- Speaker #0
Lorsque ce petit bolide atteindra 88 miles à l'heure, attends-toi à voir quelque chose qui décoiffe.
- Speaker #1
Ce qui place votre zone d'atterrissage à 5,0667 degrés de latitude nord et 77,3333 de longitude ouest.
- Speaker #0
Rien de tout ça, Néré. Qu'est-ce que le réel ?
- Speaker #1
La seule variable constante est l'inattendu. On ne peut pas la contrôler. Je crois que vous êtes encore pire que ces créatures. Elle, elle n'essaie pas de se massacrer entre elles pour tirer le plus gros paquet de fric.
- Speaker #0
Voyons si une capacité de poussée de 10% permet le décollage. Et 3, 2, 1... Chères auditrices, chers auditeurs, je te souhaite la bienvenue dans cette nouvelle saison de Science, Art et Curiosité, le podcast du Mumons. Pour cette nouvelle saison, je pense t'avoir préparé quelques petites pépites. Il y aura des discussions autour du problème à trois corps avec Roland Lehoucq et Martin Hébert. Je vais aussi discuter du film Don't Look Up. Sujet ô combien d'actualité selon moi, et du film Imitation Game. J'aborderai aussi le sujet de la robustesse, du football populaire et du nazisme, mais sous un angle un peu particulier mais très très intéressant. Et bien entendu, comme d'habitude, je te laisse quelques surprises en suspens. Alors aujourd'hui, j'ai la chance d'accueillir Audrey Dussutour pour commencer cette nouvelle saison. Bonjour Audrey.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
Comment vas-tu ?
- Speaker #1
Très très bien.
- Speaker #0
Alors avant de commencer, peux-tu me dire en quelques mots qui est Audrey Dussutour ?
- Speaker #1
Alors, je suis directrice de recherche au CNRS, à l'université de Toulouse, au sein d'un laboratoire qui s'appelle le Centre de Recherche à la Cognition Animale. Donc, on travaille beaucoup sur le comportement animal ici. Mais moi, ma spécialité, c'est... Après, j'en ai plusieurs. Mais ma principale spécialité, c'est la myrmécologie. Donc, j'étudie le comportement des fourmis. Et je travaille aussi sur un organisme un petit peu particulier qui s'appelle le blob, qui est un organisme unicellulaire qui ressemble à une omelette. Et j'étudie comment cet organisme s'adapte à son environnement, répond à des contraintes environnementales. Et actuellement, je fais un travail aussi un tout petit peu sur les champignons. C'est tout nouveau et dont l'objet est ce livre, du coup, les champignons de l'apocalypse.
- Speaker #0
Tout à fait. Donc, ce sera le sujet du podcast. C'est le sujet du livre qui est sorti il y a quelques semaines. Ici, on est au mois de juin. Alors, on a eu la chance de t'accueillir en 2024 pour une conférence justement sur les fourmis. Et la conférence est d'ailleurs en ligne sur notre chaîne YouTube. Et étant donné que le courant est très très bien passé, tu nous as dit, écoutez, en juin 2025, je reviens et je vous présente ce nouvel ouvrage sur les champignons qui s'intitule Les champignons de l'apocalypse. Et tu es venu donc il y a quelques jours proposer cette conférence, mais qui n'a pas été filmée parce que c'était la première, la toute première. Je vais dire, on a eu la primeur. C'est la première fois que tu faisais cette conférence, donc c'était super. Mais on s'est dit que dans la lignée, on allait faire un podcast, comme ça on garderait quand même une trace. de ces échanges. Alors, moi, j'ai découvert un sujet complètement dingue, parce que les champignons, pour moi, c'est ces trucs qui poussent sur le bois ou dans le sol, peut-être ces trucs microscopiques qu'on voit pas mais sans trop vraiment savoir ce qu'ils font, et en fait, c'est un organisme complètement fou. Durant la conférence, t'as montré des images, et moi, une des questions qui m'est venue tout de suite, c'est comment ça se fait qu'on ait une vision aussi biaisée des champignons ? Je voudrais ton avis là-dessus. Et d'où est-ce que vient cette vision biaisée ? Parce qu'au final, on... Je veux dire, culturellement, j'ai l'impression qu'on ne sait pas beaucoup de choses sur les champignons.
- Speaker #1
Non, alors si on dit champignon à quelqu'un, la première image qui vient dans la tête, c'est souvent une amanite tumouche, c'est-à-dire le petit champignon qu'on voit dans le jeu de vidéo Mario, par exemple. En fait, les gens, on associe les champignons à la cueillette. Donc, ce qu'on voit dans les forêts, quand on voit un champignon, c'est l'organe reproducteur du champignon qu'on cueille, qu'on mange. Et ensuite, pour eux, il y a un deuxième type de champignon. Ça va être les moisissures. Alors ça, tout le monde connaît les moisissures. Il y en a même qui pensent que ce ne sont même pas des champignons, ils sont sûrs que c'est juste du moisi. Il y en a plein, par exemple, qui ne savent pas non plus que les levures qui font la bière sont des champignons. Il y a plein de gens qui pensent que les levures sont des organismes un petit peu bactériens. Donc on voit qu'il y a une grosse méconnaissance des champignons chez le grand public, parce que tout le monde pense justement connaître les champignons, parce que c'est pour eux juste ce qu'on cueille dans les bois. mais c'est beaucoup plus que ça et je suis prête à ton avis c'est parce qu'on enseigne
- Speaker #0
pas à l'école suffisamment de choses sur les champignons parce qu'on ne s'y intéresse pas, on a l'impression que c'est un truc sur le côté qui ne vaut pas le coup.
- Speaker #1
Alors les champignons, c'est clair que moi, en tout cas, je ne me rappelle pas en avoir parlé. Je ne me rappelle pas dans mes cours de SVT si le prof parlait de champignons. En tout cas, je n'en ai aucun souvenir. Mon premier cours de mycologie, je l'ai eu en deuxième année de fac à l'université de Clouse en biologie. Et en plus, c'était dans la biologie végétale. Ce n'est même pas comme s'il avait sa propre thématique. Et à l'époque, on étudiait les cycles. C'était une présentation, il fallait toujours apprendre par cœur comment le champignon passait d'un hôte à l'autre. C'est pas super méga excitant. Et donc après, je n'ai pas poursuivi en mycologie, parce que justement, le peu que j'avais fait, ça ne m'avait pas super attiré. Et je trouve que c'est extrêmement dommage, parce que si on nous présentait les champignons autrement, je pense que les gens seraient bien plus passionnés par les champignons.
- Speaker #0
En tout cas, ton livre incite à ça. J'ai vraiment découvert un nouveau monde, c'était complètement dingue. Ton livre, tu choisis de l'accompagner en fait d'une fiction. Donc ce n'est pas juste un livre qui explique ce que sont les champignons, c'est un livre qui raconte une histoire, et dans cette histoire, tu expliques. ce que sont les champignons. Comment t'es venue cette idée de traiter ce sujet via une fiction ? D'où t'es venue cette envie ?
- Speaker #1
Alors en fait, comme je ne suis pas mycologiste de formation, et que j'avais quand même travaillé un petit peu avec les champignons et ma collègue Inigo, je ne me sentais pas très à l'aise d'écrire un livre sur les champignons, même si je suis une scientifique, comme toute scientifique, je sais faire de la biblio et je sais lire les travaux des autres personnes qui ont travaillé sur les champignons. Il y avait, je ne sais pas, une petite gêne en tout cas, et je me suis dit, je vais le rendre un peu plus léger en mettant une fiction. et aussi l'idée d'avoir un récit de science-fiction, c'est pour attirer le public un peu plus jeune à lire des livres, parce que souvent on s'aperçoit que le public lit des livres scientifiques grand public. Ce ne sont pas forcément des jeunes, ce sont souvent des gens même plus âgés, je dirais. Et j'ai envie de toucher ce public-là et je sais qu'en faisant une nouvelle de science-fiction, surtout inspirée de Las Noves, peut-être que je toucherai un public un peu plus large. Et pourtant, tout en restant pointu, du point de vue scientifique. L'idée, c'était vraiment quand on termine le livre, qu'on ne l'ait pas vécu comme on le lit en cours de mythologie, mais qu'on est tout autant appris qu'en cours de mythologie.
