undefined cover
undefined cover
Urgences, progrès médicaux et engagement avec le Pr Philippe Juvin cover
Urgences, progrès médicaux et engagement avec le Pr Philippe Juvin cover
Mon combat santé, à la rencontre de personnes extraordinaires !

Urgences, progrès médicaux et engagement avec le Pr Philippe Juvin

Urgences, progrès médicaux et engagement avec le Pr Philippe Juvin

55min |03/06/2025|

84

Play
undefined cover
undefined cover
Urgences, progrès médicaux et engagement avec le Pr Philippe Juvin cover
Urgences, progrès médicaux et engagement avec le Pr Philippe Juvin cover
Mon combat santé, à la rencontre de personnes extraordinaires !

Urgences, progrès médicaux et engagement avec le Pr Philippe Juvin

Urgences, progrès médicaux et engagement avec le Pr Philippe Juvin

55min |03/06/2025|

84

Play

Description

Êtes-vous prêt à découvrir les coulisses de la médecine d'urgence ? Je vous embarque avec moi !


Dans cet épisode captivant de Mon combat santé, à la rencontre de personnes extraordinaires, je reçois le Professeur Juvin, un expert en anesthésie et réanimation, qui nous dévoile son parcours inspirant et son engagement indéfectible envers la médecine d'urgence. Ensemble, nous explorons les défis majeurs auxquels est confronté notre système de santé, notamment les déserts médicaux, un enjeu crucial qui impacte la qualité des soins.


Le Professeur Juvin insiste sur l'importance de donner un sens profond aux métiers du soin, un appel à la réflexion qui résonne particulièrement dans le contexte actuel. À travers des anecdotes saisissantes de son expérience sur le terrain, notamment en Afghanistan et en Ukraine, il nous plonge dans la réalité des soins d'urgence, tout en abordant des sujets sensibles tels que la fin de vie, l'euthanasie et l'accès aux soins palliatifs.


Les avancées technologiques, telles que l'intelligence artificielle, sont également au cœur de notre discussion. Comment ces innovations transforment-elles notre approche des soins aux patients ? Le Professeur Juvin partage sa vision sur l'évolution de la médecine et l'impact de ces outils sur la pratique quotidienne des professionnels de santé. Nous insistons sur un message d'espoir : l'avenir de la médecine repose sur une approche humaine et empathique, essentielle pour garantir des soins de qualité et respectueux de la dignité des patients.


Ne manquez pas cet épisode de Mon combat santé, où chaque mot résonne avec l'importance de l'humanité dans le soin.


Écoutez dès maintenant et plongez dans une réflexion profonde sur la santé, l'humanité et l'avenir des soins.


Rejoignez-nous pour ce voyage au cœur de la médecine d'urgence, et laissez-vous inspirer par les récits et les réflexions du Professeur Juvin. Ensemble, faisons de notre santé un véritable combat pour l'humanité.


Aude


Chapitres

  • Introduction d'Aude MOULINE-VANNI et présentation du podcast

    00:00

  • Entretien avec le Professeur Juvin : son parcours et ses engagements

    01:00

  • Motivation au quotidien et engagement

    01:40

  • Expériences sur le terrain : Afghanistan et Ukraine

    05:58

  • Amour du métier et l'importance des jeunes

    11:22

  • Défis actuels

    12:41

  • Avancées médicales et intelligence artificielle

    18:14

  • Progrès de jour en jour

    26:34

  • Intéresser les jeunes

    33:11

  • Loi sur la "fin de vie" et euthanasie

    37:04

  • Déserts médicaux et inégalités : solutions

    42:42

  • Force de l'hôpital public

    47:09

  • Moment marquant de carrière

    48:11

  • Message d'espoir

    49:07

  • Conclusion

    55:40



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Aude MOULINE-VANNI

    Bonjour tout le monde, moi c'est Aude, je suis maman de trois enfants. Je suis aussi une épouse, une femme, une soeur, une amie, une fille. Et ce podcast, il est pour vous. Comme beaucoup d'entre vous, j'ai connu les vertiges des couloirs d'hôpital. Et très clairement, ces vertiges-là, on s'en passerait bien. Mais ces vertiges et ces silences, j'ai voulu les transformer en liens. Donc j'ai décidé de prendre le micro et de créer ce podcast. Il y a une phrase que je retiens depuis longtemps d'Hippocrate, qui disait « La force qui est dans chacun de nous est notre plus grand médecin. » J'y crois. absolument. J'ai eu la chance de rencontrer des personnes extraordinaires pendant les parcours parfois un peu compliqués. Ces personnes-là, elles vont contribuer sur ce podcast à faire que nous retrouvions cette force pour ceux qui parfois l'avaient perdue. Voilà, j'espère que ce podcast vous touchera autant qu'il me porte moi. L'idée, c'est d'avoir du positif, des progrès, la médecine de demain, ce qui nous relie. Franchement, dans ce monde de brut, je crois qu'on en a bien besoin. Alors, restez connectés. Je vous souhaite une très bonne écoute avec ces personnes. extraordinaire. Professeure Jumain, je suis ravie de vous accueillir. Merci beaucoup d'avoir accepté cette invitation. Vous avez un parcours absolument exceptionnel et puis cette partie de ces personnes extraordinaires. Vous êtes professeure de médecine, députée des Républicains. Vous avez un parcours en anesthésie et réanimation puis vous êtes allée ensuite dans les urgences. Vous avez également été engagée sur le terrain dans des contextes difficiles en Afghanistan et en Ukraine plus récemment. Vous avez formé des soignants, vous allez nous en reparler. Votre engagement en tant que médecin et formateur de soignants dans ces situations témoigne aussi de votre passion et de votre dévouement. Et donc, on a pas mal de petites questions. Aujourd'hui, on aimerait en savoir plus sur votre parcours, vos motivations et votre vision pour l'avenir de la médecine d'urgence. Alors, bienvenue.

  • Pr JUVIN

    Merci beaucoup de votre invitation.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Votre parcours en médecine d'urgence et en anesthésie et réanimation est exceptionnel. Je viens de le dire. Qu'est-ce qui, aujourd'hui, vous anime ? et vous motive à poursuivre ce travail, vous avez tous les défis rencontrés au quotidien.

  • Pr JUVIN

    D'abord, ce n'est pas un parcours exceptionnel. Il y a des tas de gens qui ont le même parcours que moi. D'abord, j'ai beaucoup de chance de faire le métier que je fais. Et c'est ce que je dis aux jeunes qui veulent faire médecine ou qui veulent être infirmiers ou être soignants. Je pense que la question est, quelle est la société dans laquelle on veut vivre ? Et moi, il me semble que le plus important, c'est de donner du sens à sa vie. Et ce sont des métiers, les métiers du soin, qui naturellement donnent du sens. Évidemment, il y a d'autres métiers qui donnent du sens. Un enseignant, un professeur, un chercheur, un écrivain qui nous fait vivre des vies par délégation, tout ça, ce sont des métiers à sens. Mais je trouve que celui-ci est complet parce que c'est un métier à la fois technique, il faut mettre en œuvre des techniques qui sont parfois complexes, et c'est un métier également dans lequel on... On manie la pâte humaine. Et donc, c'est cet ensemble qui fait qu'au fond, tous les jours en allant travailler, je suis content d'y aller. Et c'est vrai que je regarde avec effroi le jour où il faudra peut-être que j'arrête de travailler parce que c'est une motivation. Moi, j'ai souvenir d'une conférencier d'internat. Vous savez, quand on prépare l'internat au milieu de ses études, il y a un concours qui est au milieu de ses études qui permet de choisir la spécialité qu'on va faire. Ça s'appelle l'internat. On le prépare avec des sous-colles. Et on avait un conférencier d'internat, on appelle ça comme ça, qui nous faisait la psychiatrie. Et il nous avait dit quelque chose qui avait heurté beaucoup de gens qui écoutaient. Il avait dit, vous savez, mère Thérésa, elle fait ça pour elle. Alors, on voit le côté un peu provocateur du truc. Mais c'est vrai, en fait, donner du sang, c'est-à-dire apporter quelque chose aux autres, on le fait aussi pour soi, parce qu'on a l'impression de servir à quelque chose. Et donc,

  • Aude MOULINE-VANNI

    même si aujourd'hui le contexte est difficile et on dit que rien ne va, Vous venez de répondre, vous êtes quand même toujours heureux d'aller travailler tous les jours?

  • Pr JUVIN

    Mais moi, je me méfie beaucoup parce qu'en fait, on a toujours dit avant c'était mieux. Probablement, nos parents, nos grands-parents disaient avant c'était mieux. Je ne suis pas sûr qu'avant c'était mieux. Je ne suis pas sûr. Peut-être dans certains domaines, on avait peut-être plus de temps à consacrer aux gens avant. Mais en même temps, nous n'avions pas les techniques que nous avons aujourd'hui qui permettent des résultats qui sont quand même importants pour les patients. Il serait mieux aujourd'hui qu'on les soignait il y a 20 ans. Et c'est vrai qu'on avait probablement plus de temps. Je me méfie d'une sorte de pessimisme ambiant, parce que c'est très français. On est quand même le pays où les gens sont les moins confiants dans l'avenir. Quand vous faites des enquêtes d'opinion, moi je suis frappé, y compris chez les jeunes. Nous sommes un pays de pessimistes et de doutes. Et je leur dis, c'est vrai, on aimerait être mieux considéré, mieux payé, avoir plus de moyens. C'est vrai, c'est vrai, certes. Mais en même temps, quelle chance, vous voyez, je leur dis, quelle chance vous avez de vivre ce que vous vivez, de pouvoir… Vous n'êtes pas, vous êtes des gens à part. Je dis ça aux internes chaque fois, quand ils arrivent, c'est les internes, c'est les étudiants qui arrivent deux fois par an, on a une dizaine d'internes qui arrivent dans le service, ils changent au mois de novembre, ils changent au mois de mai, et je le dis quasi systématiquement quand je suis président du jury de thèse, à la fin de la thèse, l'étudiant prête serment… en lisant le serment d'Hippocrate, souvent devant la famille, devant les amis, tout ça c'est sympa, il y a des photos, et je leur dis, oui, vous voyez, ce n'est pas du folklore. Vous avez une... en général, ils ont une robe noire, tout le monde est là, la famille, c'est pas du folklore. Vous lisez le serment d'Hippocrate...

  • Aude MOULINE-VANNI

    Une responsabilité.

  • Pr JUVIN

    Et il y a des engagements moraux à l'intérieur. Et ces engagements moraux, c'est pas rien. C'est pas simplement, je prête serment sur un truc qui n'a pas de sens. Ça a beaucoup de sens. On a de la chance d'avoir un métier au sens, et même si quelquefois c'est un peu complexe, quand vous prenez le truc, vous faites la balance le plus moins, je pense qu'il n'y a pas faute.

  • Aude MOULINE-VANNI

    D'accord, ça fait du bien de m'entendre ça. Vous avez exercé, je l'ai dit un petit peu avant, en Afghanistan, dans le contexte de conflit armé, et plus récemment en Ukraine, en pleine guerre, pour former des soignants. Quelles leçons vous retenez de ces expériences sur le terrain ? Sur le terrain très compliqué.

  • Pr JUVIN

    Les deux expériences sont un peu différentes parce qu'en Afghanistan, d'abord c'était il y a longtemps, j'étais médecin militaire, c'est-à-dire que j'étais dans l'armée. Et je soignais, j'étais l'anesthésiste réanimateur du bataillon français engagé contre les talibans. Donc nous étions responsables d'un hôpital militaire avec une équipe d'allemands, une équipe de bulgares et nous les français. Donc chaque fois il y avait un trio, il y avait un anesthésiste réanimateur de chacun des trois groupes, un chirurgien viscéral, le ventre. les tissus mous on va dire, et un chirurgien orthopédiste. Donc nous trois, il y avait trois Français, trois Bulgares, trois Allemands, l'équipe française était l'équipe leader et moi j'étais l'anesthésiste du trio français. Et on soignait des soldats blessés au combat bien sûr, on soignait des alliés, l'armée nationale afghane qui était notre allié, on soignait beaucoup de civils, beaucoup de civils, on soignait quelques talibans aussi qui étaient blessés au combat, qu'on nous amenait, qu'on rafistolait et puis…

  • Aude MOULINE-VANNI

    Vous faisiez de la vraie médecine d'urgence ?

  • Pr JUVIN

    C'était de la vraie médecine de guerre. Et on faisait aussi de la médecine générale. On prenait nos petites voitures blindées et on allait se promener dans la pampa. On allait dans les villages et on allait faire de la consultation. Vous arriviez le matin, il y avait 200 personnes qui attendaient. Et vous voyez 200 personnes avec… En revanche, en Ukraine, c'est un peu différent. J'y suis parti tout seul. J'avais un nom et un numéro de téléphone d'un médecin qui était dans l'ouest de l'Ukraine et que j'avais appelé, qui m'avait dit « Ok, on vous attend tel jour » . Je lui ai dit « Ok, comment je peux faire pour venir vous donner un coup de main ? » Il m'a dit « On passera vous prendre en Pologne » . Donc j'ai pris l'avion pour Varsovie, j'ai pris un train jusqu'à la frontière. Puis là, j'avais rendez-vous dans un hôtel. Et puis le type n'est pas venu. Puis la première journée est passée. Au bout de la deuxième journée, enfin, il y a quelqu'un qui est arrivé. Je suis monté dans une voiture, personne ne parlait français, je ne savais pas très bien où j'allais. On a passé la frontière, on est arrivé tard le soir, et je suis resté deux ou trois semaines, où j'ai fait un peu de médecine, un peu d'anesthésie. On faisait de l'anesthésie dans les caves, parce que les hôpitaux, pour éviter les cas d'oglus, avaient organisé les blocs opératoires au sous-sol. Donc j'ai fait un peu d'anesthésie, et j'ai fait beaucoup d'enseignements de sauvetage au combat, ce que j'avais appris en Afghanistan en réalité. Comment on fait quand on est soldat et qu'on a... collègue qui est blessé, qu'est-ce qu'il faut faire pour le secourir et pour ne pas se faire tuer soi-même. Et dans les deux cas, réellement, ça paraît évident, vous allez me dire, c'est des portes ouvertes, j'enfonce des portes ouvertes, mais la chance qu'on a, on a une chance incroyable de vivre en paix, d'avoir un système de santé qui est en réalité très généreux, on ne se rend pas compte de la chance que nous avons. Et c'est ça probablement que je veux faire passer comme message. Tout ne va pas bien, bien sûr, tout n'est pas parfait. Globalement, allez voir là-bas comment ça se passe. En Afghanistan, moi je vais souvenir, dans les villages, on passait dans les villages, on trouvait des gars avec une chaîne aux pieds, attachés à un mur, parce que c'était probablement le fou du village. Probablement souffrait-il d'une sorte de schizophrénie. Et qu'est-ce qu'ils font là-bas ? Ils ne les soignent pas, ils les attachent. Et en Ukraine, c'est la guerre, avec tout ce que ça a d'incroyable. Il m'est arrivé d'ailleurs une expérience assez drôle, que j'ai filmée, mais par hasard. Quand je quitte l'Ukraine, je rentre dans une voiture, on repasse la frontière, et donc... Je suis à l'arrière d'une voiture conduite par deux Ukrainiens qui ne parlent pas français, deux malabars, et qui doivent me ramener en Pologne. On fait la queue à la frontière parce qu'ils contrôlent, évidemment. Et donc, ils nous laissent passer. Et on passe de l'Ukraine, quasiment paysage un peu triste, grisâtre. Vraiment, j'avais cette impression-là. En tout cas, paysage de pays très pauvres. Parce que vous savez, les caractéristiques des pays en guerre, c'est qu'ils sont très pauvres. Toujours. La guerre, ça apporte de la pauvreté. Et on passe à la Pologne, l'Union européenne, les champs bien cultivés. tout ça en 200 mètres des pays enfin tout est nickel tout est beau et à ce moment-là ça paraît dingue ils ont mis la musique ils ont une radio moi je filme le passage de la frontière de la frontière ouais et là il y a une chanson qui se déclenche en français c'est Joe Dassin je crois Si tu n'existais pas Si tu n'existais pas et c'est incroyable et donc je filme le passage d'un pays en guerre à l'Union Européenne en paix avec Si tu n'existais pas Merci. D'ailleurs, la vidéo a été filmée, elle est passée sur, je crois, c'est à vous, c'est dans l'air, une de ces émissions où je leur avais donné. Et en fait, si tu n'existais pas, l'Union européenne, il faudrait qu'on t'invente. C'est ça que j'en ai déduit. Si tu n'existais pas, notre société en paix, avec des objets qui fonctionnent, il faudrait les inventer. Donc, on a beaucoup de chance, c'est ce que je voulais vous dire. Super.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Dans ce contexte-là où tout le monde est triste et tout est un peu morose, on a besoin de ces bonnes nouvelles et ce podcast est fait pour ça. Qu'est-ce que vous préférez dans votre métier ? Ça a été une question pour vous.

  • Pr JUVIN

    C'est une bonne question.

  • Aude MOULINE-VANNI

    S'il y a une chose que vous préférez ou deux.

  • Pr JUVIN

    J'aime bien l'avantage de travailler dans un hôpital universitaire, c'est que vous avez des équipes qui sont jeunes. Les internes sont jeunes par définition, les externes sont encore plus jeunes, les chefs de clinique, ils ont 25 ans, vous voyez. Et ça, c'est quelque chose que j'ai remarqué. J'ai aussi travaillé un peu au Liban avec les militaires. Quand j'étais en Afghanistan, quand j'étais au Liban, les soldats français qui vous défendent, ils ont entre 18 et 24 ans.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ils sont très jeunes,

  • Pr JUVIN

    oui. Le lieutenant, il a 23 ans. Quand les pompiers vous amènent un patient à l'hôpital, ils ont entre 18 et 22 ans. Quand les policiers vous amènent quelqu'un ou les escortent, ils sont peut-être un peu plus âgés, mais ils ne sont pas très vieux. Et à l'hôpital, la nuit, si vous allez à l'hôpital, quel que soit l'hôpital, vous allez trouver... Ah oui, vous allez trouver à l'interne, vous allez trouver le chef de clinique, tout ce petit monde au max. à 30 ans. Et donc, ça aussi, c'est un élément qu'il faut avoir en tête.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Les jeunes sont indispensables.

  • Pr JUVIN

    Oui, non seulement ils sont indispensables, mais les gens qui vous disent « la jeunesse aujourd'hui, ça ne marche pas » , en réalité, sans eux, ça ne marche pas. Ce sont eux qui tiennent la France.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, ils sont là pour les métiers essentiels. Bien sûr. Quels sont selon vous les défis actuels pour les services d'urgence en France ? Alors, il y en a beaucoup, mais...

  • Pr JUVIN

    Le sujet est une manche. On va arriver à faire face à l'absence de médecins en ville. C'est-à-dire que quand vous n'avez plus de médecins en ville, les gens, qu'est-ce qu'ils font ? Ils vont à l'hôpital. Et il est là notre sujet. Notre sujet, c'est que les urgences deviennent le seul endroit où la lumière est allumée. Et donc, par défaut, ils viennent là alors qu'ils auraient dû, en théorie, aller ailleurs.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Aller chez le médecin en ville.

  • Pr JUVIN

    Il y a la question de la santé mentale aussi. C'est que l'épidémie de dépression, d'anxiété, Je voyais les chiffres, en particulier chez les jeunes, c'est très inquiétant. Je crois que 13% des lycéens ont déjà fait une tentative de suicide. C'est dramatique. Je crois que 25% des collégiens ont déjà pensé à la mort. Donc, on a un problème de santé mentale majeur. Il n'y a plus de psychiatres en ville. C'est très difficile. Quant au pédopsychiatre, je ne peux pas le dessiner. Donc, tous ces gens viennent chez nous par défaut. Donc, c'est ça l'enjeu. C'est comment reconstruire un système qui s'articule sur de la médecine de ville qui fonctionne. sur des EHPAD qui fonctionnent, parce qu'un quart des Français meurent dans les EHPAD.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Un quart ?

  • Pr JUVIN

    Un quart, oui. Souvent, avant de mourir, on les emmène à l'hôpital. C'est pas toujours utile, les transports. Donc, faire des EHPAD des lieux de vie, et pas des lieux où on vit mal. Fin de vie,

  • Aude MOULINE-VANNI

    oui. Est-ce que vous avez mis en place des initiatives concrètes pour améliorer la gestion des urgences ?

  • Pr JUVIN

    Oui, en permanence, on modifie les choses. ça ne se voit pas, ce n'est pas spectaculaire. C'est un sujet quasiment politique, c'est-à-dire que quand on parle de la difficulté de l'hôpital public, etc., il y a toujours un ministre plus intelligent qu'un autre, un parlementaire plus intelligent qu'un autre, un journaliste plus intelligent qu'un autre, qui vous fait le plan, le plan majeur.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, ils ont toutes les solutions.

  • Pr JUVIN

    Grand 1, grand 2, grand 3, paf, paf, paf, et puis clac.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ça a l'air facile, oui.

  • Pr JUVIN

    En fait, la clé, moi, je crois, de l'amélioration des choses, elle est Elle est dans des... dans la liberté qu'on donne aux individus sur le terrain. Au moment du Covid, quand il a fallu ouvrir des unités de réanimation, Heureusement qu'on n'est pas passé par les procédures habituelles, on aurait mis des années à ouvrir. On les a ouvertes en 24 heures.

  • Aude MOULINE-VANNI

    On a pris des décisions en fait.

  • Pr JUVIN

    Exactement. Et dans un service hospitalier. Mais comme c'est le cas dans la vie, si vous voulez que les choses s'améliorent, il faut faire confiance aux gens sur le terrain. Il faut être créatif aussi. Parfois ils se trompent. Et la plupart du temps, globalement, et ce n'est pas grave de se tromper. Et quand vous voulez améliorer les choses, vous faites confiance aux gens. Donc oui, il y a tout un tas de petites choses qu'on fait. et qui ne seraient pas la une du 20h avec ça. Et vous améliorerez réellement les choses. Par exemple, là, on a mis en place, ça va vous paraître une banalité extrême, mais quand on finit notre journée dans un service d'urgence, c'est une partie du service qu'on appelle le service porte. En fait, ce sont des lits d'hospitalisation dans le service des urgences en attendant de pouvoir hospitaliser les patients éventuellement le lendemain. D'accord. Donc, dans mon service, j'ai 20 lits.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Parce qu'on manque de place.

  • Pr JUVIN

    Oui, quand vous dites, après tout, les gens vont probablement rester 24 heures à l'hôpital, c'est pas la fête pour les chambres. Je les mets dans une de nos chambres. Donc, on a un service d'hospitalisation. C'est comme la même structure qu'un service d'hospitalisation, mais ça dépend de nous. Avant, on faisait chacun une transmission. Le soir, celui qui partait disait à celui qui restait, « Voilà, j'ai M. Machin, il a ça, M. Truc, il a ça, Mme Machin. » Et on le faisait sur un papier Word. Le papier se perdait, donc du coup, nous sommes créés. un fichier commun où chacun implémente le truc. Alors, vous allez me dire, c'est le B.A.B. Oui, oui, mais en fait, ce qui est extraordinaire, c'est qu'il n'y a souvent pas besoin d'un plan pluriannuel à milliards d'euros. De petites choses suffisent à améliorer souvent considérablement le quotidien. C'est vrai en médecine, mais c'est vrai dans tout, vous voyez. Et méfiez-vous de ceux qui ont la solution de baguette magique. En fait, moi, je ne crois pas au grand système. Je crois à la liberté. Je pense que les sociétés prospères sont les sociétés où on a fait confiance à l'intelligence des individus et à leur capacité à trouver des choses. Les gens qui vous proposent de grands systèmes, les grands systèmes, ça ne marche pas toujours. Pourquoi ? Parce qu'ils ont été décidés à un niveau qui ne prévoit pas tout.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Qui ne se rendent pas forcément compte de la réalité du terrain aussi, ces gens-là.

  • Pr JUVIN

    Et puis les impondérables. Et puis les motivations des gens, vous savez, les grands plans. ne valent que s'ils sont mis en œuvre et s'ils sont trop complexes. C'est Raymond Aron qui disait, je crois que les sociétés prospères sont les sociétés qui font confiance aux potentialités des individus. Donc, il faut faire confiance aux potentialités des individus. C'est vrai en médecine et c'est vrai dans toute la société. Faites confiance aux potentialités des maires, des communes. Vous verrez, la ville sera propre, elle sera sûre, elle sera bien éclairée. Parce que le maire, il connaît et il veut le prendre. ne pas se faire engueuler. En fait, les gens sont de bonne volonté.

  • Aude MOULINE-VANNI

    En fait, on ne fait pas confiance.

  • Pr JUVIN

    Nous sommes une société d'hyper-contrôle administratif. Et la société d'hyper-contrôle administratif empêche les gens d'agir parce que les gens veulent d'abord répondre à des règles, alors qu'en fait ils devraient vouloir d'abord répondre à une efficacité. Non pas qu'il ne faut pas de règles, bien entendu. Les règles sont protectrices. Mais je crois à la vertu de la liberté.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Pour les nouvelles technologies, les avancées médicales, est-ce qu'il y en a qui transforment le quotidien des urgences ?

  • Pr JUVIN

    Bien sûr. Par exemple, nous, les radios des os, des articulations, quand vous avez un traumatisme, sont désormais interprétées par l'intelligence artificielle.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ah oui, d'accord.

  • Pr JUVIN

    C'est-à-dire que vous êtes tombé, vous avez mal au bras, je vous ai fait faire une radio du bras, l'intelligence artificielle va me dire fracture, pas fracture, doute, pas doute.

  • Aude MOULINE-VANNI

    D'accord. C'est un gain de temps énorme aussi ?

  • Pr JUVIN

    Oui. En fait, tout l'enjeu des nouvelles technologies, c'est de nous redonner du temps médical. Il y a des trucs qui nous prennent du temps. Et notre temps, en fait, il est précieux. Avec vos impôts, vous m'avez payé des études. Vous m'avez payé 15 ans d'études. Je ne sais pas combien j'ai coûté à la société, mais je pense que j'ai coûté très cher à être formé. Et donc, ce temps maintenant que je dépense, entre guillemets, dans mon hôpital, pour vous, pour la société, je vais me faire des choses que je suis le seul à savoir faire, plutôt que des choses... banal qui peut être fait par n'importe qui, y compris par une machine. Oui, l'intelligence artificielle, mais il y a plein d'autres choses. On a automatisé tout un tas de tâches. Je suis persuadé que demain, on va arriver à un système où, probablement arrivant aux urgences, vous remplirez un questionnaire. Celui-ci implémentera une base de données. Avant que vous ayez même vu le médecin, on récupérera tout un tas... vos antécédents, votre dossier MHA, ça sera mouliné. Et le médecin aura quelques hypothèses qui lui seront présentées quand vous viendrez me voir. Je dis, ah bah oui, les cinq hypothèses principales, c'est ça que vous avez. me fera des propositions, peut-être aura déjà prescrit les examens complémentaires avec ou pas mon aval, tout ça se définit, on va comprimer le temps, on va le rendre plus efficace. Et puis, il y aura probablement moins de loupés. Il y avait une étude qui était incroyable, qui a été publiée il y a un an et demi, qui a un peu bouleversé tout le monde, mais qui est très intéressante. C'est une étude en double aveugle, avec trois groupes. C'était de la téléconsultation, comme nous. Premier groupe, le patient avait... Le patient, c'est ça, avait en face de lui un vrai médecin. Deuxième groupe, il avait en face de lui une intelligence artificielle. Troisième groupe, il avait un médecin qui était conseillé par l'intelligence artificielle. Et il ne savait pas qui il y avait. Il n'y avait pas mon image. L'intelligence artificielle faisait comme s'il y avait un médecin. Et à la fin, on demandait le meilleur groupe des trois qui avait eu le meilleur diagnostic, à votre avis, c'est qui ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    Le mélange des deux ?

  • Pr JUVIN

    Le mélange des deux. Celui qui avait le meilleur traitement, c'était ? C'est lui. Pour votre avis ? C'était qui ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    Les deux,

  • Pr JUVIN

    non ? C'était que l'intelligence artificielle. Le médecin lui-même avait tendance à dire « Non, moi, je ne ferais pas ça. » L'intelligence artificielle est plus performante. Mais ce n'est pas encore inquiétant ? Et à votre avis, quand on demandait aux patients lequel des trois a été le plus humain, vous a le plus compris ? Le côté empathique, à votre avis, c'est qui ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    Je vais redire l'intelligence artificielle, du coup. Oui, l'intelligence artificielle. C'est incroyable. Donc ceux qui vous disent que la médecine c'est tellement humain que ça ne sera jamais remplacé, c'est pas tout. Pourquoi ? Parce que l'IA n'est jamais fatiguée. Elle a toujours de la bonne humeur.

  • Pr JUVIN

    Elle a toujours de la bonne humeur, elle n'a pas envie de vous dire c'est bon, ok, on va tout faire, on va faire le premier cinq fois, et puis vous avez vu, j'étais de garde hier. En fait, la médecine va probablement connaître des révolutions considérables, mais y compris dans ce domaine-là. Mais ce qui est le plus important, c'est que moi je veux qu'à la fin de ma vie, mon dernier jour, il y ait quelqu'un qui me tienne la main. Si j'allais dire que c'est un traitement artificial,

  • Aude MOULINE-VANNI

    elle ne peut pas le faire. Elle ne peut pas le faire,

  • Pr JUVIN

    oui, mais grâce à elle, du coup, ça va me libérer du temps, je vais pouvoir avoir quelqu'un qui va me tenir la main. Parce qu'aujourd'hui, le casse-un qui me tient la main, il est obligé d'interpréter lui-même les radios, de faire les prescriptions banales que tout le monde fait. Et donc, on va pouvoir… C'est toujours un problème de temps. Le temps du spécialiste, ça doit être un temps de spécialiste.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais pour vous, c'est quand même une bonne nouvelle.

  • Pr JUVIN

    C'est génial, c'est formidable. Et puis, c'est un élément. Non, mais non, bien sûr. Et c'est un élément de sécurité. C'est-à-dire que vous préférez, dites-moi, vous préférez monter dans un avion de ligne sans aucun pilote automatique ? J'ai peur de ne pas me cracher. Sans aucun pilote automatique ? Ou vous préférez, à l'ancienne, il y a 50 ans, où c'est le type lui-même qui faisait ça avec le E, ou est-ce que vous préférez un petit programme ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est un bon exemple. Je préfère le pilote automatique.

  • Pr JUVIN

    Exactement. Vous préférez le pilote automatique. Et d'ailleurs....

  • Aude MOULINE-VANNI

    Après, je me dis que le pilote,

  • Pr JUVIN

    il est quand même indispensable. Alors, comme vous savez, il y a des métros et des trains automatiques. Oui, oui. Vous montrez dans un train automatique. Je crois qu'il y a un truc, je crois, mais je ne suis pas spécialisé en aéronautique, on dit aujourd'hui qu'on pourrait faire décoller et atterrir et voler des avions totalement sans pilote. Je pense qu'il y a une barrière probablement psychologique qui va être difficile à lever pour les passagers. Mais ce que je veux dire, c'est que... entre un médecin seul ou un médecin avec de l'IA, ou entre un pilote seul et un pilote avec tous les moyens modernes de machin, faire le pilote avec les moyens modernes de machin, et c'est pareil pour le médecin. Ok, d'accord. Mais la médecine a un côté très artisanal. Mais bon, par exemple, moi, quand j'ai commencé la médecine, en tant qu'anesthésiste-rénateur, je posais des cathéters dans des gros vaisseaux, le cou. Et comment on faisait ? on nous apprenait des repères anatomiques. Je regardais votre cou et je voyais qu'il y avait un muscle qui était là, un autre qui était là, donc je savais que la veine ne voit pas, ou l'artère que je voulais piquer.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est-à-dire qu'on devine à peu près.

  • Pr JUVIN

    Je devinais parce que j'avais appris des repères anatomiques. Vous voyez le côté, aujourd'hui, quand je raconte ça à mes étudiants, ils me disent « mais comment c'est possible ? » Aujourd'hui, ils ont des appareils qui permettent de repérer.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est précisément.

  • Pr JUVIN

    Et donc, le débat que nous avons sur la technologie, C'est un débat vieux comme le monde. En fait, depuis l'invention de la médecine, on a sans cesse inventé des trucs nouveaux. Vous voyez, là, il y a un saut. Mais en réalité, c'est exactement la même chose.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est comme les urgences, ça n'existait pas avant.

  • Pr JUVIN

    Alors, les urgences existent depuis une cinquantaine d'années. Les urgences avant, en fait, c'était d'abord les urgences d'accident de la route.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, voilà.

  • Pr JUVIN

    Ça a été inventé pour ça. Et puis, peu à peu… On a dû tout faire parce que maintenant les urgences... C'est une spécialité les urgences ? Oui, c'est une spécialité. Moi par exemple, je suis professeur d'anesthésie et réanimation.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est ça, ok.

  • Pr JUVIN

    Et puis quand il a fallu faire des professeurs d'urgence... Du coup, on a pris quelques professeurs de différentes spécialités, dont votre serviteur, et puis on les a repeints. J'ai été repeint administrativement, on m'a dit « ah bah j'ai plus de professeur d'anesthésie, des professeurs de purgeance »

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ça veut dire qu'il y aura de nouvelles spécialités aujourd'hui dont on ne peut pas se douter.

  • Pr JUVIN

    Alors ça, vous ouvrez un débat très intéressant, c'est qu'effectivement il y a des spécialités qui n'existaient pas il y a 30 ans, mais je peux vous citer la gériatrie par exemple, les pathologies des personnes âgées. Avant, c'était des médecins internistes ou généralistes qui faisaient ça. Aujourd'hui, ce sont devenus des gens dont c'est le métier. Il est probable que dans 20 ans, 30 ans, vous aurez des spécialités dont on n'imagine même pas l'existence parce qu'elles seront nécessaires. On parle d'intelligence artificielle. Il faudra bien des médecins pour coder. Il faudra bien des médecins pour s'assurer que les algorithmes correspondent à une démarche médicale scientifique. Il va falloir des médecins qui analysent les datas. Il y en a déjà, mais... ça va prendre un caractère très important. Entendons-nous, ce que j'adore dans la médecine, c'est le contact humain. Moi, j'aime voir les gens, j'aime les examiner.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais l'un ne va pas sans l'autre.

