- Speaker #0
Lorsque ce petit bolide atteindra 88 miles à l'heure, attends-toi à voir quelque chose qui décoiffe.
- Speaker #1
Ce qui place votre zone d'atterrissage à 5,0667 degrés de latitude nord et 77,3333 de longitude ouest.
- Speaker #0
Rien de tout ça n'est réel. Qu'est-ce que le réel ? La seule variable constante est l'inattendu.
- Speaker #1
On ne peut pas la contrôler. Je crois que vous êtes encore pire que ces créatures. Elle, elle n'essaie pas de se massacrer entre elles pour tirer le plus gros paquet de fric.
- Speaker #0
Voyons si une capacité de poussée de 10% permet le décollage. Et 3, 2, 1... Chères auditrices, chers auditeurs, bienvenue dans ce nouvel épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du MUMONS, où l'on explore la science à travers la culture et la fiction. Aujourd'hui, je vais replonger dans une trilogie qui, pour moi, a bouleversé la science-fiction contemporaine. Le problème à trois corps de Liu Xixin. Encore une fois, j'écorche certainement son nom, j'en suis désolé. Tu le sais, cher auditeur, chère auditrice, j'ai parfois du mal avec la prononciation des noms et des prénoms. J'ai déjà fait un premier épisode avec Roland Lehoucq, Claude Semey et Francesco Loboué sur les questions plutôt physiques liées au problème à trois corps. Donc autrement dit, comment ce que l'on représente dans le livre et dans la série sont véridiques ou non au niveau physique ? science physique du terme. Et ici, en fait, je vais m'attaquer à un autre pan avec mon invité de cette trilogie du problème à trois corps. C'est la section vraiment anthropologique, l'ensemble des réflexions anthropologiques qui peuvent être menées sur base de la lecture de ce triptyque. Alors, ces romans, ils débutent avec la révolution culturelle chinoise et ils s'étendent bien plus loin dans le futur. L'auteur parle même d'échelle cosmique de... temps cosmique et ça va nous confronter directement à toute une série de questions qui sont assez vertigineuses. Que devient l'humanité lorsqu'elle découvre qu'elle n'est pas seule dans l'univers ? Comment nos systèmes sociaux, politiques, culturels réagissent face à une altérité radicale, c'est-à-dire un être qui est conçu différemment de nous et qui a des fonctionnements complètement différents d'une autre ? Et comment cela génère chez nous toute une série de processus psychologiques mentaux ? pour les individus, mais aussi pour l'ensemble de la société. Alors, pour explorer toutes ces questions, aujourd'hui j'accueille en visio Martin Hébert. Salut Martin.
- Speaker #1
Bonjour Maxime.
- Speaker #0
Comment vas-tu ?
- Speaker #1
Très bien. Heureux d'être sur le même fuseau horaire que toi pour cette fois-là.
- Speaker #0
Tout à fait. Donc, Martin est déjà intervenu dans nos podcasts. Martin fait partie de l'Université Laval au Québec. Donc, d'habitude, quand on s'appelle, c'est tard l'après-midi pour moi et c'est très tôt le matin. Pour lui, ici, Martin est en conférence en Allemagne, si je me souviens bien. Oui, oui. Et donc, on est sur le même fuseau horaire. Il est 10h03 pour tous les deux. C'est trop bien. Alors, avant vraiment de s'attaquer à toutes ces questions qui ont déjà été un petit peu mentionnées, mais on va aller un peu plus dans le détail, dans l'introduction, est-ce que tu peux nous dire, Martin, très rapidement, qui est Martin Hébert ?
- Speaker #1
Oui, au départ, on doit dire que je suis un anthropologue. Donc, un anthropologue qui s'intéresse aux aspects... sociaux et culturels des sociétés humaines. Plus spécifiquement, mon champ de recherche, c'est ce qu'on pourrait appeler les imaginaires politiques, donc comment les récits qu'on se fait sur la société présente, passée, future, influencent les comportements politiques des gens. Et tout à fait en lien avec la conversation d'aujourd'hui, si on va encore plus spécifiquement dans ma spécialisation, je travaille sur les dynamiques de conflit. pourquoi les conflits émergent, comment les conflits sont gérés, etc. Et là, on a vraiment une œuvre de science-fiction quand même massive qui explore beaucoup de ces questions-là. Donc vraiment, pour une fois, on va être vraiment dans le cœur de ce que je fais au quotidien.
- Speaker #0
Alors, je préviens tout de suite, chère auditrice, cher auditeur, pour pouvoir aborder vraiment les sujets comme on le souhaite, on va spoiler. Voilà, c'est dit. On va vraiment aller... sur des révélations qu'il y a dans le tome 2, dans le tome 3. Donc si tu n'as pas encore lu ou regardé la série, en sachant que la série ne va peut-être pas parler de tout ce dont on parle dans les livres, c'est quand même des œuvres assez denses, sois conscient qu'on va y aller franco et qu'on va parler de choses que peut-être tu ne connais pas. Et donc je t'invite, si tu le souhaites, à écouter ce podcast une fois que tu auras tout lu ou tout regardé. Si par contre, tu es un peu comme moi, parce que moi personnellement, quand on me spoil, ça... ça m'enlève rien au plaisir de découvrir l'oeuvre justement je la découvre autrement continue à nous écouter tu vas voir ça va être terrible parce que Je replace quand même le cadre. On parle ici d'une œuvre qui parle d'un premier contact avec une espèce extraterrestre, donc les trisolariens. Ce premier contact a été engendré parce qu'une personne, dont on reparlera dans le podcast, Yehwin Jie, a un jour perdu foi en l'humanité et s'est dit « Je vais envoyer un message, je ne sais pas à qui, pratiquement à toute la galaxie, pour qu'on vienne nous sauver. » Et on abordera ce sujet dans le podcast. et ensuite c'est L'humanité est consciente que les trisolariens vont arriver, que font-ils ? Et comment empêchent-ils les trisolariens ? Parce que les trisolariens arrivent avec cette volonté, c'est notre système solaire n'est plus vivable, votre système solaire a l'air quand même vraiment chouette, et donc on va venir chez vous, vous n'avez pas le choix. Ça c'est vraiment pour faire le résumé du résumé. D'abord Martin, est-ce que tu peux nous expliquer pourquoi selon toi... Cette trilogie est vraiment un matériau très riche et très intéressant pour mener une réflexion au niveau de nos sociétés humaines, de comment elles fonctionnent, de comment elles se positionnent par rapport à ce genre de défis. Au final, ce que je vais appeler de façon peut-être un petit peu simpliste, mais une réflexion anthropologique.
