- Speaker #0
Lorsque ce petit bolide atteindra 88 miles à l'heure,
- Speaker #1
attends-toi à voir quelque chose qui décoiffe. Ce qui place votre zone d'atterrissage à 5,0667 degrés de latitude nord et 77,3333 de longitude ouest.
- Speaker #0
Rien de tout ça derrière. Qu'est-ce que le réel ?
- Speaker #1
La seule variable constante est l'inattendue. On ne peut pas la contrôler. Je crois que vous êtes encore pire que ces créatures. Elles, elles n'essaient pas de se massacrer entre elles pour tirer le plus gros de l'histoire.
- Speaker #0
Voyons si une capacité de poussée de 10% permet de décollage.
- Speaker #1
Et 3, 2, 1...
- Speaker #0
Chers auditeurs, chères auditrices, bienvenue dans ce nouvel épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du MUMONS. Aujourd'hui, je suis dans mon petit studio à la maison et j'accueille par écran interposé Claudine Glot. J'espère que je le dis bien.
- Speaker #1
Très bien.
- Speaker #0
Parfait. Bonjour Claudine.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
Comment vas-tu ?
- Speaker #1
Mais écoute, plutôt bien, un peu anxieuse, mais bien.
- Speaker #0
Tout va bien se passer, on a déjà préparé, etc., on a déjà discuté. Je suis, moi, de mon côté, très très confiant, si ça peut te rassurer. Alors, auditeurs, auditrices, je t'embarque aujourd'hui dans la suite de mes aventures arthuriennes. Chevaliers, gens de dames, fées, épées magiques vont donc être au rendez-vous. Mais avant d'en dire plus, je vais demander à notre invité, donc Claudine, de se présenter rapidement.
- Speaker #1
Je m'appelle Claudine Glot, je suis originaire de la Dordogne, mais je suis depuis plus de 50 ans en Bretagne, que j'ai découverte et adorée dès mon arrivée. Et parmi les merveilles que m'a apporté la Bretagne, outre mon mari et ma fille bien sûr, il y a eu des lieux inouïs. Je n'arrête pas de continuer à découvrir ce pays, ses légendes, ses contes, et c'est justement tout ce volet-là, croyance, religion, féerie, angoisse, mystère, que... qui m'enchante et qui correspond à tout ce que j'ai toujours aimé depuis le début, depuis le jour où on m'a raconté des histoires, depuis le jour béni où j'ai pu lire moi-même. Et tout au long de mes études, tout a toujours tourné autour de ce monde qui est de la création littéraire, qui est de la création artistique, qui est un patrimoine immatériel de notre humanité. Tout ce qui touche autour du merveilleux. Très exactement pour moi, c'est l'ailleurs, l'autrement et notre foi. C'est-à-dire que quand j'étais grosse, un bout de Bible qu'on me faisait lire, ou un roman historique, ou un conte de fées, ça relevait de la même chose. Là que ce n'était pas le triste quotidien, voilà, c'est ça. Et j'ai aussi, je crois, par un problème familial, ou des gènes qui m'ont été livrés par mes grands-parents, parents et autres, j'ai une espèce de goût pour la pédagogie, non pas la pédagogie opérative comme à l'école, mais l'envie plutôt de partager ce que je sais, ce que je crois savoir, pour ne pas exagérer. Est-ce que je sais ? Est-ce que j'aime ? Donc, j'aime bien en parler. J'ai écrit une vingtaine de livres sur ces sujets-là, plus quelques autres. J'ai fait des articles de magazine. J'ai fait des commissariats d'exposition, mais toujours autour de tout ça. Et puis, surtout, je me suis occupée du centre arthurien.
- Speaker #0
Tout à fait. Et donc, dans ce contexte-là, la légende du roi Arthur va prendre pas mal de place dans ta vie. Comment tu découvres cette légende et comment tu commences à t'y intéresser ? à quel moment de ta vie ça arrive et comment tu te dis en tant qu'historienne je vais étudier, je vais travailler sur cette légende du roux Arthur ?
- Speaker #1
Alors j'ai d'abord découvert sans savoir ce que c'était, c'est-à-dire que c'était des contes ou des récits parmi d'autres, les personnes s'occupaient, d'ailleurs c'était très bien de me bâtir un ensemble et de me donner des références. Et par une espèce de chance ou de hasard, mais que je considère aujourd'hui comme une chance, j'ai donc fait des études de lettres, de lettres modernes à Bordeaux et que ce soit au collège, au lycée. ou à la fac, je n'ai jamais étudié par Tristan Isult un texte qui relève de la matière de Bretagne. C'est-à-dire que j'ai étudié le roman de Renard, j'ai étudié la chanson de Strasbourg, j'ai étudié la chanson de Rouland à deux reprises, mais je n'ai jamais touché un texte vraiment arthurien. Et peut-être que ça m'a préservé le merveilleux de ces récits. C'est-à-dire que quand je les ai abordés, je pouvais encore garder le merveilleux qu'il m'a porté, mais je pouvais aussi effectuer le travail que mes études. m'avait fourni comme outil. Et je me suis toujours placée entre ces deux. Garder le récit pour ce qu'il est, parce qu'il n'y a pas de plus grande merveille, mais aussi répondre à toutes les questions qu'il pose. Non, j'exagère. Je ne réponds pas à toutes les questions qu'il pose. Répondre autant que possible aux questions qu'il pose. Voilà.
- Speaker #0
Tout à fait. Tu as parlé tout à l'heure du centre de l'imaginaire arthurien. que j'ai eu l'occasion de découvrir durant mes congés l'année dernière, c'était vraiment super. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur ce centre de l'imaginaire ? C'est quoi ? Comment il fonctionne ? Qui sont les personnes qui gravitent autour de ce centre de l'imaginaire ?
- Speaker #1
Au début, c'était un rêve de tout un groupe d'amis. On avait une petite revue qui s'appelait Artus, le nom roman du roi Arthur. On voit bien quelles étaient les références, qui parlaient surtout de la culture en Bretagne, dans les pays celtiques, de la préhistoire à nos jours. Et on se disait, c'est quand même incroyable qu'en Bretagne, qui est quand même un des lieux arthuriens, pas le seul, mais un des grands lieux arthuriens dans la culture de cette matière-là, il n'y a rien là-dessus en Bretagne. Alors qu'on a une forêt... à qui on attribue d'être l'inspiratrice de Brosséliande. Attention, là je précise bien parce que je ne fais pas partie des gens qui disent « c'est là, c'est là, ça ne peut être que là » , je ne fais pas partie des gens qui disent « non plus, ce n'est pas là » . C'est-à-dire que le peu de description, de précision qu'on a sur la forêt de Brosséliande correspond à l'actuelle forêt de Pimpon, qui a porté un nom breton très proche de Brosséliande jusqu'au XVIIe siècle. Donc cette forêt avait quand même des indicateurs disant qu'on pouvait la raccrocher à la légende. le plus gros étant la fontaine de Barenton, la fontaine Miraculous. Donc on a ça, on a quand même, non pas au Moyen-Âge, mais au XIXe des grands auteurs bretons qui se sont intéressés à ça, et il n'y a pas de lieu. C'est exactement aujourd'hui comme quand on va à Troyes et qu'on se dit, on va à l'office du tourisme, il y a quelque chose sur Chrétien de Troyes, on dit, non, tout le monde nous le demande, mais il n'y a rien. Mais attendez, vous avez quand même un auteur majeur du Moyen-Âge, et bien nous c'est pareil. Donc on se dit, il faudrait faire quelque chose. Et là, par chance, à l'époque, je travaillais dans le tourisme, développement local, tourisme et culture, et on a eu l'occasion de proposer des projets qui étaient financés par ce qu'on appelait à l'époque en France l'aménagement du territoire. Et on a obtenu la somme absolument faramineuse de 250 000 francs. Ça fait rire, mais c'est avec ça que notre groupe d'amis a créé le Centre Arthurien, un endroit où parler de la légende arthurienne, expliquer, montrer des œuvres ou des copies d'œuvres. projeter des films, faire des petites conférences, explorer la forêt bien sûr. C'est nous qui avions commencé les sorties guidées, comptées. Et à notre grande surprise, on n'était quand même pas, on était femmes de la légende, mais peut-être pas assez. Ça a répondu extraordinairement bien. Il y a eu vraiment beaucoup de gens. Et c'est exactement ce que nous avions rêvé. C'est-à-dire que c'était des gens de toutes sortes. C'est-à-dire qu'on avait des enfants, on avait des gens en vacances qui venaient voir ce qu'il y avait à voir. On avait des passionnés qui arrivaient. Quand je dis de partout, c'est de partout. Ça pouvait être du Japon, de Nouvelle-Zélande, comme du département d'à côté. Et on avait tous les âges, donc les enfants qui voulaient des contes et des légendes, des adultes ou des grands adolescents qui voulaient soit en savoir plus, soit aller vers ce côté consolant, rassurant qu'il y a dans les légendes, le besoin de rêver. On avait des passionnés d'archéologie. C'était exactement ce qu'on avait espéré faire. Alors, on a avancé un petit pas parce que... il fallait qu'on se débrouille avec nos propres moyens. Mais là aussi, souvent, on en a, vulgairement, on en a bavé. Donc, ce n'était pas si simple que ça. Mais ça nous a permis d'être solides. Tout ce qu'on a fait, c'était bien planté, c'était à nous. On ne se précipitait pas à faire les choses parce qu'on n'avait pas les moyens. Et au fond, c'est comme je parlais de mes études tout à l'heure, c'est peut-être ce qui a fait qu'on dure quand même depuis 37 ans maintenant.