  • Pr JUVIN

    Mais voilà, aujourd'hui, avec mes simples mains pour examiner et mon stéthoscope, il y a des choses que je ne sais pas faire et que d'autres feront. Donc, il faut en permanence améliorer son savoir-faire. Vous savez, les échographies. qu'on a inventé il y a maintenant 40 ans pour l'obstétrique essentiellement, et qu'on utilise dans toute la médecine. Il y a un certain nombre de nos collègues qui ont des appareils d'échographie qui sont grands comme ça, et qu'ils ont dans leur poche. C'est leur stéthos. Donc la médecine évolue à toute vitesse, et heureusement. Et ça signifie d'ailleurs que les médecins doivent se former en permanence.

  • Aude MOULINE-VANNI

    En fait, vous n'arrêtez jamais.

  • Pr JUVIN

    Il faut lire sans arrêt. D'abord, il y a des médicaments qui apparaissent. Il y a des pathologies qui disparaissent, vous l'avez vu avec le Covid. Il y a des pathologies qui disparaissent. Moi, quand j'ai commencé la médecine, c'était le début de l'épidémie de Sida. Donc j'ai vu les premiers malades, j'ai un souvenir très très précis. D'ailleurs, j'étais en deuxième année de médecine, c'était à l'hôpital Beaujon. Donc deuxième année de médecine, vous n'avez jamais vu de malade. Et quand vous entrez dans la chambre, vous êtes très impressionné. Et d'ailleurs, c'est là en général où vous tombez dans les pommes pour la première fois. Et donc, on me dit, le chef de clinique, qui me paraissait très âgé, plein d'expérience, mais qui devait avoir 25 ans, il me dit, tu sais, il s'agit de cette nouvelle maladie dont on parle, qui touche à l'époque les homosexuels, et on pense que c'est un virus. Et je me souviens très bien, c'était un patient grec qui était venu, espérant se faire soigner, en pensant qu'à Paris, il y avait des traitements miraculeux, parce qu'à l'époque... Il y avait une équipe française qui avait identifié l'agent pathogène. Et donc les gens avaient dit, alors qu'ils ont identifié l'agent, probablement ils auront un traitement. Malheureusement, ça n'a pas été le cas. J'ai vu l'arrivée de cette maladie et j'ai vu également ce que produit de façon extraordinaire et miraculeuse le progrès médical quand il est en marche. En 1995 apparaissent ce qu'on appelle les antirétroviraux. Ce sont des médicaments qui bloquent la réplication du virus. Ces médicaments, en fait, bouleversent les choses. Quand vous aviez le sida avant les antirétroviraux, c'était une condamnation à mort. Vous saviez que vous alliez mourir. Moi, tous les patients que je suivais, c'était le début de mon internat, mouraient. Et en 1995 arrivent les antirétroviraux. Et les salles d'hospitalisation, je vois physiquement, j'ai vu des services qui étaient vides. Quatre mois avant, il y avait plein de patients qui étaient condamnés. Quatre mois plus tard, il n'y avait plus personne dans les chambres parce qu'on avait donné un médicament et les gens n'étaient pas guéris. Et avaient au moins leur charge virale qui diminuait. Ils ne faisaient plus ce qu'on appelle les infections opportunistes. Donc, en fait... Ce qui est extraordinaire, c'est qu'on va encore vivre probablement des choses comme ça.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Vous voyez concrètement l'évolution.

  • Pr JUVIN

    Exactement. À l'échelon d'une vie, moi j'ai vu une révolution. Mais par exemple, imaginez que demain, on trouve un médicament contre la maladie d'Alzheimer. Alors on n'y est pas, mais bon, vous savez, à fois on va y se plaindre. Qu'est-ce qui va se passer en pratique, à votre avis ? Les EHPAD vont se vider. On vit avec l'idée que l'EHPAD…

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il n'y aura peut-être plus d'EHPAD dans 30 ans. Ce sera différent.

  • Pr JUVIN

    Ce sera un lieu de vie et pas un lieu de fin de vie.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Exactement. On peut avoir des surprises majeures et c'est pour ça que la médecine est entre médecine et société. Après la Seconde Guerre mondiale, la France était couverte de sanatoriums. C'est là où on mettait les tuberculeux. On avait pas d'antibiotiques. On soignait les tuberculeux. On disait que bon air. Le bon air. Oui,

  • Pr JUVIN

    c'était à Saint-Gervais.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais en réalité, c'était une manière de les isoler.

  • Pr JUVIN

    Oui, il en gardait un très beau souvenir.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Bien sûr, c'était en fait un endroit où on vous isolait. Sous prétexte du bon air. Ça ne peut pas faire de mal, le bon air, mais ça ne guérit pas la tuberculose. Ça a disparu, les sanatoriums. Pourquoi ? Parce qu'on a eu des antibiotiques. Mais de la même manière, peut-être que demain, médicament Alzheimer, vous n'aurez plus d'hépatite. Vous aurez d'autres maladies. Vous voyez, ce que je veux dire, c'est qu'il y a un lien intrinsèque. entre le programme médical et l'organisation de la société. On considère quand même que le vaccin anti-Covid a permis probablement de sauver 10 à 15 millions de personnes dans le monde qui seraient mortes.

  • Pr JUVIN

    Sans vaccin. Les plus âgés, les…

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ah oui.

  • Pr JUVIN

    Ah oui, je sais que vous avez mon grand-père à la fin, qui est décédé du Covid, mais lui, c'était dans les premiers, au tout début, il n'y avait pas de vaccin à ce moment-là. Il est mort le 22 mars,

  • Aude MOULINE-VANNI

    donc c'était vraiment au début de l'épidémie. Et c'est pour ça que les gens qui la jouent sur le mode « oui, mais je ne sais pas » , etc., ils ne se rendent pas compte qu'en fait, ce sont des enfants gâtés. Aujourd'hui, on parle largement, je connais mal, parce que c'est la pédiatrie, mais manifestement, les cas de rougeole augmentent parce que les gens vaccinent moins. En fait, à la fois, la médecine nous offre des choses et comme nous sommes des gens libres, mais parfois un peu inconséquents, on ne tire pas le maximum de ce que nous dit la médecine. C'est particulièrement vrai sur l'alimentation. Regardez, objectivement, le tabac, l'alcool, la mauvaise alimentation créent des pathologies. Et on le sait, ce n'est pas un secret d'État. Pourtant, on se comporte mal parce que nous sommes des hommes et des femmes. Et puis, il y aura des pathologies probablement nouvelles, induites par un environnement parfois délétère. Par exemple, on sait aujourd'hui que les aliments ultra transformés crée une inflammation chronique dans le tube digestif, puisque vous les avalez, donc ça crée une sorte d'agression permanente. Je ne vais pas vous le manger une fois, mais si c'est votre ration calorique habituelle, on considère que les Américains, si plus de la moitié de votre ration calorique c'est de l'ultra transformé, vous avez une augmentation de 20 à 25% du risque de cancer du côlon, qui est un cancer qui est grave s'il n'est pas détecté tôt, parce qu'on n'a pas beaucoup de traitements. Et donc, typiquement, vous aurez aussi des maladies environnementales qu'il faudra prendre en compte. On est assez éduqués,

  • Pr JUVIN

    en fait, sur tout ça. Tout le monde sait qu'il ne faut pas manger de choses très grasses. Vous ne mangez jamais de Nutella ? Moi aussi. Et pourtant, je sais que ce n'est pas bon. Mais nous sommes des hommes et des femmes avec nos faiblesses. On ne peut pas tout s'interdire, en fait.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Absolument. Il y a la cigarette, déjà, l'alcool, la vincian.

  • Pr JUVIN

    La question, c'est qu'il faudrait au moins tout. tout le monde soit conscient. Et puis, si vous fumez, vous le faites en connaissance de cause. Mais c'est complexe, parce que nos motivations sont évidemment diverses. Il y a les motivations économiques. Pourquoi les gens mangent beaucoup d'aliments ultra-transformes ? Parce qu'ils n'ont plus le temps de faire la cuisine. C'est ça aussi. Quand vous avez 4 heures, 10 minutes, c'est pas mal. Quand vous avez 4 heures de 2 heures allées, 2 heures retour de travail, quand vous arrivez le soir... On a pas envie. vous ne savez pas où faire la cuisine. Donc, vous faites un truc comique, ultra transformé, et il y a mieux pour la santé.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Du coup, avec toutes ces avancées médicales dont vous parliez, en fait, les jeunes, je reviens un peu aux jeunes, mais eux, justement, ils sont très jeux vidéo, programmation et tout ça, mais toutes ces avancées médicales et l'IA, c'est parfait pour des jeunes, en fait. Il y a, par exemple, dans le collège lycée de mon fils, en seconde, ils proposent aux pilotes d'avion de faire une formation pour les jeunes en seconde. Ils passent un brevet, ceux qui veulent, ce n'est pas du tout obligatoire, ils passent un brevet d'aéronautique. Et ça, je trouve ça exceptionnel. Je me dis que la médecine devrait faire quelque chose comme ça. On devrait aller dans les lycées, parce que les pilotes d'avion qui travaillent, ils ne sont pas à la retraite, c'est des gens qui travaillent, ils font la formation toute l'année pour des jeunes de seconde. Je me dis qu'il faudrait faire la même chose avec la médecine.

  • Pr JUVIN

    Mais moi, je vais vous dire, je porte depuis des années un projet que j'avais vu faire aux États-Unis, qui serait de... proposé aux élèves de 3e ou de 2e, mais plutôt tôt, 3e seconde plutôt que terminale. Parce qu'au terminale, on a déjà fait son choix. Prendre, par exemple, les grandes vacances, les 15 jours à février, les 15 jours à Pâques. Ceux qui veulent faire un métier de la santé, on les prend pendant 15 jours en immersion, dans le monde de la santé, mais en immersion totale. C'est-à-dire qu'on leur donne le pyjama de bloc, on leur donne la blouse, ils font trois jours aux urgences. Trois jours dans le cabinet de l'éthique générale, trois jours dans l'EHPAD, dans l'unité de soins palliatifs. et on les fait jouer au docteur ou à l'infirmière. Ils ont l'impression d'être… Ils font des rencontres. Pourquoi, en fait, dans la vie, ce qui est important, c'est les rencontres ? Bien sûr, mais tout le monde n'a pas la chance de faire des rencontres.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Moi, je fais des rencontres. Je fais des rencontres parce que j'ai des gens que j'admirais et je voulais faire pareil. Il faut être un peu trop pistonné pour tout, et c'est ce que je reproche, par exemple, les enfants en troisième, on a un stage, mais en seconde, maintenant, ce n'était pas le cas avant, ils ont un stage à la fin d'année de deux semaines. Les enfants de seconde qui ne connaissent personne, ils n'ont pas la chance d'avoir quelqu'un qui va les prendre en stage. C'est là où je trouve que c'est complètement ahurissant. On ne les aide pas,

  • Pr JUVIN

    ces enfants. Le stage est un marqueur social, évident. À l'hôpital, on n'a pas le droit de prendre de stagiaires de troisième parce qu'ils n'ont pas le droit d'être au contact des patients. Mais je le fais quand même. Il ne faut pas le dire. Donc, vous ne le direz évidemment pas. Parce que c'est la seule manière qu'on a de faire soit naître des vocations, mais c'est aussi important d'ailleurs de permettre à quelqu'un de se dire finalement c'est pas pour moi le chiffre traîne je ne sais pas s'il est vrai mais il est peut-être vrai que 25% des infirmières diplômées à la fin de leurs études finalement ne feront pas de médecine parce qu'elles se sont trompées de filière et donc si vous pouviez on pouvait mettre en immersion pendant une semaine quinze jours, un mois morceler sur deux ans les jeunes en deuxième ou troisième seconde peut-être qu'il y en a qui aimeraient, qui tomberaient amoureux de ce métier et qui les feraient. Moi, j'avais été frappé d'un truc quand la série Urgence est sortie pour la première fois il y a 20 ans. Il y a eu un pic d'inscription en première année de médecine. Et forcément, ils sont tous beaux, ils sont intelligents, on a envie d'en rencontrer Georges Clooney. Et donc du coup, ça marche. En fait, ça marche. Simplement. ça devrait s'organiser, ça devrait être quasiment la règle.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, tout donne envie.

  • Pr JUVIN

    Moi, mes enfants ne font pas médecine, mais s'ils avaient voulu, ils auraient pu faire des stages en médecine, il n'y a pas de difficulté. En revanche, je connais des tas de gens qui aimeraient bien avoir des stages en médecine et qui n'ont pas accès, ce n'est pas normal. Je trouve qu'il faudrait que l'éducation nationale s'ouvre un peu au monde du travail et passe des conventions avec tous ces gens. Mais je parle de la médecine. La police. Et probablement,

  • Aude MOULINE-VANNI

    oui, chez tout le monde. Oui,

  • Pr JUVIN

    bien sûr. Chez tout le monde.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ok. Est-ce que, moi, c'est une question en ce moment un peu brûlante sur le projet de loi sur la fin de vie ?

  • Pr JUVIN

    Ce n'est pas un projet de loi sur la fin de vie, c'est ce qu'ils disent. Mais en fait, les critères…

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est ce que je comprends, moi.

  • Pr JUVIN

    Les critères, les critères tels qui sont définis par la loi, vont permettre de proposer le suicide assisté ou l'euthanasie à des gens qui potentiellement aussi ont plusieurs années à vivre.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Parce que moi, ce que j'entends, je vais vous demander en tant que médecin et en tant que députée votre position, même si je crois que je la connais un petit peu. Mais moi, quand j'entends et quand je regarde les nouvelles, je comprends que c'est pour des personnes qui sont condamnées en phase terminale et qui sont certaines de mourir assez rapidement et pour lesquelles on abrangerait leur souffrance. Non. Je me trompe ? Oui. C'est ce qu'on dit aux nouvelles quand même.

  • Pr JUVIN

    Oui, mais ce n'est pas vrai. Ok. En fait, d'abord. Moi, je suis contre l'acharnement thérapeutique. Premièrement. Deuxièmement, il y a aujourd'hui des techniques que l'on met en œuvre qui permettent de vous endormir quand, à la fin de votre vie, vous souffrez trop. D'accord. On le fait déjà. On le fait dans les unités de soins palliatifs, on le fait aux urgences, on le fait dans tous les services de médecine. Vous souffrez, vous avez un cancer, par exemple, en fin de course, vous avez trop mal, vous respirez mal et... il faudrait vous intuber mais vous ne voulez pas, vous n'arrivez plus à manger, il faudrait vous mettre une gastrostomie, c'est-à-dire un trou dans le ventre pour vous nourrir et vous ne voulez pas, ce qu'on fait dans ces cas-là, on peut vous proposer de vous enlever. Ça s'appelle la séparation profonde et continue, ça existe, c'est dans la lune. Ça, il faut vraiment l'avoir. Le troisième truc à savoir, c'est qu'aujourd'hui, un Français sur deux qui a besoin de soins palliatifs n'y a pas accès. Parce qu'il n'y a pas un sur deux qui meurent. et dont on dit celui-là, il faudrait qu'il aille au soins réactifs, il n'y va pas, pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de place. Quand vous avez pris tout ça, vous pouvez quand même vous dire qu'on a probablement des moyens à mettre en œuvre déjà pour soulager vos souffrances en fin de vie, c'est vrai. Et déjà, il y aurait beaucoup à faire, à mettre tout le monde au bon niveau. Le projet de loi qui existe, d'ailleurs, ne prononce pas nulle part le mot euthanasie ou suicide assisté. Ça n'apparaît pas. Alors qu'on ne parle que de ça. Et d'ailleurs, je vais même vous dire que dans le projet de loi, il y a un point qui me révolte, c'est qu'il est expressément dit que dans le certificat de décès, une fois que vous aurez été euthanasié… Merci. Il faudra cocher mort naturelle, alors que c'est tout autre naturel, puisque je vous ai administré quelque chose qui vous tue. Non, en fait, le projet de loi définit les critères pour dire celui-là a accès, celui-là n'a pas accès. C'est quoi les critères ? Je peux vous les citer, c'est très court. Une maladie grave, incurable, c'est-à-dire qu'on ne peut pas guérir. On ne peut pas guérir, mais est-ce qu'on peut être en rémission par exemple ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, bien sûr, la rémission ça ne signifie pas guérir. Voilà, mais c'est pour ça que je pose la question. Je parle de la guérison.

  • Pr JUVIN

    Ça veut dire qu'on peut vivre encore plusieurs années.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Absolument. Pronostic vital engagé. Est-ce que c'est un jour, un mois, un an, dix ans ?

  • Pr JUVIN

    En général, quand on dit que le pronostic vital est engagé, il n'y a pas de durée. On ne sait pas. On peut le dire et le malade peut rester encore vivant pendant un an. Je vais vous donner un exemple. Et enfin, il faut que ça soit une maladie en phase terminale ou avancée. maladie et que vous souffriez terriblement, de façon insurmontable, soit physiquement, soit psychologiquement, avec le caractère subjectif. Vous voyez, on a tous des moments de détresse. Et je rajoute une dernière couche, pour que vous compreniez bien, ces souffrances, elles sont soit rebelles au traitement, soit le traitement est efficace, mais vous avez décidé de ne pas le prendre. Et bien tout ça fait que vous avez le droit à l'euthanasie. Et donc moi, ce que je dis, c'est que quand je prends cette définition-là, Je peux vous lister des pathologies de gens qui ont plusieurs années à vivre. Évidemment, ça va couvrir des gens qui ont peu de temps à vivre. Et là, en fait, je pense que la loi y répond déjà puisqu'on peut les endormir. Mais par exemple, prenez une femme chez laquelle on découvre un cancer du sein avec des métastases osseuses d'emblée. Aujourd'hui, avec les immunothérapies, certaines ont une très bonne réponse et on appelle ça des survies, comme ça qu'on dit, de plusieurs années, 4, 5, 6 ans. Ça répond à tous les critères, maladies graves. incurable, pronostic vital engagé, pas à un mois mais à cinq ans, et vous pouvez avoir des souffrances, y compris psychologiques, vous pouvez le demander. Quelqu'un qui est dialysé, dialyse, parce que ses reins ne fonctionnent pas, il a une maladie grave, par définition incurable, même la greffe rénale ne vous guérit pas puisque vous devez prendre des immunosuppresseurs durant toute votre vie. Votre pronostic vital est engagé parce que si vous arrêtez la dialyse, vous mourrez en deux semaines, et quatrièmement, vous pouvez avoir des souffrances parce que des souffrances physiques ou plutôt psychologiques, parce que vous êtes en détresse, parce que c'est très pénible, là vous avez 20 ans à vivre. Et donc en fait c'est une loi qui n'est pas sur la fin de vie, qui est une loi sur l'euthanasie et le suicide assisté, qu'on peut défendre pour des raisons philosophiques. Et c'est ça le sujet. Les gens qui sont autour le défendent en disant que c'est une loi de liberté. On ne pourra peut-être pas décider à ce moment-là.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il a le droit de demander l'euthanasie. C'est-à-dire qu'on lui interdit, on dit...

  • Pr JUVIN

    a le droit de signer un chèque et a le droit de signer l'euthanasie. Ça paraît fou, dit comme ça, ça paraît fou. Comment vous lutteriez contre les déserts médicaux et garantir une égalité d'accès au soin entre la province, mais aussi les territoires d'outre-mer ? Je doublerais le nombre de médecins formés, c'est indispensable de le faire, les Anglais l'ont fait. Ce n'est pas fait pour des tas de raisons liées à des... l'administration qui ne prend pas la décision, les facs qui veulent... Ça, ça serait assez facile à mettre en place.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il suffit que le ministre décide...

  • Pr JUVIN

    Si vous êtes déçu de l'attender... C'est la première décision que je prends. C'est-à-dire que l'année prochaine, on double le nombre d'étudiants qui entrent en deuxième année de l'INSEE. Et je fais quasiment pareil pour...

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais comment on les double ?

  • Pr JUVIN

    Pourquoi on en a plus ? Il y a un concours, vous savez, en fin de première année de l'INSEE. Oui, on ouvre un peu plus. Mais on double le nombre de gens qui accèdent. Première chose que je fais, mais vous me direz avec raison que ça produira des effets 10 ou 15 ans plus tard, c'est vrai, mais il faut quand même commencer. Deuxièmement, parce que c'est depuis des années qu'on le dit, on aurait commencé au moment du Covid, ils étaient déjà formés, ils seraient déjà interdits. Deuxièmement, j'augmente considérablement le nombre de médecins étrangers qui viennent travailler en France. Pour vous donner le chiffre, il y a un an, Il y avait 20 000 médecins étrangers qui voulaient venir travailler en France. 20 000. On en a pris, à votre avis, combien ? 2 700 ou 2 400. Et j'ai dit aux ministres, c'est absurde. C'est absurde. Ou bien ils ont le niveau. Dans ces cas-là, tu prends tous ceux qui ont le niveau. Ou bien ils n'ont pas le niveau. Dans ces cas-là, tu ne prends même pas 2400. Tu prends ce niveau. Or, on a dit avant, c'est un concours, c'est 2004. Donc, qu'est-ce que je fais si je suis ministre ? Je dis d'emblée, je prends tous ceux qui ont le niveau. C'est-à-dire que je ne fais plus un concours, mais je fais un examen. Ce sont des médecins qui sont opérationnels tout de suite. En général, on les forme pendant deux ans pour les mettre à niveau. Enfin voilà, ça signifie que dans deux ans, j'ai une machine qui crache de la ressource humaine. C'est ça notre sujet. Troisièmement, il y a des tas de tâches qui sont à faire aux médecins que je donne à faire à d'autres. Je ne suis pas sûr, par exemple, que ce soit indispensable que ce soit votre médecin qui fasse le certificat pour faire de la gym pour votre fils à l'école. Et puis je libère les médecins de tâches administratives absurdes. On considère, sur les chiffres qui sont habituellement retenus, qu'un médecin généraliste en ville a... 4 à 5 heures par semaine de tâches purement administratives. Ça paraît fou. Ça fait une demi-journée. Alors, je préfère cette demi-journée qu'il apprenne soit pour se reposer parce qu'il est crevé, soit pour voir des malades de plus, soit pour voir plus longtemps les malades qu'il reçoit.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais les médecins, le doublement de médecins et les médecins qui viendraient de l'étranger, pourquoi ils iraient ailleurs qu'à Paris, qu'à Rennes, qu'à Nice ?

  • Pr JUVIN

    Parce que ça s'appelle la concurrence. Et il y a un moment où...

  • Aude MOULINE-VANNI

    Plus il y en a, plus il n'y aura plus la place à tel ou tel endroit.

  • Pr JUVIN

    Donc, c'est une vraie... Exactement. En fait, on a cette vision très française, que je vous disais toujours, de l'hyper-contrôle administratif, où on veut tout décider à Paris. Vous savez, il y a un moment, quand il y a trop de médecins à un endroit, ils vont ailleurs. Oui, c'est vrai. Je jouerai probablement aussi, c'est un point de détail, mais je jouerai sur quelques dépassements d'honoraires aussi. Je vous donne un exemple. J'ai eu l'exemple d'un chirurgien, dont je ne dirais pas la spécialité pour qu'il ne se reconnaisse pas, qui travaille dans une ville UP de l'ouest parisien et qui opère quatre patients par mois, quatre seulement, mais qui demande 10 000 euros par intervention. C'est pas mal. Donc, il vit correctement, vous pouvez l'imaginer, mais il n'opère que quatre fois. Ça a donc deux effets. Le premier effet,

  • Aude MOULINE-VANNI

    c'est que… Tout le monde peut être opéré par lui.

  • Pr JUVIN

    Non, le premier effet, c'est que… Il ne rend pas beaucoup service au pays ? Mais surtout, je pense qu'il est mauvais. Je ne le connais pas. Ah oui, mais ce n'est pas le mot. Mais quand vous n'opérez que quatre fois par mois, c'est pas bon ? C'est un entraînement. Bah oui. Un pilote d'avion, on disait. Vous voulez un pilote qui pilote quatre fois dans l'année ou qui pilote tous les jours ? Moi, je veux quelqu'un qui pilote tous les jours. C'est pareil pour les médecins. Le gars ne pourrait pas faire ses 10 000 euros en dépassement d'honoraires, ce serait un peu moins, peut-être qu'il en ferait plus.

  • Aude MOULINE-VANNI

    En quelques mots, il me reste trois petites questions. Quelle est la force de l'hôpital public en France ? Je vais dire notamment dans le domaine de l'architecture et de l'innovation, mais en fait, quelle est la force de l'hôpital public ?

  • Pr JUVIN

    C'est ouvert 24-24, on ne vous demande pas votre carte bleue quand vous arrivez. J'ai eu l'exemple récemment d'une jeune femme qui a eu un accident très grave à l'autre bout du monde. qui a été prise en charge. Et tout de suite, la question qu'on a posée à la famille, c'est qu'il va falloir payer. Chez nous, vous aurez votre chimiothérapie, même si vous êtes pauvre. On paye beaucoup de charges en France, et beaucoup plus. On pourra faire un jour un débat là-dessus, sur les finances publiques, puisque c'est la spécialité de l'Assemblée nationale. Curieusement, ce n'est pas la médecine, c'est les finances publiques. Mais globalement, on peut quand même reconnaître qu'en France, on a la chimio, qu'on soit pauvre ou pas. Alors, il y a des inégalités, il y a des endroits où on est mieux soigné que d'autres. Il ne faut pas se faire d'illusions. Je sais où me faire opérer, je sais où ne pas me faire opérer. Donc, je ne vous dis pas que tout est parfait, vraiment. Mais globalement, vous n'arrivez pas à vendre votre maison parce que vous avez eu un accident de santé. C'est ça la vôtre.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est déjà énorme. Est-ce qu'il y a un moment qui vous a particulièrement marqué au cours de votre carrière,

  • Pr JUVIN

    vos urgences ? D'abord, il y a des tas d'histoires humaines, bien sûr. qui sont chaque fois très prenantes. Il est clair que je ne suis pas un médecin de l'enfant, je suis un médecin de l'adulte. J'ai fait un peu de pédiatrie parce que dans ma spécialité, il fallait en faire. J'ai quelques souvenirs très prénants qui sont des enfants qui meurent parce que vous êtes obligés quand vous êtes réanimateur. J'ai fait pas mal de SAMU à l'époque. Donc évidemment, vous avez à traiter des patients de tous les âges. Quand on vous appelle, vous venez. J'ai été médecin chez les pompiers de Paris. Les cas qui m'ont le plus parqué, chaque fois, c'était des enfants qui mouraient. Là, c'est quelque chose que je ne maîtrise pas suffisamment au plan du contrôle. Pour les russions. Absolument. Et,

  • Aude MOULINE-VANNI

    on va finir sur une note positive, si vous deviez partager un message d'espoir, aux patients, aux familles et puis même aux soignants, si vous leur diriez.

  • Pr JUVIN

    Et ça, je ne m'adresse plus essentiellement d'abord aux malades de maladies graves. Le progrès médical va à une vitesse qui est inégalée par rapport à ce qu'on a connu dans l'histoire. Et moi, je connais des patients à qui on a fait des diagnostics de cancer, dont on disait quand j'étais à l'école de médecine il y a très longtemps, que c'était sans espoir, qui vivent plusieurs années après. Parce que sans arrêt, mais sans arrêt, il y a des nouvelles molécules qui sortent.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est d'heure en heure presque en fait. Oui. On peut vraiment espérer que quelqu'un est gravement malade, qu'il n'aura pas l'apprentissage pour quelque chose qui va se passer.

  • Pr JUVIN

    De mois en mois, on voit arriver des solutions thérapeutiques à des patients qui, le mois précédent, ne l'avaient pas. Ah oui, ok. C'est l'immunothérapie, c'est l'ARN messager, c'est… tous ces moyens de médecine très personnalisés qui font qu'on va vous donner une molécule qui va fonctionner chez vous et pas chez votre maison. Et ça, c'est l'espoir qu'on doit avoir. Oui, absolument. Ça a bouleversé la médecine. Encore une fois, les patients que je voyais mourir en quelques mois sont là depuis des années.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est-à-dire qu'un patient qui vous en a vécu pour longtemps, c'est la fin. Ce patient-là, il a vécu plusieurs années. Est-ce qu'on a trouvé des médicaments ?

  • Pr JUVIN

    Bien sûr, il y a un moment où on sait qu'on n'y arrivera pas. Il y a encore cela, bien sûr. Mais ce qui est certain, c'est qu'il y a aujourd'hui des pathologies dont on peut vous dire, écoutez, là, je n'ai rien. Malheureusement, je n'ai rien à vous donner. Mais il n'est pas exclu que dans six mois, il y ait quelque chose. Et ça change réellement la donne.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ça change aussi le mental.

  • Pr JUVIN

    Bien sûr, j'ai même un souvenir d'un patient qui était un proche qui a une maladie cancéreuse. qui n'avait pas de traitement. Six mois plus tard, il avait un traitement. Il le reçoit, il est en rémission. Il refait une rechute, pas de traitement. Trois mois plus tard, un nouveau traitement carré. Et ça a duré des années comme ça. Il a vécu quand même des années après. Des années.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il a vécu des années, mais sans trop souffrir.

  • Pr JUVIN

    Non, en bon état. Ça allait. Bien sûr. En continuant une activité professionnelle, avec sa famille, etc. D'accord. Regardez-vous. Le progrès, c'est incroyable. Ça va à toutes les fenêtres. C'est incroyable. surprenant Quand j'entends quand même que des gens sont en train de parler de thérapie génique pour la maladie de Charcot, qui pourrait arriver dans les très proches années, c'est extraordinaire. Demain, imaginez ce que je vous ai dit, le traitement de la maladie d'Alzheimer. Il y a un film dont je n'ai plus le titre, il faut absolument voir qu'il y a au moins 30 ans, c'est l'histoire d'un médecin américain. qui découvre la dopamine, la dopamine, c'est un médicament qu'on donne dans la maladie de Parkinson. Et il se trouve qu'après la Première Guerre mondiale, il y a eu une épidémie virale mondiale, je ne sais plus quel virus, qui a donné des encéphalites. Il y a des tas de gens qui sont tombés dans le coma, ou plus exactement dans un état d'absence de vie de relation, parce qu'ils avaient l'équivalent d'une maladie de Parkinson, qui n'était pas, mais qui était médiée par la dopamine, et ils n'avaient plus de vie de relation. Ils vivaient dans une chaise comme ça. Et cette histoire raconte la découverte de la dopamine qui fait que ces gens qui sont pendant une décennie ou deux enfermés dans leur corps se mettent à se réveiller. Je pense que c'est avec Dustin Hoffman qui joue le rôle du patient.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ça me dit quelque chose,

  • Pr JUVIN

    oui. C'est un film extraordinaire sur les surprises, les bonnes surprises que peut montrer le handicap. Ça veut dire qu'il y a encore une fois beaucoup de participants. une recherche financière en participant à des essais cliniques quand vous êtes patient vous participez à des essais cliniques vous faites partie et bien sûr et puis en ne véhiculant pas de fausses idées parce qu'il est évident que quand vous dites aux gens de ne pas se faire soigner et que vous avez un peu de crédit pour une raison qui fait que parce que vous êtes bien entendu dans la sphère publique on vous écoute pour autre chose faites attention à ce que vous dites en fait il faut être très prudent dans ce qu'on dit encore une fois Je me souviens des antirétroviraux de 1995. Celui qui attrape le Sina en 1994 doit se dire « je suis condamné, je vais en mourir » . Un an plus tard, il a les antirétroviraux et il vit. Il est probable qu'il y ait des gens qui ont été contaminés en 1994 et qui sont toujours vivants aujourd'hui, grâce aux antirétroviraux.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui,

  • Pr JUVIN

    il y a du progrès, il y a de l'espoir. J'ai vu un patient de 82 ans aux urgences qui venait de l'Hépate, qui était séropositif. Et je pense qu'il avait dû l'attraper à peu près à cette époque-là. Donc, il était probablement condamné le jour où il s'est infecté. Et il était dans le « voilà, après tout, si je veux me suicider, qu'est-ce que ça enlève aux autres ? » C'est tout le débat. Je pense que ça enlève beaucoup, parce que d'abord, la liberté absolue n'existe pas parce qu'on n'est pas seul.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il y a encore des belles choses, et ce n'est pas fini. Non, ce n'est pas fini. Donc,

  • Pr JUVIN

    tout ne va pas si mal. Il y a des choses... Je pense que quand vous viviez il y a 100 ans et que vous n'aviez pas l'eau courante, quand il faisait froid l'hiver, quand vous aviez un poêle à charbon qui vous intoxiquait et vous mouriez parce que chez vous, il y avait du CO2, quand vous... attrapé des maladies parce que l'alimentation était dégueulasse et que dès que vous pouviez mourir parce que vous aviez une otite, vous n'aviez pas d'antibiotiques, vous savez, Jean-Baptiste Mully, le musicien du roi Louis XIV, est mort. Comment ? Parce qu'avec sa canne, puisqu'il marquait la mesure, il s'est tapé avec sa canne, il s'est tapé son pied, il s'est fait une plaie du pied qui s'est infectée et il est mort de ça. Aujourd'hui, M. Lully irait aux urgences, on lui mettrait un peu d'antiseptique, il prendrait cinq jours d'antibiotiques et il continuerait à composer de la belle musique.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est pas mal de finir comme ça. Je vous remercie beaucoup. C'était passionnant et je suis ravie de vous avoir eu comme personne extraordinaire. Merci de votre invitation. Et bon vent pour ce nouveau podcast. Merci beaucoup. Merci pour votre écoute. N'hésitez pas à laisser un petit cœur, un commentaire, à partager autour de vous. Et à très vite pour un nouvel épisode avec une autre personne extraordinaire. À bientôt, bye bye !