- Speaker #1
Absolument. En fait, on est au cœur de beaucoup de questions associées à ce qu'on pourrait appeler l'anthropologie politique, c'est-à-dire comment amener une diversité. de personnes qui ont une diversité d'intérêts à cohabiter pacifiquement. Donc, c'est une question qui remonte à très longtemps, mais pour bien situer cette trilogie, on pourrait aussi la situer par rapport à la science-fiction elle-même. On a fait une chronique il y a quelque temps sur les représentations de la Lune, où on parlait beaucoup de contes philosophiques, de l'histoire justement où il y avait des contacts entre les humains et les lunariens. ou les sélénites. Et ce qu'on remarque, si on retourne à cette préhistoire, on pourrait dire, de la science-fiction, c'est qu'en général, les contacts sont assez bienveillants. C'est-à-dire que les extraterrestres, d'une certaine façon, sont plus sages, sont plus savants que les humains et vont les éclairer, les guider, etc. Donc, il y a une phase comme ça où la dominante est vraiment avoir des extraterrestres bienveillants. À la fin du 19e siècle apparaît la science-fiction, notamment avec le roman de H.G. Wells, La guerre des mondes. Et là, on a une inversion complète du trope où les extraterrestres deviennent des envahisseurs. Donc, 1898, La guerre des mondes nous donne un portrait complètement différent de ce que pourrait être ce contact-là. et l'oeuvre de H.G. Wells va lancer évidemment... toute une tradition, notamment au cinéma. Il va y avoir jusqu'à aujourd'hui, d'une certaine façon, toute cette filière de l'extraterrestre envahisseur et la lutte de l'humanité contre cette force-là. Dans les années 50-60, le motif commence à s'inverser à nouveau. C'est le début de l'ère de l'exploration spatiale humaine où, d'un côté, on se projette réellement en tant qu'humanité dans le système solaire. Et il y a des gens qui commencent à réfléchir autour de ça et qui disent, qu'est-ce qui arrive si les humains entrent en contact avec des civilisations extraterrestres et la seule image qu'on a, ce sont des extraterrestres qui sont hostiles, ce n'est pas très enlevant, disons, ce n'est pas très motivant. Donc, il va se développer tout un discours et notamment, je pense, le communicateur scientifique. astronome planétaire, Carl Sagan est une figure absolument incontournable de cette question-là. Sagan va, à partir de la fin des années 60 ou au début des années 70, va militer très activement pour associer, disons, l'exploration spatiale à des rencontres qui sont positives pour l'humanité. Donc, c'est l'idée, par exemple, de Carl Sagan de mettre des plaques sur les sondes humaines. Donc, les sondes humaines qui sont envoyées. La première va être la sonde Pioneer 10 en 1972. Il va y avoir une petite plaque où, d'une certaine façon, on dit qui on est. Bonjour, voici l'humanité, nous venons en paix. Évidemment, ce projet-là, qui était déjà piloté par Sagan, va se décupler quelques années plus tard avec les sondes Voyager, avec le fameux disque doré, le disque d'or. qui contient des illustrations de la culture humaine, des extraits de chansons. Encore là, toute une iconographie, y compris un plan du système solaire qui indique vraiment la troisième planète, pratiquement avec une flèche en disant « Venez chez nous » . Nous sommes une espèce pacifique, et sur le disque lui-même, d'à peu près plusieurs langues, peut-être, si je ne me trompe pas, c'est une centaine de langues humaines, il y a des mots de « bienvenue » , « bienvenue chez nous » , etc. Donc là, il y a une inversion complète par rapport au récit d'envahisseur, qui vont avoir comme point culminant, d'une certaine façon, le roman de Carl Sagan, « Contact » . Si vous pouvez lire deux romans simultanément, lisez Contact et la trilogie du problème à trois quarts, c'est l'inverse. C'est vraiment l'inverse l'un de l'autre. Et chez Sagan, l'image des extraterrestres, on peut dire, c'est qu'ils sont tellement massivement en avance technologiquement sur nous qu'ils ne peuvent pas nous voir comme une menace et au contraire, ils vont être des espèces de... de guides. Donc, on revient vraiment à ces motifs très anciens de l'extraterrestre hyper savant, hyper connaissant, qui va devenir une espèce de messie pour l'humanité. Ce qui nous amène, évidemment, au problème à trois quarts, avec, à mon avis, une des meilleures scènes de la science-fiction contemporaine, où, justement, il y a cet astronome, Yeh-Wen-Jee. qui envoie des messages. Donc, on croit qu'on est vraiment dans le motif qui s'est très bien établi depuis une cinquantaine d'années. Le motif de contact à la case Sagan. Nous venons en amis, nous voulons vous contacter. Mais Kujimi, à mon avis, de Liu Xixin, la réponse au message envoyé par Ye Wenji, c'est ne répondez pas. Arrêtez de communiquer, fermez tout. ne répondait même pas à mon message, on se la ferme. Et là, la table est mise pour toute une réflexion qui va durer quelques milliers de pages sur pourquoi les civilisations sont si discrètes. Donc, ça nous amène évidemment à mieux comprendre un peu le contexte. Et là, à partir de là, Liu Xishin va vraiment se connecter sur toutes sortes de débats actuels sur la pluralité des mondes, on va dire. Parfait.
- Speaker #0
Un des concepts fondamentaux, je vais dire, c'est d'ailleurs le titre du tome 2, la forêt sombre, c'est l'explication du pourquoi cette société trisolarienne, en tout cas un des scientifiques de la société trisolarienne, en recevant le message de la Terre, dit arrêtez tout, ne répondez même pas à ce message, c'est trop dangereux. Est-ce que tu peux nous expliquer ce concept de forêt sombre ?
- Speaker #1
Oui, avec plaisir. Encore là, revenant aux discussions des années 50-60, Il y a des équations, l'équation de Drake entre autres, il y a des équations qui ont voulu montrer que, même d'un point de vue tout à fait rationaliste, vraiment, ce n'est pas des croyances, nouvel âge, etc., mais disons d'un point de vue de probabilité mathématique, il y a énormément de planètes, ne serait-ce que dans notre galaxie. des milliards et des milliards de planètes. Donc, même si la probabilité que la vie émerge, que la vie intelligente émerge, que la technologie émerge est très, très faible, on doit toujours la contrebalancer avec le fait qu'il y a des centaines de milliards, des milliards de milliards de planètes potentiellement. Donc, ça, ça le met au fameux paradoxe de Fermi. Le physicien Fermi, bon, c'est juste une remarque qu'il a faite en passant dans un colloque, mais qui a quand même... Ça a généré beaucoup de discussions. Sa question, c'est où sont-ils ? À supposer même qu'une planète sur un milliard ou sur dix milliards ait la vie. Bon, où sont-ils ? Pourquoi on ne les a jamais vus ? Pourquoi on ne les a jamais entendus ? La réponse qui était donnée habituellement à ça, c'était la distance. Donc, les distances sont très difficiles à naviguer. Donc, même s'il y a beaucoup de... de civilisations, ces civilisations-là ont de la difficulté à entrer en contact les unes avec les autres. Donc ici, Liu Xichen prend une autre approche en disant que s'il y a des civilisations technologiques, certaines d'entre elles ont eu, par exemple, un million d'années de développement technologique ou des dix millions d'années, etc. Donc, elles devraient être capables de franchir ces distances-là. Donc, la raison pour laquelle elles ne le font pas, c'est qu'entrer en contact ou même signaler sa présence, c'est se dévoiler à ce que Sitchin va appeler la forêt sombre. Donc l'image qu'il prend, c'est vraiment quelque chose qu'on connaît très bien dans plusieurs écosystèmes, c'est-à-dire que les petits poissons se cachent. Les petits animaux qui sont la proie des autres ont tendance à être plutôt discrets. Parce que Sitchin va dire, avec le temps, les civilisations, non seulement vont avoir développé des capacités destructives, ou en tout cas... capacités technologiques tellement poussées qu'elles peuvent potentiellement avoir les moyens de détruire n'importe quel adversaire assez facilement. Et l'exemple qu'il va montrer, parce que, d'une certaine façon, la forêt sombre, tout au long de la trilogie de Sishin, la forêt sombre est comme une masse sans visage. Oui, évidemment, c'est une histoire de contact entre la Terre et les trisolariens, mais même les trisolariens, ce sont des proies dans cet écosystème-là. Ils sont terrorisés, eux, justement, de signaler leur présence. Donc, tout ce qu'on voit de ces autres civilisations-là, ça va être une particule lancée à la vitesse de la lumière dans le soleil d'un système solaire. Et la particule est tellement accélérée rapidement qu'elle fait exploser le soleil et le système au complet. Donc, on voit ici une technologie absolument, non seulement très avancée, mais qui peut détruire des systèmes solaires. Avec facilité, d'une certaine façon.