- Speaker #0
Et avec toute une série d'activités qui sont proposées, des conférences, des activités pour les enfants. Moi, quand je suis allé durant les congés, on avait fait les Olympiades arthuriennes. C'était vraiment chouette, un très, très chouette moment en famille.
- Speaker #1
Les Olympiades, on était agacés par la folie qu'il y avait autour de cette flamme, grande flamme, petite flamme qui passait. Mais en même temps, il ne faut pas être en dehors du monde non plus.
- Speaker #0
Non, non, tout à fait.
- Speaker #1
Et puis, les petites parodies, ça fait toujours rire, ça plaît toujours. On garde quand même dans la tête que le vrai événement arthurien de la fin du siècle, du début du nouveau siècle plutôt, c'est quand même comme l'autre d'Alexandre Astier. Et effectivement, ce qu'on aime, c'est le vrai connaissance. Et après, quand on a la vraie connaissance, on en fait ce qu'on veut. C'est déjà ce que faisaient les Anglais avec Monty Python, avec le Sacré Graal. Et nous, on s'est dit, on va essayer de faire un petit truc comme ça. On n'est pas à leur hauteur, mais voilà. Et nos animations changent tous les ans. Et d'ailleurs, c'est là qu'on constate à quel point le public évolue. C'est-à-dire qu'il y a quelques années, on n'aurait jamais fait quelque chose sur le western, sur le steampunk, mais la matière arthurienne infuse, perfuse tous les domaines. On s'en fonde de ça, tous les domaines, donc nous ça nous donne les mains libres pour faire de tout.
- Speaker #0
Clairement, et pour illustrer un petit peu ce que tu nous partages là, j'ai acheté au Centre Arthurien, j'aime beaucoup les comics américains, et entre autres Batman, et il y a certains épisodes où Batman retourne, enfin, c'est pas qu'il retourne, c'est qu'il y a la légende du roi Arthur et l'univers de Batman qui se mêlent, et qui donne quelque chose d'extrêmement chouette à lire.
- Speaker #1
Mais regarde, Kaamelott 3000, c'est incroyable ça aussi, et puis dans des choses beaucoup plus simples, c'est le maire de la commune de Concoré où nous sommes, qui m'a l'autre jour dit, regarde ça, tu l'as peut-être oublié, c'était Stargate, c'est pas ça un Stargate, un épisode, je ne sais plus lequel, 19, bref, c'est la cour du roi Arthur. Donc il y a un épisode de Stargate qui se passe à la cour du roi Arthur, de même que dans le MacGyver, il y a un épisode qui se passe à la cour du roi Arthur. C'est comme si on ne pouvait pas y échapper.
- Speaker #0
Complètement. Et c'est justement aussi le propos de ce podcast, c'est de comprendre que cette légende du roi Arthur, on en parlera plutôt vers la fin, elle reste actuelle, et on se posera la question du pourquoi, mais on n'y répond pas tout de suite. Maintenant qu'on a posé le cadre, est-ce que tu peux nous partager les éléments constitutifs de ce que moi, j'appelais le mythe arthurien ? Je reprends volontairement le terme mythe pour que tu puisses donner l'explication que tu m'as donnée et l'explication de pourquoi il ne faut pas parler de mythe arthurien et pourquoi il faut plutôt parler de légende arthurienne.
- Speaker #1
Ce que je t'ai expliqué tout à l'heure, je vais le reprendre parce que c'est vrai qu'on peut vivre sans ça, ce n'est pas très grave. J'aime bien que les choses, quand elles peuvent être précisées, soient précisées. Un mythe est mystérieux. Un mythe recèle le secret de notre monde. Dans un mythe, il y a ce qui crée notre vision du monde, ce qui crée notre relation aux puissances supérieures, ce qui explique les tenants et les aboutissants de notre forme sociale. C'était ça, les vrais mythes d'origine. Les mythes de création, par exemple. Ils expliquent comment le monde est advenu. La légende d'Arthur Ville, c'est une légende, pourquoi ? parce que... On va revenir au mot lui-même, légenda, c'est ce qui doit être lu. Donc pour être lu, c'est que ça existe déjà. Et si on peut le lire, on va pouvoir l'expliquer. Donc la légende, en fait, la légende arthurienne, elle n'explique pas le monde, elle explique un certain monde, elle explique certains événements, mais donc qu'on peut parfaitement tracer. C'est-à-dire que la légende arthurienne, on la trouve, ce n'est pas dans la mémoire infinie des peuples, ce n'est pas dans le mystère d'une religion, c'est dans les livres. C'est simplement dans la littérature du Moyen Âge, du XIIe siècle, avec quelques éléments épars plus anciens que ça, mais fondamentalement c'est le XIIe et XIIIe siècle, un peu après aussi, qui nous donne tout l'ensemble de cette légende. Mais là où c'est plus intéressant et moins tranché, parce qu'il y a le mythe, il y a la légende, on dit mythe arthurien, mais il est vrai aussi que dans la légende arthurienne, il y a des éléments mythiques très anciens. qui sont reconduits, comme on va en citer tout à l'heure, et qui eux viennent notamment du monde celtique, un petit peu du monde romain mais pas tant que ça, du monde où on trouve les mêmes éléments dans la mythologie scandinave. Donc ça ce sont des noyaux durs qui sont enchâssés dans la légende arthurienne où c'est le terreau de la légende arthurienne. Donc elle n'est quand même pas coupée du mythe. Et deuxième point, de la légende arthurienne sont nés des mythes. La table ronde. la chevalerie idéale et le Graal qui est le plus puissant et le plus brillant de tous. Donc effectivement, on est entre deux, mais la matière arthurienne elle-même, c'est bien une légende.