Chapters

  • Introduction d'Aude MOULINE-VANNI et présentation du podcast

    00:00

  • Entretien avec le Professeur Juvin : son parcours et ses engagements

    01:00

  • Motivation au quotidien et engagement

    01:40

  • Expériences sur le terrain : Afghanistan et Ukraine

    05:58

  • Amour du métier et l'importance des jeunes

    11:22

  • Défis actuels

    12:41

  • Avancées médicales et intelligence artificielle

    18:14

  • Progrès de jour en jour

    26:34

  • Intéresser les jeunes

    33:11

  • Loi sur la "fin de vie" et euthanasie

    37:04

  • Déserts médicaux et inégalités : solutions

    42:42

  • Force de l'hôpital public

    47:09

  • Moment marquant de carrière

    48:11

  • Message d'espoir

    49:07

  • Conclusion

    55:40

Description

Êtes-vous prêt à découvrir les coulisses de la médecine d'urgence ? Je vous embarque avec moi !


Dans cet épisode captivant de Mon combat santé, à la rencontre de personnes extraordinaires, je reçois le Professeur Juvin, un expert en anesthésie et réanimation, qui nous dévoile son parcours inspirant et son engagement indéfectible envers la médecine d'urgence. Ensemble, nous explorons les défis majeurs auxquels est confronté notre système de santé, notamment les déserts médicaux, un enjeu crucial qui impacte la qualité des soins.


Le Professeur Juvin insiste sur l'importance de donner un sens profond aux métiers du soin, un appel à la réflexion qui résonne particulièrement dans le contexte actuel. À travers des anecdotes saisissantes de son expérience sur le terrain, notamment en Afghanistan et en Ukraine, il nous plonge dans la réalité des soins d'urgence, tout en abordant des sujets sensibles tels que la fin de vie, l'euthanasie et l'accès aux soins palliatifs.


Les avancées technologiques, telles que l'intelligence artificielle, sont également au cœur de notre discussion. Comment ces innovations transforment-elles notre approche des soins aux patients ? Le Professeur Juvin partage sa vision sur l'évolution de la médecine et l'impact de ces outils sur la pratique quotidienne des professionnels de santé. Nous insistons sur un message d'espoir : l'avenir de la médecine repose sur une approche humaine et empathique, essentielle pour garantir des soins de qualité et respectueux de la dignité des patients.


Ne manquez pas cet épisode de Mon combat santé, où chaque mot résonne avec l'importance de l'humanité dans le soin.


Écoutez dès maintenant et plongez dans une réflexion profonde sur la santé, l'humanité et l'avenir des soins.


Rejoignez-nous pour ce voyage au cœur de la médecine d'urgence, et laissez-vous inspirer par les récits et les réflexions du Professeur Juvin. Ensemble, faisons de notre santé un véritable combat pour l'humanité.


Aude


Chapitres

  • Introduction d'Aude MOULINE-VANNI et présentation du podcast

    00:00

  • Entretien avec le Professeur Juvin : son parcours et ses engagements

    01:00

  • Motivation au quotidien et engagement

    01:40

  • Expériences sur le terrain : Afghanistan et Ukraine

    05:58

  • Amour du métier et l'importance des jeunes

    11:22

  • Défis actuels

    12:41

  • Avancées médicales et intelligence artificielle

    18:14

  • Progrès de jour en jour

    26:34

  • Intéresser les jeunes

    33:11

  • Loi sur la "fin de vie" et euthanasie

    37:04

  • Déserts médicaux et inégalités : solutions

    42:42

  • Force de l'hôpital public

    47:09

  • Moment marquant de carrière

    48:11

  • Message d'espoir

    49:07

  • Conclusion

    55:40



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Aude MOULINE-VANNI

    Bonjour tout le monde, moi c'est Aude, je suis maman de trois enfants. Je suis aussi une épouse, une femme, une soeur, une amie, une fille. Et ce podcast, il est pour vous. Comme beaucoup d'entre vous, j'ai connu les vertiges des couloirs d'hôpital. Et très clairement, ces vertiges-là, on s'en passerait bien. Mais ces vertiges et ces silences, j'ai voulu les transformer en liens. Donc j'ai décidé de prendre le micro et de créer ce podcast. Il y a une phrase que je retiens depuis longtemps d'Hippocrate, qui disait « La force qui est dans chacun de nous est notre plus grand médecin. » J'y crois. absolument. J'ai eu la chance de rencontrer des personnes extraordinaires pendant les parcours parfois un peu compliqués. Ces personnes-là, elles vont contribuer sur ce podcast à faire que nous retrouvions cette force pour ceux qui parfois l'avaient perdue. Voilà, j'espère que ce podcast vous touchera autant qu'il me porte moi. L'idée, c'est d'avoir du positif, des progrès, la médecine de demain, ce qui nous relie. Franchement, dans ce monde de brut, je crois qu'on en a bien besoin. Alors, restez connectés. Je vous souhaite une très bonne écoute avec ces personnes. extraordinaire. Professeure Jumain, je suis ravie de vous accueillir. Merci beaucoup d'avoir accepté cette invitation. Vous avez un parcours absolument exceptionnel et puis cette partie de ces personnes extraordinaires. Vous êtes professeure de médecine, députée des Républicains. Vous avez un parcours en anesthésie et réanimation puis vous êtes allée ensuite dans les urgences. Vous avez également été engagée sur le terrain dans des contextes difficiles en Afghanistan et en Ukraine plus récemment. Vous avez formé des soignants, vous allez nous en reparler. Votre engagement en tant que médecin et formateur de soignants dans ces situations témoigne aussi de votre passion et de votre dévouement. Et donc, on a pas mal de petites questions. Aujourd'hui, on aimerait en savoir plus sur votre parcours, vos motivations et votre vision pour l'avenir de la médecine d'urgence. Alors, bienvenue.

  • Pr JUVIN

    Merci beaucoup de votre invitation.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Votre parcours en médecine d'urgence et en anesthésie et réanimation est exceptionnel. Je viens de le dire. Qu'est-ce qui, aujourd'hui, vous anime ? et vous motive à poursuivre ce travail, vous avez tous les défis rencontrés au quotidien.

  • Pr JUVIN

    D'abord, ce n'est pas un parcours exceptionnel. Il y a des tas de gens qui ont le même parcours que moi. D'abord, j'ai beaucoup de chance de faire le métier que je fais. Et c'est ce que je dis aux jeunes qui veulent faire médecine ou qui veulent être infirmiers ou être soignants. Je pense que la question est, quelle est la société dans laquelle on veut vivre ? Et moi, il me semble que le plus important, c'est de donner du sens à sa vie. Et ce sont des métiers, les métiers du soin, qui naturellement donnent du sens. Évidemment, il y a d'autres métiers qui donnent du sens. Un enseignant, un professeur, un chercheur, un écrivain qui nous fait vivre des vies par délégation, tout ça, ce sont des métiers à sens. Mais je trouve que celui-ci est complet parce que c'est un métier à la fois technique, il faut mettre en œuvre des techniques qui sont parfois complexes, et c'est un métier également dans lequel on... On manie la pâte humaine. Et donc, c'est cet ensemble qui fait qu'au fond, tous les jours en allant travailler, je suis content d'y aller. Et c'est vrai que je regarde avec effroi le jour où il faudra peut-être que j'arrête de travailler parce que c'est une motivation. Moi, j'ai souvenir d'une conférencier d'internat. Vous savez, quand on prépare l'internat au milieu de ses études, il y a un concours qui est au milieu de ses études qui permet de choisir la spécialité qu'on va faire. Ça s'appelle l'internat. On le prépare avec des sous-colles. Et on avait un conférencier d'internat, on appelle ça comme ça, qui nous faisait la psychiatrie. Et il nous avait dit quelque chose qui avait heurté beaucoup de gens qui écoutaient. Il avait dit, vous savez, mère Thérésa, elle fait ça pour elle. Alors, on voit le côté un peu provocateur du truc. Mais c'est vrai, en fait, donner du sang, c'est-à-dire apporter quelque chose aux autres, on le fait aussi pour soi, parce qu'on a l'impression de servir à quelque chose. Et donc,

  • Aude MOULINE-VANNI

    même si aujourd'hui le contexte est difficile et on dit que rien ne va, Vous venez de répondre, vous êtes quand même toujours heureux d'aller travailler tous les jours?

  • Pr JUVIN

    Mais moi, je me méfie beaucoup parce qu'en fait, on a toujours dit avant c'était mieux. Probablement, nos parents, nos grands-parents disaient avant c'était mieux. Je ne suis pas sûr qu'avant c'était mieux. Je ne suis pas sûr. Peut-être dans certains domaines, on avait peut-être plus de temps à consacrer aux gens avant. Mais en même temps, nous n'avions pas les techniques que nous avons aujourd'hui qui permettent des résultats qui sont quand même importants pour les patients. Il serait mieux aujourd'hui qu'on les soignait il y a 20 ans. Et c'est vrai qu'on avait probablement plus de temps. Je me méfie d'une sorte de pessimisme ambiant, parce que c'est très français. On est quand même le pays où les gens sont les moins confiants dans l'avenir. Quand vous faites des enquêtes d'opinion, moi je suis frappé, y compris chez les jeunes. Nous sommes un pays de pessimistes et de doutes. Et je leur dis, c'est vrai, on aimerait être mieux considéré, mieux payé, avoir plus de moyens. C'est vrai, c'est vrai, certes. Mais en même temps, quelle chance, vous voyez, je leur dis, quelle chance vous avez de vivre ce que vous vivez, de pouvoir… Vous n'êtes pas, vous êtes des gens à part. Je dis ça aux internes chaque fois, quand ils arrivent, c'est les internes, c'est les étudiants qui arrivent deux fois par an, on a une dizaine d'internes qui arrivent dans le service, ils changent au mois de novembre, ils changent au mois de mai, et je le dis quasi systématiquement quand je suis président du jury de thèse, à la fin de la thèse, l'étudiant prête serment… en lisant le serment d'Hippocrate, souvent devant la famille, devant les amis, tout ça c'est sympa, il y a des photos, et je leur dis, oui, vous voyez, ce n'est pas du folklore. Vous avez une... en général, ils ont une robe noire, tout le monde est là, la famille, c'est pas du folklore. Vous lisez le serment d'Hippocrate...

  • Aude MOULINE-VANNI

    Une responsabilité.

  • Pr JUVIN

    Et il y a des engagements moraux à l'intérieur. Et ces engagements moraux, c'est pas rien. C'est pas simplement, je prête serment sur un truc qui n'a pas de sens. Ça a beaucoup de sens. On a de la chance d'avoir un métier au sens, et même si quelquefois c'est un peu complexe, quand vous prenez le truc, vous faites la balance le plus moins, je pense qu'il n'y a pas faute.

  • Aude MOULINE-VANNI

    D'accord, ça fait du bien de m'entendre ça. Vous avez exercé, je l'ai dit un petit peu avant, en Afghanistan, dans le contexte de conflit armé, et plus récemment en Ukraine, en pleine guerre, pour former des soignants. Quelles leçons vous retenez de ces expériences sur le terrain ? Sur le terrain très compliqué.

  • Pr JUVIN

    Les deux expériences sont un peu différentes parce qu'en Afghanistan, d'abord c'était il y a longtemps, j'étais médecin militaire, c'est-à-dire que j'étais dans l'armée. Et je soignais, j'étais l'anesthésiste réanimateur du bataillon français engagé contre les talibans. Donc nous étions responsables d'un hôpital militaire avec une équipe d'allemands, une équipe de bulgares et nous les français. Donc chaque fois il y avait un trio, il y avait un anesthésiste réanimateur de chacun des trois groupes, un chirurgien viscéral, le ventre. les tissus mous on va dire, et un chirurgien orthopédiste. Donc nous trois, il y avait trois Français, trois Bulgares, trois Allemands, l'équipe française était l'équipe leader et moi j'étais l'anesthésiste du trio français. Et on soignait des soldats blessés au combat bien sûr, on soignait des alliés, l'armée nationale afghane qui était notre allié, on soignait beaucoup de civils, beaucoup de civils, on soignait quelques talibans aussi qui étaient blessés au combat, qu'on nous amenait, qu'on rafistolait et puis…

  • Aude MOULINE-VANNI

    Vous faisiez de la vraie médecine d'urgence ?

  • Pr JUVIN

    C'était de la vraie médecine de guerre. Et on faisait aussi de la médecine générale. On prenait nos petites voitures blindées et on allait se promener dans la pampa. On allait dans les villages et on allait faire de la consultation. Vous arriviez le matin, il y avait 200 personnes qui attendaient. Et vous voyez 200 personnes avec… En revanche, en Ukraine, c'est un peu différent. J'y suis parti tout seul. J'avais un nom et un numéro de téléphone d'un médecin qui était dans l'ouest de l'Ukraine et que j'avais appelé, qui m'avait dit « Ok, on vous attend tel jour » . Je lui ai dit « Ok, comment je peux faire pour venir vous donner un coup de main ? » Il m'a dit « On passera vous prendre en Pologne » . Donc j'ai pris l'avion pour Varsovie, j'ai pris un train jusqu'à la frontière. Puis là, j'avais rendez-vous dans un hôtel. Et puis le type n'est pas venu. Puis la première journée est passée. Au bout de la deuxième journée, enfin, il y a quelqu'un qui est arrivé. Je suis monté dans une voiture, personne ne parlait français, je ne savais pas très bien où j'allais. On a passé la frontière, on est arrivé tard le soir, et je suis resté deux ou trois semaines, où j'ai fait un peu de médecine, un peu d'anesthésie. On faisait de l'anesthésie dans les caves, parce que les hôpitaux, pour éviter les cas d'oglus, avaient organisé les blocs opératoires au sous-sol. Donc j'ai fait un peu d'anesthésie, et j'ai fait beaucoup d'enseignements de sauvetage au combat, ce que j'avais appris en Afghanistan en réalité. Comment on fait quand on est soldat et qu'on a... collègue qui est blessé, qu'est-ce qu'il faut faire pour le secourir et pour ne pas se faire tuer soi-même. Et dans les deux cas, réellement, ça paraît évident, vous allez me dire, c'est des portes ouvertes, j'enfonce des portes ouvertes, mais la chance qu'on a, on a une chance incroyable de vivre en paix, d'avoir un système de santé qui est en réalité très généreux, on ne se rend pas compte de la chance que nous avons. Et c'est ça probablement que je veux faire passer comme message. Tout ne va pas bien, bien sûr, tout n'est pas parfait. Globalement, allez voir là-bas comment ça se passe. En Afghanistan, moi je vais souvenir, dans les villages, on passait dans les villages, on trouvait des gars avec une chaîne aux pieds, attachés à un mur, parce que c'était probablement le fou du village. Probablement souffrait-il d'une sorte de schizophrénie. Et qu'est-ce qu'ils font là-bas ? Ils ne les soignent pas, ils les attachent. Et en Ukraine, c'est la guerre, avec tout ce que ça a d'incroyable. Il m'est arrivé d'ailleurs une expérience assez drôle, que j'ai filmée, mais par hasard. Quand je quitte l'Ukraine, je rentre dans une voiture, on repasse la frontière, et donc... Je suis à l'arrière d'une voiture conduite par deux Ukrainiens qui ne parlent pas français, deux malabars, et qui doivent me ramener en Pologne. On fait la queue à la frontière parce qu'ils contrôlent, évidemment. Et donc, ils nous laissent passer. Et on passe de l'Ukraine, quasiment paysage un peu triste, grisâtre. Vraiment, j'avais cette impression-là. En tout cas, paysage de pays très pauvres. Parce que vous savez, les caractéristiques des pays en guerre, c'est qu'ils sont très pauvres. Toujours. La guerre, ça apporte de la pauvreté. Et on passe à la Pologne, l'Union européenne, les champs bien cultivés. tout ça en 200 mètres des pays enfin tout est nickel tout est beau et à ce moment-là ça paraît dingue ils ont mis la musique ils ont une radio moi je filme le passage de la frontière de la frontière ouais et là il y a une chanson qui se déclenche en français c'est Joe Dassin je crois Si tu n'existais pas Si tu n'existais pas et c'est incroyable et donc je filme le passage d'un pays en guerre à l'Union Européenne en paix avec Si tu n'existais pas Merci. D'ailleurs, la vidéo a été filmée, elle est passée sur, je crois, c'est à vous, c'est dans l'air, une de ces émissions où je leur avais donné. Et en fait, si tu n'existais pas, l'Union européenne, il faudrait qu'on t'invente. C'est ça que j'en ai déduit. Si tu n'existais pas, notre société en paix, avec des objets qui fonctionnent, il faudrait les inventer. Donc, on a beaucoup de chance, c'est ce que je voulais vous dire. Super.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Dans ce contexte-là où tout le monde est triste et tout est un peu morose, on a besoin de ces bonnes nouvelles et ce podcast est fait pour ça. Qu'est-ce que vous préférez dans votre métier ? Ça a été une question pour vous.

  • Pr JUVIN

    C'est une bonne question.

  • Aude MOULINE-VANNI

    S'il y a une chose que vous préférez ou deux.

  • Pr JUVIN

    J'aime bien l'avantage de travailler dans un hôpital universitaire, c'est que vous avez des équipes qui sont jeunes. Les internes sont jeunes par définition, les externes sont encore plus jeunes, les chefs de clinique, ils ont 25 ans, vous voyez. Et ça, c'est quelque chose que j'ai remarqué. J'ai aussi travaillé un peu au Liban avec les militaires. Quand j'étais en Afghanistan, quand j'étais au Liban, les soldats français qui vous défendent, ils ont entre 18 et 24 ans.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ils sont très jeunes,

  • Pr JUVIN

    oui. Le lieutenant, il a 23 ans. Quand les pompiers vous amènent un patient à l'hôpital, ils ont entre 18 et 22 ans. Quand les policiers vous amènent quelqu'un ou les escortent, ils sont peut-être un peu plus âgés, mais ils ne sont pas très vieux. Et à l'hôpital, la nuit, si vous allez à l'hôpital, quel que soit l'hôpital, vous allez trouver... Ah oui, vous allez trouver à l'interne, vous allez trouver le chef de clinique, tout ce petit monde au max. à 30 ans. Et donc, ça aussi, c'est un élément qu'il faut avoir en tête.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Les jeunes sont indispensables.

  • Pr JUVIN

    Oui, non seulement ils sont indispensables, mais les gens qui vous disent « la jeunesse aujourd'hui, ça ne marche pas » , en réalité, sans eux, ça ne marche pas. Ce sont eux qui tiennent la France.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, ils sont là pour les métiers essentiels. Bien sûr. Quels sont selon vous les défis actuels pour les services d'urgence en France ? Alors, il y en a beaucoup, mais...

  • Pr JUVIN

    Le sujet est une manche. On va arriver à faire face à l'absence de médecins en ville. C'est-à-dire que quand vous n'avez plus de médecins en ville, les gens, qu'est-ce qu'ils font ? Ils vont à l'hôpital. Et il est là notre sujet. Notre sujet, c'est que les urgences deviennent le seul endroit où la lumière est allumée. Et donc, par défaut, ils viennent là alors qu'ils auraient dû, en théorie, aller ailleurs.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Aller chez le médecin en ville.

  • Pr JUVIN

    Il y a la question de la santé mentale aussi. C'est que l'épidémie de dépression, d'anxiété, Je voyais les chiffres, en particulier chez les jeunes, c'est très inquiétant. Je crois que 13% des lycéens ont déjà fait une tentative de suicide. C'est dramatique. Je crois que 25% des collégiens ont déjà pensé à la mort. Donc, on a un problème de santé mentale majeur. Il n'y a plus de psychiatres en ville. C'est très difficile. Quant au pédopsychiatre, je ne peux pas le dessiner. Donc, tous ces gens viennent chez nous par défaut. Donc, c'est ça l'enjeu. C'est comment reconstruire un système qui s'articule sur de la médecine de ville qui fonctionne. sur des EHPAD qui fonctionnent, parce qu'un quart des Français meurent dans les EHPAD.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Un quart ?

  • Pr JUVIN

    Un quart, oui. Souvent, avant de mourir, on les emmène à l'hôpital. C'est pas toujours utile, les transports. Donc, faire des EHPAD des lieux de vie, et pas des lieux où on vit mal. Fin de vie,

  • Aude MOULINE-VANNI

    oui. Est-ce que vous avez mis en place des initiatives concrètes pour améliorer la gestion des urgences ?

  • Pr JUVIN

    Oui, en permanence, on modifie les choses. ça ne se voit pas, ce n'est pas spectaculaire. C'est un sujet quasiment politique, c'est-à-dire que quand on parle de la difficulté de l'hôpital public, etc., il y a toujours un ministre plus intelligent qu'un autre, un parlementaire plus intelligent qu'un autre, un journaliste plus intelligent qu'un autre, qui vous fait le plan, le plan majeur.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, ils ont toutes les solutions.

  • Pr JUVIN

    Grand 1, grand 2, grand 3, paf, paf, paf, et puis clac.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ça a l'air facile, oui.

  • Pr JUVIN

    En fait, la clé, moi, je crois, de l'amélioration des choses, elle est Elle est dans des... dans la liberté qu'on donne aux individus sur le terrain. Au moment du Covid, quand il a fallu ouvrir des unités de réanimation, Heureusement qu'on n'est pas passé par les procédures habituelles, on aurait mis des années à ouvrir. On les a ouvertes en 24 heures.

  • Aude MOULINE-VANNI

    On a pris des décisions en fait.

  • Pr JUVIN

    Exactement. Et dans un service hospitalier. Mais comme c'est le cas dans la vie, si vous voulez que les choses s'améliorent, il faut faire confiance aux gens sur le terrain. Il faut être créatif aussi. Parfois ils se trompent. Et la plupart du temps, globalement, et ce n'est pas grave de se tromper. Et quand vous voulez améliorer les choses, vous faites confiance aux gens. Donc oui, il y a tout un tas de petites choses qu'on fait. et qui ne seraient pas la une du 20h avec ça. Et vous améliorerez réellement les choses. Par exemple, là, on a mis en place, ça va vous paraître une banalité extrême, mais quand on finit notre journée dans un service d'urgence, c'est une partie du service qu'on appelle le service porte. En fait, ce sont des lits d'hospitalisation dans le service des urgences en attendant de pouvoir hospitaliser les patients éventuellement le lendemain. D'accord. Donc, dans mon service, j'ai 20 lits.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Parce qu'on manque de place.

  • Pr JUVIN

    Oui, quand vous dites, après tout, les gens vont probablement rester 24 heures à l'hôpital, c'est pas la fête pour les chambres. Je les mets dans une de nos chambres. Donc, on a un service d'hospitalisation. C'est comme la même structure qu'un service d'hospitalisation, mais ça dépend de nous. Avant, on faisait chacun une transmission. Le soir, celui qui partait disait à celui qui restait, « Voilà, j'ai M. Machin, il a ça, M. Truc, il a ça, Mme Machin. » Et on le faisait sur un papier Word. Le papier se perdait, donc du coup, nous sommes créés. un fichier commun où chacun implémente le truc. Alors, vous allez me dire, c'est le B.A.B. Oui, oui, mais en fait, ce qui est extraordinaire, c'est qu'il n'y a souvent pas besoin d'un plan pluriannuel à milliards d'euros. De petites choses suffisent à améliorer souvent considérablement le quotidien. C'est vrai en médecine, mais c'est vrai dans tout, vous voyez. Et méfiez-vous de ceux qui ont la solution de baguette magique. En fait, moi, je ne crois pas au grand système. Je crois à la liberté. Je pense que les sociétés prospères sont les sociétés où on a fait confiance à l'intelligence des individus et à leur capacité à trouver des choses. Les gens qui vous proposent de grands systèmes, les grands systèmes, ça ne marche pas toujours. Pourquoi ? Parce qu'ils ont été décidés à un niveau qui ne prévoit pas tout.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Qui ne se rendent pas forcément compte de la réalité du terrain aussi, ces gens-là.

  • Pr JUVIN

    Et puis les impondérables. Et puis les motivations des gens, vous savez, les grands plans. ne valent que s'ils sont mis en œuvre et s'ils sont trop complexes. C'est Raymond Aron qui disait, je crois que les sociétés prospères sont les sociétés qui font confiance aux potentialités des individus. Donc, il faut faire confiance aux potentialités des individus. C'est vrai en médecine et c'est vrai dans toute la société. Faites confiance aux potentialités des maires, des communes. Vous verrez, la ville sera propre, elle sera sûre, elle sera bien éclairée. Parce que le maire, il connaît et il veut le prendre. ne pas se faire engueuler. En fait, les gens sont de bonne volonté.

  • Aude MOULINE-VANNI

    En fait, on ne fait pas confiance.

  • Pr JUVIN

    Nous sommes une société d'hyper-contrôle administratif. Et la société d'hyper-contrôle administratif empêche les gens d'agir parce que les gens veulent d'abord répondre à des règles, alors qu'en fait ils devraient vouloir d'abord répondre à une efficacité. Non pas qu'il ne faut pas de règles, bien entendu. Les règles sont protectrices. Mais je crois à la vertu de la liberté.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Pour les nouvelles technologies, les avancées médicales, est-ce qu'il y en a qui transforment le quotidien des urgences ?

  • Pr JUVIN

    Bien sûr. Par exemple, nous, les radios des os, des articulations, quand vous avez un traumatisme, sont désormais interprétées par l'intelligence artificielle.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ah oui, d'accord.

  • Pr JUVIN

    C'est-à-dire que vous êtes tombé, vous avez mal au bras, je vous ai fait faire une radio du bras, l'intelligence artificielle va me dire fracture, pas fracture, doute, pas doute.

  • Aude MOULINE-VANNI

    D'accord. C'est un gain de temps énorme aussi ?

  • Pr JUVIN

    Oui. En fait, tout l'enjeu des nouvelles technologies, c'est de nous redonner du temps médical. Il y a des trucs qui nous prennent du temps. Et notre temps, en fait, il est précieux. Avec vos impôts, vous m'avez payé des études. Vous m'avez payé 15 ans d'études. Je ne sais pas combien j'ai coûté à la société, mais je pense que j'ai coûté très cher à être formé. Et donc, ce temps maintenant que je dépense, entre guillemets, dans mon hôpital, pour vous, pour la société, je vais me faire des choses que je suis le seul à savoir faire, plutôt que des choses... banal qui peut être fait par n'importe qui, y compris par une machine. Oui, l'intelligence artificielle, mais il y a plein d'autres choses. On a automatisé tout un tas de tâches. Je suis persuadé que demain, on va arriver à un système où, probablement arrivant aux urgences, vous remplirez un questionnaire. Celui-ci implémentera une base de données. Avant que vous ayez même vu le médecin, on récupérera tout un tas... vos antécédents, votre dossier MHA, ça sera mouliné. Et le médecin aura quelques hypothèses qui lui seront présentées quand vous viendrez me voir. Je dis, ah bah oui, les cinq hypothèses principales, c'est ça que vous avez. me fera des propositions, peut-être aura déjà prescrit les examens complémentaires avec ou pas mon aval, tout ça se définit, on va comprimer le temps, on va le rendre plus efficace. Et puis, il y aura probablement moins de loupés. Il y avait une étude qui était incroyable, qui a été publiée il y a un an et demi, qui a un peu bouleversé tout le monde, mais qui est très intéressante. C'est une étude en double aveugle, avec trois groupes. C'était de la téléconsultation, comme nous. Premier groupe, le patient avait... Le patient, c'est ça, avait en face de lui un vrai médecin. Deuxième groupe, il avait en face de lui une intelligence artificielle. Troisième groupe, il avait un médecin qui était conseillé par l'intelligence artificielle. Et il ne savait pas qui il y avait. Il n'y avait pas mon image. L'intelligence artificielle faisait comme s'il y avait un médecin. Et à la fin, on demandait le meilleur groupe des trois qui avait eu le meilleur diagnostic, à votre avis, c'est qui ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    Le mélange des deux ?

  • Pr JUVIN

    Le mélange des deux. Celui qui avait le meilleur traitement, c'était ? C'est lui. Pour votre avis ? C'était qui ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    Les deux,

  • Pr JUVIN

    non ? C'était que l'intelligence artificielle. Le médecin lui-même avait tendance à dire « Non, moi, je ne ferais pas ça. » L'intelligence artificielle est plus performante. Mais ce n'est pas encore inquiétant ? Et à votre avis, quand on demandait aux patients lequel des trois a été le plus humain, vous a le plus compris ? Le côté empathique, à votre avis, c'est qui ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    Je vais redire l'intelligence artificielle, du coup. Oui, l'intelligence artificielle. C'est incroyable. Donc ceux qui vous disent que la médecine c'est tellement humain que ça ne sera jamais remplacé, c'est pas tout. Pourquoi ? Parce que l'IA n'est jamais fatiguée. Elle a toujours de la bonne humeur.

  • Pr JUVIN

    Elle a toujours de la bonne humeur, elle n'a pas envie de vous dire c'est bon, ok, on va tout faire, on va faire le premier cinq fois, et puis vous avez vu, j'étais de garde hier. En fait, la médecine va probablement connaître des révolutions considérables, mais y compris dans ce domaine-là. Mais ce qui est le plus important, c'est que moi je veux qu'à la fin de ma vie, mon dernier jour, il y ait quelqu'un qui me tienne la main. Si j'allais dire que c'est un traitement artificial,

  • Aude MOULINE-VANNI

    elle ne peut pas le faire. Elle ne peut pas le faire,

  • Pr JUVIN

    oui, mais grâce à elle, du coup, ça va me libérer du temps, je vais pouvoir avoir quelqu'un qui va me tenir la main. Parce qu'aujourd'hui, le casse-un qui me tient la main, il est obligé d'interpréter lui-même les radios, de faire les prescriptions banales que tout le monde fait. Et donc, on va pouvoir… C'est toujours un problème de temps. Le temps du spécialiste, ça doit être un temps de spécialiste.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais pour vous, c'est quand même une bonne nouvelle.

  • Pr JUVIN

    C'est génial, c'est formidable. Et puis, c'est un élément. Non, mais non, bien sûr. Et c'est un élément de sécurité. C'est-à-dire que vous préférez, dites-moi, vous préférez monter dans un avion de ligne sans aucun pilote automatique ? J'ai peur de ne pas me cracher. Sans aucun pilote automatique ? Ou vous préférez, à l'ancienne, il y a 50 ans, où c'est le type lui-même qui faisait ça avec le E, ou est-ce que vous préférez un petit programme ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est un bon exemple. Je préfère le pilote automatique.

  • Pr JUVIN

    Exactement. Vous préférez le pilote automatique. Et d'ailleurs....

  • Aude MOULINE-VANNI

    Après, je me dis que le pilote,

  • Pr JUVIN

    il est quand même indispensable. Alors, comme vous savez, il y a des métros et des trains automatiques. Oui, oui. Vous montrez dans un train automatique. Je crois qu'il y a un truc, je crois, mais je ne suis pas spécialisé en aéronautique, on dit aujourd'hui qu'on pourrait faire décoller et atterrir et voler des avions totalement sans pilote. Je pense qu'il y a une barrière probablement psychologique qui va être difficile à lever pour les passagers. Mais ce que je veux dire, c'est que... entre un médecin seul ou un médecin avec de l'IA, ou entre un pilote seul et un pilote avec tous les moyens modernes de machin, faire le pilote avec les moyens modernes de machin, et c'est pareil pour le médecin. Ok, d'accord. Mais la médecine a un côté très artisanal. Mais bon, par exemple, moi, quand j'ai commencé la médecine, en tant qu'anesthésiste-rénateur, je posais des cathéters dans des gros vaisseaux, le cou. Et comment on faisait ? on nous apprenait des repères anatomiques. Je regardais votre cou et je voyais qu'il y avait un muscle qui était là, un autre qui était là, donc je savais que la veine ne voit pas, ou l'artère que je voulais piquer.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est-à-dire qu'on devine à peu près.

  • Pr JUVIN

    Je devinais parce que j'avais appris des repères anatomiques. Vous voyez le côté, aujourd'hui, quand je raconte ça à mes étudiants, ils me disent « mais comment c'est possible ? » Aujourd'hui, ils ont des appareils qui permettent de repérer.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est précisément.

  • Pr JUVIN

    Et donc, le débat que nous avons sur la technologie, C'est un débat vieux comme le monde. En fait, depuis l'invention de la médecine, on a sans cesse inventé des trucs nouveaux. Vous voyez, là, il y a un saut. Mais en réalité, c'est exactement la même chose.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est comme les urgences, ça n'existait pas avant.

  • Pr JUVIN

    Alors, les urgences existent depuis une cinquantaine d'années. Les urgences avant, en fait, c'était d'abord les urgences d'accident de la route.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, voilà.

  • Pr JUVIN

    Ça a été inventé pour ça. Et puis, peu à peu… On a dû tout faire parce que maintenant les urgences... C'est une spécialité les urgences ? Oui, c'est une spécialité. Moi par exemple, je suis professeur d'anesthésie et réanimation.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est ça, ok.

  • Pr JUVIN

    Et puis quand il a fallu faire des professeurs d'urgence... Du coup, on a pris quelques professeurs de différentes spécialités, dont votre serviteur, et puis on les a repeints. J'ai été repeint administrativement, on m'a dit « ah bah j'ai plus de professeur d'anesthésie, des professeurs de purgeance »

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ça veut dire qu'il y aura de nouvelles spécialités aujourd'hui dont on ne peut pas se douter.

  • Pr JUVIN

    Alors ça, vous ouvrez un débat très intéressant, c'est qu'effectivement il y a des spécialités qui n'existaient pas il y a 30 ans, mais je peux vous citer la gériatrie par exemple, les pathologies des personnes âgées. Avant, c'était des médecins internistes ou généralistes qui faisaient ça. Aujourd'hui, ce sont devenus des gens dont c'est le métier. Il est probable que dans 20 ans, 30 ans, vous aurez des spécialités dont on n'imagine même pas l'existence parce qu'elles seront nécessaires. On parle d'intelligence artificielle. Il faudra bien des médecins pour coder. Il faudra bien des médecins pour s'assurer que les algorithmes correspondent à une démarche médicale scientifique. Il va falloir des médecins qui analysent les datas. Il y en a déjà, mais... ça va prendre un caractère très important. Entendons-nous, ce que j'adore dans la médecine, c'est le contact humain. Moi, j'aime voir les gens, j'aime les examiner.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais l'un ne va pas sans l'autre.