- Speaker #0
Tout à fait. Et donc, si on synthétise un petit peu ça, en gros, c'est comme si toutes les civilisations étaient dans une forêt où il fait complètement noir. Et qu'en envoyant un signal, on allumait une torche et donc tout le monde nous voit. Sauf que si tout le monde nous voit, et c'est un peu un des postulats qui est posé dans cette théorie, on va en discuter tout de suite, c'est que les civilisations très avancées, ne voulant pas risquer qu'un concurrent apparaisse, préfèrent détruire les civilisations dont elles voient le signal, sans même rentrer en contact avec elles, en fait.
- Speaker #1
Tout à fait, et d'une certaine façon, c'est un des postulats aussi... de la philosophie politique moderne. Si vous voulez voir l'architecture de l'argument de Liu Xishin, lisez le premier livre du Léviathan de Thomas Hobbes, écrit au 17e siècle. Thomas Hobbes tente de refonder une théorie, disons, de l'État et de l'ordre social sur des bases que lui considère rationnelles. Et son point de départ, justement, c'est ... Ce qu'il appelle l'état de nature, c'est-à-dire un état où, comme disait Hobbes, chaque individu, non seulement peut prétendre à toutes les ressources, il n'y a pas d'entité, il n'y a pas de loi, il n'y a pas de gouvernement, il n'y a pas de police qui vous empêche de prendre ce que vous voulez prendre. Donc encore cette idée d'expansion infinie potentielle que Liu Qishin reprend très bien. Donc non seulement il y a ce potentiel d'expansion infinie, chez tout le monde, mais aussi même le plus faible peut blesser ou tuer le plus fort. Et Liu Xishin fait le pont là-dedans avec l'idée de l'explosion technologique. Même une civilisation ou même une planète où il y a simplement de la vie peut rapidement, par une courbe exponentielle, commencer à développer des capacités technologiques qui vont la rendre menaçante. Étant donné les distances énormes qui sont impliquées dans le voyage et dans la communication interstellaire, on va dire, une civilisation qui a l'air inoffensive au départ, par le temps que vous recevez le message, vous ne savez plus à quelle étape elle est rendue dans son développement technologique. Et si vous décidez d'entrer en contact avec elle, vous ne savez pas à quel niveau de développement elle va être rendue quand vous allez avoir parcouru les siècles nécessaires pour la rejoindre. Dans le roman, les trisolariens ont ce problème-là. Ils se lancent avec leur flotte à la conquête de l'humanité, mais ça va leur prendre 400 ans à arriver. Donc, ils se disent, où va en être l'humanité dans 400 ans ? Bon, c'est épeurant.
- Speaker #0
Tout en sachant que l'humanité sait que les trisolariens arrivent et donc, ils peuvent se mobiliser pour se développer dans un sens plutôt que dans un autre.
- Speaker #1
Oui, donc ce qui ramène au problème fondamental que tu mentionnais, c'est-à-dire que dans... cette espèce de matrice « est-ce que je suis bienveillant ou est-ce que j'attaque ? » Il y a une position d'équilibre selon Liu Xishin et selon Hobbes aussi, qui est attaquée, l'attaque préventive. Mais évidemment, le problème, c'est quand tout le monde pense comme ça, on se retrouve justement dans ce fameux état de guerre de tous contre tous. Et c'est là l'élément qui est important à la fois chez Hobbes et chez Liu Xishin qui a repris systématiquement cette idée-là, c'est que ça n'a rien à voir avec la nature intrinsèque des personnes. C'est pas d'être une personne ou une civilisation ou un groupe intrinsèquement bon ou agressif ou quoi que ce soit. Hobbes voit ça comme un point d'équilibre entre deux acteurs rationnels qui ne sont pas capables de communiquer. bonnes intentions l'un à l'autre. Et même quand ils le font, bien évidemment, il y a la possibilité de mentir, il y a la possibilité de dire « oui, oui, venez chez nous » . Par exemple, les plaques sur Voyager peuvent être vues comme une ruse en disant « bien oui, regardez, on est une espèce » . Et, entre parenthèses, les disques dorés ont soulevé aussi une controverse dans la mesure où ce ne sont que les bons aspects de l'humanité qui sont présentés. Notre haute culture, notre caractère accueillant, c'est mentionné nulle part qu'on a des armes nucléaires. Donc, une espèce qui reçoit ça, si elle est un peu calculatrice, va dire, « Ben, ouais, OK, ils nous ont envoyé une belle carte postale, mais... »
- Speaker #0
Est-ce qu'on y va vraiment ou est-ce qu'on... Oui, tout à fait. Alors, ce concept de forêt sombre, tu le disais, on peut l'appliquer, et tu l'as démontré, à cette philosophie politique. Ce qui est intéressant quand même dans le roman, parce que Il faut le savoir, les trisolariens étant conscients de ce que tu as raconté, c'est-à-dire les humains pendant 400 ans peuvent évoluer, par un système arrivent à bloquer notre évolution scientifique. Donc on peut continuer à développer des technologies sur base de ce qu'on a déjà découvert, ce n'est pas un problème, mais on ne peut pas découvrir de nouvelles choses et donc on a une espèce de barrière qui n'est pas franchissable. Et tu me le disais pendant la préparation, ce qui est intéressant avec cette série de romans, c'est qu'en fait, toutes les solutions, je vais dire, de philosophie politique qui ont été établies ces dernières dizaines d'années ou plus pour justement gérer ces situations, dès qu'on passe à l'échelle cosmologique, en fait, ça ne fonctionne plus.
