- Speaker #0
Lorsque ce petit bolide atteindra 88 miles à l'heure, attends-toi à voir quelque chose qui décoiffe.
- Speaker #1
Ce qui place votre zone d'atterrissage à 5,0667 degrés de latitude nord et 77,3333 de longitude ouest.
- Speaker #0
Rien de tout ça derrière. Qu'est-ce que le réel ?
- Speaker #2
La seule variable constante est l'inattendu. On ne peut pas la contrôler. Je crois que vous êtes encore pire que ces créatures. Elle, elle n'essaie pas de se massacrer entre elles pour tirer le plus gros paquet de fric.
- Speaker #0
Voyons si une capacité de poussée de 10% permet le décollage. Et 3, 2, 1...
- Speaker #3
Chers auditeurs, chères auditrices, je te souhaite la bienvenue dans ce nouvel épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du Lumons. Je continue la série d'épisodes spéciaux en collaboration avec la chaire de Lumons, ingénieur Objectif Transition, dans laquelle nous abordons les enjeux socio-écologiques. Alors cette série coexiste avec un ensemble de conférences proposées par la chaire et qui sont mises en ligne sur la chaîne YouTube du Mumons, entre autres. En fait, plutôt que de faire une séance de questions-réponses à la fin de chaque conférence, les organisateurs récoltent toutes les questions et j'en fais un podcast. C'est l'épisode que tu vas écouter aujourd'hui, et pour les habitués, tu le sais, je me réserve quand même quelques questions perso sous le coude. C'est ainsi qu'aujourd'hui, suite à la conférence intitulée « De la performance à la robustesse » , que tu peux déjà retrouver sur la chaîne YouTube du MUMON, ça comme je le disais, j'accueille Olivier Hamant. Salut Olivier !
- Speaker #4
Bonjour Maxime !
- Speaker #3
Comment vas-tu ?
- Speaker #4
Tout va bien, tout va bien, c'est l'été !
- Speaker #3
Alors, en quelques mots, peux-tu me dire qui est Olivier Hamant ?
- Speaker #4
Je suis chercheur, biologiste, je travaille sur le développement des plantes avec des approches plutôt biologie cellulaire, biophysique et je travaille beaucoup sur la question de la robustesse en biologie végétale mais du coup ça déborde ce cadre-là et donc j'en parle beaucoup pour les organisations en général.
- Speaker #3
Justement, tu parles de robustesse, c'était dans le titre de la conférence. C'est un concept très important et très central par rapport à ce que tu expliques. Sans refaire toute la conférence, est-ce qu'en trois minutes, tu peux nous dire en quoi consiste la robustesse ?
- Speaker #4
Oui, c'est une équation toute simple. La première étape, c'est de réaliser que le monde devient très fluctuant. C'est les méga-feux, les méga-inondations. Tout devient de plus en plus variable. C'est ce que disent tous les scientifiques et on commence à le vivre vraiment. On rentre dans le monde fluctuant. Ce monde fluctuant, comment on fait pour l'habiter ? Là, on met de la robustesse. La robustesse, c'est maintenir le système stable et viable malgré les fluctuations. Ça veut dire que quand on est dans un monde fluctuant, il faut être robuste pour vivre et survivre, mais juste vivre. C'est là où la robustesse du vivant s'invite, parce que les êtres vivants sont robustes. C'est là où il y a mon petit lien à mon travail de chercheur en biologie.
- Speaker #3
Avant de s'attaquer aux questions qui ont été récoltées durant la conférence, moi j'en ai deux petites que je trouve... toujours intéressante de poser dans ces podcasts, c'est est-ce que tu voudrais nous partager un échec écologique, pas nécessairement que tu as vécu, ça peut être un échec que tu connais, mais qui te semble important de le partager en fait avec l'ensemble des gens ?