- Speaker #0
Et est-ce qu'on peut revenir sur les éléments constitutifs de cette légende ? Qu'est-ce qui est important dans cette légende ? Quels sont les grands moments, au final, qu'on voit dans cette légende arthurienne ? Alors,
- Speaker #1
si on simplifie vraiment beaucoup, on a une naissance qui se fait au XIIe siècle. avec des auteurs plutôt anglo-saxons, qui sont le plus connu, il s'appelle Geoffroy Moumous, il est au service du roi Henri Ier-Beauclair d'Angleterre, et il écrit pour lui une histoire des rois de Bretagne, qui veut être une histoire authentique, la preuve c'est qu'il l'écrit en latin, et le latin on ne plaisante pas avec, c'est la langue savante, la langue religieuse, ce n'est pas la langue des petites plaisanteries, on n'écrit pas de scénettes amusantes en latin, on n'écrit pas de poèmes d'amour en latin. On écrit l'histoire, la religion, la philosophie et toute la science. Donc il écrit une histoire des rois de Bretagne où le rôle principal, la plus grande partie, est dévolu au roi Arthur. Premier point, et ce texte est repris par un autre auteur anglo-normand qui s'appelle Ausha, anglo-normand, il est de Jersey, l'île de Jersey, et il transmet ce qu'a écrit Geoffroy de Montmousse, mais il l'arrange à sa manière en y ajoutant des éléments. qui ne sont pas chez Geoffroy de Montmousse. Alors, Geoffroy parlait du roi Arthur, de la reine de Nièvre, des chevaliers, de Merlin, de Mordred, de la fin du royaume, en gros. Oise va ajouter… la table ronde, ce qui n'est quand même pas rien, comment elle est venue, comment elle s'est faite, comment on y a réuni des chevaliers, et il va y ajouter la forêt de Brosséliande et ses merveilles. Et lui, il écrit donc en dialecte de Jersey, qui est un dialecte du français, un français régional. Donc là, ça y est, la porte est ouverte, et après, on va avoir le grand moment, Chrétien de Troyes, qui amène à la fois Perceval, Lancelot, Yvain le Chevalier au lion, les Merveilles de Brocéliande, à la fin de tout, le Graal. Et le Graal est chrétien de Troyes. Alors là, il y a encore de ces hasards dont on discute toujours. Il y a toujours ceux qui disent que le roman du Graal, il ne l'a pas fini exprès. Les un peu complotistes disent qu'il ne l'a pas fini exprès parce qu'on l'a empêché, il a révélé des choses importantes. Et il y a ceux qui disent très simplement qu'il est mort. C'est ce que disent ses successeurs, qui disent qu'on reprend. le récit de Messire Chrétien, là où la plume lui est tombée des doigts à cause de la mort. Mais bref, le roman n'est pas fini, ce qui pouvait arriver de mieux, parce que du coup s'engouffre toute une série de continuateurs, de gens qui reprennent ce sujet, parce qu'il y a une fascination, dès que le Graal apparaît, il y a une fascination complète autour de ce mystère, que Chrétien d'ailleurs évoque, mais pas si souvent et pas si profondément qu'on le dit. Et après Chrétien, encore une autre étape de la légende, on va passer à quelque chose de beaucoup plus sérieux, c'est-à-dire que toute cette légende arthurienne avec le Graal va être reprise par des auteurs qui vont lui donner une teinture beaucoup plus chrétienne. Et là où dans les romans en verre avec Chrétien de Troyes, ce qui lui succède, on a le Graal comme une aventure majeure, mais une aventure parmi d'autres de la table ronde, les auteurs chrétiens… Ils prennent les choses à l'envers. Ils disent qu'il y a le mystère du Graal qui commence à la crucifixion et le monde arthurien n'est là que pour aider le mystère du Graal à être résolu, à devenir. Ce Graal qui est là déjà au pied de la croix et même avant sur la table de la Seine, ce Graal ayant disparu, les chevaliers de la table ronde vont aider à le retrouver. Mais il faut que ce soit bien sûr les chevaliers du roi Arthur puisque ce sont les meilleurs. Mais après ça, on n'a plus besoin de la table ronde et du roi Arthur. l'aventure se termine. Et après ça encore, on a au XIVe siècle tout un tas de gens. C'est très étonnant parce que vous savez, aujourd'hui, quand il y a un héros de cinéma, on va faire des spin-offs, on va faire des reboots, on va faire comme ça toutes les séquelles, les préquelles, on va utiliser au maximum. Eh bien, c'est exactement ce que font les auteurs du XIVe et du XVe siècle. Ah ben tiens, on a à peu près tout écrit sur Lancelot et Arthur. On va écrire sur leurs parents. On a tout écrit sur Perceval, on va écrire sur les enfants. Et puis, on ne l'a pas utilisé, on va spin-off. Et puis, on va réécrire toute l'histoire. Et c'est exactement le même système parce qu'on ne peut pas se passer de cette matière. Elle est toujours, même si elle a l'air d'avoir fini sa carrière, d'avoir fini son parcours, elle fascine encore, il y a des éclats absolument étonnants, des aventures. Il y a un roman qui s'appelle Perlesvo qui est très curieux parce qu'il est... hyper chrétien et hyper violent. Il y a des têtes coupées par chariots entiers. Au début de ce récit, on est dans la forêt nocturne, au fond, un peu inquiétante, et le chevalier qui est là, Perlesvaux d'ailleurs, il voit une lueur qui arrive du fond de la forêt, et c'est une espèce de voiture, en forme de tonneau, en vert, éclairée de l'intérieur, une espèce de grosse boule lumineuse. Dedans, il y a un chevalier, prisonnier, très beau, qui passe là, escorté. et on ne sait pas pourquoi et on ne sait pas comment. On reste avec une image, juste une image fabuleuse et mystérieuse. Et ça, ça fait vraiment partie de ce qu'on cherche dans le roman Arthurien. Et il n'y a peut-être pas eu le temps, mais quelqu'un aurait pu reprendre l'histoire de ce chevalier et faire à son tour un roman. Et ça, ce sont les grands moments. Après, on va avoir un temps mort. Et après, le 19e siècle va reprendre la légende arthurienne, surtout en Grande-Bretagne. Mais alors, il y aura des choses qui ne se sont pas faites jusque-là. C'est-à-dire qu'on va l'exprimer dans d'autres médias que simplement la littérature. D'abord, ça va être beaucoup la poésie en Angleterre. Et il va y avoir aussi toute la peinture, non plus l'enluminure d'un texte existant, mais la peinture pré-Raphaëlie, tout symboliste, qui va s'emparer de ces thèmes-là. La musique, l'opéra. Wagner va écraser tout. C'est dur de se remettre de l'opéra de Wagner dans les périodes qui suivent. Et dernier épisode, qu'est-ce qui manquait à tout ça ? L'image animée. Et puis nous, au XXème siècle, on hérite tout ça, plus des choses qui sont modernes, mais pas tant que ça. Parce qu'on va nous dire qu'il y a la bande dessinée qui apporte beaucoup. Oui, mais quand on prend certains manuscrits, la bande dessinée y est déjà. les enluminures, y compris les phylactèbres.
- Speaker #0
Oui, et j'ajoute à cette histoire un élément que j'ai découvert ce matin, donc vraiment ce matin avant notre enregistrement. En fait, dans la réserve précieuse des collections de l'Université de Mons, on a une copie en français et en vert du roman de Perceval le Gallois. Donc, ça vient vraiment se matérialiser, l'histoire que tu as racontée. Elle est effectuée dans le dernier quart du XIIIe siècle par un scribe inconnu, donc on ne sait pas qui l'a fait. Il est composé, ce trésor, de 244 feuillets de parchemin. Il comprend le texte complet du roman de Perceval, la première et la deuxième continuation, ainsi que celle de Manossier. Notre exemplaire, il a pour particularité, en tout cas c'est ce qu'un des gestionnaires de collection m'a dit, petit coucou à Christine d'ailleurs, c'est qu'il est le seul parmi les 15 manuscrits du roman de Perceval conservé à ce jour à contenir le texte en vers d'un prologue intitulé « L'élucidation » .