- Speaker #1
Oui. Et en fait, si vous voulez vous en convaincre, faites juste regarder la difficulté qu'on a, ne serait-ce qu'à l'échelle planétaire. d'établir une gouvernance planétaire. À bien des égards, il y a des gens qui vont dire que les rapports entre les États sont encore des rapports d'État de nature. Là, on pourrait élaborer énormément, parce que c'est un champ absolument fascinant, mais je vais juste vous découper les quatre grands types de solutions qui ont été amenées et qui ont été répertoriées. Pour les personnes qui voudraient aller plus loin là-dedans, je vous recommande une oeuvre magistrale à mon avis. Elle date de 1996, mais encore largement indépassable peut-être. C'est un ouvrage en anglais qui s'appelle « The Cooperator's Dilemma » , « Le dilemme du coopérateur » . Donc la personne qui veut justement être allée vers les autres, etc., qui a une harmonie, quelles voies peuvent être prises ? Et l'auteur qui s'appelle Mark Irving Lischbach, Je nomme quatre grandes catégories de solutions. Donc, on va vraiment passer très rapidement là-dessus, mais c'est important qu'elles soient mentionnées. La première, c'est le marché. Donc, il y a cette idée-là, par exemple, la logique du marché, c'est une logique où les gens n'ont pas à s'aimer, n'ont pas à s'apprécier particulièrement. Ils ont juste à comprendre leur propre intérêt. Même si je ne vous connais pas, j'ai intérêt à nouer des liens, par exemple, d'échange avec vous. plus que des liens de guerre. Donc, la logique du marché, selon ce type de solution-là, ne requiert aucune hauteur morale ou aucune noblesse. C'est juste, OK, je comprends qu'en faisant des affaires, on va potentiellement faire avancer nos intérêts de part et d'autre. Donc, la logique du marché. Une autre logique qu'on trouve beaucoup, c'est la logique du contrat. C'est-à-dire, Vous vous engagez à avoir certains comportements, je m'engage à avoir certains comportements et on convient de sanctions possibles, etc. Donc la logique du contrat, ce que Jean-Jacques Rousseau a appelé le contrat social, est une autre avenue. Donc là, ce n'est pas juste l'intérêt brut qui entre en compte, il y a un intérêt à long terme. Oui, mon intérêt immédiat pourrait être de voler. Les 5 euros que vous avez dans vos poches. Mais mon intérêt à long terme fait que si j'entre dans cette logique-là avec vous, notre société va se désintégrer. Donc, le marché, le contrat, nouer une communauté, c'est-à-dire de développer une culture commune, c'est-à-dire des normes, des principes moraux qui vont régir nos interactions. Et la quatrième solution, c'est la hiérarchie. Simplement d'avoir un patron au-dessus de nous qui va... Maintenir l'ordre, c'était la solution privilégiée par Thomas Hobbes. Quelque chose qui est peut-être moins connu dans l'histoire, c'était aussi la vision initiale pour l'ONU. Les pacifistes des années 40, par exemple, militaient pour que l'ONU ait des armes nucléaires. que les casques bleus de l'ONU ne soient pas des soldats qui appartiennent à des pays, mais qu'ils soient véritablement une armée de l'ONU. Donc l'ONU aurait été cette espèce de gendarme de la planète avec les moyens à sa disposition pour faire plier les pays récalcitrants. Évidemment, pourquoi abandonner du pouvoir quand vous l'avez ? Donc les puissances n'étaient pas tellement chaudes à l'idée de... Donner leurs armes nucléaires à l'ONU, et on s'est ramassé avec un système beaucoup plus bâtard ou hybride où les logiques se mêlent. Mais notez que toutes ces solutions-là demandent des interactions multiples et soutenues. La logique du marché, si je fais une intervention ponctuelle, je peux parfaitement être un pirate. Le pirate ne veut pas développer des rapports commerciaux à long terme. il arrive, il paye se sauve et après ça va ailleurs. Donc, quand les rapports sociaux ne sont pas soutenus, ces solutions-là s'effondrent toutes d'une manière ou d'une autre. Le plus évident, c'est la communauté. Donc, on ne peut pas développer une morale commune, on ne peut pas développer des normes communes si on n'a pas une communication et des interactions soutenues. Donc, d'une certaine façon, Liu Cixin, je ne sais pas à quel point c'est conscient dans sa démarche ou à quel point il a réfléchi ça, mais Avec l'invention de sa discipline qu'il appelle la cosmo-sociologie, ce qu'il dit, c'est que quand on prend suffisamment de recul et qu'on voit, par exemple, une société à des dizaines ou des centaines d'années-lumière de nous, cette société-là peut être massivement simplifiée dans l'analyse. Si je regarde un système solaire qui est à quatre années-lumière de nous, je n'ai pas vraiment à l'analyser du point de vue de... des micro-coutumes et des croyances des gens, etc., je peux avoir un modèle très, très réduit, très, très simplifié de cette société-là. Donc, c'est un peu ce que la physique fait. Quand elle regarde un phénomène de loin, tout d'un coup, votre lapin peut être conceptualisé comme un cube. C'est comme il n'y a pas de... Donc, il fait la même chose. Et là-dessus, il s'inspire de tout un courant très lié aux questions dont on parle, qui s'appelle la théorie des jeux. là donc là La théorie des jeux, c'est justement ce champ du savoir qui s'est développé après les années 1940, où on tente de comprendre les interactions humaines complexes en termes de dynamique simple. Donc, le bluff, les paradoxes, etc.
- Speaker #0
J'ai d'ailleurs fait un très très chouette podcast sur la théorie des jeux avec un mathématicien de l'université, Thomas Brié. Donc, cher auditeur, cher auditrice, si tu veux en savoir un peu plus sur cette théorie des jeux, qui est aussi assez centrale dans ce dont on est en train de parler. et N'hésite pas à aller écouter cet épisode. Je n'ai plus le numéro de l'épisode en tête, mais je peux retrouver ça.
- Speaker #1
Et si vous voulez juste un point de connexion supplémentaire, Yu Sichin s'intéresse plus particulièrement au fameux dilemme du prisonnier.
- Speaker #0
Dont on parle dans l'épisode. Oui,
- Speaker #1
qui est peut-être le cas de figure le plus connu dans la théorie des jeux. Mais vous allez trouver la même dynamique où on est poussé vers une solution qui est défavorable pour tout le monde par la simple logique de l'arrangement. de la situation.
- Speaker #0
Alors, justement, à la lecture de ce livre de Mark Irving Ligback, à un moment dans le roman, les trisolariens et les terriens arrivent à une espèce d'équilibre, où on se dit OK, on ne fait plus rien chacun, on ne bouge plus l'un contre l'autre. Pour toi, ils sont dans quel dilemme, entre guillemets, d'équilibre ?
- Speaker #1
En fait, c'est ce qu'on appelle la dissuasion par la possibilité de la destruction mutuelle. En anglais, c'est le « mutually assert destruction » , le « mad » qui veut dire « fou » , qui est une figure, on peut dire, d'interaction stratégique qui est très présente dans la stratégie nucléaire. C'est-à-dire que pourquoi on n'a pas eu de guerre nucléaire, ce n'est pas parce que les gens s'entendent ou les gens sont devenus amis, C'est simplement qu'il y a un équilibre des forces qui fait que si quelqu'un bouge, l'autre va bouger. et on se détruit mutuellement. Donc, dans le problème à trois quarts, c'est le mécanisme de dissuasion, évidemment, c'est de signaler la position à la fois de la Terre et à la fois de la planète des trisolariens au reste de la forêt sombre. Donc, effectivement, cet équilibre-là va être atteint quand il va exister un mécanisme pour envoyer ce message-là.