- Speaker #0
Et c'est vraiment la sensation que j'ai eue. J'ai découvert la fin quelques minutes avant de passer le coup de fil, parce que oui, chers auditeurs, chères auditrices, Audrey est à distance. On n'a pas eu l'occasion de le faire au moment où elle est venue, donc on a convenu d'une date juste après. Et j'ai fini son bouquin juste avant de l'appeler. Est-ce que tu peux nous résumer L'histoire des champignons, ce que je veux dire par là, c'est comment ils apparaissent, comment ils se positionnent dans le classement du vivant. Tu as un peu spoilé entre guillemets en disant, oui, c'était dans le cours des organismes végétaux, mais ça n'a pas de pertinence que ce soit là-dedans. Et une question que moi, je me suis posée, parce qu'il y a pas mal de dates dans le bouquin où tu dis, voilà, là, ça apparaît, tel champignon apparaît il y a 75 millions d'années. Comment on sait, en fait, plus ou moins estimé, j'entends que c'est une estimation, la date à laquelle apparaît un champignon ? Alors en fait,
- Speaker #1
c'est une technique qu'on utilise pour tous les organismes. qui s'appelle l'horloge moléculaire. Et on regarde à quel point les gènes se différencient. Et on regarde sur des structures qui sont extrêmement bien conservées chez tous les êtres vivants, et en particulier les ribosomes, qui sont les organites de la cellule qui permettent de faire des protéines. Et ça, on les trouve chez toutes les cellules. Et on regarde les gènes qui codent pour les protéines qui vont construire le ribosome. Et plus ils sont éloignés, plus on sait que ces organismes ont divergé il y a tant d'années. Et donc les champignons, on sait qu'ils ont divergé des animaux il y a 1,3 milliard d'années. Oui, les champignons sont cousins des animaux. Ils sont beaucoup plus proches des animaux que des plantes, ces champignons. Donc si on avait dû se tromper en les classant, il aurait mieux fallu les classer dans les animaux. Et donc il y a 1,3 milliard d'années, en fait, cet organisme unicellulaire qui est à l'origine de la lignée animale et de la lignée fongique se divise chacun de leur côté. Et au début, les tout premiers champignons, qui sont les aphélides et les cryptomycota, sont des champignons qui ressemblent à tous, sauf à un champignon, sauf à ce qu'on imagine un champignon, d'une, ça vit dans l'eau. Ce n'est pas là où on attend à se voir des champignons. Ça ressemble à un spermatozoïde. Ce n'est pas plus l'image qu'on se fait des champignons. Et les tout premiers champignons sont exclusivement parasites. Ils vivent au dépend des autres organismes. Ils parasitent des algues microscopiques et des organismes unicellulaires. Parce qu'il y a 1,3 milliard d'années, il n'y avait pas grand-chose d'autre à manger. Puisqu'il n'y avait pas de plantes, pas d'animaux. Et ensuite, ces champignons vont devenir multicellulaires, mais restés aquatiques. C'est là qu'on va avoir tous les chytrides. ils vont, par exemple, ceux qui parasitent les grenouilles, etc. Et puis ils vont commencer à coloniser la terre. Et la colonisation de la surface terrestre des champignons, elle est committante avec la progression des plantes aussi. Parce qu'il y a beaucoup de gens qui pensent que c'est les champignons qui ont permis aux plantes de coloniser la terre. Parce que l'origine des plantes, elle se trouve dans les algues. Et en fait, il faut savoir qu'à l'heure actuelle, 90% des plantes sont associées à des champignons. Et les plantes ne pourraient pas vivre sans les champignons, puisque les champignons leur fournissent énormément de nutriments. Donc après, on a une colonisation et donc là, on a une champignonne typique, c'est-à-dire une cellule enfermée dans une paroi. Il a arrêté d'avaler sa nourriture comme les animaux, mais il la boit, c'est-à-dire qu'il la dilère à l'extérieur. Puis ensuite, il la boit et donc on a une évolution comme ça vers les champignons qu'on imagine maintenant, comme les cèpes, les rosées des prés, etc. Mais au départ, c'était un petit organisme mobile. Ça aussi, on n'imagine pas un champignon qui se déplace, mais voilà. Donc c'était vraiment plus proche d'un animal au départ.
- Speaker #0
Et donc ça c'est comment les champignons sont apparus. Maintenant, c'est comment l'être humain a compris les champignons. Comme tu le dis, il y a eu différentes phases où on s'est dit que c'était une plante. Il y a eu beaucoup de mythologie autour de la compréhension des champignons. Est-ce que tu peux nous faire un petit topo rapide de cette compréhension du champignon pour arriver à ce qu'on connaît aujourd'hui ?
- Speaker #1
Au départ, c'est Aristote qui fait la première erreur, entre guillemets, parce qu'il a une vision très binaire du monde vivant. Et il y a pour lui ce qui bouge et ce qui ne bouge pas. Ce qui ne bouge pas, c'est les plantes et les champignons. Pour lui, il n'y a aucune hésitation. Les champignons sont des plantes. Et de l'autre côté, ce qui bouge, c'est les animaux. Mais ça, ça chiffonne beaucoup de gens parce qu'un champignon, ça ne ressemble vraiment pas à une plante. À l'époque, les gens comprenaient très bien comment les plantes se reproduisaient. Ils avaient très bien compris avec la graine et tout ça. mais les champignons c'est un mystère total ils voyaient pas parce qu'ils avaient On n'avait pas la technologie pour observer les spores, parce que les spores qui sont donc les rejetons des champignons, les gamètes que les champignons utilisent pour se disséminer, on ne pouvait pas les observer, donc les gens ne les voyaient pas. Alors ça, je trouve ça toujours un petit peu bizarre quand j'ai lu ça, parce que je me suis dit, il y a quand même une veste de loup, quand on la perce, on voit bien des tas de nuages qui ressortent. À l'époque, en tout cas, ils n'avaient pas fait le liem. Et finalement, il faut attendre assez longtemps pour comprendre que les champignons n'ont rien à voir avec les plantes et ça va venir avec la découverte des spores. Ils vont montrer en plus qu'ils ne sont pas autotrophes, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas capables de produire de l'énergie à partir de la lumière du soleil. C'est quand même une caractéristique de base des plantes. Et aussi, il y a toute une mythologie autour des champignons, parce qu'il y a les champignons vénéneux. Par exemple, dans la Rome antique, il y avait un des empereurs qui avait été tué par des champignons. C'était tout entouré de mystères, souvent associés à la magie, aux sorcières. Et puis, il y avait aussi ceux qui les dénigraient, ceux qui disaient « Ah, c'est des plantes imparfaites, des plantes sans graines, ils avaient tous des noms pas terribles. Il y en avait quand même certains qui pensaient que c'était des enfants de Dieu. Donc voilà, ça a toujours été entouré d'un mystère. Et finalement, il faut attendre les années 70 quand même pour que les champignons gagnent leur règne à eux. Et donc maintenant, il n'y a plus personne qui confond les champignons avec des plantes.
- Speaker #0
Mais ça a pris du temps, comme tu le dis. Je le refais en belge, entre guillemets. Donc les années 70, c'est quand même très très récent. C'est une science relativement récente, on peut le dire.
- Speaker #1
Oui, c'est ça. Mais en fait, c'était quand même étudié beaucoup. C'est juste que c'était dans les manuels de biologie végétale.
- Speaker #0
Ce qui est aussi incroyable, c'est la diversité qu'on peut observer chez les champignons. Une diversité de taille, une diversité de forme, une diversité de couleur. Et moi, ce que j'ai beaucoup aimé durant la conférence, c'est la tête du public quand tu montres cette diversité. Parce qu'encore une fois, il y a une préconception qui est là et les gens ne se rendent pas compte de cette diversité. Tu peux nous en parler un petit peu ?
- Speaker #1
Oui, parce que les gens, ils imaginent un champignon que c'est un chapeau sur un pied. Mais ça, c'est déjà que les basiliomycota, c'est-à-dire que c'est qu'une seule famille de champignons qui est comme ça. Tous les autres, ça ne ressemble pas du tout à ça. Et donc, on va trouver des champignons. Les plus petits des champignons, c'est quand même un des organismes eucaryotes, c'est-à-dire équipés d'un noyau qui renferme l'ADN, etc. Le plus petit. C'est-à-dire que c'est presque la taille d'une bactérie, le plus petit des champignons. Et d'ailleurs, elle a été longtemps confondue avec une bactérie, c'est la Microsporidae. La Microsporidae, c'est un champignon qui parasite la plupart du temps les cellules intestinales, que ce soit de l'humain, de l'abeille, de tous les animaux en fait. on peut s'attaquer aussi aux parties génitales mais bon, c'est un tout petit champignon parasite il fait un micro donc c'est vraiment tout petit et le plus grand c'est l'armillaire couleur de miel qui fait la superficie de 1000 stades de foot quand même c'est énorme parce que nous on se focalise sur la fructification donc le chapeau avec le pied mais dessous il y a un réseau mycélien donc un réseau de filaments et ces réseaux de filaments ils sont ultra connectés les uns avec les autres et donc des fois quand vous voyez plusieurs cèpes c'est parfois le même individu en fait parce que ça a été le corps végétatif ce qu'on appelle le soma le corps du champignon il est sous terre. Et les champignons que vous voyez émerger, que vous mangez, c'est juste des fructifications pour porter les gamètes. Et donc ce champignon, l'armillaire couleur de miel, il couvre comme ça des hectares entiers de forêt, mais c'est toujours le même champignon.
- Speaker #0
C'est incroyable. En termes de diversité, il y a aussi leur méthode de reproduction. Tu dis un truc dans la conf qui, moi, m'a beaucoup plu, c'est que les champignons, ils ont tout fait au niveau sexuel, et même ce que vous n'osez pas imaginer, ils l'ont fait. Et donc, il y a une diversité de processus pour la reproduction, le clonage, la combinaison. Ils ont des types sexuels. Enfin, il n'y a pas juste deux genres, entre guillemets. Chez eux, il y en a beaucoup plus, deux types sexuels.