- Speaker #1
Alors là, ça c'est extraordinaire, parce que je ne savais pas où était ce texte. On le cite toujours. J'en ai trouvé une copie, Dieu merci, dans un livre qui doit dater de juste après la guerre, où un auteur consciencieux, répertorique, un très très grand arthurien, qui a écrit des choses très claires et très simples, qui s'appelait Jean Marx. C'est toujours amusant, parce qu'on te dit « j'ai trouvé ça chez Marx » en parlant du domaine arthurien. Et il parlait de cette élucidation en disant que c'était une pièce unique. qui était sûrement très ancienne dans son inspiration, qui relevait très fortement du domaine celtique, parce qu'il y a des fées, il y a un puits en santé, il y a une coupe d'or, qu'à cause de cette coupe d'or et de cette toux miraculeuse, on le rattache au Graal. Il y a un roi violent qui brise tout ça, et le Graal, la coupe, qui n'est pas dans mes Graals, mais la coupe disparaît, les jeunes filles aussi. Donc ça a quelque chose à voir avec le thème du Graal. Ce n'est pas du tout non plus le Graal chrétien qu'on va rencontrer. Et c'est un texte qui continue à poser des questions. un texte court mais vraiment fascinant
- Speaker #0
Voilà, c'est dans nos collections donc si à l'occasion tu passes à Mons avec plaisir Je pourrais même passer exprès Tu nous parles de légendes celtiques tu nous parles de matière de Bretagne est-ce que tu peux un petit peu nous expliquer comment se situe le récit, les légendes arthuriennes parmi ces légendes celtiques parmi cette matière de Bretagne comment tout se met l'un dans l'autre au final Oui,
- Speaker #1
en fait, le plus ancien, c'est le légendaire celtique. Parce que quand on parle de légendaire celtique, on parle de légendaire celtique d'origine préchrétienne, c'est-à-dire d'origine païenne. C'est l'histoire des dieux, des héros, de tous ces personnages absolument fabuleux, auxquels les Irlandais, d'ailleurs même très catholiques, ont continué à croire un peu. Parce que chez eux, en plus, non seulement il y a la croyance dans ces personnages-là, mais ils habitent le paysage. Ils ont façonné le paysage. Il y a des chutes d'eau, il y a des cascades, il y a des grottes, ils sont là. Ils sont là, mais on est quand même tous les dimanches à la messe. Il y a une fusion très intéressante. En fait, ce qui compte, c'est de croire. Donc là, ce sont tous ces récits qu'on connaît encore, parce que, de manière très étonnante, les Irlandais n'écrivaient pas. Ce sont les moines. Quand on est catholique, quand on est chrétien, on écrit. On écrit parce qu'il faut lire. Il faut lire le texte, la Bible. Il faut lire les évangiles. Et il faut écrire des gloses. donc on sait écrire Donc ce sont ceux-là qui transcrivent les croyances des Irlandais qui viennent d'être christianisés. Alors certains les écrivent de manière assez marrante en disant « moi j'écris ça, j'y crois pas, mais on m'a dit de l'écrire alors je l'écris » . Mais grâce à eux on a quand même des quantités et des quantités, écrites entre le VIe et le XIVe siècle même, de ces récits. Et ces récits-là on voit comment ils ont nourri, par épisode ou par allusion, comment ils ont nourri la littérature artérienne naissante. Donc, la littérature artérienne, elle, elle est plutôt européenne, continentale, majoritairement en langue française. Je ne vais pas dire française, ça correspondrait à un pays qui n'existait pas. Sinon, en langue française. Elle est en langue française et elle est dans la modernité totale, en ce sens qu'elle est dans la création de ce genre qui n'existait pas, qui est le roman. Le roman qui vient d'une langue romane. qui l'on prend de son nom, et le roman qui est une écriture pas sérieuse. Parce qu'à quoi ça sert un roman ? À rien. Ça ne transmet pas la mémoire, ça ne transmet pas la philosophie, les mathématiques, l'astronomie, l'astrologie. Ça ne perpétue pas une parole philosophique. C'est une lecture de plaisir, c'est une lecture de distraction. Donc elle est en langue vulgaire, en langue courante. Mais dans ces récits, les auteurs réutilisent des morceaux de ces anciennes mythologies irlandaises qui ont voyagé jusqu'à eux parce que la lecture n'est pas donnée à tout le monde, mais l'écoute est donnée à tout le monde. Et il y a l'itinérance des poètes qu'on appelle les bardes. en territoire celtique, on va appeler des troubadours dans la France du Nord et des trouvères dans la France du Sud, qui sont des poètes. Ce n'est pas simplement des comédiens, ce n'est pas juste des jongleurs, c'est des gens qui entendent des récits et qui, avec ces récits, composent de nouvelles histoires et qui les amènent à travers toute l'Europe. Donc là, on a, avec ça, et grâce aux écrits qui naissent de ça, on a la naissance de la littérature arthurienne. Et cette littérature arthurienne, histoire du roi Arthur, des Chevaliers de la Table Ronde et tout ce qui va venir s'ajouter, on l'appelle arthurienne. Mais si on y ajoute un autre ensemble d'œuvres extrêmement important au Moyen Âge, qui est peut-être encore plus lu et commenté, qui est la légende de Tristan et Iseult, le roman de Tristan et Iseult, Arthur plus Tristan et Iseult, c'est ce qu'on appelle la matière de Bretagne. Et à partir de là, à partir de cette matière de Bretagne, tout va bourgeonner. Donc on a les légendes celtiques, elles peuvent remonter à plusieurs siècles avant Jésus-Christ. On a la légende arthurienne qui prend forme au Moyen-Âge au travers des romans. Si on ajoute à la légende arthurienne les romans de Tristan et Iseult, qui eux aussi ont une origine fortement irlandaise, eh bien on se retrouve avec la matière de Bretagne.
- Speaker #0
Alors, tu nous l'expliques à plusieurs reprises, il va y avoir une appropriation chrétienne au final du récit du roi Arthur. Dans quel contexte cette appropriation se passe, pourquoi elle se passe, et qu'est-ce qu'elle vient apporter au final au récit ?
- Speaker #1
En fait, aujourd'hui, on est dans des pays où on est religieux, on a des sentiments religieux, parce qu'on le veut bien. Notamment, moi je parle de France, on est dans un état assez spécial, ou un état laïque, c'est-à-dire que la religion est tout à fait à côté. Mais je crois que plus personne aujourd'hui en Europe ne pense à quel point, au Moyen-Âge, Tout est religieux, tout est chrétien. C'est-à-dire qu'il n'est pas question de vivre hors du christianisme. Une chose très très bête, par exemple, on habite dans un village dans la campagne. Qui va vous soigner ? C'est le curé. C'est lui qui a un peu de notion de culture pour vous aider à vous soigner. Qui va vous donner l'heure ? C'est l'Église. On n'avait pas de montre, on n'avait pas de clepsydre, on n'avait pas ces moyens-là. Donc en fait, l'Église est partout dans la vie quotidienne comme elle est. dans l'aide à vivre mieux ensemble. Il faut oublier quand même que au Xe, XIe, XIIe siècle, c'est l'Église qui impose la paix de Dieu parce que ça commence à bien faire de se tuer, de s'entretuer. Aujourd'hui, on a toujours une... Oui, la religion, c'est une contrainte. Il faut voir quand même toute l'aide que la religion pouvait apporter au Moyen-Âge. Et il faut voir aussi qu'on ne vivait pas en dehors d'un cadre chrétien. Ce n'était pas se tourner vers le christianisme comme on dirait aujourd'hui. je m'intéresse au roman arthurien, je vais le transférer dans un domaine bouddhiste. Non, on est en plein dans sa culture et cette culture imprègne les textes qu'on écrit. Après, c'est une question de proportion. On n'écrit pas des textes religieux, mais on écrit des textes forcément en fin de la religiosité du temps et surtout comme ces textes sont écrits sans encore l'oublier. Ils sont en costume médiéval, non ils sont en costume moderne quand ils écrivent. Ils sont exactement dans le costume de tous les jours. Donc, ils vont vous donner des réflexes de tous les jours. On va à la messe, on entend carême, comme ils vont vous expliquer quelle armure on porte au tournoi. Si vous voulez savoir la dernière mode des armures en 1315, lisez les continuations du Comte du Val. Vous avez la mode, vous avez ce qu'on mange. Tout est moderne, donc la religion est là absolument. Par contre, là où ça change, c'est quand les grands romans en verre du Graal vont vraiment forcer la matière. à rentrer dans un moule chrétien et vont tous subordonner à l'idée chrétienne qu'ils voient derrière le Graal. Là on change, là on change et c'est d'ailleurs pour ça que c'est très intéressant, le comte du Graal, Perceval, est le héros du comte du Graal, un héros nouveau mais dont on a des équivalents au Pays de Galles, donc là encore l'origine celtique n'est pas un fantasme du tout, mais Perceval est un personnage humain, c'est-à-dire qu'il a des attraits, il a des amours, il a des pulsions. il mange, mais on sait d'avance que c'est lui qui sera le héros du Graal. Mais quand on arrive dans le roman en prose beaucoup plus christianisé, tous ces héros-là perdent ce val en tête, ils sont trop humains, ils se marient, ils ont des jeunes filles, donc on va créer un nouveau héros qui lui sera conforme à Doxa, qui sera aussi beau et aussi bon combattant. presque violent d'ailleurs, il y a presque une cruauté chez lui qui aujourd'hui nous choque un peu, mais il va avoir la qualité suprême. Quelle est la qualité suprême pour un chevalier ? Comme ça, on va se dire, c'est bien se battre, c'est être courageux, c'est avoir le sens de l'honneur. Non, c'est la chasteté qui ne nous paraît pas vraiment indispensable. Mais lui, c'est ce qui couronne. son personnage, et c'est grâce à ça qu'il va pouvoir trouver le Graal. Il est fabriqué de toutes pièces pour trouver le Graal. Et là, vraiment, je crois qu'on est nombreux à le trouver, quand on lit ces textes-là, on voit très bien que c'est une fabrication. Il est mis en place, et en plus, ça fausse un petit peu le récit du Graal, parce que quand les chevaliers partent à la quête du Graal, on part en quête d'un objet merveilleux, destiné au minimum à porter le bonheur du monde, du moins... résoudre quelques-uns des problèmes du monde souffrant. Et tout le monde a sa chance. Chacun va se dire « c'est peut-être moi » . Que ce soit le grand blâme de la princesse, tout le monde part en se disant « je vais peut-être y arriver » .