- Speaker #0
Et est-ce que ça se met dans la catégorie contrat entre guillemets, il y a un contrat entre nous qui dit que si tu fais un pas, je vais révéler la position de tout le monde. Est-ce que ça se met là-dedans ou alors est-ce qu'on n'est pas dans ces mécanismes, dans ces quatre catégories que tu détaillais, je veux dire, pour une coopération ? En fait, ces catégories-là ne sont pas mutuellement exclusives. Souvent, elles vont se créer par couche. Et on le voit très bien aussi dans le roman. C'est-à-dire, le premier stade est compris dans la solution du marché. La solution du marché n'implique pas de liens sociaux particuliers. C'est juste l'intérêt bien compris. Et très rapidement, quand se met en place cette possibilité de dissuasion-là, très rapidement, la prochaine étape... Dans le roman, c'est l'espace de deux pages. On entame des négociations. Les trisolariens sont amenés à la table pour négocier. Et à partir de ce moment-là, s'installe un contrat avec encore des garde-fous, des façons de le faire respecter, etc. Donc, on passe de la logique du marché à la logique du contrat. Et même dans le troisième tome, on voit qu'il y a même la logique de la communauté. commence à émerger, où les trisolariens s'intéressent à la culture humaine, les humains s'intéressent à la culture trisolarienne. Il commence à y avoir des amitiés, des passages culturels entre les deux groupes. Donc, on voit cette évolution, on va dire, dans les rapports sociaux.
- Speaker #1
Et on voit aussi une espèce de peur qui s'installe, qui est que les trisolariens veulent partager leur culture. Une espèce de guerre culturelle underground pour essayer de faire basculer justement cet équilibre délicat d'un côté ou de l'autre. Et peut-être qu'on fait la même chose aussi. Donc, on sent que la situation est floue et tendue au final.
- Speaker #0
Oui, absolument. Parce que le problème fondamental n'est pas réglé. La compétition vraiment fondamentale entre les deux groupes, elle n'est jamais résolue. Donc, ça veut dire, en termes de gestion des conflits, on ne va pas à la racine du problème. on fait juste mettre des châpes de plomb. pour le contrôler. Tout à fait similaire à ce qu'on voit avec les modalités de gestion, par exemple, de l'arsenal nucléaire. Je veux dire, on n'a pas résolu aucun de ces problèmes, on a juste rajouté des couches. Puis effectivement, on va le voir dans le troisième tome, aussitôt qu'il y a une brèche qui s'ouvre, aussitôt qu'il y a une déstabilisation de cet ordre compliqué-là, les trisolariens vont tout de suite prendre l'initiative et enlever la capacité de dissuasion des terriens. Il va y avoir un événement qui fait qu'il y a un changement de garde dans le rôle du porteur d'épée. Le porteur d'épée est justement l'arbitre d'une certaine façon qui peut déclencher la destruction mutuellement assurée. Il va y avoir une transition dans le rôle, c'est une autre personne qui le prend. Et les trisolariens profitent de cette période d'instabilité, de flou, tout de suite pour enlever les capacités dissuasives de l'humanité. et là c'est C'est l'invasion trisolarienne au cube qui se déroule.
- Speaker #1
Alors, dans le roman, très tôt, l'auteur indique que le pays qui rentrerait en premier en contact avec une race extraterrestre aurait en fait un avantage décisif sur tous les autres. Anthropologiquement, est-ce que ça a du sens ? Est-ce que c'est une liberté, je vais dire, de l'auteur pour faire en sorte que son récit se mette en place ? Qu'est-ce que tu peux nous dire là-dessus ?
- Speaker #0
En termes simplement de calcul rationnel, effectivement, ce que des gens ont reproché à la théorie de la forêt sombre, c'est le refus qu'elle a de prendre en compte le calcul de risque. C'est-à-dire que la stratégie de simplement détruire tous les compétiteurs potentiels, c'est une stratégie, d'une certaine façon, à zéro risque. Si vous êtes une civilisation hyper avancée qui peut tirer sur tout le monde en toute impunité, mais à la fin du deuxième tome, là, il y a une fenêtre d'ouverte. Liu Xixin dit, à travers ses personnages, on pourrait quand même imaginer qu'on soit prêt à prendre une certaine quantité de risques au cas où on pourrait tirer des bénéfices de cette rencontre-là. Et dans les contacts par exemple dans le monde colonial qu'on a vu, souvent, on va voir cette dynamique-là. C'est-à-dire que si vous savez que vous êtes en supériorité militaire, si vous savez que Vous avez la possibilité de dominer. Pourquoi pas essayer de gagner un avantage de la relation ? au lieu de tout de suite arriver et d'exterminer, de dire, OK, essayons de voir si on ne peut pas trouver un terrain d'entente. Donc, la logique du marché s'enclenche assez facilement quand il y a une asymétrie aussi. Elle s'enclenche quand il y a une égalité, parce qu'on ne veut pas s'autodétruire, mais quand il y a une grande asymétrie, je n'ai pas grand-chose à perdre finalement si je tente d'établir des liens d'échange avec un groupe qui n'est pas une menace pour moi. Dans le contexte colonial, ce qu'on a vu souvent, c'est que les groupes qui ont fait ce premier contact-là, dans certains cas, ce n'est pas une règle générale, certainement pas, mais dans certains cas, les groupes où il y a eu ce premier contact-là, ont réorienté l'envahisseur vers leurs adversaires. En Méso-Amérique, par exemple, c'est quelque chose qu'on peut observer, donc la puissance régionale. À la fin du 15e siècle, au début du 16e siècle, la puissance régionale en Mésomérique était les Aztèques. Donc l'Empire aztèque, ou l'aristocratie aztèque, tirait du tribut de plein d'autres groupes qui étaient voisins. Donc quand les Espagnols sont entrés en contact avec ces groupes-là, des groupes qui étaient déjà en conflit avec les Aztèques à un degré ou l'autre, les groupes ont dit « mais regardez, on a des alliés puissants qui arrivent et on peut... » essayer de les instrumentaliser d'une façon ou d'une autre. Évidemment, en bout de ligne, tout le monde a été conquis, mais la période du premier contact est une période où, effectivement, les adversaires des Aztèques ont facilité, on va dire, la marche des Espagnols vers la capitale aztèque. Regarde, on va vous donner de l'information, on va vous donner un peu une cartographie de qui est qui, etc. Et il y a des groupes qui se sont carrément alliés. espagnoles pour faire avancer ce qu'ils croyaient être leur meilleur intérêt, parce que c'était leur meilleur intérêt dans le monde pré-colombien.
- Speaker #1
Le pays qui rentrerait en contact avec une race extraterrestre pourrait jouer de ses relations et dire « Regardez, cet autre pays, en fait, il crée toujours des problèmes et donc, si on arrivait à le pacifier, on pourrait vraiment créer une dynamique avec vous. » Des choses de ce type-là.
- Speaker #0
Ou une logique de collaboration, simplement dire « Vous êtes des extraterrestres, vous n'avez aucune information sur notre monde. Je peux vous en fournir.