- Speaker #4
Ce que tu entends par échec écologique, je vais prendre un exemple, la maladaptation. Alors pour le coup, il y en a beaucoup d'exemples, je peux juste prendre l'exemple de la voiture électrique. La voiture électrique, on peut dire que c'est très bien l'électricité parce que ça permet de s'autonomiser, on n'est pas en... plus, c'est une question de souveraineté aussi, on dépend plus du pétrole lointain, etc. Donc la voiture électrique a plein de valeurs à ajouter, mais quand on fait des voitures électriques, et on fait juste des voitures électriques, en fait on ne change pas le système. Donc il y a toujours autant d'autoroutes, de garages, etc. Et qu'est-ce qui se passe ? Effet rebond, on va faire des SUV électriques, parce qu'en fait on est toujours dans la même logique. Donc la vraie adaptation, enfin la bonne adaptation, c'est pas la voiture électrique, c'est la voiture légère, partagée, réparable. Et après, qu'elle soit électrique, très bien, mais... C'est d'abord légère partagée réparable.
- Speaker #3
Alors, à l'opposé, entre guillemets, si je peux me permettre cette expression, une réussite écologique qui te donne de l'espoir ?
- Speaker #4
Alors, il y en a beaucoup. Et c'est positif ? Oui, exactement. Je vais peut-être prendre un truc un peu générique, parce que je ne veux pas non plus pointer du doigt ou mettre la lumière trop sur quelqu'un, mais peut-être sur le retour de l'agroécologie, notamment en Europe. C'est qu'en fait, ça, c'est un vrai succès. C'est quelque chose qu'on pratiquait avant la Seconde Guerre mondiale, finalement, sans trop le dire. Ça ne s'appelait pas de l'agroécologie, mais il y avait beaucoup d'agroécologie. On s'est fait un petit peu avoir par l'agriculture intensive, la monoculture, la perte de biodiversité cultivée. Et Altieri, Amérique du Sud, relance l'agroécologie en Amérique du Sud. Et nous, en fait, on s'en inspire. Et donc aujourd'hui, c'est en train de se déployer très fort. Ça, c'est une véritable réussite et ça ne va pas s'arrêter.
- Speaker #3
Pour que tous les termes soient bien définis, tu peux nous définir rapidement, c'est quoi l'agroécologie ?
- Speaker #4
Oui, alors l'agroécologie, en fait, c'est considérer son agro-système comme un écosystème. L'agro-système, c'est un champ de blé, ça peut être un élevage. Si on considère ça comme un écosystème, ça veut dire qu'il faut qu'il soit totalement autonome et circulaire. Donc ça veut dire typiquement qu'on ne dépend plus des engrais, des pesticides, de l'irrigation. C'est toute la biodiversité cultivée qui doit fournir tous ces services écosystémiques.
- Speaker #3
Très bien. On va passer aux questions qui ont été réassemblées. Donc la première, en fait, s'appuie sur un concept que tu as défini durant la conférence. Et donc tu disais que l'efficacité c'était la somme de l'efficience et de la performance. La personne se demandait si ça ne devrait pas plutôt être le produit de l'efficience et de la performance. Pourquoi la somme plutôt que le produit ?
- Speaker #4
Oui, alors moi je disais que la performance c'est la somme de l'efficacité et de l'efficience. Juste pour le... L'efficacité c'est atteindre son objectif et l'efficience avec le moins de moyens possible. C'est pour ça que c'est une addition, parce qu'en fait quand on fait la phrase, c'est vraiment on atteint son objectif avec le moins de moyens possible. On peut imaginer ça comme un produit, évidemment, que c'est une façon de le modéliser, presque de façon algorithmique, j'ai envie de dire. Mais une addition va très bien. En fait, c'est « et » , ce n'est pas « fois » .
- Speaker #3
D'accord. Alors, encore une fois, chers auditeurs, chères auditrices, les questions coexistent avec la conférence. Donc, si tu te demandes d'où viennent les questions, ne pas hésiter à aller voir la conférence qui est sur YouTube, parce que là, toutes les connexions seront effectivement bien faites. Alors, c'est un peu particulier comme question. Il y a une espèce de paradoxe, j'ai l'impression. c'est comment on peut progresser, comment on peut mesurer notre progrès dans la robustesse et comprendre si on est sur le bon chemin ou si on se trompe. Parce que justement, dans la conférence, tu donnes des exemples de personnes qui pensent bien faire et qui, en fait, ne le font absolument pas bien.