- Speaker #0
Or là, on se rend compte que Galade a été fabriqué pour ça, et qu'en fait c'est un jeu de dupe. Et comme la prédestination, l'élu de la quête du Graal est déjà trouvé quand tout le monde part pour la quête. D'où à la fin de la quête, cette espèce de désenchantement, tout le monde n'a pas eu sa chance. C'est un petit peu ça avec Perceval, parce que sa famille en fait déjà approche du Graal, mais les choses sont beaucoup plus abîmées en fait, et puis Perceval ne répond pas, ne trouve pas les questions à poser. pour savoir si c'est le Graal, père le Graal, à cinq ans d'espèce de dépression, il faut le remettre en route, il va affronter des nouveaux palais. Ça va être très compliqué. La ligne de Perceval vers le Graal, c'est quasiment une ligne droite. Et à la fin, Perceval trouve le Graal. Il y a un truc d'auteur qui est bien fait, j'en connais. Il trouve le Graal. Il est au palais du Graal avec quand même Perceval et le cousin de Lancelot, parce qu'on ne peut pas éliminer Perceval complètement de la chose. C'est le second de la quête. Donc ils sont accueillis un an au palais du Graal, très bien accueillis, mais seul Galahad va avoir le droit d'assister, de célébrer une messe de Graal, et ils vont le voir tous les trois, le Graal est là devant eux, mais Ébohor le voit de l'extérieur. Galahad a le droit de se pencher pour voir dans le Graal quel est son mystère. Et c'est tellement foudroyant, merveilleux, fabuleux, qu'il en meurt d'extase. Et on ne saura jamais. ce qu'était ce mystère du Graal, parce qu'à peine est-il mort, que son âme, la coupe du Graal et puis l'autre objet de la quête qui est la lance, remontent au ciel dans les mains des anges. Donc on reste sur une frustration totale. Tandis que dans les romans en vers, qui vont garder Perceval comme héros, il n'explique pas ce qu'est le Graal, il nous dit juste qu'il l'a retrouvé, qu'il doit le garder. Il faut veiller sur le Graal, un peu comme Indiana Jones, il faut que le Graal garde son gardien. Perceval va se marier, va avoir des enfants, mais il restera le gardien du grêle à la mort bien sûr, à sa mort bien sûr, il ira direct au paradis, mais c'est pas tout à fait fini parce qu'il a un fils, son fils s'appelle Lohengrin, Lohengrin qu'on va retrouver dans les légendaires allemands et dans l'opéra de Wagner. Et la version en vers est un peu pessimiste, un peu... elle vous laisse quand même un regret amer. Je trouve que la version Perceval est beaucoup plus... optimiste et beaucoup plus juste vis-à-vis des héros et du lecteur. Et là, avec un ami, on vient de faire une réécriture de la légende arthurienne et on a pris la partie personnelle. Parce qu'on retrouve toujours l'inspiration de la partie galahade. Mais la partie personnelle, c'est Chrétien de Trou plus quatre continuations. Il y a justement deux chez vous, dans le manuscrit dont vous parliez. Et c'est tout à fait intéressant aussi, c'est des belles aventures. Et il y a ce côté plus optimiste, plus exaltant. Oui,
- Speaker #1
tout à fait. Alors là, on a parlé du côté chrétien du récit, entre guillemets. Une autre part, je vais dire, d'influence du récit, c'est que le récit va servir réellement à asseoir des rois sur des trônes. Ils vont être plusieurs à essayer de se dire de la lignée du roi Arthur pour justifier le pouvoir qu'ils vont prendre sur l'Angleterre.
- Speaker #0
Oui, ça commence avec Henri Ier, on en a parlé là. Henri Ier qui est, il descend Guillaume le Conquérant. Tous les peuples conquérants, un jour ou l'autre, se disent « mais mon conquérant, quelle légitimité il a ! » Et Geoffroy de Lombeau, justement, écrit pour Henri Ier l'histoire des rois de Bretagne. Il y a toute la liste des rois de Bretagne dont Henri Ier est le plus récent. Et parmi ces rois, le plus important, le règne le plus fabuleux, le plus juste, le plus riche, c'est celui du roi Arthur. Donc, il trace déjà une lignée, pas forcément une lignée par alliance successive, rapproche les rois descendants de Guillaume le Conquérant à roi Arthur. Bon, Henri Ier n'a pas de descendant direct, donc le trône a prévient des péripéties. S'il y en a qui ont eu les piliers de la terre, de Ken Fonette, ils voient un peu de quoi je parle. Bref, le trône va finir par revenir à Henri II, mais qui n'est plus le fils d'Henri Ier. Henri II qui est un Plantagenet, c'est le premier des Plantagenets et ces Plantagenets se sont quand même Merci. malgré tout, encore une fois, des envahisseurs, des conquérants venus de l'extérieur, venus du continent. Donc, ils vont chercher comment se faire une légitimité. Et au Moyen-Âge, il y a une croyance très répandue, c'est plus vous êtes ancien, plus vous êtes sérieux, crédible, important. En toute chose, que vous soyez un philosophe, un mathématicien, un père de l'Église ou un roi, si vous pouvez vous raccrocher à une ligne ancienne ou à quelque chose de très ancien, le très ancien est toujours… meilleur que le nouveau. Donc, on va chercher quelque chose d'ancien. pour justifier l'histoire nouvelle de ces plantagenets. Et ils vont s'accrocher, ce qui est très paradoxal, à cette idée du roi Arthur, qui est un grand héros, un grand combattant, un chrétien exemplaire, un homme qu'on chante dans les récits, mais qui au bout du compte est quand même un roi issu du domaine celtique. Donc il va finir d'asservir les peuples celtiques envahis en se servant d'un de leurs héros. Il va faire une chose très abîme, il va à la fois dire « c'est moi le descendant, c'est moi qui ai eu » . pris la suite, mais dans les peuples celtiques, il y a une légende qui court, une croyance. Le roi Arthur n'est pas mort. Le roi Arthur reviendra un jour de l'île d'Avalon. Ça, c'est depuis Geoffroy, c'est précisé. C'est sa sœur Morgane qui le garde. Et la légende dit même qu'il a annoncé qu'il reviendrait, que ses bretons auront besoin de lui. Et là, autant Geoffroy Plantagenet, ça pouvait aller, mais là, autant d'Henri II Plantagenet, ça ne va plus du tout. Or, qu'est-ce que va faire Geoffroy II Plantagenet et surtout son succès successeur, dont un très très connu, Richard Coeur de Lyon, eh bien, ils vont organiser la découverte de la tombe du roi Arthur dans l'abbaye de la Somme du Rive. Donc, ils découvrent la tombe du roi Arthur et disent « mais désolé, mais non, il ne reviendra pas, il est mort, voilà le squelette » . Vous voyez, à la fois s'emparer de sa gloire, de sa renommée. en essayer d'en faire son ancêtre et en même temps le tuer parce qu'il pourrait devenir gênant. Mais cette attache pour les souverains anglais, ça ne s'arrête pas au Plantagenet, parce que quand les Tudors succèdent au Plantagenet, ils ont été leurs ennemis, mais ils reprennent le trône et ils disent non, non, mais c'était absolument une usurpation d'avoir pris le roi Arthur, parce que le symbole du roi Arthur, c'est le dragon, et c'est nous, les Gallois, qui avons le dragon comme emblème, et on le voit encore. match de rugby, on voit tout de suite des drapeaux partout et des dragons. Donc Henri VII, Henri VIII, ils ne sont pas nombreux les Tudors, mais le petit nombre de rois Tudors se veut très fort, descendant du roi Arthur de par le dragon gallois. Et à la fin du… pendant la période classique, c'est un peu plus calme parce que ce sont des souverains venus d'Allemagne ou de Hollande ou d'Allemagne, donc eux, ce n'est pas trop leur affaire le roi Arthur. Mais quand vient le XIXe siècle. La monarchie anglaise a quand même souffert de... une suite de rois pas forcément les plus brillants du lot. Beaucoup de choses sont à reprendre et arrive la petite jeune fille, Victoria, qui est menue, la petite reine, mais avec une volonté absolument d'acier et des grands principes. Et elle décide de redonner un esprit aussi au royaume. Et elle va mettre l'esprit, le nouvel esprit qu'elle veut à son royaume, sous le signe des chevaliers de la table ronde et du roi Arthur. C'est-à-dire que par exemple, le parlement qui avait brûlé, elle va le faire reconstruire et la décoration intérieure ce seront des scènes de la chevalerie de table ronde, des portraits de chevaliers, des blasons de chevaliers. Elle va donner des balles où son mari et elle vont apparaître en roi Arthur et en reine de Nièvre, ou en roi Arthur et reine des fées, puisqu'elle fait beaucoup le roi Arthur. Et elle c'est aussi un passeport qu'elle s'achète, parce qu'elle-même descendait de roi anovrien, donc de roi allemand. et son mari était un Saxo-Bourg-Mottin, c'est-à-dire lui un Allemand tout pur. Donc ainsi, il se met sous l'égide du roi Arthur, le roi de l'Angleterre. Et c'est toujours resté cette tendance à dire « c'est notre roi » . Dans tous les autres pays d'Europe, c'est un patrimoine légendaire, culturel, artistique, parfois symboliste, parfois un petit peu mystique. Mais en Angleterre, il y a une connotation qui est patriotique au mieux. qui relève du fait du roi.