- Speaker #1
Tout à fait. Alors, un autre élément qui est quand même assez intéressant, je pense, d'en discuter dans l'épisode, que l'on retrouve dans le roman, dans les romans du problème à trois corps, c'est le programme Colmateur. Donc, à un moment donné, l'humanité étant face à un mur, donne plein pouvoir à trois personnes pour trouver des solutions complètement inédites. Ils ont un mandat et un crédit complètement illimités, pratiquement, donc ils demandent et ils ont. Qu'est-ce que ce programme colmateur ? Parce que ce programme colmateur est très extrême. On va le voir dans les solutions qui sont proposées. Il y a des solutions, au final, c'est détruire le système solaire et comme ça, ils ne peuvent pas venir et ils se retrouvent tout seuls dans l'espace. Et en tant qu'espèce, on les a bien défoncés. Enfin, c'est un peu paradoxal parce que cette solution-là est proposée. Qu'est-ce que ça dit, en fait, de notre vision de la politique, de notre vision de la société, ce programme colmateur ? Et au final, je précise un peu ma question, c'est comment on peut comprendre cette tension qu'on voit aussi très très bien maintenant entre une transparence démocratique et une gouvernance que je vais appeler d'exception, mais qui n'est peut-être pas si d'exception que ça parce que ça dure très longtemps, mais une gouvernance beaucoup moins transparente, mais qui a pour objectif, soi-disant, de trouver la solution à notre problème.
- Speaker #0
Ben, ce dont on parle depuis le début... peut se résumer sous le grand parapluie de ce qu'on appelle les interactions stratégiques. Les interactions stratégiques, c'est des interactions entre deux groupes ou deux individus qui sont dotés de pensées, qui sont dotés de capacités de planifier et tenter de détourner. Une partie d'échec, par exemple, c'est une interaction stratégique très purifiée. Ce qu'on sait des interactions stratégiques, souvent, c'est que pour les remporter, Il ne s'agit pas nécessairement d'être plus intelligent que l'autre, mais il s'agit surtout d'être capable de lire l'autre. Et si vous voulez l'exemple parfait, à mon avis, de ça, c'est le roman, la nouvelle, disons, d'Edgar Allan Poe, La lettre volée. Donc, je ne sais pas si tu connais, mais c'est…
- Speaker #1
Tu peux nous résumer très vite le concept de cette lettre volée ? Oui,
- Speaker #0
c'est extrêmement simple. C'est une histoire de détective, une sorte d'histoire à la Sherlock Holmes, mais avant Sherlock Holmes. Donc, il y a le détective et il y a son adversaire, si tu veux, et on est à la recherche d'une lettre, la lettre qui va dénouer toute l'énigme. Et évidemment, la question est, en bout de ligne, l'adversaire est tellement sophistiqué, on va dire, qu'il laisse la lettre à la vue sur une table. Parce qu'il se dit, mon adversaire... croit que je suis quelqu'un de très sophistiqué et que je vais cacher la lettre vraiment dans l'endroit le plus difficile d'accès. Évidemment, le détective passe toute l'histoire à chercher dans les cachettes les plus sophistiquées, les plus improbables, etc. Et là, son adversaire dit « Ah, je t'ai eu, parce que tu croyais que j'étais tellement intelligent et sophistiqué que tu as juste cherché dans des cachettes sophistiquées. Donc, en ayant une cachette simple, je t'ai déjoué. » Et là, il se lance comme ça dans une escalade. Donc, vous voyez que c'est une logique qui peut aller à plusieurs niveaux. Donc, en disant, OK, tu crois que je suis bon pour dissimuler, donc tu vas aller dans les recherches des cachettes compliquées, je le mets dans une cachette simple, mais tu dis, peut-être que je vais être plus intelligent que lui, et je sais qu'il va aller dans une cachette simple. Donc, tu vois, c'est un cycle infini d'escalade. Donc, la conclusion de Poe, c'est de dire, en fait, ce n'est pas cachette simple ou cachette compliquée, c'est de savoir exactement quel est le niveau de capacité stratégique de ton adversaire. Donc, Liu Xishin reprend ça vraiment à la lettre, d'une certaine façon, avec son projet colmateur, parce que les trisolariens ont la capacité de tout entendre. Donc, C'est impossible d'avoir une stratégie explicite. On va passer par A, par B, par C. Les trisolariens vont le savoir tout de suite. Donc, il faut trouver une façon de les déjouer. Et la façon, comme tu dis, qu'ils ont trouvé, c'est d'avoir des gens qui élaborent uniquement la stratégie dans leur tête. Les colmateurs ne verbalisent jamais leur stratégie. Mais surtout, cette stratégie-là ne doit pas être décodable dans les comportements. Ils doivent créer de la confusion. simplement une réponse au petit détour que je viens de faire à travers la lettre volée. C'est-à-dire que quand vous brouillez le message, votre adversaire ne sait plus qu'est-ce que vous allez faire, vous avez gagné. Là, vous avez une prise sur lui parce qu'il n'est plus capable d'anticiper vos mouvements. Donc, cette dimension-là, elle est très intéressante parce qu'il y a plusieurs colmateurs, dont des experts de stratégie, mais qui vont avoir des comportements très transparents. Donc, chaque... Colmater a son adversaire qui s'appelle le fissureur. Donc le fissureur, c'est l'adversaire qui doit...
- Speaker #1
Et qui est un humain, d'ailleurs. Donc c'est un humain qui est en relation avec les trisolariens. Donc il faut comprendre aussi la dynamique qui se crée. C'est les fissureurs veulent que les trisolariens arrivent.
- Speaker #0
Absolument. Et à des moments particuliers dans le roman La forêt sombre, évidemment, le fissureur, quand il croit avoir compris quelle est la stratégie de son adversaire, ... il le confronte. Donc, il va simplement le rencontrer et lui dire, OK, voici ton plan. J'ai compris ton plan et voici ce qu'il est. Et à partir du moment où le fissureur a dit ça, les trisolariens l'ont entendu, et ayant une dominance technologique énorme comme ils ont, bien, une fois qu'ils connaissent le plan, bien, ils ont tous les moyens possibles pour le déjouer. Donc, il reste juste Luogji. qui est le seul qui a des comportements en apparence tellement irrationnels, étranges, que les trisolariens ne sont pas capables de décoder qu'est-ce qu'il veut exactement accomplir. Et on pourrait trouver des exemples dans le monde actuel, justement, de comportements stratégiques, mais qui sont totalement basés sur l'irrationalité, pour essayer tout le temps, justement, de déstabiliser.
- Speaker #1
Ça fait bête. Pour être très clair, c'est un peu ce qu'on peut voir aux États-Unis, j'ai l'impression. C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de mesures qu'on ne comprend pas. On se dit « mais pourquoi ils font ça ? » Et ça crée une ambiance de chaos et d'incompréhension qui fait que les mesures qui sont réellement importantes pour eux à faire passer, elles sont dans un marasme d'autres mesures et c'est donc très, très difficile de les identifier.