- Speaker #1
La sexualité des champignons, c'est ce qui m'a fait... J'ai failli abandonner le livre à cause de la sexualité des champignons. Tellement elle est complexe. Tellement elle est complexe. Et surtout, comment arriver à simplifier ça ? Donc, il y a un chapitre qui est consacré à la sexualité des champignons dans mon livre. Et c'est le chapitre qui m'a demandé le... Plus de temps, parce que comment faire simple quelque chose de très très compliqué ? Donc en fait les champignons ils n'ont pas de genre, il n'y a pas de garçon et de fille, ils ont des types sexuels. Donc des fois on a la version la plus simple, il y en a un qui est de type sexuel A, l'autre est de type sexuel B, il faut qu'ils se reproduisent, ça fait un AB, ça tout le monde connaît, c'est la reproduction sexuée classique. Mais après on a les champignons de type sexuel A qui peuvent redonner des champignons de type A sans se reproduire, c'est ce qu'on appelle le clonage, la reproduction asexuée. Beaucoup de champignons pratiquent la reproduction sexuelle, tonnage. Ensuite, on a ceux qui ont deux types sexuels, A et B. Comme ça, ils peuvent tous se reproduire les uns entre les autres. C'est sûr qu'au moins un est différent. Il y a ceux qui peuvent changer de sexe dans le temps, c'est le cas de la levure de bière. Par exemple, si deux levures de bière qui sont de type sexuel A se rencontrent, il y en a une qui devient B, comme ça c'est pratique. Et puis il y a ceux qui ont décidé que même s'ils avaient le même type sexuel, ils pouvaient quand même se reproduire. Donc, par exemple, deux A qui se reproduisent. Donc on a de l'hermaphrodisme, de l'homosexualité, de l'hétérosexualité, de la transsexualité. On a de tous ces champignons. Tout est possible et tout marche pour donner des nouveaux organismes. Et ensuite, ils ont aussi ces cycles qui sont très compliqués, où ils alternent entre différents hôtes. Je me rappelle en classe, quand on étudiait un champignon qui s'appelle Pachyna graminis, qui infecte le blé. Il utilise cinq types de sports dans son cycle. Il utilise deux types de plantes, l'épine vignette et le blé. C'est un cycle ultra complexe. Je me rappelle apprendre ces noms de sports par cœur. Bien sûr, j'épargne les gens dans le livre. Je dis bien que je vais sûrement me fâcher avec plein de micrologues, mais j'appelle tous les sports 1, 2, 3, 4, 5. C'est plus simple.
- Speaker #0
Un des éléments qui m'a le plus marqué, C'est que ces organismes, en fonction de la situation, peuvent avoir des méthodologies de reproduction différentes. Donc il y en a un, à un moment, il fait plutôt du clonage. Puis quand c'est bon, ça, là, il va aller sur un autre hôte et il va faire une reproduction sexuée parce que plusieurs champignons envoient leur sport à cet endroit-là. C'est complètement fou et ça tient la route, en fait.
- Speaker #1
Ouais, en fait, c'est en fonction des situations parce qu'il faut imaginer que les champignons, pour la plupart, ne bouillent pas. Et quand ils grandissent, ils grandissent très lentement. et donc s'il faut parcourir des kilomètres pour trouver un partenaire de type sexuel opposé ça peut prendre du temps et même il pourrait ne jamais y arriver et donc c'est pour ça que tous ont quasi la totalité des champignons ont la capacité de se cloner ce qui est quand même assez pratique en attendant un partenaire, ils se clonent et alors pourquoi ils alternent et pourquoi ils ne se clonent pas tous ? C'est ce que j'explique dans le livre c'est que la reproduction sexuée elle permet le brassage des gènes et donc l'innovation et l'adaptation, donc s'ils étaient tous clones ils ne s'adapteraient pas et donc il y a vraiment ce côté très opportuniste du champignon. Moi, je trouve que les champignons... Et en plus, ça a perturbé les gens parce que le champignon, quand il se reproduit de manière asexuée, il ne ressemble pas du tout aux champignons qui se reproduisent de manière sexuée. Donc, les gens donnaient deux noms. C'est-à-dire, quand ils voyaient la forme asexuée, ils donnaient un nom. Puis après, ils se retrouvaient un champignon sans savoir que c'était juste la forme sexuée qui donnait un nouveau nom. Quand il y avait le même champignon, il y avait deux noms différents. Et là, il n'y a pas longtemps, quand même, c'est les gens de la biologie végétale pour le coup qui ont dit non mais l'imicologue l'a arrêté c'est beaucoup trop compliqué un champignon un nom. Vous arrêtez avec vos multiplicités de noms. Et donc, il y a des champignons dont on ne connaît pas la reproduction sexuelle. Donc, on ne sait pas s'ils sont capables de la faire. Ils se sont abandonnés de la faire. Des fois, on ne l'observe pas.
- Speaker #0
C'est incroyable. Ce qui est aussi intéressant, c'est qu'est-ce qu'ils peuvent manger, avec plein de guillemets autour de manger. De quoi ils se nourrissent ? L'exemple le plus extrême qui m'a marqué, c'est qu'il y a un champignon qui est capable de manger du kérosène. D'autres espèces qui sont capables de se nourrir de radiation. entre autres à Tchernobyl.
- Speaker #1
Et de lessive aussi. Ceux qui vivent dans votre machine à laver mangent de la lessive. Ils n'ont pas l'impression qu'on pourrait survivre sous la lessive, le champignon, il peut.
- Speaker #0
Et donc, comment ces champignons sont arrivés, entre guillemets, à pouvoir manger des choses aussi diversifiées et aussi extrêmes que celles-là, en fait ? Et de quoi, au final, se nourrit un champignon ? C'est quoi son objectif quand il se nourrit, en fait ?
- Speaker #1
Lui, il n'a pas de limite. On sépare souvent ce qu'on appelle les saprotrophes. qui vont manger de la matière organique dans la matière morte, que ce soit des plantes, des animaux, des cheveux, n'importe quoi. On a ceux qui vivent en symbiose avec les plantes qui vont récupérer du glucose, du sucre de la plante en échange d'autres minéraux. Puis il y a les parasites qui se nourrissent de l'individu qui parasite. Mais le champignon, sa particularité, c'est que quand vous mangez un poulet, votre poulet est à l'abri dans votre estomac et le champignon ne mange pas comme ça. S'il trouve un poulet, il va devoir le liquéfier parce qu'il n'a pas de bouche. Ces cellules sont enfermées dans une paroi, donc tout ce qui rentre, c'est tous les micro-éléments. Ce que fait un champignon, c'est de sécréter des enzymes dans le milieu. Les enzymes vont digérer la nourriture et lui, il va l'avaler. Comme ça. Et bien sûr, il doit défendre sa nourriture, parce qu'il y a d'autres champignons qui peuvent la lui piquer, vu qu'il ne peut pas l'enfermer à l'intérieur de lui. Et donc, il sécrète aussi beaucoup de toxines avec ses enzymes, pour faire fuir les autres champignons. Et donc, ces enzymes qu'il utilise, elles sont adaptées à ce qu'il mange. Donc par exemple... Les champignons qui font des mycoses sur la peau, par exemple, on les appelle les kératinophiles, c'est des champignons qui sont spécialisés dans la digestion de la kératine. Après, vous allez avoir des champignons qui vont être spécialisés dans la digestion de la chitine, qui équipe le squelette des insectes, qui vont pouvoir percer la carapace des insectes juste en balançant des enzymes. C'est comme s'ils balançaient de l'acide, presque, et ils rentraient dans le sang. Et donc, en fait, chaque champignon va être spécialisé. Et là où on a, je dirais, un grand pouvoir des champignons qu'on ne trouve nulle part ailleurs, c'est dans la digestion de la lignine. L'alignine, c'est le bois. Et en fait, il y a très très peu d'organismes qui peuvent digérer le bois. Alors, il y a des organismes qui peuvent digérer la cellulose, ça n'a pas de problème. L'alignine, c'est un truc beaucoup plus compliqué. C'est un complexe avec de la cellulose et d'autres polymères. C'est des champignons qui ont un équipement enzymatique qui est bien plus grand que l'autre. Par exemple, nous, on n'a quasi pas d'enzyme pour digérer la chitine ou la cellulose. Parmi nous, on est très limité. Le champignon, lui, n'est pas du tout limité. Alors, pourquoi dans l'évolution, ça s'est fait comme ça ? À mon avis, comme c'est des organismes qui grandissent très doucement, donc ils doivent pouvoir se nourrir de là où ils se trouvent, donc être capables finalement de digérer tout et n'importe quoi. Ce qui n'est pas le cas des plantes, qui elles non plus ne sont pas mobiles, mais elles, elles capturent l'énergie du soleil, c'est comme ça qu'elles mangent. le soleil est là tout le temps, ils n'ont pas trop de problème.
- Speaker #0
Alors il y a une espèce d'ambivalence avec les champignons, ils vont nous apporter plein de bonnes choses et en même temps ils vont aussi être source de catastrophes, d'apocalypses, on va en parler très très vite. Donc dans ce qu'ils nous apportent, on a cette relation arbre-plante-champignons qui est super intéressante je trouve sur comment ces champignons peuvent au final devenir des organismes qui viennent renforcer et même parfois protéger d'autres plantes.