  • Pr JUVIN

    Mais voilà, aujourd'hui, avec mes simples mains pour examiner et mon stéthoscope, il y a des choses que je ne sais pas faire et que d'autres feront. Donc, il faut en permanence améliorer son savoir-faire. Vous savez, les échographies. qu'on a inventé il y a maintenant 40 ans pour l'obstétrique essentiellement, et qu'on utilise dans toute la médecine. Il y a un certain nombre de nos collègues qui ont des appareils d'échographie qui sont grands comme ça, et qu'ils ont dans leur poche. C'est leur stéthos. Donc la médecine évolue à toute vitesse, et heureusement. Et ça signifie d'ailleurs que les médecins doivent se former en permanence.

  • Aude MOULINE-VANNI

    En fait, vous n'arrêtez jamais.

  • Pr JUVIN

    Il faut lire sans arrêt. D'abord, il y a des médicaments qui apparaissent. Il y a des pathologies qui disparaissent, vous l'avez vu avec le Covid. Il y a des pathologies qui disparaissent. Moi, quand j'ai commencé la médecine, c'était le début de l'épidémie de Sida. Donc j'ai vu les premiers malades, j'ai un souvenir très très précis. D'ailleurs, j'étais en deuxième année de médecine, c'était à l'hôpital Beaujon. Donc deuxième année de médecine, vous n'avez jamais vu de malade. Et quand vous entrez dans la chambre, vous êtes très impressionné. Et d'ailleurs, c'est là en général où vous tombez dans les pommes pour la première fois. Et donc, on me dit, le chef de clinique, qui me paraissait très âgé, plein d'expérience, mais qui devait avoir 25 ans, il me dit, tu sais, il s'agit de cette nouvelle maladie dont on parle, qui touche à l'époque les homosexuels, et on pense que c'est un virus. Et je me souviens très bien, c'était un patient grec qui était venu, espérant se faire soigner, en pensant qu'à Paris, il y avait des traitements miraculeux, parce qu'à l'époque... Il y avait une équipe française qui avait identifié l'agent pathogène. Et donc les gens avaient dit, alors qu'ils ont identifié l'agent, probablement ils auront un traitement. Malheureusement, ça n'a pas été le cas. J'ai vu l'arrivée de cette maladie et j'ai vu également ce que produit de façon extraordinaire et miraculeuse le progrès médical quand il est en marche. En 1995 apparaissent ce qu'on appelle les antirétroviraux. Ce sont des médicaments qui bloquent la réplication du virus. Ces médicaments, en fait, bouleversent les choses. Quand vous aviez le sida avant les antirétroviraux, c'était une condamnation à mort. Vous saviez que vous alliez mourir. Moi, tous les patients que je suivais, c'était le début de mon internat, mouraient. Et en 1995 arrivent les antirétroviraux. Et les salles d'hospitalisation, je vois physiquement, j'ai vu des services qui étaient vides. Quatre mois avant, il y avait plein de patients qui étaient condamnés. Quatre mois plus tard, il n'y avait plus personne dans les chambres parce qu'on avait donné un médicament et les gens n'étaient pas guéris. Et avaient au moins leur charge virale qui diminuait. Ils ne faisaient plus ce qu'on appelle les infections opportunistes. Donc, en fait... Ce qui est extraordinaire, c'est qu'on va encore vivre probablement des choses comme ça.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Vous voyez concrètement l'évolution.

  • Pr JUVIN

    Exactement. À l'échelon d'une vie, moi j'ai vu une révolution. Mais par exemple, imaginez que demain, on trouve un médicament contre la maladie d'Alzheimer. Alors on n'y est pas, mais bon, vous savez, à fois on va y se plaindre. Qu'est-ce qui va se passer en pratique, à votre avis ? Les EHPAD vont se vider. On vit avec l'idée que l'EHPAD…

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il n'y aura peut-être plus d'EHPAD dans 30 ans. Ce sera différent.

  • Pr JUVIN

    Ce sera un lieu de vie et pas un lieu de fin de vie.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Exactement. On peut avoir des surprises majeures et c'est pour ça que la médecine est entre médecine et société. Après la Seconde Guerre mondiale, la France était couverte de sanatoriums. C'est là où on mettait les tuberculeux. On avait pas d'antibiotiques. On soignait les tuberculeux. On disait que bon air. Le bon air. Oui,

  • Pr JUVIN

    c'était à Saint-Gervais.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais en réalité, c'était une manière de les isoler.

  • Pr JUVIN

    Oui, il en gardait un très beau souvenir.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Bien sûr, c'était en fait un endroit où on vous isolait. Sous prétexte du bon air. Ça ne peut pas faire de mal, le bon air, mais ça ne guérit pas la tuberculose. Ça a disparu, les sanatoriums. Pourquoi ? Parce qu'on a eu des antibiotiques. Mais de la même manière, peut-être que demain, médicament Alzheimer, vous n'aurez plus d'hépatite. Vous aurez d'autres maladies. Vous voyez, ce que je veux dire, c'est qu'il y a un lien intrinsèque. entre le programme médical et l'organisation de la société. On considère quand même que le vaccin anti-Covid a permis probablement de sauver 10 à 15 millions de personnes dans le monde qui seraient mortes.

  • Pr JUVIN

    Sans vaccin. Les plus âgés, les…

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ah oui.

  • Pr JUVIN

    Ah oui, je sais que vous avez mon grand-père à la fin, qui est décédé du Covid, mais lui, c'était dans les premiers, au tout début, il n'y avait pas de vaccin à ce moment-là. Il est mort le 22 mars,

  • Aude MOULINE-VANNI

    donc c'était vraiment au début de l'épidémie. Et c'est pour ça que les gens qui la jouent sur le mode « oui, mais je ne sais pas » , etc., ils ne se rendent pas compte qu'en fait, ce sont des enfants gâtés. Aujourd'hui, on parle largement, je connais mal, parce que c'est la pédiatrie, mais manifestement, les cas de rougeole augmentent parce que les gens vaccinent moins. En fait, à la fois, la médecine nous offre des choses et comme nous sommes des gens libres, mais parfois un peu inconséquents, on ne tire pas le maximum de ce que nous dit la médecine. C'est particulièrement vrai sur l'alimentation. Regardez, objectivement, le tabac, l'alcool, la mauvaise alimentation créent des pathologies. Et on le sait, ce n'est pas un secret d'État. Pourtant, on se comporte mal parce que nous sommes des hommes et des femmes. Et puis, il y aura des pathologies probablement nouvelles, induites par un environnement parfois délétère. Par exemple, on sait aujourd'hui que les aliments ultra transformés crée une inflammation chronique dans le tube digestif, puisque vous les avalez, donc ça crée une sorte d'agression permanente. Je ne vais pas vous le manger une fois, mais si c'est votre ration calorique habituelle, on considère que les Américains, si plus de la moitié de votre ration calorique c'est de l'ultra transformé, vous avez une augmentation de 20 à 25% du risque de cancer du côlon, qui est un cancer qui est grave s'il n'est pas détecté tôt, parce qu'on n'a pas beaucoup de traitements. Et donc, typiquement, vous aurez aussi des maladies environnementales qu'il faudra prendre en compte. On est assez éduqués,

  • Pr JUVIN

    en fait, sur tout ça. Tout le monde sait qu'il ne faut pas manger de choses très grasses. Vous ne mangez jamais de Nutella ? Moi aussi. Et pourtant, je sais que ce n'est pas bon. Mais nous sommes des hommes et des femmes avec nos faiblesses. On ne peut pas tout s'interdire, en fait.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Absolument. Il y a la cigarette, déjà, l'alcool, la vincian.

  • Pr JUVIN

    La question, c'est qu'il faudrait au moins tout. tout le monde soit conscient. Et puis, si vous fumez, vous le faites en connaissance de cause. Mais c'est complexe, parce que nos motivations sont évidemment diverses. Il y a les motivations économiques. Pourquoi les gens mangent beaucoup d'aliments ultra-transformes ? Parce qu'ils n'ont plus le temps de faire la cuisine. C'est ça aussi. Quand vous avez 4 heures, 10 minutes, c'est pas mal. Quand vous avez 4 heures de 2 heures allées, 2 heures retour de travail, quand vous arrivez le soir... On a pas envie. vous ne savez pas où faire la cuisine. Donc, vous faites un truc comique, ultra transformé, et il y a mieux pour la santé.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Du coup, avec toutes ces avancées médicales dont vous parliez, en fait, les jeunes, je reviens un peu aux jeunes, mais eux, justement, ils sont très jeux vidéo, programmation et tout ça, mais toutes ces avancées médicales et l'IA, c'est parfait pour des jeunes, en fait. Il y a, par exemple, dans le collège lycée de mon fils, en seconde, ils proposent aux pilotes d'avion de faire une formation pour les jeunes en seconde. Ils passent un brevet, ceux qui veulent, ce n'est pas du tout obligatoire, ils passent un brevet d'aéronautique. Et ça, je trouve ça exceptionnel. Je me dis que la médecine devrait faire quelque chose comme ça. On devrait aller dans les lycées, parce que les pilotes d'avion qui travaillent, ils ne sont pas à la retraite, c'est des gens qui travaillent, ils font la formation toute l'année pour des jeunes de seconde. Je me dis qu'il faudrait faire la même chose avec la médecine.

  • Pr JUVIN

    Mais moi, je vais vous dire, je porte depuis des années un projet que j'avais vu faire aux États-Unis, qui serait de... proposé aux élèves de 3e ou de 2e, mais plutôt tôt, 3e seconde plutôt que terminale. Parce qu'au terminale, on a déjà fait son choix. Prendre, par exemple, les grandes vacances, les 15 jours à février, les 15 jours à Pâques. Ceux qui veulent faire un métier de la santé, on les prend pendant 15 jours en immersion, dans le monde de la santé, mais en immersion totale. C'est-à-dire qu'on leur donne le pyjama de bloc, on leur donne la blouse, ils font trois jours aux urgences. Trois jours dans le cabinet de l'éthique générale, trois jours dans l'EHPAD, dans l'unité de soins palliatifs. et on les fait jouer au docteur ou à l'infirmière. Ils ont l'impression d'être… Ils font des rencontres. Pourquoi, en fait, dans la vie, ce qui est important, c'est les rencontres ? Bien sûr, mais tout le monde n'a pas la chance de faire des rencontres.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Moi, je fais des rencontres. Je fais des rencontres parce que j'ai des gens que j'admirais et je voulais faire pareil. Il faut être un peu trop pistonné pour tout, et c'est ce que je reproche, par exemple, les enfants en troisième, on a un stage, mais en seconde, maintenant, ce n'était pas le cas avant, ils ont un stage à la fin d'année de deux semaines. Les enfants de seconde qui ne connaissent personne, ils n'ont pas la chance d'avoir quelqu'un qui va les prendre en stage. C'est là où je trouve que c'est complètement ahurissant. On ne les aide pas,

  • Pr JUVIN

    ces enfants. Le stage est un marqueur social, évident. À l'hôpital, on n'a pas le droit de prendre de stagiaires de troisième parce qu'ils n'ont pas le droit d'être au contact des patients. Mais je le fais quand même. Il ne faut pas le dire. Donc, vous ne le direz évidemment pas. Parce que c'est la seule manière qu'on a de faire soit naître des vocations, mais c'est aussi important d'ailleurs de permettre à quelqu'un de se dire finalement c'est pas pour moi le chiffre traîne je ne sais pas s'il est vrai mais il est peut-être vrai que 25% des infirmières diplômées à la fin de leurs études finalement ne feront pas de médecine parce qu'elles se sont trompées de filière et donc si vous pouviez on pouvait mettre en immersion pendant une semaine quinze jours, un mois morceler sur deux ans les jeunes en deuxième ou troisième seconde peut-être qu'il y en a qui aimeraient, qui tomberaient amoureux de ce métier et qui les feraient. Moi, j'avais été frappé d'un truc quand la série Urgence est sortie pour la première fois il y a 20 ans. Il y a eu un pic d'inscription en première année de médecine. Et forcément, ils sont tous beaux, ils sont intelligents, on a envie d'en rencontrer Georges Clooney. Et donc du coup, ça marche. En fait, ça marche. Simplement. ça devrait s'organiser, ça devrait être quasiment la règle.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, tout donne envie.

  • Pr JUVIN

    Moi, mes enfants ne font pas médecine, mais s'ils avaient voulu, ils auraient pu faire des stages en médecine, il n'y a pas de difficulté. En revanche, je connais des tas de gens qui aimeraient bien avoir des stages en médecine et qui n'ont pas accès, ce n'est pas normal. Je trouve qu'il faudrait que l'éducation nationale s'ouvre un peu au monde du travail et passe des conventions avec tous ces gens. Mais je parle de la médecine. La police. Et probablement,

  • Aude MOULINE-VANNI

    oui, chez tout le monde. Oui,

  • Pr JUVIN

    bien sûr. Chez tout le monde.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ok. Est-ce que, moi, c'est une question en ce moment un peu brûlante sur le projet de loi sur la fin de vie ?

  • Pr JUVIN

    Ce n'est pas un projet de loi sur la fin de vie, c'est ce qu'ils disent. Mais en fait, les critères…

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est ce que je comprends, moi.

  • Pr JUVIN

    Les critères, les critères tels qui sont définis par la loi, vont permettre de proposer le suicide assisté ou l'euthanasie à des gens qui potentiellement aussi ont plusieurs années à vivre.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Parce que moi, ce que j'entends, je vais vous demander en tant que médecin et en tant que députée votre position, même si je crois que je la connais un petit peu. Mais moi, quand j'entends et quand je regarde les nouvelles, je comprends que c'est pour des personnes qui sont condamnées en phase terminale et qui sont certaines de mourir assez rapidement et pour lesquelles on abrangerait leur souffrance. Non. Je me trompe ? Oui. C'est ce qu'on dit aux nouvelles quand même.

  • Pr JUVIN

    Oui, mais ce n'est pas vrai. Ok. En fait, d'abord. Moi, je suis contre l'acharnement thérapeutique. Premièrement. Deuxièmement, il y a aujourd'hui des techniques que l'on met en œuvre qui permettent de vous endormir quand, à la fin de votre vie, vous souffrez trop. D'accord. On le fait déjà. On le fait dans les unités de soins palliatifs, on le fait aux urgences, on le fait dans tous les services de médecine. Vous souffrez, vous avez un cancer, par exemple, en fin de course, vous avez trop mal, vous respirez mal et... il faudrait vous intuber mais vous ne voulez pas, vous n'arrivez plus à manger, il faudrait vous mettre une gastrostomie, c'est-à-dire un trou dans le ventre pour vous nourrir et vous ne voulez pas, ce qu'on fait dans ces cas-là, on peut vous proposer de vous enlever. Ça s'appelle la séparation profonde et continue, ça existe, c'est dans la lune. Ça, il faut vraiment l'avoir. Le troisième truc à savoir, c'est qu'aujourd'hui, un Français sur deux qui a besoin de soins palliatifs n'y a pas accès. Parce qu'il n'y a pas un sur deux qui meurent. et dont on dit celui-là, il faudrait qu'il aille au soins réactifs, il n'y va pas, pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de place. Quand vous avez pris tout ça, vous pouvez quand même vous dire qu'on a probablement des moyens à mettre en œuvre déjà pour soulager vos souffrances en fin de vie, c'est vrai. Et déjà, il y aurait beaucoup à faire, à mettre tout le monde au bon niveau. Le projet de loi qui existe, d'ailleurs, ne prononce pas nulle part le mot euthanasie ou suicide assisté. Ça n'apparaît pas. Alors qu'on ne parle que de ça. Et d'ailleurs, je vais même vous dire que dans le projet de loi, il y a un point qui me révolte, c'est qu'il est expressément dit que dans le certificat de décès, une fois que vous aurez été euthanasié… Merci. Il faudra cocher mort naturelle, alors que c'est tout autre naturel, puisque je vous ai administré quelque chose qui vous tue. Non, en fait, le projet de loi définit les critères pour dire celui-là a accès, celui-là n'a pas accès. C'est quoi les critères ? Je peux vous les citer, c'est très court. Une maladie grave, incurable, c'est-à-dire qu'on ne peut pas guérir. On ne peut pas guérir, mais est-ce qu'on peut être en rémission par exemple ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, bien sûr, la rémission ça ne signifie pas guérir. Voilà, mais c'est pour ça que je pose la question. Je parle de la guérison.

  • Pr JUVIN

    Ça veut dire qu'on peut vivre encore plusieurs années.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Absolument. Pronostic vital engagé. Est-ce que c'est un jour, un mois, un an, dix ans ?

  • Pr JUVIN

    En général, quand on dit que le pronostic vital est engagé, il n'y a pas de durée. On ne sait pas. On peut le dire et le malade peut rester encore vivant pendant un an. Je vais vous donner un exemple. Et enfin, il faut que ça soit une maladie en phase terminale ou avancée. maladie et que vous souffriez terriblement, de façon insurmontable, soit physiquement, soit psychologiquement, avec le caractère subjectif. Vous voyez, on a tous des moments de détresse. Et je rajoute une dernière couche, pour que vous compreniez bien, ces souffrances, elles sont soit rebelles au traitement, soit le traitement est efficace, mais vous avez décidé de ne pas le prendre. Et bien tout ça fait que vous avez le droit à l'euthanasie. Et donc moi, ce que je dis, c'est que quand je prends cette définition-là, Je peux vous lister des pathologies de gens qui ont plusieurs années à vivre. Évidemment, ça va couvrir des gens qui ont peu de temps à vivre. Et là, en fait, je pense que la loi y répond déjà puisqu'on peut les endormir. Mais par exemple, prenez une femme chez laquelle on découvre un cancer du sein avec des métastases osseuses d'emblée. Aujourd'hui, avec les immunothérapies, certaines ont une très bonne réponse et on appelle ça des survies, comme ça qu'on dit, de plusieurs années, 4, 5, 6 ans. Ça répond à tous les critères, maladies graves. incurable, pronostic vital engagé, pas à un mois mais à cinq ans, et vous pouvez avoir des souffrances, y compris psychologiques, vous pouvez le demander. Quelqu'un qui est dialysé, dialyse, parce que ses reins ne fonctionnent pas, il a une maladie grave, par définition incurable, même la greffe rénale ne vous guérit pas puisque vous devez prendre des immunosuppresseurs durant toute votre vie. Votre pronostic vital est engagé parce que si vous arrêtez la dialyse, vous mourrez en deux semaines, et quatrièmement, vous pouvez avoir des souffrances parce que des souffrances physiques ou plutôt psychologiques, parce que vous êtes en détresse, parce que c'est très pénible, là vous avez 20 ans à vivre. Et donc en fait c'est une loi qui n'est pas sur la fin de vie, qui est une loi sur l'euthanasie et le suicide assisté, qu'on peut défendre pour des raisons philosophiques. Et c'est ça le sujet. Les gens qui sont autour le défendent en disant que c'est une loi de liberté. On ne pourra peut-être pas décider à ce moment-là.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il a le droit de demander l'euthanasie. C'est-à-dire qu'on lui interdit, on dit...

  • Pr JUVIN

    a le droit de signer un chèque et a le droit de signer l'euthanasie. Ça paraît fou, dit comme ça, ça paraît fou. Comment vous lutteriez contre les déserts médicaux et garantir une égalité d'accès au soin entre la province, mais aussi les territoires d'outre-mer ? Je doublerais le nombre de médecins formés, c'est indispensable de le faire, les Anglais l'ont fait. Ce n'est pas fait pour des tas de raisons liées à des... l'administration qui ne prend pas la décision, les facs qui veulent... Ça, ça serait assez facile à mettre en place.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il suffit que le ministre décide...

  • Pr JUVIN

    Si vous êtes déçu de l'attender... C'est la première décision que je prends. C'est-à-dire que l'année prochaine, on double le nombre d'étudiants qui entrent en deuxième année de l'INSEE. Et je fais quasiment pareil pour...

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais comment on les double ?

  • Pr JUVIN

    Pourquoi on en a plus ? Il y a un concours, vous savez, en fin de première année de l'INSEE. Oui, on ouvre un peu plus. Mais on double le nombre de gens qui accèdent. Première chose que je fais, mais vous me direz avec raison que ça produira des effets 10 ou 15 ans plus tard, c'est vrai, mais il faut quand même commencer. Deuxièmement, parce que c'est depuis des années qu'on le dit, on aurait commencé au moment du Covid, ils étaient déjà formés, ils seraient déjà interdits. Deuxièmement, j'augmente considérablement le nombre de médecins étrangers qui viennent travailler en France. Pour vous donner le chiffre, il y a un an, Il y avait 20 000 médecins étrangers qui voulaient venir travailler en France. 20 000. On en a pris, à votre avis, combien ? 2 700 ou 2 400. Et j'ai dit aux ministres, c'est absurde. C'est absurde. Ou bien ils ont le niveau. Dans ces cas-là, tu prends tous ceux qui ont le niveau. Ou bien ils n'ont pas le niveau. Dans ces cas-là, tu ne prends même pas 2400. Tu prends ce niveau. Or, on a dit avant, c'est un concours, c'est 2004. Donc, qu'est-ce que je fais si je suis ministre ? Je dis d'emblée, je prends tous ceux qui ont le niveau. C'est-à-dire que je ne fais plus un concours, mais je fais un examen. Ce sont des médecins qui sont opérationnels tout de suite. En général, on les forme pendant deux ans pour les mettre à niveau. Enfin voilà, ça signifie que dans deux ans, j'ai une machine qui crache de la ressource humaine. C'est ça notre sujet. Troisièmement, il y a des tas de tâches qui sont à faire aux médecins que je donne à faire à d'autres. Je ne suis pas sûr, par exemple, que ce soit indispensable que ce soit votre médecin qui fasse le certificat pour faire de la gym pour votre fils à l'école. Et puis je libère les médecins de tâches administratives absurdes. On considère, sur les chiffres qui sont habituellement retenus, qu'un médecin généraliste en ville a... 4 à 5 heures par semaine de tâches purement administratives. Ça paraît fou. Ça fait une demi-journée. Alors, je préfère cette demi-journée qu'il apprenne soit pour se reposer parce qu'il est crevé, soit pour voir des malades de plus, soit pour voir plus longtemps les malades qu'il reçoit.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais les médecins, le doublement de médecins et les médecins qui viendraient de l'étranger, pourquoi ils iraient ailleurs qu'à Paris, qu'à Rennes, qu'à Nice ?

  • Pr JUVIN

    Parce que ça s'appelle la concurrence. Et il y a un moment où...

  • Aude MOULINE-VANNI

    Plus il y en a, plus il n'y aura plus la place à tel ou tel endroit.

  • Pr JUVIN

    Donc, c'est une vraie... Exactement. En fait, on a cette vision très française, que je vous disais toujours, de l'hyper-contrôle administratif, où on veut tout décider à Paris. Vous savez, il y a un moment, quand il y a trop de médecins à un endroit, ils vont ailleurs. Oui, c'est vrai. Je jouerai probablement aussi, c'est un point de détail, mais je jouerai sur quelques dépassements d'honoraires aussi. Je vous donne un exemple. J'ai eu l'exemple d'un chirurgien, dont je ne dirais pas la spécialité pour qu'il ne se reconnaisse pas, qui travaille dans une ville UP de l'ouest parisien et qui opère quatre patients par mois, quatre seulement, mais qui demande 10 000 euros par intervention. C'est pas mal. Donc, il vit correctement, vous pouvez l'imaginer, mais il n'opère que quatre fois. Ça a donc deux effets. Le premier effet,

  • Aude MOULINE-VANNI

    c'est que… Tout le monde peut être opéré par lui.

  • Pr JUVIN

    Non, le premier effet, c'est que… Il ne rend pas beaucoup service au pays ? Mais surtout, je pense qu'il est mauvais. Je ne le connais pas. Ah oui, mais ce n'est pas le mot. Mais quand vous n'opérez que quatre fois par mois, c'est pas bon ? C'est un entraînement. Bah oui. Un pilote d'avion, on disait. Vous voulez un pilote qui pilote quatre fois dans l'année ou qui pilote tous les jours ? Moi, je veux quelqu'un qui pilote tous les jours. C'est pareil pour les médecins. Le gars ne pourrait pas faire ses 10 000 euros en dépassement d'honoraires, ce serait un peu moins, peut-être qu'il en ferait plus.

  • Aude MOULINE-VANNI

    En quelques mots, il me reste trois petites questions. Quelle est la force de l'hôpital public en France ? Je vais dire notamment dans le domaine de l'architecture et de l'innovation, mais en fait, quelle est la force de l'hôpital public ?

  • Pr JUVIN

    C'est ouvert 24-24, on ne vous demande pas votre carte bleue quand vous arrivez. J'ai eu l'exemple récemment d'une jeune femme qui a eu un accident très grave à l'autre bout du monde. qui a été prise en charge. Et tout de suite, la question qu'on a posée à la famille, c'est qu'il va falloir payer. Chez nous, vous aurez votre chimiothérapie, même si vous êtes pauvre. On paye beaucoup de charges en France, et beaucoup plus. On pourra faire un jour un débat là-dessus, sur les finances publiques, puisque c'est la spécialité de l'Assemblée nationale. Curieusement, ce n'est pas la médecine, c'est les finances publiques. Mais globalement, on peut quand même reconnaître qu'en France, on a la chimio, qu'on soit pauvre ou pas. Alors, il y a des inégalités, il y a des endroits où on est mieux soigné que d'autres. Il ne faut pas se faire d'illusions. Je sais où me faire opérer, je sais où ne pas me faire opérer. Donc, je ne vous dis pas que tout est parfait, vraiment. Mais globalement, vous n'arrivez pas à vendre votre maison parce que vous avez eu un accident de santé. C'est ça la vôtre.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est déjà énorme. Est-ce qu'il y a un moment qui vous a particulièrement marqué au cours de votre carrière,

  • Pr JUVIN

    vos urgences ? D'abord, il y a des tas d'histoires humaines, bien sûr. qui sont chaque fois très prenantes. Il est clair que je ne suis pas un médecin de l'enfant, je suis un médecin de l'adulte. J'ai fait un peu de pédiatrie parce que dans ma spécialité, il fallait en faire. J'ai quelques souvenirs très prénants qui sont des enfants qui meurent parce que vous êtes obligés quand vous êtes réanimateur. J'ai fait pas mal de SAMU à l'époque. Donc évidemment, vous avez à traiter des patients de tous les âges. Quand on vous appelle, vous venez. J'ai été médecin chez les pompiers de Paris. Les cas qui m'ont le plus parqué, chaque fois, c'était des enfants qui mouraient. Là, c'est quelque chose que je ne maîtrise pas suffisamment au plan du contrôle. Pour les russions. Absolument. Et,

  • Aude MOULINE-VANNI

    on va finir sur une note positive, si vous deviez partager un message d'espoir, aux patients, aux familles et puis même aux soignants, si vous leur diriez.

  • Pr JUVIN

    Et ça, je ne m'adresse plus essentiellement d'abord aux malades de maladies graves. Le progrès médical va à une vitesse qui est inégalée par rapport à ce qu'on a connu dans l'histoire. Et moi, je connais des patients à qui on a fait des diagnostics de cancer, dont on disait quand j'étais à l'école de médecine il y a très longtemps, que c'était sans espoir, qui vivent plusieurs années après. Parce que sans arrêt, mais sans arrêt, il y a des nouvelles molécules qui sortent.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est d'heure en heure presque en fait. Oui. On peut vraiment espérer que quelqu'un est gravement malade, qu'il n'aura pas l'apprentissage pour quelque chose qui va se passer.

  • Pr JUVIN

    De mois en mois, on voit arriver des solutions thérapeutiques à des patients qui, le mois précédent, ne l'avaient pas. Ah oui, ok. C'est l'immunothérapie, c'est l'ARN messager, c'est… tous ces moyens de médecine très personnalisés qui font qu'on va vous donner une molécule qui va fonctionner chez vous et pas chez votre maison. Et ça, c'est l'espoir qu'on doit avoir. Oui, absolument. Ça a bouleversé la médecine. Encore une fois, les patients que je voyais mourir en quelques mois sont là depuis des années.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est-à-dire qu'un patient qui vous en a vécu pour longtemps, c'est la fin. Ce patient-là, il a vécu plusieurs années. Est-ce qu'on a trouvé des médicaments ?

  • Pr JUVIN

    Bien sûr, il y a un moment où on sait qu'on n'y arrivera pas. Il y a encore cela, bien sûr. Mais ce qui est certain, c'est qu'il y a aujourd'hui des pathologies dont on peut vous dire, écoutez, là, je n'ai rien. Malheureusement, je n'ai rien à vous donner. Mais il n'est pas exclu que dans six mois, il y ait quelque chose. Et ça change réellement la donne.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ça change aussi le mental.

  • Pr JUVIN

    Bien sûr, j'ai même un souvenir d'un patient qui était un proche qui a une maladie cancéreuse. qui n'avait pas de traitement. Six mois plus tard, il avait un traitement. Il le reçoit, il est en rémission. Il refait une rechute, pas de traitement. Trois mois plus tard, un nouveau traitement carré. Et ça a duré des années comme ça. Il a vécu quand même des années après. Des années.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il a vécu des années, mais sans trop souffrir.

  • Pr JUVIN

    Non, en bon état. Ça allait. Bien sûr. En continuant une activité professionnelle, avec sa famille, etc. D'accord. Regardez-vous. Le progrès, c'est incroyable. Ça va à toutes les fenêtres. C'est incroyable. surprenant Quand j'entends quand même que des gens sont en train de parler de thérapie génique pour la maladie de Charcot, qui pourrait arriver dans les très proches années, c'est extraordinaire. Demain, imaginez ce que je vous ai dit, le traitement de la maladie d'Alzheimer. Il y a un film dont je n'ai plus le titre, il faut absolument voir qu'il y a au moins 30 ans, c'est l'histoire d'un médecin américain. qui découvre la dopamine, la dopamine, c'est un médicament qu'on donne dans la maladie de Parkinson. Et il se trouve qu'après la Première Guerre mondiale, il y a eu une épidémie virale mondiale, je ne sais plus quel virus, qui a donné des encéphalites. Il y a des tas de gens qui sont tombés dans le coma, ou plus exactement dans un état d'absence de vie de relation, parce qu'ils avaient l'équivalent d'une maladie de Parkinson, qui n'était pas, mais qui était médiée par la dopamine, et ils n'avaient plus de vie de relation. Ils vivaient dans une chaise comme ça. Et cette histoire raconte la découverte de la dopamine qui fait que ces gens qui sont pendant une décennie ou deux enfermés dans leur corps se mettent à se réveiller. Je pense que c'est avec Dustin Hoffman qui joue le rôle du patient.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ça me dit quelque chose,

  • Pr JUVIN

    oui. C'est un film extraordinaire sur les surprises, les bonnes surprises que peut montrer le handicap. Ça veut dire qu'il y a encore une fois beaucoup de participants. une recherche financière en participant à des essais cliniques quand vous êtes patient vous participez à des essais cliniques vous faites partie et bien sûr et puis en ne véhiculant pas de fausses idées parce qu'il est évident que quand vous dites aux gens de ne pas se faire soigner et que vous avez un peu de crédit pour une raison qui fait que parce que vous êtes bien entendu dans la sphère publique on vous écoute pour autre chose faites attention à ce que vous dites en fait il faut être très prudent dans ce qu'on dit encore une fois Je me souviens des antirétroviraux de 1995. Celui qui attrape le Sina en 1994 doit se dire « je suis condamné, je vais en mourir » . Un an plus tard, il a les antirétroviraux et il vit. Il est probable qu'il y ait des gens qui ont été contaminés en 1994 et qui sont toujours vivants aujourd'hui, grâce aux antirétroviraux.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui,

  • Pr JUVIN

    il y a du progrès, il y a de l'espoir. J'ai vu un patient de 82 ans aux urgences qui venait de l'Hépate, qui était séropositif. Et je pense qu'il avait dû l'attraper à peu près à cette époque-là. Donc, il était probablement condamné le jour où il s'est infecté. Et il était dans le « voilà, après tout, si je veux me suicider, qu'est-ce que ça enlève aux autres ? » C'est tout le débat. Je pense que ça enlève beaucoup, parce que d'abord, la liberté absolue n'existe pas parce qu'on n'est pas seul.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il y a encore des belles choses, et ce n'est pas fini. Non, ce n'est pas fini. Donc,

  • Pr JUVIN

    tout ne va pas si mal. Il y a des choses... Je pense que quand vous viviez il y a 100 ans et que vous n'aviez pas l'eau courante, quand il faisait froid l'hiver, quand vous aviez un poêle à charbon qui vous intoxiquait et vous mouriez parce que chez vous, il y avait du CO2, quand vous... attrapé des maladies parce que l'alimentation était dégueulasse et que dès que vous pouviez mourir parce que vous aviez une otite, vous n'aviez pas d'antibiotiques, vous savez, Jean-Baptiste Mully, le musicien du roi Louis XIV, est mort. Comment ? Parce qu'avec sa canne, puisqu'il marquait la mesure, il s'est tapé avec sa canne, il s'est tapé son pied, il s'est fait une plaie du pied qui s'est infectée et il est mort de ça. Aujourd'hui, M. Lully irait aux urgences, on lui mettrait un peu d'antiseptique, il prendrait cinq jours d'antibiotiques et il continuerait à composer de la belle musique.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est pas mal de finir comme ça. Je vous remercie beaucoup. C'était passionnant et je suis ravie de vous avoir eu comme personne extraordinaire. Merci de votre invitation. Et bon vent pour ce nouveau podcast. Merci beaucoup. Merci pour votre écoute. N'hésitez pas à laisser un petit cœur, un commentaire, à partager autour de vous. Et à très vite pour un nouvel épisode avec une autre personne extraordinaire. À bientôt, bye bye !