- Speaker #0
Oui, avec la nuance que créer le chaos, c'est une chose. Évidemment, le chaos est imprévisible, mais aussi, Par être irrationnel, en est une autre. C'est-à-dire que stratégiquement, c'est semblable, mais la stratégie qu'on voit aux États-Unis, c'est qu'on crée le chaos et on essaie de voir quel avantage on peut tirer de la situation imprévisible qui émerge de ça. Ici, ce qu'on a, c'est justement que l'UOJ ne crée pas le chaos, mais en même temps, il a une stratégie qui porte... Des tripes, on pourrait dire, c'est-à-dire que lui-même n'a pas tellement bien cerné qu'est-ce qu'il veut faire, mais il suit une intuition. Et en fait, plus qu'une intuition, parce qu'au début, au roman La forêt sombre, où il rencontre justement Yehuenji, qui lui place un peu les germes de ce qui va devenir la cosmo-sociologie, ce qu'on vient d'expliquer, qui lui place les germes de... Des idées fondamentales qui vont permettre de conceptualiser la forêt sombre, de conceptualiser... Mais l'Uoji n'a pas... c'est pas encore clair dans sa tête, mais il se laisse guider un peu par son intuition à travers tout ça. Donc c'est pour ça qu'il est très difficile à anticiper.
- Speaker #1
Alors, on le voit dans le livre et on en a déjà parlé, il y a vraiment une instance qui prend le pouvoir sur l'humanité en entier pour faire en sorte que le plan se déroule. ou que les plans se déroulent correctement. On va revenir un petit peu dans notre monde réel, parce que quand on lit le problème à trois corps, on remplace les trisolariens par les enjeux socio-écologiques, et on a un roman de science-fiction sur la gestion des crises écologiques qu'on vit à l'heure actuelle. Qu'est-ce que ce roman nous dit ou nous dit pas sur notre incapacité ou notre capacité à unir l'humanité pour sauver la planète, en fait ?
- Speaker #0
En fait, on en a parlé, mais c'est important de le souligner. On pourrait dire que le roman insiste beaucoup sur les effets non prévus des stratégies qu'on met en place. C'est facile d'être devant une page blanche et d'écrire... Votre vision de la société du futur qui aurait dépassé la transition énergétique, par exemple. Donc, dans l'abstrait, sur une page blanche, c'est facile de voir ça. Comme on dit, le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions. Souvent, chaque geste qu'on pose a des conséquences qui sont imprévues. Et ces conséquences-là, en interaction avec ce que les autres gens essayent de faire, peut-être qu'eux partagent exactement la même... le même objectif que vous, mais par des moyens différents. Et là, il y a de l'interférence entre les deux. Et graduellement, on entre dans des dynamiques plus chaotiques. Donc, Liu Xishin parle de détail de son écriture. Le roman est très... Bon, premièrement, les trois tomes, ça fait quand même une bonne masse de narration. Mais il entre tellement dans les détails qu'il permet de mettre en évidence toutes ces complexités qui émergent et le fait que, justement, Ah bon ? Avoir des objectifs collectifs, travailler ensemble, c'est un défi plus grand qu'on l'imagine souvent parce qu'on peut juste penser à partir de ce que c'est que d'agir en tant qu'individu souvent. Si moi, je veux me lever et aller me chercher un verre d'eau, je n'ai pas 18 000 interactions qui vont m'empêcher de le faire. C'est une action simple avec un but, des moyens, etc. Et c'est ça souvent qui introduit une certaine frustration. Chez les gens qui veulent faire des changements à grande échelle, parce qu'on conçoit ces changements-là d'une manière trop linéaire. Et c'est là que penser en termes d'interaction stratégique est extrêmement important. Et Liu Xishin montre bien qu'à travers ça, en plus, il y a toute la question de la confiance qui doit se développer entre les personnes.
- Speaker #1
Et deux points où je réagis par rapport à ce que tu dis, c'est ce qui est intéressant, c'est que dans le roman, on voit aussi l'évolution au cours du temps, parce que ça va prendre 400 ans. Donc il y a même un moment où les gens pensent que c'est faux, que les trisolariens ne vont jamais arriver, que c'était une espèce de complot. Ça ne dure pas très longtemps dans le bouquin, mais il y a cette période-là. Il y a un autre moment où les gens disent « Non, qu'ils viennent. Au final, je ne vois pas quel est le problème. On peut certainement vivre ensemble. » Il y a vraiment différentes étapes et on traverse toutes ces étapes pour montrer que ce n'est pas monolithique non plus. Il n'y a pas un jour une décision qui a été prise par une personne ou par un groupe de personnes et tout le monde s'y est conformé. Il y a aussi des groupes qui sont pour les trisolariens et qui essaient de noyauter toutes les mesures qui sont prises pour permettre aux trisolariens d'arriver. Donc, c'est un roman très complexe. J'ai quelques potes qui m'ont dit, « Ben ouais, c'est quand même pas facile à lire comme truc, etc. » C'est de la art science fiction, donc on est sur quelque chose d'assez lourd. Mais en même temps, le détail est vraiment très, très important et nous nourrit dans nos réflexions.
- Speaker #0
Absolument. Et le lire dans une logique tout le temps de renversement de situation. C'est-à-dire, on pense que ça va bien, hier bout où l'humanité commence à croire très clairement qu'ils ont la capacité de vaincre la flotte des trisolariens. Les trisolariens ont 1000 vaisseaux, l'humanité réussit à en construire 2000 à un moment donné, et là tout de suite on voit que l'urgence, la menace étant moins grande, ben justement, les gens commencent à se désengager du projet, en disant, ben là, ok, finalement, on a notre flotte, on va... On va battre les tris solariens. Donc, nous, on arrête de mettre des ressources dans le projet. On arrête de penser à ça et on pense à autre chose, alors qu'ils avaient mal calculé.
- Speaker #1
En sachant aussi que les flottes deviennent parfois un peu indépendantes par rapport à la Terre. Il y a vraiment tout un jeu extrêmement intéressant de politique et humain qui se met en place. Alors, justement, peut-être une dernière question par rapport à tout ça, c'est à un moment, l'humanité est confrontée à différents choix, soit complètement isoler le système solaire, je vais pas rentrer dans les détails de comment elle veut le faire, mais complètement l'isoler, donc plus rien de l'extérieur ne pourra venir. Ce sera impossible physiquement. À un autre moment, ils le disent, c'est une citation du tome 3, sacrifier des milliards ou s'éteindre ensemble, donc juste sauver quelques personnes pour que l'espèce humaine soit toujours là, tout en sacrifiant des milliards pour faire croire qu'elle a disparu. Qu'est-ce qui, au final, fait que l'humanité va rester humaine ? Comment cette humanité va se positionner par rapport à tout ça ?