- Speaker #1
Oui, les plantes vivent en association, donc 90% des plantes vivent en association avec des champignons. La plante appelle le champignon, elle sécrète des agents mycogènes qui attirent les champignons vers elle, vers les racines. Et le champignon produit des molécules chimiques qui vont dire à la plante « laisse-moi passer » , parce qu'il faut qu'il puisse se connecter. Et donc les deux, il y a déjà une espèce de communication chimique qui se fait. Et après, selon le type de champignon et le type de mycorhize qui vont être produits, il va rentrer plus ou moins profondément dans la racine des plantes. Par exemple, le groupe des champignons qu'on appelle les basidiomycota, c'est-à-dire les cèpes, les rosées des prés, etc., sont souvent associés à des arbres plutôt qu'à des herbes. Un arbre peut être connecté à plus de 1000 espèces différentes de champignons dans la nature. Il y a toutes ces champignons, il faut imaginer une grande population de champignons, qui vont capturer des nutriments dans le sol, en particulier de l'azote qui rentre dans la production des protéines, mais aussi du potassium, du phosphore, etc. Ils vont amener ça à la plante et en échange, la plante va donner du sucre. Parce que le sucre, ça se trouve pas pour le coup dans le sol. Et la plante, elle fabrique le sucre à partir de la photosynthèse. Et parfois, elle peut donner jusqu'à 40% du sucre qu'elle produit aux champignons qui la nourrissent de l'autre côté. Et donc cette symbiose, finalement, elle est chez toutes les plantes. Et il y a un autre type de symbiose qu'on connaît aussi avec le monde végétal, mais qui est avec les algues, c'est les lichens. Un lichen, en fait, c'est 95% de champignons, 5% d'algues. Les algues, elles sont... au milieu d'un espèce de réseau de finaments mycéliens. Elles sont enfermées à l'intérieur. Et les algues, elles vont faire de la photosynthèse, donc transformer l'énergie du soleil en sucre. Et le champignon, il va lui amener la protection parce que les champignons protègent aussi les algues dans les lichens. Et donc, c'est vrai que les lichens, on les classe plus dans les champignons parce qu'en biomasse, c'est quand même plus un champignon qu'une algue.
- Speaker #0
Alors, ça nous apporte aussi le pain, la bière, la pénicilline. Donc, tout ça, ça a été fait avec des champignons. mais c'est aussi... des éléments qui viennent nous permettre de lutter contre certaines espèces d'insectes. On en parlera peut-être plus tard. Est-ce que, justement, dans cette relation plant-champignon, dans cette relation sol-champignon aussi, et par rapport au contexte écologique que l'on connaît à l'heure actuelle, il n'y a pas quelque chose à faire et de pouvoir, justement, revaloriser les champignons ? Je ne vais pas dire comme une solution, parce que c'est beaucoup plus compliqué que ça, mais comme un des leviers qui pourraient nous permettre de... récupérer des sols de bonne qualité, de recréer en fait une flore résistante à plein de choses. Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose ?
- Speaker #1
Les champignons sont énormément utilisés en agriculture biologique, où on va alimenter des plantes avec certains champignons, des trichodermas par exemple, parce que ça permet de lutter contre un parasite qui est un champignon, qui s'appelle Botrytis. On va aussi les champignons mycorhiziens, ceux qu'on connaît, les gloméromycota par exemple, On va pouvoir en acheter pour pouvoir enrichir la... les racines de nos plantes. Les lichens, c'est aussi des champignons qui sont des bio-indicateurs de pollution. Ça, c'est très connu quand on observe les lichens. Parce qu'un lichen, les gens qui travaillent sur les lichens doivent être méga patients parce qu'un lichen, ça peut faire 1 mm par an des fois. C'est pas comme si on pouvait faire des expériences tous les jours avec des lichens. Il y a des lichens qui ont des liers d'année, en fait. On ne se rend pas compte quand on voit un lichen et qu'on gratte comme ça. un caillou en fait on détruit quelque chose qui a peut-être mis 100 ans à se produire Et donc voilà, les champignons, c'est des très bons indicateurs aussi de pollution, de changement climatique. Et c'est vrai qu'on parle beaucoup des champignons et de leur opportunisme. On se dit, ils vont survivre à tout, mais il y a quand même beaucoup de champignons qui sont extrêmement fragiles. Et il y a des champignons qui sont difficiles à trouver. Par exemple, quand on parle des morilles, il faut certains habitats pour avoir certaines morilles. Il y a une espèce de morille qui s'appelle la morille de feu. Il ne va pousser que sur des sols qui ont brûlé. Donc c'est vraiment assez quand même précis. Mais voilà, il y a l'opportunisme chez certains. certains champignons, mais il y a d'autres champignons qui sont
- Speaker #0
Et d'ailleurs, j'ai un pote qui est cueilleur de champignons. Dans sa famille, c'est un truc hyper sacré. On ne dit pas aux gens où on va cueillir nos champignons.
- Speaker #1
Nous aussi.
- Speaker #0
Voilà, c'est ça. Et on ne partage pas. Si tu veux emmener quelqu'un, tu lui mets une cagoule sur la tête à la limite pour arriver plus ou moins à la zone où, et ensuite, tu peux faire ce que tu veux. C'est assez fou.
- Speaker #1
C'est fou. Moi, je viens de l'Aveyron. Et en Aveyron, on est un pays du cèpe. Et des giroles aussi. Je sais que c'est des secrets. vraiment bien gardées, surtout envers les départements limitrophes qui passent la frontière pour aller piquer nos champignons.
- Speaker #0
Alors, là, on a vu la face positive des champignons. On va parler maintenant de cette face un peu plus négative, mais qui existe et dont il faut connaître l'existence. C'est ces apocalypses fongiques, d'où le nom du bouquin, les champignons de l'apocalypse. À quel moment, en fait, un champignon devient une menace, au final ? Et est-ce qu'il y a un point de bascule entre le moment où le champignon est bénéfique et le moment où ça commence à un petit peu déconner ?
- Speaker #1
Alors, il y en a. Il y a des champignons qui peuvent être positifs et devenir négatifs avec le temps. Souvent, les champignons endophytes, dans les plantes, ils vivent au départ comme des conensaux, puis au bout d'un moment, ils deviennent un pathogène pour la plante. Mais la plupart du temps, quand on regarde les grandes épidémies qui sont liées à des champignons, ce n'est pas forcément le champignon qui est directement responsable. Parce que souvent, un pathogène, il a co-évolué avec son hôte. pendant des millions d'années, et c'est la course aux armements pour les deux. Donc le pathogène va inventer une toxine pour tuer son hôte, l'hôte va inventer des anticorps pour détruire ça, etc. Donc ils vont monter comme ça un armement. Le problème des épidémies, c'est quand on prend un pathogène, qui lui est habitué à un hôte, et qu'on va l'introduire dans un autre pays, où il va découvrir un nouvel hôte qui lui n'a pas toutes ses armes, parce qu'il n'a pas eu le temps d'évoluer. Et toutes les grandes épidémies qui sont liées à les champignons, donc je parle de l'apocalypse des grenouilles, l'apocalypse des chauves-souris aux États-Unis, ça a toujours été en lien avec le commerce international ou les voyages des humains. Donc à la base de toute épidémie chronologique, il y a toujours un humain. Il ne faut pas chercher, c'est rarement le champignon le coupable. Et donc si on prend un exemple récent, qui est les chauves-souris aux États-Unis, donc il y a une épidémie en ce moment aux États-Unis, ils ont perdu déjà une chauve-souris sur huit. et donc c'est un champignon qui est à l'origine de cette épidémie. Il s'appelle Gynoscus destructans et ce champignon-là, il vient d'Europe et il vit avec nos chauves-souris européennes, je ne dirais pas en paix, il se livre aux batailles depuis des millions d'années, mais du coup nos chauves-souris ont appris à résister à ce champignon. Et quand ce champignon a été introduit aux Etats-Unis, il a rencontré de nouvelles espèces de chauves-souris qui ne le connaissaient pas et là ça a été l'hécatombe parce que là on avait un parasite qui quand même des millions d'années avait développé un armement. énorme contre la chauve-souris européenne. Il arrive aux Etats-Unis, il est face à une chauve-souris qui n'a rien développé. Et là, c'est l'hécatombe. Et ça, c'est un vrai problème parce qu'on ne se rend pas compte par nos mouvements, rien que de prendre un avion avec des chaussures de randonnée. Imaginons que j'ai visité une grotte. Je vais face de l'Europe et aux Etats-Unis avec mes mêmes chaussures. J'ai des spores de champignons collés à mes soleils. Et sans le savoir, j'introduis un champignon dans une nouvelle grotte américaine. et on pense que c'est sûrement un spéléologue ou un touriste qui a pignon. aux Etats-Unis. Et dans le cas de l'apocalypse des grenouilles, là c'est différent. Donc là c'est tous les batraciens qui sont touchés. C'est un champignon qui s'appelle Batracochytrium d'Androbatidis. Et ce champignon-là, lui, il a été transporté dans le monde entier par le commerce des grenouilles, les grenouilles que l'on mange. Et en particulier la grenouille taureau qui a été changée dans le monde entier. Alors c'est une grenouille qui est originaire des Etats-Unis, mais qui est élevée et produite dans d'autres pays pour que les Etats-Unis la réimportent. Après, donc c'est un peu... Sauf qu'elle, c'est une porteuse saine de ce champignon, c'est-à-dire qu'elle est asymptomatique chez elle, mais par contre, quand elle transmet un autre batracien, ça peut le tuer. Et donc, ça, c'est une épidémie qui a commencé dans les années 80, mais le champignon, il a été finalement identifié que dans les années 90. Et ce champignon, il touche plus de 1000 espèces de batraciens. C'est donc très rare que le champignon puisse toucher autant d'espèces différentes d'organismes vivants. Et à l'heure actuelle, il y a 90 espèces de batraciens qui ont disparu à cause de ce champignon. Ils ont disparu totalement, c'est-à-dire qu'on ne les retrouvera plus. Actuellement, ils sont en train de développer des résistances, les batraciens. Mais du coup, il y a eu un nouveau champignon. Cette fois, ça parle exclusivement aux salamandres qui ont émergé. Et c'est rebelote. On est face à une nouvelle épidémie. Pour les salamandres, elles n'ont pas de bol. Les deux champignons les touchent l'un après l'autre.