- Speaker #1
Un élément dont on n'a pas encore parlé dans tout ce qu'on vient de raconter, c'est cette fameuse épée légendaire, Excalibur, cette épée magique, qui aujourd'hui nous paraît complètement inédite, alors que de ce que j'ai compris, des épées magiques dans l'histoire du roi Arthur, il y en a quand même quelques-unes. Excalibur n'est pas la seule, même si elle reste la plus puissante, je ne sais pas si j'emploie le bon terme, parmi toutes les épées magiques.
- Speaker #0
Il y a beaucoup d'épées magiques, hors de la légende arthurienne aussi, tous les grands héros ont une épée magique, mais la légende arthurienne est ainsi faite que l'épée fait le roi. Ce n'est pas juste l'outil de ses exploits, elle le légitime. C'est-à-dire que s'il ne retire pas l'épée, il n'est pas le roi. Et là, il y a plus que l'épée qui est en cause. Il ne faut pas oublier, et ça on l'oublie souvent, on pense à l'épée, parce que c'est le symbole, c'est une forme extrêmement brillante, ça a la forme d'une croix, c'est une arme. élégante, absolue, c'est l'arme de celui qui a le courage de se battre seul. Mais l'épée, elle apparaît soit dans une enclume, soit dans un rocher. Fer ou pierre, c'est quand même le sol, la terre. Et le roi, c'est celui qui va devenir le maître de la terre. Il faut quand même que la terre l'accepte. Or aussi important que l'épée qui vient et qui le socle comme un roi guerrier, aussi important c'est le rocher ou le métal qui laisse sortir l'épée. Ce n'est pas l'épée qui décide de sortir, c'est son socle qui reconnaît le bon roi et qui lui donne l'épée. Comme dans l'autre version qui moi me séduit au moins autant, c'est le roi Arthur qui retire cette épée et qui effectivement le qualifie en tant que guerrier, rien de plus. C'est déjà pas mal. À l'époque, un roi qui n'était pas guerrier, pas tout à fait ça. Et le roi obtient cette épée, au bout d'un an ou deux, il la brise dans un combat, et c'est à ce moment-là que Merlin l'emmène auprès de la dame du lac, qui lui donne l'épée parce qu'il est devenu digne, il a fait ses preuves comme roi, et là il va recevoir la vraie excalibure, avec son fourreau qui l'empêche de périr de ses blessures. Et ce qui explique parfaitement... Beaucoup mieux que l'épée dans le rocher, ça explique parfaitement pourquoi à la fin, la dernière bataille, quand il sait qu'il va mourir, il demande qu'on jette l'épée dans un lac. Parce que l'épée, elle ne lui appartient pas. Elle lui a été confiée le temps de son règne pour mener à bien sa mission. Mais c'est un talisman surnaturel, entièrement surnaturel, qu'il faut rendre au monde surnaturel. Et c'est aussi cet équilibre qu'on trouve beaucoup dans la légende arthurienne. du masculin féminin, le roi se bat avec l'épée, la dame garde l'épée. On ne laisse pas tout dans les mêmes mains. Quand on va trouver à la fontaine de Barenton le même équilibre, c'est-à-dire que le chevalier Yvain va se battre pour protéger la fontaine, mais la fontaine et ses oies appartiennent à la dame. Et là encore, on retrouve aussi la présence de l'autre, qui est très symbolique, parce que l'eau, c'est quand même la vie, et c'est aussi ce qui échappe le mieux au temps. C'est dans le poème de Dubélé, quand il se demande qu'est-ce qui reste de Rome, et il voit toutes les ruines, et il dit « mais la seule chose qui est comme au temps de Rome, c'est le tibre » . Et il explique que l'eau qui fuit, c'est elle qui fait résistance au temps. Et là c'est pareil, l'eau et les êtres de l'eau sont plus importants pour conserver l'épée, et la redonneront le cas échéant si les temps sont nécessaires, ou si elle juge qu'il y a l'homme providentiel pour la récupérer. J'aime bien cette version-là parce qu'on voit comment la puissance surnaturelle encadre le royaume, d'où vient l'épée. Pourquoi elle est, pour moi, plus merveilleuse que beaucoup d'autres. D'autres ont des pouvoirs merveilleux pour se battre. Elle, c'est plus que ça, elle fait vraiment le roi. Elle défait le roi quand elle le quitte, ou du moins le roi est défait quand elle le quitte.
- Speaker #1
Alors, ces éléments surnaturels dans le récit du roi Arthur, on a vu, le récit a été... christianisé à un moment, mais pourtant les éléments surnaturels sont aussi restés dans ce récit. Comment un petit peu ces deux éléments coexistent au final ? Comment ce surnaturel et ce chrétien cohabitent ? Et pourquoi ce surnaturel est si présent dans la légende du roi Arthur ?
- Speaker #0
Alors, je crois que le surnaturel est intrinsèquement lié à la matière arthurienne, de ses origines celtiques où les contours sont flous entre le monde humain et le monde surnaturel, ils s'interpénètrent très très souvent. La fête de Samin, par exemple, à la 1er novembre, où le rideau entre les mondes s'efface, c'est une constante du récit peltique. Quand il est réutilisé au Moyen-Âge, je n'ai pas de certitude, je vais vous donner mes hypothèses. Je pense que d'une part, l'Église, qui n'est pas idiote, sait très bien qu'il n'y a aucun risque pour elle. Ce n'est pas un récit canonique, ce n'est pas un récit qui dicte la religion, ce n'est pas un récit qui dicte le dogme, c'est vraiment... de la récréation, du loisir. Donc on laisse faire, on laisse faire, au besoin on rectifie un peu le prêt, comme avec les romans en prose du Graal, mais on n'empêche pas, on ne bannit pas, on ne tombe pas en chair contre ceux qui lisent ça, et automatiquement le merveilleux païen et le merveilleux chrétien, parce qu'il y en a aussi un, reste lié tout le temps. Et c'est ça justement qui moi je trouve le plus étonnant, c'est que d'un bout à l'autre ça reste, et que ça reste même dans le Graal, le Graal à l'origine. c'est quand même les chaudrons miraculeux. Je ne dis pas que c'est que ça, mais dans ce qui constitue le Graal, il y a évidemment toute cette tradition des chaudrons de résurrection, de nourriture absolue. Et à aucun moment on essaie, on propose des solutions de remplacement, mais on n'impose pas, on ne va pas anatémiser le Graal, on laisse faire parce que l'Église a toujours la sagesse de le voir pour ce que c'est, c'est-à-dire de l'administration. Et puis il y a des choses beaucoup plus sérieuses à faire, il y a des vraies hérésies, il y a des pestes, il y a des guerres. La récréation des puissants de ce monde n'était pas à ce point grave. Et puis, de toute façon, tout le long des romans, qui sont très habilement faits, on garde le merveilleux, parce que c'est ça qui fait briller les yeux des lecteurs et qui leur donne envie de plus. Mais on introduit tout le temps des éléments chrétiens. Et ainsi, il y a un épisode qui est extrêmement drôle pour moi, c'est « L'Anse-le-du-Lac » . Il est élevé en forêt de Bruxelles-et-Lyon, dans un château caché par un lac, par un enchantement de merveilleux. Il est élevé par un groupe de fées. C'est quand même assez merveilleux tout ça. Mais le jour où il est grand… Il est devenu un homme, il a une aspiration à partir, à connaître le monde, à se battre. La fée Viviane lui fait la leçon. Elle lui dit « voilà, tu vas partir, tu vas être chevalier » . Qu'est-ce que c'est être chevalier ? Que représente ton épée ? Que représente ton cheval ? Et tout ce qu'elle lui apprend, c'est « c'est fait pour servir l'Église, c'est fait pour défendre l'Église, c'est fait pour défendre le petit peuple qui doit pouvoir continuer à aimer la vraie foi » . C'est-à-dire qu'elle base tout son discours sur la religion chrétienne. Et c'est une fée des forêts.
- Speaker #1
C'est très paradoxal.
