/

- https://www.gallimard.fr/catalogue/le-francais-va-tres-bien-merci/9782073036698

- https://www.lerobert.com/essais-et-litterature/le-cerveau-pense-t-il-au-masculin-9782321016892.html

- https://mixitconf.org/2025/le-langage-inclusif-un-levier-d-engagement-dans-les-equipes

- https://mixitconf.org/2025/triangle-cherche-carre-3-activites-pour-mieux-apprecier-nos-differences


Enregistré le mardi 29 avril 2025 lors de MiXiT 2025


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur Mixit On Air, où la tech rime avec l'éthique. Je suis Aude.

  • Speaker #1

    Et moi, je suis Véronique.

  • Speaker #0

    Et à chaque épisode, nous plongeons dans les coulisses de la conférence Mixit pour vous faire découvrir les innovateurs et innovatrices qui façonnent notre avenir numérique. Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir Anne-Laure Gros, développeuse Bac Java chez Lixi, et Diane Moinet, formatrice et facilitatrice en communication inclusive. Et avec elle, nous allons... explorer l'inclusivité et l'appréciation de nos différences avec l'épisode Comprendre les autres, ça commence par les mots et par soi-même.

  • Speaker #1

    Saut la terre, saut la terre.

  • Speaker #0

    Je vais vous prendre une crêpe au sucre.

  • Speaker #2

    Avant d'être développeuse, j'étais enseignante. Et ce qui me passionnait dans mon métier d'enseignante, c'était vraiment d'aller comprendre qu'est-ce qui se joue à l'intérieur de ces petites personnes apprenantes. Qu'est-ce qu'ils vont faire ? Qu'elles vont grandir et devenir des citoyennes, des citoyennes aguerries. Et même après ma reconversion maintenant en tant que développeuse, c'est des questions que je me pose. Pour moi, c'est vraiment la question de qu'est-ce qui se joue dans nos relations les uns avec les autres ? Qu'est-ce qui va faire que finalement on se sent bien dans un cadre, dans une équipe, qui me donne envie d'aller creuser le sujet ?

  • Speaker #3

    Alors, c'est très drôle que tu dis ça parce que j'étais enseignante aussi avant, également en reconversion. Et je pense que c'est à ce moment-là où j'ai commencé à être sensibilisée à ce sujet, puisque je voyais l'impact du langage dans la prise de confiance qu'on peut avoir, ou au contraire, l'insécurité linguistique. Et j'ai vraiment eu envie de creuser ce sujet-là et de voir comment... donc moi je l'ai d'abord expérimenté dans le... dans le secondaire, dans l'enseignement, mais comment est-ce que ça a également un impact dans le monde professionnel et de quelle manière on peut sensibiliser aux discriminations linguistiques et promouvoir davantage de diversité autour de la langue française ?

  • Speaker #0

    Alors vos approches sont différentes mais complémentaires. L'une c'est plus par l'expérimentation, par le jeu, et l'autre par l'impact des mots. Donc comment, selon vous, on peut muscler ? notre capacité à vivre ensemble dans les équipes ? Diane, si tu veux commencer.

  • Speaker #3

    Alors, je pense qu'il faut penser d'abord au fait que ce sont des sujets qui ne sont pas encore vraiment conscients. Il faut d'abord travailler sur la prise de conscience des équipes, que c'est un sujet et c'est quelque chose auquel il faut prendre le temps de réfléchir pour... être dans l'inclusion, parce que sinon on passe à côté d'une dimension essentielle de l'inclusion. Et il y a beaucoup d'incompréhension et de résistance qui peuvent exister autour de ces sujets-là. Et donc la dimension pédagogique, pour moi,

  • Speaker #2

    elle est essentielle pour pouvoir convaincre d'abord de l'importance et de l'utilité de ce sujet, et ensuite pouvoir agir dessus.

  • Speaker #0

    Tu veux compléter, Anna ?

  • Speaker #2

    Oui, ça me parle beaucoup. J'allais dire que c'est un chemin, en fait, pour moi. Ce n'est pas un objectif à atteindre. Parce qu'en fait, on ne l'atteindra jamais. Je pense qu'on ne pourra jamais être parfait. Et puis, si on savait comment régler nos relations, comment faire en sorte qu'on se sente tous bien, tous ensemble, on le ferait déjà. Donc, c'est quelque chose de difficile dans lequel on peut toujours, toujours et encore progresser. Donc, ce que j'aurais envie de dire, c'est oui, mettre ça au cœur de nos pratiques pour constamment se remettre en question, constamment le pratiquer, faire des petits temps, faire en sorte que ça devienne quelque chose qu'on sait tous qu'on doit... Que ce soit un chemin collectif sur lequel on avance toutes et tous ensemble.

  • Speaker #0

    Alors, on va justement explorer ça un peu plus à travers de vos deux terrains de jeu.

  • Speaker #1

    Alors, tu proposes des activités pour apprendre en faisant et changer notre perception des autres. Tu peux nous décrire une de ces activités et ce qu'elle déclenche chez les participants ?

  • Speaker #2

    Je pense que les trois activités que je propose, en tout cas, c'est des choses qui ont été des déclics. pour moi et c'est pour ça que j'ai envie de les proposer. Je ne peux pas savoir si ça va vraiment déclencher un déclic chez les autres mais je l'espère. Et la plus marquante, c'est l'activité du milieu, une activité de discipline positive qui s'appelle les cordelettes. Et le principe est de mettre deux personnes face à face et de leur faire jouer un mini-jeu qui va les inciter finalement ou naturellement on va chercher une solution gagnant-perdant c'est-à-dire que je vais faire un jeu tout simple où en fait on gagne si l'autre personne vient dans son territoire et le simple fait de dire ça les gens vont être immobiles en fait et vont finalement perdre à deux plutôt que gagner à deux simplement parce qu'ils ne sont même pas... eu conscience qu'il était possible de gagner à deux. Et cette activité, elle m'a beaucoup marquée, elle m'a beaucoup marquée quand je l'ai aussi animée dans des collèges. Je me rappelle une expérience avec une classe de cinquième où ensuite, ils sont censés suivre un débat où pendant une demi-heure, toute la classe a essayé de convaincre une élève que oui, il était possible de gagner à deux un jeu. Et pour elle, c'était quelque chose d'impensable, c'est-à-dire que même après 30 minutes de débat... C'est quelque chose qui l'a dépassé. L'autre personne avait gagné, elle, elle avait forcément perdu. Et du coup, montrer, mettre nous face à face, qu'en fait, c'est un réflexe qu'on n'a pas et qu'il faut forcément être actif et conscient pour aller plus loin. Je crois que c'est quelque chose de très marquant.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as d'autres exemples de prise de conscience, de préjugés qui sont sortis lors d'autres ateliers ?

  • Speaker #2

    L'activité que j'aime faire, que je fais quand j'ai le temps, que j'ai fait dans une autre conférence et que je fais à chaque fois, que je présente ce que je fais en discipline positive quand j'étais formatrice et que j'interviens dans des classes, c'est de demander aux gens quels sont les problèmes qu'ils rencontrent dans leurs équipes. C'est assez facile finalement, la liste monte assez vite. Ou dans leur classe, dans le cadre de l'enseignement. Et puis ensuite, je leur dis, ok, projetez-vous dix ans après, les personnes qui... constituent l'équipe, les gens avec qui vous travaillez, ont progressé. Ils ont acquis des talents et des compétences et maintenant ils arrivent avec une équipe géniale, parfaite, qui est exactement comme vous voulez. Quels sont ces talents et ces compétences qu'ils ont développées ? Et je fais la liste, on dresse la liste petit à petit et dans 99% du temps, ce qui ressort, ce sont des compétences psychosociales. On va parler d'autonomie. On va parler d'être heureux, d'être capable de trouver des solutions, de se sentir bien, d'être plus inclusif, etc. Et je trouve ça tellement marquant à quel point ça marche dans tous les contextes où j'ai fait. Ce qui est au cœur de ce qui nous tient à cœur, ce sont les compétences péquo-sociales et on ne les travaille jamais. On les prend pour acquises. On se dit qu'un enfant, s'il fait des colères, c'est normal, mais un adulte, lui, sait gérer ses émotions. On ne sait pas trop comment, au passage, ça s'est passé, mais en tant qu'adulte, on sait faire. Du coup, ça ne s'apprend pas. Et ça, c'est complètement faux pour moi. C'est vraiment marquant pour moi comme expérience de faire cette espèce de petit exercice où on se rend compte à quel point c'est important pour nous de progresser sur nos compétences relationnelles.

  • Speaker #0

    Diane, quand tu entends ça, on t'a vu hocher la tête. Est-ce que tu retrouves des mécanismes similaires dans l'approche du langage inclusif ?

  • Speaker #2

    Oui absolument, ça m'a fait un certain nombre de choses.

  • Speaker #3

    Je pense qu'effectivement l'approche psychosociale est très importante. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'un de mes angles d'approche, c'est la psycholinguistique, c'est vraiment voir quels sont les effets vraiment sur le cerveau, sur nos représentations mentales et donc notre représentation du monde et des autres, induites par le langage. Et c'est des choses auxquelles effectivement on n'est jamais formé. et dont on n'a même pas conscience de l'importance, alors que ça va modeler toutes nos interactions sociales en permanence. Et aussi la sociolinguistique, qui est donc une autre branche qui va plutôt étudier l'impact de la société sur la langue et vice-versa. Et là aussi, on se rend compte que ça modèle complètement toutes nos interactions sociales. Donc oui, ça me parle beaucoup.

  • Speaker #1

    Et Diane, tu travailles sur la place du langage dans l'inclusion. Concrètement, en quoi des mots peuvent renforcer ou au contraire briser le sentiment d'appartenance dans une équipe ?

  • Speaker #3

    Alors, de plusieurs manières assez implicites, en fait. C'est jamais quelque chose de flagrant, c'est plein de micro-agressions ou micro-encouragements, je dirais. Donc, il n'y a pas forcément un mot qui va faire la différence, mais c'est une ambiance qui va se créer où soit on se rend compte qu'on va... Prendre le temps de penser à l'autre et de l'inclure. Donc ça va passer par avoir des tournures de phrases qui sont inclusives. Ça va passer par ne pas juger les différences linguistiques, comme par exemple les différences d'accent. Ça c'est la discrimination qu'on appelle la glottophobie, qui est assez méconnue. Le fait d'empêcher... ou moquer une personne à cause de son accent, de ses manières de parler. Et ça, c'est souvent très implicite, on ne s'en rend vraiment pas compte, alors que c'est quand même assez fréquent. Et autour des questions de tournure inclusive aussi, on a remarqué avec toutes les études qui concordent en psycholinguistique que oui, si on parle au masculin générique, c'est-à-dire en considérant que le masculin englobe également le féminin, non, aussi bien les hommes que les femmes ne pensent pas. pas qu'il y a des femmes incluses dans le sujet. Et donc ça, toutes les études concordent là-dessus, c'est vraiment un effort et un geste à faire pour pouvoir se sentir davantage concernée dans une équipe.

  • Speaker #0

    Donc il y a de la résistance au changement, et donc les freins les plus fréquents que tu rencontres quand tu parles de langage inclusif au sein des entreprises, des organisations, tu peux nous les citer ?

  • Speaker #3

    Oui, alors le premier, je dirais, c'est la crainte de militantisme et de politisation. Ça, c'est quelque chose qui fait assez peur. Et ce que j'aime bien répondre à ça, c'est en fait déplacer le débat et de ne pas se dire est-ce qu'on est en train de faire de la politique ou du militantisme, mais c'est plutôt est-ce qu'on est en train de prendre en compte l'aspect éthique du monde du travail ou est-ce qu'on est en train de l'écarter ? Et ça permet... par ce petit déplacement de terminologie, en fait, déjà d'apaiser les choses et de pouvoir continuer d'en parler parce qu'effectivement, c'est un sujet et ça a des conséquences très concrètes dans le monde du travail. Et les deux autres résistances que j'observe, c'est compliqué parce qu'on n'est pas forcément habitué à utiliser du langage inclusif ou en tout cas, on n'a pas conscience de le faire. Et donc, il y a une partie vraiment de... de pédagogie à faire pour montrer comment ça s'utilise et proposer des stratégies. Par exemple, je propose la création de chartes de communication inclusive pour les équipes. Ça permet d'avoir une homogénéisation des termes qu'on emploie et de se sentir plus à l'aise, de se dire sur tel sujet, on va tous et toutes employer ce type de terminologie. Ça enlève une charge mentale aussi. Donc ça, c'est une réponse que je donne à cette... à cet argument-là. Et le dernier, c'est inutile, pourquoi faire ça ? Finalement, on a d'autres priorités que le langage inclusif. Et dans ce cas-là, ce que j'aime bien faire, c'est rappeler l'histoire de la langue et montrer qu'en fait, c'est une construction qui est loin d'être neutre et qu'on a eu une masculinisation volontaire de la langue à partir du XVIIe siècle jusqu'à aujourd'hui. Et donc, oui, la langue ayant été modifiée de manière intentionnelle, Ça peut être intéressant aujourd'hui au XXIe siècle de dépoussiérer un petit peu tout ça et aussi en donnant des données scientifiques avec la psycholinguistique en montrant que oui, il y a beaucoup d'études qui prouvent l'utilité justement de passer au langage inclusif pour nos représentations mentales.

  • Speaker #0

    Donc petite transition Anne-Laure, est-ce que tu retrouves ce type de résistance au changement dans tes activités et face à des personnes qui justement ne sont pas à l'aise avec ça ? ces notions de différence ?