Chapters

  • Introduction d'Aude MOULINE-VANNI et présentation du podcast

    00:00

  • Entretien avec le Professeur Juvin : son parcours et ses engagements

    01:00

  • Motivation au quotidien et engagement

    01:40

  • Expériences sur le terrain : Afghanistan et Ukraine

    05:58

  • Amour du métier et l'importance des jeunes

    11:22

  • Défis actuels

    12:41

  • Avancées médicales et intelligence artificielle

    18:14

  • Progrès de jour en jour

    26:34

  • Intéresser les jeunes

    33:11

  • Loi sur la "fin de vie" et euthanasie

    37:04

  • Déserts médicaux et inégalités : solutions

    42:42

  • Force de l'hôpital public

    47:09

  • Moment marquant de carrière

    48:11

  • Message d'espoir

    49:07

  • Conclusion

    55:40

Share

Embed

You may also like

Description

Êtes-vous prêt à découvrir les coulisses de la médecine d'urgence ? Je vous embarque avec moi !


Dans cet épisode captivant de Mon combat santé, à la rencontre de personnes extraordinaires, je reçois le Professeur Juvin, un expert en anesthésie et réanimation, qui nous dévoile son parcours inspirant et son engagement indéfectible envers la médecine d'urgence. Ensemble, nous explorons les défis majeurs auxquels est confronté notre système de santé, notamment les déserts médicaux, un enjeu crucial qui impacte la qualité des soins.


Le Professeur Juvin insiste sur l'importance de donner un sens profond aux métiers du soin, un appel à la réflexion qui résonne particulièrement dans le contexte actuel. À travers des anecdotes saisissantes de son expérience sur le terrain, notamment en Afghanistan et en Ukraine, il nous plonge dans la réalité des soins d'urgence, tout en abordant des sujets sensibles tels que la fin de vie, l'euthanasie et l'accès aux soins palliatifs.


Les avancées technologiques, telles que l'intelligence artificielle, sont également au cœur de notre discussion. Comment ces innovations transforment-elles notre approche des soins aux patients ? Le Professeur Juvin partage sa vision sur l'évolution de la médecine et l'impact de ces outils sur la pratique quotidienne des professionnels de santé. Nous insistons sur un message d'espoir : l'avenir de la médecine repose sur une approche humaine et empathique, essentielle pour garantir des soins de qualité et respectueux de la dignité des patients.


Ne manquez pas cet épisode de Mon combat santé, où chaque mot résonne avec l'importance de l'humanité dans le soin.


Écoutez dès maintenant et plongez dans une réflexion profonde sur la santé, l'humanité et l'avenir des soins.


Rejoignez-nous pour ce voyage au cœur de la médecine d'urgence, et laissez-vous inspirer par les récits et les réflexions du Professeur Juvin. Ensemble, faisons de notre santé un véritable combat pour l'humanité.


Aude


Chapitres

  • Introduction d'Aude MOULINE-VANNI et présentation du podcast

    00:00

  • Entretien avec le Professeur Juvin : son parcours et ses engagements

    01:00

  • Motivation au quotidien et engagement

    01:40

  • Expériences sur le terrain : Afghanistan et Ukraine

    05:58

  • Amour du métier et l'importance des jeunes

    11:22

  • Défis actuels

    12:41

  • Avancées médicales et intelligence artificielle

    18:14

  • Progrès de jour en jour

    26:34

  • Intéresser les jeunes

    33:11

  • Loi sur la "fin de vie" et euthanasie

    37:04

  • Déserts médicaux et inégalités : solutions

    42:42

  • Force de l'hôpital public

    47:09

  • Moment marquant de carrière

    48:11

  • Message d'espoir

    49:07

  • Conclusion

    55:40



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Aude MOULINE-VANNI

    Bonjour tout le monde, moi c'est Aude, je suis maman de trois enfants. Je suis aussi une épouse, une femme, une soeur, une amie, une fille. Et ce podcast, il est pour vous. Comme beaucoup d'entre vous, j'ai connu les vertiges des couloirs d'hôpital. Et très clairement, ces vertiges-là, on s'en passerait bien. Mais ces vertiges et ces silences, j'ai voulu les transformer en liens. Donc j'ai décidé de prendre le micro et de créer ce podcast. Il y a une phrase que je retiens depuis longtemps d'Hippocrate, qui disait « La force qui est dans chacun de nous est notre plus grand médecin. » J'y crois. absolument. J'ai eu la chance de rencontrer des personnes extraordinaires pendant les parcours parfois un peu compliqués. Ces personnes-là, elles vont contribuer sur ce podcast à faire que nous retrouvions cette force pour ceux qui parfois l'avaient perdue. Voilà, j'espère que ce podcast vous touchera autant qu'il me porte moi. L'idée, c'est d'avoir du positif, des progrès, la médecine de demain, ce qui nous relie. Franchement, dans ce monde de brut, je crois qu'on en a bien besoin. Alors, restez connectés. Je vous souhaite une très bonne écoute avec ces personnes. extraordinaire. Professeure Jumain, je suis ravie de vous accueillir. Merci beaucoup d'avoir accepté cette invitation. Vous avez un parcours absolument exceptionnel et puis cette partie de ces personnes extraordinaires. Vous êtes professeure de médecine, députée des Républicains. Vous avez un parcours en anesthésie et réanimation puis vous êtes allée ensuite dans les urgences. Vous avez également été engagée sur le terrain dans des contextes difficiles en Afghanistan et en Ukraine plus récemment. Vous avez formé des soignants, vous allez nous en reparler. Votre engagement en tant que médecin et formateur de soignants dans ces situations témoigne aussi de votre passion et de votre dévouement. Et donc, on a pas mal de petites questions. Aujourd'hui, on aimerait en savoir plus sur votre parcours, vos motivations et votre vision pour l'avenir de la médecine d'urgence. Alors, bienvenue.

  • Pr JUVIN

    Merci beaucoup de votre invitation.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Votre parcours en médecine d'urgence et en anesthésie et réanimation est exceptionnel. Je viens de le dire. Qu'est-ce qui, aujourd'hui, vous anime ? et vous motive à poursuivre ce travail, vous avez tous les défis rencontrés au quotidien.

  • Pr JUVIN

    D'abord, ce n'est pas un parcours exceptionnel. Il y a des tas de gens qui ont le même parcours que moi. D'abord, j'ai beaucoup de chance de faire le métier que je fais. Et c'est ce que je dis aux jeunes qui veulent faire médecine ou qui veulent être infirmiers ou être soignants. Je pense que la question est, quelle est la société dans laquelle on veut vivre ? Et moi, il me semble que le plus important, c'est de donner du sens à sa vie. Et ce sont des métiers, les métiers du soin, qui naturellement donnent du sens. Évidemment, il y a d'autres métiers qui donnent du sens. Un enseignant, un professeur, un chercheur, un écrivain qui nous fait vivre des vies par délégation, tout ça, ce sont des métiers à sens. Mais je trouve que celui-ci est complet parce que c'est un métier à la fois technique, il faut mettre en œuvre des techniques qui sont parfois complexes, et c'est un métier également dans lequel on... On manie la pâte humaine. Et donc, c'est cet ensemble qui fait qu'au fond, tous les jours en allant travailler, je suis content d'y aller. Et c'est vrai que je regarde avec effroi le jour où il faudra peut-être que j'arrête de travailler parce que c'est une motivation. Moi, j'ai souvenir d'une conférencier d'internat. Vous savez, quand on prépare l'internat au milieu de ses études, il y a un concours qui est au milieu de ses études qui permet de choisir la spécialité qu'on va faire. Ça s'appelle l'internat. On le prépare avec des sous-colles. Et on avait un conférencier d'internat, on appelle ça comme ça, qui nous faisait la psychiatrie. Et il nous avait dit quelque chose qui avait heurté beaucoup de gens qui écoutaient. Il avait dit, vous savez, mère Thérésa, elle fait ça pour elle. Alors, on voit le côté un peu provocateur du truc. Mais c'est vrai, en fait, donner du sang, c'est-à-dire apporter quelque chose aux autres, on le fait aussi pour soi, parce qu'on a l'impression de servir à quelque chose. Et donc,

  • Aude MOULINE-VANNI

    même si aujourd'hui le contexte est difficile et on dit que rien ne va, Vous venez de répondre, vous êtes quand même toujours heureux d'aller travailler tous les jours?

  • Pr JUVIN

    Mais moi, je me méfie beaucoup parce qu'en fait, on a toujours dit avant c'était mieux. Probablement, nos parents, nos grands-parents disaient avant c'était mieux. Je ne suis pas sûr qu'avant c'était mieux. Je ne suis pas sûr. Peut-être dans certains domaines, on avait peut-être plus de temps à consacrer aux gens avant. Mais en même temps, nous n'avions pas les techniques que nous avons aujourd'hui qui permettent des résultats qui sont quand même importants pour les patients. Il serait mieux aujourd'hui qu'on les soignait il y a 20 ans. Et c'est vrai qu'on avait probablement plus de temps. Je me méfie d'une sorte de pessimisme ambiant, parce que c'est très français. On est quand même le pays où les gens sont les moins confiants dans l'avenir. Quand vous faites des enquêtes d'opinion, moi je suis frappé, y compris chez les jeunes. Nous sommes un pays de pessimistes et de doutes. Et je leur dis, c'est vrai, on aimerait être mieux considéré, mieux payé, avoir plus de moyens. C'est vrai, c'est vrai, certes. Mais en même temps, quelle chance, vous voyez, je leur dis, quelle chance vous avez de vivre ce que vous vivez, de pouvoir… Vous n'êtes pas, vous êtes des gens à part. Je dis ça aux internes chaque fois, quand ils arrivent, c'est les internes, c'est les étudiants qui arrivent deux fois par an, on a une dizaine d'internes qui arrivent dans le service, ils changent au mois de novembre, ils changent au mois de mai, et je le dis quasi systématiquement quand je suis président du jury de thèse, à la fin de la thèse, l'étudiant prête serment… en lisant le serment d'Hippocrate, souvent devant la famille, devant les amis, tout ça c'est sympa, il y a des photos, et je leur dis, oui, vous voyez, ce n'est pas du folklore. Vous avez une... en général, ils ont une robe noire, tout le monde est là, la famille, c'est pas du folklore. Vous lisez le serment d'Hippocrate...

  • Aude MOULINE-VANNI

    Une responsabilité.

  • Pr JUVIN

    Et il y a des engagements moraux à l'intérieur. Et ces engagements moraux, c'est pas rien. C'est pas simplement, je prête serment sur un truc qui n'a pas de sens. Ça a beaucoup de sens. On a de la chance d'avoir un métier au sens, et même si quelquefois c'est un peu complexe, quand vous prenez le truc, vous faites la balance le plus moins, je pense qu'il n'y a pas faute.

  • Aude MOULINE-VANNI

    D'accord, ça fait du bien de m'entendre ça. Vous avez exercé, je l'ai dit un petit peu avant, en Afghanistan, dans le contexte de conflit armé, et plus récemment en Ukraine, en pleine guerre, pour former des soignants. Quelles leçons vous retenez de ces expériences sur le terrain ? Sur le terrain très compliqué.

  • Pr JUVIN

    Les deux expériences sont un peu différentes parce qu'en Afghanistan, d'abord c'était il y a longtemps, j'étais médecin militaire, c'est-à-dire que j'étais dans l'armée. Et je soignais, j'étais l'anesthésiste réanimateur du bataillon français engagé contre les talibans. Donc nous étions responsables d'un hôpital militaire avec une équipe d'allemands, une équipe de bulgares et nous les français. Donc chaque fois il y avait un trio, il y avait un anesthésiste réanimateur de chacun des trois groupes, un chirurgien viscéral, le ventre. les tissus mous on va dire, et un chirurgien orthopédiste. Donc nous trois, il y avait trois Français, trois Bulgares, trois Allemands, l'équipe française était l'équipe leader et moi j'étais l'anesthésiste du trio français. Et on soignait des soldats blessés au combat bien sûr, on soignait des alliés, l'armée nationale afghane qui était notre allié, on soignait beaucoup de civils, beaucoup de civils, on soignait quelques talibans aussi qui étaient blessés au combat, qu'on nous amenait, qu'on rafistolait et puis…

  • Aude MOULINE-VANNI

    Vous faisiez de la vraie médecine d'urgence ?

  • Pr JUVIN

    C'était de la vraie médecine de guerre. Et on faisait aussi de la médecine générale. On prenait nos petites voitures blindées et on allait se promener dans la pampa. On allait dans les villages et on allait faire de la consultation. Vous arriviez le matin, il y avait 200 personnes qui attendaient. Et vous voyez 200 personnes avec… En revanche, en Ukraine, c'est un peu différent. J'y suis parti tout seul. J'avais un nom et un numéro de téléphone d'un médecin qui était dans l'ouest de l'Ukraine et que j'avais appelé, qui m'avait dit « Ok, on vous attend tel jour » . Je lui ai dit « Ok, comment je peux faire pour venir vous donner un coup de main ? » Il m'a dit « On passera vous prendre en Pologne » . Donc j'ai pris l'avion pour Varsovie, j'ai pris un train jusqu'à la frontière. Puis là, j'avais rendez-vous dans un hôtel. Et puis le type n'est pas venu. Puis la première journée est passée. Au bout de la deuxième journée, enfin, il y a quelqu'un qui est arrivé. Je suis monté dans une voiture, personne ne parlait français, je ne savais pas très bien où j'allais. On a passé la frontière, on est arrivé tard le soir, et je suis resté deux ou trois semaines, où j'ai fait un peu de médecine, un peu d'anesthésie. On faisait de l'anesthésie dans les caves, parce que les hôpitaux, pour éviter les cas d'oglus, avaient organisé les blocs opératoires au sous-sol. Donc j'ai fait un peu d'anesthésie, et j'ai fait beaucoup d'enseignements de sauvetage au combat, ce que j'avais appris en Afghanistan en réalité. Comment on fait quand on est soldat et qu'on a... collègue qui est blessé, qu'est-ce qu'il faut faire pour le secourir et pour ne pas se faire tuer soi-même. Et dans les deux cas, réellement, ça paraît évident, vous allez me dire, c'est des portes ouvertes, j'enfonce des portes ouvertes, mais la chance qu'on a, on a une chance incroyable de vivre en paix, d'avoir un système de santé qui est en réalité très généreux, on ne se rend pas compte de la chance que nous avons. Et c'est ça probablement que je veux faire passer comme message. Tout ne va pas bien, bien sûr, tout n'est pas parfait. Globalement, allez voir là-bas comment ça se passe. En Afghanistan, moi je vais souvenir, dans les villages, on passait dans les villages, on trouvait des gars avec une chaîne aux pieds, attachés à un mur, parce que c'était probablement le fou du village. Probablement souffrait-il d'une sorte de schizophrénie. Et qu'est-ce qu'ils font là-bas ? Ils ne les soignent pas, ils les attachent. Et en Ukraine, c'est la guerre, avec tout ce que ça a d'incroyable. Il m'est arrivé d'ailleurs une expérience assez drôle, que j'ai filmée, mais par hasard. Quand je quitte l'Ukraine, je rentre dans une voiture, on repasse la frontière, et donc... Je suis à l'arrière d'une voiture conduite par deux Ukrainiens qui ne parlent pas français, deux malabars, et qui doivent me ramener en Pologne. On fait la queue à la frontière parce qu'ils contrôlent, évidemment. Et donc, ils nous laissent passer. Et on passe de l'Ukraine, quasiment paysage un peu triste, grisâtre. Vraiment, j'avais cette impression-là. En tout cas, paysage de pays très pauvres. Parce que vous savez, les caractéristiques des pays en guerre, c'est qu'ils sont très pauvres. Toujours. La guerre, ça apporte de la pauvreté. Et on passe à la Pologne, l'Union européenne, les champs bien cultivés. tout ça en 200 mètres des pays enfin tout est nickel tout est beau et à ce moment-là ça paraît dingue ils ont mis la musique ils ont une radio moi je filme le passage de la frontière de la frontière ouais et là il y a une chanson qui se déclenche en français c'est Joe Dassin je crois Si tu n'existais pas Si tu n'existais pas et c'est incroyable et donc je filme le passage d'un pays en guerre à l'Union Européenne en paix avec Si tu n'existais pas Merci. D'ailleurs, la vidéo a été filmée, elle est passée sur, je crois, c'est à vous, c'est dans l'air, une de ces émissions où je leur avais donné. Et en fait, si tu n'existais pas, l'Union européenne, il faudrait qu'on t'invente. C'est ça que j'en ai déduit. Si tu n'existais pas, notre société en paix, avec des objets qui fonctionnent, il faudrait les inventer. Donc, on a beaucoup de chance, c'est ce que je voulais vous dire. Super.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Dans ce contexte-là où tout le monde est triste et tout est un peu morose, on a besoin de ces bonnes nouvelles et ce podcast est fait pour ça. Qu'est-ce que vous préférez dans votre métier ? Ça a été une question pour vous.

  • Pr JUVIN

    C'est une bonne question.

  • Aude MOULINE-VANNI

    S'il y a une chose que vous préférez ou deux.

  • Pr JUVIN

    J'aime bien l'avantage de travailler dans un hôpital universitaire, c'est que vous avez des équipes qui sont jeunes. Les internes sont jeunes par définition, les externes sont encore plus jeunes, les chefs de clinique, ils ont 25 ans, vous voyez. Et ça, c'est quelque chose que j'ai remarqué. J'ai aussi travaillé un peu au Liban avec les militaires. Quand j'étais en Afghanistan, quand j'étais au Liban, les soldats français qui vous défendent, ils ont entre 18 et 24 ans.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ils sont très jeunes,

  • Pr JUVIN

    oui. Le lieutenant, il a 23 ans. Quand les pompiers vous amènent un patient à l'hôpital, ils ont entre 18 et 22 ans. Quand les policiers vous amènent quelqu'un ou les escortent, ils sont peut-être un peu plus âgés, mais ils ne sont pas très vieux. Et à l'hôpital, la nuit, si vous allez à l'hôpital, quel que soit l'hôpital, vous allez trouver... Ah oui, vous allez trouver à l'interne, vous allez trouver le chef de clinique, tout ce petit monde au max. à 30 ans. Et donc, ça aussi, c'est un élément qu'il faut avoir en tête.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Les jeunes sont indispensables.

  • Pr JUVIN

    Oui, non seulement ils sont indispensables, mais les gens qui vous disent « la jeunesse aujourd'hui, ça ne marche pas » , en réalité, sans eux, ça ne marche pas. Ce sont eux qui tiennent la France.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, ils sont là pour les métiers essentiels. Bien sûr. Quels sont selon vous les défis actuels pour les services d'urgence en France ? Alors, il y en a beaucoup, mais...

  • Pr JUVIN

    Le sujet est une manche. On va arriver à faire face à l'absence de médecins en ville. C'est-à-dire que quand vous n'avez plus de médecins en ville, les gens, qu'est-ce qu'ils font ? Ils vont à l'hôpital. Et il est là notre sujet. Notre sujet, c'est que les urgences deviennent le seul endroit où la lumière est allumée. Et donc, par défaut, ils viennent là alors qu'ils auraient dû, en théorie, aller ailleurs.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Aller chez le médecin en ville.

  • Pr JUVIN

    Il y a la question de la santé mentale aussi. C'est que l'épidémie de dépression, d'anxiété, Je voyais les chiffres, en particulier chez les jeunes, c'est très inquiétant. Je crois que 13% des lycéens ont déjà fait une tentative de suicide. C'est dramatique. Je crois que 25% des collégiens ont déjà pensé à la mort. Donc, on a un problème de santé mentale majeur. Il n'y a plus de psychiatres en ville. C'est très difficile. Quant au pédopsychiatre, je ne peux pas le dessiner. Donc, tous ces gens viennent chez nous par défaut. Donc, c'est ça l'enjeu. C'est comment reconstruire un système qui s'articule sur de la médecine de ville qui fonctionne. sur des EHPAD qui fonctionnent, parce qu'un quart des Français meurent dans les EHPAD.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Un quart ?

  • Pr JUVIN

    Un quart, oui. Souvent, avant de mourir, on les emmène à l'hôpital. C'est pas toujours utile, les transports. Donc, faire des EHPAD des lieux de vie, et pas des lieux où on vit mal. Fin de vie,

  • Aude MOULINE-VANNI

    oui. Est-ce que vous avez mis en place des initiatives concrètes pour améliorer la gestion des urgences ?

  • Pr JUVIN

    Oui, en permanence, on modifie les choses. ça ne se voit pas, ce n'est pas spectaculaire. C'est un sujet quasiment politique, c'est-à-dire que quand on parle de la difficulté de l'hôpital public, etc., il y a toujours un ministre plus intelligent qu'un autre, un parlementaire plus intelligent qu'un autre, un journaliste plus intelligent qu'un autre, qui vous fait le plan, le plan majeur.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, ils ont toutes les solutions.

  • Pr JUVIN

    Grand 1, grand 2, grand 3, paf, paf, paf, et puis clac.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ça a l'air facile, oui.

  • Pr JUVIN

    En fait, la clé, moi, je crois, de l'amélioration des choses, elle est Elle est dans des... dans la liberté qu'on donne aux individus sur le terrain. Au moment du Covid, quand il a fallu ouvrir des unités de réanimation, Heureusement qu'on n'est pas passé par les procédures habituelles, on aurait mis des années à ouvrir. On les a ouvertes en 24 heures.

  • Aude MOULINE-VANNI

    On a pris des décisions en fait.

  • Pr JUVIN

    Exactement. Et dans un service hospitalier. Mais comme c'est le cas dans la vie, si vous voulez que les choses s'améliorent, il faut faire confiance aux gens sur le terrain. Il faut être créatif aussi. Parfois ils se trompent. Et la plupart du temps, globalement, et ce n'est pas grave de se tromper. Et quand vous voulez améliorer les choses, vous faites confiance aux gens. Donc oui, il y a tout un tas de petites choses qu'on fait. et qui ne seraient pas la une du 20h avec ça. Et vous améliorerez réellement les choses. Par exemple, là, on a mis en place, ça va vous paraître une banalité extrême, mais quand on finit notre journée dans un service d'urgence, c'est une partie du service qu'on appelle le service porte. En fait, ce sont des lits d'hospitalisation dans le service des urgences en attendant de pouvoir hospitaliser les patients éventuellement le lendemain. D'accord. Donc, dans mon service, j'ai 20 lits.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Parce qu'on manque de place.

  • Pr JUVIN

    Oui, quand vous dites, après tout, les gens vont probablement rester 24 heures à l'hôpital, c'est pas la fête pour les chambres. Je les mets dans une de nos chambres. Donc, on a un service d'hospitalisation. C'est comme la même structure qu'un service d'hospitalisation, mais ça dépend de nous. Avant, on faisait chacun une transmission. Le soir, celui qui partait disait à celui qui restait, « Voilà, j'ai M. Machin, il a ça, M. Truc, il a ça, Mme Machin. » Et on le faisait sur un papier Word. Le papier se perdait, donc du coup, nous sommes créés. un fichier commun où chacun implémente le truc. Alors, vous allez me dire, c'est le B.A.B. Oui, oui, mais en fait, ce qui est extraordinaire, c'est qu'il n'y a souvent pas besoin d'un plan pluriannuel à milliards d'euros. De petites choses suffisent à améliorer souvent considérablement le quotidien. C'est vrai en médecine, mais c'est vrai dans tout, vous voyez. Et méfiez-vous de ceux qui ont la solution de baguette magique. En fait, moi, je ne crois pas au grand système. Je crois à la liberté. Je pense que les sociétés prospères sont les sociétés où on a fait confiance à l'intelligence des individus et à leur capacité à trouver des choses. Les gens qui vous proposent de grands systèmes, les grands systèmes, ça ne marche pas toujours. Pourquoi ? Parce qu'ils ont été décidés à un niveau qui ne prévoit pas tout.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Qui ne se rendent pas forcément compte de la réalité du terrain aussi, ces gens-là.

  • Pr JUVIN

    Et puis les impondérables. Et puis les motivations des gens, vous savez, les grands plans. ne valent que s'ils sont mis en œuvre et s'ils sont trop complexes. C'est Raymond Aron qui disait, je crois que les sociétés prospères sont les sociétés qui font confiance aux potentialités des individus. Donc, il faut faire confiance aux potentialités des individus. C'est vrai en médecine et c'est vrai dans toute la société. Faites confiance aux potentialités des maires, des communes. Vous verrez, la ville sera propre, elle sera sûre, elle sera bien éclairée. Parce que le maire, il connaît et il veut le prendre. ne pas se faire engueuler. En fait, les gens sont de bonne volonté.

  • Aude MOULINE-VANNI

    En fait, on ne fait pas confiance.

  • Pr JUVIN

    Nous sommes une société d'hyper-contrôle administratif. Et la société d'hyper-contrôle administratif empêche les gens d'agir parce que les gens veulent d'abord répondre à des règles, alors qu'en fait ils devraient vouloir d'abord répondre à une efficacité. Non pas qu'il ne faut pas de règles, bien entendu. Les règles sont protectrices. Mais je crois à la vertu de la liberté.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Pour les nouvelles technologies, les avancées médicales, est-ce qu'il y en a qui transforment le quotidien des urgences ?

  • Pr JUVIN

    Bien sûr. Par exemple, nous, les radios des os, des articulations, quand vous avez un traumatisme, sont désormais interprétées par l'intelligence artificielle.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ah oui, d'accord.

  • Pr JUVIN

    C'est-à-dire que vous êtes tombé, vous avez mal au bras, je vous ai fait faire une radio du bras, l'intelligence artificielle va me dire fracture, pas fracture, doute, pas doute.

  • Aude MOULINE-VANNI

    D'accord. C'est un gain de temps énorme aussi ?

  • Pr JUVIN

    Oui. En fait, tout l'enjeu des nouvelles technologies, c'est de nous redonner du temps médical. Il y a des trucs qui nous prennent du temps. Et notre temps, en fait, il est précieux. Avec vos impôts, vous m'avez payé des études. Vous m'avez payé 15 ans d'études. Je ne sais pas combien j'ai coûté à la société, mais je pense que j'ai coûté très cher à être formé. Et donc, ce temps maintenant que je dépense, entre guillemets, dans mon hôpital, pour vous, pour la société, je vais me faire des choses que je suis le seul à savoir faire, plutôt que des choses... banal qui peut être fait par n'importe qui, y compris par une machine. Oui, l'intelligence artificielle, mais il y a plein d'autres choses. On a automatisé tout un tas de tâches. Je suis persuadé que demain, on va arriver à un système où, probablement arrivant aux urgences, vous remplirez un questionnaire. Celui-ci implémentera une base de données. Avant que vous ayez même vu le médecin, on récupérera tout un tas... vos antécédents, votre dossier MHA, ça sera mouliné. Et le médecin aura quelques hypothèses qui lui seront présentées quand vous viendrez me voir. Je dis, ah bah oui, les cinq hypothèses principales, c'est ça que vous avez. me fera des propositions, peut-être aura déjà prescrit les examens complémentaires avec ou pas mon aval, tout ça se définit, on va comprimer le temps, on va le rendre plus efficace. Et puis, il y aura probablement moins de loupés. Il y avait une étude qui était incroyable, qui a été publiée il y a un an et demi, qui a un peu bouleversé tout le monde, mais qui est très intéressante. C'est une étude en double aveugle, avec trois groupes. C'était de la téléconsultation, comme nous. Premier groupe, le patient avait... Le patient, c'est ça, avait en face de lui un vrai médecin. Deuxième groupe, il avait en face de lui une intelligence artificielle. Troisième groupe, il avait un médecin qui était conseillé par l'intelligence artificielle. Et il ne savait pas qui il y avait. Il n'y avait pas mon image. L'intelligence artificielle faisait comme s'il y avait un médecin. Et à la fin, on demandait le meilleur groupe des trois qui avait eu le meilleur diagnostic, à votre avis, c'est qui ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    Le mélange des deux ?

  • Pr JUVIN

    Le mélange des deux. Celui qui avait le meilleur traitement, c'était ? C'est lui. Pour votre avis ? C'était qui ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    Les deux,

  • Pr JUVIN

    non ? C'était que l'intelligence artificielle. Le médecin lui-même avait tendance à dire « Non, moi, je ne ferais pas ça. » L'intelligence artificielle est plus performante. Mais ce n'est pas encore inquiétant ? Et à votre avis, quand on demandait aux patients lequel des trois a été le plus humain, vous a le plus compris ? Le côté empathique, à votre avis, c'est qui ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    Je vais redire l'intelligence artificielle, du coup. Oui, l'intelligence artificielle. C'est incroyable. Donc ceux qui vous disent que la médecine c'est tellement humain que ça ne sera jamais remplacé, c'est pas tout. Pourquoi ? Parce que l'IA n'est jamais fatiguée. Elle a toujours de la bonne humeur.

  • Pr JUVIN

    Elle a toujours de la bonne humeur, elle n'a pas envie de vous dire c'est bon, ok, on va tout faire, on va faire le premier cinq fois, et puis vous avez vu, j'étais de garde hier. En fait, la médecine va probablement connaître des révolutions considérables, mais y compris dans ce domaine-là. Mais ce qui est le plus important, c'est que moi je veux qu'à la fin de ma vie, mon dernier jour, il y ait quelqu'un qui me tienne la main. Si j'allais dire que c'est un traitement artificial,

  • Aude MOULINE-VANNI

    elle ne peut pas le faire. Elle ne peut pas le faire,

  • Pr JUVIN

    oui, mais grâce à elle, du coup, ça va me libérer du temps, je vais pouvoir avoir quelqu'un qui va me tenir la main. Parce qu'aujourd'hui, le casse-un qui me tient la main, il est obligé d'interpréter lui-même les radios, de faire les prescriptions banales que tout le monde fait. Et donc, on va pouvoir… C'est toujours un problème de temps. Le temps du spécialiste, ça doit être un temps de spécialiste.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais pour vous, c'est quand même une bonne nouvelle.

  • Pr JUVIN

    C'est génial, c'est formidable. Et puis, c'est un élément. Non, mais non, bien sûr. Et c'est un élément de sécurité. C'est-à-dire que vous préférez, dites-moi, vous préférez monter dans un avion de ligne sans aucun pilote automatique ? J'ai peur de ne pas me cracher. Sans aucun pilote automatique ? Ou vous préférez, à l'ancienne, il y a 50 ans, où c'est le type lui-même qui faisait ça avec le E, ou est-ce que vous préférez un petit programme ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est un bon exemple. Je préfère le pilote automatique.

  • Pr JUVIN

    Exactement. Vous préférez le pilote automatique. Et d'ailleurs....

  • Aude MOULINE-VANNI

    Après, je me dis que le pilote,

  • Pr JUVIN

    il est quand même indispensable. Alors, comme vous savez, il y a des métros et des trains automatiques. Oui, oui. Vous montrez dans un train automatique. Je crois qu'il y a un truc, je crois, mais je ne suis pas spécialisé en aéronautique, on dit aujourd'hui qu'on pourrait faire décoller et atterrir et voler des avions totalement sans pilote. Je pense qu'il y a une barrière probablement psychologique qui va être difficile à lever pour les passagers. Mais ce que je veux dire, c'est que... entre un médecin seul ou un médecin avec de l'IA, ou entre un pilote seul et un pilote avec tous les moyens modernes de machin, faire le pilote avec les moyens modernes de machin, et c'est pareil pour le médecin. Ok, d'accord. Mais la médecine a un côté très artisanal. Mais bon, par exemple, moi, quand j'ai commencé la médecine, en tant qu'anesthésiste-rénateur, je posais des cathéters dans des gros vaisseaux, le cou. Et comment on faisait ? on nous apprenait des repères anatomiques. Je regardais votre cou et je voyais qu'il y avait un muscle qui était là, un autre qui était là, donc je savais que la veine ne voit pas, ou l'artère que je voulais piquer.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est-à-dire qu'on devine à peu près.

  • Pr JUVIN

    Je devinais parce que j'avais appris des repères anatomiques. Vous voyez le côté, aujourd'hui, quand je raconte ça à mes étudiants, ils me disent « mais comment c'est possible ? » Aujourd'hui, ils ont des appareils qui permettent de repérer.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est précisément.

  • Pr JUVIN

    Et donc, le débat que nous avons sur la technologie, C'est un débat vieux comme le monde. En fait, depuis l'invention de la médecine, on a sans cesse inventé des trucs nouveaux. Vous voyez, là, il y a un saut. Mais en réalité, c'est exactement la même chose.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est comme les urgences, ça n'existait pas avant.

  • Pr JUVIN

    Alors, les urgences existent depuis une cinquantaine d'années. Les urgences avant, en fait, c'était d'abord les urgences d'accident de la route.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, voilà.

  • Pr JUVIN

    Ça a été inventé pour ça. Et puis, peu à peu… On a dû tout faire parce que maintenant les urgences... C'est une spécialité les urgences ? Oui, c'est une spécialité. Moi par exemple, je suis professeur d'anesthésie et réanimation.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est ça, ok.

  • Pr JUVIN

    Et puis quand il a fallu faire des professeurs d'urgence... Du coup, on a pris quelques professeurs de différentes spécialités, dont votre serviteur, et puis on les a repeints. J'ai été repeint administrativement, on m'a dit « ah bah j'ai plus de professeur d'anesthésie, des professeurs de purgeance »

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ça veut dire qu'il y aura de nouvelles spécialités aujourd'hui dont on ne peut pas se douter.

  • Pr JUVIN

    Alors ça, vous ouvrez un débat très intéressant, c'est qu'effectivement il y a des spécialités qui n'existaient pas il y a 30 ans, mais je peux vous citer la gériatrie par exemple, les pathologies des personnes âgées. Avant, c'était des médecins internistes ou généralistes qui faisaient ça. Aujourd'hui, ce sont devenus des gens dont c'est le métier. Il est probable que dans 20 ans, 30 ans, vous aurez des spécialités dont on n'imagine même pas l'existence parce qu'elles seront nécessaires. On parle d'intelligence artificielle. Il faudra bien des médecins pour coder. Il faudra bien des médecins pour s'assurer que les algorithmes correspondent à une démarche médicale scientifique. Il va falloir des médecins qui analysent les datas. Il y en a déjà, mais... ça va prendre un caractère très important. Entendons-nous, ce que j'adore dans la médecine, c'est le contact humain. Moi, j'aime voir les gens, j'aime les examiner.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais l'un ne va pas sans l'autre.

