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Épisode 117 - Légende arthurienne (Partie 3)

Épisode 117 - Légende arthurienne (Partie 3)

45min |04/06/2025
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Épisode 117 - Légende arthurienne (Partie 3)

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Description

📜 Légende arthurienne – Partie 3 : Ségurant, Alexandre, et les secrets des manuscrits oubliés 🛡️🐉
Invité : Emanuele Arioli, directeur de recherche à l’Université autonome de Barcelone

Dans ce dernier épisode de la trilogie consacrée à la légende arthurienne, Sciences, Arts & Curiosité reçoit Emanuele Arioli, chercheur passionné qui a consacré plus de dix ans à la reconstitution d’un roman médiéval oublié : l’histoire de Ségurant, le chevalier au dragon.

🔎 Ce que vous allez découvrir :
📚 Comment on retrouve au XXIe siècle un roman du XIIIe éparpillé dans 28 fragments répartis dans 7 pays
🔥 Des manuscrits brûlés, déchiffrés à l’aide de techniques high-tech (lumière UV, imagerie multispectrale)
🐉 L’histoire de Ségurant, ce chevalier condamné à poursuivre un dragon… qui n’existe pas
❤️‍🔥 Le récit inédit d’Alexandre, l’orphelin de la Table Ronde, héros désiré par toutes les magiciennes
📖 Une encyclopédie arthurienne unique, jamais éditée avant aujourd’hui, qui dresse le portrait de 174 chevaliers
🎭 Le lien inattendu entre ces récits médiévaux et notre culture geek moderne : comics, mangas, encyclopédies de super-héros...

Une plongée incroyable dans le monde de la recherche, entre fouilles en bibliothèque, révélations inattendues et passions chevaleresques.

🎧 Disponible sur toutes les plateformes d’écoute dès maintenant !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Lorsque ce petit bolide atteindra 88 miles à l'heure, attends-toi à voir quelque chose qui décoiffe.

  • Speaker #1

    Ce qui place votre zone d'atterrissage à 5,0667 degrés de latitude nord et 77,3333 de longitude ouest. Rien de tout ça, Neref.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que le réel ? La seule variable constante est l'inattendue. On ne peut pas la contrôler. Je crois que vous êtes encore pire que ces créatures. Elles, elles n'essaient pas de se massacrer entre elles pour tirer le mur au paquet. Voyons si une capacité de poussée de 10% permet de décollage. 3, 2, 1... Chers auditeurs, chères auditrices, je te souhaite la bienvenue dans ce nouvel épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du Moumons. Aujourd'hui, je suis dans mon bureau studio et mon invité est à Barcelone. Tu l'auras donc compris, cet épisode a lieu en visioconférence, à distance. Et j'entame aujourd'hui, en fait, le troisième épisode de la série sur la légende arthurienne. Et pour cette discussion, j'accueille Emanuele Arioli. J'espère que je le dis bien.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Bonjour. Parfait.

  • Speaker #0

    Bonjour, comment vas-tu ?

  • Speaker #1

    Bien, bien. Et toi ?

  • Speaker #0

    Très, très bien. Je suis très heureux de faire ce podcast avec toi aujourd'hui. En fait, je t'ai découvert durant mes vacances d'été, quand je suis allé à Brocéliande, dans le centre arthurien. Et il y a cette exposition justement sur ce chevalier oublié, disparu de la table ronde, donc Ségurant, dont on va parler dans quelques minutes. Et je me suis dit, ce serait trop bien de faire un podcast, même plusieurs, sur toute la légende arthurienne parce qu'il y a tellement à dire. Et donc voilà, on en est ici au troisième et je suis très très heureux de passer ce moment avec toi. Avant de s'attaquer au vif du sujet, est-ce que tu peux nous dire, à moi et à l'auditeur et à l'auditrice qui nous écoutent, Qui est Emanuele Arioli exactement ?

  • Speaker #1

    Alors, je suis actuellement directeur de recherche à l'Université Autonome de Barcelone. J'ai fait mes études d'abord en Italie et puis en France. J'ai été assez longtemps maître de conférence à l'Université Polytechnique des Hauts de France. Donc là, voilà, j'ai pris un nouveau poste en Espagne et je suis spécialiste de la légende du roi Arthur.

  • Speaker #0

    En quoi ça consiste exactement le métier de maître de conférence, en fait, ou le statut de maître de conférence ?

  • Speaker #1

    Mettre des conférences signifie tout simplement qu'on est un enseignant-chercheur, donc on fait aussi bien de l'enseignement que de la recherche. Voilà, donc actuellement, grâce au Nouveau Poste, je me consacre essentiellement à la recherche parce que j'ai une passion tout particulièrement pour la recherche, même si j'aime enseigner aussi. Mais voilà, étant donné que je suis sur des vastes projets de recherche, il fallait me consacrer à la recherche.

  • Speaker #0

    On va le découvrir très vite parce que cette passion de... Pour la recherche, elle t'a, je pense, vraiment animé sur les trois ouvrages dont on va parler dans quelques minutes. Une question que moi je me suis aussi posée, c'est comment on devient médiéviste ? Parce que j'entends qu'il y a certainement des études pour devenir médiéviste, mais comment on se dit un jour, je vais étudier les récits du Moyen-Âge, les écrits du Moyen-Âge, et je vais en faire ma passion et mon travail ?

  • Speaker #1

    C'est quelque chose qui est venu un peu par hasard parce que j'étais en Italie. J'ai commencé mes études en lettres et en histoire, donc j'étais en licence 1 et j'étais dans une école, une université, donc à l'école normale supérieure de Pise, à l'université de Pise, où il fallait faire un mémoire de recherche en licence 1. Donc on arrivait juste à la fac, il fallait trouver un sujet de recherche. Et j'avais un professeur qui était spécialiste des manuscrits du Moyen-Âge, c'est comme ça que j'ai commencé. Et c'était une grande passion de se dire, peut-être, avec beaucoup de chance, on peut encore trouver des choses encore inconnues.

  • Speaker #0

    Et justement, t'en as trouvé plusieurs. On va en parler. L'une d'elles, c'est ce chevalier Ségurant, le chevalier au dragon. Et moi, la première question que je me suis posée quand j'ai découvert l'histoire de Ségurant, c'est comment, en fait, aujourd'hui, on peut encore tomber sur des choses qui sont inconnues et qui datent du Moyen-Âge ? Au niveau de l'Antiquité, on peut encore se dire, en fait, c'est des fouilles. Et donc, là, on n'avait pas encore fouillé. Mais le Moyen-Âge, j'ai l'impression que c'est une idée moins reçue. J'ai l'impression qu'on se dit que c'est une période qu'on connaît bien, qu'on sait tout ce qui s'est passé. Or, tes découvertes ont tendance à me montrer, en tout cas à titre personnel, que c'est complètement faux, qu'il y a encore plein de choses aussi à découvrir sur le Moyen-Âge.

  • Speaker #1

    Il y a sans doute encore des choses à découvrir. C'est quelque chose qui m'est arrivé assez tôt, moi, à 20 ans, en Italie. J'étais à l'Issan-San et j'ai mis les mains sur un manuscrit. inconnu d'un poète, c'était un recueil de poèmes encore inconnu d'un poète qui s'appelle Bianco Daciena. Et le fait d'avoir découvert sitôt un texte inconnu, à plusieurs textes, c'était un recueil de poèmes, c'est ce qui m'a poussé à aller plus loin. Donc il y a en effet encore des choses inconnues, même si évidemment il y en a de moins en moins. Et pour la légende d'Huro Arthur, qui est une légende très étudiée, la plus célèbre légende du Moyen-Âge, on ne pensait pas qu'il y avait encore un roman. Ça arrive qu'on trouve quelques petits fragments par-ci, par-là, souvent déjà connus, mais on n'imaginait pas qu'il y avait encore un roman à découvrir.

  • Speaker #0

    Et justement, ce roman que tu découvres, est-ce que tu peux d'abord nous raconter brièvement quel est ce récit que tu découvres ? C'est quoi l'histoire de ce chevalier Ségurant, rapidement ?

  • Speaker #1

    Alors c'est un roman qui a été écrit au XIIIe siècle, en Italie, en français, et c'est l'histoire d'un chevalier qui naît dans une île éloignée de la cour du roi Arthur, l'île non sachante, et qui rêve de devenir le meilleur chevalier de la cour du roi Arthur. Il traverse le royaume du roi Arthur, qui s'appelle le royaume de l'ogre, se présente à un tournoi, participe au tournoi, on dirait qu'il va vaincre, qu'il va gagner ce tournoi, mais le roi Arthur a une sœur. plutôt une démisseur, la fée Morgane. Et la fée Morgane, qui veut nuire à tous les bons chevaliers de la table ronde, comme l'écrit le roman, invoque un diable sous l'apparence d'un horrible dragon. Et ce dragon sème la peur sur le tournoi. Et donc Ségurant se retrouve à la poursuite de ce dragon qui fuit. En réalité, il ne va pas le tuer parce que c'est un mirage. Et donc le premier manuscrit que je consulte s'arrête là. C'est un manuscrit qui est... inachevée qui s'arrête au milieu d'une phrase. Et donc je me suis demandé est-ce que si je cherche ailleurs, dans d'autres bibliothèques et archives d'Europe, est-ce que je peux trouver d'autres morceaux de la même histoire ? C'est comme ça que je me suis lancé dans cette quête à travers l'Europe qui a duré dix ans en tout et en dix ans de recherche, j'ai réussi à réunir 28 manuscrits et fragments conservés dans sept pays différents, donc en France, en Italie, en Suisse. en Belgique, en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Et avec ces 28 fragments, j'ai reconstitué le roman entier, ou plutôt l'ensemble romanesque, puisqu'il s'agit non seulement d'un roman unitaire, mais il s'agit d'une histoire qui a eu un immense succès entre le XIIIe et le XVe siècle. Et donc, il a fallu que je retrouve et que je recompose toutes les versions encore existantes.

  • Speaker #0

    Alors, ce qui est intéressant, je suis un petit peu local aussi, j'essaie en tout cas, c'est que tu es passé en Belgique. pour retrouver certains ou un de ces morceaux, je ne sais plus bien, pour justement compléter cette histoire ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Il y a un morceau qui est conservé à Beausselle aussi. Donc vraiment, j'ai été amené à traverser plusieurs pays, parfois en ne trouvant rien, parfois en ayant la chance de trouver des morceaux. Alors ce sont 28 morceaux et fragments. Certains ne sont vraiment que des fragments, parfois des fragments brûlés, des morceaux de... parchemins qui ont été réutilisés comme couverture d'autres livres. Parfois, en revanche, il s'agit de gros manuscrits à l'intérieur desquels on trouve quelques épisodes. Du moment où les copistes, parfois, ils combinaient plusieurs romans, plusieurs épisodes dans un même texte. Et donc, cette histoire, elle ne se présente de manière complète dans aucun manuscrit, mais on en trouve des traces dans un grand nombre de manuscrits et c'est grâce... à tous ces manuscrits, c'est en mettant un lien à toutes ces versions et tous ces épisodes qu'on arrive donc à recomposer l'histoire.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'à un moment, durant ces dix années de recherche, il y a des phases de découragement ? Parce que, voilà, j'imagine que c'est pas qu'à chaque fois, tu as été dans une bibliothèque et tu as trouvé quelque chose. Il y a certainement eu plein de moments où tu ne trouvais pas ce que tu cherchais, où ça ne te conduisait pas sur une bonne piste. Comment se sont passés pour toi ces dix ans, je vais dire, au niveau recherche et au niveau... courage ou découragement ?

  • Speaker #1

    C'était une recherche qui était très longue, parce qu'il ne faut pas juste trouver les morceaux, c'est beaucoup de travail, c'est la mise en contexte, c'est le fait d'analyser en détail tous ces morceaux, donc ce n'est pas simplement le fait d'aller chercher les morceaux, ce qui était même une grosse partie, donc c'était un travail qui était très long, et je ne voyais pas la fin, et il y a un certain moment, je me demandais, où est-ce que j'en suis ? par rapport à ma recherche. Je ne savais pas encore combien il restait à faire. Et donc il y a eu des moments difficiles, en particulier quand j'ai commencé à me rendre compte que si je voulais trouver des morceaux, il fallait que je cherche dans des manuscrits un peu abîmés et brûlés. C'était le moment le plus fort de ma recherche. En particulier, j'ai mené des recherches à la bibliothèque de Turin, où il y a eu un incendie terrible en 1904 qui a ravagé les collections de la bibliothèque. Entre 2000 et 3000 manuscrits brûlés, 30 000 manuscrits en tout. Et là, c'était à la fois une grande émotion, puisqu'on me dit dans ma discipline qu'on a perdu 90% des manuscrits du Moyen-Âge, ce qui est énorme, mais ce qui était pour moi jusqu'alors une donnée abstraite. Et là, le fait de me confronter avec ces manuscrits brûlés, alors certains sont des blocs calcinés qu'on n'arrive pas à ouvrir. Alors le parchemin est de la matière animale, c'est de la peau, donc avec la chaleur, ça se contracte, ça colle. Ce sont des blocs agglutinés qu'on n'arrive pas à ouvrir. Parfois, ces blocs ont été ouverts, mais ce sont des feuillets extrêmement fragiles, il faut les manipuler avec une extrême attention. Parfois, ces manuscrits ont été restaurés, mais alors... Anacide a été utilisé pour détacher les pages et donc on a l'impression de lire le recto et le verso en même temps. Donc c'est extrêmement difficile à lire. Et donc là, ça n'était pas lisible à l'œil nu. J'ai dû utiliser plusieurs techniques pour lire ces manuscrits. D'abord, une technique que l'on appelle la lampe de Wood. C'est une lumière ultraviolette qui permet de lire les écritures effacées. Mais cela n'était pas suffisant et j'ai... eu recours à une technologie qui vient d'être inventée et appliquée aux manuscrits, qui est l'imagerie multispectrale. C'est une technique qui consiste à le fait de prendre des photos avec des spectres de lumières différents qui vont de l'infrarouge à l'ultraviolet et ensuite de combiner les images pour donner l'image la plus lisible possible. C'était à la fois difficile, à la fois une extrême émotion, puisque dans ces manuscrits brûlés, j'ai pu trouver un épisode clé.

  • Speaker #0

    Par rapport aux pairs, donc aux autres chercheurs, aux autres médiévistes, quand on trouve comme ça un récit un peu par hasard, est-ce qu'on en parle ? Est-ce qu'on le garde pour soi pour se dire, ben voilà, c'est une découverte un peu inédite, j'ai envie qu'elle reste un petit peu ma recherche ? Comment ça se passe fondamentalement dans le monde des chercheurs médiévistes quand on découvre quelque chose de nouveau de ce type-là ?

  • Speaker #1

    Disons que ce n'était pas une découverte isolée, c'est le fait de mettre en relation des fragments et morceaux qui sont dispersés en plusieurs pays. Ce n'est pas une découverte que l'on fait par hasard un jour, c'est vraiment quelque chose qui se construit au fur et à mesure et qui demande aussi un grand travail pour justifier le travail de reconstitution, pour décrire les manuscrits, pour comprendre chaque morceau, à quelle époque il a été écrit, etc. Donc disons que ce n'est pas tellement la découverte d'un morceau, mais c'est tout ce gros travail qu'il a fallu justifier, expliquer, donc cela a été très long. non seulement pour la recherche des morceaux, mais surtout pour ce travail-là. Et donc, j'ai attendu très longtemps. Pourquoi ? Parce qu'il fallait arriver au bout de cette démonstration complète. Donc, il ne fallait pas juste mettre ensemble les morceaux, mais il fallait expliquer chaque manuscrit, d'où il provenait, où il avait été écrit, etc. Et cela a été très long. Donc, en effet, j'ai commencé à faire quelques articles, mais le texte n'était pas encore disponible. Et c'est seulement quand les trois volumes de ma thèse ont été disponibles. Donc, tout d'abord avec une grosse étude. qui explique tout cela, puis avec les deux volumes du texte en ancien français, qu'on s'est rendu compte que c'était vrai, mais il fallait arriver en quelque sorte à cela, il fallait arriver au bout de cette démonstration, il fallait vérifier plein de petites choses, et donc c'est un travail qui est extrêmement minutieux et précis, qui a donc été très long.

  • Speaker #0

    Tu le disais, le texte vient d'Italie, en tout cas le récit est a priori imaginé en Italie. Mais en français, est-ce que c'est quelque chose de classique à cette époque-là ?

  • Speaker #1

    Le français était une langue de prestige internationale, donc il était lu non seulement en France et en Italie, mais aussi en Grande-Bretagne, un petit peu en Espagne. Donc le fait d'écrire en français, c'est le fait de vouloir donner un destin important à son texte, tout en n'écrivant pas un latin. Le latin est un peu une langue savante, alors qu'on a l'idée que ces textes littéraires, on va les écrire plutôt dans une langue romane. plutôt en français. Et puis, comme ces textes venaient en langue française, arrivaient, étaient lus en Italie, voilà que plusieurs auteurs commencent à écrire en français dans une langue. Et c'est assez amusant qu'ils ne maîtrisent pas entièrement. Donc, il y a un effet des fautes de français qui nous permettent de comprendre que le texte a été écrit en Italie. J'en fais un qui est assez amusant. On lit dans ce texte « Je suis été » . En français, il n'aurait jamais écrit « Je suis été » , mais « J'ai été » . Alors, pourquoi ? Parce qu'en italien, on dit « Io sono stato » . Donc on trouve ces petites choses qui nous ramènent vers un français qui est d'ailleurs très intéressant, qui a été écrit en Italie, dans un pays où on ne parlait pas français, c'était une langue écrite, que l'on lisait et puis qu'on a eu envie d'écrire aussi.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut considérer que l'histoire de Ségurant veut transmettre un message ? Bien entendu, comme tu le dis, il y a ce chevalier qui va partir en quête de ce dragon qui a été... créée par la sœur du roi Arthur, mais est-ce qu'il y a une morale ou, je vais dire, quelque chose à retenir comme leçon de l'histoire de Ségurant ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est à chacun de trouver le message caché et d'ailleurs les auteurs du Moyen-Âge nous invitent à chercher un autre sens. Par exemple, le grand auteur de romans arthurien, Chrétien de Troyes, nous invite à aller au-delà du sens littéral. Au Moyen-Âge, on parlait d'un sens ou de plusieurs sens spirituels. Donc au-delà de la lettre, il y a quelque chose qui se cache. Et à chacun de trouver quels sont les sens qui se cachent derrière. Donc évidemment, on peut voir plusieurs sens derrière ce chevalier qui poursuit une chimère, qui poursuit un dragon qui ne peut pas tuer. Alors l'histoire de Ségurant, en plus en particulier, c'est qu'il doit trouver le Graal pour se libérer de ce dragon. Et donc, il mène une quête sans fin. On peut évidemment la lire de plein de façons différentes, et je crois que c'est à chacun de se faire sa propre idée de ce que peut signifier ce dragon et ce graal. Ce dragon qui est un peu un anti-graal, ou ce graal qui est un peu un anti-dragon, je ne sais pas. Mais en tout cas, ça représente une quête, ou alors si l'on veut, une non-quête, puisque c'est une quête impossible. Mais cela peut être lu de plein de façons différentes, et il n'y a pas une... De façon univoque, je pense que ce qui est passionnant de cet ex du Moyen-Âge, c'est aussi qu'il nous invite à chercher le sens de ces symboles qui sont parfois cachés, mystérieux, et cela est un grand charme.

  • Speaker #0

    Tu as participé à la réalisation d'une bande dessinée qui raconte toute cette histoire, l'histoire de Sigurand, et de ce que j'ai compris, tu t'es même prêté à l'exercice d'écrire la fin de l'histoire, puisque la fin de l'histoire, tu n'as pas pu la découvrir, c'est bien ça ?

  • Speaker #1

    Alors, je fais... de BD, donc je fais un album jeunesse-enfant, donc au seuil jeunesse, dans lequel je croise ma quête de manuscrits et l'histoire de Ségurant, donc c'est raconté de manière fidèle. C'est aussi un texte qui veut donner envie aux enfants de découvrir ce qu'est la recherche, ce qu'est l'histoire, ce que sont les légendes du Moyen-Âge. Donc un livre pour les enfants entre, disons, 6 et 12 ans.

  • Speaker #0

    Et petite note par rapport à ça, j'ai d'ailleurs une fille de 7 ans, j'ai acheté les deux albums, et l'album dont tu parles, on l'a lu ensemble, et elle a vraiment adoré, elle s'est posé plein de questions, etc. Donc c'est vraiment super, en effet je conseille cet album à tout le monde, complètement. Merci.

  • Speaker #1

    Et l'autre, c'est une BD plutôt ado et adulte, jeune adulte, dans laquelle je me suis amusé à raconter l'histoire du Graal, puisqu'en des ans de recherche, je n'ai pas pu trouver le Graal, ou plutôt je n'ai pas pu trouver... L'épisode du Graal, donc cet épisode qu'on nous annonce plusieurs fois, les manuscrits annoncent que Ségurant trouvera le Graal, mais dans aucun manuscrit je n'ai trouvé le moment dans lequel Ségurant trouve le Graal, si bien que je me demande si l'épisode est perdu, comme 90% des manuscrits du Moyen-Âge, ou bien s'il n'a jamais existé, en quelque sorte parce que le Graal nous fascine, parce que c'est un mystère, et peut-être que le fait de dévoiler trop... ce serait venir briser ce mystère. Donc peut-être que cela n'a jamais été écrit, ou alors peut-être qu'on le trouvera un jour, peut-être qu'il y a un collectionneur privé avec un manuscrit chez lui, avec cette fin. En tout cas, j'ai trouvé une autre fin dans un autre texte, dans un autre manuscrit, une fin qui nous raconte que Ségurant, après maintes aventures, rentre chez lui. Et c'est vrai qu'on nous disait qu'il trouverait un bateau qui le ramène au Graal, et s'il trouve un bateau qui le ramène chez lui. Donc je me demande en quelque sorte si... Le Graal ne peut pas être lu comme une métaphore, comme le fait de revenir chez soi, de revenir grandi, puisque ces romans de chevalerie qui racontent la quête du Graal racontent aussi une quête de soi. Finalement, tous les chevaliers qui cherchent le Graal se découvrent eux-mêmes. Donc peut-être que Ségurant aussi fait des découvertes sur lui-même et le fait de rentrer chez lui, en quelque sorte, plôt l'histoire en boucle. et donne une autre dimension du Graal peut-être.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Alors ce qui est intéressant, c'est que tu n'as pas juste exhumé Ségurant, c'est que tu as exhumé un autre personnage qui s'appelle Alexandre. Tu as proposé une traduction de ce récit. en français, moderne. Et donc, tu as intitulé cet ouvrage Alexandre, l'orphelin de la table ronde. Personnage que je ne connaissais pas, donc pas du tout, je me suis renseigné avant le podcast. Donc, c'est super intéressant. Et c'est assez incroyable de se dire qu'en fait, en essayant de trouver l'histoire complète de Ségurant, tu finis par tomber sur une deuxième histoire qui n'est pas réellement connue, en fait, autour de ce nouveau personnage.

  • Speaker #1

    Oui, en effet, c'est une histoire qui s'est trouvée dans un certain manuscrit avec l'histoire de Ségurant. à la différence de l'histoire de Ségurant, qui était vraiment inconnue. On savait juste qu'il existait un chevalier qui s'appelait Ségurant, mais on n'imaginait pas qu'il pouvait y avoir un roman. L'histoire d'Alexandre l'Orphelin, elle n'est pas entièrement inconnue, mais il n'y avait aucune édition. Pourquoi ? Parce qu'à la fin du Moyen-Âge, il y aura une version anglaise, un texte en anglais qui incorpore un résumé de l'histoire. En revanche, voilà, cherchant tous ces manuscrits pour Ségurant, j'ai réuni aussi tous ceux qui parlaient d'Alexandre, ce qui m'a permis de restaurer cette légende qui a été écrite comme celle de Ségurant au XIIIe siècle en Italie, en français, et qui, comme celle de Ségurant jusqu'au XVe siècle, a eu un grand succès à travers l'Europe.

  • Speaker #0

    Comment on explique qu'entre le XIIIe et le XVe siècle, ces histoires ont énormément de succès ? dans cette société moyenâgeuse, si j'emploie le bon terme.

  • Speaker #1

    En effet, dans la société du Moyen-Âge, ces textes ont beaucoup de succès parce que ce sont des textes que l'on lit partout à la cour. Ce sont des modèles de vie à la cour. Donc, les nobles lisent ces textes. Voilà, ce sont vraiment les grands héros d'une époque. Donc, les chevaliers qu'on veut imiter. Alors, ce qui est amusant, c'est que petit à petit, il y a un lectorat qui s'ouvre en quelque sorte parce qu'il y a une nouvelle classe, la classe bourgeoise. La classe bourgeoise commencera aussi à lire ces textes qui parlent plutôt de notre classe, mais il y a aussi une volonté d'imitation entre la bourgeoisie et la classe noble. Et donc, jusqu'à la fin du Moyen-Âge, ces textes auront une grande diffusion, et c'est peut-être le fait que la chevalerie est marginalisée au fur et à mesure. Cela fait sans doute que la figure du chevalier n'a plus la même importance. Après la Renaissance, on oublie un peu ces textes de chevalerie. À la Renaissance, on s'intéresse plutôt aux textes grecs et romains. Le goût change et c'est seulement au XIXe siècle qu'il y a un nouvel intérêt pour ces textes du Moyen-Âge. Alors les textes qui ont été imprimés, en quelque sorte, sont restés. Et les textes qui n'avaient pas été imprimés, au XIXe siècle, il y a cet intérêt. pour exhumer ces textes dans les divers manuscrits. C'est à partir de là qu'il y a ce gros chantier d'exhumation de récits du Moyen-Âge.