- Speaker #4
Un bon critère pour ça, c'est le fameux stress test. Pour savoir si le progrès est sur la bonne voie, il faut, de façon virtuelle, faire fluctuer un des paramètres. Donc ça peut être le prix du pétrole plus élevé, une méga inondation dans le territoire, enfin des choses comme ça, et on voit si ça tient la route. Si ça tient la route, ça veut dire que c'est robuste. Et puis évidemment, il faut aussi se poser la question, est-ce que mon projet est au service de la robustesse du territoire ? C'est que si mon projet tient la route, très souvent, c'est qu'il prend soin aussi de la robustesse du territoire.
- Speaker #3
Et justement, ce stress test, parce que là, c'est assez théorique, on fait varier un paramètre, et voilà, nous en tant qu'ingénieurs, entre guillemets, ça nous paraît un peu évident, c'est ce qu'on fait aussi dans des modélisations. mais est-ce que tu as vu ce stress test ? être réalisé par des entreprises, par des États, etc., pour justement mesurer cette robustesse et pouvoir tirer des leçons de ce stress test ?
- Speaker #4
Alors, l'exemple le plus caricatural, c'est après la crise financière de 2008. On a généralisé et même imposé les stress tests aux banques. Parce qu'en fait, on avait lâché l'affaire. On les avait laissés faire un peu tout et n'importe quoi. On l'a fait plusieurs fois dans l'histoire de la finance, mais là, c'est incaraissant. Et donc, on a fait des stress tests, on a imposé des stress tests aux banques. De plus en plus, ces stress tests vont être généralisés. Il y a déjà des entreprises qui le font régulièrement. Surtout d'ailleurs, le cas typique, c'est les entreprises ou les organisations qui sont dans des systèmes très complexes et très couplés. C'est ce que Charles Perrault appelait l'accident normal. L'accident normal, c'est quand on est dans une organisation qui fait des choses très complexes, très couplées, on est sûr qu'il y aura un accident. Donc, comment on fait pour ne pas qu'il y ait d'accident ? En fait, on découple, on désoptimise. Et du coup, les stress tests permettent de savoir qu'est-ce qu'il faut découpler. Donc typiquement, une centrale nucléaire n'a pas les dernières applications informatiques, parce qu'on n'a aucun recul dessus, donc on fait quelque chose de bien moins optimisé, mais par contre, c'est plus robuste.
- Speaker #3
Alors, on le sait, la performance est omniprésente dans notre monde. On est driveé pour penser comme ça à l'heure actuelle. L'idéal, ce serait de remettre de la robustesse là-dedans. La personne se demandait, et c'est connecté aux questions d'après, est-ce qu'au final, en fait, l'humanité, depuis la nuit des temps, n'occipe pas entre des périodes de performance et des périodes de robustesse, et qu'ici on arrive au bout d'une période de performance, et donc que va succéder une période de robustesse, mais peut-être qu'après reviendra une période de performance, une espèce de cycle performance-robustesse qui s'alternerait.
- Speaker #4
Oui, alors je prends, je pense que c'est un peu ça qui se passe. Alors en fait, il n'y a jamais de période où c'est que de la performance, et des périodes où c'est que de la robustesse. C'est toujours des seuils, c'est plus ou moins l'un ou l'autre. Et en fait, dans les périodes où on est en pénurie, où il y a des grosses fluctuations dans l'environnement, en fait, on est obligé de faire de la robustesse. Ceux qui survivent, ceux qui vivent, sont ceux qui sont robustes. Si ça fluctue beaucoup, quand on est très performant, on est très canalisé, donc on est très fragile. Et donc là, on sort d'une période d'abondance matérielle, abondance du charbon, du pétrole, qui nous a poussé à mettre le curseur très, très loin dans la performance, jusqu'à générer un burn-out planétaire. Et là, on est dans le retour de bâton. C'est pour ça qu'on va vers plus de robustesse, parce que le monde devient plus fluctuant parce qu'on a trop performé. Donc en effet, c'est des oscillations. On peut très bien imaginer qu'on rentre dans une phase de robustesse et que peut-être dans 300 ans, on va refaire encore un coup de performance. C'est possible.