  • Speaker #2

    Oui, beaucoup. Beaucoup sur l'acceptation de la différence, mais ne serait-ce que le fait d'arriver et de dire je vais vous proposer quelque chose de différent, simplement le fait parfois, moi, de proposer des activités, proposer quelque chose de différent, rien que ça, c'est un frein. Je pense que le frein principal, c'est simplement on n'aime pas changer nos habitudes. L'activité que j'aime bien faire, c'est demander aux gens de croiser les doigts, pour relayer mes mains. Vous croisez les doigts, vous pouvez le faire si vous voulez. Et je vous demande simplement de rester comme ça. Et une fois que vous avez fait ça, vous changez votre pouce de place. C'est-à-dire que si vous avez votre pouce droit sur votre pouce gauche, vous mettez votre pouce gauche sur votre pouce droit. Et là, comment c'est dans votre corps pour vous ? Eh bien, ce n'est pas confortable. Et pourtant, il n'y a absolument rien qui nous dirait que finalement, notre pouce droit est mieux sur notre pouce gauche ou l'inverse. Mais simplement, on n'a pas l'habitude. Et simplement, changer d'habitude, se forcer à se remettre en question, est quelque chose d'énergivore. Et je pense qu'il faut en avoir beaucoup conscience quand on a des réticences en face, parce que si on cherche à forcer, en fait on va renforcer ces résistances, parce que plus on s'en sent forcée, plus on va se recroqueviller à l'intérieur de nous-mêmes, et plus ça va être dur. Donc oui, ça prend du temps, et on en a parlé ce matin du coup avec Olivier Hamant, je pense que quitter la culture de la performance, pour moi le meilleur levier, pour pouvoir réduire en fait, disons nous donner le temps. de changer nos habitudes d'études, d'aller vers plus d'inclusion et plus de diversité.

  • Speaker #1

    On touche ici à quelque chose de profond, nos biais inconscients. Est-ce que vous avez d'autres exemples, lorsque vous accompagnez les participants à travers ces moments parfois inconfortables, via des activités ou par le langage ?

  • Speaker #3

    Oui, je pense à des prises de conscience de personnes qui... qui ne pensaient pas avoir un comportement oppressif et qui s'en rendent compte au cours d'un atelier. Et ça, c'est assez beau, en fait, parce que ça montre vraiment l'étape qui, pour moi, est la plus importante, c'est se remettre en question, et notamment sur les questions aussi du rapport à l'orthographe, du rapport au classisme, sur lesquels je travaille également, puisque je considère le langage inclusif au sens large et de manière intersectionnelle. Il y a des personnes qui se rendent compte qu'elles peuvent écarter quelqu'un au travail à cause d'erreurs d'orthographe sans se poser la question, mais est-ce que cette personne est dyslexique ? Est-ce que le français est sa langue maternelle ? Est-ce que pour x ou y raison, elle a des difficultés à l'écrit, mais ça n'enlève rien à ses compétences professionnelles ? Et de se poser ces questions-là, parfois, ça crée des illuminations, des mondes révélations. C'est assez touchant et ça me convainc de l'importance de faire ce type de formation.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as un avant-après ?

  • Speaker #2

    C'est très difficile. C'était comme quand j'étais enseignante. Finalement, on délivre un enseignement, puis on s'en va. Des fois, c'est très difficile de voir l'impact qu'on a. Mais le plus touchant pour moi, finalement, ce n'était pas dans le milieu de la tech, mais j'ai fait des interventions dans une classe de maternelle avec des grandes sections. et les enseignantes de CP pouvaient me dire, pouvaient être capables de dire quels élèves m'avaient eu l'année d'avant ou pas. C'est-à-dire que l'impact qu'on a sur les enfants, de les mettre en autonomie, de leur donner des capacités et du coup d'accepter l'autre tel qu'il est, a des impacts tels qu'un an après, ça se voit encore sur leur comportement. Donc j'avais vraiment cette sensation de dire je suis au bon endroit dans ce que je touche. Et après, plus personnellement, J'ai l'impression que oui, c'est un très long travail sur tous nos biais au niveau de l'égalité, du genre, etc. Et j'ai l'impression, ce que je disais tout à l'heure, qu'on est sur un chemin. Moi, je le vois vraiment que de plus en plus maintenant, je suis critique. Dès que je vois une publicité, dès que je lis un livre à mes enfants, dès que je vois des choses, ça me fait tiquer, ça me rend hors de moi. Des choses qui m'auraient paru naturelles il y a deux ans. Et je ne crois pas que j'ai eu un déclic à un moment de tout ça. Je ne crois pas qu'il y ait eu une vidéo... un atelier qui m'a fait dire oui, là, il y a quelque chose qui ne va pas. C'est plus au fur et à mesure de l'accumulation, de lire des choses sur la fameuse règle, j'ai oublié le nom, la loi de je ne sais plus quoi ou je ne sais plus qui, je suis désolée, qui dit que c'est un filtre sur les films où il doit y avoir au moins deux femmes qui se parlent d'autre chose que d'un homme.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #2

    Voilà, c'est des petites choses comme ça qui, pour moi, ne sont pas forcément des gros déclics, mais qui font qu'accumulés, on se rencontre de l'ampleur de la situation et de l'impact que ça peut avoir sur nos vies.

  • Speaker #1

    Si vous aviez un message commun à faire passer aux managers RH ou responsables d'équipe, par où est-ce qu'ils peuvent commencer pour rendre leur environnement de travail plus humain, plus inclusif, sans tomber ? dans la complexité ou la culpabilisation ?

  • Speaker #3

    Je dirais commencer par de la sensibilisation et de la pédagogie, comme je le disais tout à l'heure, parce que je pense que si on essaie de forcer, de convaincre, sans que l'autre soit d'abord convaincu de l'intérêt, ça ne va pas marcher. Et sur des sujets comme ça, qui peuvent être un peu compliqués à aborder, je pense que vraiment l'étape sensibilisation, elle est... indispensable pour comprendre d'abord, se mettre à la place de l'autre et ensuite trouver des solutions adaptées à chaque équipe, à chaque contexte de travail. Mais ça, ça vient en fait dans un second temps, selon moi. Il faut d'abord qu'on embarque tout le monde dans ce parcours-là et comme tu disais tout à l'heure, pour moi c'est un chemin. C'est pas quelque chose où on va trouver une solution immédiatement. Il n'y a pas de réponse magique. Ça, c'est une certitude. C'est plus, est-ce qu'on a envie d'avancer dans le même sens ? Et quelles sont les différentes étapes et outils qu'on va pouvoir utiliser pour aller dans ce sens-là ?

  • Speaker #2

    Moi, j'ai l'impression que le plus important pour avoir un environnement safe, c'est d'avoir un espace d'écoute, c'est-à-dire que chacun puisse avoir au moins un endroit, un espace, où il se sent écouté dans tout ce qu'il a à dire. Et j'ai un peu cette sensation-là de vouloir avoir un petit espace qui ensuite fasse tâche d'huile. Mais en tout cas, moi, ce qui m'a manqué parfois dans certaines entreprises, c'est de pouvoir dire, et de pouvoir dire avec des champs en face. qui m'écoutent, des personnes en face qui sont dans l'empathie de ce que je peux ressentir en tant que femme. Et du coup, je pensais à la même chose en termes d'inclusion. Donc moi, j'aurais envie d'aller qu'ils aillent à la rencontre de ces gens-là. Allez parler aux femmes dans vos entreprises. Allez parler aux gens qui sont en situation de handicap dans vos entreprises. Et faites-les parler, voire mettez en place des espaces de non-mixité, où ils sont capables, il et elle sont capables de parler. de ces sujets-là dans des cadres où ils se sentent en confiance. Et peut-être là, ça leur donnera suffisamment d'énergie à toutes ces personnes pour aussi après aller plus loin et leur donner de l'espace pour sensibiliser, pour aller parler de ce qu'ils vivent à tout le monde. Mais déjà, créer un espace de confiance, en fait, quelque part aussi petit soit-il.

  • Speaker #0

    Nous arrivons à la fin. fin de cet échange passionnant. Anne-Laure, Diane, avant de vous laisser partir, on a une tradition sur Mexitonaire, partagée avec nos auditeurs et auditrices, une ressource incontournable, ça peut être un site, un auteur, un outil, qui vous inspire pour une tech plus éthique.

  • Speaker #2

    J'en ai tellement, j'ai le droit d'en partager combien ?

  • Speaker #0

    Plusieurs, c'est possible.

  • Speaker #2

    Allez, je vais faire trois. Le premier, c'est que la plupart des activités que je propose sont issues de la discipline positive, qui est une approche pédagogique qui nous vient des États-Unis et qui n'est pas l'éducation positive. C'est vraiment quelque chose de beaucoup plus restreint, créé par Jane Nielsen et Lynn Lott. Et du coup, je recommande déjà à tous les parents de lire le livre qui s'appelle « La discipline positive pour de vrai, il a changé ma vie » . et la discipline positive se base sur les travaux du psychologue, psychologue Alfred Adler et philosophe, j'ai presque envie de dire. Et du coup, j'ai aussi envie de dire, si ça vous touche, allez rencontrer la philosophie d'Adler. Moi, c'est quelque chose qui a vraiment nourri toutes mes réflexions. Et pour entrer là-dedans, le livre que je recommande, il s'appelle « Avoir le courage de ne pas être aimé » . Et je vais écorcher le nom des auteurs si j'essaye sans mes notes. Mushi, Taki, Toga, je ne sais plus. Bref, vous retrouverez. Désolée de ne pas avoir eu de notes pour ça, mais il est incroyablement bien écrit, il est très clair, il se lit très bien et il transmet vraiment la pensée de Maud Lerch, qui est vraiment au cœur de ce que j'aurais envie de transmettre. Ça, c'est les deux plus gros, on va dire. Et puis, si vous êtes plus pressés, je vous recommande d'aller voir les petits jeux en ligne de Nicky Case, que j'en présente un dans ma conférence, mais en particulier celui qui s'appelle Evolution of Trust. Et c'est un petit jeu en ligne. Allez, on va dire, ça vous prendra une demi-heure de votre vie. Et on s'amuse avec des petits bonhommes qui ont des stratégies par rapport à un jeu qui ressemble un peu au dilemme du prisonnier. Et on voit ceux qui sont gentils tout le temps, ceux qui sont tout le temps contre l'autre. Mais il y a aussi celui qui fait exactement le copycat, qui fait exactement ce que l'autre fait, etc. Et on peut interagir avec tous ces bonhommes et en mettre plusieurs ensemble. Et ils jouent les uns contre les autres et on voit lesquels gagnent. Et même si c'est très mathématique, peut-être que ça me parle parce que je suis un peu mathématicienne. et que ça ne reflète pas évidemment toute la complexité de la réalité humaine. Je trouve que ça montre des choses assez incroyables. Evolution of Trust de Nikki Case.

  • Speaker #3

    Pour ma part, je recommanderais un podcast qui s'appelle Parler comme jamais de deux linguistes, Laïa Véron et Maria Candéa, qui est vraiment une mine d'or. très accessible. Vraiment, l'idée, c'était de faire sortir des universités le savoir sur la linguistique. Et chaque épisode est consacré à un sujet qui nous concerne toutes et toutes souvent, d'actualités qu'on peut retrouver très concrètement dans notre vie. Donc, je recommande vraiment ce podcast. Je recommande également un tout petit livre qui se lit très vite, qui s'appelle « Le français va très bien, merci » du collectif « Les linguistes atterris » . qui est un collectif de linguistes dont font partie également ces deux linguistes dont je viens de parler, qui cherchent à prendre la parole dans les médias et donc pareil, à faire sortir des universités le discours sur la linguistique pour que ça devienne un sujet public et non un sujet réservé aux spécialistes. Et pour finir, je conseillerais un livre qui est peut-être un peu moins... qui se lit de manière un petit peu moins fluide, mais qui est une mine d'or de réponses à toutes les personnes qui sont un peu réfractaires au langage inclusif. Ça s'appelle « Le cerveau pense-t-il au masculin ? » qui est un ouvrage collectif écrit par plusieurs psycholinguistes où on retrouve des dizaines et des dizaines d'études réalisées dans toute la francophonie et même certaines études dans d'autres langues. qui vont montrer les différents effets sur le cerveau de nos manières de parler avec des tests au masculin, au masculin et au féminin, selon toutes les tournures possibles et avec à chaque fois les résultats de ces tests. Également des petits tests aussi que vous pouvez faire chez vous, avec vos proches, et voir quels sont les biais cognitifs qu'on a quand on répond à ces questions selon les tournures de phrases.

  • Speaker #0

    Eh bien, merci infiniment pour votre participation aujourd'hui. Je rappelle à nos auditeurs... auditeurs et auditrices, que vous pouvez retrouver les conférences complètes d'Anne-Laure et Diane en replay sur la chaîne YouTube de Mixit. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner et à partager le podcast autour de vous. Et d'ici là, gardez en tête que pour une tech éthique, il faut garder l'esprit ouvert et critique. A bientôt !

Description

Dans cet épisode, nous discutons avec Anne-Laure Gros, développeuse, et Diane Moinet, facilitatrice en communication inclusive. Ensemble, nous explorons comment comprendre les autres commence par les mots et soi-même. Entre les activités de discipline positive et le langage inclusif, découvrez comment muscler notre capacité à vivre ensemble dans les équipes. Une conversation où de la technique oui, mais de la tech éthique, les fondations sont d'abord humaines et relationnelles.