  • Speaker #0

    Alors, Ségurant assemble des morceaux qui viennent d'une vingtaine de livres différents, de manuscrits plutôt différents. Ici, pour Alexandre, c'est près de 14, si je ne me trompe pas, manuscrits différents. Est-ce que c'est quelque chose d'habituel, en fait ? au Moyen-Âge, d'avoir ces récits qui sont en fait disséminés dans plein de manuscrits différents, ou c'est propre à ce récit arthurien ?

  • Speaker #1

    Disons qu'à un certain moment, et surtout au XIIIe siècle, les copistes, au lieu de copier ces longs textes suivis, ces romans qui devenaient immenses, énormes et très très longs à lire, ils préfèrent faire des compilations, ils préfèrent faire des best-of, the best of the les meilleurs récits de la légende du roi Arthur. Et donc, cela fait que parfois, on trouve un récit qui est divisé en plusieurs morceaux. Alors, la grande différence avec Ségurant, c'est qu'en général, pour les autoromans, qu'ils soient l'Anselor en prose, le Tristan en prose, les grands récits arthuriens, on les conserve de manière intégrale. Il y a des manuscrits qui conservent tout. Ici, on est dans des cas un peu extrêmes et particuliers, un peu uniques à voir. Un récit, du coup, que l'on retrouve dispersé et qu'il faut recomposer. Dans ceci, c'est un peu, je ne dis pas unique, parce qu'il y a d'autres cas de manuscrits inachevés, bien sûr. Ici, la chance inouïe, c'est de réussir avec des morceaux à les coller, en quelque sorte.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux nous raconter l'histoire d'Alexandre, cet orphelin de la table ronde, justement ?

  • Speaker #1

    Alors, Alexandre est orphelin parce que son père a été tué par le méchant roi Marc, le roi de Cournoye. Alexandre est le cousin caché de Tristan et donc il veut venger la mort de son père. Sauf qu'Alexandre a un problème, Alexandre est trop beau et donc toutes les dames et toutes les demoiselles, toutes les magiciennes tombent amoureuses de lui donc il doit à chaque fois fuir toutes ces dames qui le poursuivent et toujours avec cette même idée de rencontrer les chevaliers de la table ronde et réunir une armée pour tuer son oncle le roi Marc.

  • Speaker #0

    Alors dans ce roman... Il y a quelque chose qui, moi, m'a semblé, en tout cas, étonnant par rapport à l'époque. Tu parles d'un érotisme latent dans le roman. Est-ce que c'est quelque chose qu'on retrouve dans d'autres romans de cette époque ? Est-ce que c'est vraiment propre à ce récit ? Et à ton avis, qu'est-ce que les auteurs ou l'auteur, je ne sais pas s'ils étaient plusieurs, ont voulu faire en plaçant cet érotisme un petit peu dans ce récit ?

  • Speaker #1

    C'est quelque chose d'assez original de placer cet érotisme, et surtout un érotisme très particulier, puisque c'est un texte qui met en avant le désir. féminin, le désir des femmes. Et c'est quelque chose d'assez nouveau à cette époque, de présenter la femme, non pas comme un objet, alors très souvent dans ce schéma de l'amour courtois, l'homme qui aime une femme, souvent de classe sociale supérieure. Et ce désir pour une femme, qui comme un objet de désir, ici on a au contraire un jeune homme qui est l'objet de désir de plusieurs femmes. Donc c'est un texte assez audacieux pour l'époque, avec un érotisme, certes, je dis un érotisme latin, puisqu'en quelque sorte, un érotisme relatif par rapport à d'autres textes ou d'autres films ou séries aujourd'hui. Mais pour l'époque, sûrement, c'est un texte très fort. Et c'est un texte qui laisse la place au désir des femmes, au corps des femmes. qui met les femmes en quelque sorte au centre, non seulement par le désir, mais aussi parce que le texte nous présente un univers dans lequel les dames magiciennes arrivent à dominer le monde en quelque sorte, donc contrôlent les forces du monde en beaucoup de pouvoir. Et donc, disons qu'il y a un renversement des normes traditionnelles de l'amour courtois, de cet univers, où généralement, ce sont les hommes qui contrôlent la société féodale de l'époque. Ici, on a au contraire quelque chose d'assez nouveau.

  • Speaker #0

    Et comment Alexandre s'insère dans la légende de la table ronde et dans la légende arthurienne ? Puisque comme tu l'as dit, il s'agit d'une histoire de vengeance, c'est connecté à la cornouaille. Mais est-ce qu'il va rencontrer d'autres chevaliers de la table ronde ? Et comment ces rencontres vont se passer ? Quel va être son objectif par rapport à ces chevaliers de la table ronde ? Alors,

  • Speaker #1

    on pourrait dire que l'histoire d'Alexandre l'orphelin se trouve à la connexion de deux grandes légendes, deux grands récits, la légende de Tristan et Iseult. et la légende des chevaliers de la table ronde. Donc ça se situe vraiment entre les deux et se rattache aux deux. Pourquoi la table ronde ? Parce qu'en effet, Alexandre rencontre tous les meilleurs chevaliers de la table ronde. Les combats un à un arrivent à les vaincre. Il y aura juste un combat avec l'un seul au-delà, le plus proche chevalier au monde, à lequel on n'arrive pas à dire qui est le plus fort, tellement les deux sont d'une force extraordinaire. Mais donc, voilà, les Chevaliers de la Tabarande sont bien présents dans ce récit, qui est un récit, lui aussi, comme l'histoire de Ségurant, qui, alors, soit il a été inachevé, soit, en tout cas, il n'y a pas de véritable fin. Donc, c'est aussi dans cette idée de ces textes qui laissent une fin ouverte, peut-être pour les romanciers qui suivent, pour suivre l'histoire, alors pour nous, qui sait, pour continuer à rêver à la suite.

  • Speaker #0

    et est-ce que toi quand tu refais la traduction justement de ce texte ? Tu proposes une fin ? Tu proposes quelque chose ? Ou plutôt tu laisses cette fin suspendue pour le lecteur ?

  • Speaker #1

    Alors j'ai vraiment fait un travail de traduction très fidèle parce que je voulais que les lecteurs aient accès au vrai texte d'abord, avant de penser une réécriture. Alors pour l'histoire de Ségurant, j'ai disons prévu aussi une BD pour avoir aussi un récit réécrit, disons quelque chose qui... s'adapte aussi plus à la manière de raconter d'aujourd'hui, qui n'est pas la même. Donc, il y a à la fois la traduction très fidèle, pour ceux qui veulent découvrir le texte, et puis une réécriture en BD, pour ceux qui veulent avoir quelque chose de plus actuel. Mais les deux sont très accessibles. Maintenant, j'ai voulu laisser le texte tel quel, parce que je trouve que c'est important que nous ayons accès d'abord au texte. Et puis, c'est très charmant aussi d'avoir un texte qui reste énigmatique. qui reste mystérieux. On en a parlé avant. Je pense que ce qui est très fascinant dans cette littérature du Moyen-Âge, ce sont tous ces mystères qui n'ont pas de solution. Si on pense au Graal, par exemple. Mais tous ces symboles, tous ces mystères qui n'ont pas de solution, c'est infiniment aspirant.

  • Speaker #0

    Est-ce que, selon toi, ces deux récits peuvent avoir des origines antiques, entre guillemets, ou autres qu'antiques ? Mais est-ce que Ségurant et Alexandre émergent un peu naturellement sans qu'il y ait de prédécesseurs à leur histoire ? Ou est-ce qu'ils s'inspirent de quelque chose ? Et à l'inverse, est-ce que, comme tu l'as dit, c'est des récits qui ont connu un grand succès entre le XIIIe et le XVe siècle ? Est-ce que ces deux récits, à un moment, vont aussi devenir source d'autres récits que l'on connaîtrait actuellement ? Alors c'est très difficile de savoir quelles sont les sources de textes du Moyen-Âge parce qu'il y a une grande part de transmission orale pour ces légendes, pour la légende du roi Arthur en général. Donc on ne peut pas savoir si Alexandre et Ségurant proviennent d'une tradition orale ou ils ont été inventés déjà pour être des héros de romans en quelque sorte écrits, pour être lus à haute voix, pour être lus à la cour. Donc cela est... C'est une question qui est un peu insoluble. Alors après, j'ai plusieurs hypothèses. En tout cas, pour Ségurant, je pense que Ségurant pourrait être inspiré en partie par un personnage germanique et scandinave qui est Siegfried Sigurd. Alors, Siegfried, c'est la version germanique et Sigurd, c'est la version scandinave, mais c'est le même héros qui tue un dragon. Et on sait en effet que ces légendes circulaient aussi, non seulement dans les territoires scandinaves et germaniques, mais sont arrivées jusqu'en Italie. Et en particulier, j'ai trouvé une fresque qui m'a interpellé. Pas loin de Venise, qui est sans doute le lieu d'origine du roman de Ségurant, il y a un château, Castello di Roncolo, dans la province de Bolzano, où il y a cette fresque arthurienne qui présente la table ronde et le roi Arthur. Et peu loin, il y a une représentation de Siegfried. En effet, les deux légendes ont pu se rencontrer. Il y a plusieurs points en commun, alors ce sont des héros qui rencontrent un dragon, traversent un mur de feu, ont un nom très semblable, il faut savoir que dans les plus anciens manuscrits, Ségurant est appelé Sigurant, et entre Sigurant, Sigourde et Sigfrid, on est vraiment très proche. Donc il se peut qu'il y ait une influence, un contact, mais cela est très difficile à prouver en quelque sorte. Et après, ces textes ont eu un grand succès, si bien que l'histoire de Ségurant, a été traduite, deux épisodes ont été traduits en italien, il y a deux mentions en espagnol, une mention en anglais, donc le texte a voyagé beaucoup, et on peut se demander à quel point il a influencé la littérature qui a suivi. Alors, je prends un exemple pour l'Espagne, évidemment la grande question est, est-ce que Don Quichotte connaissait Ségurant ou pas, parce que Ségurant est déjà un peu un Don Quichotte qui poursuit un dragon île de soir, donc un personnage, une créature qui n'a pas... de vraie existence. Donc, on pourrait se poser la question. C'est un peu insoluble. Si ce n'est qu'on est sûr que la source principale de Don Quichotte, c'est Cervantes, la source principale qui est l'Amadis de Gaulle, connaissait Ségurant, puisque le mentionne. D'accord. Donc, on ne peut pas savoir si Cervantes lui-même connaissait Ségurant, mais sa source principale, dont en fait il se moque, l'Amadis de Gaulle, mentionne Ségurant. Donc, on voit qu'il y a un fil, même si elle est très... tenue, mais ce fil qui arrive jusqu'à la Renaissance et même après.

  • Speaker #1

    Excellent. Alors, dans le cadre de cette transformation, je vais dire, de Siegfried vers Ségurant, est-ce qu'on peut parler d'une certaine appropriation culturelle ? Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a un récit qui plaît, mais qui n'est pas dans les codes nécessairement de la société qui nous entoure. Et donc, pour que ce récit soit diffusé, on se l'approprie, on le transforme. et on l'intègre à quelque chose qui a priori marche bien à l'époque, c'est-à-dire le mythe arthurien.

  • Speaker #0

    Oui, il y a une fusion vraiment de légendes très étonnantes, puisque si cette hypothèse est juste, Ségurant serait en quelque sorte un mélange d'une légende celte qui arrive en Italie par la France, et ce mélange à un autre récit plutôt germanique-scandinave. Donc à chaque fois qu'un peuple fait sien à une légende qui vient d'ailleurs, évidemment il acclimate à la réalité qu'il maîtrise, qu'il connaît en quelque sorte. Et ce qui est intéressant pour Ségurant aussi, c'est qu'on voit émerger une réalité qui n'est pas exactement la même par rapport aux romans qui ont précédé. Je fais des exemples très pratiques avec Ségurant, on a parfois, on nous dépeint les bourgeois, les paysans, etc. Donc on est en dehors aussi du cadre strictement courtois, du cadre des nobles de l'époque, et on peut se demander... Si cette ouverture n'est pas liée aussi au fait que la légende d'ouverture a été importée en Italie, et peut-être à Venise, où la classe émergente de la bourgeoisie est très forte, et donc il y a aussi une requête qui est différente, le texte s'acclimate, la légende s'acclimate aussi, à une société qui n'est pas la même. Donc sûrement les textes évoluent aussi grâce à cela, même si c'est très difficile de faire une connexion précise entre... Un récit qui reste un récit de fiction, donc d'invention, et puis la réalité de l'époque, l'histoire en quelque sorte.

  • Speaker #1

    Tu le disais, les chevaliers dont on parle dans ces récits sont un petit peu les héros de cette époque. Nous, à l'heure actuelle, on a des représentations de héros complètement différentes. Mais au final, est-ce qu'elles sont vraiment différentes ? Est-ce qu'il y a un archétype de héros, au final, qui se retrouve à la fois dans nos récits, je pense par exemple aux super-héros, et dans ces récits arthuriens dont tu as fait la découverte ?

  • Speaker #0

    Il y a des choses en commun et des choses qui changent. Je ne pense pas seulement aux héros arthuriens, si on remonte aussi aux héros grecs ou avant, même dans Des héros qui appartiennent à des peuples très divers. On a quelque chose en commun de la figure héroïque et puis on a des choses qui sont très différentes. Chaque époque a ses propres héros qui représentent les valeurs poussées à l'extrême. C'est-à-dire qu'à chaque époque, un héros représente le plus haut point que l'on peut atteindre dans toutes ses valeurs. Et ces valeurs évoluent avec le temps. Donc il y a des choses qui restent et puis c'est assez amusant parce que quand on s'effrote à ces héros, on voit qu'il y a des choses qui restent et puis d'autres choses qui sont très anachroniques et très liées à leur temps.

  • Speaker #1

    Et enfin, le dernier ouvrage dont on va parler aujourd'hui s'intitule « Les chevaliers de la table ronde » . Et c'est vraiment un ouvrage de référence, c'est-à-dire que dedans, il y a vraiment tous les chevaliers de la table ronde. qui sont représentés, qui sont expliqués, pour que justement, au final, le lecteur qui s'attaque à la légende arthurienne puisse s'y retrouver dans tous ces personnages dont on parle. C'est bien ça, hein ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est la seule encyclopédie que le Moyen-Âge ait consacrée à la table ronde. Donc c'est un texte d'époque, en quelque sorte. Et ce texte, de manière assez inexplicable, n'avait jamais été édité. Il n'y avait aucune édition complète, ni en ancien français, ni en français moderne. Le manuscrit que j'ai édité, c'est un manuscrit précieux qui a appartenu à la reine Marie Antoinette, qui a été écrite à la fin du Moyen-Âge et qui veut condenser la légende du roi Arthur. Donc il nous présente les règles que les chevaliers de la table ronde doivent respecter. Il nous présente tous les héros de la table ronde. Alors c'est assez amusant parce qu'il nous présente 174 chevaliers, donc il y en a beaucoup. Et pour chaque chevalier, il y a un portrait, il y a une description. il y a un blason. Alors, pour revenir à ce qu'on disait avant, c'est amusant parce que c'est une description à la fois physique et morale. Et on voit bien aussi que non seulement les valeurs ont changé, mais aussi la beauté, les normes de beauté ont évolué. Ce qui peut être amusant, c'est que ces beaux chevaliers, donc on nous dit qu'ils ont un cou très beau comme une femme. Il y a une beauté qui est très différente par rapport à la nôtre et on fait l'éloge aussi des tréfins. d'une beauté qui est presque féminine, en tout cas la beauté masculine, elle calque pour plusieurs choses la beauté féminine. Donc c'est à la fois une encyclopédie de la table ronde, et puis une encyclopédie qui nous montre les normes de beauté relatives à une époque, puisque pour chaque chevalier on a une description complète.

  • Speaker #1

    Ce projet pour toi il représente quoi ? Parce que de ce que j'ai compris, au final c'est vraiment quelque chose qui te tenait à cœur, de rééditer cette encyclopédie liée au mythe arthurien. Tu peux nous en parler un petit peu de qu'est-ce que représente ce projet pour toi ? Oui,

  • Speaker #0

    en fait, c'était un projet que je voulais faire depuis très très longtemps, donc je suis content d'être arrivé à bout de cela, parce que je pense que c'est un texte qui est essentiel, et vraiment, moi, il a changé mon rapport au texte arthurien, c'est-à-dire que je ne lis plus les textes de la même manière, parce que, je le disais, on a ces règles que les chevaliers doivent respecter, toutes ces descriptions de chevaliers, c'est très original, parce que quand Dans les romans du Moyen-Âge, c'est très rare qu'on ait une description de chevalier. On me pose très souvent la question, mais alors ce chevalier était blanc ou blanc, était comment ? Et en fait, ce texte répond à ces questions-là. Alors qu'en général, on a du mal à imaginer les personnages, parce que dans les romans du Moyen-Âge, c'est très rare qu'on décrive un personnage. Et puis, on a les différentes règles pour prendre part à un tournoi. Et là, on comprend bien que les tournois au Moyen-Âge sont des rituels très précis. Et si on ne maîtrise pas toutes ces règles, on ne va pas comprendre un détail. donc c'est vraiment Un texte qui nous donne tous les codes et toutes les clés pour pouvoir accéder à la légende du roi Arthur. C'était essentiel pour moi de réussir à éditer cela. C'était très difficile parce qu'on me disait que c'était un beau livre, donc c'était très illustré. Donc, il a fallu trouver un éditeur qui accepte. Et finalement, avec Le Seuil, on est arrivé à cette édition. Et donc, je suis très content parce que c'était un projet qui m'était très à cœur.

  • Speaker #1

    Très bien. Justement... Il y a quelque chose, moi, qui me turlupine, entre guillemets, donc qui tourne dans la tête, c'est le récit du roi Arthur est un récit que l'on dit fictif, donc qui crée des personnages. Et là, cette encyclopédie, elle décrit de façon très détaillée, justement, des personnages fictifs, mais au final, ça nous montre peut-être comment cette chevalerie était... représentés dans un inconscient collectif au final, ou pas du tout.

  • Speaker #0

    Et disons que surtout, quand on a ces personnages, on a besoin de les voir en quelque sorte. Donc c'est un texte qui incarne, c'est un manuscrit qui incarne ces personnages, et donc qui nous donne des références réelles, qui nous les rend plus réelles. Ça c'est très touchant, surtout à une époque où on imitait les chevaliers d'Atabaron, qui étaient les grands héros, qu'ils l'ont imité. et donc ce texte veut nous les rendre très humains, très visibles. On a vraiment l'impression qu'on peut presque les toucher et les voir parce qu'on nous décrit vraiment de manière très précise. Et sûrement pour une époque pour laquelle ce sont les grands héros, c'est très touchant de donner cette description aussi précise.

  • Speaker #1

    Et ce que moi je trouve super interpellant, c'est qu'au final, ça existe encore aujourd'hui, ce type de bouquin. Si on regarde, par exemple, le monde des mangas, ben être tous les X tomes, il y a un tome qui sort pour synthétiser un petit peu toutes les informations qui viennent donner un petit peu des informations inédites dont on n'était pas sûr. Même chose pour le monde des comics. Régulièrement, il y a une encyclopédie qui sort où on refait le point sur tous les pouvoirs des différents personnages, qu'est-ce qu'ils aiment, qu'est-ce qu'ils n'aiment pas, donc ce n'est pas juste une description basique, mais ça va beaucoup plus loin. C'est quelque chose qui est resté au final, même encore dans notre société actuelle, cette notion d'encyclopédie pour en savoir plus sur le héros que l'on admire.

  • Speaker #0

    Oui, absolument. Ce sont des choses qui restent. C'est très touchant de voir un document qui remonte au Moyen-Âge, surtout que c'est le seul, c'est l'unique encyclopédie de ce genre. Après, on la conserve en plusieurs manuscrits, mais c'est vraiment un texte unique. Donc, c'est très touchant pour nous, oui.

  • Speaker #1

    Tu le disais, ça nous permet aussi de comprendre ces tournois de chevaliers. Nous, la représentation qu'on s'en fait, c'est un petit peu les tournois qu'on peut voir maintenant au cinéma. Ah non, quand même. Il y a plusieurs films qui vont traiter de ces tournois de chevaliers ou qui vont les utiliser comme un médium dans le film pour passer un message. Est-ce que justement ces représentations de tournois au cinéma sont réellement ce qui s'est passé ou elles sont plutôt fantasmées par le cinéma hollywoodien ?

  • Speaker #0

    Il y a des choses plus ou moins justes dans les films. Chaque film est très différent, donc c'est difficile de donner un avis général. Mais vraiment, en lisant ce texte, je me suis rendu compte de plein de choses que je ne savais pas et que surtout, c'est très codé et c'est très précis. Donc, je veux dire, on connaît seulement les choses principales. Ce qu'on connaît, ce qu'on voit généralement, c'est un moment qui est la joute. Donc, le chevalier qui va l'un vers l'autre avec une lance et doit réussir à faire tomber son adversaire. C'est la chose que l'on voit le plus souvent. Mais en effet, quand on voit ce texte, on se rend compte qu'il y a des rituels très précis, à quel moment on distribue les prix. Avant, comment on construit l'espace pour lequel on joue, il y a des règles très précises. Alors, il y a un camp, il y a un autre camp, et puis il y a une compétition, une équipe. Il y a plein de choses que l'on ne connaît pas, finalement, des tournois. Et donc, on se rend compte que c'est vraiment un jeu et quelque chose de très, très précis.

  • Speaker #1

    Tu le disais aussi, ces personnages arthuriens sont les héros. Et donc, parfois même, il y a des tournois arthuriens où les chevaliers jouent le rôle. d'un des personnages de la légende arthurienne, pour reconstituer en quelque sorte les récits.

  • Speaker #0

    C'est vraiment quelque chose qui m'a touché énormément, de découvrir qu'il y avait plusieurs cours qui faisaient des tournois à thème arthurien. Et on imagine que cette encyclopédie a peut-être été utilisée pour ces grands jeux arthuriens, puisque les chevaliers devaient, par exemple, porter un bouclier, chacun avec un blason arthurien. toutes ces descriptions, tous ces blasons étaient très utiles aussi. Et c'est amusant comme, en effet, les nobles imitent ces divers chevaliers Arthur. Alors, la chose qui m'amuse le plus, c'est autre chose, c'est qu'il y avait non seulement les tournois, mais aussi un rituel qui était assez courant. En tout cas, si on lit le roman qui est le pas d'armes, donc un chevalier se met devant un pont et puis il va défier tous les chevaliers qui passent. À la fin du Moyen Âge, il y avait des chevaliers qui faisaient la même chose et je me dis que ça devait être très, très annuyant. parce que je ne sais pas s'il y avait beaucoup de chevaliers qui passaient comme dans un roman.

  • Speaker #1

    Excellent. Et donc, on arrive tout doucement à la fin de cet épisode et tous les épisodes du podcast du Mumeau se terminent de la même façon par une citation, une maxime, une phrase en tout cas qui te semble pertinente pour synthétiser un petit peu tout ce que nous avons partagé aujourd'hui. Et donc, je vais lire cette phrase. Que tu me partages, notre fascination constante et croissante pour cet imaginaire traduit sans doute nos aspirations vers une société idéale, comme ce fut le cas à la fin du Moyen-Âge et le besoin de réenchanter notre monde. Et je trouve en effet, Emmanuel, que notre monde a besoin d'être réenchanté et que ce genre de légende, comme la légende arthurienne, peuvent nous faire du bien et nous faire comprendre aussi d'où l'on vient.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour cette belle phrase. Merci aussi beaucoup d'avoir participé à cet épisode. Chère auditrice, cher auditeur, je te souhaite une très très belle journée. On se retrouve dans deux semaines pour le prochain épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du MUMONS. Emmanuel, à très très bientôt.

  • Speaker #0

    Merci, à bientôt.

  • Speaker #1

    Tu viens d'écouter un épisode du podcast du MUMONS. Et franchement, j'espère qu'il t'a plu. D'ailleurs, si en passant, tu veux me faire un retour ou si tu as des idées d'amélioration, surtout n'hésite pas à nous contacter. Tu peux aussi devenir notre ambassadeur et faire découvrir ce podcast tout autour de toi. Si tu as des idées de sujets ou si tu souhaites enregistrer un épisode, surtout n'hésite pas à nous contacter. Rendez-vous sur le site internet mumons.be ou sur la page Facebook du Mumons. Merci à tous les fans qui m'ont aidé.