- Speaker #3
C'est assez intéressant comme question, parce que c'est des choses qu'on voit dans les romans de science-fiction, justement aussi parfois ces alternances entre robustesse et performance. Donc c'est assez intéressant de confronter ça à ce qu'on vit à l'heure actuelle. La personne se demandait aussi... Au final, comment on peut tirer du positif de tout ce qui change rapidement ? Parce que justement, on t'expliquait dans ta conférence qu'on est dans un monde qui n'est plus stable, on est justement dans un monde qui change très vite, d'où l'intérêt de s'orienter vers la robustesse. Mais comment tirer le positif de ces changements ultra rapides ?
- Speaker #4
Le positif principal, il faut bien comprendre que le monde stable, abondant en ressources, celui qui pousse à la performance, il pousse à la canalisation et donc à une vision étroite du monde. La monoculture, en agriculture, c'est juste la partie émergée de la monoculture. En fait, on est dans une monoculture généralisée. Les réseaux sociaux, les influenceurs, tout ça, c'est de la monoculture à fond. Elon Musk, ça fait une oligarchie d'ultra-riches. Tout ça, c'est de la monoculture. Et donc, en fait, quand ça fluctue très fort, très vite, on diversifie. Et donc, la première valeur ajoutée d'un monde qui change rapidement, c'est qu'on va s'ouvrir à des choses bien plus larges. Et d'ailleurs, l'exemple typique, c'est... Dans les années 80, les véhicules, c'était toutes des voitures qui se ressemblaient à peu près toutes. Et aujourd'hui, c'est une zoologie de véhicules. Des vélos, des vélos cargo, des gyres, des trottinettes, il y a tout un ensemble. Ça, c'est très symbolique du monde dans lequel on va. Et donc ça, c'est un point très positif pour nous.
- Speaker #3
Je me posais aussi un petit peu cette question, c'est est-ce que redondance et robustesse sont automatiquement connectés ? Et comment, en fait, dans un monde en pénurie de ressources, On fait en sorte qu'il y ait une redondance si effectivement la redondance permet une certaine robustesse. Je vais prendre un exemple très concret pour illustrer ce que je dis. Durant la conférence, il y a un musicien et des acteurs qui font un jeu. On pourrait très bien dire que pour être robuste, le musicien a un deuxième piano dans son coffre au cas où son premier tomberait en panne. Et comme ça, si son premier tombe en panne, il sort son deuxième et c'est bon, on continue sans problème. Donc comment tu connectes un petit peu tous ces concepts ?
- Speaker #4
Oui, alors, première chose, en effet, la redondance, c'est un élément essentiel de la robustesse. Mais comme toujours, si on met trop de redondance, après, on peut commencer à rentrer dans une performance. C'est-à-dire qu'en fait, c'est le millefeuille administratif où la performance, c'est une forme de performance administrative. En fait, on s'auto-justifie au bout d'un moment. Et donc là, la redondance, ça n'apporte plus rien. Elle s'alimente elle-même et donc on fait de la performance de la redondance. On pourrait presque dire comme ça. Et donc là, ça n'a plus aucun sens. Donc il y a aussi un seuil haut. Il faut un peu de redondance, mais il ne faut pas non plus y aller. On ne sera pas forcément plus robuste, plus on aura de redondance. Il en faut à un certain niveau. Et l'autre chose, sur l'exemple du piano, pourquoi chez les êtres vivants ça marche si bien, ces redondances qu'il y a partout ? Tout simplement parce que ce sont des redondances qui sont circulaires. C'est qu'en fait, si on réfléchit bien, la circularité dans le monde vivant, le cycle du carbone, le cycle de l'eau, etc., La circularité, je vais la définir en fait. La circularité, c'est se placer dans les conditions où le gâchis n'est pas un problème. Si tout est circulaire, on peut faire du volume, parce que de toute façon, ça va nourrir l'écosystème. Donc en fait, il n'y a aucun problème. L'arbre qui perd ses feuilles à l'automne, c'est un gâchis énorme, mais par contre, ça nourrit l'écosystème. Donc en fait, on peut très bien penser les choses comme ça. Et donc, ça veut dire que les renondances que l'on doit créer, les meilleures renondances que l'on doit créer, ce sont celles qui sont nourries par la biodiversité et qui nourrissent la biodiversité. Par exemple, c'est récupérer l'eau de pluie sur un toit. C'est utiliser des plantes pour isoler en plus de l'isolant. Ce sont des formes de redondance, mais ça nourrit l'écosystème.