- Speaker #0
Moi, il y a deux apocalypses qui m'ont marqué. Je voudrais qu'on détaille un tout petit peu ici. c'est celle du châtaignier américain. La première. Parce qu'en fait, le châtaignier américain a pratiquement complètement disparu. Alors qu'avant, c'était... Je ne sais plus combien d'arbres ou d'hectares de forêts ont complètement et littéralement disparu. Et une autre apocalypse qui m'a beaucoup marqué, c'est l'apocalypse de la banane. Parce qu'en fait, les bananes qu'on mange ne sont pas les bananes que nos grands-parents ou nos arrière-grands-parents connaissaient. Et c'est complètement dingue, cette histoire.
- Speaker #1
C'est complètement dingue. Commençons par le châtaignier. Alors, Cryponectria parasitica, c'est le nom de son champignon. Il n'a pas de petit surnom. Les noms des champignons sont toujours méga compliqués parce qu'ils n'ont que des noms latins, ils n'ont pas de nom vernaculaire, donc à chaque fois qu'on se les tape, on les apprend. Donc, il faut l'exprimer par asitica, c'est un champignon qui vivait lui aussi en harmonie avec son hôte, qui est un châtaignier japonais. Et aux Etats-Unis, ils ont beaucoup de châtaigniers, qui est une autre espèce de châtaignier. Et c'est des arbres qui n'ont rien à voir avec nos châtaigniers européens. Les leurs, ils font 37 mètres de haut, ils sont larges comme des voitures. Et ils avaient donc 4 milliards d'arbres aux Etats-Unis. Je crois qu'un arbre sur quatre à l'époque était un châtaignier. Et en 1904, ils importent des châtaigniers japonais parce qu'ils sont très jolis, etc. Sauf que là, il arrive, le châtaignier, avec son parasite, un champ très vite sauté sur le châtaignier américain, qui n'a pas du tout les moyens de se défendre. Et là, c'est les catomes. En 40 ans, il y a 4 milliards d'arbres qui sont décimés. Donc le châtaignier américain, il existe toujours actuellement dans les forêts, mais sous forme adolescente. C'est-à-dire qu'un châtaignier, quand il lui arrive quelque chose de grave, qu'il a infecté par un champignon, ce qu'il fait c'est qu'à partir des racines il peut créer de nouveaux châtaigniers. Sauf que ces châtaigniers, ils n'avaient pas le temps d'atteindre la hache adulte, que le champignon sautait dessus. Et donc, petit à petit, on a juste des petites pousses du coup de châtaigniers, mais on n'aura plus jamais un châtaignier. Pourquoi ? Parce qu'on pourrait se dire, le champignon va finir par disparaître avec le châtaignier. Pas du tout. Parce que le champignon, qu'est-ce qu'il a fait quand il a détruit tous les châtaigniers ? Il s'est mis à aller dans le chêne, mais il ne fait pas de mal au chêne, il reste là en mode opportuniste. il attend juste qu'un châtaignier grandisse suffisamment pour pouvoir l'infecter. Et donc là, c'est la catastrophe. Il n'y aura plus jamais de châtaigniers américains comme on les a vus à l'époque. Là, c'est pareil, par le commerce. Il y a plusieurs milliards de tonnes de plantes qui sont échangées chaque année dans le monde entier. Dans tous les bureaux, dans tous les appartements des gens, si on regarde les plantes qu'on a autour de nous, il n'y en a pas une qui est endémique. On est tout le temps en train d'importer des tas de plantes. Même moi, dans mon bureau, j'ai des cactus. C'est sûr que je ne viens pas d'ici. Je crois qu'en plus, la France est par exemple un des plus gros importateurs de plantes. C'est des centaines de milliers de tonnes chaque année qu'on importe. C'est un peu une catastrophe parce que ça vient avec la terre. La terre est remplie de spores, de champignons. Ça, c'est la cata. Alors les bananes, c'est un truc qui est un peu plus différent. C'est que là, c'est lié, du coup, alors le commerce mondial a joué un rôle, mais surtout ce qui a joué, c'est la monoculture. Parce qu'il existe mille espèces différentes de bananes, mais on en cultive en majorité deux espèces à l'époque. La banane plantaine, qui est toujours beaucoup utilisée en Amérique du Sud, en Afrique. Et à l'époque, ça s'appelait la banane gros Michel, qui est une banane qui est originaire des îles. qui s'élève très bien, qui était très sucrée, très grosse, et les gens se sont mis à la cultiver énormément. Et la première entreprise qui a été montée, elle est connue, elle existe toujours, c'est Chiquita. Et Chiquita, elle a débuté à Cuba, puis finalement, ils n'avaient pas assez de terre à Cuba pour développer les bananeraies, donc ils ont commencé à se rendre dans l'Amérique centrale. Et là, ils ont Costa Rica, Équateur, etc. Ils ont cultivé des milliers d'hectares avec des bananiers partout. Alors la particularité du bananier, c'est que c'est une espèce de plante qui est clonale, c'est-à-dire qu'elle n'a pas besoin de se reproduire et je dis souvent C'est pour ça qu'il n'y a pas de graines dans les bananes qui nous embêtent. Quand on mange une banane, c'est une clonale. Ils n'ont pas besoin de se reproduire. Les bananiers se clonent. Et un bananier, ce n'est pas un arbre, c'est une herbe. Ça aussi, c'est bizarre. Quand on parle de bananier, on n'a pas l'impression que ce soit une herbe. Mais si, c'est une herbe. Et en fait, à chaque saison, un bananier meurt. Ses racines donnent un nouveau bananier. Exactement identique au premier. Et donc, on a ces champs de bananes. et en Australie, pendant que nous on cultive de la banane à gogo, en Australie on voit l'émergence de Fusarium oxysporum un petit champignon qui va très vite par le commerce international de la banane arriver en Amérique du Sud et dégommer les bananiers. Pourquoi il a pu le faire ? Parce que c'est une monoculture, c'est d'une autoroute pour un champignon, ce qui va pouvoir sauter de bananier en bananier. Et en plus, c'est un champignon fusarium qui est vraiment une boîte à outils. Déjà, ces spores peuvent survivre 40 ans dans le sol, elles peuvent être transportées par des charançons, elles peuvent vivre dans les plantes en décomposition, elles peuvent attendre dans des petites herbes sur les bords de route de retrouver un bananier. C'est un warrior, Zarium. Là, il va détruire toutes les bananeraies. Et du coup, Chiquita va essayer de sauver ces bananées, parce que c'est une grosse économie. Ils vont commencer à inonder les champs, ce qui était le pire à faire pour un champignon, c'est-à-dire qu'il va se développer encore plus. Du coup, ensuite, ce qu'ils vont faire, c'est qu'ils vont abandonner des bananeraies, raser des forêts pour construire des nouvelles bananeraies. Mais là aussi, le champignon va très vite rejoindre ces nouvelles bananeraies. Et donc, très vite, ils vont être bloqués. et là, ils envoient plein d'ingénieurs de chez eux, de Chiquita, dans le... tout l'endroit du monde pour récupérer une espèce résistante. Et c'est là où ils trouvent la cavendish. Et la cavendish est une banane aussi sucrée, c'est celle qu'on mange tous dans le monde. Et elle est beaucoup plus petite et beaucoup plus fragile, ce qui fait qu'ils vont devoir tout revoir, leurs infrastructures, etc. Sauf que maintenant, la Cavendish est une espèce résistante à Fusarium, jusqu'à il y a quelques années, puisqu'il y a quelques années, le champignon a muté un veau, et là maintenant, il peut attaquer la Cavendish, donc là, pareil, il a repris les routes commerciales, il est arrivé en Amérique du Sud, il n'est pas encore en Équateur, qui est le plus grand pays qui exporte des bananes, mais il est à 100 km de la frontière, donc je pense que l'année prochaine, on aura peut-être une banane apocalypse, peut-être que l'année prochaine on ne remangera pas la même banane. Mais il faut savoir que les consommateurs, quand on est passé de la Gros Michel à la K20, ils n'ont brûlé que du feu. Personne n'a su. Il y avait une espèce de banane qui avait disparu. Parce qu'en fait, la banane qui est arrivée dans nos assiettes, c'était toujours un peu la même.
- Speaker #0
Et donc, ça m'amène à ma question. J'ai un peu l'impression que ces apocalypses fongiques, elles passent complètement inaperçues au niveau du grand public, alors qu'elles sont hyper massives et qu'elles sont globales.