Chapters

  • Introduction et présentation d'Emanuele Arioli

    00:37

  • Le parcours d'Emanuele Arioli en tant que médiéviste

    01:45

  • Découverte de Ségurant, le chevalier oublié

    02:59

  • L'histoire de Ségurant et ses aventures

    05:18

  • Défis de la recherche et découverte de manuscrits brûlés

    08:31

  • Interprétation et messages cachés dans l'histoire

    14:33

  • Bande dessinée et réécriture de l'histoire de Ségurant

    16:15

  • Présentation du personnage d'Alexandre, l'orphelin de la table ronde

    23:29

  • L'encyclopédie des chevaliers de la table ronde

    35:12

  • Conclusion et citation finale

    43:32

Description

📜 Légende arthurienne – Partie 3 : Ségurant, Alexandre, et les secrets des manuscrits oubliés 🛡️🐉
Invité : Emanuele Arioli, directeur de recherche à l’Université autonome de Barcelone

Dans ce dernier épisode de la trilogie consacrée à la légende arthurienne, Sciences, Arts & Curiosité reçoit Emanuele Arioli, chercheur passionné qui a consacré plus de dix ans à la reconstitution d’un roman médiéval oublié : l’histoire de Ségurant, le chevalier au dragon.

🔎 Ce que vous allez découvrir :
📚 Comment on retrouve au XXIe siècle un roman du XIIIe éparpillé dans 28 fragments répartis dans 7 pays
🔥 Des manuscrits brûlés, déchiffrés à l’aide de techniques high-tech (lumière UV, imagerie multispectrale)
🐉 L’histoire de Ségurant, ce chevalier condamné à poursuivre un dragon… qui n’existe pas
❤️‍🔥 Le récit inédit d’Alexandre, l’orphelin de la Table Ronde, héros désiré par toutes les magiciennes
📖 Une encyclopédie arthurienne unique, jamais éditée avant aujourd’hui, qui dresse le portrait de 174 chevaliers
🎭 Le lien inattendu entre ces récits médiévaux et notre culture geek moderne : comics, mangas, encyclopédies de super-héros...

Une plongée incroyable dans le monde de la recherche, entre fouilles en bibliothèque, révélations inattendues et passions chevaleresques.

🎧 Disponible sur toutes les plateformes d’écoute dès maintenant !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Lorsque ce petit bolide atteindra 88 miles à l'heure, attends-toi à voir quelque chose qui décoiffe.

  • Speaker #1

    Ce qui place votre zone d'atterrissage à 5,0667 degrés de latitude nord et 77,3333 de longitude ouest. Rien de tout ça, Neref.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que le réel ? La seule variable constante est l'inattendue. On ne peut pas la contrôler. Je crois que vous êtes encore pire que ces créatures. Elles, elles n'essaient pas de se massacrer entre elles pour tirer le mur au paquet. Voyons si une capacité de poussée de 10% permet de décollage. 3, 2, 1... Chers auditeurs, chères auditrices, je te souhaite la bienvenue dans ce nouvel épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du Moumons. Aujourd'hui, je suis dans mon bureau studio et mon invité est à Barcelone. Tu l'auras donc compris, cet épisode a lieu en visioconférence, à distance. Et j'entame aujourd'hui, en fait, le troisième épisode de la série sur la légende arthurienne. Et pour cette discussion, j'accueille Emanuele Arioli. J'espère que je le dis bien.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Bonjour. Parfait.

  • Speaker #0

    Bonjour, comment vas-tu ?

  • Speaker #1

    Bien, bien. Et toi ?

  • Speaker #0

    Très, très bien. Je suis très heureux de faire ce podcast avec toi aujourd'hui. En fait, je t'ai découvert durant mes vacances d'été, quand je suis allé à Brocéliande, dans le centre arthurien. Et il y a cette exposition justement sur ce chevalier oublié, disparu de la table ronde, donc Ségurant, dont on va parler dans quelques minutes. Et je me suis dit, ce serait trop bien de faire un podcast, même plusieurs, sur toute la légende arthurienne parce qu'il y a tellement à dire. Et donc voilà, on en est ici au troisième et je suis très très heureux de passer ce moment avec toi. Avant de s'attaquer au vif du sujet, est-ce que tu peux nous dire, à moi et à l'auditeur et à l'auditrice qui nous écoutent, Qui est Emanuele Arioli exactement ?

  • Speaker #1

    Alors, je suis actuellement directeur de recherche à l'Université Autonome de Barcelone. J'ai fait mes études d'abord en Italie et puis en France. J'ai été assez longtemps maître de conférence à l'Université Polytechnique des Hauts de France. Donc là, voilà, j'ai pris un nouveau poste en Espagne et je suis spécialiste de la légende du roi Arthur.

  • Speaker #0

    En quoi ça consiste exactement le métier de maître de conférence, en fait, ou le statut de maître de conférence ?

  • Speaker #1

    Mettre des conférences signifie tout simplement qu'on est un enseignant-chercheur, donc on fait aussi bien de l'enseignement que de la recherche. Voilà, donc actuellement, grâce au Nouveau Poste, je me consacre essentiellement à la recherche parce que j'ai une passion tout particulièrement pour la recherche, même si j'aime enseigner aussi. Mais voilà, étant donné que je suis sur des vastes projets de recherche, il fallait me consacrer à la recherche.

  • Speaker #0

    On va le découvrir très vite parce que cette passion de... Pour la recherche, elle t'a, je pense, vraiment animé sur les trois ouvrages dont on va parler dans quelques minutes. Une question que moi je me suis aussi posée, c'est comment on devient médiéviste ? Parce que j'entends qu'il y a certainement des études pour devenir médiéviste, mais comment on se dit un jour, je vais étudier les récits du Moyen-Âge, les écrits du Moyen-Âge, et je vais en faire ma passion et mon travail ?

  • Speaker #1

    C'est quelque chose qui est venu un peu par hasard parce que j'étais en Italie. J'ai commencé mes études en lettres et en histoire, donc j'étais en licence 1 et j'étais dans une école, une université, donc à l'école normale supérieure de Pise, à l'université de Pise, où il fallait faire un mémoire de recherche en licence 1. Donc on arrivait juste à la fac, il fallait trouver un sujet de recherche. Et j'avais un professeur qui était spécialiste des manuscrits du Moyen-Âge, c'est comme ça que j'ai commencé. Et c'était une grande passion de se dire, peut-être, avec beaucoup de chance, on peut encore trouver des choses encore inconnues.

  • Speaker #0

    Et justement, t'en as trouvé plusieurs. On va en parler. L'une d'elles, c'est ce chevalier Ségurant, le chevalier au dragon. Et moi, la première question que je me suis posée quand j'ai découvert l'histoire de Ségurant, c'est comment, en fait, aujourd'hui, on peut encore tomber sur des choses qui sont inconnues et qui datent du Moyen-Âge ? Au niveau de l'Antiquité, on peut encore se dire, en fait, c'est des fouilles. Et donc, là, on n'avait pas encore fouillé. Mais le Moyen-Âge, j'ai l'impression que c'est une idée moins reçue. J'ai l'impression qu'on se dit que c'est une période qu'on connaît bien, qu'on sait tout ce qui s'est passé. Or, tes découvertes ont tendance à me montrer, en tout cas à titre personnel, que c'est complètement faux, qu'il y a encore plein de choses aussi à découvrir sur le Moyen-Âge.

  • Speaker #1

    Il y a sans doute encore des choses à découvrir. C'est quelque chose qui m'est arrivé assez tôt, moi, à 20 ans, en Italie. J'étais à l'Issan-San et j'ai mis les mains sur un manuscrit. inconnu d'un poète, c'était un recueil de poèmes encore inconnu d'un poète qui s'appelle Bianco Daciena. Et le fait d'avoir découvert sitôt un texte inconnu, à plusieurs textes, c'était un recueil de poèmes, c'est ce qui m'a poussé à aller plus loin. Donc il y a en effet encore des choses inconnues, même si évidemment il y en a de moins en moins. Et pour la légende d'Huro Arthur, qui est une légende très étudiée, la plus célèbre légende du Moyen-Âge, on ne pensait pas qu'il y avait encore un roman. Ça arrive qu'on trouve quelques petits fragments par-ci, par-là, souvent déjà connus, mais on n'imaginait pas qu'il y avait encore un roman à découvrir.

  • Speaker #0

    Et justement, ce roman que tu découvres, est-ce que tu peux d'abord nous raconter brièvement quel est ce récit que tu découvres ? C'est quoi l'histoire de ce chevalier Ségurant, rapidement ?

  • Speaker #1

    Alors c'est un roman qui a été écrit au XIIIe siècle, en Italie, en français, et c'est l'histoire d'un chevalier qui naît dans une île éloignée de la cour du roi Arthur, l'île non sachante, et qui rêve de devenir le meilleur chevalier de la cour du roi Arthur. Il traverse le royaume du roi Arthur, qui s'appelle le royaume de l'ogre, se présente à un tournoi, participe au tournoi, on dirait qu'il va vaincre, qu'il va gagner ce tournoi, mais le roi Arthur a une sœur. plutôt une démisseur, la fée Morgane. Et la fée Morgane, qui veut nuire à tous les bons chevaliers de la table ronde, comme l'écrit le roman, invoque un diable sous l'apparence d'un horrible dragon. Et ce dragon sème la peur sur le tournoi. Et donc Ségurant se retrouve à la poursuite de ce dragon qui fuit. En réalité, il ne va pas le tuer parce que c'est un mirage. Et donc le premier manuscrit que je consulte s'arrête là. C'est un manuscrit qui est... inachevée qui s'arrête au milieu d'une phrase. Et donc je me suis demandé est-ce que si je cherche ailleurs, dans d'autres bibliothèques et archives d'Europe, est-ce que je peux trouver d'autres morceaux de la même histoire ? C'est comme ça que je me suis lancé dans cette quête à travers l'Europe qui a duré dix ans en tout et en dix ans de recherche, j'ai réussi à réunir 28 manuscrits et fragments conservés dans sept pays différents, donc en France, en Italie, en Suisse. en Belgique, en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Et avec ces 28 fragments, j'ai reconstitué le roman entier, ou plutôt l'ensemble romanesque, puisqu'il s'agit non seulement d'un roman unitaire, mais il s'agit d'une histoire qui a eu un immense succès entre le XIIIe et le XVe siècle. Et donc, il a fallu que je retrouve et que je recompose toutes les versions encore existantes.

  • Speaker #0

    Alors, ce qui est intéressant, je suis un petit peu local aussi, j'essaie en tout cas, c'est que tu es passé en Belgique. pour retrouver certains ou un de ces morceaux, je ne sais plus bien, pour justement compléter cette histoire ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Il y a un morceau qui est conservé à Beausselle aussi. Donc vraiment, j'ai été amené à traverser plusieurs pays, parfois en ne trouvant rien, parfois en ayant la chance de trouver des morceaux. Alors ce sont 28 morceaux et fragments. Certains ne sont vraiment que des fragments, parfois des fragments brûlés, des morceaux de... parchemins qui ont été réutilisés comme couverture d'autres livres. Parfois, en revanche, il s'agit de gros manuscrits à l'intérieur desquels on trouve quelques épisodes. Du moment où les copistes, parfois, ils combinaient plusieurs romans, plusieurs épisodes dans un même texte. Et donc, cette histoire, elle ne se présente de manière complète dans aucun manuscrit, mais on en trouve des traces dans un grand nombre de manuscrits et c'est grâce... à tous ces manuscrits, c'est en mettant un lien à toutes ces versions et tous ces épisodes qu'on arrive donc à recomposer l'histoire.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'à un moment, durant ces dix années de recherche, il y a des phases de découragement ? Parce que, voilà, j'imagine que c'est pas qu'à chaque fois, tu as été dans une bibliothèque et tu as trouvé quelque chose. Il y a certainement eu plein de moments où tu ne trouvais pas ce que tu cherchais, où ça ne te conduisait pas sur une bonne piste. Comment se sont passés pour toi ces dix ans, je vais dire, au niveau recherche et au niveau... courage ou découragement ?

  • Speaker #1

    C'était une recherche qui était très longue, parce qu'il ne faut pas juste trouver les morceaux, c'est beaucoup de travail, c'est la mise en contexte, c'est le fait d'analyser en détail tous ces morceaux, donc ce n'est pas simplement le fait d'aller chercher les morceaux, ce qui était même une grosse partie, donc c'était un travail qui était très long, et je ne voyais pas la fin, et il y a un certain moment, je me demandais, où est-ce que j'en suis ? par rapport à ma recherche. Je ne savais pas encore combien il restait à faire. Et donc il y a eu des moments difficiles, en particulier quand j'ai commencé à me rendre compte que si je voulais trouver des morceaux, il fallait que je cherche dans des manuscrits un peu abîmés et brûlés. C'était le moment le plus fort de ma recherche. En particulier, j'ai mené des recherches à la bibliothèque de Turin, où il y a eu un incendie terrible en 1904 qui a ravagé les collections de la bibliothèque. Entre 2000 et 3000 manuscrits brûlés, 30 000 manuscrits en tout. Et là, c'était à la fois une grande émotion, puisqu'on me dit dans ma discipline qu'on a perdu 90% des manuscrits du Moyen-Âge, ce qui est énorme, mais ce qui était pour moi jusqu'alors une donnée abstraite. Et là, le fait de me confronter avec ces manuscrits brûlés, alors certains sont des blocs calcinés qu'on n'arrive pas à ouvrir. Alors le parchemin est de la matière animale, c'est de la peau, donc avec la chaleur, ça se contracte, ça colle. Ce sont des blocs agglutinés qu'on n'arrive pas à ouvrir. Parfois, ces blocs ont été ouverts, mais ce sont des feuillets extrêmement fragiles, il faut les manipuler avec une extrême attention. Parfois, ces manuscrits ont été restaurés, mais alors... Anacide a été utilisé pour détacher les pages et donc on a l'impression de lire le recto et le verso en même temps. Donc c'est extrêmement difficile à lire. Et donc là, ça n'était pas lisible à l'œil nu. J'ai dû utiliser plusieurs techniques pour lire ces manuscrits. D'abord, une technique que l'on appelle la lampe de Wood. C'est une lumière ultraviolette qui permet de lire les écritures effacées. Mais cela n'était pas suffisant et j'ai... eu recours à une technologie qui vient d'être inventée et appliquée aux manuscrits, qui est l'imagerie multispectrale. C'est une technique qui consiste à le fait de prendre des photos avec des spectres de lumières différents qui vont de l'infrarouge à l'ultraviolet et ensuite de combiner les images pour donner l'image la plus lisible possible. C'était à la fois difficile, à la fois une extrême émotion, puisque dans ces manuscrits brûlés, j'ai pu trouver un épisode clé.

  • Speaker #0

    Par rapport aux pairs, donc aux autres chercheurs, aux autres médiévistes, quand on trouve comme ça un récit un peu par hasard, est-ce qu'on en parle ? Est-ce qu'on le garde pour soi pour se dire, ben voilà, c'est une découverte un peu inédite, j'ai envie qu'elle reste un petit peu ma recherche ? Comment ça se passe fondamentalement dans le monde des chercheurs médiévistes quand on découvre quelque chose de nouveau de ce type-là ?

  • Speaker #1

    Disons que ce n'était pas une découverte isolée, c'est le fait de mettre en relation des fragments et morceaux qui sont dispersés en plusieurs pays. Ce n'est pas une découverte que l'on fait par hasard un jour, c'est vraiment quelque chose qui se construit au fur et à mesure et qui demande aussi un grand travail pour justifier le travail de reconstitution, pour décrire les manuscrits, pour comprendre chaque morceau, à quelle époque il a été écrit, etc. Donc disons que ce n'est pas tellement la découverte d'un morceau, mais c'est tout ce gros travail qu'il a fallu justifier, expliquer, donc cela a été très long. non seulement pour la recherche des morceaux, mais surtout pour ce travail-là. Et donc, j'ai attendu très longtemps. Pourquoi ? Parce qu'il fallait arriver au bout de cette démonstration complète. Donc, il ne fallait pas juste mettre ensemble les morceaux, mais il fallait expliquer chaque manuscrit, d'où il provenait, où il avait été écrit, etc. Et cela a été très long. Donc, en effet, j'ai commencé à faire quelques articles, mais le texte n'était pas encore disponible. Et c'est seulement quand les trois volumes de ma thèse ont été disponibles. Donc, tout d'abord avec une grosse étude. qui explique tout cela, puis avec les deux volumes du texte en ancien français, qu'on s'est rendu compte que c'était vrai, mais il fallait arriver en quelque sorte à cela, il fallait arriver au bout de cette démonstration, il fallait vérifier plein de petites choses, et donc c'est un travail qui est extrêmement minutieux et précis, qui a donc été très long.

  • Speaker #0

    Tu le disais, le texte vient d'Italie, en tout cas le récit est a priori imaginé en Italie. Mais en français, est-ce que c'est quelque chose de classique à cette époque-là ?

  • Speaker #1

    Le français était une langue de prestige internationale, donc il était lu non seulement en France et en Italie, mais aussi en Grande-Bretagne, un petit peu en Espagne. Donc le fait d'écrire en français, c'est le fait de vouloir donner un destin important à son texte, tout en n'écrivant pas un latin. Le latin est un peu une langue savante, alors qu'on a l'idée que ces textes littéraires, on va les écrire plutôt dans une langue romane. plutôt en français. Et puis, comme ces textes venaient en langue française, arrivaient, étaient lus en Italie, voilà que plusieurs auteurs commencent à écrire en français dans une langue. Et c'est assez amusant qu'ils ne maîtrisent pas entièrement. Donc, il y a un effet des fautes de français qui nous permettent de comprendre que le texte a été écrit en Italie. J'en fais un qui est assez amusant. On lit dans ce texte « Je suis été » . En français, il n'aurait jamais écrit « Je suis été » , mais « J'ai été » . Alors, pourquoi ? Parce qu'en italien, on dit « Io sono stato » . Donc on trouve ces petites choses qui nous ramènent vers un français qui est d'ailleurs très intéressant, qui a été écrit en Italie, dans un pays où on ne parlait pas français, c'était une langue écrite, que l'on lisait et puis qu'on a eu envie d'écrire aussi.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut considérer que l'histoire de Ségurant veut transmettre un message ? Bien entendu, comme tu le dis, il y a ce chevalier qui va partir en quête de ce dragon qui a été... créée par la sœur du roi Arthur, mais est-ce qu'il y a une morale ou, je vais dire, quelque chose à retenir comme leçon de l'histoire de Ségurant ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est à chacun de trouver le message caché et d'ailleurs les auteurs du Moyen-Âge nous invitent à chercher un autre sens. Par exemple, le grand auteur de romans arthurien, Chrétien de Troyes, nous invite à aller au-delà du sens littéral. Au Moyen-Âge, on parlait d'un sens ou de plusieurs sens spirituels. Donc au-delà de la lettre, il y a quelque chose qui se cache. Et à chacun de trouver quels sont les sens qui se cachent derrière. Donc évidemment, on peut voir plusieurs sens derrière ce chevalier qui poursuit une chimère, qui poursuit un dragon qui ne peut pas tuer. Alors l'histoire de Ségurant, en plus en particulier, c'est qu'il doit trouver le Graal pour se libérer de ce dragon. Et donc, il mène une quête sans fin. On peut évidemment la lire de plein de façons différentes, et je crois que c'est à chacun de se faire sa propre idée de ce que peut signifier ce dragon et ce graal. Ce dragon qui est un peu un anti-graal, ou ce graal qui est un peu un anti-dragon, je ne sais pas. Mais en tout cas, ça représente une quête, ou alors si l'on veut, une non-quête, puisque c'est une quête impossible. Mais cela peut être lu de plein de façons différentes, et il n'y a pas une... De façon univoque, je pense que ce qui est passionnant de cet ex du Moyen-Âge, c'est aussi qu'il nous invite à chercher le sens de ces symboles qui sont parfois cachés, mystérieux, et cela est un grand charme.

  • Speaker #0

    Tu as participé à la réalisation d'une bande dessinée qui raconte toute cette histoire, l'histoire de Sigurand, et de ce que j'ai compris, tu t'es même prêté à l'exercice d'écrire la fin de l'histoire, puisque la fin de l'histoire, tu n'as pas pu la découvrir, c'est bien ça ?

  • Speaker #1

    Alors, je fais... de BD, donc je fais un album jeunesse-enfant, donc au seuil jeunesse, dans lequel je croise ma quête de manuscrits et l'histoire de Ségurant, donc c'est raconté de manière fidèle. C'est aussi un texte qui veut donner envie aux enfants de découvrir ce qu'est la recherche, ce qu'est l'histoire, ce que sont les légendes du Moyen-Âge. Donc un livre pour les enfants entre, disons, 6 et 12 ans.

  • Speaker #0

    Et petite note par rapport à ça, j'ai d'ailleurs une fille de 7 ans, j'ai acheté les deux albums, et l'album dont tu parles, on l'a lu ensemble, et elle a vraiment adoré, elle s'est posé plein de questions, etc. Donc c'est vraiment super, en effet je conseille cet album à tout le monde, complètement. Merci.

  • Speaker #1

    Et l'autre, c'est une BD plutôt ado et adulte, jeune adulte, dans laquelle je me suis amusé à raconter l'histoire du Graal, puisqu'en des ans de recherche, je n'ai pas pu trouver le Graal, ou plutôt je n'ai pas pu trouver... L'épisode du Graal, donc cet épisode qu'on nous annonce plusieurs fois, les manuscrits annoncent que Ségurant trouvera le Graal, mais dans aucun manuscrit je n'ai trouvé le moment dans lequel Ségurant trouve le Graal, si bien que je me demande si l'épisode est perdu, comme 90% des manuscrits du Moyen-Âge, ou bien s'il n'a jamais existé, en quelque sorte parce que le Graal nous fascine, parce que c'est un mystère, et peut-être que le fait de dévoiler trop... ce serait venir briser ce mystère. Donc peut-être que cela n'a jamais été écrit, ou alors peut-être qu'on le trouvera un jour, peut-être qu'il y a un collectionneur privé avec un manuscrit chez lui, avec cette fin. En tout cas, j'ai trouvé une autre fin dans un autre texte, dans un autre manuscrit, une fin qui nous raconte que Ségurant, après maintes aventures, rentre chez lui. Et c'est vrai qu'on nous disait qu'il trouverait un bateau qui le ramène au Graal, et s'il trouve un bateau qui le ramène chez lui. Donc je me demande en quelque sorte si... Le Graal ne peut pas être lu comme une métaphore, comme le fait de revenir chez soi, de revenir grandi, puisque ces romans de chevalerie qui racontent la quête du Graal racontent aussi une quête de soi. Finalement, tous les chevaliers qui cherchent le Graal se découvrent eux-mêmes. Donc peut-être que Ségurant aussi fait des découvertes sur lui-même et le fait de rentrer chez lui, en quelque sorte, plôt l'histoire en boucle. et donne une autre dimension du Graal peut-être.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Alors ce qui est intéressant, c'est que tu n'as pas juste exhumé Ségurant, c'est que tu as exhumé un autre personnage qui s'appelle Alexandre. Tu as proposé une traduction de ce récit. en français, moderne. Et donc, tu as intitulé cet ouvrage Alexandre, l'orphelin de la table ronde. Personnage que je ne connaissais pas, donc pas du tout, je me suis renseigné avant le podcast. Donc, c'est super intéressant. Et c'est assez incroyable de se dire qu'en fait, en essayant de trouver l'histoire complète de Ségurant, tu finis par tomber sur une deuxième histoire qui n'est pas réellement connue, en fait, autour de ce nouveau personnage.

  • Speaker #1

    Oui, en effet, c'est une histoire qui s'est trouvée dans un certain manuscrit avec l'histoire de Ségurant. à la différence de l'histoire de Ségurant, qui était vraiment inconnue. On savait juste qu'il existait un chevalier qui s'appelait Ségurant, mais on n'imaginait pas qu'il pouvait y avoir un roman. L'histoire d'Alexandre l'Orphelin, elle n'est pas entièrement inconnue, mais il n'y avait aucune édition. Pourquoi ? Parce qu'à la fin du Moyen-Âge, il y aura une version anglaise, un texte en anglais qui incorpore un résumé de l'histoire. En revanche, voilà, cherchant tous ces manuscrits pour Ségurant, j'ai réuni aussi tous ceux qui parlaient d'Alexandre, ce qui m'a permis de restaurer cette légende qui a été écrite comme celle de Ségurant au XIIIe siècle en Italie, en français, et qui, comme celle de Ségurant jusqu'au XVe siècle, a eu un grand succès à travers l'Europe.

  • Speaker #0

    Comment on explique qu'entre le XIIIe et le XVe siècle, ces histoires ont énormément de succès ? dans cette société moyenâgeuse, si j'emploie le bon terme.

  • Speaker #1

    En effet, dans la société du Moyen-Âge, ces textes ont beaucoup de succès parce que ce sont des textes que l'on lit partout à la cour. Ce sont des modèles de vie à la cour. Donc, les nobles lisent ces textes. Voilà, ce sont vraiment les grands héros d'une époque. Donc, les chevaliers qu'on veut imiter. Alors, ce qui est amusant, c'est que petit à petit, il y a un lectorat qui s'ouvre en quelque sorte parce qu'il y a une nouvelle classe, la classe bourgeoise. La classe bourgeoise commencera aussi à lire ces textes qui parlent plutôt de notre classe, mais il y a aussi une volonté d'imitation entre la bourgeoisie et la classe noble. Et donc, jusqu'à la fin du Moyen-Âge, ces textes auront une grande diffusion, et c'est peut-être le fait que la chevalerie est marginalisée au fur et à mesure. Cela fait sans doute que la figure du chevalier n'a plus la même importance. Après la Renaissance, on oublie un peu ces textes de chevalerie. À la Renaissance, on s'intéresse plutôt aux textes grecs et romains. Le goût change et c'est seulement au XIXe siècle qu'il y a un nouvel intérêt pour ces textes du Moyen-Âge. Alors les textes qui ont été imprimés, en quelque sorte, sont restés. Et les textes qui n'avaient pas été imprimés, au XIXe siècle, il y a cet intérêt. pour exhumer ces textes dans les divers manuscrits. C'est à partir de là qu'il y a ce gros chantier d'exhumation de récits du Moyen-Âge.