- Speaker #3
C'est comme ça que ça nous permet de qualifier ou de permettre la redondance, en tout cas de pouvoir la mesurer en se disant « là c'est une bonne redondance, là c'est une redondance qui n'apporte rien » . Typiquement, le deuxième piano ne nourrit pas l'écosystème, donc ça ne fonctionne pas. Justement, tu parlais de seuil, c'est le propos de ma prochaine question. La personne postule qu'au début, la performance... Et la robustesse augmente de façon linéaire, de façon conjointe, mais qu'à partir d'un certain moment, elle se sépare. Et elle se disait, mais en fait, qui et comment va décider du moment où le trop de performance est atteint ? Et par exemple, dans un processus industriel, comment on se dit, non, là, on ne va pas plus loin dans la performance, sinon on perd tout l'aspect de robustesse.
- Speaker #4
C'est la question la plus difficile.
- Speaker #3
Désolé qu'elle arrive si tôt.
- Speaker #4
Non mais c'est très bien parce que c'est une bonne question. Donc en effet, il y a un seuil où ça diverge, où la performance devient contre-productive. Avant ce seuil, la performance est productive. C'est-à-dire qu'en fait, quand on augmente les performances, ça augmente aussi la robustesse. Inutile de dire que nous, les humains de 2025, on l'a largement dépassé le seuil. Parce que toute notre performance, là, actuellement, elle est plutôt en train de générer, on est en train de brûler les écosystèmes. C'était l'étude qu'ils avaient faite au Royaume-Uni. vous avez fait un calcul pour savoir comment combien il fallait travailler chaque semaine, combien d'heures il fallait travailler chaque semaine pour respecter les accords de Paris, c'est 9 heures par semaine. Donc on peut considérer que quand on travaille plus de 9 heures par semaine, on est en train d'endommager l'écosystème, en moyenne évidemment. Donc ça veut dire que le seuil est quand même assez bas. Donc il faut bien se le dire. Mais comment l'identifier ? Alors c'est très compliqué. La première chose à réaliser, c'est que ce seuil n'est pas statique. il bouge. Donc c'est aussi un seuil dynamique. Donc ça veut dire que même si on était capable de l'identifier, le moment où on l'a identifié, il a déjà changé, il est ailleurs. Donc ça veut dire que c'est pour ça que je parle beaucoup de sous-optimalité, parce que finalement ce seuil-là c'est un peu un sweet spot, c'est vraiment l'endroit idéal, c'est une sorte d'optimum, c'est là où on est au max de performance, au max de robustesse, mais en fait vu que ça change tout le temps, il faut plutôt voir en dessous. Donc il faut imaginer que le seuil il est par là, et surtout ne pas essayer de l'atteindre. Il faut garder des marges de manœuvre. avant de l'atteindre. Et donc, c'est pour ça qu'il faut être sous-optimal. Mais là, je ne donne pas vraiment des clés. C'est une première clé, mais c'est très secteur dépendant. Ça dépend beaucoup de la complexité du degré de couplage des systèmes.
- Speaker #3
Et j'imagine que ce stress test peut justement peut-être permettre de comprendre où il y a couplage entre les deux et à quel moment le découplage apparaît.
- Speaker #4
Exactement.
- Speaker #3
Alors là, c'est une question qui est assez intéressante. Je vais essayer de bien la formuler parce qu'elle n'est pas simple, mais est-ce qu'on ne peut pas imaginer une performance qu'on qualifierait de temporaire. donc vraiment localisé dans le temps, pour nous permettre de devenir robustes. Donc, est-ce que la performance peut servir la robustesse pour arriver à un système robuste ?