- Speaker #1
Il n'y en a qu'une qui a vraiment fait la une de tous les journaux, c'était l'apocalypse des gros nuits. Parce que là, ça a marqué beaucoup de gens. Il y avait eu beaucoup de photos de grenouilles mortes qui jouent chez le sol, etc. Donc les gens ont beaucoup parlé de celle-ci. Mais les bananes, c'est pas assez... Pourtant, ça a quand même fait les gros titres, mais pas chez nous, plus aux Etats-Unis, parce que c'est eux qui sont derrière les commerces de bananes, pour beaucoup. Mais c'est vrai que rarement, la rouille du blé, ou le mildiou de la vigne, les gens en parlent souvent, mais c'est pas un champignon. C'est plus proche des algues. il crée les milieux, mais les milieux, les rouilles Les charbons, c'est aussi des maladies qui sont liées à des champignons. On en parle, mais ça ne fait pas la lune des journaux. C'est un petit journal régional où ils vont dire « Tiens, tout ce département, on a la rouille du blé en ce moment. » Mais les gens, ils n'associent pas ça du tout à des champignons. Les gens ont nommé les maladies, mais pas ceux qui sont responsables des maladies.
- Speaker #0
Et alors, petit à petit, on arrive vers la série dont tu as parlé en tout début de podcast, The Last of Us, à la fois une série télévisée, mais aussi une série de jeux vidéo. Moi, j'ai plutôt découvert le jeu vidéo avant la série télévisée, où en fait, on a des champignons. qui deviennent de véritables marionnettistes et qui contrôlent des humains. Alors, a priori, et on essaiera de comprendre pourquoi, des champignons qui peuvent faire ça à des êtres humains, ça n'existe pas encore. Par contre, ils le font sur toute une série d'autres espèces. Il y a le cas de la fourmi, il y a le cas de la cigale, certaines araignées. Est-ce que tu peux peut-être revenir sur le cas de la fourmi qui a 6 600 ?
- Speaker #1
Oui, puis surtout, c'est celui qui a donné à l'origine, en fait, la Staubeuse. La personne qui a créé le jeu vidéo Last of Us était tombée sur une vidéo de David Attenborough de la BBC qui avait filmé une fourmi contaminée par Ophiocordyceps unilateralis, qui est un champignon marionnettiste, des champignons qui font des zombies. Et en fait, ce champignon, Ophiocordyceps, il pénètre dans la fourmi. Et au début, on ne voit aucun changement, elle est parasitée. Et puis, petit à petit, elle va commencer à fuir ses congénères. Alors, elle fuit ses congénères parce que les fourmis sont assez intelligentes et du coup, elles savent qui est infecté et qui ne l'est pas. et donc si elles voient une formule actrice, elles ne se disideront pas l'euthanasier. la fourmi parasitée, donc le champignon n'a pas intérêt que ça arrive à son hôte, donc en fait la fourmi le premier comportement qu'on voit qui est bizarre c'est qu'elle commence à sortir et à ne plus rentrer au nid donc elle se bat dans les brindilles, elle fait des allers-retours elle marque comme un peu une fourmi qui aurait bu un peu d'alcool elle zigzague, elle tombe et au bout d'un moment, elle va monter sur une brindille elle va la mordre et là elle va complètement se stopper elle ne va plus bouger, comme dans un robot qui serait fixé et là il y a des ifs qui vont sortir de son thorax qui vont la fixer définitivement à la brindille Merci. Les mâchoires, les mandibules de la fourmi sont fermées. Le champignon s'est connecté aux fibres nerveuses qui dirigent les muscles de la mâchoire et fait que la mâchoire ne peut pas se réouvrir. La fourmi n'est pas encore tout à fait morte, mais ce n'est pas très bon pour elle. Le champignon commence à contaminer tout le cerveau, l'abdomen, etc. Il va construire un sclérote, c'est une structure de dormance à l'intérieur de la fourmi, au cas où la fourmi lui arriverait quelque chose. et après, il va créer une espèce de tige. Il va sortir. derrière la tête de la fourmi entre le thorax et la tête, au niveau du cou. Et cette tige va sortir de la fourmi, elle fait jusqu'à 3 à 4 fois la taille de la fourmi. Donc on a une longue tige comme ça. Alors les films d'Athènes Bourreau pour ça, il faut aller voir sur internet, c'est absolument hallucinant. Donc on voit cette tige sortir et au milieu, à deux tiers de la distance, elle va créer une espèce de petit coussinet rose. Et ce petit coussinet rose, c'est juste un petit pétarade des spores dans tous les sens. Et les spores vont tomber au sol, mais le champignon il est malin Quand il a téléguidé la fourmi pour aller sur une brindille, il s'est arrangé pour qu'elle choisisse une brindille qui est juste au-dessus de la piste de récolte où toutes les congénères sont en train de faire des allers-retours avec de la nourriture dessous. Donc les spores tombent en pluie très très fines sur toutes les fourmis qui sont en bas, qui seront contaminées à leur tour, etc. Et donc c'est assez troublant parce que vraiment, le champignon, c'est comme s'il y avait un GPS et qu'il utilisait juste la fourmi. On dit souvent, moi je dis souvent, c'est un champignon déguisé en fourmi. Elle n'est plus du tout fournie cette lune. Cet organisme est plutôt une fourmi, il ne fait plus des choses de fourmis, il ne se balade plus comme une fourmi, il fait des choses bizarres, et en fait c'est le champignon qui recommande, et ça c'est assez troublant. Et c'est arrivé chez plein d'insectes, en effet les araignées, les cigales, les mouches, Chacun et chacune a son baril et les distances.
- Speaker #0
Alors, c'est interpellant ce que tu racontes là, parce que, comme tu le dis, on a un champignon qui est capable de manipuler le comportement de son hôte. Est-ce que, dès lors, on peut parler d'intention chez le champignon ? Est-ce qu'on peut parler de forme d'intelligence et de conscience chez le champignon ? Ou comment tout ça fonctionne au final ?
- Speaker #1
On ne parle pas de conscience chez les champignons, mais on a déjà du mal à parler de conscience chez les insectes. Alors bon, le champignon, il va falloir encore faire quelques travaux là-dessus. Mais ce qu'on sait, c'est que le champignon, son objectif, c'est de disséminer ses rejetons. Donc lui, il va... co-évoluer avec son hôte pour maximiser ses chances de pouvoir en fait disséminer le plus possible et de rencontrer son hôte. Et c'est pour ça qu'en fait, ils n'utilisent pas la même technique, la même stratégie par exemple chez les cigales. Les cigales, c'est pas des insectes qui sont sociaux, c'est des insectes qui émergent au printemps et leur seul comportement, c'est de se reproduire pendant cette époque-là. Donc là, le champignon va plutôt être sexuellement transmissible et il va utiliser ce comportement de plein de rencontres sexuelles entre les cigales pour pouvoir se disséminer. Or, chez les fourmis sociales, il va plutôt Merci. œuvrer pour pouvoir toucher les autres congénères des fourmis. Et donc là, il va passer par une autre stratégie. Donc, il y a vraiment une adaptation qui se fait. Le champignon, il a un seul but, entre guillemets, c'est le but de toutes ces survivances, c'est de se reproduire le plus possible. Et donc, il va... Mais petit à petit. Alors, on pense que les ophiocordyceps chez les fourmis étaient à l'origine des parasites de scarabées. Et comme ces scarabées vivaient dans le même milieu que les fourmis, il y a eu un bond qui s'est fait du scarabée à la fourmi. Et finalement, avec la fourmi, il est... tombé sur un insecte social avec beaucoup plus d'hôtes potentiels et il se développait chez la chenille. Mais ça, c'était il y a 45 millions d'années, ce saut.
- Speaker #0
Et est-ce qu'on a des idées sur comment ce champignon arrive à contrôler cette fourmi au final ?
- Speaker #1
Alors, avec des substances chimiques, et donc on le sait très bien que les champignons sont très très forts pour produire des toxines qui manipulent. Alors, on est juste en train de penser au psylo, les champignons magiques moucherons. On sait que ça nous fait faire des trucs un peu flous. Il y a un gars à Lyon... Il y a quelques années, il s'est balancé d'une fenêtre les champignons magiques. C'est la substance qui avait produit le champignon qui lui a fait faire ça. On savait très bien que les champignons produisent des hallucinogènes, ils produisent des amphétamines dans le cas des cigales. Chez les fourmis, on n'a pas encore identifié toutes les molécules qui sont produites par le champignon qui lui permettent. Mais en tout cas, ce qu'ils ont fait, c'est que dans un article, ils ont fait un scanner où ils ont regardé où étaient les fibres. On les voit vraiment qui s'interdignent dans les muscles des mâchoires. Elles ont carrément étiré, elles bouffent certains muscles aussi. qui ne fonctionnent plus très très bien. Et donc on a toujours deux hypothèses, c'est soit en fait leur cerveau reste intact, et là on va sécréter des molécules chimiques pour manipuler les messages nerveux, soit on mange une portion du système nerveux qui fait que ça nous fait changer de comportement. Et donc pour l'instant, il y a peu peu de travaux, parce qu'il y a peu de gens qui travaillent sur ces organismes-là. Alors on a l'impression, on se dirait, c'est tellement excitant qu'il y a plein. Mais quand on lit les articles sur le pyogordyceps chez les fourmis, on retombe toujours sur les quatre ou cinq auteurs qui sont les mêmes. Donc il y a peu de gens qui travaillent sur ces champignons-là.
- Speaker #0
Comme on l'a dit, c'est connecté à Last of Us. Pourquoi ce que l'on voit dans Last of Us, à l'heure actuelle, ne peut pas se produire ? Et donc pourquoi, au final, ces champignons qui contrôlent des fourmis ne pourraient pas commencer à contrôler des êtres humains ?