  • Speaker #0

    Alors, Ségurant assemble des morceaux qui viennent d'une vingtaine de livres différents, de manuscrits plutôt différents. Ici, pour Alexandre, c'est près de 14, si je ne me trompe pas, manuscrits différents. Est-ce que c'est quelque chose d'habituel, en fait ? au Moyen-Âge, d'avoir ces récits qui sont en fait disséminés dans plein de manuscrits différents, ou c'est propre à ce récit arthurien ?

  • Speaker #1

    Disons qu'à un certain moment, et surtout au XIIIe siècle, les copistes, au lieu de copier ces longs textes suivis, ces romans qui devenaient immenses, énormes et très très longs à lire, ils préfèrent faire des compilations, ils préfèrent faire des best-of, the best of the les meilleurs récits de la légende du roi Arthur. Et donc, cela fait que parfois, on trouve un récit qui est divisé en plusieurs morceaux. Alors, la grande différence avec Ségurant, c'est qu'en général, pour les autoromans, qu'ils soient l'Anselor en prose, le Tristan en prose, les grands récits arthuriens, on les conserve de manière intégrale. Il y a des manuscrits qui conservent tout. Ici, on est dans des cas un peu extrêmes et particuliers, un peu uniques à voir. Un récit, du coup, que l'on retrouve dispersé et qu'il faut recomposer. Dans ceci, c'est un peu, je ne dis pas unique, parce qu'il y a d'autres cas de manuscrits inachevés, bien sûr. Ici, la chance inouïe, c'est de réussir avec des morceaux à les coller, en quelque sorte.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux nous raconter l'histoire d'Alexandre, cet orphelin de la table ronde, justement ?

  • Speaker #1

    Alors, Alexandre est orphelin parce que son père a été tué par le méchant roi Marc, le roi de Cournoye. Alexandre est le cousin caché de Tristan et donc il veut venger la mort de son père. Sauf qu'Alexandre a un problème, Alexandre est trop beau et donc toutes les dames et toutes les demoiselles, toutes les magiciennes tombent amoureuses de lui donc il doit à chaque fois fuir toutes ces dames qui le poursuivent et toujours avec cette même idée de rencontrer les chevaliers de la table ronde et réunir une armée pour tuer son oncle le roi Marc.

  • Speaker #0

    Alors dans ce roman... Il y a quelque chose qui, moi, m'a semblé, en tout cas, étonnant par rapport à l'époque. Tu parles d'un érotisme latent dans le roman. Est-ce que c'est quelque chose qu'on retrouve dans d'autres romans de cette époque ? Est-ce que c'est vraiment propre à ce récit ? Et à ton avis, qu'est-ce que les auteurs ou l'auteur, je ne sais pas s'ils étaient plusieurs, ont voulu faire en plaçant cet érotisme un petit peu dans ce récit ?

  • Speaker #1

    C'est quelque chose d'assez original de placer cet érotisme, et surtout un érotisme très particulier, puisque c'est un texte qui met en avant le désir. féminin, le désir des femmes. Et c'est quelque chose d'assez nouveau à cette époque, de présenter la femme, non pas comme un objet, alors très souvent dans ce schéma de l'amour courtois, l'homme qui aime une femme, souvent de classe sociale supérieure. Et ce désir pour une femme, qui comme un objet de désir, ici on a au contraire un jeune homme qui est l'objet de désir de plusieurs femmes. Donc c'est un texte assez audacieux pour l'époque, avec un érotisme, certes, je dis un érotisme latin, puisqu'en quelque sorte, un érotisme relatif par rapport à d'autres textes ou d'autres films ou séries aujourd'hui. Mais pour l'époque, sûrement, c'est un texte très fort. Et c'est un texte qui laisse la place au désir des femmes, au corps des femmes. qui met les femmes en quelque sorte au centre, non seulement par le désir, mais aussi parce que le texte nous présente un univers dans lequel les dames magiciennes arrivent à dominer le monde en quelque sorte, donc contrôlent les forces du monde en beaucoup de pouvoir. Et donc, disons qu'il y a un renversement des normes traditionnelles de l'amour courtois, de cet univers, où généralement, ce sont les hommes qui contrôlent la société féodale de l'époque. Ici, on a au contraire quelque chose d'assez nouveau.

  • Speaker #0

    Et comment Alexandre s'insère dans la légende de la table ronde et dans la légende arthurienne ? Puisque comme tu l'as dit, il s'agit d'une histoire de vengeance, c'est connecté à la cornouaille. Mais est-ce qu'il va rencontrer d'autres chevaliers de la table ronde ? Et comment ces rencontres vont se passer ? Quel va être son objectif par rapport à ces chevaliers de la table ronde ? Alors,

  • Speaker #1

    on pourrait dire que l'histoire d'Alexandre l'orphelin se trouve à la connexion de deux grandes légendes, deux grands récits, la légende de Tristan et Iseult. et la légende des chevaliers de la table ronde. Donc ça se situe vraiment entre les deux et se rattache aux deux. Pourquoi la table ronde ? Parce qu'en effet, Alexandre rencontre tous les meilleurs chevaliers de la table ronde. Les combats un à un arrivent à les vaincre. Il y aura juste un combat avec l'un seul au-delà, le plus proche chevalier au monde, à lequel on n'arrive pas à dire qui est le plus fort, tellement les deux sont d'une force extraordinaire. Mais donc, voilà, les Chevaliers de la Tabarande sont bien présents dans ce récit, qui est un récit, lui aussi, comme l'histoire de Ségurant, qui, alors, soit il a été inachevé, soit, en tout cas, il n'y a pas de véritable fin. Donc, c'est aussi dans cette idée de ces textes qui laissent une fin ouverte, peut-être pour les romanciers qui suivent, pour suivre l'histoire, alors pour nous, qui sait, pour continuer à rêver à la suite.

  • Speaker #0

    et est-ce que toi quand tu refais la traduction justement de ce texte ? Tu proposes une fin ? Tu proposes quelque chose ? Ou plutôt tu laisses cette fin suspendue pour le lecteur ?

  • Speaker #1

    Alors j'ai vraiment fait un travail de traduction très fidèle parce que je voulais que les lecteurs aient accès au vrai texte d'abord, avant de penser une réécriture. Alors pour l'histoire de Ségurant, j'ai disons prévu aussi une BD pour avoir aussi un récit réécrit, disons quelque chose qui... s'adapte aussi plus à la manière de raconter d'aujourd'hui, qui n'est pas la même. Donc, il y a à la fois la traduction très fidèle, pour ceux qui veulent découvrir le texte, et puis une réécriture en BD, pour ceux qui veulent avoir quelque chose de plus actuel. Mais les deux sont très accessibles. Maintenant, j'ai voulu laisser le texte tel quel, parce que je trouve que c'est important que nous ayons accès d'abord au texte. Et puis, c'est très charmant aussi d'avoir un texte qui reste énigmatique. qui reste mystérieux. On en a parlé avant. Je pense que ce qui est très fascinant dans cette littérature du Moyen-Âge, ce sont tous ces mystères qui n'ont pas de solution. Si on pense au Graal, par exemple. Mais tous ces symboles, tous ces mystères qui n'ont pas de solution, c'est infiniment aspirant.

  • Speaker #0

    Est-ce que, selon toi, ces deux récits peuvent avoir des origines antiques, entre guillemets, ou autres qu'antiques ? Mais est-ce que Ségurant et Alexandre émergent un peu naturellement sans qu'il y ait de prédécesseurs à leur histoire ? Ou est-ce qu'ils s'inspirent de quelque chose ? Et à l'inverse, est-ce que, comme tu l'as dit, c'est des récits qui ont connu un grand succès entre le XIIIe et le XVe siècle ? Est-ce que ces deux récits, à un moment, vont aussi devenir source d'autres récits que l'on connaîtrait actuellement ? Alors c'est très difficile de savoir quelles sont les sources de textes du Moyen-Âge parce qu'il y a une grande part de transmission orale pour ces légendes, pour la légende du roi Arthur en général. Donc on ne peut pas savoir si Alexandre et Ségurant proviennent d'une tradition orale ou ils ont été inventés déjà pour être des héros de romans en quelque sorte écrits, pour être lus à haute voix, pour être lus à la cour. Donc cela est... C'est une question qui est un peu insoluble. Alors après, j'ai plusieurs hypothèses. En tout cas, pour Ségurant, je pense que Ségurant pourrait être inspiré en partie par un personnage germanique et scandinave qui est Siegfried Sigurd. Alors, Siegfried, c'est la version germanique et Sigurd, c'est la version scandinave, mais c'est le même héros qui tue un dragon. Et on sait en effet que ces légendes circulaient aussi, non seulement dans les territoires scandinaves et germaniques, mais sont arrivées jusqu'en Italie. Et en particulier, j'ai trouvé une fresque qui m'a interpellé. Pas loin de Venise, qui est sans doute le lieu d'origine du roman de Ségurant, il y a un château, Castello di Roncolo, dans la province de Bolzano, où il y a cette fresque arthurienne qui présente la table ronde et le roi Arthur. Et peu loin, il y a une représentation de Siegfried. En effet, les deux légendes ont pu se rencontrer. Il y a plusieurs points en commun, alors ce sont des héros qui rencontrent un dragon, traversent un mur de feu, ont un nom très semblable, il faut savoir que dans les plus anciens manuscrits, Ségurant est appelé Sigurant, et entre Sigurant, Sigourde et Sigfrid, on est vraiment très proche. Donc il se peut qu'il y ait une influence, un contact, mais cela est très difficile à prouver en quelque sorte. Et après, ces textes ont eu un grand succès, si bien que l'histoire de Ségurant, a été traduite, deux épisodes ont été traduits en italien, il y a deux mentions en espagnol, une mention en anglais, donc le texte a voyagé beaucoup, et on peut se demander à quel point il a influencé la littérature qui a suivi. Alors, je prends un exemple pour l'Espagne, évidemment la grande question est, est-ce que Don Quichotte connaissait Ségurant ou pas, parce que Ségurant est déjà un peu un Don Quichotte qui poursuit un dragon île de soir, donc un personnage, une créature qui n'a pas... de vraie existence. Donc, on pourrait se poser la question. C'est un peu insoluble. Si ce n'est qu'on est sûr que la source principale de Don Quichotte, c'est Cervantes, la source principale qui est l'Amadis de Gaulle, connaissait Ségurant, puisque le mentionne. D'accord. Donc, on ne peut pas savoir si Cervantes lui-même connaissait Ségurant, mais sa source principale, dont en fait il se moque, l'Amadis de Gaulle, mentionne Ségurant. Donc, on voit qu'il y a un fil, même si elle est très... tenue, mais ce fil qui arrive jusqu'à la Renaissance et même après.

  • Speaker #1

    Excellent. Alors, dans le cadre de cette transformation, je vais dire, de Siegfried vers Ségurant, est-ce qu'on peut parler d'une certaine appropriation culturelle ? Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a un récit qui plaît, mais qui n'est pas dans les codes nécessairement de la société qui nous entoure. Et donc, pour que ce récit soit diffusé, on se l'approprie, on le transforme. et on l'intègre à quelque chose qui a priori marche bien à l'époque, c'est-à-dire le mythe arthurien.

  • Speaker #0

    Oui, il y a une fusion vraiment de légendes très étonnantes, puisque si cette hypothèse est juste, Ségurant serait en quelque sorte un mélange d'une légende celte qui arrive en Italie par la France, et ce mélange à un autre récit plutôt germanique-scandinave. Donc à chaque fois qu'un peuple fait sien à une légende qui vient d'ailleurs, évidemment il acclimate à la réalité qu'il maîtrise, qu'il connaît en quelque sorte. Et ce qui est intéressant pour Ségurant aussi, c'est qu'on voit émerger une réalité qui n'est pas exactement la même par rapport aux romans qui ont précédé. Je fais des exemples très pratiques avec Ségurant, on a parfois, on nous dépeint les bourgeois, les paysans, etc. Donc on est en dehors aussi du cadre strictement courtois, du cadre des nobles de l'époque, et on peut se demander... Si cette ouverture n'est pas liée aussi au fait que la légende d'ouverture a été importée en Italie, et peut-être à Venise, où la classe émergente de la bourgeoisie est très forte, et donc il y a aussi une requête qui est différente, le texte s'acclimate, la légende s'acclimate aussi, à une société qui n'est pas la même. Donc sûrement les textes évoluent aussi grâce à cela, même si c'est très difficile de faire une connexion précise entre... Un récit qui reste un récit de fiction, donc d'invention, et puis la réalité de l'époque, l'histoire en quelque sorte.

  • Speaker #1

    Tu le disais, les chevaliers dont on parle dans ces récits sont un petit peu les héros de cette époque. Nous, à l'heure actuelle, on a des représentations de héros complètement différentes. Mais au final, est-ce qu'elles sont vraiment différentes ? Est-ce qu'il y a un archétype de héros, au final, qui se retrouve à la fois dans nos récits, je pense par exemple aux super-héros, et dans ces récits arthuriens dont tu as fait la découverte ?

  • Speaker #0

    Il y a des choses en commun et des choses qui changent. Je ne pense pas seulement aux héros arthuriens, si on remonte aussi aux héros grecs ou avant, même dans Des héros qui appartiennent à des peuples très divers. On a quelque chose en commun de la figure héroïque et puis on a des choses qui sont très différentes. Chaque époque a ses propres héros qui représentent les valeurs poussées à l'extrême. C'est-à-dire qu'à chaque époque, un héros représente le plus haut point que l'on peut atteindre dans toutes ses valeurs. Et ces valeurs évoluent avec le temps. Donc il y a des choses qui restent et puis c'est assez amusant parce que quand on s'effrote à ces héros, on voit qu'il y a des choses qui restent et puis d'autres choses qui sont très anachroniques et très liées à leur temps.

  • Speaker #1

    Et enfin, le dernier ouvrage dont on va parler aujourd'hui s'intitule « Les chevaliers de la table ronde » . Et c'est vraiment un ouvrage de référence, c'est-à-dire que dedans, il y a vraiment tous les chevaliers de la table ronde. qui sont représentés, qui sont expliqués, pour que justement, au final, le lecteur qui s'attaque à la légende arthurienne puisse s'y retrouver dans tous ces personnages dont on parle. C'est bien ça, hein ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est la seule encyclopédie que le Moyen-Âge ait consacrée à la table ronde. Donc c'est un texte d'époque, en quelque sorte. Et ce texte, de manière assez inexplicable, n'avait jamais été édité. Il n'y avait aucune édition complète, ni en ancien français, ni en français moderne. Le manuscrit que j'ai édité, c'est un manuscrit précieux qui a appartenu à la reine Marie Antoinette, qui a été écrite à la fin du Moyen-Âge et qui veut condenser la légende du roi Arthur. Donc il nous présente les règles que les chevaliers de la table ronde doivent respecter. Il nous présente tous les héros de la table ronde. Alors c'est assez amusant parce qu'il nous présente 174 chevaliers, donc il y en a beaucoup. Et pour chaque chevalier, il y a un portrait, il y a une description. il y a un blason. Alors, pour revenir à ce qu'on disait avant, c'est amusant parce que c'est une description à la fois physique et morale. Et on voit bien aussi que non seulement les valeurs ont changé, mais aussi la beauté, les normes de beauté ont évolué. Ce qui peut être amusant, c'est que ces beaux chevaliers, donc on nous dit qu'ils ont un cou très beau comme une femme. Il y a une beauté qui est très différente par rapport à la nôtre et on fait l'éloge aussi des tréfins. d'une beauté qui est presque féminine, en tout cas la beauté masculine, elle calque pour plusieurs choses la beauté féminine. Donc c'est à la fois une encyclopédie de la table ronde, et puis une encyclopédie qui nous montre les normes de beauté relatives à une époque, puisque pour chaque chevalier on a une description complète.

  • Speaker #1

    Ce projet pour toi il représente quoi ? Parce que de ce que j'ai compris, au final c'est vraiment quelque chose qui te tenait à cœur, de rééditer cette encyclopédie liée au mythe arthurien. Tu peux nous en parler un petit peu de qu'est-ce que représente ce projet pour toi ? Oui,

  • Speaker #0

    en fait, c'était un projet que je voulais faire depuis très très longtemps, donc je suis content d'être arrivé à bout de cela, parce que je pense que c'est un texte qui est essentiel, et vraiment, moi, il a changé mon rapport au texte arthurien, c'est-à-dire que je ne lis plus les textes de la même manière, parce que, je le disais, on a ces règles que les chevaliers doivent respecter, toutes ces descriptions de chevaliers, c'est très original, parce que quand Dans les romans du Moyen-Âge, c'est très rare qu'on ait une description de chevalier. On me pose très souvent la question, mais alors ce chevalier était blanc ou blanc, était comment ? Et en fait, ce texte répond à ces questions-là. Alors qu'en général, on a du mal à imaginer les personnages, parce que dans les romans du Moyen-Âge, c'est très rare qu'on décrive un personnage. Et puis, on a les différentes règles pour prendre part à un tournoi. Et là, on comprend bien que les tournois au Moyen-Âge sont des rituels très précis. Et si on ne maîtrise pas toutes ces règles, on ne va pas comprendre un détail. donc c'est vraiment Un texte qui nous donne tous les codes et toutes les clés pour pouvoir accéder à la légende du roi Arthur. C'était essentiel pour moi de réussir à éditer cela. C'était très difficile parce qu'on me disait que c'était un beau livre, donc c'était très illustré. Donc, il a fallu trouver un éditeur qui accepte. Et finalement, avec Le Seuil, on est arrivé à cette édition. Et donc, je suis très content parce que c'était un projet qui m'était très à cœur.

  • Speaker #1

    Très bien. Justement... Il y a quelque chose, moi, qui me turlupine, entre guillemets, donc qui tourne dans la tête, c'est le récit du roi Arthur est un récit que l'on dit fictif, donc qui crée des personnages. Et là, cette encyclopédie, elle décrit de façon très détaillée, justement, des personnages fictifs, mais au final, ça nous montre peut-être comment cette chevalerie était... représentés dans un inconscient collectif au final, ou pas du tout.

  • Speaker #0

    Et disons que surtout, quand on a ces personnages, on a besoin de les voir en quelque sorte. Donc c'est un texte qui incarne, c'est un manuscrit qui incarne ces personnages, et donc qui nous donne des références réelles, qui nous les rend plus réelles. Ça c'est très touchant, surtout à une époque où on imitait les chevaliers d'Atabaron, qui étaient les grands héros, qu'ils l'ont imité. et donc ce texte veut nous les rendre très humains, très visibles. On a vraiment l'impression qu'on peut presque les toucher et les voir parce qu'on nous décrit vraiment de manière très précise. Et sûrement pour une époque pour laquelle ce sont les grands héros, c'est très touchant de donner cette description aussi précise.

  • Speaker #1

    Et ce que moi je trouve super interpellant, c'est qu'au final, ça existe encore aujourd'hui, ce type de bouquin. Si on regarde, par exemple, le monde des mangas, ben être tous les X tomes, il y a un tome qui sort pour synthétiser un petit peu toutes les informations qui viennent donner un petit peu des informations inédites dont on n'était pas sûr. Même chose pour le monde des comics. Régulièrement, il y a une encyclopédie qui sort où on refait le point sur tous les pouvoirs des différents personnages, qu'est-ce qu'ils aiment, qu'est-ce qu'ils n'aiment pas, donc ce n'est pas juste une description basique, mais ça va beaucoup plus loin. C'est quelque chose qui est resté au final, même encore dans notre société actuelle, cette notion d'encyclopédie pour en savoir plus sur le héros que l'on admire.

  • Speaker #0

    Oui, absolument. Ce sont des choses qui restent. C'est très touchant de voir un document qui remonte au Moyen-Âge, surtout que c'est le seul, c'est l'unique encyclopédie de ce genre. Après, on la conserve en plusieurs manuscrits, mais c'est vraiment un texte unique. Donc, c'est très touchant pour nous, oui.

  • Speaker #1

    Tu le disais, ça nous permet aussi de comprendre ces tournois de chevaliers. Nous, la représentation qu'on s'en fait, c'est un petit peu les tournois qu'on peut voir maintenant au cinéma. Ah non, quand même. Il y a plusieurs films qui vont traiter de ces tournois de chevaliers ou qui vont les utiliser comme un médium dans le film pour passer un message. Est-ce que justement ces représentations de tournois au cinéma sont réellement ce qui s'est passé ou elles sont plutôt fantasmées par le cinéma hollywoodien ?

  • Speaker #0

    Il y a des choses plus ou moins justes dans les films. Chaque film est très différent, donc c'est difficile de donner un avis général. Mais vraiment, en lisant ce texte, je me suis rendu compte de plein de choses que je ne savais pas et que surtout, c'est très codé et c'est très précis. Donc, je veux dire, on connaît seulement les choses principales. Ce qu'on connaît, ce qu'on voit généralement, c'est un moment qui est la joute. Donc, le chevalier qui va l'un vers l'autre avec une lance et doit réussir à faire tomber son adversaire. C'est la chose que l'on voit le plus souvent. Mais en effet, quand on voit ce texte, on se rend compte qu'il y a des rituels très précis, à quel moment on distribue les prix. Avant, comment on construit l'espace pour lequel on joue, il y a des règles très précises. Alors, il y a un camp, il y a un autre camp, et puis il y a une compétition, une équipe. Il y a plein de choses que l'on ne connaît pas, finalement, des tournois. Et donc, on se rend compte que c'est vraiment un jeu et quelque chose de très, très précis.

  • Speaker #1

    Tu le disais aussi, ces personnages arthuriens sont les héros. Et donc, parfois même, il y a des tournois arthuriens où les chevaliers jouent le rôle. d'un des personnages de la légende arthurienne, pour reconstituer en quelque sorte les récits.

  • Speaker #0

    C'est vraiment quelque chose qui m'a touché énormément, de découvrir qu'il y avait plusieurs cours qui faisaient des tournois à thème arthurien. Et on imagine que cette encyclopédie a peut-être été utilisée pour ces grands jeux arthuriens, puisque les chevaliers devaient, par exemple, porter un bouclier, chacun avec un blason arthurien. toutes ces descriptions, tous ces blasons étaient très utiles aussi. Et c'est amusant comme, en effet, les nobles imitent ces divers chevaliers Arthur. Alors, la chose qui m'amuse le plus, c'est autre chose, c'est qu'il y avait non seulement les tournois, mais aussi un rituel qui était assez courant. En tout cas, si on lit le roman qui est le pas d'armes, donc un chevalier se met devant un pont et puis il va défier tous les chevaliers qui passent. À la fin du Moyen Âge, il y avait des chevaliers qui faisaient la même chose et je me dis que ça devait être très, très annuyant. parce que je ne sais pas s'il y avait beaucoup de chevaliers qui passaient comme dans un roman.

  • Speaker #1

    Excellent. Et donc, on arrive tout doucement à la fin de cet épisode et tous les épisodes du podcast du Mumeau se terminent de la même façon par une citation, une maxime, une phrase en tout cas qui te semble pertinente pour synthétiser un petit peu tout ce que nous avons partagé aujourd'hui. Et donc, je vais lire cette phrase. Que tu me partages, notre fascination constante et croissante pour cet imaginaire traduit sans doute nos aspirations vers une société idéale, comme ce fut le cas à la fin du Moyen-Âge et le besoin de réenchanter notre monde. Et je trouve en effet, Emmanuel, que notre monde a besoin d'être réenchanté et que ce genre de légende, comme la légende arthurienne, peuvent nous faire du bien et nous faire comprendre aussi d'où l'on vient.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour cette belle phrase. Merci aussi beaucoup d'avoir participé à cet épisode. Chère auditrice, cher auditeur, je te souhaite une très très belle journée. On se retrouve dans deux semaines pour le prochain épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du MUMONS. Emmanuel, à très très bientôt.

  • Speaker #0

    Merci, à bientôt.

  • Speaker #1

    Tu viens d'écouter un épisode du podcast du MUMONS. Et franchement, j'espère qu'il t'a plu. D'ailleurs, si en passant, tu veux me faire un retour ou si tu as des idées d'amélioration, surtout n'hésite pas à nous contacter. Tu peux aussi devenir notre ambassadeur et faire découvrir ce podcast tout autour de toi. Si tu as des idées de sujets ou si tu souhaites enregistrer un épisode, surtout n'hésite pas à nous contacter. Rendez-vous sur le site internet mumons.be ou sur la page Facebook du Mumons. Merci à tous les fans qui m'ont aidé.