- Speaker #4
Absolument. Alors, en fait, c'est même ce qui se passe chez les êtres vivants. L'exemple que je prends souvent, c'est la fièvre. Quand on a la fièvre, c'est un court moment de performance qui est absolument nécessaire à notre vie, et donc à notre robustesse. Si on n'avait pas accès à la fièvre, donc si on n'avait pas accès à ces quelques journées où on a un peu de fièvre, et bien le pathogène se développerait vraiment beaucoup parce que notre système immunitaire à 37 degrés n'est pas très performant, il n'est pas assez performant. Et donc le petit moment de performance, il est nécessaire. C'est comme avoir des pompiers dans une ville. Un pompier, quand il est au feu, il est très performant et donc c'est nécessaire ces moments de performance. Alors en fait, ce n'est pas radical la robustesse. Si on ne fait que de la robustesse, on n'est pas robuste. Donc pour être robuste, il faut accepter des moments de performance. Le plus dur, en fait, ce n'est pas tellement ça. Le plus dur, c'est de ne pas tomber dans le piège de la performance. Parce que quand on augmente les performances, et bien ça marche. Évidemment, parce qu'on est en train de dissiper son potentiel, ça marche et on ne s'arrête plus. Juste un exemple comme ça, c'est Stellantis, une entreprise en France, d'ailleurs internationale, qui fait des voitures. Pendant trois ans, ils ont remonté la pente en augmentant les performances avec Carlos Tavares, qui était un patron qui a vraiment mis l'accent sur la performance comme personne d'autre. Il s'appelait le psychopathe de la performance lui-même. Donc, c'est pour dire qu'au bout de trois ans, il a remis l'entreprise sur les rails, mais il ne s'est pas arrêté. Il y a trois ans supplémentaires, il a continué sur la performance. Et donc là, il a planté sa boîte. Donc le piège, c'est de savoir mettre une date de péremption à la performance.
- Speaker #3
Un exemple que j'apprécie beaucoup, que tu as donné dans une autre de tes conférences, que j'ai pu voir sur YouTube, t'expliquait que par exemple, les hôpitaux en cas de crise sanitaire, ils doivent être performants. Mais après, ils doivent quitter cette période de performance pour retomber dans une période de robustesse. Et donc je trouvais ça assez éclairant.
- Speaker #4
Il y a plein d'exemples. Un exemple typique récent, c'est en Espagne et au Portugal, le blackout qui a eu lieu il y a quelques mois. On s'est rendu compte que c'était des fournitures d'électricité très centralisées, très performantes. Depuis des années, on a centralisé la production d'électricité. Ça, c'est très fragile. Ce qui a résisté, c'est Almeria, parce que là, ils avaient décentralisé des petits systèmes de panneaux solaires un peu distribués. C'est moins performant, mais c'est plus robuste. Merci.
- Speaker #3
Merci. La personne suivante qui pose la question se demandait d'une part si, au final, on ne doit pas considérer que la robustesse est une espèce de fatalité. Alors je mets un sens un peu derrière, c'est-à-dire que, de toute façon, comme tu le dis dans la conférence, on va y arriver. Le système va devenir tellement contraint qu'il est en train de nous pousser vers la robustesse plutôt que la performance. Est-ce que toi tu vois la robustesse comme une fatalité ? Et ensuite, est-ce que cette robustesse, d'une certaine façon, n'est pas dépolitisante ? C'est-à-dire que... ça pose la question de est-ce que notre démocratie est robuste au final ?
- Speaker #4
D'accord, alors je suis d'accord et pas d'accord. Parce que la fatalité, je la mettrais plutôt du côté de la performance, c'est elle qui nous envoie dans une voie fatale. C'est que le mot fatalité, il est quand même assez dégasté. Il est fort. Il est fort, oui, voilà. Mais par contre, le côté inéluctable du basculement vers la robustesse, là, oui, je dirais plutôt inéluctable. C'est que de toute façon, ce n'est pas nous qui allons décider, c'est le système. Le système va fluctuer de plus en plus, c'est un système planétaire, social, écologique. ça va fluctuer de plus en plus donc ce seront les robustes qui vont vivre, et même pas survivre, qui vont vivre. Donc de ce côté-là, on pourrait considérer que c'est une fatalité, mais je vois plutôt ça comme quelque chose de très positif. Par contre, sur le côté dépolitisant, c'est le risque. C'est qu'en fait, si on reste sur un côté fataliste, en disant « de toute façon, il n'y a rien à faire, la robustesse arrive » , il y aura beaucoup de casse. Et donc c'est là où, vu qu'on est capable de se représenter les choses, c'est là où je m'inscris un peu en faux avec Gunther Anders, qui disait que les humains ne sont pas capables de se représenter, Alors c'est vrai, quelque part, on fait une bombe atomique et après on ne sait pas très bien quelles sont les conséquences. C'est pareil pour le réchauffement climatique, etc. Donc on ne se représente pas les choses, mais oui et non. C'est-à-dire que justement on a le GIEC qui nous permet de nous représenter ce qui va se passer. Donc maintenant si on sait que le monde va fluctuer de plus en plus et donc qu'il faut être robuste, là il faut politiser. L'enjeu, il est là en fait, c'est qu'il faut absolument stimuler la bascule, le plus tôt sera le mieux, parce que comme ça on sera prêt et on évitera beaucoup de casse.