Invité.es :

- Anne-Laure Gros

- Diane Moinet


Interviewers :

- Aude Lemar-Verrier

- Véronique Bonnefond


Liens de l'épisode :

- https://fr.wikipedia.org/wiki/Test_de_Bechdel

- https://www.marabout.com/livre/la-discipline-positive-9782501141314/

- https://fr.wikipedia.org/wiki/Alfred_Adler

- https://www.editions-tredaniel.com/avoir-le-courage-de-ne-pas-etre-aime-p-7575.html?v=awzGnQ

- https://ncase.me/trust/

- https://www.binge.audio/podcast/parler-comme-jamais/

- https://www.gallimard.fr/catalogue/le-francais-va-tres-bien-merci/9782073036698

- https://www.lerobert.com/essais-et-litterature/le-cerveau-pense-t-il-au-masculin-9782321016892.html

- https://mixitconf.org/2025/le-langage-inclusif-un-levier-d-engagement-dans-les-equipes

- https://mixitconf.org/2025/triangle-cherche-carre-3-activites-pour-mieux-apprecier-nos-differences


Enregistré le mardi 29 avril 2025 lors de MiXiT 2025


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur Mixit On Air, où la tech rime avec l'éthique. Je suis Aude.

  • Speaker #1

    Et moi, je suis Véronique.

  • Speaker #0

    Et à chaque épisode, nous plongeons dans les coulisses de la conférence Mixit pour vous faire découvrir les innovateurs et innovatrices qui façonnent notre avenir numérique. Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir Anne-Laure Gros, développeuse Bac Java chez Lixi, et Diane Moinet, formatrice et facilitatrice en communication inclusive. Et avec elle, nous allons... explorer l'inclusivité et l'appréciation de nos différences avec l'épisode Comprendre les autres, ça commence par les mots et par soi-même.

  • Speaker #1

    Saut la terre, saut la terre.

  • Speaker #0

    Je vais vous prendre une crêpe au sucre.

  • Speaker #2

    Avant d'être développeuse, j'étais enseignante. Et ce qui me passionnait dans mon métier d'enseignante, c'était vraiment d'aller comprendre qu'est-ce qui se joue à l'intérieur de ces petites personnes apprenantes. Qu'est-ce qu'ils vont faire ? Qu'elles vont grandir et devenir des citoyennes, des citoyennes aguerries. Et même après ma reconversion maintenant en tant que développeuse, c'est des questions que je me pose. Pour moi, c'est vraiment la question de qu'est-ce qui se joue dans nos relations les uns avec les autres ? Qu'est-ce qui va faire que finalement on se sent bien dans un cadre, dans une équipe, qui me donne envie d'aller creuser le sujet ?

  • Speaker #3

    Alors, c'est très drôle que tu dis ça parce que j'étais enseignante aussi avant, également en reconversion. Et je pense que c'est à ce moment-là où j'ai commencé à être sensibilisée à ce sujet, puisque je voyais l'impact du langage dans la prise de confiance qu'on peut avoir, ou au contraire, l'insécurité linguistique. Et j'ai vraiment eu envie de creuser ce sujet-là et de voir comment... donc moi je l'ai d'abord expérimenté dans le... dans le secondaire, dans l'enseignement, mais comment est-ce que ça a également un impact dans le monde professionnel et de quelle manière on peut sensibiliser aux discriminations linguistiques et promouvoir davantage de diversité autour de la langue française ?

  • Speaker #0

    Alors vos approches sont différentes mais complémentaires. L'une c'est plus par l'expérimentation, par le jeu, et l'autre par l'impact des mots. Donc comment, selon vous, on peut muscler ? notre capacité à vivre ensemble dans les équipes ? Diane, si tu veux commencer.

  • Speaker #3

    Alors, je pense qu'il faut penser d'abord au fait que ce sont des sujets qui ne sont pas encore vraiment conscients. Il faut d'abord travailler sur la prise de conscience des équipes, que c'est un sujet et c'est quelque chose auquel il faut prendre le temps de réfléchir pour... être dans l'inclusion, parce que sinon on passe à côté d'une dimension essentielle de l'inclusion. Et il y a beaucoup d'incompréhension et de résistance qui peuvent exister autour de ces sujets-là. Et donc la dimension pédagogique, pour moi,

  • Speaker #2

    elle est essentielle pour pouvoir convaincre d'abord de l'importance et de l'utilité de ce sujet, et ensuite pouvoir agir dessus.

  • Speaker #0

    Tu veux compléter, Anna ?

  • Speaker #2

    Oui, ça me parle beaucoup. J'allais dire que c'est un chemin, en fait, pour moi. Ce n'est pas un objectif à atteindre. Parce qu'en fait, on ne l'atteindra jamais. Je pense qu'on ne pourra jamais être parfait. Et puis, si on savait comment régler nos relations, comment faire en sorte qu'on se sente tous bien, tous ensemble, on le ferait déjà. Donc, c'est quelque chose de difficile dans lequel on peut toujours, toujours et encore progresser. Donc, ce que j'aurais envie de dire, c'est oui, mettre ça au cœur de nos pratiques pour constamment se remettre en question, constamment le pratiquer, faire des petits temps, faire en sorte que ça devienne quelque chose qu'on sait tous qu'on doit... Que ce soit un chemin collectif sur lequel on avance toutes et tous ensemble.

  • Speaker #0

    Alors, on va justement explorer ça un peu plus à travers de vos deux terrains de jeu.

  • Speaker #1

    Alors, tu proposes des activités pour apprendre en faisant et changer notre perception des autres. Tu peux nous décrire une de ces activités et ce qu'elle déclenche chez les participants ?

  • Speaker #2

    Je pense que les trois activités que je propose, en tout cas, c'est des choses qui ont été des déclics. pour moi et c'est pour ça que j'ai envie de les proposer. Je ne peux pas savoir si ça va vraiment déclencher un déclic chez les autres mais je l'espère. Et la plus marquante, c'est l'activité du milieu, une activité de discipline positive qui s'appelle les cordelettes. Et le principe est de mettre deux personnes face à face et de leur faire jouer un mini-jeu qui va les inciter finalement ou naturellement on va chercher une solution gagnant-perdant c'est-à-dire que je vais faire un jeu tout simple où en fait on gagne si l'autre personne vient dans son territoire et le simple fait de dire ça les gens vont être immobiles en fait et vont finalement perdre à deux plutôt que gagner à deux simplement parce qu'ils ne sont même pas... eu conscience qu'il était possible de gagner à deux. Et cette activité, elle m'a beaucoup marquée, elle m'a beaucoup marquée quand je l'ai aussi animée dans des collèges. Je me rappelle une expérience avec une classe de cinquième où ensuite, ils sont censés suivre un débat où pendant une demi-heure, toute la classe a essayé de convaincre une élève que oui, il était possible de gagner à deux un jeu. Et pour elle, c'était quelque chose d'impensable, c'est-à-dire que même après 30 minutes de débat... C'est quelque chose qui l'a dépassé. L'autre personne avait gagné, elle, elle avait forcément perdu. Et du coup, montrer, mettre nous face à face, qu'en fait, c'est un réflexe qu'on n'a pas et qu'il faut forcément être actif et conscient pour aller plus loin. Je crois que c'est quelque chose de très marquant.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as d'autres exemples de prise de conscience, de préjugés qui sont sortis lors d'autres ateliers ?

  • Speaker #2

    L'activité que j'aime faire, que je fais quand j'ai le temps, que j'ai fait dans une autre conférence et que je fais à chaque fois, que je présente ce que je fais en discipline positive quand j'étais formatrice et que j'interviens dans des classes, c'est de demander aux gens quels sont les problèmes qu'ils rencontrent dans leurs équipes. C'est assez facile finalement, la liste monte assez vite. Ou dans leur classe, dans le cadre de l'enseignement. Et puis ensuite, je leur dis, ok, projetez-vous dix ans après, les personnes qui... constituent l'équipe, les gens avec qui vous travaillez, ont progressé. Ils ont acquis des talents et des compétences et maintenant ils arrivent avec une équipe géniale, parfaite, qui est exactement comme vous voulez. Quels sont ces talents et ces compétences qu'ils ont développées ? Et je fais la liste, on dresse la liste petit à petit et dans 99% du temps, ce qui ressort, ce sont des compétences psychosociales. On va parler d'autonomie. On va parler d'être heureux, d'être capable de trouver des solutions, de se sentir bien, d'être plus inclusif, etc. Et je trouve ça tellement marquant à quel point ça marche dans tous les contextes où j'ai fait. Ce qui est au cœur de ce qui nous tient à cœur, ce sont les compétences péquo-sociales et on ne les travaille jamais. On les prend pour acquises. On se dit qu'un enfant, s'il fait des colères, c'est normal, mais un adulte, lui, sait gérer ses émotions. On ne sait pas trop comment, au passage, ça s'est passé, mais en tant qu'adulte, on sait faire. Du coup, ça ne s'apprend pas. Et ça, c'est complètement faux pour moi. C'est vraiment marquant pour moi comme expérience de faire cette espèce de petit exercice où on se rend compte à quel point c'est important pour nous de progresser sur nos compétences relationnelles.

  • Speaker #0

    Diane, quand tu entends ça, on t'a vu hocher la tête. Est-ce que tu retrouves des mécanismes similaires dans l'approche du langage inclusif ?

  • Speaker #2

    Oui absolument, ça m'a fait un certain nombre de choses.

  • Speaker #3

    Je pense qu'effectivement l'approche psychosociale est très importante. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'un de mes angles d'approche, c'est la psycholinguistique, c'est vraiment voir quels sont les effets vraiment sur le cerveau, sur nos représentations mentales et donc notre représentation du monde et des autres, induites par le langage. Et c'est des choses auxquelles effectivement on n'est jamais formé. et dont on n'a même pas conscience de l'importance, alors que ça va modeler toutes nos interactions sociales en permanence. Et aussi la sociolinguistique, qui est donc une autre branche qui va plutôt étudier l'impact de la société sur la langue et vice-versa. Et là aussi, on se rend compte que ça modèle complètement toutes nos interactions sociales. Donc oui, ça me parle beaucoup.

  • Speaker #1

    Et Diane, tu travailles sur la place du langage dans l'inclusion. Concrètement, en quoi des mots peuvent renforcer ou au contraire briser le sentiment d'appartenance dans une équipe ?

  • Speaker #3

    Alors, de plusieurs manières assez implicites, en fait. C'est jamais quelque chose de flagrant, c'est plein de micro-agressions ou micro-encouragements, je dirais. Donc, il n'y a pas forcément un mot qui va faire la différence, mais c'est une ambiance qui va se créer où soit on se rend compte qu'on va... Prendre le temps de penser à l'autre et de l'inclure. Donc ça va passer par avoir des tournures de phrases qui sont inclusives. Ça va passer par ne pas juger les différences linguistiques, comme par exemple les différences d'accent. Ça c'est la discrimination qu'on appelle la glottophobie, qui est assez méconnue. Le fait d'empêcher... ou moquer une personne à cause de son accent, de ses manières de parler. Et ça, c'est souvent très implicite, on ne s'en rend vraiment pas compte, alors que c'est quand même assez fréquent. Et autour des questions de tournure inclusive aussi, on a remarqué avec toutes les études qui concordent en psycholinguistique que oui, si on parle au masculin générique, c'est-à-dire en considérant que le masculin englobe également le féminin, non, aussi bien les hommes que les femmes ne pensent pas. pas qu'il y a des femmes incluses dans le sujet. Et donc ça, toutes les études concordent là-dessus, c'est vraiment un effort et un geste à faire pour pouvoir se sentir davantage concernée dans une équipe.

  • Speaker #0

    Donc il y a de la résistance au changement, et donc les freins les plus fréquents que tu rencontres quand tu parles de langage inclusif au sein des entreprises, des organisations, tu peux nous les citer ?

  • Speaker #3

    Oui, alors le premier, je dirais, c'est la crainte de militantisme et de politisation. Ça, c'est quelque chose qui fait assez peur. Et ce que j'aime bien répondre à ça, c'est en fait déplacer le débat et de ne pas se dire est-ce qu'on est en train de faire de la politique ou du militantisme, mais c'est plutôt est-ce qu'on est en train de prendre en compte l'aspect éthique du monde du travail ou est-ce qu'on est en train de l'écarter ? Et ça permet... par ce petit déplacement de terminologie, en fait, déjà d'apaiser les choses et de pouvoir continuer d'en parler parce qu'effectivement, c'est un sujet et ça a des conséquences très concrètes dans le monde du travail. Et les deux autres résistances que j'observe, c'est compliqué parce qu'on n'est pas forcément habitué à utiliser du langage inclusif ou en tout cas, on n'a pas conscience de le faire. Et donc, il y a une partie vraiment de... de pédagogie à faire pour montrer comment ça s'utilise et proposer des stratégies. Par exemple, je propose la création de chartes de communication inclusive pour les équipes. Ça permet d'avoir une homogénéisation des termes qu'on emploie et de se sentir plus à l'aise, de se dire sur tel sujet, on va tous et toutes employer ce type de terminologie. Ça enlève une charge mentale aussi. Donc ça, c'est une réponse que je donne à cette... à cet argument-là. Et le dernier, c'est inutile, pourquoi faire ça ? Finalement, on a d'autres priorités que le langage inclusif. Et dans ce cas-là, ce que j'aime bien faire, c'est rappeler l'histoire de la langue et montrer qu'en fait, c'est une construction qui est loin d'être neutre et qu'on a eu une masculinisation volontaire de la langue à partir du XVIIe siècle jusqu'à aujourd'hui. Et donc, oui, la langue ayant été modifiée de manière intentionnelle, Ça peut être intéressant aujourd'hui au XXIe siècle de dépoussiérer un petit peu tout ça et aussi en donnant des données scientifiques avec la psycholinguistique en montrant que oui, il y a beaucoup d'études qui prouvent l'utilité justement de passer au langage inclusif pour nos représentations mentales.