Chapters

  • Introduction et présentation d'Emanuele Arioli

    00:37

  • Le parcours d'Emanuele Arioli en tant que médiéviste

    01:45

  • Découverte de Ségurant, le chevalier oublié

    02:59

  • L'histoire de Ségurant et ses aventures

    05:18

  • Défis de la recherche et découverte de manuscrits brûlés

    08:31

  • Interprétation et messages cachés dans l'histoire

    14:33

  • Bande dessinée et réécriture de l'histoire de Ségurant

    16:15

  • Présentation du personnage d'Alexandre, l'orphelin de la table ronde

    23:29

  • L'encyclopédie des chevaliers de la table ronde

    35:12

  • Conclusion et citation finale

    43:32

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Description

📜 Légende arthurienne – Partie 3 : Ségurant, Alexandre, et les secrets des manuscrits oubliés 🛡️🐉
Invité : Emanuele Arioli, directeur de recherche à l’Université autonome de Barcelone

Dans ce dernier épisode de la trilogie consacrée à la légende arthurienne, Sciences, Arts & Curiosité reçoit Emanuele Arioli, chercheur passionné qui a consacré plus de dix ans à la reconstitution d’un roman médiéval oublié : l’histoire de Ségurant, le chevalier au dragon.

🔎 Ce que vous allez découvrir :
📚 Comment on retrouve au XXIe siècle un roman du XIIIe éparpillé dans 28 fragments répartis dans 7 pays
🔥 Des manuscrits brûlés, déchiffrés à l’aide de techniques high-tech (lumière UV, imagerie multispectrale)
🐉 L’histoire de Ségurant, ce chevalier condamné à poursuivre un dragon… qui n’existe pas
❤️‍🔥 Le récit inédit d’Alexandre, l’orphelin de la Table Ronde, héros désiré par toutes les magiciennes
📖 Une encyclopédie arthurienne unique, jamais éditée avant aujourd’hui, qui dresse le portrait de 174 chevaliers
🎭 Le lien inattendu entre ces récits médiévaux et notre culture geek moderne : comics, mangas, encyclopédies de super-héros...

Une plongée incroyable dans le monde de la recherche, entre fouilles en bibliothèque, révélations inattendues et passions chevaleresques.

🎧 Disponible sur toutes les plateformes d’écoute dès maintenant !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Lorsque ce petit bolide atteindra 88 miles à l'heure, attends-toi à voir quelque chose qui décoiffe.

  • Speaker #1

    Ce qui place votre zone d'atterrissage à 5,0667 degrés de latitude nord et 77,3333 de longitude ouest. Rien de tout ça, Neref.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que le réel ? La seule variable constante est l'inattendue. On ne peut pas la contrôler. Je crois que vous êtes encore pire que ces créatures. Elles, elles n'essaient pas de se massacrer entre elles pour tirer le mur au paquet. Voyons si une capacité de poussée de 10% permet de décollage. 3, 2, 1... Chers auditeurs, chères auditrices, je te souhaite la bienvenue dans ce nouvel épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du Moumons. Aujourd'hui, je suis dans mon bureau studio et mon invité est à Barcelone. Tu l'auras donc compris, cet épisode a lieu en visioconférence, à distance. Et j'entame aujourd'hui, en fait, le troisième épisode de la série sur la légende arthurienne. Et pour cette discussion, j'accueille Emanuele Arioli. J'espère que je le dis bien.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Bonjour. Parfait.

  • Speaker #0

    Bonjour, comment vas-tu ?

  • Speaker #1

    Bien, bien. Et toi ?

  • Speaker #0

    Très, très bien. Je suis très heureux de faire ce podcast avec toi aujourd'hui. En fait, je t'ai découvert durant mes vacances d'été, quand je suis allé à Brocéliande, dans le centre arthurien. Et il y a cette exposition justement sur ce chevalier oublié, disparu de la table ronde, donc Ségurant, dont on va parler dans quelques minutes. Et je me suis dit, ce serait trop bien de faire un podcast, même plusieurs, sur toute la légende arthurienne parce qu'il y a tellement à dire. Et donc voilà, on en est ici au troisième et je suis très très heureux de passer ce moment avec toi. Avant de s'attaquer au vif du sujet, est-ce que tu peux nous dire, à moi et à l'auditeur et à l'auditrice qui nous écoutent, Qui est Emanuele Arioli exactement ?

  • Speaker #1

    Alors, je suis actuellement directeur de recherche à l'Université Autonome de Barcelone. J'ai fait mes études d'abord en Italie et puis en France. J'ai été assez longtemps maître de conférence à l'Université Polytechnique des Hauts de France. Donc là, voilà, j'ai pris un nouveau poste en Espagne et je suis spécialiste de la légende du roi Arthur.

  • Speaker #0

    En quoi ça consiste exactement le métier de maître de conférence, en fait, ou le statut de maître de conférence ?

  • Speaker #1

    Mettre des conférences signifie tout simplement qu'on est un enseignant-chercheur, donc on fait aussi bien de l'enseignement que de la recherche. Voilà, donc actuellement, grâce au Nouveau Poste, je me consacre essentiellement à la recherche parce que j'ai une passion tout particulièrement pour la recherche, même si j'aime enseigner aussi. Mais voilà, étant donné que je suis sur des vastes projets de recherche, il fallait me consacrer à la recherche.

  • Speaker #0

    On va le découvrir très vite parce que cette passion de... Pour la recherche, elle t'a, je pense, vraiment animé sur les trois ouvrages dont on va parler dans quelques minutes. Une question que moi je me suis aussi posée, c'est comment on devient médiéviste ? Parce que j'entends qu'il y a certainement des études pour devenir médiéviste, mais comment on se dit un jour, je vais étudier les récits du Moyen-Âge, les écrits du Moyen-Âge, et je vais en faire ma passion et mon travail ?

  • Speaker #1

    C'est quelque chose qui est venu un peu par hasard parce que j'étais en Italie. J'ai commencé mes études en lettres et en histoire, donc j'étais en licence 1 et j'étais dans une école, une université, donc à l'école normale supérieure de Pise, à l'université de Pise, où il fallait faire un mémoire de recherche en licence 1. Donc on arrivait juste à la fac, il fallait trouver un sujet de recherche. Et j'avais un professeur qui était spécialiste des manuscrits du Moyen-Âge, c'est comme ça que j'ai commencé. Et c'était une grande passion de se dire, peut-être, avec beaucoup de chance, on peut encore trouver des choses encore inconnues.

  • Speaker #0

    Et justement, t'en as trouvé plusieurs. On va en parler. L'une d'elles, c'est ce chevalier Ségurant, le chevalier au dragon. Et moi, la première question que je me suis posée quand j'ai découvert l'histoire de Ségurant, c'est comment, en fait, aujourd'hui, on peut encore tomber sur des choses qui sont inconnues et qui datent du Moyen-Âge ? Au niveau de l'Antiquité, on peut encore se dire, en fait, c'est des fouilles. Et donc, là, on n'avait pas encore fouillé. Mais le Moyen-Âge, j'ai l'impression que c'est une idée moins reçue. J'ai l'impression qu'on se dit que c'est une période qu'on connaît bien, qu'on sait tout ce qui s'est passé. Or, tes découvertes ont tendance à me montrer, en tout cas à titre personnel, que c'est complètement faux, qu'il y a encore plein de choses aussi à découvrir sur le Moyen-Âge.

  • Speaker #1

    Il y a sans doute encore des choses à découvrir. C'est quelque chose qui m'est arrivé assez tôt, moi, à 20 ans, en Italie. J'étais à l'Issan-San et j'ai mis les mains sur un manuscrit. inconnu d'un poète, c'était un recueil de poèmes encore inconnu d'un poète qui s'appelle Bianco Daciena. Et le fait d'avoir découvert sitôt un texte inconnu, à plusieurs textes, c'était un recueil de poèmes, c'est ce qui m'a poussé à aller plus loin. Donc il y a en effet encore des choses inconnues, même si évidemment il y en a de moins en moins. Et pour la légende d'Huro Arthur, qui est une légende très étudiée, la plus célèbre légende du Moyen-Âge, on ne pensait pas qu'il y avait encore un roman. Ça arrive qu'on trouve quelques petits fragments par-ci, par-là, souvent déjà connus, mais on n'imaginait pas qu'il y avait encore un roman à découvrir.

  • Speaker #0

    Et justement, ce roman que tu découvres, est-ce que tu peux d'abord nous raconter brièvement quel est ce récit que tu découvres ? C'est quoi l'histoire de ce chevalier Ségurant, rapidement ?

  • Speaker #1

    Alors c'est un roman qui a été écrit au XIIIe siècle, en Italie, en français, et c'est l'histoire d'un chevalier qui naît dans une île éloignée de la cour du roi Arthur, l'île non sachante, et qui rêve de devenir le meilleur chevalier de la cour du roi Arthur. Il traverse le royaume du roi Arthur, qui s'appelle le royaume de l'ogre, se présente à un tournoi, participe au tournoi, on dirait qu'il va vaincre, qu'il va gagner ce tournoi, mais le roi Arthur a une sœur. plutôt une démisseur, la fée Morgane. Et la fée Morgane, qui veut nuire à tous les bons chevaliers de la table ronde, comme l'écrit le roman, invoque un diable sous l'apparence d'un horrible dragon. Et ce dragon sème la peur sur le tournoi. Et donc Ségurant se retrouve à la poursuite de ce dragon qui fuit. En réalité, il ne va pas le tuer parce que c'est un mirage. Et donc le premier manuscrit que je consulte s'arrête là. C'est un manuscrit qui est... inachevée qui s'arrête au milieu d'une phrase. Et donc je me suis demandé est-ce que si je cherche ailleurs, dans d'autres bibliothèques et archives d'Europe, est-ce que je peux trouver d'autres morceaux de la même histoire ? C'est comme ça que je me suis lancé dans cette quête à travers l'Europe qui a duré dix ans en tout et en dix ans de recherche, j'ai réussi à réunir 28 manuscrits et fragments conservés dans sept pays différents, donc en France, en Italie, en Suisse. en Belgique, en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Et avec ces 28 fragments, j'ai reconstitué le roman entier, ou plutôt l'ensemble romanesque, puisqu'il s'agit non seulement d'un roman unitaire, mais il s'agit d'une histoire qui a eu un immense succès entre le XIIIe et le XVe siècle. Et donc, il a fallu que je retrouve et que je recompose toutes les versions encore existantes.

  • Speaker #0

    Alors, ce qui est intéressant, je suis un petit peu local aussi, j'essaie en tout cas, c'est que tu es passé en Belgique. pour retrouver certains ou un de ces morceaux, je ne sais plus bien, pour justement compléter cette histoire ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Il y a un morceau qui est conservé à Beausselle aussi. Donc vraiment, j'ai été amené à traverser plusieurs pays, parfois en ne trouvant rien, parfois en ayant la chance de trouver des morceaux. Alors ce sont 28 morceaux et fragments. Certains ne sont vraiment que des fragments, parfois des fragments brûlés, des morceaux de... parchemins qui ont été réutilisés comme couverture d'autres livres. Parfois, en revanche, il s'agit de gros manuscrits à l'intérieur desquels on trouve quelques épisodes. Du moment où les copistes, parfois, ils combinaient plusieurs romans, plusieurs épisodes dans un même texte. Et donc, cette histoire, elle ne se présente de manière complète dans aucun manuscrit, mais on en trouve des traces dans un grand nombre de manuscrits et c'est grâce... à tous ces manuscrits, c'est en mettant un lien à toutes ces versions et tous ces épisodes qu'on arrive donc à recomposer l'histoire.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'à un moment, durant ces dix années de recherche, il y a des phases de découragement ? Parce que, voilà, j'imagine que c'est pas qu'à chaque fois, tu as été dans une bibliothèque et tu as trouvé quelque chose. Il y a certainement eu plein de moments où tu ne trouvais pas ce que tu cherchais, où ça ne te conduisait pas sur une bonne piste. Comment se sont passés pour toi ces dix ans, je vais dire, au niveau recherche et au niveau... courage ou découragement ?

  • Speaker #1

    C'était une recherche qui était très longue, parce qu'il ne faut pas juste trouver les morceaux, c'est beaucoup de travail, c'est la mise en contexte, c'est le fait d'analyser en détail tous ces morceaux, donc ce n'est pas simplement le fait d'aller chercher les morceaux, ce qui était même une grosse partie, donc c'était un travail qui était très long, et je ne voyais pas la fin, et il y a un certain moment, je me demandais, où est-ce que j'en suis ? par rapport à ma recherche. Je ne savais pas encore combien il restait à faire. Et donc il y a eu des moments difficiles, en particulier quand j'ai commencé à me rendre compte que si je voulais trouver des morceaux, il fallait que je cherche dans des manuscrits un peu abîmés et brûlés. C'était le moment le plus fort de ma recherche. En particulier, j'ai mené des recherches à la bibliothèque de Turin, où il y a eu un incendie terrible en 1904 qui a ravagé les collections de la bibliothèque. Entre 2000 et 3000 manuscrits brûlés, 30 000 manuscrits en tout. Et là, c'était à la fois une grande émotion, puisqu'on me dit dans ma discipline qu'on a perdu 90% des manuscrits du Moyen-Âge, ce qui est énorme, mais ce qui était pour moi jusqu'alors une donnée abstraite. Et là, le fait de me confronter avec ces manuscrits brûlés, alors certains sont des blocs calcinés qu'on n'arrive pas à ouvrir. Alors le parchemin est de la matière animale, c'est de la peau, donc avec la chaleur, ça se contracte, ça colle. Ce sont des blocs agglutinés qu'on n'arrive pas à ouvrir. Parfois, ces blocs ont été ouverts, mais ce sont des feuillets extrêmement fragiles, il faut les manipuler avec une extrême attention. Parfois, ces manuscrits ont été restaurés, mais alors... Anacide a été utilisé pour détacher les pages et donc on a l'impression de lire le recto et le verso en même temps. Donc c'est extrêmement difficile à lire. Et donc là, ça n'était pas lisible à l'œil nu. J'ai dû utiliser plusieurs techniques pour lire ces manuscrits. D'abord, une technique que l'on appelle la lampe de Wood. C'est une lumière ultraviolette qui permet de lire les écritures effacées. Mais cela n'était pas suffisant et j'ai... eu recours à une technologie qui vient d'être inventée et appliquée aux manuscrits, qui est l'imagerie multispectrale. C'est une technique qui consiste à le fait de prendre des photos avec des spectres de lumières différents qui vont de l'infrarouge à l'ultraviolet et ensuite de combiner les images pour donner l'image la plus lisible possible. C'était à la fois difficile, à la fois une extrême émotion, puisque dans ces manuscrits brûlés, j'ai pu trouver un épisode clé.

  • Speaker #0

    Par rapport aux pairs, donc aux autres chercheurs, aux autres médiévistes, quand on trouve comme ça un récit un peu par hasard, est-ce qu'on en parle ? Est-ce qu'on le garde pour soi pour se dire, ben voilà, c'est une découverte un peu inédite, j'ai envie qu'elle reste un petit peu ma recherche ? Comment ça se passe fondamentalement dans le monde des chercheurs médiévistes quand on découvre quelque chose de nouveau de ce type-là ?

  • Speaker #1

    Disons que ce n'était pas une découverte isolée, c'est le fait de mettre en relation des fragments et morceaux qui sont dispersés en plusieurs pays. Ce n'est pas une découverte que l'on fait par hasard un jour, c'est vraiment quelque chose qui se construit au fur et à mesure et qui demande aussi un grand travail pour justifier le travail de reconstitution, pour décrire les manuscrits, pour comprendre chaque morceau, à quelle époque il a été écrit, etc. Donc disons que ce n'est pas tellement la découverte d'un morceau, mais c'est tout ce gros travail qu'il a fallu justifier, expliquer, donc cela a été très long. non seulement pour la recherche des morceaux, mais surtout pour ce travail-là. Et donc, j'ai attendu très longtemps. Pourquoi ? Parce qu'il fallait arriver au bout de cette démonstration complète. Donc, il ne fallait pas juste mettre ensemble les morceaux, mais il fallait expliquer chaque manuscrit, d'où il provenait, où il avait été écrit, etc. Et cela a été très long. Donc, en effet, j'ai commencé à faire quelques articles, mais le texte n'était pas encore disponible. Et c'est seulement quand les trois volumes de ma thèse ont été disponibles. Donc, tout d'abord avec une grosse étude. qui explique tout cela, puis avec les deux volumes du texte en ancien français, qu'on s'est rendu compte que c'était vrai, mais il fallait arriver en quelque sorte à cela, il fallait arriver au bout de cette démonstration, il fallait vérifier plein de petites choses, et donc c'est un travail qui est extrêmement minutieux et précis, qui a donc été très long.

  • Speaker #0

    Tu le disais, le texte vient d'Italie, en tout cas le récit est a priori imaginé en Italie. Mais en français, est-ce que c'est quelque chose de classique à cette époque-là ?

  • Speaker #1

    Le français était une langue de prestige internationale, donc il était lu non seulement en France et en Italie, mais aussi en Grande-Bretagne, un petit peu en Espagne. Donc le fait d'écrire en français, c'est le fait de vouloir donner un destin important à son texte, tout en n'écrivant pas un latin. Le latin est un peu une langue savante, alors qu'on a l'idée que ces textes littéraires, on va les écrire plutôt dans une langue romane. plutôt en français. Et puis, comme ces textes venaient en langue française, arrivaient, étaient lus en Italie, voilà que plusieurs auteurs commencent à écrire en français dans une langue. Et c'est assez amusant qu'ils ne maîtrisent pas entièrement. Donc, il y a un effet des fautes de français qui nous permettent de comprendre que le texte a été écrit en Italie. J'en fais un qui est assez amusant. On lit dans ce texte « Je suis été » . En français, il n'aurait jamais écrit « Je suis été » , mais « J'ai été » . Alors, pourquoi ? Parce qu'en italien, on dit « Io sono stato » . Donc on trouve ces petites choses qui nous ramènent vers un français qui est d'ailleurs très intéressant, qui a été écrit en Italie, dans un pays où on ne parlait pas français, c'était une langue écrite, que l'on lisait et puis qu'on a eu envie d'écrire aussi.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut considérer que l'histoire de Ségurant veut transmettre un message ? Bien entendu, comme tu le dis, il y a ce chevalier qui va partir en quête de ce dragon qui a été... créée par la sœur du roi Arthur, mais est-ce qu'il y a une morale ou, je vais dire, quelque chose à retenir comme leçon de l'histoire de Ségurant ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est à chacun de trouver le message caché et d'ailleurs les auteurs du Moyen-Âge nous invitent à chercher un autre sens. Par exemple, le grand auteur de romans arthurien, Chrétien de Troyes, nous invite à aller au-delà du sens littéral. Au Moyen-Âge, on parlait d'un sens ou de plusieurs sens spirituels. Donc au-delà de la lettre, il y a quelque chose qui se cache. Et à chacun de trouver quels sont les sens qui se cachent derrière. Donc évidemment, on peut voir plusieurs sens derrière ce chevalier qui poursuit une chimère, qui poursuit un dragon qui ne peut pas tuer. Alors l'histoire de Ségurant, en plus en particulier, c'est qu'il doit trouver le Graal pour se libérer de ce dragon. Et donc, il mène une quête sans fin. On peut évidemment la lire de plein de façons différentes, et je crois que c'est à chacun de se faire sa propre idée de ce que peut signifier ce dragon et ce graal. Ce dragon qui est un peu un anti-graal, ou ce graal qui est un peu un anti-dragon, je ne sais pas. Mais en tout cas, ça représente une quête, ou alors si l'on veut, une non-quête, puisque c'est une quête impossible. Mais cela peut être lu de plein de façons différentes, et il n'y a pas une... De façon univoque, je pense que ce qui est passionnant de cet ex du Moyen-Âge, c'est aussi qu'il nous invite à chercher le sens de ces symboles qui sont parfois cachés, mystérieux, et cela est un grand charme.

  • Speaker #0

    Tu as participé à la réalisation d'une bande dessinée qui raconte toute cette histoire, l'histoire de Sigurand, et de ce que j'ai compris, tu t'es même prêté à l'exercice d'écrire la fin de l'histoire, puisque la fin de l'histoire, tu n'as pas pu la découvrir, c'est bien ça ?

  • Speaker #1

    Alors, je fais... de BD, donc je fais un album jeunesse-enfant, donc au seuil jeunesse, dans lequel je croise ma quête de manuscrits et l'histoire de Ségurant, donc c'est raconté de manière fidèle. C'est aussi un texte qui veut donner envie aux enfants de découvrir ce qu'est la recherche, ce qu'est l'histoire, ce que sont les légendes du Moyen-Âge. Donc un livre pour les enfants entre, disons, 6 et 12 ans.

  • Speaker #0

    Et petite note par rapport à ça, j'ai d'ailleurs une fille de 7 ans, j'ai acheté les deux albums, et l'album dont tu parles, on l'a lu ensemble, et elle a vraiment adoré, elle s'est posé plein de questions, etc. Donc c'est vraiment super, en effet je conseille cet album à tout le monde, complètement. Merci.

  • Speaker #1

    Et l'autre, c'est une BD plutôt ado et adulte, jeune adulte, dans laquelle je me suis amusé à raconter l'histoire du Graal, puisqu'en des ans de recherche, je n'ai pas pu trouver le Graal, ou plutôt je n'ai pas pu trouver... L'épisode du Graal, donc cet épisode qu'on nous annonce plusieurs fois, les manuscrits annoncent que Ségurant trouvera le Graal, mais dans aucun manuscrit je n'ai trouvé le moment dans lequel Ségurant trouve le Graal, si bien que je me demande si l'épisode est perdu, comme 90% des manuscrits du Moyen-Âge, ou bien s'il n'a jamais existé, en quelque sorte parce que le Graal nous fascine, parce que c'est un mystère, et peut-être que le fait de dévoiler trop... ce serait venir briser ce mystère. Donc peut-être que cela n'a jamais été écrit, ou alors peut-être qu'on le trouvera un jour, peut-être qu'il y a un collectionneur privé avec un manuscrit chez lui, avec cette fin. En tout cas, j'ai trouvé une autre fin dans un autre texte, dans un autre manuscrit, une fin qui nous raconte que Ségurant, après maintes aventures, rentre chez lui. Et c'est vrai qu'on nous disait qu'il trouverait un bateau qui le ramène au Graal, et s'il trouve un bateau qui le ramène chez lui. Donc je me demande en quelque sorte si... Le Graal ne peut pas être lu comme une métaphore, comme le fait de revenir chez soi, de revenir grandi, puisque ces romans de chevalerie qui racontent la quête du Graal racontent aussi une quête de soi. Finalement, tous les chevaliers qui cherchent le Graal se découvrent eux-mêmes. Donc peut-être que Ségurant aussi fait des découvertes sur lui-même et le fait de rentrer chez lui, en quelque sorte, plôt l'histoire en boucle. et donne une autre dimension du Graal peut-être.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Alors ce qui est intéressant, c'est que tu n'as pas juste exhumé Ségurant, c'est que tu as exhumé un autre personnage qui s'appelle Alexandre. Tu as proposé une traduction de ce récit. en français, moderne. Et donc, tu as intitulé cet ouvrage Alexandre, l'orphelin de la table ronde. Personnage que je ne connaissais pas, donc pas du tout, je me suis renseigné avant le podcast. Donc, c'est super intéressant. Et c'est assez incroyable de se dire qu'en fait, en essayant de trouver l'histoire complète de Ségurant, tu finis par tomber sur une deuxième histoire qui n'est pas réellement connue, en fait, autour de ce nouveau personnage.

  • Speaker #1

    Oui, en effet, c'est une histoire qui s'est trouvée dans un certain manuscrit avec l'histoire de Ségurant. à la différence de l'histoire de Ségurant, qui était vraiment inconnue. On savait juste qu'il existait un chevalier qui s'appelait Ségurant, mais on n'imaginait pas qu'il pouvait y avoir un roman. L'histoire d'Alexandre l'Orphelin, elle n'est pas entièrement inconnue, mais il n'y avait aucune édition. Pourquoi ? Parce qu'à la fin du Moyen-Âge, il y aura une version anglaise, un texte en anglais qui incorpore un résumé de l'histoire. En revanche, voilà, cherchant tous ces manuscrits pour Ségurant, j'ai réuni aussi tous ceux qui parlaient d'Alexandre, ce qui m'a permis de restaurer cette légende qui a été écrite comme celle de Ségurant au XIIIe siècle en Italie, en français, et qui, comme celle de Ségurant jusqu'au XVe siècle, a eu un grand succès à travers l'Europe.

  • Speaker #0

    Comment on explique qu'entre le XIIIe et le XVe siècle, ces histoires ont énormément de succès ? dans cette société moyenâgeuse, si j'emploie le bon terme.

  • Speaker #1

    En effet, dans la société du Moyen-Âge, ces textes ont beaucoup de succès parce que ce sont des textes que l'on lit partout à la cour. Ce sont des modèles de vie à la cour. Donc, les nobles lisent ces textes. Voilà, ce sont vraiment les grands héros d'une époque. Donc, les chevaliers qu'on veut imiter. Alors, ce qui est amusant, c'est que petit à petit, il y a un lectorat qui s'ouvre en quelque sorte parce qu'il y a une nouvelle classe, la classe bourgeoise. La classe bourgeoise commencera aussi à lire ces textes qui parlent plutôt de notre classe, mais il y a aussi une volonté d'imitation entre la bourgeoisie et la classe noble. Et donc, jusqu'à la fin du Moyen-Âge, ces textes auront une grande diffusion, et c'est peut-être le fait que la chevalerie est marginalisée au fur et à mesure. Cela fait sans doute que la figure du chevalier n'a plus la même importance. Après la Renaissance, on oublie un peu ces textes de chevalerie. À la Renaissance, on s'intéresse plutôt aux textes grecs et romains. Le goût change et c'est seulement au XIXe siècle qu'il y a un nouvel intérêt pour ces textes du Moyen-Âge. Alors les textes qui ont été imprimés, en quelque sorte, sont restés. Et les textes qui n'avaient pas été imprimés, au XIXe siècle, il y a cet intérêt. pour exhumer ces textes dans les divers manuscrits. C'est à partir de là qu'il y a ce gros chantier d'exhumation de récits du Moyen-Âge.