- Speaker #1
Il y a deux raisons principales. Déjà, la grande majorité des champignons sont mésophiles, c'est-à-dire qu'ils aiment les températures entre 18 et 25 degrés. Or, notre température à 37°C, c'est notre première barrière. Les champignons, il y a très peu de champignons qui peuvent résister à de telles températures par les champignons du compost, des trucs comme ça, mais les ophiocordyceps, clairement, ça ne leur va pas du tout. Donc ça, c'est la première. Ensuite, par rapport aux insectes, on a un système immunitaire qui est beaucoup plus complexe et qui va éliminer le champignon dès qu'il va essayer d'en rentrer. Il faut savoir que l'ophiocordyceps unilateralis, quand il manipule une seule espèce de fourmi particulière, c'est-à-dire que ce champignon-là, il ne va pas manipuler une autre fourmi qui est par exemple ici en Europe. Il est associé à une espèce de fourmi. Et ils ont co-évolué pendant des millions d'années. Pour que ce truc soit adapté à nous, il faudrait tellement de mutations, mais tellement, tellement, tellement, tellement, que moi, dans mon livre, j'essaye de rendre plausible l'hypothèse de la Stauves. Et déjà, ça ne transformerait pas notre tête en chou-fleur, parce que ce n'est pas du tout ce que fait Occiocordyceps. Lui, il crée un soma, et le soma, le petit porte-champignon, il doit sortir par quelque part. La fourmi sort derrière la tête. Donc, s'ils avaient voulu être réalistes, ça aurait été plutôt ça, avoir une tige et des ifs qui sortent un petit peu de partout, pour nous ancrer dans le sol. Et donc, c'est ce qui se passe dans ma nouvelle. Moi, les gens sont ancrés dans le sol par les ifs, et ils ont cette tige qui sort beaucoup plus proche de ce qui se passe chez les ophiocordyceps. Ensuite, dans la stauveuse, les gens arrivent à choper l'infection par morsure, ce qui n'est pas le cas du tout, ce n'est pas possible. Et donc, c'est pour ça que j'imagine un petit peu un scénario qui pourrait rendre problème, mais c'est en réalité fortement un problème. Il faudrait un taux de mutation énorme. Il faudrait aussi que ces mutations ne soient pas délétères, parce que la plupart des mutations sont délétères. En France, c'est fortement improbable. Il y a une chance. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas de chance. Parce que si je demandais à 7 milliards d'humains de jouer au hasard au piano sur des touches, il y en aurait peut-être un qui ferait du Mozart par hasard, sans le savoir. Mais voilà, les probabilités sont infimes. Elles restent dans l'improbable.
- Speaker #0
Une question que tu abordes dans ton livre, c'est celle du réchauffement climatique. Comme tu l'as dit, les champignons ont une gamme de températures dans laquelle ils se sentent très à l'aise. Pour le reste, c'est plus compliqué pour eux. Mais est-ce que justement, le réchauffement climatique ne va peut-être pas changer la donne et permettre à des champignons de... coloniser des hôtes qu'ils ne pouvaient pas atteindre jusqu'ici parce qu'ils vont s'adapter à ces changements de température qu'on va vivre.
- Speaker #1
Oui, il y a des expériences qui ont été faites par Arturo Casadevall. J'ai lu son ouvrage qui s'appelle If Fungi Win. C'est excellent. Lui, c'est un spécialiste des infections fongiques humaines et il a fait des expériences sur des levures. Il a appris, je ne sais plus combien d'espèces de levures. Il a montré qu'entre les années 80 et maintenant, elles étaient devenues beaucoup plus tolérantes par la chaleur. Et il explique aussi pourquoi du coup Candida auris, qui est une levure qui ne nous infectait pas avant, nous infecte maintenant, parce qu'elle se serait adaptée parce que le réchauffement climatique. Et on voit aussi des infections fongiques avec un champignon qui s'appelle Copsidioides, qui est responsable de la fièvre de la vallée aux Etats-Unis, où on voit qu'il remonte et en fait il suit le réchauffement climatique. Donc on n'est pas à l'abri que les infections fongiques se multiplient chez lui-même, parce qu'à l'heure actuelle il y a 300 espèces qui peuvent toucher lui-même. surtout des champignons qui sont kératoninophiles, donc qui mangent notre peau, mais on en voit de plus en plus qui sont capables de nous infecter. Donc c'est clair que les champignons, de toute façon, ils vont devoir s'adapter à la température, parce que sinon, s'ils veulent survivre, il va falloir, parce que le réchauffement climatique, il est là, c'est un fait, ce n'est pas une théorie. Là, on est à 1,5 de plus de degré, donc déjà, ils se sont adaptés à 1,5 de degré de plus. Et ils ont montré, par exemple, chez Métarisium, bon, c'est un champignon très opportuniste, Métarisium, mais ils ont montré qu'en 22 générations, on pouvait... passer d'une tolérance de 32 à 37 degrés. 5 degrés en 22 générations, sachant qu'une génération, c'est un champignon, ça ne dure que quelques jours. Ce n'est pas des années.
- Speaker #0
Tout à fait. Et est-ce que tu penses justement que, d'une certaine façon, on sous-estime encore l'impact des champignons dans les modèles sanitaires et aussi dans les modèles écologiques, puisqu'ils ont un rôle bénéfique à jouer aussi ?
- Speaker #1
Moi, j'étais très surprise quand j'ai écrit le livre parce que je ne savais pas que les champignons tuaient autant de gens. Vous savez, il y avait des infections en produits qu'invasives. qui tuent les gens immunodéprimés, mais je ne savais pas que c'était dans de telles proportions, puisque c'est quand même 15% de la mortalité infectieuse, ce qui n'est pas rien. Or, il touche que les chercheurs ont 1%, 1,5% du budget lié aux maladies infectieuses qui leur est attribué. Donc en fait, ce n'est pas du tout corrélé à l'importance des infections fongiques. Et surtout aussi, c'est un chiffre qui est certainement sous-estimé, parce que souvent les gens qui meurent d'infections fongiques, ils ont un cancer, ils ont un sida, une polyarthrite, une hématoïde, ce sont des maladies qui... soit auto-immune, soit avec un système immunitaire déprimé. Et je pense que souvent, on va catégoriser la mort par exemple, on va dire cancer, mais en réalité la personne est morte d'une infection fongique, et ça existe beaucoup dans tous les hôpitaux. Moi, tous les gens que je connais dans ma famille qui ont eu des cancers, à un moment donné, ils ont chopé une infection fongique, parce que les sports, on les respire toute la journée. Toute la journée, même dans un bureau, même dans un hôpital, on respire des sports de champignons. Et donc, si on a un système immunitaire qui est déprimé et qu'on a un champignon opportuniste qui est capable de résister à 37 degrés, il va se développer et la plupart du temps, il passe par les poumons. Ça commence toujours par des pneumonies. Et le danger fait que quand ça rentre dans le sang, parce que là, c'est la septifémie, ou comme une cryptococcus qui monte au cerveau et qui crée des abscès cérébraux. Donc, c'est un problème qui est aussi lié au progrès de la médecine, curieusement. C'est-à-dire que c'est grâce aux médicaments qui permettent de lutter contre le cancer, que le champignon puisse se développer. Il y avait beaucoup moins de morts par infection chronologique avant, parce que les gens mouraient avant du cancer. C'est vraiment le fait que ces gens-là se retrouvent avec un système immunitaire déprimé qui fait qu'ils sont touchés par les champignons.
- Speaker #0
Dans ton livre, tu parles aussi de manipulation génétique des champignons. On fait des tests pour faire en sorte que certaines espèces de champignons puissent cibler certaines espèces d'insectes pour, par exemple, faire en sorte que que les récoltes ne soient pas dévorées. On parle aussi de champignons qui vont venir attaquer d'autres champignons pour lutter justement contre la destruction des récoltes. Où on en est un peu là-dedans ? Est-ce que ces champignons génétiquement modifiés sont dans la nature ? Est-ce que c'est des tests en laboratoire ? Quels sont les risques, etc. ?