  • Speaker #0

    Donc petite transition Anne-Laure, est-ce que tu retrouves ce type de résistance au changement dans tes activités et face à des personnes qui justement ne sont pas à l'aise avec ça ? ces notions de différence ?

  • Speaker #2

    Oui, beaucoup. Beaucoup sur l'acceptation de la différence, mais ne serait-ce que le fait d'arriver et de dire je vais vous proposer quelque chose de différent, simplement le fait parfois, moi, de proposer des activités, proposer quelque chose de différent, rien que ça, c'est un frein. Je pense que le frein principal, c'est simplement on n'aime pas changer nos habitudes. L'activité que j'aime bien faire, c'est demander aux gens de croiser les doigts, pour relayer mes mains. Vous croisez les doigts, vous pouvez le faire si vous voulez. Et je vous demande simplement de rester comme ça. Et une fois que vous avez fait ça, vous changez votre pouce de place. C'est-à-dire que si vous avez votre pouce droit sur votre pouce gauche, vous mettez votre pouce gauche sur votre pouce droit. Et là, comment c'est dans votre corps pour vous ? Eh bien, ce n'est pas confortable. Et pourtant, il n'y a absolument rien qui nous dirait que finalement, notre pouce droit est mieux sur notre pouce gauche ou l'inverse. Mais simplement, on n'a pas l'habitude. Et simplement, changer d'habitude, se forcer à se remettre en question, est quelque chose d'énergivore. Et je pense qu'il faut en avoir beaucoup conscience quand on a des réticences en face, parce que si on cherche à forcer, en fait on va renforcer ces résistances, parce que plus on s'en sent forcée, plus on va se recroqueviller à l'intérieur de nous-mêmes, et plus ça va être dur. Donc oui, ça prend du temps, et on en a parlé ce matin du coup avec Olivier Hamant, je pense que quitter la culture de la performance, pour moi le meilleur levier, pour pouvoir réduire en fait, disons nous donner le temps. de changer nos habitudes d'études, d'aller vers plus d'inclusion et plus de diversité.

  • Speaker #1

    On touche ici à quelque chose de profond, nos biais inconscients. Est-ce que vous avez d'autres exemples, lorsque vous accompagnez les participants à travers ces moments parfois inconfortables, via des activités ou par le langage ?

  • Speaker #3

    Oui, je pense à des prises de conscience de personnes qui... qui ne pensaient pas avoir un comportement oppressif et qui s'en rendent compte au cours d'un atelier. Et ça, c'est assez beau, en fait, parce que ça montre vraiment l'étape qui, pour moi, est la plus importante, c'est se remettre en question, et notamment sur les questions aussi du rapport à l'orthographe, du rapport au classisme, sur lesquels je travaille également, puisque je considère le langage inclusif au sens large et de manière intersectionnelle. Il y a des personnes qui se rendent compte qu'elles peuvent écarter quelqu'un au travail à cause d'erreurs d'orthographe sans se poser la question, mais est-ce que cette personne est dyslexique ? Est-ce que le français est sa langue maternelle ? Est-ce que pour x ou y raison, elle a des difficultés à l'écrit, mais ça n'enlève rien à ses compétences professionnelles ? Et de se poser ces questions-là, parfois, ça crée des illuminations, des mondes révélations. C'est assez touchant et ça me convainc de l'importance de faire ce type de formation.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as un avant-après ?

  • Speaker #2

    C'est très difficile. C'était comme quand j'étais enseignante. Finalement, on délivre un enseignement, puis on s'en va. Des fois, c'est très difficile de voir l'impact qu'on a. Mais le plus touchant pour moi, finalement, ce n'était pas dans le milieu de la tech, mais j'ai fait des interventions dans une classe de maternelle avec des grandes sections. et les enseignantes de CP pouvaient me dire, pouvaient être capables de dire quels élèves m'avaient eu l'année d'avant ou pas. C'est-à-dire que l'impact qu'on a sur les enfants, de les mettre en autonomie, de leur donner des capacités et du coup d'accepter l'autre tel qu'il est, a des impacts tels qu'un an après, ça se voit encore sur leur comportement. Donc j'avais vraiment cette sensation de dire je suis au bon endroit dans ce que je touche. Et après, plus personnellement, J'ai l'impression que oui, c'est un très long travail sur tous nos biais au niveau de l'égalité, du genre, etc. Et j'ai l'impression, ce que je disais tout à l'heure, qu'on est sur un chemin. Moi, je le vois vraiment que de plus en plus maintenant, je suis critique. Dès que je vois une publicité, dès que je lis un livre à mes enfants, dès que je vois des choses, ça me fait tiquer, ça me rend hors de moi. Des choses qui m'auraient paru naturelles il y a deux ans. Et je ne crois pas que j'ai eu un déclic à un moment de tout ça. Je ne crois pas qu'il y ait eu une vidéo... un atelier qui m'a fait dire oui, là, il y a quelque chose qui ne va pas. C'est plus au fur et à mesure de l'accumulation, de lire des choses sur la fameuse règle, j'ai oublié le nom, la loi de je ne sais plus quoi ou je ne sais plus qui, je suis désolée, qui dit que c'est un filtre sur les films où il doit y avoir au moins deux femmes qui se parlent d'autre chose que d'un homme.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #2

    Voilà, c'est des petites choses comme ça qui, pour moi, ne sont pas forcément des gros déclics, mais qui font qu'accumulés, on se rencontre de l'ampleur de la situation et de l'impact que ça peut avoir sur nos vies.

  • Speaker #1

    Si vous aviez un message commun à faire passer aux managers RH ou responsables d'équipe, par où est-ce qu'ils peuvent commencer pour rendre leur environnement de travail plus humain, plus inclusif, sans tomber ? dans la complexité ou la culpabilisation ?

  • Speaker #3

    Je dirais commencer par de la sensibilisation et de la pédagogie, comme je le disais tout à l'heure, parce que je pense que si on essaie de forcer, de convaincre, sans que l'autre soit d'abord convaincu de l'intérêt, ça ne va pas marcher. Et sur des sujets comme ça, qui peuvent être un peu compliqués à aborder, je pense que vraiment l'étape sensibilisation, elle est... indispensable pour comprendre d'abord, se mettre à la place de l'autre et ensuite trouver des solutions adaptées à chaque équipe, à chaque contexte de travail. Mais ça, ça vient en fait dans un second temps, selon moi. Il faut d'abord qu'on embarque tout le monde dans ce parcours-là et comme tu disais tout à l'heure, pour moi c'est un chemin. C'est pas quelque chose où on va trouver une solution immédiatement. Il n'y a pas de réponse magique. Ça, c'est une certitude. C'est plus, est-ce qu'on a envie d'avancer dans le même sens ? Et quelles sont les différentes étapes et outils qu'on va pouvoir utiliser pour aller dans ce sens-là ?

  • Speaker #2

    Moi, j'ai l'impression que le plus important pour avoir un environnement safe, c'est d'avoir un espace d'écoute, c'est-à-dire que chacun puisse avoir au moins un endroit, un espace, où il se sent écouté dans tout ce qu'il a à dire. Et j'ai un peu cette sensation-là de vouloir avoir un petit espace qui ensuite fasse tâche d'huile. Mais en tout cas, moi, ce qui m'a manqué parfois dans certaines entreprises, c'est de pouvoir dire, et de pouvoir dire avec des champs en face. qui m'écoutent, des personnes en face qui sont dans l'empathie de ce que je peux ressentir en tant que femme. Et du coup, je pensais à la même chose en termes d'inclusion. Donc moi, j'aurais envie d'aller qu'ils aillent à la rencontre de ces gens-là. Allez parler aux femmes dans vos entreprises. Allez parler aux gens qui sont en situation de handicap dans vos entreprises. Et faites-les parler, voire mettez en place des espaces de non-mixité, où ils sont capables, il et elle sont capables de parler. de ces sujets-là dans des cadres où ils se sentent en confiance. Et peut-être là, ça leur donnera suffisamment d'énergie à toutes ces personnes pour aussi après aller plus loin et leur donner de l'espace pour sensibiliser, pour aller parler de ce qu'ils vivent à tout le monde. Mais déjà, créer un espace de confiance, en fait, quelque part aussi petit soit-il.

  • Speaker #0

    Nous arrivons à la fin. fin de cet échange passionnant. Anne-Laure, Diane, avant de vous laisser partir, on a une tradition sur Mexitonaire, partagée avec nos auditeurs et auditrices, une ressource incontournable, ça peut être un site, un auteur, un outil, qui vous inspire pour une tech plus éthique.

  • Speaker #2

    J'en ai tellement, j'ai le droit d'en partager combien ?

  • Speaker #0

    Plusieurs, c'est possible.

  • Speaker #2

    Allez, je vais faire trois. Le premier, c'est que la plupart des activités que je propose sont issues de la discipline positive, qui est une approche pédagogique qui nous vient des États-Unis et qui n'est pas l'éducation positive. C'est vraiment quelque chose de beaucoup plus restreint, créé par Jane Nielsen et Lynn Lott. Et du coup, je recommande déjà à tous les parents de lire le livre qui s'appelle « La discipline positive pour de vrai, il a changé ma vie » . et la discipline positive se base sur les travaux du psychologue, psychologue Alfred Adler et philosophe, j'ai presque envie de dire. Et du coup, j'ai aussi envie de dire, si ça vous touche, allez rencontrer la philosophie d'Adler. Moi, c'est quelque chose qui a vraiment nourri toutes mes réflexions. Et pour entrer là-dedans, le livre que je recommande, il s'appelle « Avoir le courage de ne pas être aimé » . Et je vais écorcher le nom des auteurs si j'essaye sans mes notes. Mushi, Taki, Toga, je ne sais plus. Bref, vous retrouverez. Désolée de ne pas avoir eu de notes pour ça, mais il est incroyablement bien écrit, il est très clair, il se lit très bien et il transmet vraiment la pensée de Maud Lerch, qui est vraiment au cœur de ce que j'aurais envie de transmettre. Ça, c'est les deux plus gros, on va dire. Et puis, si vous êtes plus pressés, je vous recommande d'aller voir les petits jeux en ligne de Nicky Case, que j'en présente un dans ma conférence, mais en particulier celui qui s'appelle Evolution of Trust. Et c'est un petit jeu en ligne. Allez, on va dire, ça vous prendra une demi-heure de votre vie. Et on s'amuse avec des petits bonhommes qui ont des stratégies par rapport à un jeu qui ressemble un peu au dilemme du prisonnier. Et on voit ceux qui sont gentils tout le temps, ceux qui sont tout le temps contre l'autre. Mais il y a aussi celui qui fait exactement le copycat, qui fait exactement ce que l'autre fait, etc. Et on peut interagir avec tous ces bonhommes et en mettre plusieurs ensemble. Et ils jouent les uns contre les autres et on voit lesquels gagnent. Et même si c'est très mathématique, peut-être que ça me parle parce que je suis un peu mathématicienne. et que ça ne reflète pas évidemment toute la complexité de la réalité humaine. Je trouve que ça montre des choses assez incroyables. Evolution of Trust de Nikki Case.

  • Speaker #3

    Pour ma part, je recommanderais un podcast qui s'appelle Parler comme jamais de deux linguistes, Laïa Véron et Maria Candéa, qui est vraiment une mine d'or. très accessible. Vraiment, l'idée, c'était de faire sortir des universités le savoir sur la linguistique. Et chaque épisode est consacré à un sujet qui nous concerne toutes et toutes souvent, d'actualités qu'on peut retrouver très concrètement dans notre vie. Donc, je recommande vraiment ce podcast. Je recommande également un tout petit livre qui se lit très vite, qui s'appelle « Le français va très bien, merci » du collectif « Les linguistes atterris » . qui est un collectif de linguistes dont font partie également ces deux linguistes dont je viens de parler, qui cherchent à prendre la parole dans les médias et donc pareil, à faire sortir des universités le discours sur la linguistique pour que ça devienne un sujet public et non un sujet réservé aux spécialistes. Et pour finir, je conseillerais un livre qui est peut-être un peu moins... qui se lit de manière un petit peu moins fluide, mais qui est une mine d'or de réponses à toutes les personnes qui sont un peu réfractaires au langage inclusif. Ça s'appelle « Le cerveau pense-t-il au masculin ? » qui est un ouvrage collectif écrit par plusieurs psycholinguistes où on retrouve des dizaines et des dizaines d'études réalisées dans toute la francophonie et même certaines études dans d'autres langues. qui vont montrer les différents effets sur le cerveau de nos manières de parler avec des tests au masculin, au masculin et au féminin, selon toutes les tournures possibles et avec à chaque fois les résultats de ces tests. Également des petits tests aussi que vous pouvez faire chez vous, avec vos proches, et voir quels sont les biais cognitifs qu'on a quand on répond à ces questions selon les tournures de phrases.

  • Speaker #0

    Eh bien, merci infiniment pour votre participation aujourd'hui. Je rappelle à nos auditeurs... auditeurs et auditrices, que vous pouvez retrouver les conférences complètes d'Anne-Laure et Diane en replay sur la chaîne YouTube de Mixit. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner et à partager le podcast autour de vous. Et d'ici là, gardez en tête que pour une tech éthique, il faut garder l'esprit ouvert et critique. A bientôt !

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Description

Dans cet épisode, nous discutons avec Anne-Laure Gros, développeuse, et Diane Moinet, facilitatrice en communication inclusive. Ensemble, nous explorons comment comprendre les autres commence par les mots et soi-même. Entre les activités de discipline positive et le langage inclusif, découvrez comment muscler notre capacité à vivre ensemble dans les équipes. Une conversation où de la technique oui, mais de la tech éthique, les fondations sont d'abord humaines et relationnelles.