  • Pr JUVIN

    Mais voilà, aujourd'hui, avec mes simples mains pour examiner et mon stéthoscope, il y a des choses que je ne sais pas faire et que d'autres feront. Donc, il faut en permanence améliorer son savoir-faire. Vous savez, les échographies. qu'on a inventé il y a maintenant 40 ans pour l'obstétrique essentiellement, et qu'on utilise dans toute la médecine. Il y a un certain nombre de nos collègues qui ont des appareils d'échographie qui sont grands comme ça, et qu'ils ont dans leur poche. C'est leur stéthos. Donc la médecine évolue à toute vitesse, et heureusement. Et ça signifie d'ailleurs que les médecins doivent se former en permanence.

  • Aude MOULINE-VANNI

    En fait, vous n'arrêtez jamais.

  • Pr JUVIN

    Il faut lire sans arrêt. D'abord, il y a des médicaments qui apparaissent. Il y a des pathologies qui disparaissent, vous l'avez vu avec le Covid. Il y a des pathologies qui disparaissent. Moi, quand j'ai commencé la médecine, c'était le début de l'épidémie de Sida. Donc j'ai vu les premiers malades, j'ai un souvenir très très précis. D'ailleurs, j'étais en deuxième année de médecine, c'était à l'hôpital Beaujon. Donc deuxième année de médecine, vous n'avez jamais vu de malade. Et quand vous entrez dans la chambre, vous êtes très impressionné. Et d'ailleurs, c'est là en général où vous tombez dans les pommes pour la première fois. Et donc, on me dit, le chef de clinique, qui me paraissait très âgé, plein d'expérience, mais qui devait avoir 25 ans, il me dit, tu sais, il s'agit de cette nouvelle maladie dont on parle, qui touche à l'époque les homosexuels, et on pense que c'est un virus. Et je me souviens très bien, c'était un patient grec qui était venu, espérant se faire soigner, en pensant qu'à Paris, il y avait des traitements miraculeux, parce qu'à l'époque... Il y avait une équipe française qui avait identifié l'agent pathogène. Et donc les gens avaient dit, alors qu'ils ont identifié l'agent, probablement ils auront un traitement. Malheureusement, ça n'a pas été le cas. J'ai vu l'arrivée de cette maladie et j'ai vu également ce que produit de façon extraordinaire et miraculeuse le progrès médical quand il est en marche. En 1995 apparaissent ce qu'on appelle les antirétroviraux. Ce sont des médicaments qui bloquent la réplication du virus. Ces médicaments, en fait, bouleversent les choses. Quand vous aviez le sida avant les antirétroviraux, c'était une condamnation à mort. Vous saviez que vous alliez mourir. Moi, tous les patients que je suivais, c'était le début de mon internat, mouraient. Et en 1995 arrivent les antirétroviraux. Et les salles d'hospitalisation, je vois physiquement, j'ai vu des services qui étaient vides. Quatre mois avant, il y avait plein de patients qui étaient condamnés. Quatre mois plus tard, il n'y avait plus personne dans les chambres parce qu'on avait donné un médicament et les gens n'étaient pas guéris. Et avaient au moins leur charge virale qui diminuait. Ils ne faisaient plus ce qu'on appelle les infections opportunistes. Donc, en fait... Ce qui est extraordinaire, c'est qu'on va encore vivre probablement des choses comme ça.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Vous voyez concrètement l'évolution.

  • Pr JUVIN

    Exactement. À l'échelon d'une vie, moi j'ai vu une révolution. Mais par exemple, imaginez que demain, on trouve un médicament contre la maladie d'Alzheimer. Alors on n'y est pas, mais bon, vous savez, à fois on va y se plaindre. Qu'est-ce qui va se passer en pratique, à votre avis ? Les EHPAD vont se vider. On vit avec l'idée que l'EHPAD…

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il n'y aura peut-être plus d'EHPAD dans 30 ans. Ce sera différent.

  • Pr JUVIN

    Ce sera un lieu de vie et pas un lieu de fin de vie.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Exactement. On peut avoir des surprises majeures et c'est pour ça que la médecine est entre médecine et société. Après la Seconde Guerre mondiale, la France était couverte de sanatoriums. C'est là où on mettait les tuberculeux. On avait pas d'antibiotiques. On soignait les tuberculeux. On disait que bon air. Le bon air. Oui,

  • Pr JUVIN

    c'était à Saint-Gervais.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais en réalité, c'était une manière de les isoler.

  • Pr JUVIN

    Oui, il en gardait un très beau souvenir.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Bien sûr, c'était en fait un endroit où on vous isolait. Sous prétexte du bon air. Ça ne peut pas faire de mal, le bon air, mais ça ne guérit pas la tuberculose. Ça a disparu, les sanatoriums. Pourquoi ? Parce qu'on a eu des antibiotiques. Mais de la même manière, peut-être que demain, médicament Alzheimer, vous n'aurez plus d'hépatite. Vous aurez d'autres maladies. Vous voyez, ce que je veux dire, c'est qu'il y a un lien intrinsèque. entre le programme médical et l'organisation de la société. On considère quand même que le vaccin anti-Covid a permis probablement de sauver 10 à 15 millions de personnes dans le monde qui seraient mortes.

  • Pr JUVIN

    Sans vaccin. Les plus âgés, les…

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ah oui.

  • Pr JUVIN

    Ah oui, je sais que vous avez mon grand-père à la fin, qui est décédé du Covid, mais lui, c'était dans les premiers, au tout début, il n'y avait pas de vaccin à ce moment-là. Il est mort le 22 mars,

  • Aude MOULINE-VANNI

    donc c'était vraiment au début de l'épidémie. Et c'est pour ça que les gens qui la jouent sur le mode « oui, mais je ne sais pas » , etc., ils ne se rendent pas compte qu'en fait, ce sont des enfants gâtés. Aujourd'hui, on parle largement, je connais mal, parce que c'est la pédiatrie, mais manifestement, les cas de rougeole augmentent parce que les gens vaccinent moins. En fait, à la fois, la médecine nous offre des choses et comme nous sommes des gens libres, mais parfois un peu inconséquents, on ne tire pas le maximum de ce que nous dit la médecine. C'est particulièrement vrai sur l'alimentation. Regardez, objectivement, le tabac, l'alcool, la mauvaise alimentation créent des pathologies. Et on le sait, ce n'est pas un secret d'État. Pourtant, on se comporte mal parce que nous sommes des hommes et des femmes. Et puis, il y aura des pathologies probablement nouvelles, induites par un environnement parfois délétère. Par exemple, on sait aujourd'hui que les aliments ultra transformés crée une inflammation chronique dans le tube digestif, puisque vous les avalez, donc ça crée une sorte d'agression permanente. Je ne vais pas vous le manger une fois, mais si c'est votre ration calorique habituelle, on considère que les Américains, si plus de la moitié de votre ration calorique c'est de l'ultra transformé, vous avez une augmentation de 20 à 25% du risque de cancer du côlon, qui est un cancer qui est grave s'il n'est pas détecté tôt, parce qu'on n'a pas beaucoup de traitements. Et donc, typiquement, vous aurez aussi des maladies environnementales qu'il faudra prendre en compte. On est assez éduqués,

  • Pr JUVIN

    en fait, sur tout ça. Tout le monde sait qu'il ne faut pas manger de choses très grasses. Vous ne mangez jamais de Nutella ? Moi aussi. Et pourtant, je sais que ce n'est pas bon. Mais nous sommes des hommes et des femmes avec nos faiblesses. On ne peut pas tout s'interdire, en fait.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Absolument. Il y a la cigarette, déjà, l'alcool, la vincian.

  • Pr JUVIN

    La question, c'est qu'il faudrait au moins tout. tout le monde soit conscient. Et puis, si vous fumez, vous le faites en connaissance de cause. Mais c'est complexe, parce que nos motivations sont évidemment diverses. Il y a les motivations économiques. Pourquoi les gens mangent beaucoup d'aliments ultra-transformes ? Parce qu'ils n'ont plus le temps de faire la cuisine. C'est ça aussi. Quand vous avez 4 heures, 10 minutes, c'est pas mal. Quand vous avez 4 heures de 2 heures allées, 2 heures retour de travail, quand vous arrivez le soir... On a pas envie. vous ne savez pas où faire la cuisine. Donc, vous faites un truc comique, ultra transformé, et il y a mieux pour la santé.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Du coup, avec toutes ces avancées médicales dont vous parliez, en fait, les jeunes, je reviens un peu aux jeunes, mais eux, justement, ils sont très jeux vidéo, programmation et tout ça, mais toutes ces avancées médicales et l'IA, c'est parfait pour des jeunes, en fait. Il y a, par exemple, dans le collège lycée de mon fils, en seconde, ils proposent aux pilotes d'avion de faire une formation pour les jeunes en seconde. Ils passent un brevet, ceux qui veulent, ce n'est pas du tout obligatoire, ils passent un brevet d'aéronautique. Et ça, je trouve ça exceptionnel. Je me dis que la médecine devrait faire quelque chose comme ça. On devrait aller dans les lycées, parce que les pilotes d'avion qui travaillent, ils ne sont pas à la retraite, c'est des gens qui travaillent, ils font la formation toute l'année pour des jeunes de seconde. Je me dis qu'il faudrait faire la même chose avec la médecine.

  • Pr JUVIN

    Mais moi, je vais vous dire, je porte depuis des années un projet que j'avais vu faire aux États-Unis, qui serait de... proposé aux élèves de 3e ou de 2e, mais plutôt tôt, 3e seconde plutôt que terminale. Parce qu'au terminale, on a déjà fait son choix. Prendre, par exemple, les grandes vacances, les 15 jours à février, les 15 jours à Pâques. Ceux qui veulent faire un métier de la santé, on les prend pendant 15 jours en immersion, dans le monde de la santé, mais en immersion totale. C'est-à-dire qu'on leur donne le pyjama de bloc, on leur donne la blouse, ils font trois jours aux urgences. Trois jours dans le cabinet de l'éthique générale, trois jours dans l'EHPAD, dans l'unité de soins palliatifs. et on les fait jouer au docteur ou à l'infirmière. Ils ont l'impression d'être… Ils font des rencontres. Pourquoi, en fait, dans la vie, ce qui est important, c'est les rencontres ? Bien sûr, mais tout le monde n'a pas la chance de faire des rencontres.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Moi, je fais des rencontres. Je fais des rencontres parce que j'ai des gens que j'admirais et je voulais faire pareil. Il faut être un peu trop pistonné pour tout, et c'est ce que je reproche, par exemple, les enfants en troisième, on a un stage, mais en seconde, maintenant, ce n'était pas le cas avant, ils ont un stage à la fin d'année de deux semaines. Les enfants de seconde qui ne connaissent personne, ils n'ont pas la chance d'avoir quelqu'un qui va les prendre en stage. C'est là où je trouve que c'est complètement ahurissant. On ne les aide pas,

  • Pr JUVIN

    ces enfants. Le stage est un marqueur social, évident. À l'hôpital, on n'a pas le droit de prendre de stagiaires de troisième parce qu'ils n'ont pas le droit d'être au contact des patients. Mais je le fais quand même. Il ne faut pas le dire. Donc, vous ne le direz évidemment pas. Parce que c'est la seule manière qu'on a de faire soit naître des vocations, mais c'est aussi important d'ailleurs de permettre à quelqu'un de se dire finalement c'est pas pour moi le chiffre traîne je ne sais pas s'il est vrai mais il est peut-être vrai que 25% des infirmières diplômées à la fin de leurs études finalement ne feront pas de médecine parce qu'elles se sont trompées de filière et donc si vous pouviez on pouvait mettre en immersion pendant une semaine quinze jours, un mois morceler sur deux ans les jeunes en deuxième ou troisième seconde peut-être qu'il y en a qui aimeraient, qui tomberaient amoureux de ce métier et qui les feraient. Moi, j'avais été frappé d'un truc quand la série Urgence est sortie pour la première fois il y a 20 ans. Il y a eu un pic d'inscription en première année de médecine. Et forcément, ils sont tous beaux, ils sont intelligents, on a envie d'en rencontrer Georges Clooney. Et donc du coup, ça marche. En fait, ça marche. Simplement. ça devrait s'organiser, ça devrait être quasiment la règle.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, tout donne envie.

  • Pr JUVIN

    Moi, mes enfants ne font pas médecine, mais s'ils avaient voulu, ils auraient pu faire des stages en médecine, il n'y a pas de difficulté. En revanche, je connais des tas de gens qui aimeraient bien avoir des stages en médecine et qui n'ont pas accès, ce n'est pas normal. Je trouve qu'il faudrait que l'éducation nationale s'ouvre un peu au monde du travail et passe des conventions avec tous ces gens. Mais je parle de la médecine. La police. Et probablement,

  • Aude MOULINE-VANNI

    oui, chez tout le monde. Oui,

  • Pr JUVIN

    bien sûr. Chez tout le monde.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ok. Est-ce que, moi, c'est une question en ce moment un peu brûlante sur le projet de loi sur la fin de vie ?

  • Pr JUVIN

    Ce n'est pas un projet de loi sur la fin de vie, c'est ce qu'ils disent. Mais en fait, les critères…

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est ce que je comprends, moi.

  • Pr JUVIN

    Les critères, les critères tels qui sont définis par la loi, vont permettre de proposer le suicide assisté ou l'euthanasie à des gens qui potentiellement aussi ont plusieurs années à vivre.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Parce que moi, ce que j'entends, je vais vous demander en tant que médecin et en tant que députée votre position, même si je crois que je la connais un petit peu. Mais moi, quand j'entends et quand je regarde les nouvelles, je comprends que c'est pour des personnes qui sont condamnées en phase terminale et qui sont certaines de mourir assez rapidement et pour lesquelles on abrangerait leur souffrance. Non. Je me trompe ? Oui. C'est ce qu'on dit aux nouvelles quand même.

  • Pr JUVIN

    Oui, mais ce n'est pas vrai. Ok. En fait, d'abord. Moi, je suis contre l'acharnement thérapeutique. Premièrement. Deuxièmement, il y a aujourd'hui des techniques que l'on met en œuvre qui permettent de vous endormir quand, à la fin de votre vie, vous souffrez trop. D'accord. On le fait déjà. On le fait dans les unités de soins palliatifs, on le fait aux urgences, on le fait dans tous les services de médecine. Vous souffrez, vous avez un cancer, par exemple, en fin de course, vous avez trop mal, vous respirez mal et... il faudrait vous intuber mais vous ne voulez pas, vous n'arrivez plus à manger, il faudrait vous mettre une gastrostomie, c'est-à-dire un trou dans le ventre pour vous nourrir et vous ne voulez pas, ce qu'on fait dans ces cas-là, on peut vous proposer de vous enlever. Ça s'appelle la séparation profonde et continue, ça existe, c'est dans la lune. Ça, il faut vraiment l'avoir. Le troisième truc à savoir, c'est qu'aujourd'hui, un Français sur deux qui a besoin de soins palliatifs n'y a pas accès. Parce qu'il n'y a pas un sur deux qui meurent. et dont on dit celui-là, il faudrait qu'il aille au soins réactifs, il n'y va pas, pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de place. Quand vous avez pris tout ça, vous pouvez quand même vous dire qu'on a probablement des moyens à mettre en œuvre déjà pour soulager vos souffrances en fin de vie, c'est vrai. Et déjà, il y aurait beaucoup à faire, à mettre tout le monde au bon niveau. Le projet de loi qui existe, d'ailleurs, ne prononce pas nulle part le mot euthanasie ou suicide assisté. Ça n'apparaît pas. Alors qu'on ne parle que de ça. Et d'ailleurs, je vais même vous dire que dans le projet de loi, il y a un point qui me révolte, c'est qu'il est expressément dit que dans le certificat de décès, une fois que vous aurez été euthanasié… Merci. Il faudra cocher mort naturelle, alors que c'est tout autre naturel, puisque je vous ai administré quelque chose qui vous tue. Non, en fait, le projet de loi définit les critères pour dire celui-là a accès, celui-là n'a pas accès. C'est quoi les critères ? Je peux vous les citer, c'est très court. Une maladie grave, incurable, c'est-à-dire qu'on ne peut pas guérir. On ne peut pas guérir, mais est-ce qu'on peut être en rémission par exemple ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, bien sûr, la rémission ça ne signifie pas guérir. Voilà, mais c'est pour ça que je pose la question. Je parle de la guérison.

  • Pr JUVIN

    Ça veut dire qu'on peut vivre encore plusieurs années.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Absolument. Pronostic vital engagé. Est-ce que c'est un jour, un mois, un an, dix ans ?

  • Pr JUVIN

    En général, quand on dit que le pronostic vital est engagé, il n'y a pas de durée. On ne sait pas. On peut le dire et le malade peut rester encore vivant pendant un an. Je vais vous donner un exemple. Et enfin, il faut que ça soit une maladie en phase terminale ou avancée. maladie et que vous souffriez terriblement, de façon insurmontable, soit physiquement, soit psychologiquement, avec le caractère subjectif. Vous voyez, on a tous des moments de détresse. Et je rajoute une dernière couche, pour que vous compreniez bien, ces souffrances, elles sont soit rebelles au traitement, soit le traitement est efficace, mais vous avez décidé de ne pas le prendre. Et bien tout ça fait que vous avez le droit à l'euthanasie. Et donc moi, ce que je dis, c'est que quand je prends cette définition-là, Je peux vous lister des pathologies de gens qui ont plusieurs années à vivre. Évidemment, ça va couvrir des gens qui ont peu de temps à vivre. Et là, en fait, je pense que la loi y répond déjà puisqu'on peut les endormir. Mais par exemple, prenez une femme chez laquelle on découvre un cancer du sein avec des métastases osseuses d'emblée. Aujourd'hui, avec les immunothérapies, certaines ont une très bonne réponse et on appelle ça des survies, comme ça qu'on dit, de plusieurs années, 4, 5, 6 ans. Ça répond à tous les critères, maladies graves. incurable, pronostic vital engagé, pas à un mois mais à cinq ans, et vous pouvez avoir des souffrances, y compris psychologiques, vous pouvez le demander. Quelqu'un qui est dialysé, dialyse, parce que ses reins ne fonctionnent pas, il a une maladie grave, par définition incurable, même la greffe rénale ne vous guérit pas puisque vous devez prendre des immunosuppresseurs durant toute votre vie. Votre pronostic vital est engagé parce que si vous arrêtez la dialyse, vous mourrez en deux semaines, et quatrièmement, vous pouvez avoir des souffrances parce que des souffrances physiques ou plutôt psychologiques, parce que vous êtes en détresse, parce que c'est très pénible, là vous avez 20 ans à vivre. Et donc en fait c'est une loi qui n'est pas sur la fin de vie, qui est une loi sur l'euthanasie et le suicide assisté, qu'on peut défendre pour des raisons philosophiques. Et c'est ça le sujet. Les gens qui sont autour le défendent en disant que c'est une loi de liberté. On ne pourra peut-être pas décider à ce moment-là.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il a le droit de demander l'euthanasie. C'est-à-dire qu'on lui interdit, on dit...

  • Pr JUVIN

    a le droit de signer un chèque et a le droit de signer l'euthanasie. Ça paraît fou, dit comme ça, ça paraît fou. Comment vous lutteriez contre les déserts médicaux et garantir une égalité d'accès au soin entre la province, mais aussi les territoires d'outre-mer ? Je doublerais le nombre de médecins formés, c'est indispensable de le faire, les Anglais l'ont fait. Ce n'est pas fait pour des tas de raisons liées à des... l'administration qui ne prend pas la décision, les facs qui veulent... Ça, ça serait assez facile à mettre en place.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il suffit que le ministre décide...

  • Pr JUVIN

    Si vous êtes déçu de l'attender... C'est la première décision que je prends. C'est-à-dire que l'année prochaine, on double le nombre d'étudiants qui entrent en deuxième année de l'INSEE. Et je fais quasiment pareil pour...

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais comment on les double ?

  • Pr JUVIN

    Pourquoi on en a plus ? Il y a un concours, vous savez, en fin de première année de l'INSEE. Oui, on ouvre un peu plus. Mais on double le nombre de gens qui accèdent. Première chose que je fais, mais vous me direz avec raison que ça produira des effets 10 ou 15 ans plus tard, c'est vrai, mais il faut quand même commencer. Deuxièmement, parce que c'est depuis des années qu'on le dit, on aurait commencé au moment du Covid, ils étaient déjà formés, ils seraient déjà interdits. Deuxièmement, j'augmente considérablement le nombre de médecins étrangers qui viennent travailler en France. Pour vous donner le chiffre, il y a un an, Il y avait 20 000 médecins étrangers qui voulaient venir travailler en France. 20 000. On en a pris, à votre avis, combien ? 2 700 ou 2 400. Et j'ai dit aux ministres, c'est absurde. C'est absurde. Ou bien ils ont le niveau. Dans ces cas-là, tu prends tous ceux qui ont le niveau. Ou bien ils n'ont pas le niveau. Dans ces cas-là, tu ne prends même pas 2400. Tu prends ce niveau. Or, on a dit avant, c'est un concours, c'est 2004. Donc, qu'est-ce que je fais si je suis ministre ? Je dis d'emblée, je prends tous ceux qui ont le niveau. C'est-à-dire que je ne fais plus un concours, mais je fais un examen. Ce sont des médecins qui sont opérationnels tout de suite. En général, on les forme pendant deux ans pour les mettre à niveau. Enfin voilà, ça signifie que dans deux ans, j'ai une machine qui crache de la ressource humaine. C'est ça notre sujet. Troisièmement, il y a des tas de tâches qui sont à faire aux médecins que je donne à faire à d'autres. Je ne suis pas sûr, par exemple, que ce soit indispensable que ce soit votre médecin qui fasse le certificat pour faire de la gym pour votre fils à l'école. Et puis je libère les médecins de tâches administratives absurdes. On considère, sur les chiffres qui sont habituellement retenus, qu'un médecin généraliste en ville a... 4 à 5 heures par semaine de tâches purement administratives. Ça paraît fou. Ça fait une demi-journée. Alors, je préfère cette demi-journée qu'il apprenne soit pour se reposer parce qu'il est crevé, soit pour voir des malades de plus, soit pour voir plus longtemps les malades qu'il reçoit.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais les médecins, le doublement de médecins et les médecins qui viendraient de l'étranger, pourquoi ils iraient ailleurs qu'à Paris, qu'à Rennes, qu'à Nice ?

  • Pr JUVIN

    Parce que ça s'appelle la concurrence. Et il y a un moment où...

  • Aude MOULINE-VANNI

    Plus il y en a, plus il n'y aura plus la place à tel ou tel endroit.

  • Pr JUVIN

    Donc, c'est une vraie... Exactement. En fait, on a cette vision très française, que je vous disais toujours, de l'hyper-contrôle administratif, où on veut tout décider à Paris. Vous savez, il y a un moment, quand il y a trop de médecins à un endroit, ils vont ailleurs. Oui, c'est vrai. Je jouerai probablement aussi, c'est un point de détail, mais je jouerai sur quelques dépassements d'honoraires aussi. Je vous donne un exemple. J'ai eu l'exemple d'un chirurgien, dont je ne dirais pas la spécialité pour qu'il ne se reconnaisse pas, qui travaille dans une ville UP de l'ouest parisien et qui opère quatre patients par mois, quatre seulement, mais qui demande 10 000 euros par intervention. C'est pas mal. Donc, il vit correctement, vous pouvez l'imaginer, mais il n'opère que quatre fois. Ça a donc deux effets. Le premier effet,

  • Aude MOULINE-VANNI

    c'est que… Tout le monde peut être opéré par lui.

  • Pr JUVIN

    Non, le premier effet, c'est que… Il ne rend pas beaucoup service au pays ? Mais surtout, je pense qu'il est mauvais. Je ne le connais pas. Ah oui, mais ce n'est pas le mot. Mais quand vous n'opérez que quatre fois par mois, c'est pas bon ? C'est un entraînement. Bah oui. Un pilote d'avion, on disait. Vous voulez un pilote qui pilote quatre fois dans l'année ou qui pilote tous les jours ? Moi, je veux quelqu'un qui pilote tous les jours. C'est pareil pour les médecins. Le gars ne pourrait pas faire ses 10 000 euros en dépassement d'honoraires, ce serait un peu moins, peut-être qu'il en ferait plus.

  • Aude MOULINE-VANNI

    En quelques mots, il me reste trois petites questions. Quelle est la force de l'hôpital public en France ? Je vais dire notamment dans le domaine de l'architecture et de l'innovation, mais en fait, quelle est la force de l'hôpital public ?

  • Pr JUVIN

    C'est ouvert 24-24, on ne vous demande pas votre carte bleue quand vous arrivez. J'ai eu l'exemple récemment d'une jeune femme qui a eu un accident très grave à l'autre bout du monde. qui a été prise en charge. Et tout de suite, la question qu'on a posée à la famille, c'est qu'il va falloir payer. Chez nous, vous aurez votre chimiothérapie, même si vous êtes pauvre. On paye beaucoup de charges en France, et beaucoup plus. On pourra faire un jour un débat là-dessus, sur les finances publiques, puisque c'est la spécialité de l'Assemblée nationale. Curieusement, ce n'est pas la médecine, c'est les finances publiques. Mais globalement, on peut quand même reconnaître qu'en France, on a la chimio, qu'on soit pauvre ou pas. Alors, il y a des inégalités, il y a des endroits où on est mieux soigné que d'autres. Il ne faut pas se faire d'illusions. Je sais où me faire opérer, je sais où ne pas me faire opérer. Donc, je ne vous dis pas que tout est parfait, vraiment. Mais globalement, vous n'arrivez pas à vendre votre maison parce que vous avez eu un accident de santé. C'est ça la vôtre.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est déjà énorme. Est-ce qu'il y a un moment qui vous a particulièrement marqué au cours de votre carrière,

  • Pr JUVIN

    vos urgences ? D'abord, il y a des tas d'histoires humaines, bien sûr. qui sont chaque fois très prenantes. Il est clair que je ne suis pas un médecin de l'enfant, je suis un médecin de l'adulte. J'ai fait un peu de pédiatrie parce que dans ma spécialité, il fallait en faire. J'ai quelques souvenirs très prénants qui sont des enfants qui meurent parce que vous êtes obligés quand vous êtes réanimateur. J'ai fait pas mal de SAMU à l'époque. Donc évidemment, vous avez à traiter des patients de tous les âges. Quand on vous appelle, vous venez. J'ai été médecin chez les pompiers de Paris. Les cas qui m'ont le plus parqué, chaque fois, c'était des enfants qui mouraient. Là, c'est quelque chose que je ne maîtrise pas suffisamment au plan du contrôle. Pour les russions. Absolument. Et,

  • Aude MOULINE-VANNI

    on va finir sur une note positive, si vous deviez partager un message d'espoir, aux patients, aux familles et puis même aux soignants, si vous leur diriez.

  • Pr JUVIN

    Et ça, je ne m'adresse plus essentiellement d'abord aux malades de maladies graves. Le progrès médical va à une vitesse qui est inégalée par rapport à ce qu'on a connu dans l'histoire. Et moi, je connais des patients à qui on a fait des diagnostics de cancer, dont on disait quand j'étais à l'école de médecine il y a très longtemps, que c'était sans espoir, qui vivent plusieurs années après. Parce que sans arrêt, mais sans arrêt, il y a des nouvelles molécules qui sortent.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est d'heure en heure presque en fait. Oui. On peut vraiment espérer que quelqu'un est gravement malade, qu'il n'aura pas l'apprentissage pour quelque chose qui va se passer.

  • Pr JUVIN

    De mois en mois, on voit arriver des solutions thérapeutiques à des patients qui, le mois précédent, ne l'avaient pas. Ah oui, ok. C'est l'immunothérapie, c'est l'ARN messager, c'est… tous ces moyens de médecine très personnalisés qui font qu'on va vous donner une molécule qui va fonctionner chez vous et pas chez votre maison. Et ça, c'est l'espoir qu'on doit avoir. Oui, absolument. Ça a bouleversé la médecine. Encore une fois, les patients que je voyais mourir en quelques mois sont là depuis des années.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est-à-dire qu'un patient qui vous en a vécu pour longtemps, c'est la fin. Ce patient-là, il a vécu plusieurs années. Est-ce qu'on a trouvé des médicaments ?

  • Pr JUVIN

    Bien sûr, il y a un moment où on sait qu'on n'y arrivera pas. Il y a encore cela, bien sûr. Mais ce qui est certain, c'est qu'il y a aujourd'hui des pathologies dont on peut vous dire, écoutez, là, je n'ai rien. Malheureusement, je n'ai rien à vous donner. Mais il n'est pas exclu que dans six mois, il y ait quelque chose. Et ça change réellement la donne.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ça change aussi le mental.

  • Pr JUVIN

    Bien sûr, j'ai même un souvenir d'un patient qui était un proche qui a une maladie cancéreuse. qui n'avait pas de traitement. Six mois plus tard, il avait un traitement. Il le reçoit, il est en rémission. Il refait une rechute, pas de traitement. Trois mois plus tard, un nouveau traitement carré. Et ça a duré des années comme ça. Il a vécu quand même des années après. Des années.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il a vécu des années, mais sans trop souffrir.

  • Pr JUVIN

    Non, en bon état. Ça allait. Bien sûr. En continuant une activité professionnelle, avec sa famille, etc. D'accord. Regardez-vous. Le progrès, c'est incroyable. Ça va à toutes les fenêtres. C'est incroyable. surprenant Quand j'entends quand même que des gens sont en train de parler de thérapie génique pour la maladie de Charcot, qui pourrait arriver dans les très proches années, c'est extraordinaire. Demain, imaginez ce que je vous ai dit, le traitement de la maladie d'Alzheimer. Il y a un film dont je n'ai plus le titre, il faut absolument voir qu'il y a au moins 30 ans, c'est l'histoire d'un médecin américain. qui découvre la dopamine, la dopamine, c'est un médicament qu'on donne dans la maladie de Parkinson. Et il se trouve qu'après la Première Guerre mondiale, il y a eu une épidémie virale mondiale, je ne sais plus quel virus, qui a donné des encéphalites. Il y a des tas de gens qui sont tombés dans le coma, ou plus exactement dans un état d'absence de vie de relation, parce qu'ils avaient l'équivalent d'une maladie de Parkinson, qui n'était pas, mais qui était médiée par la dopamine, et ils n'avaient plus de vie de relation. Ils vivaient dans une chaise comme ça. Et cette histoire raconte la découverte de la dopamine qui fait que ces gens qui sont pendant une décennie ou deux enfermés dans leur corps se mettent à se réveiller. Je pense que c'est avec Dustin Hoffman qui joue le rôle du patient.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ça me dit quelque chose,

  • Pr JUVIN

    oui. C'est un film extraordinaire sur les surprises, les bonnes surprises que peut montrer le handicap. Ça veut dire qu'il y a encore une fois beaucoup de participants. une recherche financière en participant à des essais cliniques quand vous êtes patient vous participez à des essais cliniques vous faites partie et bien sûr et puis en ne véhiculant pas de fausses idées parce qu'il est évident que quand vous dites aux gens de ne pas se faire soigner et que vous avez un peu de crédit pour une raison qui fait que parce que vous êtes bien entendu dans la sphère publique on vous écoute pour autre chose faites attention à ce que vous dites en fait il faut être très prudent dans ce qu'on dit encore une fois Je me souviens des antirétroviraux de 1995. Celui qui attrape le Sina en 1994 doit se dire « je suis condamné, je vais en mourir » . Un an plus tard, il a les antirétroviraux et il vit. Il est probable qu'il y ait des gens qui ont été contaminés en 1994 et qui sont toujours vivants aujourd'hui, grâce aux antirétroviraux.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui,

  • Pr JUVIN

    il y a du progrès, il y a de l'espoir. J'ai vu un patient de 82 ans aux urgences qui venait de l'Hépate, qui était séropositif. Et je pense qu'il avait dû l'attraper à peu près à cette époque-là. Donc, il était probablement condamné le jour où il s'est infecté. Et il était dans le « voilà, après tout, si je veux me suicider, qu'est-ce que ça enlève aux autres ? » C'est tout le débat. Je pense que ça enlève beaucoup, parce que d'abord, la liberté absolue n'existe pas parce qu'on n'est pas seul.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il y a encore des belles choses, et ce n'est pas fini. Non, ce n'est pas fini. Donc,

  • Pr JUVIN

    tout ne va pas si mal. Il y a des choses... Je pense que quand vous viviez il y a 100 ans et que vous n'aviez pas l'eau courante, quand il faisait froid l'hiver, quand vous aviez un poêle à charbon qui vous intoxiquait et vous mouriez parce que chez vous, il y avait du CO2, quand vous... attrapé des maladies parce que l'alimentation était dégueulasse et que dès que vous pouviez mourir parce que vous aviez une otite, vous n'aviez pas d'antibiotiques, vous savez, Jean-Baptiste Mully, le musicien du roi Louis XIV, est mort. Comment ? Parce qu'avec sa canne, puisqu'il marquait la mesure, il s'est tapé avec sa canne, il s'est tapé son pied, il s'est fait une plaie du pied qui s'est infectée et il est mort de ça. Aujourd'hui, M. Lully irait aux urgences, on lui mettrait un peu d'antiseptique, il prendrait cinq jours d'antibiotiques et il continuerait à composer de la belle musique.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est pas mal de finir comme ça. Je vous remercie beaucoup. C'était passionnant et je suis ravie de vous avoir eu comme personne extraordinaire. Merci de votre invitation. Et bon vent pour ce nouveau podcast. Merci beaucoup. Merci pour votre écoute. N'hésitez pas à laisser un petit cœur, un commentaire, à partager autour de vous. Et à très vite pour un nouvel épisode avec une autre personne extraordinaire. À bientôt, bye bye !

Chapters

  • Introduction d'Aude MOULINE-VANNI et présentation du podcast

    00:00

  • Entretien avec le Professeur Juvin : son parcours et ses engagements

    01:00

  • Motivation au quotidien et engagement

    01:40

  • Expériences sur le terrain : Afghanistan et Ukraine

    05:58

  • Amour du métier et l'importance des jeunes

    11:22

  • Défis actuels

    12:41

  • Avancées médicales et intelligence artificielle

    18:14

  • Progrès de jour en jour

    26:34

  • Intéresser les jeunes

    33:11

  • Loi sur la "fin de vie" et euthanasie

    37:04

  • Déserts médicaux et inégalités : solutions

    42:42

  • Force de l'hôpital public

    47:09

  • Moment marquant de carrière

    48:11

  • Message d'espoir

    49:07

  • Conclusion

    55:40

Description

Êtes-vous prêt à découvrir les coulisses de la médecine d'urgence ? Je vous embarque avec moi !