  • Speaker #0

    Alors, Ségurant assemble des morceaux qui viennent d'une vingtaine de livres différents, de manuscrits plutôt différents. Ici, pour Alexandre, c'est près de 14, si je ne me trompe pas, manuscrits différents. Est-ce que c'est quelque chose d'habituel, en fait ? au Moyen-Âge, d'avoir ces récits qui sont en fait disséminés dans plein de manuscrits différents, ou c'est propre à ce récit arthurien ?

  • Speaker #1

    Disons qu'à un certain moment, et surtout au XIIIe siècle, les copistes, au lieu de copier ces longs textes suivis, ces romans qui devenaient immenses, énormes et très très longs à lire, ils préfèrent faire des compilations, ils préfèrent faire des best-of, the best of the les meilleurs récits de la légende du roi Arthur. Et donc, cela fait que parfois, on trouve un récit qui est divisé en plusieurs morceaux. Alors, la grande différence avec Ségurant, c'est qu'en général, pour les autoromans, qu'ils soient l'Anselor en prose, le Tristan en prose, les grands récits arthuriens, on les conserve de manière intégrale. Il y a des manuscrits qui conservent tout. Ici, on est dans des cas un peu extrêmes et particuliers, un peu uniques à voir. Un récit, du coup, que l'on retrouve dispersé et qu'il faut recomposer. Dans ceci, c'est un peu, je ne dis pas unique, parce qu'il y a d'autres cas de manuscrits inachevés, bien sûr. Ici, la chance inouïe, c'est de réussir avec des morceaux à les coller, en quelque sorte.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux nous raconter l'histoire d'Alexandre, cet orphelin de la table ronde, justement ?

  • Speaker #1

    Alors, Alexandre est orphelin parce que son père a été tué par le méchant roi Marc, le roi de Cournoye. Alexandre est le cousin caché de Tristan et donc il veut venger la mort de son père. Sauf qu'Alexandre a un problème, Alexandre est trop beau et donc toutes les dames et toutes les demoiselles, toutes les magiciennes tombent amoureuses de lui donc il doit à chaque fois fuir toutes ces dames qui le poursuivent et toujours avec cette même idée de rencontrer les chevaliers de la table ronde et réunir une armée pour tuer son oncle le roi Marc.

  • Speaker #0

    Alors dans ce roman... Il y a quelque chose qui, moi, m'a semblé, en tout cas, étonnant par rapport à l'époque. Tu parles d'un érotisme latent dans le roman. Est-ce que c'est quelque chose qu'on retrouve dans d'autres romans de cette époque ? Est-ce que c'est vraiment propre à ce récit ? Et à ton avis, qu'est-ce que les auteurs ou l'auteur, je ne sais pas s'ils étaient plusieurs, ont voulu faire en plaçant cet érotisme un petit peu dans ce récit ?

  • Speaker #1

    C'est quelque chose d'assez original de placer cet érotisme, et surtout un érotisme très particulier, puisque c'est un texte qui met en avant le désir. féminin, le désir des femmes. Et c'est quelque chose d'assez nouveau à cette époque, de présenter la femme, non pas comme un objet, alors très souvent dans ce schéma de l'amour courtois, l'homme qui aime une femme, souvent de classe sociale supérieure. Et ce désir pour une femme, qui comme un objet de désir, ici on a au contraire un jeune homme qui est l'objet de désir de plusieurs femmes. Donc c'est un texte assez audacieux pour l'époque, avec un érotisme, certes, je dis un érotisme latin, puisqu'en quelque sorte, un érotisme relatif par rapport à d'autres textes ou d'autres films ou séries aujourd'hui. Mais pour l'époque, sûrement, c'est un texte très fort. Et c'est un texte qui laisse la place au désir des femmes, au corps des femmes. qui met les femmes en quelque sorte au centre, non seulement par le désir, mais aussi parce que le texte nous présente un univers dans lequel les dames magiciennes arrivent à dominer le monde en quelque sorte, donc contrôlent les forces du monde en beaucoup de pouvoir. Et donc, disons qu'il y a un renversement des normes traditionnelles de l'amour courtois, de cet univers, où généralement, ce sont les hommes qui contrôlent la société féodale de l'époque. Ici, on a au contraire quelque chose d'assez nouveau.

  • Speaker #0

    Et comment Alexandre s'insère dans la légende de la table ronde et dans la légende arthurienne ? Puisque comme tu l'as dit, il s'agit d'une histoire de vengeance, c'est connecté à la cornouaille. Mais est-ce qu'il va rencontrer d'autres chevaliers de la table ronde ? Et comment ces rencontres vont se passer ? Quel va être son objectif par rapport à ces chevaliers de la table ronde ? Alors,

  • Speaker #1

    on pourrait dire que l'histoire d'Alexandre l'orphelin se trouve à la connexion de deux grandes légendes, deux grands récits, la légende de Tristan et Iseult. et la légende des chevaliers de la table ronde. Donc ça se situe vraiment entre les deux et se rattache aux deux. Pourquoi la table ronde ? Parce qu'en effet, Alexandre rencontre tous les meilleurs chevaliers de la table ronde. Les combats un à un arrivent à les vaincre. Il y aura juste un combat avec l'un seul au-delà, le plus proche chevalier au monde, à lequel on n'arrive pas à dire qui est le plus fort, tellement les deux sont d'une force extraordinaire. Mais donc, voilà, les Chevaliers de la Tabarande sont bien présents dans ce récit, qui est un récit, lui aussi, comme l'histoire de Ségurant, qui, alors, soit il a été inachevé, soit, en tout cas, il n'y a pas de véritable fin. Donc, c'est aussi dans cette idée de ces textes qui laissent une fin ouverte, peut-être pour les romanciers qui suivent, pour suivre l'histoire, alors pour nous, qui sait, pour continuer à rêver à la suite.

  • Speaker #0

    et est-ce que toi quand tu refais la traduction justement de ce texte ? Tu proposes une fin ? Tu proposes quelque chose ? Ou plutôt tu laisses cette fin suspendue pour le lecteur ?

  • Speaker #1

    Alors j'ai vraiment fait un travail de traduction très fidèle parce que je voulais que les lecteurs aient accès au vrai texte d'abord, avant de penser une réécriture. Alors pour l'histoire de Ségurant, j'ai disons prévu aussi une BD pour avoir aussi un récit réécrit, disons quelque chose qui... s'adapte aussi plus à la manière de raconter d'aujourd'hui, qui n'est pas la même. Donc, il y a à la fois la traduction très fidèle, pour ceux qui veulent découvrir le texte, et puis une réécriture en BD, pour ceux qui veulent avoir quelque chose de plus actuel. Mais les deux sont très accessibles. Maintenant, j'ai voulu laisser le texte tel quel, parce que je trouve que c'est important que nous ayons accès d'abord au texte. Et puis, c'est très charmant aussi d'avoir un texte qui reste énigmatique. qui reste mystérieux. On en a parlé avant. Je pense que ce qui est très fascinant dans cette littérature du Moyen-Âge, ce sont tous ces mystères qui n'ont pas de solution. Si on pense au Graal, par exemple. Mais tous ces symboles, tous ces mystères qui n'ont pas de solution, c'est infiniment aspirant.

  • Speaker #0

    Est-ce que, selon toi, ces deux récits peuvent avoir des origines antiques, entre guillemets, ou autres qu'antiques ? Mais est-ce que Ségurant et Alexandre émergent un peu naturellement sans qu'il y ait de prédécesseurs à leur histoire ? Ou est-ce qu'ils s'inspirent de quelque chose ? Et à l'inverse, est-ce que, comme tu l'as dit, c'est des récits qui ont connu un grand succès entre le XIIIe et le XVe siècle ? Est-ce que ces deux récits, à un moment, vont aussi devenir source d'autres récits que l'on connaîtrait actuellement ? Alors c'est très difficile de savoir quelles sont les sources de textes du Moyen-Âge parce qu'il y a une grande part de transmission orale pour ces légendes, pour la légende du roi Arthur en général. Donc on ne peut pas savoir si Alexandre et Ségurant proviennent d'une tradition orale ou ils ont été inventés déjà pour être des héros de romans en quelque sorte écrits, pour être lus à haute voix, pour être lus à la cour. Donc cela est... C'est une question qui est un peu insoluble. Alors après, j'ai plusieurs hypothèses. En tout cas, pour Ségurant, je pense que Ségurant pourrait être inspiré en partie par un personnage germanique et scandinave qui est Siegfried Sigurd. Alors, Siegfried, c'est la version germanique et Sigurd, c'est la version scandinave, mais c'est le même héros qui tue un dragon. Et on sait en effet que ces légendes circulaient aussi, non seulement dans les territoires scandinaves et germaniques, mais sont arrivées jusqu'en Italie. Et en particulier, j'ai trouvé une fresque qui m'a interpellé. Pas loin de Venise, qui est sans doute le lieu d'origine du roman de Ségurant, il y a un château, Castello di Roncolo, dans la province de Bolzano, où il y a cette fresque arthurienne qui présente la table ronde et le roi Arthur. Et peu loin, il y a une représentation de Siegfried. En effet, les deux légendes ont pu se rencontrer. Il y a plusieurs points en commun, alors ce sont des héros qui rencontrent un dragon, traversent un mur de feu, ont un nom très semblable, il faut savoir que dans les plus anciens manuscrits, Ségurant est appelé Sigurant, et entre Sigurant, Sigourde et Sigfrid, on est vraiment très proche. Donc il se peut qu'il y ait une influence, un contact, mais cela est très difficile à prouver en quelque sorte. Et après, ces textes ont eu un grand succès, si bien que l'histoire de Ségurant, a été traduite, deux épisodes ont été traduits en italien, il y a deux mentions en espagnol, une mention en anglais, donc le texte a voyagé beaucoup, et on peut se demander à quel point il a influencé la littérature qui a suivi. Alors, je prends un exemple pour l'Espagne, évidemment la grande question est, est-ce que Don Quichotte connaissait Ségurant ou pas, parce que Ségurant est déjà un peu un Don Quichotte qui poursuit un dragon île de soir, donc un personnage, une créature qui n'a pas... de vraie existence. Donc, on pourrait se poser la question. C'est un peu insoluble. Si ce n'est qu'on est sûr que la source principale de Don Quichotte, c'est Cervantes, la source principale qui est l'Amadis de Gaulle, connaissait Ségurant, puisque le mentionne. D'accord. Donc, on ne peut pas savoir si Cervantes lui-même connaissait Ségurant, mais sa source principale, dont en fait il se moque, l'Amadis de Gaulle, mentionne Ségurant. Donc, on voit qu'il y a un fil, même si elle est très... tenue, mais ce fil qui arrive jusqu'à la Renaissance et même après.

  • Speaker #1

    Excellent. Alors, dans le cadre de cette transformation, je vais dire, de Siegfried vers Ségurant, est-ce qu'on peut parler d'une certaine appropriation culturelle ? Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a un récit qui plaît, mais qui n'est pas dans les codes nécessairement de la société qui nous entoure. Et donc, pour que ce récit soit diffusé, on se l'approprie, on le transforme. et on l'intègre à quelque chose qui a priori marche bien à l'époque, c'est-à-dire le mythe arthurien.

  • Speaker #0

    Oui, il y a une fusion vraiment de légendes très étonnantes, puisque si cette hypothèse est juste, Ségurant serait en quelque sorte un mélange d'une légende celte qui arrive en Italie par la France, et ce mélange à un autre récit plutôt germanique-scandinave. Donc à chaque fois qu'un peuple fait sien à une légende qui vient d'ailleurs, évidemment il acclimate à la réalité qu'il maîtrise, qu'il connaît en quelque sorte. Et ce qui est intéressant pour Ségurant aussi, c'est qu'on voit émerger une réalité qui n'est pas exactement la même par rapport aux romans qui ont précédé. Je fais des exemples très pratiques avec Ségurant, on a parfois, on nous dépeint les bourgeois, les paysans, etc. Donc on est en dehors aussi du cadre strictement courtois, du cadre des nobles de l'époque, et on peut se demander... Si cette ouverture n'est pas liée aussi au fait que la légende d'ouverture a été importée en Italie, et peut-être à Venise, où la classe émergente de la bourgeoisie est très forte, et donc il y a aussi une requête qui est différente, le texte s'acclimate, la légende s'acclimate aussi, à une société qui n'est pas la même. Donc sûrement les textes évoluent aussi grâce à cela, même si c'est très difficile de faire une connexion précise entre... Un récit qui reste un récit de fiction, donc d'invention, et puis la réalité de l'époque, l'histoire en quelque sorte.

  • Speaker #1

    Tu le disais, les chevaliers dont on parle dans ces récits sont un petit peu les héros de cette époque. Nous, à l'heure actuelle, on a des représentations de héros complètement différentes. Mais au final, est-ce qu'elles sont vraiment différentes ? Est-ce qu'il y a un archétype de héros, au final, qui se retrouve à la fois dans nos récits, je pense par exemple aux super-héros, et dans ces récits arthuriens dont tu as fait la découverte ?

  • Speaker #0

    Il y a des choses en commun et des choses qui changent. Je ne pense pas seulement aux héros arthuriens, si on remonte aussi aux héros grecs ou avant, même dans Des héros qui appartiennent à des peuples très divers. On a quelque chose en commun de la figure héroïque et puis on a des choses qui sont très différentes. Chaque époque a ses propres héros qui représentent les valeurs poussées à l'extrême. C'est-à-dire qu'à chaque époque, un héros représente le plus haut point que l'on peut atteindre dans toutes ses valeurs. Et ces valeurs évoluent avec le temps. Donc il y a des choses qui restent et puis c'est assez amusant parce que quand on s'effrote à ces héros, on voit qu'il y a des choses qui restent et puis d'autres choses qui sont très anachroniques et très liées à leur temps.

  • Speaker #1

    Et enfin, le dernier ouvrage dont on va parler aujourd'hui s'intitule « Les chevaliers de la table ronde » . Et c'est vraiment un ouvrage de référence, c'est-à-dire que dedans, il y a vraiment tous les chevaliers de la table ronde. qui sont représentés, qui sont expliqués, pour que justement, au final, le lecteur qui s'attaque à la légende arthurienne puisse s'y retrouver dans tous ces personnages dont on parle. C'est bien ça, hein ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est la seule encyclopédie que le Moyen-Âge ait consacrée à la table ronde. Donc c'est un texte d'époque, en quelque sorte. Et ce texte, de manière assez inexplicable, n'avait jamais été édité. Il n'y avait aucune édition complète, ni en ancien français, ni en français moderne. Le manuscrit que j'ai édité, c'est un manuscrit précieux qui a appartenu à la reine Marie Antoinette, qui a été écrite à la fin du Moyen-Âge et qui veut condenser la légende du roi Arthur. Donc il nous présente les règles que les chevaliers de la table ronde doivent respecter. Il nous présente tous les héros de la table ronde. Alors c'est assez amusant parce qu'il nous présente 174 chevaliers, donc il y en a beaucoup. Et pour chaque chevalier, il y a un portrait, il y a une description. il y a un blason. Alors, pour revenir à ce qu'on disait avant, c'est amusant parce que c'est une description à la fois physique et morale. Et on voit bien aussi que non seulement les valeurs ont changé, mais aussi la beauté, les normes de beauté ont évolué. Ce qui peut être amusant, c'est que ces beaux chevaliers, donc on nous dit qu'ils ont un cou très beau comme une femme. Il y a une beauté qui est très différente par rapport à la nôtre et on fait l'éloge aussi des tréfins. d'une beauté qui est presque féminine, en tout cas la beauté masculine, elle calque pour plusieurs choses la beauté féminine. Donc c'est à la fois une encyclopédie de la table ronde, et puis une encyclopédie qui nous montre les normes de beauté relatives à une époque, puisque pour chaque chevalier on a une description complète.

  • Speaker #1

    Ce projet pour toi il représente quoi ? Parce que de ce que j'ai compris, au final c'est vraiment quelque chose qui te tenait à cœur, de rééditer cette encyclopédie liée au mythe arthurien. Tu peux nous en parler un petit peu de qu'est-ce que représente ce projet pour toi ? Oui,

  • Speaker #0

    en fait, c'était un projet que je voulais faire depuis très très longtemps, donc je suis content d'être arrivé à bout de cela, parce que je pense que c'est un texte qui est essentiel, et vraiment, moi, il a changé mon rapport au texte arthurien, c'est-à-dire que je ne lis plus les textes de la même manière, parce que, je le disais, on a ces règles que les chevaliers doivent respecter, toutes ces descriptions de chevaliers, c'est très original, parce que quand Dans les romans du Moyen-Âge, c'est très rare qu'on ait une description de chevalier. On me pose très souvent la question, mais alors ce chevalier était blanc ou blanc, était comment ? Et en fait, ce texte répond à ces questions-là. Alors qu'en général, on a du mal à imaginer les personnages, parce que dans les romans du Moyen-Âge, c'est très rare qu'on décrive un personnage. Et puis, on a les différentes règles pour prendre part à un tournoi. Et là, on comprend bien que les tournois au Moyen-Âge sont des rituels très précis. Et si on ne maîtrise pas toutes ces règles, on ne va pas comprendre un détail. donc c'est vraiment Un texte qui nous donne tous les codes et toutes les clés pour pouvoir accéder à la légende du roi Arthur. C'était essentiel pour moi de réussir à éditer cela. C'était très difficile parce qu'on me disait que c'était un beau livre, donc c'était très illustré. Donc, il a fallu trouver un éditeur qui accepte. Et finalement, avec Le Seuil, on est arrivé à cette édition. Et donc, je suis très content parce que c'était un projet qui m'était très à cœur.

  • Speaker #1

    Très bien. Justement... Il y a quelque chose, moi, qui me turlupine, entre guillemets, donc qui tourne dans la tête, c'est le récit du roi Arthur est un récit que l'on dit fictif, donc qui crée des personnages. Et là, cette encyclopédie, elle décrit de façon très détaillée, justement, des personnages fictifs, mais au final, ça nous montre peut-être comment cette chevalerie était... représentés dans un inconscient collectif au final, ou pas du tout.

  • Speaker #0

    Et disons que surtout, quand on a ces personnages, on a besoin de les voir en quelque sorte. Donc c'est un texte qui incarne, c'est un manuscrit qui incarne ces personnages, et donc qui nous donne des références réelles, qui nous les rend plus réelles. Ça c'est très touchant, surtout à une époque où on imitait les chevaliers d'Atabaron, qui étaient les grands héros, qu'ils l'ont imité. et donc ce texte veut nous les rendre très humains, très visibles. On a vraiment l'impression qu'on peut presque les toucher et les voir parce qu'on nous décrit vraiment de manière très précise. Et sûrement pour une époque pour laquelle ce sont les grands héros, c'est très touchant de donner cette description aussi précise.

  • Speaker #1

    Et ce que moi je trouve super interpellant, c'est qu'au final, ça existe encore aujourd'hui, ce type de bouquin. Si on regarde, par exemple, le monde des mangas, ben être tous les X tomes, il y a un tome qui sort pour synthétiser un petit peu toutes les informations qui viennent donner un petit peu des informations inédites dont on n'était pas sûr. Même chose pour le monde des comics. Régulièrement, il y a une encyclopédie qui sort où on refait le point sur tous les pouvoirs des différents personnages, qu'est-ce qu'ils aiment, qu'est-ce qu'ils n'aiment pas, donc ce n'est pas juste une description basique, mais ça va beaucoup plus loin. C'est quelque chose qui est resté au final, même encore dans notre société actuelle, cette notion d'encyclopédie pour en savoir plus sur le héros que l'on admire.

  • Speaker #0

    Oui, absolument. Ce sont des choses qui restent. C'est très touchant de voir un document qui remonte au Moyen-Âge, surtout que c'est le seul, c'est l'unique encyclopédie de ce genre. Après, on la conserve en plusieurs manuscrits, mais c'est vraiment un texte unique. Donc, c'est très touchant pour nous, oui.

  • Speaker #1

    Tu le disais, ça nous permet aussi de comprendre ces tournois de chevaliers. Nous, la représentation qu'on s'en fait, c'est un petit peu les tournois qu'on peut voir maintenant au cinéma. Ah non, quand même. Il y a plusieurs films qui vont traiter de ces tournois de chevaliers ou qui vont les utiliser comme un médium dans le film pour passer un message. Est-ce que justement ces représentations de tournois au cinéma sont réellement ce qui s'est passé ou elles sont plutôt fantasmées par le cinéma hollywoodien ?

  • Speaker #0

    Il y a des choses plus ou moins justes dans les films. Chaque film est très différent, donc c'est difficile de donner un avis général. Mais vraiment, en lisant ce texte, je me suis rendu compte de plein de choses que je ne savais pas et que surtout, c'est très codé et c'est très précis. Donc, je veux dire, on connaît seulement les choses principales. Ce qu'on connaît, ce qu'on voit généralement, c'est un moment qui est la joute. Donc, le chevalier qui va l'un vers l'autre avec une lance et doit réussir à faire tomber son adversaire. C'est la chose que l'on voit le plus souvent. Mais en effet, quand on voit ce texte, on se rend compte qu'il y a des rituels très précis, à quel moment on distribue les prix. Avant, comment on construit l'espace pour lequel on joue, il y a des règles très précises. Alors, il y a un camp, il y a un autre camp, et puis il y a une compétition, une équipe. Il y a plein de choses que l'on ne connaît pas, finalement, des tournois. Et donc, on se rend compte que c'est vraiment un jeu et quelque chose de très, très précis.

  • Speaker #1

    Tu le disais aussi, ces personnages arthuriens sont les héros. Et donc, parfois même, il y a des tournois arthuriens où les chevaliers jouent le rôle. d'un des personnages de la légende arthurienne, pour reconstituer en quelque sorte les récits.

  • Speaker #0

    C'est vraiment quelque chose qui m'a touché énormément, de découvrir qu'il y avait plusieurs cours qui faisaient des tournois à thème arthurien. Et on imagine que cette encyclopédie a peut-être été utilisée pour ces grands jeux arthuriens, puisque les chevaliers devaient, par exemple, porter un bouclier, chacun avec un blason arthurien. toutes ces descriptions, tous ces blasons étaient très utiles aussi. Et c'est amusant comme, en effet, les nobles imitent ces divers chevaliers Arthur. Alors, la chose qui m'amuse le plus, c'est autre chose, c'est qu'il y avait non seulement les tournois, mais aussi un rituel qui était assez courant. En tout cas, si on lit le roman qui est le pas d'armes, donc un chevalier se met devant un pont et puis il va défier tous les chevaliers qui passent. À la fin du Moyen Âge, il y avait des chevaliers qui faisaient la même chose et je me dis que ça devait être très, très annuyant. parce que je ne sais pas s'il y avait beaucoup de chevaliers qui passaient comme dans un roman.

  • Speaker #1

    Excellent. Et donc, on arrive tout doucement à la fin de cet épisode et tous les épisodes du podcast du Mumeau se terminent de la même façon par une citation, une maxime, une phrase en tout cas qui te semble pertinente pour synthétiser un petit peu tout ce que nous avons partagé aujourd'hui. Et donc, je vais lire cette phrase. Que tu me partages, notre fascination constante et croissante pour cet imaginaire traduit sans doute nos aspirations vers une société idéale, comme ce fut le cas à la fin du Moyen-Âge et le besoin de réenchanter notre monde. Et je trouve en effet, Emmanuel, que notre monde a besoin d'être réenchanté et que ce genre de légende, comme la légende arthurienne, peuvent nous faire du bien et nous faire comprendre aussi d'où l'on vient.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour cette belle phrase. Merci aussi beaucoup d'avoir participé à cet épisode. Chère auditrice, cher auditeur, je te souhaite une très très belle journée. On se retrouve dans deux semaines pour le prochain épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du MUMONS. Emmanuel, à très très bientôt.

  • Speaker #0

    Merci, à bientôt.

  • Speaker #1

    Tu viens d'écouter un épisode du podcast du MUMONS. Et franchement, j'espère qu'il t'a plu. D'ailleurs, si en passant, tu veux me faire un retour ou si tu as des idées d'amélioration, surtout n'hésite pas à nous contacter. Tu peux aussi devenir notre ambassadeur et faire découvrir ce podcast tout autour de toi. Si tu as des idées de sujets ou si tu souhaites enregistrer un épisode, surtout n'hésite pas à nous contacter. Rendez-vous sur le site internet mumons.be ou sur la page Facebook du Mumons. Merci à tous les fans qui m'ont aidé.

Chapters

  • Introduction et présentation d'Emanuele Arioli

    00:37

  • Le parcours d'Emanuele Arioli en tant que médiéviste

    01:45

  • Découverte de Ségurant, le chevalier oublié

    02:59

  • L'histoire de Ségurant et ses aventures

    05:18

  • Défis de la recherche et découverte de manuscrits brûlés

    08:31

  • Interprétation et messages cachés dans l'histoire

    14:33

  • Bande dessinée et réécriture de l'histoire de Ségurant

    16:15

  • Présentation du personnage d'Alexandre, l'orphelin de la table ronde

    23:29

  • L'encyclopédie des chevaliers de la table ronde

    35:12

  • Conclusion et citation finale

    43:32

Description

📜 Légende arthurienne – Partie 3 : Ségurant, Alexandre, et les secrets des manuscrits oubliés 🛡️🐉
Invité : Emanuele Arioli, directeur de recherche à l’Université autonome de Barcelone

Dans ce dernier épisode de la trilogie consacrée à la légende arthurienne, Sciences, Arts & Curiosité reçoit Emanuele Arioli, chercheur passionné qui a consacré plus de dix ans à la reconstitution d’un roman médiéval oublié : l’histoire de Ségurant, le chevalier au dragon.