Invité.es :

- Anne-Laure Gros

- Diane Moinet


Interviewers :

- Aude Lemar-Verrier

- Véronique Bonnefond


Liens de l'épisode :

- https://fr.wikipedia.org/wiki/Test_de_Bechdel

- https://www.marabout.com/livre/la-discipline-positive-9782501141314/

- https://fr.wikipedia.org/wiki/Alfred_Adler

- https://www.editions-tredaniel.com/avoir-le-courage-de-ne-pas-etre-aime-p-7575.html?v=awzGnQ

- https://ncase.me/trust/

- https://www.binge.audio/podcast/parler-comme-jamais/

- https://www.gallimard.fr/catalogue/le-francais-va-tres-bien-merci/9782073036698

- https://www.lerobert.com/essais-et-litterature/le-cerveau-pense-t-il-au-masculin-9782321016892.html

- https://mixitconf.org/2025/le-langage-inclusif-un-levier-d-engagement-dans-les-equipes

- https://mixitconf.org/2025/triangle-cherche-carre-3-activites-pour-mieux-apprecier-nos-differences


Enregistré le mardi 29 avril 2025 lors de MiXiT 2025


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur Mixit On Air, où la tech rime avec l'éthique. Je suis Aude.

  • Speaker #1

    Et moi, je suis Véronique.

  • Speaker #0

    Et à chaque épisode, nous plongeons dans les coulisses de la conférence Mixit pour vous faire découvrir les innovateurs et innovatrices qui façonnent notre avenir numérique. Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir Anne-Laure Gros, développeuse Bac Java chez Lixi, et Diane Moinet, formatrice et facilitatrice en communication inclusive. Et avec elle, nous allons... explorer l'inclusivité et l'appréciation de nos différences avec l'épisode Comprendre les autres, ça commence par les mots et par soi-même.

  • Speaker #1

    Saut la terre, saut la terre.

  • Speaker #0

    Je vais vous prendre une crêpe au sucre.

  • Speaker #2

    Avant d'être développeuse, j'étais enseignante. Et ce qui me passionnait dans mon métier d'enseignante, c'était vraiment d'aller comprendre qu'est-ce qui se joue à l'intérieur de ces petites personnes apprenantes. Qu'est-ce qu'ils vont faire ? Qu'elles vont grandir et devenir des citoyennes, des citoyennes aguerries. Et même après ma reconversion maintenant en tant que développeuse, c'est des questions que je me pose. Pour moi, c'est vraiment la question de qu'est-ce qui se joue dans nos relations les uns avec les autres ? Qu'est-ce qui va faire que finalement on se sent bien dans un cadre, dans une équipe, qui me donne envie d'aller creuser le sujet ?

  • Speaker #3

    Alors, c'est très drôle que tu dis ça parce que j'étais enseignante aussi avant, également en reconversion. Et je pense que c'est à ce moment-là où j'ai commencé à être sensibilisée à ce sujet, puisque je voyais l'impact du langage dans la prise de confiance qu'on peut avoir, ou au contraire, l'insécurité linguistique. Et j'ai vraiment eu envie de creuser ce sujet-là et de voir comment... donc moi je l'ai d'abord expérimenté dans le... dans le secondaire, dans l'enseignement, mais comment est-ce que ça a également un impact dans le monde professionnel et de quelle manière on peut sensibiliser aux discriminations linguistiques et promouvoir davantage de diversité autour de la langue française ?

  • Speaker #0

    Alors vos approches sont différentes mais complémentaires. L'une c'est plus par l'expérimentation, par le jeu, et l'autre par l'impact des mots. Donc comment, selon vous, on peut muscler ? notre capacité à vivre ensemble dans les équipes ? Diane, si tu veux commencer.

  • Speaker #3

    Alors, je pense qu'il faut penser d'abord au fait que ce sont des sujets qui ne sont pas encore vraiment conscients. Il faut d'abord travailler sur la prise de conscience des équipes, que c'est un sujet et c'est quelque chose auquel il faut prendre le temps de réfléchir pour... être dans l'inclusion, parce que sinon on passe à côté d'une dimension essentielle de l'inclusion. Et il y a beaucoup d'incompréhension et de résistance qui peuvent exister autour de ces sujets-là. Et donc la dimension pédagogique, pour moi,

  • Speaker #2

    elle est essentielle pour pouvoir convaincre d'abord de l'importance et de l'utilité de ce sujet, et ensuite pouvoir agir dessus.

  • Speaker #0

    Tu veux compléter, Anna ?

  • Speaker #2

    Oui, ça me parle beaucoup. J'allais dire que c'est un chemin, en fait, pour moi. Ce n'est pas un objectif à atteindre. Parce qu'en fait, on ne l'atteindra jamais. Je pense qu'on ne pourra jamais être parfait. Et puis, si on savait comment régler nos relations, comment faire en sorte qu'on se sente tous bien, tous ensemble, on le ferait déjà. Donc, c'est quelque chose de difficile dans lequel on peut toujours, toujours et encore progresser. Donc, ce que j'aurais envie de dire, c'est oui, mettre ça au cœur de nos pratiques pour constamment se remettre en question, constamment le pratiquer, faire des petits temps, faire en sorte que ça devienne quelque chose qu'on sait tous qu'on doit... Que ce soit un chemin collectif sur lequel on avance toutes et tous ensemble.

  • Speaker #0

    Alors, on va justement explorer ça un peu plus à travers de vos deux terrains de jeu.

  • Speaker #1

    Alors, tu proposes des activités pour apprendre en faisant et changer notre perception des autres. Tu peux nous décrire une de ces activités et ce qu'elle déclenche chez les participants ?

  • Speaker #2

    Je pense que les trois activités que je propose, en tout cas, c'est des choses qui ont été des déclics. pour moi et c'est pour ça que j'ai envie de les proposer. Je ne peux pas savoir si ça va vraiment déclencher un déclic chez les autres mais je l'espère. Et la plus marquante, c'est l'activité du milieu, une activité de discipline positive qui s'appelle les cordelettes. Et le principe est de mettre deux personnes face à face et de leur faire jouer un mini-jeu qui va les inciter finalement ou naturellement on va chercher une solution gagnant-perdant c'est-à-dire que je vais faire un jeu tout simple où en fait on gagne si l'autre personne vient dans son territoire et le simple fait de dire ça les gens vont être immobiles en fait et vont finalement perdre à deux plutôt que gagner à deux simplement parce qu'ils ne sont même pas... eu conscience qu'il était possible de gagner à deux. Et cette activité, elle m'a beaucoup marquée, elle m'a beaucoup marquée quand je l'ai aussi animée dans des collèges. Je me rappelle une expérience avec une classe de cinquième où ensuite, ils sont censés suivre un débat où pendant une demi-heure, toute la classe a essayé de convaincre une élève que oui, il était possible de gagner à deux un jeu. Et pour elle, c'était quelque chose d'impensable, c'est-à-dire que même après 30 minutes de débat... C'est quelque chose qui l'a dépassé. L'autre personne avait gagné, elle, elle avait forcément perdu. Et du coup, montrer, mettre nous face à face, qu'en fait, c'est un réflexe qu'on n'a pas et qu'il faut forcément être actif et conscient pour aller plus loin. Je crois que c'est quelque chose de très marquant.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as d'autres exemples de prise de conscience, de préjugés qui sont sortis lors d'autres ateliers ?

  • Speaker #2

    L'activité que j'aime faire, que je fais quand j'ai le temps, que j'ai fait dans une autre conférence et que je fais à chaque fois, que je présente ce que je fais en discipline positive quand j'étais formatrice et que j'interviens dans des classes, c'est de demander aux gens quels sont les problèmes qu'ils rencontrent dans leurs équipes. C'est assez facile finalement, la liste monte assez vite. Ou dans leur classe, dans le cadre de l'enseignement. Et puis ensuite, je leur dis, ok, projetez-vous dix ans après, les personnes qui... constituent l'équipe, les gens avec qui vous travaillez, ont progressé. Ils ont acquis des talents et des compétences et maintenant ils arrivent avec une équipe géniale, parfaite, qui est exactement comme vous voulez. Quels sont ces talents et ces compétences qu'ils ont développées ? Et je fais la liste, on dresse la liste petit à petit et dans 99% du temps, ce qui ressort, ce sont des compétences psychosociales. On va parler d'autonomie. On va parler d'être heureux, d'être capable de trouver des solutions, de se sentir bien, d'être plus inclusif, etc. Et je trouve ça tellement marquant à quel point ça marche dans tous les contextes où j'ai fait. Ce qui est au cœur de ce qui nous tient à cœur, ce sont les compétences péquo-sociales et on ne les travaille jamais. On les prend pour acquises. On se dit qu'un enfant, s'il fait des colères, c'est normal, mais un adulte, lui, sait gérer ses émotions. On ne sait pas trop comment, au passage, ça s'est passé, mais en tant qu'adulte, on sait faire. Du coup, ça ne s'apprend pas. Et ça, c'est complètement faux pour moi. C'est vraiment marquant pour moi comme expérience de faire cette espèce de petit exercice où on se rend compte à quel point c'est important pour nous de progresser sur nos compétences relationnelles.

  • Speaker #0

    Diane, quand tu entends ça, on t'a vu hocher la tête. Est-ce que tu retrouves des mécanismes similaires dans l'approche du langage inclusif ?

  • Speaker #2

    Oui absolument, ça m'a fait un certain nombre de choses.

  • Speaker #3

    Je pense qu'effectivement l'approche psychosociale est très importante. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'un de mes angles d'approche, c'est la psycholinguistique, c'est vraiment voir quels sont les effets vraiment sur le cerveau, sur nos représentations mentales et donc notre représentation du monde et des autres, induites par le langage. Et c'est des choses auxquelles effectivement on n'est jamais formé. et dont on n'a même pas conscience de l'importance, alors que ça va modeler toutes nos interactions sociales en permanence. Et aussi la sociolinguistique, qui est donc une autre branche qui va plutôt étudier l'impact de la société sur la langue et vice-versa. Et là aussi, on se rend compte que ça modèle complètement toutes nos interactions sociales. Donc oui, ça me parle beaucoup.

  • Speaker #1

    Et Diane, tu travailles sur la place du langage dans l'inclusion. Concrètement, en quoi des mots peuvent renforcer ou au contraire briser le sentiment d'appartenance dans une équipe ?

  • Speaker #3

    Alors, de plusieurs manières assez implicites, en fait. C'est jamais quelque chose de flagrant, c'est plein de micro-agressions ou micro-encouragements, je dirais. Donc, il n'y a pas forcément un mot qui va faire la différence, mais c'est une ambiance qui va se créer où soit on se rend compte qu'on va... Prendre le temps de penser à l'autre et de l'inclure. Donc ça va passer par avoir des tournures de phrases qui sont inclusives. Ça va passer par ne pas juger les différences linguistiques, comme par exemple les différences d'accent. Ça c'est la discrimination qu'on appelle la glottophobie, qui est assez méconnue. Le fait d'empêcher... ou moquer une personne à cause de son accent, de ses manières de parler. Et ça, c'est souvent très implicite, on ne s'en rend vraiment pas compte, alors que c'est quand même assez fréquent. Et autour des questions de tournure inclusive aussi, on a remarqué avec toutes les études qui concordent en psycholinguistique que oui, si on parle au masculin générique, c'est-à-dire en considérant que le masculin englobe également le féminin, non, aussi bien les hommes que les femmes ne pensent pas. pas qu'il y a des femmes incluses dans le sujet. Et donc ça, toutes les études concordent là-dessus, c'est vraiment un effort et un geste à faire pour pouvoir se sentir davantage concernée dans une équipe.

  • Speaker #0

    Donc il y a de la résistance au changement, et donc les freins les plus fréquents que tu rencontres quand tu parles de langage inclusif au sein des entreprises, des organisations, tu peux nous les citer ?

  • Speaker #3

    Oui, alors le premier, je dirais, c'est la crainte de militantisme et de politisation. Ça, c'est quelque chose qui fait assez peur. Et ce que j'aime bien répondre à ça, c'est en fait déplacer le débat et de ne pas se dire est-ce qu'on est en train de faire de la politique ou du militantisme, mais c'est plutôt est-ce qu'on est en train de prendre en compte l'aspect éthique du monde du travail ou est-ce qu'on est en train de l'écarter ? Et ça permet... par ce petit déplacement de terminologie, en fait, déjà d'apaiser les choses et de pouvoir continuer d'en parler parce qu'effectivement, c'est un sujet et ça a des conséquences très concrètes dans le monde du travail. Et les deux autres résistances que j'observe, c'est compliqué parce qu'on n'est pas forcément habitué à utiliser du langage inclusif ou en tout cas, on n'a pas conscience de le faire. Et donc, il y a une partie vraiment de... de pédagogie à faire pour montrer comment ça s'utilise et proposer des stratégies. Par exemple, je propose la création de chartes de communication inclusive pour les équipes. Ça permet d'avoir une homogénéisation des termes qu'on emploie et de se sentir plus à l'aise, de se dire sur tel sujet, on va tous et toutes employer ce type de terminologie. Ça enlève une charge mentale aussi. Donc ça, c'est une réponse que je donne à cette... à cet argument-là. Et le dernier, c'est inutile, pourquoi faire ça ? Finalement, on a d'autres priorités que le langage inclusif. Et dans ce cas-là, ce que j'aime bien faire, c'est rappeler l'histoire de la langue et montrer qu'en fait, c'est une construction qui est loin d'être neutre et qu'on a eu une masculinisation volontaire de la langue à partir du XVIIe siècle jusqu'à aujourd'hui. Et donc, oui, la langue ayant été modifiée de manière intentionnelle, Ça peut être intéressant aujourd'hui au XXIe siècle de dépoussiérer un petit peu tout ça et aussi en donnant des données scientifiques avec la psycholinguistique en montrant que oui, il y a beaucoup d'études qui prouvent l'utilité justement de passer au langage inclusif pour nos représentations mentales.