- Speaker #1
Non, pour l'instant, ils ne sont qu'en laboratoire. Et en effet, les champignons sont beaucoup utilisés dans la lutte biologique. Alors que ça peut être la lutte biologique contre un autre champignon, comme l'autritiste, qui est responsable de la pourriture grise et qui a tant de... plus de 1000 espèces végétales. Là, on utilise un champignon qui s'appelle trichoderma. On ne peut pas partager la plante avec le qui vit en harmonie avec un champignon paradis, donc il le détruit complètement. Et quand trichoderma rencontre botrytis, la plupart du temps, c'est trichoderma. qui gagne. Et ensuite, on a un autre champignon qui s'appelle Métarisium, qui est responsable de la muscaridine verte, qui est un champignon qui s'attaque principalement aux insectes et qui peut s'attaquer aux insectes ravageurs parce qu'il n'est pas très sélectif dans les insectes qu'il attaque. Et donc, il y a beaucoup de pays qui l'utilisent pour lutter contre des ravageurs, par exemple contre la cycladelle qui attaque la canne à sucre, contre des criquets qui dévorent des cultures en Afrique, etc. Et ce champignon, Métarisium, est très efficace, mais il est très lent. Mais parce que c'est dans l'intérêt du champignon d'être lent, lui, il ne veut pas tuer de suite la branche sur laquelle il est assis, parce que lui, il veut manger d'abord les réserves et après tuer l'insecte pour se reproduire. Donc, comme il est trop lent, les scientifiques ont décidé de l'aider un tout petit peu à produire des choses beaucoup plus toxiques. Par exemple, dans la lutte contre le paludisme, ils ont créé des métarésiums génétiquement modifiés, qui ont en fait un gène qui vient d'un scorpion, et un gène qui est un système immunitaire humain, qui permet de faire de tuer le parasite qui infecte le moustique, qui est Plasmodium, qui nous donne le paludisme. En fait, ce n'est pas le moustique qui nous donne, lui, c'est juste un vecteur du paludisme. Lui, il porte un parasite en lui qui va ensuite parasiter lui-même. Ce parasite s'appelle Plasmodium. Et donc, Métarisium permettrait de tuer Plasmodium à l'intérieur du moustique. Et en plus, pour finir, tuer le moustique aussi. Donc, ça nous arrange. Et donc, ils ont été obligés de modifier génétiquement ce Métarisium parce que sinon, il était trop lent et le moustique avait le temps de transférer le parasite aux humains. Et ensuite, ils ont créé aussi, ils l'ont modifié génétiquement pour qu'il soit plus résistant aux UV. Et ils ont fait de la sélection pour qu'il soit plus résistant aux températures. Et donc, c'est un champignon ultra costaud, génétiquement modifié. Mais il n'a pas été relargué dans la nature. Pourquoi ? Parce qu'il faut s'assurer qu'il ne soit pas aussi nocif pour d'autres organismes vivants. Parce que comme c'est un champignon qui est généraliste, vous ne voulez pas qu'il s'attaque aux abeilles, par exemple, ou aux autres pollinisateurs. Rik touchent précisément tel ravageur. Pour l'instant, ça reste des expériences en labo ou en semi-naturel, c'est-à-dire où ils sont quand même enfermés. Mais on n'est pas à l'abri, en effet, de voir des champignons génétiquement modifiés dans le commerce.
- Speaker #0
Ah oui, d'accord. Avec les risques que ça induit, comme tu l'expliques, de toucher des espèces qu'ils ne devraient pas toucher, etc., par exemple.
- Speaker #1
C'est pour ça. D'abord, avant de le lâcher dans la nature, les gens, quand même, vont s'assurer que ça soit, comme tous les plantes qui sont génétiquement modifiées, qui sont quand même cultivées, C'est sûr qu'on n'aime pas du tout avoir des organismes génétiquement modifiés dans la nature, mais en effet, si ça reste une solution contre le paludisme, le paludisme, ça tue 200 000 enfants par an, on ne va pas se priver non plus.
- Speaker #0
Tout à fait. Alors, on arrive tout doucement à la fin de cet épisode. Ce qui est intéressant, au final, c'est qu'avec les champignons, ça peut être l'apocalypse dans certains cas, mais que sans les champignons, c'est aussi complètement l'apocalypse, puisqu'ils sont bénéfiques pour toute une série de choses. Où est l'équilibre, en fait, justement ?
- Speaker #1
Alors là, pour l'instant, on est assez équilibré parce que souvent, par exemple, le champignon qui attaque les cigales, on pourrait se dire, les pauvres cigales, mais pas du tout parce qu'en fait, les cigales, c'est des ravageurs. Et heureusement qu'on a ce champignon qui parasite les cigales parce que sinon, on serait envahi et on aurait bu beaucoup d'arbres avec des feuilles. En fait, c'est toujours un équilibre et souvent, l'humain, il est perturbateur de cet équilibre-là. Avant, en fait, la commercialisation, la mondialisation, on n'avait pas ces grandes épidémies fongiques. Elles sont vraiment toutes liées. à la mondialisation et au fait qu'on transporte des choses d'un pays à l'autre. Si on regarde au niveau du temps, on a très peu d'épidémies qui sont liées à un champignon qui n'aurait pas été juste changé géographiquement. Et les seules épidémies qu'on voit qui sont liées à des champignons, c'était souvent des gens qui ont mangé des choses qui étaient contaminées par des champignons. Donc pas des champignons qui ont parasité, mais par exemple je pense à l'ergotisme, qui est une maladie qui est liée à l'ergot du seigle. Il y a un champignon qui attaque le seigle, et quand les gens mangent ce seigle contaminé, ils développent des hallucinations, etc. Parce que ce champignon produit du LSD. Et donc on a eu des épidémies comme ça, de gens qui sont devenus fous parce qu'ils avaient mangé du seigle contaminé. Mais on n'a jamais eu des épidémies comme on voit là, sur les grenouilles, les châtaigniers, les chauves-souris, etc. avant l'arrivée de la mondialisation. Donc c'est plutôt nous qui devrions changer de comportement.
- Speaker #0
En fait, cet équilibre, il est là, c'est juste qu'avec la mondialisation entre autres et tous ces échanges commerciaux et donc tout ce qui va avec, on est en train de rompre petit à petit cet équilibre.
- Speaker #1
Il faut juste arrêter de faire des petits gestes anodins, d'aller récupérer une plante dans un pays pour bien nettoyer ses chaussures quand on part dans un pays étranger, ces petits réflexes à faire.
- Speaker #0
On n'en a pas nécessairement beaucoup parlé, mais en fait, l'être humain est porteur de plein de champignons. Par exemple, les pellicules, tu l'expliquais, c'est dû à des champignons. Cette omniprésence de cet organisme qui est à la fois tout petit et qui peut être très très grand, est-ce qu'elle ne peut pas, d'une certaine façon, nous permettre de prendre un peu de recul sur notre place dans le vivant et de nous remettre peut-être à la bonne place ?
- Speaker #1
Oui, on est un écosystème, nous. On abrite plus d'organismes vivants que de cellules humaines. Si on met bout à bout toutes les bactéries, tous les champignons, toutes les choses qui vivent en nous, est-ce qu'on n'est finalement qu'à moitié humain ? On est un écosystème et notre survie... dépendent de l'équilibre de notre écosystème. personnel et donc ça peut s'étaler au niveau mondial aussi cet équilibre et chaque fois je dis tous les organismes sont en réseau tout est connecté donc quand on casse une partie du réseau par effet cascade avec tout le reste et un organisme qui peut paraître insignifiant à nos yeux il est forcément la nourriture d'un autre organisme où il va forcément être dans la chaîne et donc si on les limite même le moustique sont importantes et donc voilà il faut juste arriver à cohabiter en fait avec les êtres vivants
- Speaker #0
Et pour terminer, je termine toujours les podcasts un peu de la même façon, c'est est-ce que tu aurais une phrase, une image peut-être, à nous partager pour illustrer ce qui t'a vraiment driveé, conduit durant la rédaction de ton livre par exemple ?
- Speaker #1
Ouf ! Qu'est-ce qui m'a driveé quand j'ai créé mon livre ? En vrai, c'était l'envie de partager. Moi, ça a toujours été ça derrière mes livres, c'est l'envie... Vous savez comme quand on lit une nouvelle et qu'on se dit « Oh, je vais raconter ça à quelqu'un, tu ne sais pas quoi ! » Moi, ça me fait ça avec la science. C'est l'envie de partager au plus grand nombre ce que j'ai appris. Et je me dis, j'ai envie de le dire à tout le monde. Et l'avantage du livre, c'est que c'est très pratique pour partager ses idées. Et j'ai pris beaucoup plus de plaisir dans ce livre que les autres, en réalité, même si ça fait plus de douleur. Parce que j'apprenais en même temps que je cherchais à partager. Et donc, je me suis vraiment enrichie en écrivant ce livre.
- Speaker #0
Et donc, le livre s'appelle, je le rappelle, Les champignons de l'apocalypse. Il est édité aux éditions Grasset dans la série Terre. et science. Je l'ai dévoré en quatre jours, puisque je l'ai acheté vendredi à la conférence d'Audrey, et on est mercredi. Et il est vraiment, vraiment très, très intéressant, et je trouve qu'on apprend énormément de choses, et moi, ça m'a remis un peu à ma place, comme je dis, se dire que ces organismes, dont on ne parle presque jamais, sont si présents, ont un rôle si grand à jouer, et sont parfois si dangereux, ça nous fait prendre conscience de plein, plein de choses. Et donc, Audrey, je te remercie. d'avoir enregistré ce chouette épisode, le premier de la saison 10, donc on est reparti pour plus d'une dizaine d'épisodes maintenant. J'espère que cette expérience t'a plu aussi de partager ça moi et avec les auditeurs et les auditrices du podcast. Et, chers auditeurs, chères auditrices, on se retrouve dans deux semaines pour le prochain épisode de Science, Art et Curiosité. Et sur ce, je te souhaite une très très belle journée. Audrey, à très très bientôt ! et franchement, j'espère qu'il t'a plu. D'ailleurs, si en passant, tu veux me faire un retour ou si tu as des idées d'amélioration, surtout n'hésite pas à nous contacter. Tu peux aussi devenir notre ambassadeur et faire découvrir ce podcast tout autour de toi. Si tu as des idées de sujets ou si tu souhaites enregistrer un épisode, surtout n'hésite pas à nous contacter. Rendez-vous sur le site internet mumons.be ou sur la page Facebook du Mumons.