🔎 Ce que vous allez découvrir :
📚 Comment on retrouve au XXIe siècle un roman du XIIIe éparpillé dans 28 fragments répartis dans 7 pays
🔥 Des manuscrits brûlés, déchiffrés à l’aide de techniques high-tech (lumière UV, imagerie multispectrale)
🐉 L’histoire de Ségurant, ce chevalier condamné à poursuivre un dragon… qui n’existe pas
❤️‍🔥 Le récit inédit d’Alexandre, l’orphelin de la Table Ronde, héros désiré par toutes les magiciennes
📖 Une encyclopédie arthurienne unique, jamais éditée avant aujourd’hui, qui dresse le portrait de 174 chevaliers
🎭 Le lien inattendu entre ces récits médiévaux et notre culture geek moderne : comics, mangas, encyclopédies de super-héros...

Une plongée incroyable dans le monde de la recherche, entre fouilles en bibliothèque, révélations inattendues et passions chevaleresques.

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Transcription

  • Speaker #0

    Lorsque ce petit bolide atteindra 88 miles à l'heure, attends-toi à voir quelque chose qui décoiffe.

  • Speaker #1

    Ce qui place votre zone d'atterrissage à 5,0667 degrés de latitude nord et 77,3333 de longitude ouest. Rien de tout ça, Neref.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que le réel ? La seule variable constante est l'inattendue. On ne peut pas la contrôler. Je crois que vous êtes encore pire que ces créatures. Elles, elles n'essaient pas de se massacrer entre elles pour tirer le mur au paquet. Voyons si une capacité de poussée de 10% permet de décollage. 3, 2, 1... Chers auditeurs, chères auditrices, je te souhaite la bienvenue dans ce nouvel épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du Moumons. Aujourd'hui, je suis dans mon bureau studio et mon invité est à Barcelone. Tu l'auras donc compris, cet épisode a lieu en visioconférence, à distance. Et j'entame aujourd'hui, en fait, le troisième épisode de la série sur la légende arthurienne. Et pour cette discussion, j'accueille Emanuele Arioli. J'espère que je le dis bien.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Bonjour. Parfait.

  • Speaker #0

    Bonjour, comment vas-tu ?

  • Speaker #1

    Bien, bien. Et toi ?

  • Speaker #0

    Très, très bien. Je suis très heureux de faire ce podcast avec toi aujourd'hui. En fait, je t'ai découvert durant mes vacances d'été, quand je suis allé à Brocéliande, dans le centre arthurien. Et il y a cette exposition justement sur ce chevalier oublié, disparu de la table ronde, donc Ségurant, dont on va parler dans quelques minutes. Et je me suis dit, ce serait trop bien de faire un podcast, même plusieurs, sur toute la légende arthurienne parce qu'il y a tellement à dire. Et donc voilà, on en est ici au troisième et je suis très très heureux de passer ce moment avec toi. Avant de s'attaquer au vif du sujet, est-ce que tu peux nous dire, à moi et à l'auditeur et à l'auditrice qui nous écoutent, Qui est Emanuele Arioli exactement ?

  • Speaker #1

    Alors, je suis actuellement directeur de recherche à l'Université Autonome de Barcelone. J'ai fait mes études d'abord en Italie et puis en France. J'ai été assez longtemps maître de conférence à l'Université Polytechnique des Hauts de France. Donc là, voilà, j'ai pris un nouveau poste en Espagne et je suis spécialiste de la légende du roi Arthur.

  • Speaker #0

    En quoi ça consiste exactement le métier de maître de conférence, en fait, ou le statut de maître de conférence ?

  • Speaker #1

    Mettre des conférences signifie tout simplement qu'on est un enseignant-chercheur, donc on fait aussi bien de l'enseignement que de la recherche. Voilà, donc actuellement, grâce au Nouveau Poste, je me consacre essentiellement à la recherche parce que j'ai une passion tout particulièrement pour la recherche, même si j'aime enseigner aussi. Mais voilà, étant donné que je suis sur des vastes projets de recherche, il fallait me consacrer à la recherche.

  • Speaker #0

    On va le découvrir très vite parce que cette passion de... Pour la recherche, elle t'a, je pense, vraiment animé sur les trois ouvrages dont on va parler dans quelques minutes. Une question que moi je me suis aussi posée, c'est comment on devient médiéviste ? Parce que j'entends qu'il y a certainement des études pour devenir médiéviste, mais comment on se dit un jour, je vais étudier les récits du Moyen-Âge, les écrits du Moyen-Âge, et je vais en faire ma passion et mon travail ?

  • Speaker #1

    C'est quelque chose qui est venu un peu par hasard parce que j'étais en Italie. J'ai commencé mes études en lettres et en histoire, donc j'étais en licence 1 et j'étais dans une école, une université, donc à l'école normale supérieure de Pise, à l'université de Pise, où il fallait faire un mémoire de recherche en licence 1. Donc on arrivait juste à la fac, il fallait trouver un sujet de recherche. Et j'avais un professeur qui était spécialiste des manuscrits du Moyen-Âge, c'est comme ça que j'ai commencé. Et c'était une grande passion de se dire, peut-être, avec beaucoup de chance, on peut encore trouver des choses encore inconnues.

  • Speaker #0

    Et justement, t'en as trouvé plusieurs. On va en parler. L'une d'elles, c'est ce chevalier Ségurant, le chevalier au dragon. Et moi, la première question que je me suis posée quand j'ai découvert l'histoire de Ségurant, c'est comment, en fait, aujourd'hui, on peut encore tomber sur des choses qui sont inconnues et qui datent du Moyen-Âge ? Au niveau de l'Antiquité, on peut encore se dire, en fait, c'est des fouilles. Et donc, là, on n'avait pas encore fouillé. Mais le Moyen-Âge, j'ai l'impression que c'est une idée moins reçue. J'ai l'impression qu'on se dit que c'est une période qu'on connaît bien, qu'on sait tout ce qui s'est passé. Or, tes découvertes ont tendance à me montrer, en tout cas à titre personnel, que c'est complètement faux, qu'il y a encore plein de choses aussi à découvrir sur le Moyen-Âge.

  • Speaker #1

    Il y a sans doute encore des choses à découvrir. C'est quelque chose qui m'est arrivé assez tôt, moi, à 20 ans, en Italie. J'étais à l'Issan-San et j'ai mis les mains sur un manuscrit. inconnu d'un poète, c'était un recueil de poèmes encore inconnu d'un poète qui s'appelle Bianco Daciena. Et le fait d'avoir découvert sitôt un texte inconnu, à plusieurs textes, c'était un recueil de poèmes, c'est ce qui m'a poussé à aller plus loin. Donc il y a en effet encore des choses inconnues, même si évidemment il y en a de moins en moins. Et pour la légende d'Huro Arthur, qui est une légende très étudiée, la plus célèbre légende du Moyen-Âge, on ne pensait pas qu'il y avait encore un roman. Ça arrive qu'on trouve quelques petits fragments par-ci, par-là, souvent déjà connus, mais on n'imaginait pas qu'il y avait encore un roman à découvrir.

  • Speaker #0

    Et justement, ce roman que tu découvres, est-ce que tu peux d'abord nous raconter brièvement quel est ce récit que tu découvres ? C'est quoi l'histoire de ce chevalier Ségurant, rapidement ?

  • Speaker #1

    Alors c'est un roman qui a été écrit au XIIIe siècle, en Italie, en français, et c'est l'histoire d'un chevalier qui naît dans une île éloignée de la cour du roi Arthur, l'île non sachante, et qui rêve de devenir le meilleur chevalier de la cour du roi Arthur. Il traverse le royaume du roi Arthur, qui s'appelle le royaume de l'ogre, se présente à un tournoi, participe au tournoi, on dirait qu'il va vaincre, qu'il va gagner ce tournoi, mais le roi Arthur a une sœur. plutôt une démisseur, la fée Morgane. Et la fée Morgane, qui veut nuire à tous les bons chevaliers de la table ronde, comme l'écrit le roman, invoque un diable sous l'apparence d'un horrible dragon. Et ce dragon sème la peur sur le tournoi. Et donc Ségurant se retrouve à la poursuite de ce dragon qui fuit. En réalité, il ne va pas le tuer parce que c'est un mirage. Et donc le premier manuscrit que je consulte s'arrête là. C'est un manuscrit qui est... inachevée qui s'arrête au milieu d'une phrase. Et donc je me suis demandé est-ce que si je cherche ailleurs, dans d'autres bibliothèques et archives d'Europe, est-ce que je peux trouver d'autres morceaux de la même histoire ? C'est comme ça que je me suis lancé dans cette quête à travers l'Europe qui a duré dix ans en tout et en dix ans de recherche, j'ai réussi à réunir 28 manuscrits et fragments conservés dans sept pays différents, donc en France, en Italie, en Suisse. en Belgique, en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Et avec ces 28 fragments, j'ai reconstitué le roman entier, ou plutôt l'ensemble romanesque, puisqu'il s'agit non seulement d'un roman unitaire, mais il s'agit d'une histoire qui a eu un immense succès entre le XIIIe et le XVe siècle. Et donc, il a fallu que je retrouve et que je recompose toutes les versions encore existantes.

  • Speaker #0

    Alors, ce qui est intéressant, je suis un petit peu local aussi, j'essaie en tout cas, c'est que tu es passé en Belgique. pour retrouver certains ou un de ces morceaux, je ne sais plus bien, pour justement compléter cette histoire ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Il y a un morceau qui est conservé à Beausselle aussi. Donc vraiment, j'ai été amené à traverser plusieurs pays, parfois en ne trouvant rien, parfois en ayant la chance de trouver des morceaux. Alors ce sont 28 morceaux et fragments. Certains ne sont vraiment que des fragments, parfois des fragments brûlés, des morceaux de... parchemins qui ont été réutilisés comme couverture d'autres livres. Parfois, en revanche, il s'agit de gros manuscrits à l'intérieur desquels on trouve quelques épisodes. Du moment où les copistes, parfois, ils combinaient plusieurs romans, plusieurs épisodes dans un même texte. Et donc, cette histoire, elle ne se présente de manière complète dans aucun manuscrit, mais on en trouve des traces dans un grand nombre de manuscrits et c'est grâce... à tous ces manuscrits, c'est en mettant un lien à toutes ces versions et tous ces épisodes qu'on arrive donc à recomposer l'histoire.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'à un moment, durant ces dix années de recherche, il y a des phases de découragement ? Parce que, voilà, j'imagine que c'est pas qu'à chaque fois, tu as été dans une bibliothèque et tu as trouvé quelque chose. Il y a certainement eu plein de moments où tu ne trouvais pas ce que tu cherchais, où ça ne te conduisait pas sur une bonne piste. Comment se sont passés pour toi ces dix ans, je vais dire, au niveau recherche et au niveau... courage ou découragement ?

  • Speaker #1

    C'était une recherche qui était très longue, parce qu'il ne faut pas juste trouver les morceaux, c'est beaucoup de travail, c'est la mise en contexte, c'est le fait d'analyser en détail tous ces morceaux, donc ce n'est pas simplement le fait d'aller chercher les morceaux, ce qui était même une grosse partie, donc c'était un travail qui était très long, et je ne voyais pas la fin, et il y a un certain moment, je me demandais, où est-ce que j'en suis ? par rapport à ma recherche. Je ne savais pas encore combien il restait à faire. Et donc il y a eu des moments difficiles, en particulier quand j'ai commencé à me rendre compte que si je voulais trouver des morceaux, il fallait que je cherche dans des manuscrits un peu abîmés et brûlés. C'était le moment le plus fort de ma recherche. En particulier, j'ai mené des recherches à la bibliothèque de Turin, où il y a eu un incendie terrible en 1904 qui a ravagé les collections de la bibliothèque. Entre 2000 et 3000 manuscrits brûlés, 30 000 manuscrits en tout. Et là, c'était à la fois une grande émotion, puisqu'on me dit dans ma discipline qu'on a perdu 90% des manuscrits du Moyen-Âge, ce qui est énorme, mais ce qui était pour moi jusqu'alors une donnée abstraite. Et là, le fait de me confronter avec ces manuscrits brûlés, alors certains sont des blocs calcinés qu'on n'arrive pas à ouvrir. Alors le parchemin est de la matière animale, c'est de la peau, donc avec la chaleur, ça se contracte, ça colle. Ce sont des blocs agglutinés qu'on n'arrive pas à ouvrir. Parfois, ces blocs ont été ouverts, mais ce sont des feuillets extrêmement fragiles, il faut les manipuler avec une extrême attention. Parfois, ces manuscrits ont été restaurés, mais alors... Anacide a été utilisé pour détacher les pages et donc on a l'impression de lire le recto et le verso en même temps. Donc c'est extrêmement difficile à lire. Et donc là, ça n'était pas lisible à l'œil nu. J'ai dû utiliser plusieurs techniques pour lire ces manuscrits. D'abord, une technique que l'on appelle la lampe de Wood. C'est une lumière ultraviolette qui permet de lire les écritures effacées. Mais cela n'était pas suffisant et j'ai... eu recours à une technologie qui vient d'être inventée et appliquée aux manuscrits, qui est l'imagerie multispectrale. C'est une technique qui consiste à le fait de prendre des photos avec des spectres de lumières différents qui vont de l'infrarouge à l'ultraviolet et ensuite de combiner les images pour donner l'image la plus lisible possible. C'était à la fois difficile, à la fois une extrême émotion, puisque dans ces manuscrits brûlés, j'ai pu trouver un épisode clé.

  • Speaker #0

    Par rapport aux pairs, donc aux autres chercheurs, aux autres médiévistes, quand on trouve comme ça un récit un peu par hasard, est-ce qu'on en parle ? Est-ce qu'on le garde pour soi pour se dire, ben voilà, c'est une découverte un peu inédite, j'ai envie qu'elle reste un petit peu ma recherche ? Comment ça se passe fondamentalement dans le monde des chercheurs médiévistes quand on découvre quelque chose de nouveau de ce type-là ?

  • Speaker #1

    Disons que ce n'était pas une découverte isolée, c'est le fait de mettre en relation des fragments et morceaux qui sont dispersés en plusieurs pays. Ce n'est pas une découverte que l'on fait par hasard un jour, c'est vraiment quelque chose qui se construit au fur et à mesure et qui demande aussi un grand travail pour justifier le travail de reconstitution, pour décrire les manuscrits, pour comprendre chaque morceau, à quelle époque il a été écrit, etc. Donc disons que ce n'est pas tellement la découverte d'un morceau, mais c'est tout ce gros travail qu'il a fallu justifier, expliquer, donc cela a été très long. non seulement pour la recherche des morceaux, mais surtout pour ce travail-là. Et donc, j'ai attendu très longtemps. Pourquoi ? Parce qu'il fallait arriver au bout de cette démonstration complète. Donc, il ne fallait pas juste mettre ensemble les morceaux, mais il fallait expliquer chaque manuscrit, d'où il provenait, où il avait été écrit, etc. Et cela a été très long. Donc, en effet, j'ai commencé à faire quelques articles, mais le texte n'était pas encore disponible. Et c'est seulement quand les trois volumes de ma thèse ont été disponibles. Donc, tout d'abord avec une grosse étude. qui explique tout cela, puis avec les deux volumes du texte en ancien français, qu'on s'est rendu compte que c'était vrai, mais il fallait arriver en quelque sorte à cela, il fallait arriver au bout de cette démonstration, il fallait vérifier plein de petites choses, et donc c'est un travail qui est extrêmement minutieux et précis, qui a donc été très long.

  • Speaker #0

    Tu le disais, le texte vient d'Italie, en tout cas le récit est a priori imaginé en Italie. Mais en français, est-ce que c'est quelque chose de classique à cette époque-là ?

  • Speaker #1

    Le français était une langue de prestige internationale, donc il était lu non seulement en France et en Italie, mais aussi en Grande-Bretagne, un petit peu en Espagne. Donc le fait d'écrire en français, c'est le fait de vouloir donner un destin important à son texte, tout en n'écrivant pas un latin. Le latin est un peu une langue savante, alors qu'on a l'idée que ces textes littéraires, on va les écrire plutôt dans une langue romane. plutôt en français. Et puis, comme ces textes venaient en langue française, arrivaient, étaient lus en Italie, voilà que plusieurs auteurs commencent à écrire en français dans une langue. Et c'est assez amusant qu'ils ne maîtrisent pas entièrement. Donc, il y a un effet des fautes de français qui nous permettent de comprendre que le texte a été écrit en Italie. J'en fais un qui est assez amusant. On lit dans ce texte « Je suis été » . En français, il n'aurait jamais écrit « Je suis été » , mais « J'ai été » . Alors, pourquoi ? Parce qu'en italien, on dit « Io sono stato » . Donc on trouve ces petites choses qui nous ramènent vers un français qui est d'ailleurs très intéressant, qui a été écrit en Italie, dans un pays où on ne parlait pas français, c'était une langue écrite, que l'on lisait et puis qu'on a eu envie d'écrire aussi.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut considérer que l'histoire de Ségurant veut transmettre un message ? Bien entendu, comme tu le dis, il y a ce chevalier qui va partir en quête de ce dragon qui a été... créée par la sœur du roi Arthur, mais est-ce qu'il y a une morale ou, je vais dire, quelque chose à retenir comme leçon de l'histoire de Ségurant ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est à chacun de trouver le message caché et d'ailleurs les auteurs du Moyen-Âge nous invitent à chercher un autre sens. Par exemple, le grand auteur de romans arthurien, Chrétien de Troyes, nous invite à aller au-delà du sens littéral. Au Moyen-Âge, on parlait d'un sens ou de plusieurs sens spirituels. Donc au-delà de la lettre, il y a quelque chose qui se cache. Et à chacun de trouver quels sont les sens qui se cachent derrière. Donc évidemment, on peut voir plusieurs sens derrière ce chevalier qui poursuit une chimère, qui poursuit un dragon qui ne peut pas tuer. Alors l'histoire de Ségurant, en plus en particulier, c'est qu'il doit trouver le Graal pour se libérer de ce dragon. Et donc, il mène une quête sans fin. On peut évidemment la lire de plein de façons différentes, et je crois que c'est à chacun de se faire sa propre idée de ce que peut signifier ce dragon et ce graal. Ce dragon qui est un peu un anti-graal, ou ce graal qui est un peu un anti-dragon, je ne sais pas. Mais en tout cas, ça représente une quête, ou alors si l'on veut, une non-quête, puisque c'est une quête impossible. Mais cela peut être lu de plein de façons différentes, et il n'y a pas une... De façon univoque, je pense que ce qui est passionnant de cet ex du Moyen-Âge, c'est aussi qu'il nous invite à chercher le sens de ces symboles qui sont parfois cachés, mystérieux, et cela est un grand charme.

  • Speaker #0

    Tu as participé à la réalisation d'une bande dessinée qui raconte toute cette histoire, l'histoire de Sigurand, et de ce que j'ai compris, tu t'es même prêté à l'exercice d'écrire la fin de l'histoire, puisque la fin de l'histoire, tu n'as pas pu la découvrir, c'est bien ça ?

  • Speaker #1

    Alors, je fais... de BD, donc je fais un album jeunesse-enfant, donc au seuil jeunesse, dans lequel je croise ma quête de manuscrits et l'histoire de Ségurant, donc c'est raconté de manière fidèle. C'est aussi un texte qui veut donner envie aux enfants de découvrir ce qu'est la recherche, ce qu'est l'histoire, ce que sont les légendes du Moyen-Âge. Donc un livre pour les enfants entre, disons, 6 et 12 ans.

  • Speaker #0

    Et petite note par rapport à ça, j'ai d'ailleurs une fille de 7 ans, j'ai acheté les deux albums, et l'album dont tu parles, on l'a lu ensemble, et elle a vraiment adoré, elle s'est posé plein de questions, etc. Donc c'est vraiment super, en effet je conseille cet album à tout le monde, complètement. Merci.

  • Speaker #1

    Et l'autre, c'est une BD plutôt ado et adulte, jeune adulte, dans laquelle je me suis amusé à raconter l'histoire du Graal, puisqu'en des ans de recherche, je n'ai pas pu trouver le Graal, ou plutôt je n'ai pas pu trouver... L'épisode du Graal, donc cet épisode qu'on nous annonce plusieurs fois, les manuscrits annoncent que Ségurant trouvera le Graal, mais dans aucun manuscrit je n'ai trouvé le moment dans lequel Ségurant trouve le Graal, si bien que je me demande si l'épisode est perdu, comme 90% des manuscrits du Moyen-Âge, ou bien s'il n'a jamais existé, en quelque sorte parce que le Graal nous fascine, parce que c'est un mystère, et peut-être que le fait de dévoiler trop... ce serait venir briser ce mystère. Donc peut-être que cela n'a jamais été écrit, ou alors peut-être qu'on le trouvera un jour, peut-être qu'il y a un collectionneur privé avec un manuscrit chez lui, avec cette fin. En tout cas, j'ai trouvé une autre fin dans un autre texte, dans un autre manuscrit, une fin qui nous raconte que Ségurant, après maintes aventures, rentre chez lui. Et c'est vrai qu'on nous disait qu'il trouverait un bateau qui le ramène au Graal, et s'il trouve un bateau qui le ramène chez lui. Donc je me demande en quelque sorte si... Le Graal ne peut pas être lu comme une métaphore, comme le fait de revenir chez soi, de revenir grandi, puisque ces romans de chevalerie qui racontent la quête du Graal racontent aussi une quête de soi. Finalement, tous les chevaliers qui cherchent le Graal se découvrent eux-mêmes. Donc peut-être que Ségurant aussi fait des découvertes sur lui-même et le fait de rentrer chez lui, en quelque sorte, plôt l'histoire en boucle. et donne une autre dimension du Graal peut-être.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Alors ce qui est intéressant, c'est que tu n'as pas juste exhumé Ségurant, c'est que tu as exhumé un autre personnage qui s'appelle Alexandre. Tu as proposé une traduction de ce récit. en français, moderne. Et donc, tu as intitulé cet ouvrage Alexandre, l'orphelin de la table ronde. Personnage que je ne connaissais pas, donc pas du tout, je me suis renseigné avant le podcast. Donc, c'est super intéressant. Et c'est assez incroyable de se dire qu'en fait, en essayant de trouver l'histoire complète de Ségurant, tu finis par tomber sur une deuxième histoire qui n'est pas réellement connue, en fait, autour de ce nouveau personnage.

  • Speaker #1

    Oui, en effet, c'est une histoire qui s'est trouvée dans un certain manuscrit avec l'histoire de Ségurant. à la différence de l'histoire de Ségurant, qui était vraiment inconnue. On savait juste qu'il existait un chevalier qui s'appelait Ségurant, mais on n'imaginait pas qu'il pouvait y avoir un roman. L'histoire d'Alexandre l'Orphelin, elle n'est pas entièrement inconnue, mais il n'y avait aucune édition. Pourquoi ? Parce qu'à la fin du Moyen-Âge, il y aura une version anglaise, un texte en anglais qui incorpore un résumé de l'histoire. En revanche, voilà, cherchant tous ces manuscrits pour Ségurant, j'ai réuni aussi tous ceux qui parlaient d'Alexandre, ce qui m'a permis de restaurer cette légende qui a été écrite comme celle de Ségurant au XIIIe siècle en Italie, en français, et qui, comme celle de Ségurant jusqu'au XVe siècle, a eu un grand succès à travers l'Europe.

  • Speaker #0

    Comment on explique qu'entre le XIIIe et le XVe siècle, ces histoires ont énormément de succès ? dans cette société moyenâgeuse, si j'emploie le bon terme.

  • Speaker #1

    En effet, dans la société du Moyen-Âge, ces textes ont beaucoup de succès parce que ce sont des textes que l'on lit partout à la cour. Ce sont des modèles de vie à la cour. Donc, les nobles lisent ces textes. Voilà, ce sont vraiment les grands héros d'une époque. Donc, les chevaliers qu'on veut imiter. Alors, ce qui est amusant, c'est que petit à petit, il y a un lectorat qui s'ouvre en quelque sorte parce qu'il y a une nouvelle classe, la classe bourgeoise. La classe bourgeoise commencera aussi à lire ces textes qui parlent plutôt de notre classe, mais il y a aussi une volonté d'imitation entre la bourgeoisie et la classe noble. Et donc, jusqu'à la fin du Moyen-Âge, ces textes auront une grande diffusion, et c'est peut-être le fait que la chevalerie est marginalisée au fur et à mesure. Cela fait sans doute que la figure du chevalier n'a plus la même importance. Après la Renaissance, on oublie un peu ces textes de chevalerie. À la Renaissance, on s'intéresse plutôt aux textes grecs et romains. Le goût change et c'est seulement au XIXe siècle qu'il y a un nouvel intérêt pour ces textes du Moyen-Âge. Alors les textes qui ont été imprimés, en quelque sorte, sont restés. Et les textes qui n'avaient pas été imprimés, au XIXe siècle, il y a cet intérêt. pour exhumer ces textes dans les divers manuscrits. C'est à partir de là qu'il y a ce gros chantier d'exhumation de récits du Moyen-Âge.