  • Speaker #0

    Donc petite transition Anne-Laure, est-ce que tu retrouves ce type de résistance au changement dans tes activités et face à des personnes qui justement ne sont pas à l'aise avec ça ? ces notions de différence ?

  • Speaker #2

    Oui, beaucoup. Beaucoup sur l'acceptation de la différence, mais ne serait-ce que le fait d'arriver et de dire je vais vous proposer quelque chose de différent, simplement le fait parfois, moi, de proposer des activités, proposer quelque chose de différent, rien que ça, c'est un frein. Je pense que le frein principal, c'est simplement on n'aime pas changer nos habitudes. L'activité que j'aime bien faire, c'est demander aux gens de croiser les doigts, pour relayer mes mains. Vous croisez les doigts, vous pouvez le faire si vous voulez. Et je vous demande simplement de rester comme ça. Et une fois que vous avez fait ça, vous changez votre pouce de place. C'est-à-dire que si vous avez votre pouce droit sur votre pouce gauche, vous mettez votre pouce gauche sur votre pouce droit. Et là, comment c'est dans votre corps pour vous ? Eh bien, ce n'est pas confortable. Et pourtant, il n'y a absolument rien qui nous dirait que finalement, notre pouce droit est mieux sur notre pouce gauche ou l'inverse. Mais simplement, on n'a pas l'habitude. Et simplement, changer d'habitude, se forcer à se remettre en question, est quelque chose d'énergivore. Et je pense qu'il faut en avoir beaucoup conscience quand on a des réticences en face, parce que si on cherche à forcer, en fait on va renforcer ces résistances, parce que plus on s'en sent forcée, plus on va se recroqueviller à l'intérieur de nous-mêmes, et plus ça va être dur. Donc oui, ça prend du temps, et on en a parlé ce matin du coup avec Olivier Hamant, je pense que quitter la culture de la performance, pour moi le meilleur levier, pour pouvoir réduire en fait, disons nous donner le temps. de changer nos habitudes d'études, d'aller vers plus d'inclusion et plus de diversité.

  • Speaker #1

    On touche ici à quelque chose de profond, nos biais inconscients. Est-ce que vous avez d'autres exemples, lorsque vous accompagnez les participants à travers ces moments parfois inconfortables, via des activités ou par le langage ?

  • Speaker #3

    Oui, je pense à des prises de conscience de personnes qui... qui ne pensaient pas avoir un comportement oppressif et qui s'en rendent compte au cours d'un atelier. Et ça, c'est assez beau, en fait, parce que ça montre vraiment l'étape qui, pour moi, est la plus importante, c'est se remettre en question, et notamment sur les questions aussi du rapport à l'orthographe, du rapport au classisme, sur lesquels je travaille également, puisque je considère le langage inclusif au sens large et de manière intersectionnelle. Il y a des personnes qui se rendent compte qu'elles peuvent écarter quelqu'un au travail à cause d'erreurs d'orthographe sans se poser la question, mais est-ce que cette personne est dyslexique ? Est-ce que le français est sa langue maternelle ? Est-ce que pour x ou y raison, elle a des difficultés à l'écrit, mais ça n'enlève rien à ses compétences professionnelles ? Et de se poser ces questions-là, parfois, ça crée des illuminations, des mondes révélations. C'est assez touchant et ça me convainc de l'importance de faire ce type de formation.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as un avant-après ?

  • Speaker #2

    C'est très difficile. C'était comme quand j'étais enseignante. Finalement, on délivre un enseignement, puis on s'en va. Des fois, c'est très difficile de voir l'impact qu'on a. Mais le plus touchant pour moi, finalement, ce n'était pas dans le milieu de la tech, mais j'ai fait des interventions dans une classe de maternelle avec des grandes sections. et les enseignantes de CP pouvaient me dire, pouvaient être capables de dire quels élèves m'avaient eu l'année d'avant ou pas. C'est-à-dire que l'impact qu'on a sur les enfants, de les mettre en autonomie, de leur donner des capacités et du coup d'accepter l'autre tel qu'il est, a des impacts tels qu'un an après, ça se voit encore sur leur comportement. Donc j'avais vraiment cette sensation de dire je suis au bon endroit dans ce que je touche. Et après, plus personnellement, J'ai l'impression que oui, c'est un très long travail sur tous nos biais au niveau de l'égalité, du genre, etc. Et j'ai l'impression, ce que je disais tout à l'heure, qu'on est sur un chemin. Moi, je le vois vraiment que de plus en plus maintenant, je suis critique. Dès que je vois une publicité, dès que je lis un livre à mes enfants, dès que je vois des choses, ça me fait tiquer, ça me rend hors de moi. Des choses qui m'auraient paru naturelles il y a deux ans. Et je ne crois pas que j'ai eu un déclic à un moment de tout ça. Je ne crois pas qu'il y ait eu une vidéo... un atelier qui m'a fait dire oui, là, il y a quelque chose qui ne va pas. C'est plus au fur et à mesure de l'accumulation, de lire des choses sur la fameuse règle, j'ai oublié le nom, la loi de je ne sais plus quoi ou je ne sais plus qui, je suis désolée, qui dit que c'est un filtre sur les films où il doit y avoir au moins deux femmes qui se parlent d'autre chose que d'un homme.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #2

    Voilà, c'est des petites choses comme ça qui, pour moi, ne sont pas forcément des gros déclics, mais qui font qu'accumulés, on se rencontre de l'ampleur de la situation et de l'impact que ça peut avoir sur nos vies.

  • Speaker #1

    Si vous aviez un message commun à faire passer aux managers RH ou responsables d'équipe, par où est-ce qu'ils peuvent commencer pour rendre leur environnement de travail plus humain, plus inclusif, sans tomber ? dans la complexité ou la culpabilisation ?

  • Speaker #3

    Je dirais commencer par de la sensibilisation et de la pédagogie, comme je le disais tout à l'heure, parce que je pense que si on essaie de forcer, de convaincre, sans que l'autre soit d'abord convaincu de l'intérêt, ça ne va pas marcher. Et sur des sujets comme ça, qui peuvent être un peu compliqués à aborder, je pense que vraiment l'étape sensibilisation, elle est... indispensable pour comprendre d'abord, se mettre à la place de l'autre et ensuite trouver des solutions adaptées à chaque équipe, à chaque contexte de travail. Mais ça, ça vient en fait dans un second temps, selon moi. Il faut d'abord qu'on embarque tout le monde dans ce parcours-là et comme tu disais tout à l'heure, pour moi c'est un chemin. C'est pas quelque chose où on va trouver une solution immédiatement. Il n'y a pas de réponse magique. Ça, c'est une certitude. C'est plus, est-ce qu'on a envie d'avancer dans le même sens ? Et quelles sont les différentes étapes et outils qu'on va pouvoir utiliser pour aller dans ce sens-là ?

  • Speaker #2

    Moi, j'ai l'impression que le plus important pour avoir un environnement safe, c'est d'avoir un espace d'écoute, c'est-à-dire que chacun puisse avoir au moins un endroit, un espace, où il se sent écouté dans tout ce qu'il a à dire. Et j'ai un peu cette sensation-là de vouloir avoir un petit espace qui ensuite fasse tâche d'huile. Mais en tout cas, moi, ce qui m'a manqué parfois dans certaines entreprises, c'est de pouvoir dire, et de pouvoir dire avec des champs en face. qui m'écoutent, des personnes en face qui sont dans l'empathie de ce que je peux ressentir en tant que femme. Et du coup, je pensais à la même chose en termes d'inclusion. Donc moi, j'aurais envie d'aller qu'ils aillent à la rencontre de ces gens-là. Allez parler aux femmes dans vos entreprises. Allez parler aux gens qui sont en situation de handicap dans vos entreprises. Et faites-les parler, voire mettez en place des espaces de non-mixité, où ils sont capables, il et elle sont capables de parler. de ces sujets-là dans des cadres où ils se sentent en confiance. Et peut-être là, ça leur donnera suffisamment d'énergie à toutes ces personnes pour aussi après aller plus loin et leur donner de l'espace pour sensibiliser, pour aller parler de ce qu'ils vivent à tout le monde. Mais déjà, créer un espace de confiance, en fait, quelque part aussi petit soit-il.

  • Speaker #0

    Nous arrivons à la fin. fin de cet échange passionnant. Anne-Laure, Diane, avant de vous laisser partir, on a une tradition sur Mexitonaire, partagée avec nos auditeurs et auditrices, une ressource incontournable, ça peut être un site, un auteur, un outil, qui vous inspire pour une tech plus éthique.

  • Speaker #2

    J'en ai tellement, j'ai le droit d'en partager combien ?

  • Speaker #0

    Plusieurs, c'est possible.

  • Speaker #2

    Allez, je vais faire trois. Le premier, c'est que la plupart des activités que je propose sont issues de la discipline positive, qui est une approche pédagogique qui nous vient des États-Unis et qui n'est pas l'éducation positive. C'est vraiment quelque chose de beaucoup plus restreint, créé par Jane Nielsen et Lynn Lott. Et du coup, je recommande déjà à tous les parents de lire le livre qui s'appelle « La discipline positive pour de vrai, il a changé ma vie » . et la discipline positive se base sur les travaux du psychologue, psychologue Alfred Adler et philosophe, j'ai presque envie de dire. Et du coup, j'ai aussi envie de dire, si ça vous touche, allez rencontrer la philosophie d'Adler. Moi, c'est quelque chose qui a vraiment nourri toutes mes réflexions. Et pour entrer là-dedans, le livre que je recommande, il s'appelle « Avoir le courage de ne pas être aimé » . Et je vais écorcher le nom des auteurs si j'essaye sans mes notes. Mushi, Taki, Toga, je ne sais plus. Bref, vous retrouverez. Désolée de ne pas avoir eu de notes pour ça, mais il est incroyablement bien écrit, il est très clair, il se lit très bien et il transmet vraiment la pensée de Maud Lerch, qui est vraiment au cœur de ce que j'aurais envie de transmettre. Ça, c'est les deux plus gros, on va dire. Et puis, si vous êtes plus pressés, je vous recommande d'aller voir les petits jeux en ligne de Nicky Case, que j'en présente un dans ma conférence, mais en particulier celui qui s'appelle Evolution of Trust. Et c'est un petit jeu en ligne. Allez, on va dire, ça vous prendra une demi-heure de votre vie. Et on s'amuse avec des petits bonhommes qui ont des stratégies par rapport à un jeu qui ressemble un peu au dilemme du prisonnier. Et on voit ceux qui sont gentils tout le temps, ceux qui sont tout le temps contre l'autre. Mais il y a aussi celui qui fait exactement le copycat, qui fait exactement ce que l'autre fait, etc. Et on peut interagir avec tous ces bonhommes et en mettre plusieurs ensemble. Et ils jouent les uns contre les autres et on voit lesquels gagnent. Et même si c'est très mathématique, peut-être que ça me parle parce que je suis un peu mathématicienne. et que ça ne reflète pas évidemment toute la complexité de la réalité humaine. Je trouve que ça montre des choses assez incroyables. Evolution of Trust de Nikki Case.

  • Speaker #3

    Pour ma part, je recommanderais un podcast qui s'appelle Parler comme jamais de deux linguistes, Laïa Véron et Maria Candéa, qui est vraiment une mine d'or. très accessible. Vraiment, l'idée, c'était de faire sortir des universités le savoir sur la linguistique. Et chaque épisode est consacré à un sujet qui nous concerne toutes et toutes souvent, d'actualités qu'on peut retrouver très concrètement dans notre vie. Donc, je recommande vraiment ce podcast. Je recommande également un tout petit livre qui se lit très vite, qui s'appelle « Le français va très bien, merci » du collectif « Les linguistes atterris » . qui est un collectif de linguistes dont font partie également ces deux linguistes dont je viens de parler, qui cherchent à prendre la parole dans les médias et donc pareil, à faire sortir des universités le discours sur la linguistique pour que ça devienne un sujet public et non un sujet réservé aux spécialistes. Et pour finir, je conseillerais un livre qui est peut-être un peu moins... qui se lit de manière un petit peu moins fluide, mais qui est une mine d'or de réponses à toutes les personnes qui sont un peu réfractaires au langage inclusif. Ça s'appelle « Le cerveau pense-t-il au masculin ? » qui est un ouvrage collectif écrit par plusieurs psycholinguistes où on retrouve des dizaines et des dizaines d'études réalisées dans toute la francophonie et même certaines études dans d'autres langues. qui vont montrer les différents effets sur le cerveau de nos manières de parler avec des tests au masculin, au masculin et au féminin, selon toutes les tournures possibles et avec à chaque fois les résultats de ces tests. Également des petits tests aussi que vous pouvez faire chez vous, avec vos proches, et voir quels sont les biais cognitifs qu'on a quand on répond à ces questions selon les tournures de phrases.

  • Speaker #0

    Eh bien, merci infiniment pour votre participation aujourd'hui. Je rappelle à nos auditeurs... auditeurs et auditrices, que vous pouvez retrouver les conférences complètes d'Anne-Laure et Diane en replay sur la chaîne YouTube de Mixit. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner et à partager le podcast autour de vous. Et d'ici là, gardez en tête que pour une tech éthique, il faut garder l'esprit ouvert et critique. A bientôt !

Description

Dans cet épisode, nous discutons avec Anne-Laure Gros, développeuse, et Diane Moinet, facilitatrice en communication inclusive. Ensemble, nous explorons comment comprendre les autres commence par les mots et soi-même. Entre les activités de discipline positive et le langage inclusif, découvrez comment muscler notre capacité à vivre ensemble dans les équipes. Une conversation où de la technique oui, mais de la tech éthique, les fondations sont d'abord humaines et relationnelles.