- Speaker #0
Premièrement, il y a le trop habituel ou la menace externe. qui solidarise l'humanité dans une grande partie. Donc là, il y a aussi comment l'humanité devient une force commune pendant un moment, même comme tu le dis ici, il y a quand même des groupes à l'intérieur de l'humanité qui sont prêts à donner les clés de la maison aux trisolariens. En général, on voit émerger un renforcement de l'ONU, par exemple, le secrétaire général de l'ONU gagne un rôle beaucoup plus important, etc. Mais plus fondamentalement, il y a la qualité de l'expérience humaine. Et ça, justement, le roman explore beaucoup cette question-là qui se pose dans un contexte de catastrophe écologique peut-être aussi, c'est-à-dire quel niveau de survie est acceptable pour l'humanité. Et là, eux, étant confrontés à une menace externe très forte, ils vont dire que c'est ça. Une poignée d'humains qui vit dans un vaisseau à la dérive est peut-être tout ce que l'humanité peut espérer, disons, dans ce contexte-là. Donc, la morale qui vaut de nos jours, disons, devient de plus en plus questionnée. Par exemple, est-ce qu'il est acceptable de faire des sacrifices de grandes populations, etc. Donc, on voit vraiment qu'il y a toute cette couche, on peut dire, subjective Ausha. choix stratégique qui doivent être faits, c'est-à-dire, OK, si je fais ce choix stratégique-là, qui est-ce que je deviens à travers ce choix-là ? Qui est évidemment tout à fait présent dans nos interactions stratégiques depuis toujours. La décision de larguer deux bombes atomiques sur le Japon a changé irrémédiablement la société américaine, par exemple. Ou même la perception qu'on a de l'humanité, que les humains soient capables de faire ça.
- Speaker #1
On arrive tout doucement à la fin de l'épisode. Et donc, question un peu plus, je vais dire, méta. À ton avis, qu'est-ce qui fait que ces romans fascinent tant aujourd'hui ? Parce que l'œuvre, elle a été, je revérifiais, publiée en 2006 sous forme de série livresque, j'entends, dans un magazine. Et ensuite, c'est publié intégralement en 2008. Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui, on en parle autant ? Parce que c'est vraiment devenu, je vais dire, une œuvre dont on a tous entendu un minimum parler.
- Speaker #0
Une des raisons, c'est qu'on voit depuis un certain nombre de décennies, certainement depuis la fin des années 1990, une diversification quand même très rapide de la science-fiction. Je me rappelle d'avoir participé à des discussions dans les années 90 où les gens disaient que la science-fiction est morte. La science-fiction est un genre qui est mort parce qu'elle ne fait que se répéter elle-même. Parce qu'évidemment... Je dirais que ce n'était même pas juste de la science-fiction occidentale, c'était très massivement de la science-fiction anglo-saxonne, avec le temps qui se répète un peu, où les tropes sont bien établies, etc. Et ce qu'on a vu dans ces décennies-là, c'est les science-fictions d'ailleurs au monde s'affirmer. et la science-fiction latino-américaine. On parle d'afro-futurisme qui surgit de la diaspora africaine et de plus en plus d'Afrique elle-même, etc. La science-fiction chinoise, même si elle est dans le paysage depuis un bout de temps, arrive avec des postulats différents. Donc, il y a ce vent de renouveau-là. Je pense qu'il intéresse beaucoup le public et le public de la planète parce que ça vient un peu amplifier, élargir nos horizons de science-fiction. Ce n'est pas la trilogie du problème à trois quarts et n'a pas une fin glorieuse pour l'humanité. pas une fin hollywoodienne nécessairement là-dedans. L'idée, justement, du repli plutôt que constamment d'être le conquérant est intéressante parce que justement, elle est basée sur d'autres sensibilités culturelles, etc. La précaution, disons, qui n'est pas présente du tout dans la science-fiction classique américaine conquérante, etc. Donc, à mon avis, il y a ça. une question de contexte et d'élargissement un peu de notre gamme de science-fiction.
- Speaker #1
À ton avis, est-ce que Liu Xixin, dans son roman, il veut nous passer un message, entre guillemets ? Est-ce qu'il y a un message porté par la trilogie ou plusieurs messages qui te paraissent peut-être importants de mettre en évidence à la fin de cet épisode ?
- Speaker #0
Oui. Il y a un anti-héroïsme dans le roman. Je pense que le message reste quand même très humain en bout de ligne, c'est-à-dire euh À travers, même des fois, des attentes messianiques envers le colmateur, par exemple, etc., il y a toujours un refus de ce rôle-là. Et il y a cette idée que, finalement, c'est pas juste l'idée que la petite Jean va sauver le monde, c'est pas le Seigneur des Anneaux où les hobbits sauvent le monde, c'est vraiment un monde plus adulte où les gens sont conscients de leurs limites. où les gens qui vont faire une différence, comme Luigi, est conscient de sa fragilité, est conscient de l'imperfection des solutions qu'il apporte. Et ça, je pense que c'est un thème qui traverse l'ensemble de la trilogie, certainement.
- Speaker #1
Alors, on arrive tout doucement à la fin de l'épisode. Tu le sais, tu as déjà participé plusieurs fois à nos podcasts. On termine tout le temps par une citation qui évoque un petit peu tout ce dont on a parlé. Tu l'avais préparée en avance, donc c'est super. Est-ce que tu peux nous la partager ? Oui,
- Speaker #0
c'est une citation d'Emmanuel Kant. On a parlé de plusieurs solutions possibles. Donc, Emmanuel Kant a écrit un livre qui s'appelle « Vers la paix perpétuelle » , T-Tardy ! Des ouvrages fondateurs de cette vision de la paix par l'intérêt bien compris. Et dans le livre, il va dire, bon, la question de la paix n'est pas insoluble, même pour un peuple de démons, pourvu qu'il soit doté d'entendement. Donc, quand il disait, si les démons sont rationnels, je vais réussir à les faire vivre ensemble. Très bien.
- Speaker #1
Eh bien, si, auditeur ou auditrice, tu n'as pas encore lu Le problème à trois corps, j'espère que ça t'aura donné envie de le lire parce que, Moi, c'est une œuvre que j'ai trouvée extrêmement intéressante. Et comme l'a dit Martin, elle est riche de détails. Alors parfois, certains diront qu'elle est trop riche de détails. Mais justement, c'est ces détails qui font, pour moi, toute la saveur de l'œuvre et qui nous permettent aussi de réfléchir sur les choix que ferait notre société humaine confrontée à ces situations. Je trouve que ça, c'est très intéressant. Et si tu avais déjà lu, cher auditeur, cher auditrice, Le problème à trois corps, j'espère que ça t'a permis aussi de mettre en perspective certains moments clés dont on a parlé avec Martin. Bien entendu, je te retrouve dans deux semaines pour le prochain épisode de Science, Art et Curiosité. Et jusque-là, Martin, je te souhaite une très bonne journée.
- Speaker #0
Pareillement, ça a été un grand plaisir. Merci pour l'invitation.
- Speaker #1
Et chers auditeurs, chères auditrices, comme je le disais, à dans deux semaines pour le prochain épisode de Science, Art et Curiosité. Passe une belle journée. Tu viens d'écouter un épisode du podcast du MUMONS. et franchement j'espère qu'il t'a plu. D'ailleurs, si en passant tu veux me faire un retour ou si tu as des idées d'amélioration, surtout n'hésite pas à nous contacter. Tu peux aussi devenir notre ambassadeur et faire découvrir ce podcast tout autour de toi. Si tu as des idées de sujets ou si tu souhaites enregistrer un épisode, surtout n'hésite pas à nous contacter. Rendez-vous sur le site internet mumons.be ou sur la page Facebook du Mumons.