- Speaker #0
Absolument paradoxal et ça passe, voilà, j'allais dire ça passe crème.
- Speaker #1
Alors, il y a une question quand même fondamentale qu'on ne s'est pas encore posée et qu'on va se poser, c'est, en tant qu'historienne, quelle est la réalité du récit ? Tu nous l'as dit plusieurs fois, donc récit imaginaire, etc. Mais est-ce qu'Arthur a existé ? Est-ce que Camelot a existé ? Qu'est-ce qui a existé ? Qu'est-ce qui n'a pas existé ? Ou au final, n'est-ce qu'un récit pour... se détendre, pour s'amuser, qui a traversé le temps pour différentes raisons.
- Speaker #0
Je pense qu'il n'y a pratiquement rien à exister. Si on est athée, un croyant ou autre, on va dire qu'une religion, ça n'a pas existé. À la base, on ne sait pas, mais on est bien forcé de voir que ça a existé, que ça a eu des conséquences. Ce n'est pas à ce point-là pour la légende arthurienne, mais qu'est-ce qui a existé ? Des œuvres, l'espérance des hommes, le travail des optimistes. Parce que quand on cherche l'historicité du roi Arthur, C'est une formule que je reprends souvent parce que moi c'est ce qu'on m'a appris. Pour qu'il y ait l'histoire, il faut qu'il y ait des documents. Parce qu'avant l'écriture, on est dans la préhistoire ou dans la proto-histoire. Pour qu'il y ait de l'histoire, il faut qu'il y ait des documents écrits. Et il faut qu'il y ait des monuments. Pas l'Arc de Triomphe à tous les coups, mais des objets qui restent, des témoignages. Ça peut être des déçons de poterie, ou ça peut être les ruines romaines des amphithéâtres de Rome. Mais il faut ou le Palais des Papes ou autre. Il faut qu'il y ait ça. Pour Arthur, on n'a rien. En Angleterre, on joue beaucoup sur le fait que oui, mais le roi Arthur c'était au VIe siècle, or on a des monuments qui nous restent du VIe siècle. C'est vrai. Mais dans tous nos pays de Rome, si on fouille, on trouve de toutes les époques. On a été habité, réhabité, réenvahi. L'archéologie est hyper riche. Ce n'est pas parce qu'il y a eu des monuments à cette époque-là, époque attribuée au roi Arthur, qu'il y a eu le roi Arthur dans ces monuments. Et l'attribution au VIe siècle, elle est elle-même une convention littéraire née sous la plume de Geoffroy de Montmousse et de son Histoire des rois de Bretagne. Parce que la chronologie pensée par l'écrivain médiéval n'est pas du tout précise, comme aujourd'hui où on peut savoir à quelques années près à quand remonte tel bâtiment. Donc, remonter très loin dans le passé, il écrit au XIIe siècle, quelque chose qui est au VIe siècle, c'est très très vieux, ça suffit. Et c'est d'autant plus facile d'attribuer à ces époques-là, c'est ce qu'on appelle « dark ages » en anglais, nous on dit au Moyen-Âge, les âges sombres, on n'a pas de documents, on n'a pratiquement rien. Donc on peut placer ce qu'on veut. Pour moi, l'histoire au sens où on doit entendre l'histoire, elle n'est pas là. Par contre, elle est là, oui, après dans les conséquences de l'existence du roi Arthur. Alors, qu'il y ait eu des petits souverains dans l'île de Bretagne, qu'il y ait eu des batailles, oui, mais on ne voit pas se dégager le personnage, pas surhumain, mais plus que brillant, plus que modèle, qui aurait pu donner la… Alors, on a essayé de trouver, ça peut être Riotamus, qui était un roi du principauté honoraise de l'Angleterre. On a pensé à Maxence, Maxence, Maxène, Maxène, les brunotistes Maxène, et c'était Maxence. Maxence, en fait, toute son entreprise, ça a été de devenir… très brièvement et très partiellement, un des empereurs de Rome. Ce n'est pas tout à fait le roi Arthur. Donc on reprend des morceaux comme ça, mais moi pour l'instant je n'ai pas vu de preuve historique concluante. Quant à Kaamelott, Kaamelott n'existe qu'à partir de la moitié du XIIIe siècle. Il n'en est pas question dans aucun des romans précédents, pour la bonne raison. Et là on refait de la société réelle. C'est-à-dire que XIIe, début du XIIIe, Les rois ont des palais, mais ils sont itinérants. Ils se baladent dans tout le royaume. Il y a une traîne énorme de chevaux et de carrioles et de voitures diverses qui emportent les coffres, les sièges, les arbres, les tapisseries. Et ils s'installent parce que c'est aussi un mouvement politique. On montre le roi dans tout le royaume. Et c'est aussi quelque chose un petit peu religieux. C'est-à-dire que le roi, c'est quand même le tenant de Dieu sur terre. Et en se baladant autour du royaume, en faisant cette espèce de grand cercle autour du royaume, ça a une action protectrice. C'est comme d'autrefois les processions circulaires autour des lignes. C'était un peu la même chose. Par contre, il vient un moment où le roi prend un palais plus important que les autres et le cœur du royaume est là. C'est-à-dire qu'à Paris, ça va être le palais de la cité, plus tard le Louvre, et là, ça va être Kaamelott. Sauf que Kaamelott n'existe pas. Alors, il y a des tas d'endroits qui se réclament de Kaamelott, mais... si ça avait été le royaume, le château au sens global. C'est-à-dire que c'est une forteresse, un palais, une ville et des remparts autour de tout ça. C'est quand même monumental. C'est plus Carcassonne que le petit manoir du coin. On retrouve des minuscules abris humains il y a 14 000 ans. On trouverait bien quelque chose pour Cablot si ça avait existé, ou si quelque chose d'approchant avait existé. Je ne suis pas du tout persuadée de l'historicité, mais... Je sais que c'est un sujet très débattu et que d'autres sont tout à l'opposé, tout aussi fervents que moi.
- Speaker #1
Et après, ce n'est peut-être pas là que doit être le débat. C'est plutôt sur les traces que ce récit a laissé à travers toute notre histoire et notre société occidentale.
- Speaker #0
Un patrimoine précieux.
- Speaker #1
Oui, tout à fait.
- Speaker #0
Le professeur Blanc-Seltic, qui s'appelait Guillaume Vard, disait « Bon, à quoi ça nous sert ? Si on retrouve le tombeau de personnel, et puis quoi après ? Les ossements de Blanche-Fleur ? Eh bien, on sera bien avancés ! »
- Speaker #1
Oui, oui, clairement. Une autre question qui est importante, je pense, à traiter, c'est ce côté ésotérique derrière le récit. Alors, quand j'emploie le terme ésotérisme, je ne l'emploie pas de n'importe quelle façon, je l'emploie dans son sens premier, c'est-à-dire qu'il comporte des messages cachés que seuls des initiés peuvent trouver. C'est dans ce sens-là que je l'emploie.
- Speaker #0
Des choses qui ne sont pas faites pour tous. Voilà. Mais ça, c'est une grande tentation, parce que je venais avec la brosséliante, je vois quand même beaucoup, beaucoup de chasseurs d'ésotérisme. chasseurs de messages secrets, ou de gens qui les ont trouvés d'ailleurs, on voit aussi ça. Mais je pense que c'est une version moderne du conte de fées. On a besoin d'un merveilleux. Et ça, c'est encore une promesse de quelque chose de merveilleux qu'on vous a pas révélé, que vous allez découvrir, qui va vous être donné à vous. Mais l'ésotérisme n'a pas de limite, n'a pas vraiment de règles. On a tout un tas d'ésotérismes, de langages secrets. Alors là, je vois en ce moment, on fait appel absolument à tout. absolument à tous les extraterrestres qui ont dit le chamanisme. Tout peut vous révéler ça. Alors, je pense vraiment dans mes moments de, comment dire, quand je veux être gentil, je me dis les gens en ont vraiment besoin. Et puis parfois, je me dis quand même, là, c'est peut-être beaucoup. C'est peut-être beaucoup. Mais c'est des choses sur lesquelles on n'a pas de prise, que des gens, comme vous l'aviez toujours considéré comme rationnel, viennent un jour vous dire. Et là, vous pouvez bien dire. Parce que ça dépasse le rationnel. C'est en fait profondément affectif, quoi qu'on en pense, profondément un besoin de merveilleux. C'est l'art et l'enchantement du monde à eux. Le monde n'a pas tout dit, on nous cache encore des choses. Alors au mieux, si on nous cache des choses et puis on va les apprendre et ça sera le bien pour tout le monde. Et au pire, si on nous cache des choses et ça va être l'apocalypse plus, plus, plus. Mais ce problème d'ésotérisme, je pense qu'il est quelque part aussi vieux que l'homme. Qu'est-ce qu'il y a derrière ? qu'est-ce qu'il y a derrière, et comme on ne sait même pas ce qu'il y a au bout de nos vies, le chemin est quand même large et il y a de quoi faire tout le long de la route. Mais l'ésotérisme, oui, il n'a pas toujours fait partie de ça, mais le XVIIe et le XVIIIe avaient leur propre recherche, il y avait les mouvements initiatiques, donc on ne s'occupait pas forcément beaucoup du Graal. Avec le XIXe, on est beaucoup revenu au Graal, et le XXe, il y a une espèce d'explosion. Voilà, de temps en temps, on achète des livres rien que pour le plaisir, au studio. Il a une imagination absolument fabuleuse. Et on ne peut pas trop le dire, parce qu'on vous démontre par A plus B que c'est vrai. En gros, nous n'avons rien vu, et peut-être que nous n'avons rien vu.