Invité.es :

- Anne-Laure Gros

- Diane Moinet


Interviewers :

- Aude Lemar-Verrier

- Véronique Bonnefond


Liens de l'épisode :

- https://fr.wikipedia.org/wiki/Test_de_Bechdel

- https://www.marabout.com/livre/la-discipline-positive-9782501141314/

- https://fr.wikipedia.org/wiki/Alfred_Adler

- https://www.editions-tredaniel.com/avoir-le-courage-de-ne-pas-etre-aime-p-7575.html?v=awzGnQ

- https://ncase.me/trust/

- https://www.binge.audio/podcast/parler-comme-jamais/

- https://www.gallimard.fr/catalogue/le-francais-va-tres-bien-merci/9782073036698

- https://www.lerobert.com/essais-et-litterature/le-cerveau-pense-t-il-au-masculin-9782321016892.html

- https://mixitconf.org/2025/le-langage-inclusif-un-levier-d-engagement-dans-les-equipes

- https://mixitconf.org/2025/triangle-cherche-carre-3-activites-pour-mieux-apprecier-nos-differences


Enregistré le mardi 29 avril 2025 lors de MiXiT 2025


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur Mixit On Air, où la tech rime avec l'éthique. Je suis Aude.

  • Speaker #1

    Et moi, je suis Véronique.

  • Speaker #0

    Et à chaque épisode, nous plongeons dans les coulisses de la conférence Mixit pour vous faire découvrir les innovateurs et innovatrices qui façonnent notre avenir numérique. Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir Anne-Laure Gros, développeuse Bac Java chez Lixi, et Diane Moinet, formatrice et facilitatrice en communication inclusive. Et avec elle, nous allons... explorer l'inclusivité et l'appréciation de nos différences avec l'épisode Comprendre les autres, ça commence par les mots et par soi-même.

  • Speaker #1

    Saut la terre, saut la terre.

  • Speaker #0

    Je vais vous prendre une crêpe au sucre.

  • Speaker #2

    Avant d'être développeuse, j'étais enseignante. Et ce qui me passionnait dans mon métier d'enseignante, c'était vraiment d'aller comprendre qu'est-ce qui se joue à l'intérieur de ces petites personnes apprenantes. Qu'est-ce qu'ils vont faire ? Qu'elles vont grandir et devenir des citoyennes, des citoyennes aguerries. Et même après ma reconversion maintenant en tant que développeuse, c'est des questions que je me pose. Pour moi, c'est vraiment la question de qu'est-ce qui se joue dans nos relations les uns avec les autres ? Qu'est-ce qui va faire que finalement on se sent bien dans un cadre, dans une équipe, qui me donne envie d'aller creuser le sujet ?

  • Speaker #3

    Alors, c'est très drôle que tu dis ça parce que j'étais enseignante aussi avant, également en reconversion. Et je pense que c'est à ce moment-là où j'ai commencé à être sensibilisée à ce sujet, puisque je voyais l'impact du langage dans la prise de confiance qu'on peut avoir, ou au contraire, l'insécurité linguistique. Et j'ai vraiment eu envie de creuser ce sujet-là et de voir comment... donc moi je l'ai d'abord expérimenté dans le... dans le secondaire, dans l'enseignement, mais comment est-ce que ça a également un impact dans le monde professionnel et de quelle manière on peut sensibiliser aux discriminations linguistiques et promouvoir davantage de diversité autour de la langue française ?

  • Speaker #0

    Alors vos approches sont différentes mais complémentaires. L'une c'est plus par l'expérimentation, par le jeu, et l'autre par l'impact des mots. Donc comment, selon vous, on peut muscler ? notre capacité à vivre ensemble dans les équipes ? Diane, si tu veux commencer.

  • Speaker #3

    Alors, je pense qu'il faut penser d'abord au fait que ce sont des sujets qui ne sont pas encore vraiment conscients. Il faut d'abord travailler sur la prise de conscience des équipes, que c'est un sujet et c'est quelque chose auquel il faut prendre le temps de réfléchir pour... être dans l'inclusion, parce que sinon on passe à côté d'une dimension essentielle de l'inclusion. Et il y a beaucoup d'incompréhension et de résistance qui peuvent exister autour de ces sujets-là. Et donc la dimension pédagogique, pour moi,

  • Speaker #2

    elle est essentielle pour pouvoir convaincre d'abord de l'importance et de l'utilité de ce sujet, et ensuite pouvoir agir dessus.

  • Speaker #0

    Tu veux compléter, Anna ?

  • Speaker #2

    Oui, ça me parle beaucoup. J'allais dire que c'est un chemin, en fait, pour moi. Ce n'est pas un objectif à atteindre. Parce qu'en fait, on ne l'atteindra jamais. Je pense qu'on ne pourra jamais être parfait. Et puis, si on savait comment régler nos relations, comment faire en sorte qu'on se sente tous bien, tous ensemble, on le ferait déjà. Donc, c'est quelque chose de difficile dans lequel on peut toujours, toujours et encore progresser. Donc, ce que j'aurais envie de dire, c'est oui, mettre ça au cœur de nos pratiques pour constamment se remettre en question, constamment le pratiquer, faire des petits temps, faire en sorte que ça devienne quelque chose qu'on sait tous qu'on doit... Que ce soit un chemin collectif sur lequel on avance toutes et tous ensemble.

  • Speaker #0

    Alors, on va justement explorer ça un peu plus à travers de vos deux terrains de jeu.

  • Speaker #1

    Alors, tu proposes des activités pour apprendre en faisant et changer notre perception des autres. Tu peux nous décrire une de ces activités et ce qu'elle déclenche chez les participants ?

  • Speaker #2

    Je pense que les trois activités que je propose, en tout cas, c'est des choses qui ont été des déclics. pour moi et c'est pour ça que j'ai envie de les proposer. Je ne peux pas savoir si ça va vraiment déclencher un déclic chez les autres mais je l'espère. Et la plus marquante, c'est l'activité du milieu, une activité de discipline positive qui s'appelle les cordelettes. Et le principe est de mettre deux personnes face à face et de leur faire jouer un mini-jeu qui va les inciter finalement ou naturellement on va chercher une solution gagnant-perdant c'est-à-dire que je vais faire un jeu tout simple où en fait on gagne si l'autre personne vient dans son territoire et le simple fait de dire ça les gens vont être immobiles en fait et vont finalement perdre à deux plutôt que gagner à deux simplement parce qu'ils ne sont même pas... eu conscience qu'il était possible de gagner à deux. Et cette activité, elle m'a beaucoup marquée, elle m'a beaucoup marquée quand je l'ai aussi animée dans des collèges. Je me rappelle une expérience avec une classe de cinquième où ensuite, ils sont censés suivre un débat où pendant une demi-heure, toute la classe a essayé de convaincre une élève que oui, il était possible de gagner à deux un jeu. Et pour elle, c'était quelque chose d'impensable, c'est-à-dire que même après 30 minutes de débat... C'est quelque chose qui l'a dépassé. L'autre personne avait gagné, elle, elle avait forcément perdu. Et du coup, montrer, mettre nous face à face, qu'en fait, c'est un réflexe qu'on n'a pas et qu'il faut forcément être actif et conscient pour aller plus loin. Je crois que c'est quelque chose de très marquant.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as d'autres exemples de prise de conscience, de préjugés qui sont sortis lors d'autres ateliers ?

  • Speaker #2

    L'activité que j'aime faire, que je fais quand j'ai le temps, que j'ai fait dans une autre conférence et que je fais à chaque fois, que je présente ce que je fais en discipline positive quand j'étais formatrice et que j'interviens dans des classes, c'est de demander aux gens quels sont les problèmes qu'ils rencontrent dans leurs équipes. C'est assez facile finalement, la liste monte assez vite. Ou dans leur classe, dans le cadre de l'enseignement. Et puis ensuite, je leur dis, ok, projetez-vous dix ans après, les personnes qui... constituent l'équipe, les gens avec qui vous travaillez, ont progressé. Ils ont acquis des talents et des compétences et maintenant ils arrivent avec une équipe géniale, parfaite, qui est exactement comme vous voulez. Quels sont ces talents et ces compétences qu'ils ont développées ? Et je fais la liste, on dresse la liste petit à petit et dans 99% du temps, ce qui ressort, ce sont des compétences psychosociales. On va parler d'autonomie. On va parler d'être heureux, d'être capable de trouver des solutions, de se sentir bien, d'être plus inclusif, etc. Et je trouve ça tellement marquant à quel point ça marche dans tous les contextes où j'ai fait. Ce qui est au cœur de ce qui nous tient à cœur, ce sont les compétences péquo-sociales et on ne les travaille jamais. On les prend pour acquises. On se dit qu'un enfant, s'il fait des colères, c'est normal, mais un adulte, lui, sait gérer ses émotions. On ne sait pas trop comment, au passage, ça s'est passé, mais en tant qu'adulte, on sait faire. Du coup, ça ne s'apprend pas. Et ça, c'est complètement faux pour moi. C'est vraiment marquant pour moi comme expérience de faire cette espèce de petit exercice où on se rend compte à quel point c'est important pour nous de progresser sur nos compétences relationnelles.

  • Speaker #0

    Diane, quand tu entends ça, on t'a vu hocher la tête. Est-ce que tu retrouves des mécanismes similaires dans l'approche du langage inclusif ?

  • Speaker #2

    Oui absolument, ça m'a fait un certain nombre de choses.

  • Speaker #3

    Je pense qu'effectivement l'approche psychosociale est très importante. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'un de mes angles d'approche, c'est la psycholinguistique, c'est vraiment voir quels sont les effets vraiment sur le cerveau, sur nos représentations mentales et donc notre représentation du monde et des autres, induites par le langage. Et c'est des choses auxquelles effectivement on n'est jamais formé. et dont on n'a même pas conscience de l'importance, alors que ça va modeler toutes nos interactions sociales en permanence. Et aussi la sociolinguistique, qui est donc une autre branche qui va plutôt étudier l'impact de la société sur la langue et vice-versa. Et là aussi, on se rend compte que ça modèle complètement toutes nos interactions sociales. Donc oui, ça me parle beaucoup.

  • Speaker #1

    Et Diane, tu travailles sur la place du langage dans l'inclusion. Concrètement, en quoi des mots peuvent renforcer ou au contraire briser le sentiment d'appartenance dans une équipe ?

  • Speaker #3

    Alors, de plusieurs manières assez implicites, en fait. C'est jamais quelque chose de flagrant, c'est plein de micro-agressions ou micro-encouragements, je dirais. Donc, il n'y a pas forcément un mot qui va faire la différence, mais c'est une ambiance qui va se créer où soit on se rend compte qu'on va... Prendre le temps de penser à l'autre et de l'inclure. Donc ça va passer par avoir des tournures de phrases qui sont inclusives. Ça va passer par ne pas juger les différences linguistiques, comme par exemple les différences d'accent. Ça c'est la discrimination qu'on appelle la glottophobie, qui est assez méconnue. Le fait d'empêcher... ou moquer une personne à cause de son accent, de ses manières de parler. Et ça, c'est souvent très implicite, on ne s'en rend vraiment pas compte, alors que c'est quand même assez fréquent. Et autour des questions de tournure inclusive aussi, on a remarqué avec toutes les études qui concordent en psycholinguistique que oui, si on parle au masculin générique, c'est-à-dire en considérant que le masculin englobe également le féminin, non, aussi bien les hommes que les femmes ne pensent pas. pas qu'il y a des femmes incluses dans le sujet. Et donc ça, toutes les études concordent là-dessus, c'est vraiment un effort et un geste à faire pour pouvoir se sentir davantage concernée dans une équipe.

  • Speaker #0

    Donc il y a de la résistance au changement, et donc les freins les plus fréquents que tu rencontres quand tu parles de langage inclusif au sein des entreprises, des organisations, tu peux nous les citer ?

  • Speaker #3

    Oui, alors le premier, je dirais, c'est la crainte de militantisme et de politisation. Ça, c'est quelque chose qui fait assez peur. Et ce que j'aime bien répondre à ça, c'est en fait déplacer le débat et de ne pas se dire est-ce qu'on est en train de faire de la politique ou du militantisme, mais c'est plutôt est-ce qu'on est en train de prendre en compte l'aspect éthique du monde du travail ou est-ce qu'on est en train de l'écarter ? Et ça permet... par ce petit déplacement de terminologie, en fait, déjà d'apaiser les choses et de pouvoir continuer d'en parler parce qu'effectivement, c'est un sujet et ça a des conséquences très concrètes dans le monde du travail. Et les deux autres résistances que j'observe, c'est compliqué parce qu'on n'est pas forcément habitué à utiliser du langage inclusif ou en tout cas, on n'a pas conscience de le faire. Et donc, il y a une partie vraiment de... de pédagogie à faire pour montrer comment ça s'utilise et proposer des stratégies. Par exemple, je propose la création de chartes de communication inclusive pour les équipes. Ça permet d'avoir une homogénéisation des termes qu'on emploie et de se sentir plus à l'aise, de se dire sur tel sujet, on va tous et toutes employer ce type de terminologie. Ça enlève une charge mentale aussi. Donc ça, c'est une réponse que je donne à cette... à cet argument-là. Et le dernier, c'est inutile, pourquoi faire ça ? Finalement, on a d'autres priorités que le langage inclusif. Et dans ce cas-là, ce que j'aime bien faire, c'est rappeler l'histoire de la langue et montrer qu'en fait, c'est une construction qui est loin d'être neutre et qu'on a eu une masculinisation volontaire de la langue à partir du XVIIe siècle jusqu'à aujourd'hui. Et donc, oui, la langue ayant été modifiée de manière intentionnelle, Ça peut être intéressant aujourd'hui au XXIe siècle de dépoussiérer un petit peu tout ça et aussi en donnant des données scientifiques avec la psycholinguistique en montrant que oui, il y a beaucoup d'études qui prouvent l'utilité justement de passer au langage inclusif pour nos représentations mentales.