  • Speaker #0

    Alors, Ségurant assemble des morceaux qui viennent d'une vingtaine de livres différents, de manuscrits plutôt différents. Ici, pour Alexandre, c'est près de 14, si je ne me trompe pas, manuscrits différents. Est-ce que c'est quelque chose d'habituel, en fait ? au Moyen-Âge, d'avoir ces récits qui sont en fait disséminés dans plein de manuscrits différents, ou c'est propre à ce récit arthurien ?

  • Speaker #1

    Disons qu'à un certain moment, et surtout au XIIIe siècle, les copistes, au lieu de copier ces longs textes suivis, ces romans qui devenaient immenses, énormes et très très longs à lire, ils préfèrent faire des compilations, ils préfèrent faire des best-of, the best of the les meilleurs récits de la légende du roi Arthur. Et donc, cela fait que parfois, on trouve un récit qui est divisé en plusieurs morceaux. Alors, la grande différence avec Ségurant, c'est qu'en général, pour les autoromans, qu'ils soient l'Anselor en prose, le Tristan en prose, les grands récits arthuriens, on les conserve de manière intégrale. Il y a des manuscrits qui conservent tout. Ici, on est dans des cas un peu extrêmes et particuliers, un peu uniques à voir. Un récit, du coup, que l'on retrouve dispersé et qu'il faut recomposer. Dans ceci, c'est un peu, je ne dis pas unique, parce qu'il y a d'autres cas de manuscrits inachevés, bien sûr. Ici, la chance inouïe, c'est de réussir avec des morceaux à les coller, en quelque sorte.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux nous raconter l'histoire d'Alexandre, cet orphelin de la table ronde, justement ?

  • Speaker #1

    Alors, Alexandre est orphelin parce que son père a été tué par le méchant roi Marc, le roi de Cournoye. Alexandre est le cousin caché de Tristan et donc il veut venger la mort de son père. Sauf qu'Alexandre a un problème, Alexandre est trop beau et donc toutes les dames et toutes les demoiselles, toutes les magiciennes tombent amoureuses de lui donc il doit à chaque fois fuir toutes ces dames qui le poursuivent et toujours avec cette même idée de rencontrer les chevaliers de la table ronde et réunir une armée pour tuer son oncle le roi Marc.

  • Speaker #0

    Alors dans ce roman... Il y a quelque chose qui, moi, m'a semblé, en tout cas, étonnant par rapport à l'époque. Tu parles d'un érotisme latent dans le roman. Est-ce que c'est quelque chose qu'on retrouve dans d'autres romans de cette époque ? Est-ce que c'est vraiment propre à ce récit ? Et à ton avis, qu'est-ce que les auteurs ou l'auteur, je ne sais pas s'ils étaient plusieurs, ont voulu faire en plaçant cet érotisme un petit peu dans ce récit ?

  • Speaker #1

    C'est quelque chose d'assez original de placer cet érotisme, et surtout un érotisme très particulier, puisque c'est un texte qui met en avant le désir. féminin, le désir des femmes. Et c'est quelque chose d'assez nouveau à cette époque, de présenter la femme, non pas comme un objet, alors très souvent dans ce schéma de l'amour courtois, l'homme qui aime une femme, souvent de classe sociale supérieure. Et ce désir pour une femme, qui comme un objet de désir, ici on a au contraire un jeune homme qui est l'objet de désir de plusieurs femmes. Donc c'est un texte assez audacieux pour l'époque, avec un érotisme, certes, je dis un érotisme latin, puisqu'en quelque sorte, un érotisme relatif par rapport à d'autres textes ou d'autres films ou séries aujourd'hui. Mais pour l'époque, sûrement, c'est un texte très fort. Et c'est un texte qui laisse la place au désir des femmes, au corps des femmes. qui met les femmes en quelque sorte au centre, non seulement par le désir, mais aussi parce que le texte nous présente un univers dans lequel les dames magiciennes arrivent à dominer le monde en quelque sorte, donc contrôlent les forces du monde en beaucoup de pouvoir. Et donc, disons qu'il y a un renversement des normes traditionnelles de l'amour courtois, de cet univers, où généralement, ce sont les hommes qui contrôlent la société féodale de l'époque. Ici, on a au contraire quelque chose d'assez nouveau.

  • Speaker #0

    Et comment Alexandre s'insère dans la légende de la table ronde et dans la légende arthurienne ? Puisque comme tu l'as dit, il s'agit d'une histoire de vengeance, c'est connecté à la cornouaille. Mais est-ce qu'il va rencontrer d'autres chevaliers de la table ronde ? Et comment ces rencontres vont se passer ? Quel va être son objectif par rapport à ces chevaliers de la table ronde ? Alors,

  • Speaker #1

    on pourrait dire que l'histoire d'Alexandre l'orphelin se trouve à la connexion de deux grandes légendes, deux grands récits, la légende de Tristan et Iseult. et la légende des chevaliers de la table ronde. Donc ça se situe vraiment entre les deux et se rattache aux deux. Pourquoi la table ronde ? Parce qu'en effet, Alexandre rencontre tous les meilleurs chevaliers de la table ronde. Les combats un à un arrivent à les vaincre. Il y aura juste un combat avec l'un seul au-delà, le plus proche chevalier au monde, à lequel on n'arrive pas à dire qui est le plus fort, tellement les deux sont d'une force extraordinaire. Mais donc, voilà, les Chevaliers de la Tabarande sont bien présents dans ce récit, qui est un récit, lui aussi, comme l'histoire de Ségurant, qui, alors, soit il a été inachevé, soit, en tout cas, il n'y a pas de véritable fin. Donc, c'est aussi dans cette idée de ces textes qui laissent une fin ouverte, peut-être pour les romanciers qui suivent, pour suivre l'histoire, alors pour nous, qui sait, pour continuer à rêver à la suite.

  • Speaker #0

    et est-ce que toi quand tu refais la traduction justement de ce texte ? Tu proposes une fin ? Tu proposes quelque chose ? Ou plutôt tu laisses cette fin suspendue pour le lecteur ?

  • Speaker #1

    Alors j'ai vraiment fait un travail de traduction très fidèle parce que je voulais que les lecteurs aient accès au vrai texte d'abord, avant de penser une réécriture. Alors pour l'histoire de Ségurant, j'ai disons prévu aussi une BD pour avoir aussi un récit réécrit, disons quelque chose qui... s'adapte aussi plus à la manière de raconter d'aujourd'hui, qui n'est pas la même. Donc, il y a à la fois la traduction très fidèle, pour ceux qui veulent découvrir le texte, et puis une réécriture en BD, pour ceux qui veulent avoir quelque chose de plus actuel. Mais les deux sont très accessibles. Maintenant, j'ai voulu laisser le texte tel quel, parce que je trouve que c'est important que nous ayons accès d'abord au texte. Et puis, c'est très charmant aussi d'avoir un texte qui reste énigmatique. qui reste mystérieux. On en a parlé avant. Je pense que ce qui est très fascinant dans cette littérature du Moyen-Âge, ce sont tous ces mystères qui n'ont pas de solution. Si on pense au Graal, par exemple. Mais tous ces symboles, tous ces mystères qui n'ont pas de solution, c'est infiniment aspirant.

  • Speaker #0

    Est-ce que, selon toi, ces deux récits peuvent avoir des origines antiques, entre guillemets, ou autres qu'antiques ? Mais est-ce que Ségurant et Alexandre émergent un peu naturellement sans qu'il y ait de prédécesseurs à leur histoire ? Ou est-ce qu'ils s'inspirent de quelque chose ? Et à l'inverse, est-ce que, comme tu l'as dit, c'est des récits qui ont connu un grand succès entre le XIIIe et le XVe siècle ? Est-ce que ces deux récits, à un moment, vont aussi devenir source d'autres récits que l'on connaîtrait actuellement ? Alors c'est très difficile de savoir quelles sont les sources de textes du Moyen-Âge parce qu'il y a une grande part de transmission orale pour ces légendes, pour la légende du roi Arthur en général. Donc on ne peut pas savoir si Alexandre et Ségurant proviennent d'une tradition orale ou ils ont été inventés déjà pour être des héros de romans en quelque sorte écrits, pour être lus à haute voix, pour être lus à la cour. Donc cela est... C'est une question qui est un peu insoluble. Alors après, j'ai plusieurs hypothèses. En tout cas, pour Ségurant, je pense que Ségurant pourrait être inspiré en partie par un personnage germanique et scandinave qui est Siegfried Sigurd. Alors, Siegfried, c'est la version germanique et Sigurd, c'est la version scandinave, mais c'est le même héros qui tue un dragon. Et on sait en effet que ces légendes circulaient aussi, non seulement dans les territoires scandinaves et germaniques, mais sont arrivées jusqu'en Italie. Et en particulier, j'ai trouvé une fresque qui m'a interpellé. Pas loin de Venise, qui est sans doute le lieu d'origine du roman de Ségurant, il y a un château, Castello di Roncolo, dans la province de Bolzano, où il y a cette fresque arthurienne qui présente la table ronde et le roi Arthur. Et peu loin, il y a une représentation de Siegfried. En effet, les deux légendes ont pu se rencontrer. Il y a plusieurs points en commun, alors ce sont des héros qui rencontrent un dragon, traversent un mur de feu, ont un nom très semblable, il faut savoir que dans les plus anciens manuscrits, Ségurant est appelé Sigurant, et entre Sigurant, Sigourde et Sigfrid, on est vraiment très proche. Donc il se peut qu'il y ait une influence, un contact, mais cela est très difficile à prouver en quelque sorte. Et après, ces textes ont eu un grand succès, si bien que l'histoire de Ségurant, a été traduite, deux épisodes ont été traduits en italien, il y a deux mentions en espagnol, une mention en anglais, donc le texte a voyagé beaucoup, et on peut se demander à quel point il a influencé la littérature qui a suivi. Alors, je prends un exemple pour l'Espagne, évidemment la grande question est, est-ce que Don Quichotte connaissait Ségurant ou pas, parce que Ségurant est déjà un peu un Don Quichotte qui poursuit un dragon île de soir, donc un personnage, une créature qui n'a pas... de vraie existence. Donc, on pourrait se poser la question. C'est un peu insoluble. Si ce n'est qu'on est sûr que la source principale de Don Quichotte, c'est Cervantes, la source principale qui est l'Amadis de Gaulle, connaissait Ségurant, puisque le mentionne. D'accord. Donc, on ne peut pas savoir si Cervantes lui-même connaissait Ségurant, mais sa source principale, dont en fait il se moque, l'Amadis de Gaulle, mentionne Ségurant. Donc, on voit qu'il y a un fil, même si elle est très... tenue, mais ce fil qui arrive jusqu'à la Renaissance et même après.

  • Speaker #1

    Excellent. Alors, dans le cadre de cette transformation, je vais dire, de Siegfried vers Ségurant, est-ce qu'on peut parler d'une certaine appropriation culturelle ? Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a un récit qui plaît, mais qui n'est pas dans les codes nécessairement de la société qui nous entoure. Et donc, pour que ce récit soit diffusé, on se l'approprie, on le transforme. et on l'intègre à quelque chose qui a priori marche bien à l'époque, c'est-à-dire le mythe arthurien.

  • Speaker #0

    Oui, il y a une fusion vraiment de légendes très étonnantes, puisque si cette hypothèse est juste, Ségurant serait en quelque sorte un mélange d'une légende celte qui arrive en Italie par la France, et ce mélange à un autre récit plutôt germanique-scandinave. Donc à chaque fois qu'un peuple fait sien à une légende qui vient d'ailleurs, évidemment il acclimate à la réalité qu'il maîtrise, qu'il connaît en quelque sorte. Et ce qui est intéressant pour Ségurant aussi, c'est qu'on voit émerger une réalité qui n'est pas exactement la même par rapport aux romans qui ont précédé. Je fais des exemples très pratiques avec Ségurant, on a parfois, on nous dépeint les bourgeois, les paysans, etc. Donc on est en dehors aussi du cadre strictement courtois, du cadre des nobles de l'époque, et on peut se demander... Si cette ouverture n'est pas liée aussi au fait que la légende d'ouverture a été importée en Italie, et peut-être à Venise, où la classe émergente de la bourgeoisie est très forte, et donc il y a aussi une requête qui est différente, le texte s'acclimate, la légende s'acclimate aussi, à une société qui n'est pas la même. Donc sûrement les textes évoluent aussi grâce à cela, même si c'est très difficile de faire une connexion précise entre... Un récit qui reste un récit de fiction, donc d'invention, et puis la réalité de l'époque, l'histoire en quelque sorte.

  • Speaker #1

    Tu le disais, les chevaliers dont on parle dans ces récits sont un petit peu les héros de cette époque. Nous, à l'heure actuelle, on a des représentations de héros complètement différentes. Mais au final, est-ce qu'elles sont vraiment différentes ? Est-ce qu'il y a un archétype de héros, au final, qui se retrouve à la fois dans nos récits, je pense par exemple aux super-héros, et dans ces récits arthuriens dont tu as fait la découverte ?

  • Speaker #0

    Il y a des choses en commun et des choses qui changent. Je ne pense pas seulement aux héros arthuriens, si on remonte aussi aux héros grecs ou avant, même dans Des héros qui appartiennent à des peuples très divers. On a quelque chose en commun de la figure héroïque et puis on a des choses qui sont très différentes. Chaque époque a ses propres héros qui représentent les valeurs poussées à l'extrême. C'est-à-dire qu'à chaque époque, un héros représente le plus haut point que l'on peut atteindre dans toutes ses valeurs. Et ces valeurs évoluent avec le temps. Donc il y a des choses qui restent et puis c'est assez amusant parce que quand on s'effrote à ces héros, on voit qu'il y a des choses qui restent et puis d'autres choses qui sont très anachroniques et très liées à leur temps.

  • Speaker #1

    Et enfin, le dernier ouvrage dont on va parler aujourd'hui s'intitule « Les chevaliers de la table ronde » . Et c'est vraiment un ouvrage de référence, c'est-à-dire que dedans, il y a vraiment tous les chevaliers de la table ronde. qui sont représentés, qui sont expliqués, pour que justement, au final, le lecteur qui s'attaque à la légende arthurienne puisse s'y retrouver dans tous ces personnages dont on parle. C'est bien ça, hein ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est la seule encyclopédie que le Moyen-Âge ait consacrée à la table ronde. Donc c'est un texte d'époque, en quelque sorte. Et ce texte, de manière assez inexplicable, n'avait jamais été édité. Il n'y avait aucune édition complète, ni en ancien français, ni en français moderne. Le manuscrit que j'ai édité, c'est un manuscrit précieux qui a appartenu à la reine Marie Antoinette, qui a été écrite à la fin du Moyen-Âge et qui veut condenser la légende du roi Arthur. Donc il nous présente les règles que les chevaliers de la table ronde doivent respecter. Il nous présente tous les héros de la table ronde. Alors c'est assez amusant parce qu'il nous présente 174 chevaliers, donc il y en a beaucoup. Et pour chaque chevalier, il y a un portrait, il y a une description. il y a un blason. Alors, pour revenir à ce qu'on disait avant, c'est amusant parce que c'est une description à la fois physique et morale. Et on voit bien aussi que non seulement les valeurs ont changé, mais aussi la beauté, les normes de beauté ont évolué. Ce qui peut être amusant, c'est que ces beaux chevaliers, donc on nous dit qu'ils ont un cou très beau comme une femme. Il y a une beauté qui est très différente par rapport à la nôtre et on fait l'éloge aussi des tréfins. d'une beauté qui est presque féminine, en tout cas la beauté masculine, elle calque pour plusieurs choses la beauté féminine. Donc c'est à la fois une encyclopédie de la table ronde, et puis une encyclopédie qui nous montre les normes de beauté relatives à une époque, puisque pour chaque chevalier on a une description complète.

  • Speaker #1

    Ce projet pour toi il représente quoi ? Parce que de ce que j'ai compris, au final c'est vraiment quelque chose qui te tenait à cœur, de rééditer cette encyclopédie liée au mythe arthurien. Tu peux nous en parler un petit peu de qu'est-ce que représente ce projet pour toi ? Oui,

  • Speaker #0

    en fait, c'était un projet que je voulais faire depuis très très longtemps, donc je suis content d'être arrivé à bout de cela, parce que je pense que c'est un texte qui est essentiel, et vraiment, moi, il a changé mon rapport au texte arthurien, c'est-à-dire que je ne lis plus les textes de la même manière, parce que, je le disais, on a ces règles que les chevaliers doivent respecter, toutes ces descriptions de chevaliers, c'est très original, parce que quand Dans les romans du Moyen-Âge, c'est très rare qu'on ait une description de chevalier. On me pose très souvent la question, mais alors ce chevalier était blanc ou blanc, était comment ? Et en fait, ce texte répond à ces questions-là. Alors qu'en général, on a du mal à imaginer les personnages, parce que dans les romans du Moyen-Âge, c'est très rare qu'on décrive un personnage. Et puis, on a les différentes règles pour prendre part à un tournoi. Et là, on comprend bien que les tournois au Moyen-Âge sont des rituels très précis. Et si on ne maîtrise pas toutes ces règles, on ne va pas comprendre un détail. donc c'est vraiment Un texte qui nous donne tous les codes et toutes les clés pour pouvoir accéder à la légende du roi Arthur. C'était essentiel pour moi de réussir à éditer cela. C'était très difficile parce qu'on me disait que c'était un beau livre, donc c'était très illustré. Donc, il a fallu trouver un éditeur qui accepte. Et finalement, avec Le Seuil, on est arrivé à cette édition. Et donc, je suis très content parce que c'était un projet qui m'était très à cœur.

  • Speaker #1

    Très bien. Justement... Il y a quelque chose, moi, qui me turlupine, entre guillemets, donc qui tourne dans la tête, c'est le récit du roi Arthur est un récit que l'on dit fictif, donc qui crée des personnages. Et là, cette encyclopédie, elle décrit de façon très détaillée, justement, des personnages fictifs, mais au final, ça nous montre peut-être comment cette chevalerie était... représentés dans un inconscient collectif au final, ou pas du tout.

  • Speaker #0

    Et disons que surtout, quand on a ces personnages, on a besoin de les voir en quelque sorte. Donc c'est un texte qui incarne, c'est un manuscrit qui incarne ces personnages, et donc qui nous donne des références réelles, qui nous les rend plus réelles. Ça c'est très touchant, surtout à une époque où on imitait les chevaliers d'Atabaron, qui étaient les grands héros, qu'ils l'ont imité. et donc ce texte veut nous les rendre très humains, très visibles. On a vraiment l'impression qu'on peut presque les toucher et les voir parce qu'on nous décrit vraiment de manière très précise. Et sûrement pour une époque pour laquelle ce sont les grands héros, c'est très touchant de donner cette description aussi précise.

  • Speaker #1

    Et ce que moi je trouve super interpellant, c'est qu'au final, ça existe encore aujourd'hui, ce type de bouquin. Si on regarde, par exemple, le monde des mangas, ben être tous les X tomes, il y a un tome qui sort pour synthétiser un petit peu toutes les informations qui viennent donner un petit peu des informations inédites dont on n'était pas sûr. Même chose pour le monde des comics. Régulièrement, il y a une encyclopédie qui sort où on refait le point sur tous les pouvoirs des différents personnages, qu'est-ce qu'ils aiment, qu'est-ce qu'ils n'aiment pas, donc ce n'est pas juste une description basique, mais ça va beaucoup plus loin. C'est quelque chose qui est resté au final, même encore dans notre société actuelle, cette notion d'encyclopédie pour en savoir plus sur le héros que l'on admire.

  • Speaker #0

    Oui, absolument. Ce sont des choses qui restent. C'est très touchant de voir un document qui remonte au Moyen-Âge, surtout que c'est le seul, c'est l'unique encyclopédie de ce genre. Après, on la conserve en plusieurs manuscrits, mais c'est vraiment un texte unique. Donc, c'est très touchant pour nous, oui.

  • Speaker #1

    Tu le disais, ça nous permet aussi de comprendre ces tournois de chevaliers. Nous, la représentation qu'on s'en fait, c'est un petit peu les tournois qu'on peut voir maintenant au cinéma. Ah non, quand même. Il y a plusieurs films qui vont traiter de ces tournois de chevaliers ou qui vont les utiliser comme un médium dans le film pour passer un message. Est-ce que justement ces représentations de tournois au cinéma sont réellement ce qui s'est passé ou elles sont plutôt fantasmées par le cinéma hollywoodien ?

  • Speaker #0

    Il y a des choses plus ou moins justes dans les films. Chaque film est très différent, donc c'est difficile de donner un avis général. Mais vraiment, en lisant ce texte, je me suis rendu compte de plein de choses que je ne savais pas et que surtout, c'est très codé et c'est très précis. Donc, je veux dire, on connaît seulement les choses principales. Ce qu'on connaît, ce qu'on voit généralement, c'est un moment qui est la joute. Donc, le chevalier qui va l'un vers l'autre avec une lance et doit réussir à faire tomber son adversaire. C'est la chose que l'on voit le plus souvent. Mais en effet, quand on voit ce texte, on se rend compte qu'il y a des rituels très précis, à quel moment on distribue les prix. Avant, comment on construit l'espace pour lequel on joue, il y a des règles très précises. Alors, il y a un camp, il y a un autre camp, et puis il y a une compétition, une équipe. Il y a plein de choses que l'on ne connaît pas, finalement, des tournois. Et donc, on se rend compte que c'est vraiment un jeu et quelque chose de très, très précis.

  • Speaker #1

    Tu le disais aussi, ces personnages arthuriens sont les héros. Et donc, parfois même, il y a des tournois arthuriens où les chevaliers jouent le rôle. d'un des personnages de la légende arthurienne, pour reconstituer en quelque sorte les récits.

  • Speaker #0

    C'est vraiment quelque chose qui m'a touché énormément, de découvrir qu'il y avait plusieurs cours qui faisaient des tournois à thème arthurien. Et on imagine que cette encyclopédie a peut-être été utilisée pour ces grands jeux arthuriens, puisque les chevaliers devaient, par exemple, porter un bouclier, chacun avec un blason arthurien. toutes ces descriptions, tous ces blasons étaient très utiles aussi. Et c'est amusant comme, en effet, les nobles imitent ces divers chevaliers Arthur. Alors, la chose qui m'amuse le plus, c'est autre chose, c'est qu'il y avait non seulement les tournois, mais aussi un rituel qui était assez courant. En tout cas, si on lit le roman qui est le pas d'armes, donc un chevalier se met devant un pont et puis il va défier tous les chevaliers qui passent. À la fin du Moyen Âge, il y avait des chevaliers qui faisaient la même chose et je me dis que ça devait être très, très annuyant. parce que je ne sais pas s'il y avait beaucoup de chevaliers qui passaient comme dans un roman.

  • Speaker #1

    Excellent. Et donc, on arrive tout doucement à la fin de cet épisode et tous les épisodes du podcast du Mumeau se terminent de la même façon par une citation, une maxime, une phrase en tout cas qui te semble pertinente pour synthétiser un petit peu tout ce que nous avons partagé aujourd'hui. Et donc, je vais lire cette phrase. Que tu me partages, notre fascination constante et croissante pour cet imaginaire traduit sans doute nos aspirations vers une société idéale, comme ce fut le cas à la fin du Moyen-Âge et le besoin de réenchanter notre monde. Et je trouve en effet, Emmanuel, que notre monde a besoin d'être réenchanté et que ce genre de légende, comme la légende arthurienne, peuvent nous faire du bien et nous faire comprendre aussi d'où l'on vient.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour cette belle phrase. Merci aussi beaucoup d'avoir participé à cet épisode. Chère auditrice, cher auditeur, je te souhaite une très très belle journée. On se retrouve dans deux semaines pour le prochain épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du MUMONS. Emmanuel, à très très bientôt.

  • Speaker #0

    Merci, à bientôt.

  • Speaker #1

    Tu viens d'écouter un épisode du podcast du MUMONS. Et franchement, j'espère qu'il t'a plu. D'ailleurs, si en passant, tu veux me faire un retour ou si tu as des idées d'amélioration, surtout n'hésite pas à nous contacter. Tu peux aussi devenir notre ambassadeur et faire découvrir ce podcast tout autour de toi. Si tu as des idées de sujets ou si tu souhaites enregistrer un épisode, surtout n'hésite pas à nous contacter. Rendez-vous sur le site internet mumons.be ou sur la page Facebook du Mumons. Merci à tous les fans qui m'ont aidé.

Chapters

  • Introduction et présentation d'Emanuele Arioli

    00:37

  • Le parcours d'Emanuele Arioli en tant que médiéviste

    01:45

  • Découverte de Ségurant, le chevalier oublié

    02:59

  • L'histoire de Ségurant et ses aventures

    05:18

  • Défis de la recherche et découverte de manuscrits brûlés

    08:31

  • Interprétation et messages cachés dans l'histoire

    14:33

  • Bande dessinée et réécriture de l'histoire de Ségurant

    16:15

  • Présentation du personnage d'Alexandre, l'orphelin de la table ronde

    23:29

  • L'encyclopédie des chevaliers de la table ronde

    35:12

  • Conclusion et citation finale

    43:32

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