- Speaker #1
Au final, derrière tout ça, ça pose une question qui sera, je pense, la dernière question avant la citation que je te poserai, qui est, en fait, cette histoire a traversé le temps, a traversé nos sociétés. Elle continue encore aujourd'hui à passionner, tu l'as dit, des comics, des bandes dessinées, des films, des séries qui s'inspirent toujours de cette légende arthurienne. Qu'est-ce qui, pour toi, fait au final que cette légende arthurienne a su survivre à toutes ces sociétés humaines qui se sont succédées et a traversé le temps jusqu'à nous aujourd'hui ?
- Speaker #0
Je ne sais plus si on l'avait dit ou pas, mais pour moi, c'est la plus ouverte de toutes. L'histoire, c'est limite. D'ailleurs on a introduit maintenant des merveilleux dans l'histoire pour lui donner de l'effervescence. La plupart des religions ont quand même des dogmes et des règles qu'on doit respecter et beaucoup de mythologies sont quand même très complètes, très fermées et peut-être parce que ça vient des terres celtiques et que les histoires qu'on raconte, je crois, ressemblent beaucoup aux paysages dans lesquels elles naissent. C'est-à-dire qu'on n'a pas les mêmes histoires dans le sud et dans le nord, dans la brume et dans le soleil. Et dans un pays comme l'Irlande ou les terres celtiques, où on est beaucoup dans la brume, dans les nuages, dans des choses très floues, dans le va-et-vient de la mer, peut-être que cette histoire a justement ce va-et-vient, qu'elle n'est pas finie et que c'est pour ça qu'elle continue à s'adapter à tout le monde.
- Speaker #1
Et je pense, comme on le disait durant la préparation, il y a un esprit dans cette histoire qui est un esprit qui, aujourd'hui, nous semble important, cet esprit chevaleresque, je dirais presque. Cet honneur, ce sens de l'aventure, ils partent en quête, de ce Graal qui paraît si inatteignable, c'est quelque chose qui nous fait pratiquement envie dans nos sociétés, peut-être parfois désenchantées et désabusées.
- Speaker #0
Désenchantées, désabusées et très installées, parce qu'on est quand même en grande majorité très piégés par la technique, le confort, nos appareils. Et c'est vrai qu'on parle de la quête du Graal, mais en fait, dès le début de la table ronde, leur rôle, c'est de partir en quête. En quête pour que le monde soit meilleur. et la règle d'ailleurs c'est Vous ne choisissez pas vos aventures. Il y a un endroit où on a besoin de vous, vous y allez. Et si on n'a pas besoin de vous officiellement, partez sur le chemin, vous trouverez forcément une aventure où vous êtes nécessaire. C'est-à-dire que l'esprit de quête, c'est ça. Et aujourd'hui, on a du mal à avoir cet esprit-là. Et je pense qu'on en a une extrêmement profonde nostalgie.
- Speaker #1
Tout à fait. Eh bien, on arrive tout doucement à la fin de cet épisode. Je me permets déjà de te remercier pour l'échange qu'on vient d'avoir. C'était super intéressant. Le prochain épisode de cette série sur la légende du roi Arthur se fera avec Emanuele Arioli, qui est un jeune chercheur qui a, pendant dix ans, cherché un chevalier perdu de la légende du roi Arthur, donc un chevalier dont on avait oublié l'existence et qui a fini par le retrouver. Alors, on va vivre toute cette aventure avec lui et on parlera d'autres choses aussi.
- Speaker #0
Et Emanuele a vraiment accompli, dans les moyens d'aujourd'hui, une vraie quête.
- Speaker #1
Tout à fait.
- Speaker #0
Il a fait tous ses cheminements tout seul. il a suivi ses intuitions, et il a passé du temps, c'est aussi largement que la quête du bras, la quête de Ségur.
- Speaker #1
Tout à fait.
- Speaker #0
C'est un bel exemple que les quêtes ne sont pas forcément sur la route et sur un cheval.
- Speaker #1
Et je te propose maintenant, Claudine, pour clôturer cet épisode, de nous partager cette citation, cette phrase, ou ce groupe de phrases qui synthétise un petit peu tout ce dont on a parlé aujourd'hui. Alors,
- Speaker #0
ça ne l'a pas synthétisé, ça l'a renvoyé.
- Speaker #1
Très bien.
- Speaker #0
Parce qu'il y a deux choses dont on n'a pas beaucoup parlé, parce que, bon, On a eu beaucoup de temps et c'est formidable, mais il n'y en a jamais assez. La première, c'est la poésie, la poésie récente et le fait que la légende, elle est souvent là où on n'attend pas du tout. Et la deuxième, c'est qu'on n'a presque pas parlé d'un personnage extraordinaire et qui est le pivot de l'aventure, c'est Merlin. Oui,
- Speaker #1
tout à fait.
- Speaker #0
Donc, j'ai réuni les deux et je vais lire quelques lignes de celui qui est pour moi, dans les poètes modernes, celui que je préfère. Et le plus musical de tous, c'est Apollinaire. Pascal Polinaire a écrit une série de poèmes autour de Merlin. Et là, je vais lire deux petits morceaux de Merlin et la vieille femme. Et on voit la présence de Merlin, ces questions. Alors je commence. « Au carrefour, où nulle fleur sinon la rose des vents, mais sans épines, n'a fleuri l'hiver, Merlin guettait la vie et l'éternelle cause qui fait mourir et puis renaître l'univers. » Donc on voit la puissance de Merlin, qu'Arthur n'est qu'un passage dans sa vie et que Merlin sera toujours là derrière. Et à la fin, on retrouve ce dont on n'a pas parlé non plus, puisqu'on n'a pas parlé de Merlin. Ce sont ses amours avec Viviane et son enfermement dans la forêt de Barenton où il est toujours dit-on. Et le poème se termine par « La dame qui m'attend se nomme Viviane et viennent le printemps des nouvelles douleurs. » « Couché parmi la marjolaine et les padanes, je m'éterniserai sous l'aubépine en fleurs. » Et je voulais sortir du strictement arthurien, justement parce que la légende s'ouvre énormément sur des choses inattendues. Et qu'un poète comme celui-là, dont j'adore les vers et la musique, mais chez qui on n'attend pas de vers arthurien, eh bien il y en a quand même. Il y a quatre poèmes comme ça. Et puis c'était aussi cette énorme présence de la nature, on n'en a pas beaucoup parlé. Mais on pense au château, mais non, les trois quarts de l'aventure se passent dans la nature, prégnantes et notamment dans la forêt. Et c'était important aujourd'hui. Super. Eh bien, merci beaucoup, Claudine. J'ai été vraiment... Merci à toi. J'ai passé un très agréable moment aujourd'hui. Et, chers auditeurs, chères auditrices, on se retrouve dans deux semaines pour le prochain épisode de la série Autour du roi Arthur et pour, donc, le prochain épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du MUMONS. À très, très bientôt. Tu viens d'écouter un épisode du podcast du MUMONS. Et franchement, j'espère qu'il t'a plu. D'ailleurs... Si en passant, tu veux me faire un retour ou si tu as des idées d'amélioration, surtout n'hésite pas à nous contacter. Tu peux aussi devenir notre ambassadeur et faire découvrir ce podcast tout autour de toi. Si tu as des idées de sujets ou si tu souhaites enregistrer un épisode, surtout n'hésite pas à nous contacter. Rendez-vous sur le site internet mumons.be ou sur la page Facebook du Mumons. Bonjour à tous, et bienvenue dans le programme de la semaine.