  • Speaker #0

    Donc petite transition Anne-Laure, est-ce que tu retrouves ce type de résistance au changement dans tes activités et face à des personnes qui justement ne sont pas à l'aise avec ça ? ces notions de différence ?

  • Speaker #2

    Oui, beaucoup. Beaucoup sur l'acceptation de la différence, mais ne serait-ce que le fait d'arriver et de dire je vais vous proposer quelque chose de différent, simplement le fait parfois, moi, de proposer des activités, proposer quelque chose de différent, rien que ça, c'est un frein. Je pense que le frein principal, c'est simplement on n'aime pas changer nos habitudes. L'activité que j'aime bien faire, c'est demander aux gens de croiser les doigts, pour relayer mes mains. Vous croisez les doigts, vous pouvez le faire si vous voulez. Et je vous demande simplement de rester comme ça. Et une fois que vous avez fait ça, vous changez votre pouce de place. C'est-à-dire que si vous avez votre pouce droit sur votre pouce gauche, vous mettez votre pouce gauche sur votre pouce droit. Et là, comment c'est dans votre corps pour vous ? Eh bien, ce n'est pas confortable. Et pourtant, il n'y a absolument rien qui nous dirait que finalement, notre pouce droit est mieux sur notre pouce gauche ou l'inverse. Mais simplement, on n'a pas l'habitude. Et simplement, changer d'habitude, se forcer à se remettre en question, est quelque chose d'énergivore. Et je pense qu'il faut en avoir beaucoup conscience quand on a des réticences en face, parce que si on cherche à forcer, en fait on va renforcer ces résistances, parce que plus on s'en sent forcée, plus on va se recroqueviller à l'intérieur de nous-mêmes, et plus ça va être dur. Donc oui, ça prend du temps, et on en a parlé ce matin du coup avec Olivier Hamant, je pense que quitter la culture de la performance, pour moi le meilleur levier, pour pouvoir réduire en fait, disons nous donner le temps. de changer nos habitudes d'études, d'aller vers plus d'inclusion et plus de diversité.

  • Speaker #1

    On touche ici à quelque chose de profond, nos biais inconscients. Est-ce que vous avez d'autres exemples, lorsque vous accompagnez les participants à travers ces moments parfois inconfortables, via des activités ou par le langage ?

  • Speaker #3

    Oui, je pense à des prises de conscience de personnes qui... qui ne pensaient pas avoir un comportement oppressif et qui s'en rendent compte au cours d'un atelier. Et ça, c'est assez beau, en fait, parce que ça montre vraiment l'étape qui, pour moi, est la plus importante, c'est se remettre en question, et notamment sur les questions aussi du rapport à l'orthographe, du rapport au classisme, sur lesquels je travaille également, puisque je considère le langage inclusif au sens large et de manière intersectionnelle. Il y a des personnes qui se rendent compte qu'elles peuvent écarter quelqu'un au travail à cause d'erreurs d'orthographe sans se poser la question, mais est-ce que cette personne est dyslexique ? Est-ce que le français est sa langue maternelle ? Est-ce que pour x ou y raison, elle a des difficultés à l'écrit, mais ça n'enlève rien à ses compétences professionnelles ? Et de se poser ces questions-là, parfois, ça crée des illuminations, des mondes révélations. C'est assez touchant et ça me convainc de l'importance de faire ce type de formation.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as un avant-après ?

  • Speaker #2

    C'est très difficile. C'était comme quand j'étais enseignante. Finalement, on délivre un enseignement, puis on s'en va. Des fois, c'est très difficile de voir l'impact qu'on a. Mais le plus touchant pour moi, finalement, ce n'était pas dans le milieu de la tech, mais j'ai fait des interventions dans une classe de maternelle avec des grandes sections. et les enseignantes de CP pouvaient me dire, pouvaient être capables de dire quels élèves m'avaient eu l'année d'avant ou pas. C'est-à-dire que l'impact qu'on a sur les enfants, de les mettre en autonomie, de leur donner des capacités et du coup d'accepter l'autre tel qu'il est, a des impacts tels qu'un an après, ça se voit encore sur leur comportement. Donc j'avais vraiment cette sensation de dire je suis au bon endroit dans ce que je touche. Et après, plus personnellement, J'ai l'impression que oui, c'est un très long travail sur tous nos biais au niveau de l'égalité, du genre, etc. Et j'ai l'impression, ce que je disais tout à l'heure, qu'on est sur un chemin. Moi, je le vois vraiment que de plus en plus maintenant, je suis critique. Dès que je vois une publicité, dès que je lis un livre à mes enfants, dès que je vois des choses, ça me fait tiquer, ça me rend hors de moi. Des choses qui m'auraient paru naturelles il y a deux ans. Et je ne crois pas que j'ai eu un déclic à un moment de tout ça. Je ne crois pas qu'il y ait eu une vidéo... un atelier qui m'a fait dire oui, là, il y a quelque chose qui ne va pas. C'est plus au fur et à mesure de l'accumulation, de lire des choses sur la fameuse règle, j'ai oublié le nom, la loi de je ne sais plus quoi ou je ne sais plus qui, je suis désolée, qui dit que c'est un filtre sur les films où il doit y avoir au moins deux femmes qui se parlent d'autre chose que d'un homme.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #2

    Voilà, c'est des petites choses comme ça qui, pour moi, ne sont pas forcément des gros déclics, mais qui font qu'accumulés, on se rencontre de l'ampleur de la situation et de l'impact que ça peut avoir sur nos vies.

  • Speaker #1

    Si vous aviez un message commun à faire passer aux managers RH ou responsables d'équipe, par où est-ce qu'ils peuvent commencer pour rendre leur environnement de travail plus humain, plus inclusif, sans tomber ? dans la complexité ou la culpabilisation ?

  • Speaker #3

    Je dirais commencer par de la sensibilisation et de la pédagogie, comme je le disais tout à l'heure, parce que je pense que si on essaie de forcer, de convaincre, sans que l'autre soit d'abord convaincu de l'intérêt, ça ne va pas marcher. Et sur des sujets comme ça, qui peuvent être un peu compliqués à aborder, je pense que vraiment l'étape sensibilisation, elle est... indispensable pour comprendre d'abord, se mettre à la place de l'autre et ensuite trouver des solutions adaptées à chaque équipe, à chaque contexte de travail. Mais ça, ça vient en fait dans un second temps, selon moi. Il faut d'abord qu'on embarque tout le monde dans ce parcours-là et comme tu disais tout à l'heure, pour moi c'est un chemin. C'est pas quelque chose où on va trouver une solution immédiatement. Il n'y a pas de réponse magique. Ça, c'est une certitude. C'est plus, est-ce qu'on a envie d'avancer dans le même sens ? Et quelles sont les différentes étapes et outils qu'on va pouvoir utiliser pour aller dans ce sens-là ?

  • Speaker #2

    Moi, j'ai l'impression que le plus important pour avoir un environnement safe, c'est d'avoir un espace d'écoute, c'est-à-dire que chacun puisse avoir au moins un endroit, un espace, où il se sent écouté dans tout ce qu'il a à dire. Et j'ai un peu cette sensation-là de vouloir avoir un petit espace qui ensuite fasse tâche d'huile. Mais en tout cas, moi, ce qui m'a manqué parfois dans certaines entreprises, c'est de pouvoir dire, et de pouvoir dire avec des champs en face. qui m'écoutent, des personnes en face qui sont dans l'empathie de ce que je peux ressentir en tant que femme. Et du coup, je pensais à la même chose en termes d'inclusion. Donc moi, j'aurais envie d'aller qu'ils aillent à la rencontre de ces gens-là. Allez parler aux femmes dans vos entreprises. Allez parler aux gens qui sont en situation de handicap dans vos entreprises. Et faites-les parler, voire mettez en place des espaces de non-mixité, où ils sont capables, il et elle sont capables de parler. de ces sujets-là dans des cadres où ils se sentent en confiance. Et peut-être là, ça leur donnera suffisamment d'énergie à toutes ces personnes pour aussi après aller plus loin et leur donner de l'espace pour sensibiliser, pour aller parler de ce qu'ils vivent à tout le monde. Mais déjà, créer un espace de confiance, en fait, quelque part aussi petit soit-il.

  • Speaker #0

    Nous arrivons à la fin. fin de cet échange passionnant. Anne-Laure, Diane, avant de vous laisser partir, on a une tradition sur Mexitonaire, partagée avec nos auditeurs et auditrices, une ressource incontournable, ça peut être un site, un auteur, un outil, qui vous inspire pour une tech plus éthique.

  • Speaker #2

    J'en ai tellement, j'ai le droit d'en partager combien ?

  • Speaker #0

    Plusieurs, c'est possible.

  • Speaker #2

    Allez, je vais faire trois. Le premier, c'est que la plupart des activités que je propose sont issues de la discipline positive, qui est une approche pédagogique qui nous vient des États-Unis et qui n'est pas l'éducation positive. C'est vraiment quelque chose de beaucoup plus restreint, créé par Jane Nielsen et Lynn Lott. Et du coup, je recommande déjà à tous les parents de lire le livre qui s'appelle « La discipline positive pour de vrai, il a changé ma vie » . et la discipline positive se base sur les travaux du psychologue, psychologue Alfred Adler et philosophe, j'ai presque envie de dire. Et du coup, j'ai aussi envie de dire, si ça vous touche, allez rencontrer la philosophie d'Adler. Moi, c'est quelque chose qui a vraiment nourri toutes mes réflexions. Et pour entrer là-dedans, le livre que je recommande, il s'appelle « Avoir le courage de ne pas être aimé » . Et je vais écorcher le nom des auteurs si j'essaye sans mes notes. Mushi, Taki, Toga, je ne sais plus. Bref, vous retrouverez. Désolée de ne pas avoir eu de notes pour ça, mais il est incroyablement bien écrit, il est très clair, il se lit très bien et il transmet vraiment la pensée de Maud Lerch, qui est vraiment au cœur de ce que j'aurais envie de transmettre. Ça, c'est les deux plus gros, on va dire. Et puis, si vous êtes plus pressés, je vous recommande d'aller voir les petits jeux en ligne de Nicky Case, que j'en présente un dans ma conférence, mais en particulier celui qui s'appelle Evolution of Trust. Et c'est un petit jeu en ligne. Allez, on va dire, ça vous prendra une demi-heure de votre vie. Et on s'amuse avec des petits bonhommes qui ont des stratégies par rapport à un jeu qui ressemble un peu au dilemme du prisonnier. Et on voit ceux qui sont gentils tout le temps, ceux qui sont tout le temps contre l'autre. Mais il y a aussi celui qui fait exactement le copycat, qui fait exactement ce que l'autre fait, etc. Et on peut interagir avec tous ces bonhommes et en mettre plusieurs ensemble. Et ils jouent les uns contre les autres et on voit lesquels gagnent. Et même si c'est très mathématique, peut-être que ça me parle parce que je suis un peu mathématicienne. et que ça ne reflète pas évidemment toute la complexité de la réalité humaine. Je trouve que ça montre des choses assez incroyables. Evolution of Trust de Nikki Case.

  • Speaker #3

    Pour ma part, je recommanderais un podcast qui s'appelle Parler comme jamais de deux linguistes, Laïa Véron et Maria Candéa, qui est vraiment une mine d'or. très accessible. Vraiment, l'idée, c'était de faire sortir des universités le savoir sur la linguistique. Et chaque épisode est consacré à un sujet qui nous concerne toutes et toutes souvent, d'actualités qu'on peut retrouver très concrètement dans notre vie. Donc, je recommande vraiment ce podcast. Je recommande également un tout petit livre qui se lit très vite, qui s'appelle « Le français va très bien, merci » du collectif « Les linguistes atterris » . qui est un collectif de linguistes dont font partie également ces deux linguistes dont je viens de parler, qui cherchent à prendre la parole dans les médias et donc pareil, à faire sortir des universités le discours sur la linguistique pour que ça devienne un sujet public et non un sujet réservé aux spécialistes. Et pour finir, je conseillerais un livre qui est peut-être un peu moins... qui se lit de manière un petit peu moins fluide, mais qui est une mine d'or de réponses à toutes les personnes qui sont un peu réfractaires au langage inclusif. Ça s'appelle « Le cerveau pense-t-il au masculin ? » qui est un ouvrage collectif écrit par plusieurs psycholinguistes où on retrouve des dizaines et des dizaines d'études réalisées dans toute la francophonie et même certaines études dans d'autres langues. qui vont montrer les différents effets sur le cerveau de nos manières de parler avec des tests au masculin, au masculin et au féminin, selon toutes les tournures possibles et avec à chaque fois les résultats de ces tests. Également des petits tests aussi que vous pouvez faire chez vous, avec vos proches, et voir quels sont les biais cognitifs qu'on a quand on répond à ces questions selon les tournures de phrases.

  • Speaker #0

    Eh bien, merci infiniment pour votre participation aujourd'hui. Je rappelle à nos auditeurs... auditeurs et auditrices, que vous pouvez retrouver les conférences complètes d'Anne-Laure et Diane en replay sur la chaîne YouTube de Mixit. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner et à partager le podcast autour de vous. Et d'ici là, gardez en tête que pour une tech éthique, il faut garder l'esprit ouvert et critique. A bientôt !

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