Dans cet épisode captivant de Mon combat santé, à la rencontre de personnes extraordinaires, je reçois le Professeur Juvin, un expert en anesthésie et réanimation, qui nous dévoile son parcours inspirant et son engagement indéfectible envers la médecine d'urgence. Ensemble, nous explorons les défis majeurs auxquels est confronté notre système de santé, notamment les déserts médicaux, un enjeu crucial qui impacte la qualité des soins.


Le Professeur Juvin insiste sur l'importance de donner un sens profond aux métiers du soin, un appel à la réflexion qui résonne particulièrement dans le contexte actuel. À travers des anecdotes saisissantes de son expérience sur le terrain, notamment en Afghanistan et en Ukraine, il nous plonge dans la réalité des soins d'urgence, tout en abordant des sujets sensibles tels que la fin de vie, l'euthanasie et l'accès aux soins palliatifs.


Les avancées technologiques, telles que l'intelligence artificielle, sont également au cœur de notre discussion. Comment ces innovations transforment-elles notre approche des soins aux patients ? Le Professeur Juvin partage sa vision sur l'évolution de la médecine et l'impact de ces outils sur la pratique quotidienne des professionnels de santé. Nous insistons sur un message d'espoir : l'avenir de la médecine repose sur une approche humaine et empathique, essentielle pour garantir des soins de qualité et respectueux de la dignité des patients.


Ne manquez pas cet épisode de Mon combat santé, où chaque mot résonne avec l'importance de l'humanité dans le soin.


Écoutez dès maintenant et plongez dans une réflexion profonde sur la santé, l'humanité et l'avenir des soins.


Rejoignez-nous pour ce voyage au cœur de la médecine d'urgence, et laissez-vous inspirer par les récits et les réflexions du Professeur Juvin. Ensemble, faisons de notre santé un véritable combat pour l'humanité.


Aude


Chapitres

  • Introduction d'Aude MOULINE-VANNI et présentation du podcast

    00:00

  • Entretien avec le Professeur Juvin : son parcours et ses engagements

    01:00

  • Motivation au quotidien et engagement

    01:40

  • Expériences sur le terrain : Afghanistan et Ukraine

    05:58

  • Amour du métier et l'importance des jeunes

    11:22

  • Défis actuels

    12:41

  • Avancées médicales et intelligence artificielle

    18:14

  • Progrès de jour en jour

    26:34

  • Intéresser les jeunes

    33:11

  • Loi sur la "fin de vie" et euthanasie

    37:04

  • Déserts médicaux et inégalités : solutions

    42:42

  • Force de l'hôpital public

    47:09

  • Moment marquant de carrière

    48:11

  • Message d'espoir

    49:07

  • Conclusion

    55:40



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Aude MOULINE-VANNI

    Bonjour tout le monde, moi c'est Aude, je suis maman de trois enfants. Je suis aussi une épouse, une femme, une soeur, une amie, une fille. Et ce podcast, il est pour vous. Comme beaucoup d'entre vous, j'ai connu les vertiges des couloirs d'hôpital. Et très clairement, ces vertiges-là, on s'en passerait bien. Mais ces vertiges et ces silences, j'ai voulu les transformer en liens. Donc j'ai décidé de prendre le micro et de créer ce podcast. Il y a une phrase que je retiens depuis longtemps d'Hippocrate, qui disait « La force qui est dans chacun de nous est notre plus grand médecin. » J'y crois. absolument. J'ai eu la chance de rencontrer des personnes extraordinaires pendant les parcours parfois un peu compliqués. Ces personnes-là, elles vont contribuer sur ce podcast à faire que nous retrouvions cette force pour ceux qui parfois l'avaient perdue. Voilà, j'espère que ce podcast vous touchera autant qu'il me porte moi. L'idée, c'est d'avoir du positif, des progrès, la médecine de demain, ce qui nous relie. Franchement, dans ce monde de brut, je crois qu'on en a bien besoin. Alors, restez connectés. Je vous souhaite une très bonne écoute avec ces personnes. extraordinaire. Professeure Jumain, je suis ravie de vous accueillir. Merci beaucoup d'avoir accepté cette invitation. Vous avez un parcours absolument exceptionnel et puis cette partie de ces personnes extraordinaires. Vous êtes professeure de médecine, députée des Républicains. Vous avez un parcours en anesthésie et réanimation puis vous êtes allée ensuite dans les urgences. Vous avez également été engagée sur le terrain dans des contextes difficiles en Afghanistan et en Ukraine plus récemment. Vous avez formé des soignants, vous allez nous en reparler. Votre engagement en tant que médecin et formateur de soignants dans ces situations témoigne aussi de votre passion et de votre dévouement. Et donc, on a pas mal de petites questions. Aujourd'hui, on aimerait en savoir plus sur votre parcours, vos motivations et votre vision pour l'avenir de la médecine d'urgence. Alors, bienvenue.

  • Pr JUVIN

    Merci beaucoup de votre invitation.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Votre parcours en médecine d'urgence et en anesthésie et réanimation est exceptionnel. Je viens de le dire. Qu'est-ce qui, aujourd'hui, vous anime ? et vous motive à poursuivre ce travail, vous avez tous les défis rencontrés au quotidien.

  • Pr JUVIN

    D'abord, ce n'est pas un parcours exceptionnel. Il y a des tas de gens qui ont le même parcours que moi. D'abord, j'ai beaucoup de chance de faire le métier que je fais. Et c'est ce que je dis aux jeunes qui veulent faire médecine ou qui veulent être infirmiers ou être soignants. Je pense que la question est, quelle est la société dans laquelle on veut vivre ? Et moi, il me semble que le plus important, c'est de donner du sens à sa vie. Et ce sont des métiers, les métiers du soin, qui naturellement donnent du sens. Évidemment, il y a d'autres métiers qui donnent du sens. Un enseignant, un professeur, un chercheur, un écrivain qui nous fait vivre des vies par délégation, tout ça, ce sont des métiers à sens. Mais je trouve que celui-ci est complet parce que c'est un métier à la fois technique, il faut mettre en œuvre des techniques qui sont parfois complexes, et c'est un métier également dans lequel on... On manie la pâte humaine. Et donc, c'est cet ensemble qui fait qu'au fond, tous les jours en allant travailler, je suis content d'y aller. Et c'est vrai que je regarde avec effroi le jour où il faudra peut-être que j'arrête de travailler parce que c'est une motivation. Moi, j'ai souvenir d'une conférencier d'internat. Vous savez, quand on prépare l'internat au milieu de ses études, il y a un concours qui est au milieu de ses études qui permet de choisir la spécialité qu'on va faire. Ça s'appelle l'internat. On le prépare avec des sous-colles. Et on avait un conférencier d'internat, on appelle ça comme ça, qui nous faisait la psychiatrie. Et il nous avait dit quelque chose qui avait heurté beaucoup de gens qui écoutaient. Il avait dit, vous savez, mère Thérésa, elle fait ça pour elle. Alors, on voit le côté un peu provocateur du truc. Mais c'est vrai, en fait, donner du sang, c'est-à-dire apporter quelque chose aux autres, on le fait aussi pour soi, parce qu'on a l'impression de servir à quelque chose. Et donc,

  • Aude MOULINE-VANNI

    même si aujourd'hui le contexte est difficile et on dit que rien ne va, Vous venez de répondre, vous êtes quand même toujours heureux d'aller travailler tous les jours?

  • Pr JUVIN

    Mais moi, je me méfie beaucoup parce qu'en fait, on a toujours dit avant c'était mieux. Probablement, nos parents, nos grands-parents disaient avant c'était mieux. Je ne suis pas sûr qu'avant c'était mieux. Je ne suis pas sûr. Peut-être dans certains domaines, on avait peut-être plus de temps à consacrer aux gens avant. Mais en même temps, nous n'avions pas les techniques que nous avons aujourd'hui qui permettent des résultats qui sont quand même importants pour les patients. Il serait mieux aujourd'hui qu'on les soignait il y a 20 ans. Et c'est vrai qu'on avait probablement plus de temps. Je me méfie d'une sorte de pessimisme ambiant, parce que c'est très français. On est quand même le pays où les gens sont les moins confiants dans l'avenir. Quand vous faites des enquêtes d'opinion, moi je suis frappé, y compris chez les jeunes. Nous sommes un pays de pessimistes et de doutes. Et je leur dis, c'est vrai, on aimerait être mieux considéré, mieux payé, avoir plus de moyens. C'est vrai, c'est vrai, certes. Mais en même temps, quelle chance, vous voyez, je leur dis, quelle chance vous avez de vivre ce que vous vivez, de pouvoir… Vous n'êtes pas, vous êtes des gens à part. Je dis ça aux internes chaque fois, quand ils arrivent, c'est les internes, c'est les étudiants qui arrivent deux fois par an, on a une dizaine d'internes qui arrivent dans le service, ils changent au mois de novembre, ils changent au mois de mai, et je le dis quasi systématiquement quand je suis président du jury de thèse, à la fin de la thèse, l'étudiant prête serment… en lisant le serment d'Hippocrate, souvent devant la famille, devant les amis, tout ça c'est sympa, il y a des photos, et je leur dis, oui, vous voyez, ce n'est pas du folklore. Vous avez une... en général, ils ont une robe noire, tout le monde est là, la famille, c'est pas du folklore. Vous lisez le serment d'Hippocrate...

  • Aude MOULINE-VANNI

    Une responsabilité.

  • Pr JUVIN

    Et il y a des engagements moraux à l'intérieur. Et ces engagements moraux, c'est pas rien. C'est pas simplement, je prête serment sur un truc qui n'a pas de sens. Ça a beaucoup de sens. On a de la chance d'avoir un métier au sens, et même si quelquefois c'est un peu complexe, quand vous prenez le truc, vous faites la balance le plus moins, je pense qu'il n'y a pas faute.

  • Aude MOULINE-VANNI

    D'accord, ça fait du bien de m'entendre ça. Vous avez exercé, je l'ai dit un petit peu avant, en Afghanistan, dans le contexte de conflit armé, et plus récemment en Ukraine, en pleine guerre, pour former des soignants. Quelles leçons vous retenez de ces expériences sur le terrain ? Sur le terrain très compliqué.

  • Pr JUVIN

    Les deux expériences sont un peu différentes parce qu'en Afghanistan, d'abord c'était il y a longtemps, j'étais médecin militaire, c'est-à-dire que j'étais dans l'armée. Et je soignais, j'étais l'anesthésiste réanimateur du bataillon français engagé contre les talibans. Donc nous étions responsables d'un hôpital militaire avec une équipe d'allemands, une équipe de bulgares et nous les français. Donc chaque fois il y avait un trio, il y avait un anesthésiste réanimateur de chacun des trois groupes, un chirurgien viscéral, le ventre. les tissus mous on va dire, et un chirurgien orthopédiste. Donc nous trois, il y avait trois Français, trois Bulgares, trois Allemands, l'équipe française était l'équipe leader et moi j'étais l'anesthésiste du trio français. Et on soignait des soldats blessés au combat bien sûr, on soignait des alliés, l'armée nationale afghane qui était notre allié, on soignait beaucoup de civils, beaucoup de civils, on soignait quelques talibans aussi qui étaient blessés au combat, qu'on nous amenait, qu'on rafistolait et puis…

  • Aude MOULINE-VANNI

    Vous faisiez de la vraie médecine d'urgence ?

  • Pr JUVIN

    C'était de la vraie médecine de guerre. Et on faisait aussi de la médecine générale. On prenait nos petites voitures blindées et on allait se promener dans la pampa. On allait dans les villages et on allait faire de la consultation. Vous arriviez le matin, il y avait 200 personnes qui attendaient. Et vous voyez 200 personnes avec… En revanche, en Ukraine, c'est un peu différent. J'y suis parti tout seul. J'avais un nom et un numéro de téléphone d'un médecin qui était dans l'ouest de l'Ukraine et que j'avais appelé, qui m'avait dit « Ok, on vous attend tel jour » . Je lui ai dit « Ok, comment je peux faire pour venir vous donner un coup de main ? » Il m'a dit « On passera vous prendre en Pologne » . Donc j'ai pris l'avion pour Varsovie, j'ai pris un train jusqu'à la frontière. Puis là, j'avais rendez-vous dans un hôtel. Et puis le type n'est pas venu. Puis la première journée est passée. Au bout de la deuxième journée, enfin, il y a quelqu'un qui est arrivé. Je suis monté dans une voiture, personne ne parlait français, je ne savais pas très bien où j'allais. On a passé la frontière, on est arrivé tard le soir, et je suis resté deux ou trois semaines, où j'ai fait un peu de médecine, un peu d'anesthésie. On faisait de l'anesthésie dans les caves, parce que les hôpitaux, pour éviter les cas d'oglus, avaient organisé les blocs opératoires au sous-sol. Donc j'ai fait un peu d'anesthésie, et j'ai fait beaucoup d'enseignements de sauvetage au combat, ce que j'avais appris en Afghanistan en réalité. Comment on fait quand on est soldat et qu'on a... collègue qui est blessé, qu'est-ce qu'il faut faire pour le secourir et pour ne pas se faire tuer soi-même. Et dans les deux cas, réellement, ça paraît évident, vous allez me dire, c'est des portes ouvertes, j'enfonce des portes ouvertes, mais la chance qu'on a, on a une chance incroyable de vivre en paix, d'avoir un système de santé qui est en réalité très généreux, on ne se rend pas compte de la chance que nous avons. Et c'est ça probablement que je veux faire passer comme message. Tout ne va pas bien, bien sûr, tout n'est pas parfait. Globalement, allez voir là-bas comment ça se passe. En Afghanistan, moi je vais souvenir, dans les villages, on passait dans les villages, on trouvait des gars avec une chaîne aux pieds, attachés à un mur, parce que c'était probablement le fou du village. Probablement souffrait-il d'une sorte de schizophrénie. Et qu'est-ce qu'ils font là-bas ? Ils ne les soignent pas, ils les attachent. Et en Ukraine, c'est la guerre, avec tout ce que ça a d'incroyable. Il m'est arrivé d'ailleurs une expérience assez drôle, que j'ai filmée, mais par hasard. Quand je quitte l'Ukraine, je rentre dans une voiture, on repasse la frontière, et donc... Je suis à l'arrière d'une voiture conduite par deux Ukrainiens qui ne parlent pas français, deux malabars, et qui doivent me ramener en Pologne. On fait la queue à la frontière parce qu'ils contrôlent, évidemment. Et donc, ils nous laissent passer. Et on passe de l'Ukraine, quasiment paysage un peu triste, grisâtre. Vraiment, j'avais cette impression-là. En tout cas, paysage de pays très pauvres. Parce que vous savez, les caractéristiques des pays en guerre, c'est qu'ils sont très pauvres. Toujours. La guerre, ça apporte de la pauvreté. Et on passe à la Pologne, l'Union européenne, les champs bien cultivés. tout ça en 200 mètres des pays enfin tout est nickel tout est beau et à ce moment-là ça paraît dingue ils ont mis la musique ils ont une radio moi je filme le passage de la frontière de la frontière ouais et là il y a une chanson qui se déclenche en français c'est Joe Dassin je crois Si tu n'existais pas Si tu n'existais pas et c'est incroyable et donc je filme le passage d'un pays en guerre à l'Union Européenne en paix avec Si tu n'existais pas Merci. D'ailleurs, la vidéo a été filmée, elle est passée sur, je crois, c'est à vous, c'est dans l'air, une de ces émissions où je leur avais donné. Et en fait, si tu n'existais pas, l'Union européenne, il faudrait qu'on t'invente. C'est ça que j'en ai déduit. Si tu n'existais pas, notre société en paix, avec des objets qui fonctionnent, il faudrait les inventer. Donc, on a beaucoup de chance, c'est ce que je voulais vous dire. Super.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Dans ce contexte-là où tout le monde est triste et tout est un peu morose, on a besoin de ces bonnes nouvelles et ce podcast est fait pour ça. Qu'est-ce que vous préférez dans votre métier ? Ça a été une question pour vous.

  • Pr JUVIN

    C'est une bonne question.

  • Aude MOULINE-VANNI

    S'il y a une chose que vous préférez ou deux.

  • Pr JUVIN

    J'aime bien l'avantage de travailler dans un hôpital universitaire, c'est que vous avez des équipes qui sont jeunes. Les internes sont jeunes par définition, les externes sont encore plus jeunes, les chefs de clinique, ils ont 25 ans, vous voyez. Et ça, c'est quelque chose que j'ai remarqué. J'ai aussi travaillé un peu au Liban avec les militaires. Quand j'étais en Afghanistan, quand j'étais au Liban, les soldats français qui vous défendent, ils ont entre 18 et 24 ans.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ils sont très jeunes,

  • Pr JUVIN

    oui. Le lieutenant, il a 23 ans. Quand les pompiers vous amènent un patient à l'hôpital, ils ont entre 18 et 22 ans. Quand les policiers vous amènent quelqu'un ou les escortent, ils sont peut-être un peu plus âgés, mais ils ne sont pas très vieux. Et à l'hôpital, la nuit, si vous allez à l'hôpital, quel que soit l'hôpital, vous allez trouver... Ah oui, vous allez trouver à l'interne, vous allez trouver le chef de clinique, tout ce petit monde au max. à 30 ans. Et donc, ça aussi, c'est un élément qu'il faut avoir en tête.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Les jeunes sont indispensables.

  • Pr JUVIN

    Oui, non seulement ils sont indispensables, mais les gens qui vous disent « la jeunesse aujourd'hui, ça ne marche pas » , en réalité, sans eux, ça ne marche pas. Ce sont eux qui tiennent la France.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, ils sont là pour les métiers essentiels. Bien sûr. Quels sont selon vous les défis actuels pour les services d'urgence en France ? Alors, il y en a beaucoup, mais...

  • Pr JUVIN

    Le sujet est une manche. On va arriver à faire face à l'absence de médecins en ville. C'est-à-dire que quand vous n'avez plus de médecins en ville, les gens, qu'est-ce qu'ils font ? Ils vont à l'hôpital. Et il est là notre sujet. Notre sujet, c'est que les urgences deviennent le seul endroit où la lumière est allumée. Et donc, par défaut, ils viennent là alors qu'ils auraient dû, en théorie, aller ailleurs.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Aller chez le médecin en ville.

  • Pr JUVIN

    Il y a la question de la santé mentale aussi. C'est que l'épidémie de dépression, d'anxiété, Je voyais les chiffres, en particulier chez les jeunes, c'est très inquiétant. Je crois que 13% des lycéens ont déjà fait une tentative de suicide. C'est dramatique. Je crois que 25% des collégiens ont déjà pensé à la mort. Donc, on a un problème de santé mentale majeur. Il n'y a plus de psychiatres en ville. C'est très difficile. Quant au pédopsychiatre, je ne peux pas le dessiner. Donc, tous ces gens viennent chez nous par défaut. Donc, c'est ça l'enjeu. C'est comment reconstruire un système qui s'articule sur de la médecine de ville qui fonctionne. sur des EHPAD qui fonctionnent, parce qu'un quart des Français meurent dans les EHPAD.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Un quart ?

  • Pr JUVIN

    Un quart, oui. Souvent, avant de mourir, on les emmène à l'hôpital. C'est pas toujours utile, les transports. Donc, faire des EHPAD des lieux de vie, et pas des lieux où on vit mal. Fin de vie,

  • Aude MOULINE-VANNI

    oui. Est-ce que vous avez mis en place des initiatives concrètes pour améliorer la gestion des urgences ?

  • Pr JUVIN

    Oui, en permanence, on modifie les choses. ça ne se voit pas, ce n'est pas spectaculaire. C'est un sujet quasiment politique, c'est-à-dire que quand on parle de la difficulté de l'hôpital public, etc., il y a toujours un ministre plus intelligent qu'un autre, un parlementaire plus intelligent qu'un autre, un journaliste plus intelligent qu'un autre, qui vous fait le plan, le plan majeur.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, ils ont toutes les solutions.

  • Pr JUVIN

    Grand 1, grand 2, grand 3, paf, paf, paf, et puis clac.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ça a l'air facile, oui.

  • Pr JUVIN

    En fait, la clé, moi, je crois, de l'amélioration des choses, elle est Elle est dans des... dans la liberté qu'on donne aux individus sur le terrain. Au moment du Covid, quand il a fallu ouvrir des unités de réanimation, Heureusement qu'on n'est pas passé par les procédures habituelles, on aurait mis des années à ouvrir. On les a ouvertes en 24 heures.

  • Aude MOULINE-VANNI

    On a pris des décisions en fait.

  • Pr JUVIN

    Exactement. Et dans un service hospitalier. Mais comme c'est le cas dans la vie, si vous voulez que les choses s'améliorent, il faut faire confiance aux gens sur le terrain. Il faut être créatif aussi. Parfois ils se trompent. Et la plupart du temps, globalement, et ce n'est pas grave de se tromper. Et quand vous voulez améliorer les choses, vous faites confiance aux gens. Donc oui, il y a tout un tas de petites choses qu'on fait. et qui ne seraient pas la une du 20h avec ça. Et vous améliorerez réellement les choses. Par exemple, là, on a mis en place, ça va vous paraître une banalité extrême, mais quand on finit notre journée dans un service d'urgence, c'est une partie du service qu'on appelle le service porte. En fait, ce sont des lits d'hospitalisation dans le service des urgences en attendant de pouvoir hospitaliser les patients éventuellement le lendemain. D'accord. Donc, dans mon service, j'ai 20 lits.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Parce qu'on manque de place.

  • Pr JUVIN

    Oui, quand vous dites, après tout, les gens vont probablement rester 24 heures à l'hôpital, c'est pas la fête pour les chambres. Je les mets dans une de nos chambres. Donc, on a un service d'hospitalisation. C'est comme la même structure qu'un service d'hospitalisation, mais ça dépend de nous. Avant, on faisait chacun une transmission. Le soir, celui qui partait disait à celui qui restait, « Voilà, j'ai M. Machin, il a ça, M. Truc, il a ça, Mme Machin. » Et on le faisait sur un papier Word. Le papier se perdait, donc du coup, nous sommes créés. un fichier commun où chacun implémente le truc. Alors, vous allez me dire, c'est le B.A.B. Oui, oui, mais en fait, ce qui est extraordinaire, c'est qu'il n'y a souvent pas besoin d'un plan pluriannuel à milliards d'euros. De petites choses suffisent à améliorer souvent considérablement le quotidien. C'est vrai en médecine, mais c'est vrai dans tout, vous voyez. Et méfiez-vous de ceux qui ont la solution de baguette magique. En fait, moi, je ne crois pas au grand système. Je crois à la liberté. Je pense que les sociétés prospères sont les sociétés où on a fait confiance à l'intelligence des individus et à leur capacité à trouver des choses. Les gens qui vous proposent de grands systèmes, les grands systèmes, ça ne marche pas toujours. Pourquoi ? Parce qu'ils ont été décidés à un niveau qui ne prévoit pas tout.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Qui ne se rendent pas forcément compte de la réalité du terrain aussi, ces gens-là.

  • Pr JUVIN

    Et puis les impondérables. Et puis les motivations des gens, vous savez, les grands plans. ne valent que s'ils sont mis en œuvre et s'ils sont trop complexes. C'est Raymond Aron qui disait, je crois que les sociétés prospères sont les sociétés qui font confiance aux potentialités des individus. Donc, il faut faire confiance aux potentialités des individus. C'est vrai en médecine et c'est vrai dans toute la société. Faites confiance aux potentialités des maires, des communes. Vous verrez, la ville sera propre, elle sera sûre, elle sera bien éclairée. Parce que le maire, il connaît et il veut le prendre. ne pas se faire engueuler. En fait, les gens sont de bonne volonté.

  • Aude MOULINE-VANNI

    En fait, on ne fait pas confiance.

  • Pr JUVIN

    Nous sommes une société d'hyper-contrôle administratif. Et la société d'hyper-contrôle administratif empêche les gens d'agir parce que les gens veulent d'abord répondre à des règles, alors qu'en fait ils devraient vouloir d'abord répondre à une efficacité. Non pas qu'il ne faut pas de règles, bien entendu. Les règles sont protectrices. Mais je crois à la vertu de la liberté.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Pour les nouvelles technologies, les avancées médicales, est-ce qu'il y en a qui transforment le quotidien des urgences ?

  • Pr JUVIN

    Bien sûr. Par exemple, nous, les radios des os, des articulations, quand vous avez un traumatisme, sont désormais interprétées par l'intelligence artificielle.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ah oui, d'accord.

  • Pr JUVIN

    C'est-à-dire que vous êtes tombé, vous avez mal au bras, je vous ai fait faire une radio du bras, l'intelligence artificielle va me dire fracture, pas fracture, doute, pas doute.

  • Aude MOULINE-VANNI

    D'accord. C'est un gain de temps énorme aussi ?

  • Pr JUVIN

    Oui. En fait, tout l'enjeu des nouvelles technologies, c'est de nous redonner du temps médical. Il y a des trucs qui nous prennent du temps. Et notre temps, en fait, il est précieux. Avec vos impôts, vous m'avez payé des études. Vous m'avez payé 15 ans d'études. Je ne sais pas combien j'ai coûté à la société, mais je pense que j'ai coûté très cher à être formé. Et donc, ce temps maintenant que je dépense, entre guillemets, dans mon hôpital, pour vous, pour la société, je vais me faire des choses que je suis le seul à savoir faire, plutôt que des choses... banal qui peut être fait par n'importe qui, y compris par une machine. Oui, l'intelligence artificielle, mais il y a plein d'autres choses. On a automatisé tout un tas de tâches. Je suis persuadé que demain, on va arriver à un système où, probablement arrivant aux urgences, vous remplirez un questionnaire. Celui-ci implémentera une base de données. Avant que vous ayez même vu le médecin, on récupérera tout un tas... vos antécédents, votre dossier MHA, ça sera mouliné. Et le médecin aura quelques hypothèses qui lui seront présentées quand vous viendrez me voir. Je dis, ah bah oui, les cinq hypothèses principales, c'est ça que vous avez. me fera des propositions, peut-être aura déjà prescrit les examens complémentaires avec ou pas mon aval, tout ça se définit, on va comprimer le temps, on va le rendre plus efficace. Et puis, il y aura probablement moins de loupés. Il y avait une étude qui était incroyable, qui a été publiée il y a un an et demi, qui a un peu bouleversé tout le monde, mais qui est très intéressante. C'est une étude en double aveugle, avec trois groupes. C'était de la téléconsultation, comme nous. Premier groupe, le patient avait... Le patient, c'est ça, avait en face de lui un vrai médecin. Deuxième groupe, il avait en face de lui une intelligence artificielle. Troisième groupe, il avait un médecin qui était conseillé par l'intelligence artificielle. Et il ne savait pas qui il y avait. Il n'y avait pas mon image. L'intelligence artificielle faisait comme s'il y avait un médecin. Et à la fin, on demandait le meilleur groupe des trois qui avait eu le meilleur diagnostic, à votre avis, c'est qui ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    Le mélange des deux ?

  • Pr JUVIN

    Le mélange des deux. Celui qui avait le meilleur traitement, c'était ? C'est lui. Pour votre avis ? C'était qui ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    Les deux,

  • Pr JUVIN

    non ? C'était que l'intelligence artificielle. Le médecin lui-même avait tendance à dire « Non, moi, je ne ferais pas ça. » L'intelligence artificielle est plus performante. Mais ce n'est pas encore inquiétant ? Et à votre avis, quand on demandait aux patients lequel des trois a été le plus humain, vous a le plus compris ? Le côté empathique, à votre avis, c'est qui ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    Je vais redire l'intelligence artificielle, du coup. Oui, l'intelligence artificielle. C'est incroyable. Donc ceux qui vous disent que la médecine c'est tellement humain que ça ne sera jamais remplacé, c'est pas tout. Pourquoi ? Parce que l'IA n'est jamais fatiguée. Elle a toujours de la bonne humeur.

  • Pr JUVIN

    Elle a toujours de la bonne humeur, elle n'a pas envie de vous dire c'est bon, ok, on va tout faire, on va faire le premier cinq fois, et puis vous avez vu, j'étais de garde hier. En fait, la médecine va probablement connaître des révolutions considérables, mais y compris dans ce domaine-là. Mais ce qui est le plus important, c'est que moi je veux qu'à la fin de ma vie, mon dernier jour, il y ait quelqu'un qui me tienne la main. Si j'allais dire que c'est un traitement artificial,

  • Aude MOULINE-VANNI

    elle ne peut pas le faire. Elle ne peut pas le faire,

  • Pr JUVIN

    oui, mais grâce à elle, du coup, ça va me libérer du temps, je vais pouvoir avoir quelqu'un qui va me tenir la main. Parce qu'aujourd'hui, le casse-un qui me tient la main, il est obligé d'interpréter lui-même les radios, de faire les prescriptions banales que tout le monde fait. Et donc, on va pouvoir… C'est toujours un problème de temps. Le temps du spécialiste, ça doit être un temps de spécialiste.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais pour vous, c'est quand même une bonne nouvelle.

  • Pr JUVIN

    C'est génial, c'est formidable. Et puis, c'est un élément. Non, mais non, bien sûr. Et c'est un élément de sécurité. C'est-à-dire que vous préférez, dites-moi, vous préférez monter dans un avion de ligne sans aucun pilote automatique ? J'ai peur de ne pas me cracher. Sans aucun pilote automatique ? Ou vous préférez, à l'ancienne, il y a 50 ans, où c'est le type lui-même qui faisait ça avec le E, ou est-ce que vous préférez un petit programme ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est un bon exemple. Je préfère le pilote automatique.

  • Pr JUVIN

    Exactement. Vous préférez le pilote automatique. Et d'ailleurs....

  • Aude MOULINE-VANNI

    Après, je me dis que le pilote,

  • Pr JUVIN

    il est quand même indispensable. Alors, comme vous savez, il y a des métros et des trains automatiques. Oui, oui. Vous montrez dans un train automatique. Je crois qu'il y a un truc, je crois, mais je ne suis pas spécialisé en aéronautique, on dit aujourd'hui qu'on pourrait faire décoller et atterrir et voler des avions totalement sans pilote. Je pense qu'il y a une barrière probablement psychologique qui va être difficile à lever pour les passagers. Mais ce que je veux dire, c'est que... entre un médecin seul ou un médecin avec de l'IA, ou entre un pilote seul et un pilote avec tous les moyens modernes de machin, faire le pilote avec les moyens modernes de machin, et c'est pareil pour le médecin. Ok, d'accord. Mais la médecine a un côté très artisanal. Mais bon, par exemple, moi, quand j'ai commencé la médecine, en tant qu'anesthésiste-rénateur, je posais des cathéters dans des gros vaisseaux, le cou. Et comment on faisait ? on nous apprenait des repères anatomiques. Je regardais votre cou et je voyais qu'il y avait un muscle qui était là, un autre qui était là, donc je savais que la veine ne voit pas, ou l'artère que je voulais piquer.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est-à-dire qu'on devine à peu près.

  • Pr JUVIN

    Je devinais parce que j'avais appris des repères anatomiques. Vous voyez le côté, aujourd'hui, quand je raconte ça à mes étudiants, ils me disent « mais comment c'est possible ? » Aujourd'hui, ils ont des appareils qui permettent de repérer.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est précisément.

  • Pr JUVIN

    Et donc, le débat que nous avons sur la technologie, C'est un débat vieux comme le monde. En fait, depuis l'invention de la médecine, on a sans cesse inventé des trucs nouveaux. Vous voyez, là, il y a un saut. Mais en réalité, c'est exactement la même chose.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est comme les urgences, ça n'existait pas avant.

  • Pr JUVIN

    Alors, les urgences existent depuis une cinquantaine d'années. Les urgences avant, en fait, c'était d'abord les urgences d'accident de la route.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, voilà.

  • Pr JUVIN

    Ça a été inventé pour ça. Et puis, peu à peu… On a dû tout faire parce que maintenant les urgences... C'est une spécialité les urgences ? Oui, c'est une spécialité. Moi par exemple, je suis professeur d'anesthésie et réanimation.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est ça, ok.

  • Pr JUVIN

    Et puis quand il a fallu faire des professeurs d'urgence... Du coup, on a pris quelques professeurs de différentes spécialités, dont votre serviteur, et puis on les a repeints. J'ai été repeint administrativement, on m'a dit « ah bah j'ai plus de professeur d'anesthésie, des professeurs de purgeance »

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ça veut dire qu'il y aura de nouvelles spécialités aujourd'hui dont on ne peut pas se douter.

  • Pr JUVIN

    Alors ça, vous ouvrez un débat très intéressant, c'est qu'effectivement il y a des spécialités qui n'existaient pas il y a 30 ans, mais je peux vous citer la gériatrie par exemple, les pathologies des personnes âgées. Avant, c'était des médecins internistes ou généralistes qui faisaient ça. Aujourd'hui, ce sont devenus des gens dont c'est le métier. Il est probable que dans 20 ans, 30 ans, vous aurez des spécialités dont on n'imagine même pas l'existence parce qu'elles seront nécessaires. On parle d'intelligence artificielle. Il faudra bien des médecins pour coder. Il faudra bien des médecins pour s'assurer que les algorithmes correspondent à une démarche médicale scientifique. Il va falloir des médecins qui analysent les datas. Il y en a déjà, mais... ça va prendre un caractère très important. Entendons-nous, ce que j'adore dans la médecine, c'est le contact humain. Moi, j'aime voir les gens, j'aime les examiner.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais l'un ne va pas sans l'autre.

  • Pr JUVIN

    Mais voilà, aujourd'hui, avec mes simples mains pour examiner et mon stéthoscope, il y a des choses que je ne sais pas faire et que d'autres feront. Donc, il faut en permanence améliorer son savoir-faire. Vous savez, les échographies. qu'on a inventé il y a maintenant 40 ans pour l'obstétrique essentiellement, et qu'on utilise dans toute la médecine. Il y a un certain nombre de nos collègues qui ont des appareils d'échographie qui sont grands comme ça, et qu'ils ont dans leur poche. C'est leur stéthos. Donc la médecine évolue à toute vitesse, et heureusement. Et ça signifie d'ailleurs que les médecins doivent se former en permanence.

  • Aude MOULINE-VANNI

    En fait, vous n'arrêtez jamais.

  • Pr JUVIN

    Il faut lire sans arrêt. D'abord, il y a des médicaments qui apparaissent. Il y a des pathologies qui disparaissent, vous l'avez vu avec le Covid. Il y a des pathologies qui disparaissent. Moi, quand j'ai commencé la médecine, c'était le début de l'épidémie de Sida. Donc j'ai vu les premiers malades, j'ai un souvenir très très précis. D'ailleurs, j'étais en deuxième année de médecine, c'était à l'hôpital Beaujon. Donc deuxième année de médecine, vous n'avez jamais vu de malade. Et quand vous entrez dans la chambre, vous êtes très impressionné. Et d'ailleurs, c'est là en général où vous tombez dans les pommes pour la première fois. Et donc, on me dit, le chef de clinique, qui me paraissait très âgé, plein d'expérience, mais qui devait avoir 25 ans, il me dit, tu sais, il s'agit de cette nouvelle maladie dont on parle, qui touche à l'époque les homosexuels, et on pense que c'est un virus. Et je me souviens très bien, c'était un patient grec qui était venu, espérant se faire soigner, en pensant qu'à Paris, il y avait des traitements miraculeux, parce qu'à l'époque... Il y avait une équipe française qui avait identifié l'agent pathogène. Et donc les gens avaient dit, alors qu'ils ont identifié l'agent, probablement ils auront un traitement. Malheureusement, ça n'a pas été le cas. J'ai vu l'arrivée de cette maladie et j'ai vu également ce que produit de façon extraordinaire et miraculeuse le progrès médical quand il est en marche. En 1995 apparaissent ce qu'on appelle les antirétroviraux. Ce sont des médicaments qui bloquent la réplication du virus. Ces médicaments, en fait, bouleversent les choses. Quand vous aviez le sida avant les antirétroviraux, c'était une condamnation à mort. Vous saviez que vous alliez mourir. Moi, tous les patients que je suivais, c'était le début de mon internat, mouraient. Et en 1995 arrivent les antirétroviraux. Et les salles d'hospitalisation, je vois physiquement, j'ai vu des services qui étaient vides. Quatre mois avant, il y avait plein de patients qui étaient condamnés. Quatre mois plus tard, il n'y avait plus personne dans les chambres parce qu'on avait donné un médicament et les gens n'étaient pas guéris. Et avaient au moins leur charge virale qui diminuait. Ils ne faisaient plus ce qu'on appelle les infections opportunistes. Donc, en fait... Ce qui est extraordinaire, c'est qu'on va encore vivre probablement des choses comme ça.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Vous voyez concrètement l'évolution.

  • Pr JUVIN

    Exactement. À l'échelon d'une vie, moi j'ai vu une révolution. Mais par exemple, imaginez que demain, on trouve un médicament contre la maladie d'Alzheimer. Alors on n'y est pas, mais bon, vous savez, à fois on va y se plaindre. Qu'est-ce qui va se passer en pratique, à votre avis ? Les EHPAD vont se vider. On vit avec l'idée que l'EHPAD…

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il n'y aura peut-être plus d'EHPAD dans 30 ans. Ce sera différent.

  • Pr JUVIN

    Ce sera un lieu de vie et pas un lieu de fin de vie.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Exactement. On peut avoir des surprises majeures et c'est pour ça que la médecine est entre médecine et société. Après la Seconde Guerre mondiale, la France était couverte de sanatoriums. C'est là où on mettait les tuberculeux. On avait pas d'antibiotiques. On soignait les tuberculeux. On disait que bon air. Le bon air. Oui,

  • Pr JUVIN

    c'était à Saint-Gervais.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais en réalité, c'était une manière de les isoler.

  • Pr JUVIN

    Oui, il en gardait un très beau souvenir.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Bien sûr, c'était en fait un endroit où on vous isolait. Sous prétexte du bon air. Ça ne peut pas faire de mal, le bon air, mais ça ne guérit pas la tuberculose. Ça a disparu, les sanatoriums. Pourquoi ? Parce qu'on a eu des antibiotiques. Mais de la même manière, peut-être que demain, médicament Alzheimer, vous n'aurez plus d'hépatite. Vous aurez d'autres maladies. Vous voyez, ce que je veux dire, c'est qu'il y a un lien intrinsèque. entre le programme médical et l'organisation de la société. On considère quand même que le vaccin anti-Covid a permis probablement de sauver 10 à 15 millions de personnes dans le monde qui seraient mortes.

  • Pr JUVIN

    Sans vaccin. Les plus âgés, les…

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ah oui.

  • Pr JUVIN

    Ah oui, je sais que vous avez mon grand-père à la fin, qui est décédé du Covid, mais lui, c'était dans les premiers, au tout début, il n'y avait pas de vaccin à ce moment-là. Il est mort le 22 mars,

  • Aude MOULINE-VANNI

    donc c'était vraiment au début de l'épidémie. Et c'est pour ça que les gens qui la jouent sur le mode « oui, mais je ne sais pas » , etc., ils ne se rendent pas compte qu'en fait, ce sont des enfants gâtés. Aujourd'hui, on parle largement, je connais mal, parce que c'est la pédiatrie, mais manifestement, les cas de rougeole augmentent parce que les gens vaccinent moins. En fait, à la fois, la médecine nous offre des choses et comme nous sommes des gens libres, mais parfois un peu inconséquents, on ne tire pas le maximum de ce que nous dit la médecine. C'est particulièrement vrai sur l'alimentation. Regardez, objectivement, le tabac, l'alcool, la mauvaise alimentation créent des pathologies. Et on le sait, ce n'est pas un secret d'État. Pourtant, on se comporte mal parce que nous sommes des hommes et des femmes. Et puis, il y aura des pathologies probablement nouvelles, induites par un environnement parfois délétère. Par exemple, on sait aujourd'hui que les aliments ultra transformés crée une inflammation chronique dans le tube digestif, puisque vous les avalez, donc ça crée une sorte d'agression permanente. Je ne vais pas vous le manger une fois, mais si c'est votre ration calorique habituelle, on considère que les Américains, si plus de la moitié de votre ration calorique c'est de l'ultra transformé, vous avez une augmentation de 20 à 25% du risque de cancer du côlon, qui est un cancer qui est grave s'il n'est pas détecté tôt, parce qu'on n'a pas beaucoup de traitements. Et donc, typiquement, vous aurez aussi des maladies environnementales qu'il faudra prendre en compte. On est assez éduqués,

  • Pr JUVIN

    en fait, sur tout ça. Tout le monde sait qu'il ne faut pas manger de choses très grasses. Vous ne mangez jamais de Nutella ? Moi aussi. Et pourtant, je sais que ce n'est pas bon. Mais nous sommes des hommes et des femmes avec nos faiblesses. On ne peut pas tout s'interdire, en fait.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Absolument. Il y a la cigarette, déjà, l'alcool, la vincian.

  • Pr JUVIN

    La question, c'est qu'il faudrait au moins tout. tout le monde soit conscient. Et puis, si vous fumez, vous le faites en connaissance de cause. Mais c'est complexe, parce que nos motivations sont évidemment diverses. Il y a les motivations économiques. Pourquoi les gens mangent beaucoup d'aliments ultra-transformes ? Parce qu'ils n'ont plus le temps de faire la cuisine. C'est ça aussi. Quand vous avez 4 heures, 10 minutes, c'est pas mal. Quand vous avez 4 heures de 2 heures allées, 2 heures retour de travail, quand vous arrivez le soir... On a pas envie. vous ne savez pas où faire la cuisine. Donc, vous faites un truc comique, ultra transformé, et il y a mieux pour la santé.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Du coup, avec toutes ces avancées médicales dont vous parliez, en fait, les jeunes, je reviens un peu aux jeunes, mais eux, justement, ils sont très jeux vidéo, programmation et tout ça, mais toutes ces avancées médicales et l'IA, c'est parfait pour des jeunes, en fait. Il y a, par exemple, dans le collège lycée de mon fils, en seconde, ils proposent aux pilotes d'avion de faire une formation pour les jeunes en seconde. Ils passent un brevet, ceux qui veulent, ce n'est pas du tout obligatoire, ils passent un brevet d'aéronautique. Et ça, je trouve ça exceptionnel. Je me dis que la médecine devrait faire quelque chose comme ça. On devrait aller dans les lycées, parce que les pilotes d'avion qui travaillent, ils ne sont pas à la retraite, c'est des gens qui travaillent, ils font la formation toute l'année pour des jeunes de seconde. Je me dis qu'il faudrait faire la même chose avec la médecine.

  • Pr JUVIN

    Mais moi, je vais vous dire, je porte depuis des années un projet que j'avais vu faire aux États-Unis, qui serait de... proposé aux élèves de 3e ou de 2e, mais plutôt tôt, 3e seconde plutôt que terminale. Parce qu'au terminale, on a déjà fait son choix. Prendre, par exemple, les grandes vacances, les 15 jours à février, les 15 jours à Pâques. Ceux qui veulent faire un métier de la santé, on les prend pendant 15 jours en immersion, dans le monde de la santé, mais en immersion totale. C'est-à-dire qu'on leur donne le pyjama de bloc, on leur donne la blouse, ils font trois jours aux urgences. Trois jours dans le cabinet de l'éthique générale, trois jours dans l'EHPAD, dans l'unité de soins palliatifs. et on les fait jouer au docteur ou à l'infirmière. Ils ont l'impression d'être… Ils font des rencontres. Pourquoi, en fait, dans la vie, ce qui est important, c'est les rencontres ? Bien sûr, mais tout le monde n'a pas la chance de faire des rencontres.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Moi, je fais des rencontres. Je fais des rencontres parce que j'ai des gens que j'admirais et je voulais faire pareil. Il faut être un peu trop pistonné pour tout, et c'est ce que je reproche, par exemple, les enfants en troisième, on a un stage, mais en seconde, maintenant, ce n'était pas le cas avant, ils ont un stage à la fin d'année de deux semaines. Les enfants de seconde qui ne connaissent personne, ils n'ont pas la chance d'avoir quelqu'un qui va les prendre en stage. C'est là où je trouve que c'est complètement ahurissant. On ne les aide pas,

  • Pr JUVIN

    ces enfants. Le stage est un marqueur social, évident. À l'hôpital, on n'a pas le droit de prendre de stagiaires de troisième parce qu'ils n'ont pas le droit d'être au contact des patients. Mais je le fais quand même. Il ne faut pas le dire. Donc, vous ne le direz évidemment pas. Parce que c'est la seule manière qu'on a de faire soit naître des vocations, mais c'est aussi important d'ailleurs de permettre à quelqu'un de se dire finalement c'est pas pour moi le chiffre traîne je ne sais pas s'il est vrai mais il est peut-être vrai que 25% des infirmières diplômées à la fin de leurs études finalement ne feront pas de médecine parce qu'elles se sont trompées de filière et donc si vous pouviez on pouvait mettre en immersion pendant une semaine quinze jours, un mois morceler sur deux ans les jeunes en deuxième ou troisième seconde peut-être qu'il y en a qui aimeraient, qui tomberaient amoureux de ce métier et qui les feraient. Moi, j'avais été frappé d'un truc quand la série Urgence est sortie pour la première fois il y a 20 ans. Il y a eu un pic d'inscription en première année de médecine. Et forcément, ils sont tous beaux, ils sont intelligents, on a envie d'en rencontrer Georges Clooney. Et donc du coup, ça marche. En fait, ça marche. Simplement. ça devrait s'organiser, ça devrait être quasiment la règle.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, tout donne envie.

  • Pr JUVIN

    Moi, mes enfants ne font pas médecine, mais s'ils avaient voulu, ils auraient pu faire des stages en médecine, il n'y a pas de difficulté. En revanche, je connais des tas de gens qui aimeraient bien avoir des stages en médecine et qui n'ont pas accès, ce n'est pas normal. Je trouve qu'il faudrait que l'éducation nationale s'ouvre un peu au monde du travail et passe des conventions avec tous ces gens. Mais je parle de la médecine. La police. Et probablement,

  • Aude MOULINE-VANNI

    oui, chez tout le monde. Oui,

  • Pr JUVIN

    bien sûr. Chez tout le monde.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ok. Est-ce que, moi, c'est une question en ce moment un peu brûlante sur le projet de loi sur la fin de vie ?

  • Pr JUVIN

    Ce n'est pas un projet de loi sur la fin de vie, c'est ce qu'ils disent. Mais en fait, les critères…

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est ce que je comprends, moi.

  • Pr JUVIN

    Les critères, les critères tels qui sont définis par la loi, vont permettre de proposer le suicide assisté ou l'euthanasie à des gens qui potentiellement aussi ont plusieurs années à vivre.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Parce que moi, ce que j'entends, je vais vous demander en tant que médecin et en tant que députée votre position, même si je crois que je la connais un petit peu. Mais moi, quand j'entends et quand je regarde les nouvelles, je comprends que c'est pour des personnes qui sont condamnées en phase terminale et qui sont certaines de mourir assez rapidement et pour lesquelles on abrangerait leur souffrance. Non. Je me trompe ? Oui. C'est ce qu'on dit aux nouvelles quand même.

  • Pr JUVIN

    Oui, mais ce n'est pas vrai. Ok. En fait, d'abord. Moi, je suis contre l'acharnement thérapeutique. Premièrement. Deuxièmement, il y a aujourd'hui des techniques que l'on met en œuvre qui permettent de vous endormir quand, à la fin de votre vie, vous souffrez trop. D'accord. On le fait déjà. On le fait dans les unités de soins palliatifs, on le fait aux urgences, on le fait dans tous les services de médecine. Vous souffrez, vous avez un cancer, par exemple, en fin de course, vous avez trop mal, vous respirez mal et... il faudrait vous intuber mais vous ne voulez pas, vous n'arrivez plus à manger, il faudrait vous mettre une gastrostomie, c'est-à-dire un trou dans le ventre pour vous nourrir et vous ne voulez pas, ce qu'on fait dans ces cas-là, on peut vous proposer de vous enlever. Ça s'appelle la séparation profonde et continue, ça existe, c'est dans la lune. Ça, il faut vraiment l'avoir. Le troisième truc à savoir, c'est qu'aujourd'hui, un Français sur deux qui a besoin de soins palliatifs n'y a pas accès. Parce qu'il n'y a pas un sur deux qui meurent. et dont on dit celui-là, il faudrait qu'il aille au soins réactifs, il n'y va pas, pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de place. Quand vous avez pris tout ça, vous pouvez quand même vous dire qu'on a probablement des moyens à mettre en œuvre déjà pour soulager vos souffrances en fin de vie, c'est vrai. Et déjà, il y aurait beaucoup à faire, à mettre tout le monde au bon niveau. Le projet de loi qui existe, d'ailleurs, ne prononce pas nulle part le mot euthanasie ou suicide assisté. Ça n'apparaît pas. Alors qu'on ne parle que de ça. Et d'ailleurs, je vais même vous dire que dans le projet de loi, il y a un point qui me révolte, c'est qu'il est expressément dit que dans le certificat de décès, une fois que vous aurez été euthanasié… Merci. Il faudra cocher mort naturelle, alors que c'est tout autre naturel, puisque je vous ai administré quelque chose qui vous tue. Non, en fait, le projet de loi définit les critères pour dire celui-là a accès, celui-là n'a pas accès. C'est quoi les critères ? Je peux vous les citer, c'est très court. Une maladie grave, incurable, c'est-à-dire qu'on ne peut pas guérir. On ne peut pas guérir, mais est-ce qu'on peut être en rémission par exemple ?

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui, bien sûr, la rémission ça ne signifie pas guérir. Voilà, mais c'est pour ça que je pose la question. Je parle de la guérison.

  • Pr JUVIN

    Ça veut dire qu'on peut vivre encore plusieurs années.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Absolument. Pronostic vital engagé. Est-ce que c'est un jour, un mois, un an, dix ans ?

  • Pr JUVIN

    En général, quand on dit que le pronostic vital est engagé, il n'y a pas de durée. On ne sait pas. On peut le dire et le malade peut rester encore vivant pendant un an. Je vais vous donner un exemple. Et enfin, il faut que ça soit une maladie en phase terminale ou avancée. maladie et que vous souffriez terriblement, de façon insurmontable, soit physiquement, soit psychologiquement, avec le caractère subjectif. Vous voyez, on a tous des moments de détresse. Et je rajoute une dernière couche, pour que vous compreniez bien, ces souffrances, elles sont soit rebelles au traitement, soit le traitement est efficace, mais vous avez décidé de ne pas le prendre. Et bien tout ça fait que vous avez le droit à l'euthanasie. Et donc moi, ce que je dis, c'est que quand je prends cette définition-là, Je peux vous lister des pathologies de gens qui ont plusieurs années à vivre. Évidemment, ça va couvrir des gens qui ont peu de temps à vivre. Et là, en fait, je pense que la loi y répond déjà puisqu'on peut les endormir. Mais par exemple, prenez une femme chez laquelle on découvre un cancer du sein avec des métastases osseuses d'emblée. Aujourd'hui, avec les immunothérapies, certaines ont une très bonne réponse et on appelle ça des survies, comme ça qu'on dit, de plusieurs années, 4, 5, 6 ans. Ça répond à tous les critères, maladies graves. incurable, pronostic vital engagé, pas à un mois mais à cinq ans, et vous pouvez avoir des souffrances, y compris psychologiques, vous pouvez le demander. Quelqu'un qui est dialysé, dialyse, parce que ses reins ne fonctionnent pas, il a une maladie grave, par définition incurable, même la greffe rénale ne vous guérit pas puisque vous devez prendre des immunosuppresseurs durant toute votre vie. Votre pronostic vital est engagé parce que si vous arrêtez la dialyse, vous mourrez en deux semaines, et quatrièmement, vous pouvez avoir des souffrances parce que des souffrances physiques ou plutôt psychologiques, parce que vous êtes en détresse, parce que c'est très pénible, là vous avez 20 ans à vivre. Et donc en fait c'est une loi qui n'est pas sur la fin de vie, qui est une loi sur l'euthanasie et le suicide assisté, qu'on peut défendre pour des raisons philosophiques. Et c'est ça le sujet. Les gens qui sont autour le défendent en disant que c'est une loi de liberté. On ne pourra peut-être pas décider à ce moment-là.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il a le droit de demander l'euthanasie. C'est-à-dire qu'on lui interdit, on dit...

  • Pr JUVIN

    a le droit de signer un chèque et a le droit de signer l'euthanasie. Ça paraît fou, dit comme ça, ça paraît fou. Comment vous lutteriez contre les déserts médicaux et garantir une égalité d'accès au soin entre la province, mais aussi les territoires d'outre-mer ? Je doublerais le nombre de médecins formés, c'est indispensable de le faire, les Anglais l'ont fait. Ce n'est pas fait pour des tas de raisons liées à des... l'administration qui ne prend pas la décision, les facs qui veulent... Ça, ça serait assez facile à mettre en place.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il suffit que le ministre décide...

  • Pr JUVIN

    Si vous êtes déçu de l'attender... C'est la première décision que je prends. C'est-à-dire que l'année prochaine, on double le nombre d'étudiants qui entrent en deuxième année de l'INSEE. Et je fais quasiment pareil pour...

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais comment on les double ?

  • Pr JUVIN

    Pourquoi on en a plus ? Il y a un concours, vous savez, en fin de première année de l'INSEE. Oui, on ouvre un peu plus. Mais on double le nombre de gens qui accèdent. Première chose que je fais, mais vous me direz avec raison que ça produira des effets 10 ou 15 ans plus tard, c'est vrai, mais il faut quand même commencer. Deuxièmement, parce que c'est depuis des années qu'on le dit, on aurait commencé au moment du Covid, ils étaient déjà formés, ils seraient déjà interdits. Deuxièmement, j'augmente considérablement le nombre de médecins étrangers qui viennent travailler en France. Pour vous donner le chiffre, il y a un an, Il y avait 20 000 médecins étrangers qui voulaient venir travailler en France. 20 000. On en a pris, à votre avis, combien ? 2 700 ou 2 400. Et j'ai dit aux ministres, c'est absurde. C'est absurde. Ou bien ils ont le niveau. Dans ces cas-là, tu prends tous ceux qui ont le niveau. Ou bien ils n'ont pas le niveau. Dans ces cas-là, tu ne prends même pas 2400. Tu prends ce niveau. Or, on a dit avant, c'est un concours, c'est 2004. Donc, qu'est-ce que je fais si je suis ministre ? Je dis d'emblée, je prends tous ceux qui ont le niveau. C'est-à-dire que je ne fais plus un concours, mais je fais un examen. Ce sont des médecins qui sont opérationnels tout de suite. En général, on les forme pendant deux ans pour les mettre à niveau. Enfin voilà, ça signifie que dans deux ans, j'ai une machine qui crache de la ressource humaine. C'est ça notre sujet. Troisièmement, il y a des tas de tâches qui sont à faire aux médecins que je donne à faire à d'autres. Je ne suis pas sûr, par exemple, que ce soit indispensable que ce soit votre médecin qui fasse le certificat pour faire de la gym pour votre fils à l'école. Et puis je libère les médecins de tâches administratives absurdes. On considère, sur les chiffres qui sont habituellement retenus, qu'un médecin généraliste en ville a... 4 à 5 heures par semaine de tâches purement administratives. Ça paraît fou. Ça fait une demi-journée. Alors, je préfère cette demi-journée qu'il apprenne soit pour se reposer parce qu'il est crevé, soit pour voir des malades de plus, soit pour voir plus longtemps les malades qu'il reçoit.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Mais les médecins, le doublement de médecins et les médecins qui viendraient de l'étranger, pourquoi ils iraient ailleurs qu'à Paris, qu'à Rennes, qu'à Nice ?

  • Pr JUVIN

    Parce que ça s'appelle la concurrence. Et il y a un moment où...

  • Aude MOULINE-VANNI

    Plus il y en a, plus il n'y aura plus la place à tel ou tel endroit.

  • Pr JUVIN

    Donc, c'est une vraie... Exactement. En fait, on a cette vision très française, que je vous disais toujours, de l'hyper-contrôle administratif, où on veut tout décider à Paris. Vous savez, il y a un moment, quand il y a trop de médecins à un endroit, ils vont ailleurs. Oui, c'est vrai. Je jouerai probablement aussi, c'est un point de détail, mais je jouerai sur quelques dépassements d'honoraires aussi. Je vous donne un exemple. J'ai eu l'exemple d'un chirurgien, dont je ne dirais pas la spécialité pour qu'il ne se reconnaisse pas, qui travaille dans une ville UP de l'ouest parisien et qui opère quatre patients par mois, quatre seulement, mais qui demande 10 000 euros par intervention. C'est pas mal. Donc, il vit correctement, vous pouvez l'imaginer, mais il n'opère que quatre fois. Ça a donc deux effets. Le premier effet,

  • Aude MOULINE-VANNI

    c'est que… Tout le monde peut être opéré par lui.

  • Pr JUVIN

    Non, le premier effet, c'est que… Il ne rend pas beaucoup service au pays ? Mais surtout, je pense qu'il est mauvais. Je ne le connais pas. Ah oui, mais ce n'est pas le mot. Mais quand vous n'opérez que quatre fois par mois, c'est pas bon ? C'est un entraînement. Bah oui. Un pilote d'avion, on disait. Vous voulez un pilote qui pilote quatre fois dans l'année ou qui pilote tous les jours ? Moi, je veux quelqu'un qui pilote tous les jours. C'est pareil pour les médecins. Le gars ne pourrait pas faire ses 10 000 euros en dépassement d'honoraires, ce serait un peu moins, peut-être qu'il en ferait plus.

  • Aude MOULINE-VANNI

    En quelques mots, il me reste trois petites questions. Quelle est la force de l'hôpital public en France ? Je vais dire notamment dans le domaine de l'architecture et de l'innovation, mais en fait, quelle est la force de l'hôpital public ?

  • Pr JUVIN

    C'est ouvert 24-24, on ne vous demande pas votre carte bleue quand vous arrivez. J'ai eu l'exemple récemment d'une jeune femme qui a eu un accident très grave à l'autre bout du monde. qui a été prise en charge. Et tout de suite, la question qu'on a posée à la famille, c'est qu'il va falloir payer. Chez nous, vous aurez votre chimiothérapie, même si vous êtes pauvre. On paye beaucoup de charges en France, et beaucoup plus. On pourra faire un jour un débat là-dessus, sur les finances publiques, puisque c'est la spécialité de l'Assemblée nationale. Curieusement, ce n'est pas la médecine, c'est les finances publiques. Mais globalement, on peut quand même reconnaître qu'en France, on a la chimio, qu'on soit pauvre ou pas. Alors, il y a des inégalités, il y a des endroits où on est mieux soigné que d'autres. Il ne faut pas se faire d'illusions. Je sais où me faire opérer, je sais où ne pas me faire opérer. Donc, je ne vous dis pas que tout est parfait, vraiment. Mais globalement, vous n'arrivez pas à vendre votre maison parce que vous avez eu un accident de santé. C'est ça la vôtre.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est déjà énorme. Est-ce qu'il y a un moment qui vous a particulièrement marqué au cours de votre carrière,

  • Pr JUVIN

    vos urgences ? D'abord, il y a des tas d'histoires humaines, bien sûr. qui sont chaque fois très prenantes. Il est clair que je ne suis pas un médecin de l'enfant, je suis un médecin de l'adulte. J'ai fait un peu de pédiatrie parce que dans ma spécialité, il fallait en faire. J'ai quelques souvenirs très prénants qui sont des enfants qui meurent parce que vous êtes obligés quand vous êtes réanimateur. J'ai fait pas mal de SAMU à l'époque. Donc évidemment, vous avez à traiter des patients de tous les âges. Quand on vous appelle, vous venez. J'ai été médecin chez les pompiers de Paris. Les cas qui m'ont le plus parqué, chaque fois, c'était des enfants qui mouraient. Là, c'est quelque chose que je ne maîtrise pas suffisamment au plan du contrôle. Pour les russions. Absolument. Et,

  • Aude MOULINE-VANNI

    on va finir sur une note positive, si vous deviez partager un message d'espoir, aux patients, aux familles et puis même aux soignants, si vous leur diriez.

  • Pr JUVIN

    Et ça, je ne m'adresse plus essentiellement d'abord aux malades de maladies graves. Le progrès médical va à une vitesse qui est inégalée par rapport à ce qu'on a connu dans l'histoire. Et moi, je connais des patients à qui on a fait des diagnostics de cancer, dont on disait quand j'étais à l'école de médecine il y a très longtemps, que c'était sans espoir, qui vivent plusieurs années après. Parce que sans arrêt, mais sans arrêt, il y a des nouvelles molécules qui sortent.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est d'heure en heure presque en fait. Oui. On peut vraiment espérer que quelqu'un est gravement malade, qu'il n'aura pas l'apprentissage pour quelque chose qui va se passer.

  • Pr JUVIN

    De mois en mois, on voit arriver des solutions thérapeutiques à des patients qui, le mois précédent, ne l'avaient pas. Ah oui, ok. C'est l'immunothérapie, c'est l'ARN messager, c'est… tous ces moyens de médecine très personnalisés qui font qu'on va vous donner une molécule qui va fonctionner chez vous et pas chez votre maison. Et ça, c'est l'espoir qu'on doit avoir. Oui, absolument. Ça a bouleversé la médecine. Encore une fois, les patients que je voyais mourir en quelques mois sont là depuis des années.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est-à-dire qu'un patient qui vous en a vécu pour longtemps, c'est la fin. Ce patient-là, il a vécu plusieurs années. Est-ce qu'on a trouvé des médicaments ?

  • Pr JUVIN

    Bien sûr, il y a un moment où on sait qu'on n'y arrivera pas. Il y a encore cela, bien sûr. Mais ce qui est certain, c'est qu'il y a aujourd'hui des pathologies dont on peut vous dire, écoutez, là, je n'ai rien. Malheureusement, je n'ai rien à vous donner. Mais il n'est pas exclu que dans six mois, il y ait quelque chose. Et ça change réellement la donne.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ça change aussi le mental.

  • Pr JUVIN

    Bien sûr, j'ai même un souvenir d'un patient qui était un proche qui a une maladie cancéreuse. qui n'avait pas de traitement. Six mois plus tard, il avait un traitement. Il le reçoit, il est en rémission. Il refait une rechute, pas de traitement. Trois mois plus tard, un nouveau traitement carré. Et ça a duré des années comme ça. Il a vécu quand même des années après. Des années.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il a vécu des années, mais sans trop souffrir.

  • Pr JUVIN

    Non, en bon état. Ça allait. Bien sûr. En continuant une activité professionnelle, avec sa famille, etc. D'accord. Regardez-vous. Le progrès, c'est incroyable. Ça va à toutes les fenêtres. C'est incroyable. surprenant Quand j'entends quand même que des gens sont en train de parler de thérapie génique pour la maladie de Charcot, qui pourrait arriver dans les très proches années, c'est extraordinaire. Demain, imaginez ce que je vous ai dit, le traitement de la maladie d'Alzheimer. Il y a un film dont je n'ai plus le titre, il faut absolument voir qu'il y a au moins 30 ans, c'est l'histoire d'un médecin américain. qui découvre la dopamine, la dopamine, c'est un médicament qu'on donne dans la maladie de Parkinson. Et il se trouve qu'après la Première Guerre mondiale, il y a eu une épidémie virale mondiale, je ne sais plus quel virus, qui a donné des encéphalites. Il y a des tas de gens qui sont tombés dans le coma, ou plus exactement dans un état d'absence de vie de relation, parce qu'ils avaient l'équivalent d'une maladie de Parkinson, qui n'était pas, mais qui était médiée par la dopamine, et ils n'avaient plus de vie de relation. Ils vivaient dans une chaise comme ça. Et cette histoire raconte la découverte de la dopamine qui fait que ces gens qui sont pendant une décennie ou deux enfermés dans leur corps se mettent à se réveiller. Je pense que c'est avec Dustin Hoffman qui joue le rôle du patient.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Ça me dit quelque chose,

  • Pr JUVIN

    oui. C'est un film extraordinaire sur les surprises, les bonnes surprises que peut montrer le handicap. Ça veut dire qu'il y a encore une fois beaucoup de participants. une recherche financière en participant à des essais cliniques quand vous êtes patient vous participez à des essais cliniques vous faites partie et bien sûr et puis en ne véhiculant pas de fausses idées parce qu'il est évident que quand vous dites aux gens de ne pas se faire soigner et que vous avez un peu de crédit pour une raison qui fait que parce que vous êtes bien entendu dans la sphère publique on vous écoute pour autre chose faites attention à ce que vous dites en fait il faut être très prudent dans ce qu'on dit encore une fois Je me souviens des antirétroviraux de 1995. Celui qui attrape le Sina en 1994 doit se dire « je suis condamné, je vais en mourir » . Un an plus tard, il a les antirétroviraux et il vit. Il est probable qu'il y ait des gens qui ont été contaminés en 1994 et qui sont toujours vivants aujourd'hui, grâce aux antirétroviraux.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Oui,

  • Pr JUVIN

    il y a du progrès, il y a de l'espoir. J'ai vu un patient de 82 ans aux urgences qui venait de l'Hépate, qui était séropositif. Et je pense qu'il avait dû l'attraper à peu près à cette époque-là. Donc, il était probablement condamné le jour où il s'est infecté. Et il était dans le « voilà, après tout, si je veux me suicider, qu'est-ce que ça enlève aux autres ? » C'est tout le débat. Je pense que ça enlève beaucoup, parce que d'abord, la liberté absolue n'existe pas parce qu'on n'est pas seul.

  • Aude MOULINE-VANNI

    Il y a encore des belles choses, et ce n'est pas fini. Non, ce n'est pas fini. Donc,

  • Pr JUVIN

    tout ne va pas si mal. Il y a des choses... Je pense que quand vous viviez il y a 100 ans et que vous n'aviez pas l'eau courante, quand il faisait froid l'hiver, quand vous aviez un poêle à charbon qui vous intoxiquait et vous mouriez parce que chez vous, il y avait du CO2, quand vous... attrapé des maladies parce que l'alimentation était dégueulasse et que dès que vous pouviez mourir parce que vous aviez une otite, vous n'aviez pas d'antibiotiques, vous savez, Jean-Baptiste Mully, le musicien du roi Louis XIV, est mort. Comment ? Parce qu'avec sa canne, puisqu'il marquait la mesure, il s'est tapé avec sa canne, il s'est tapé son pied, il s'est fait une plaie du pied qui s'est infectée et il est mort de ça. Aujourd'hui, M. Lully irait aux urgences, on lui mettrait un peu d'antiseptique, il prendrait cinq jours d'antibiotiques et il continuerait à composer de la belle musique.

  • Aude MOULINE-VANNI

    C'est pas mal de finir comme ça. Je vous remercie beaucoup. C'était passionnant et je suis ravie de vous avoir eu comme personne extraordinaire. Merci de votre invitation. Et bon vent pour ce nouveau podcast. Merci beaucoup. Merci pour votre écoute. N'hésitez pas à laisser un petit cœur, un commentaire, à partager autour de vous. Et à très vite pour un nouvel épisode avec une autre personne extraordinaire. À bientôt, bye bye !

Chapters

  • Introduction d'Aude MOULINE-VANNI et présentation du podcast

    00:00

  • Entretien avec le Professeur Juvin : son parcours et ses engagements

    01:00

  • Motivation au quotidien et engagement

    01:40

  • Expériences sur le terrain : Afghanistan et Ukraine

    05:58

  • Amour du métier et l'importance des jeunes

    11:22

  • Défis actuels

    12:41

  • Avancées médicales et intelligence artificielle

    18:14

  • Progrès de jour en jour

    26:34

  • Intéresser les jeunes

    33:11

  • Loi sur la "fin de vie" et euthanasie

    37:04

  • Déserts médicaux et inégalités : solutions

    42:42

  • Force de l'hôpital public

    47:09

  • Moment marquant de carrière

    48:11

  • Message d'espoir

    49:07

  • Conclusion

    55:40

Share

Embed

You may also like