- Speaker #3
Par rapport à tout ce que tu nous as expliqué, est-ce qu'on peut faire des connexions au final entre la théorie de Darwin, donc les lois de sélection naturelle, les concepts de robustesse, et comment ces liens pourraient avoir des implications sur nos modes de pensée et sur notre façon de voir le monde ?
- Speaker #4
Oui, exactement. Alors Darwin, la première chose c'est de voir comment on l'a lu. C'est la première chose. C'est que Darwin, 1859, l'origine des espèces, l'affiliation de l'homme, c'est 1871, donc on est en pleine révolution industrielle. On a extrait du texte de Darwin tout ce qui concordait avec la doctrine industrielle d'une performance, d'une optimisation des expos universelles. C'est vraiment le progrès de l'humanité, l'évolution vers du meilleur. Et donc, sélection des plus adaptées, ça allait bien avec la colonisation, la civilisation, tout ça, c'était vraiment très bien aligné. Sauf que quand on relit Darwin aujourd'hui, on se rend compte que dans Darwin, il y a aussi tout l'autre versant où Darwin, lui, c'est un naturaliste. Il observe et donc il déduit des lois, mais il note tout. Et donc, il note aussi des choses qui ne collent pas. Le pan, par exemple, c'est un oiseau. Clairement, c'est très étonnant qu'il soit encore là aujourd'hui parce qu'il est très encombré quand même.
- Speaker #3
On en a déjà parlé dans d'autres épisodes des podcasts. Sélection sexuelle, sélection naturelle qui s'opposent parfois.
- Speaker #4
Exactement. La plupart du temps, à vrai dire. Et il le voit bien, et il en parle en longueur. Et c'est juste un aspect. Et donc, en fait, aujourd'hui, si on relie Darwin, alors là, c'est très intéressant, parce que là, maintenant, on a les deux aspects. Donc, il y a l'aspect compétition, sélection du plus fort, pour le dire rapidement. Mais il y a aussi toutes ces contradictions, toutes ces hétérogénéités, et finalement, plutôt la sélection des plus adaptables, de ceux qui sont capables de changer de chemin. Et en fait, quand on regarde les impasses évolutives, les impasses évolutives, c'est souvent les espèces qui se sont hyper spécialisées et qui ont disparu, en fait. parce que justement, elles étaient trop adaptées. Et celles qui ont survécu, c'est le tardigrade, c'est les méduses, c'est des êtres vivants qui sont très... au couteau suisse, vraiment très polyvalents, etc. Et donc en fait, quand on relit Darwin aujourd'hui, c'est ça qui est très éclairant, c'est que finalement, ce qui domine chez les êtres vivants, ce n'est pas la sélection du plus adapté, c'est la sélection du plus robuste, par définition. Parce que quand on est robuste, on dure et on transmet.
- Speaker #3
Ici, je vais me reconnecter à un moment spécifique dans la conférence, donc sur YouTube, c'est plus ou moins à 1h09 Comme ça, chers auditeurs, chères auditrices, si tu veux revoir, je pense que c'est intéressant. Moi, c'est un moment qui m'a beaucoup parlé, où tu montres en fait une espèce de pyramide d'économie, social, environnement, et où ces éléments se placent les uns par rapport aux autres. Et la personne, en fait, se rattache directement à ce que tu expliquais et dit, voilà, tu nous expliques qu'il faut mettre l'économie dans le social et pas l'inverse, puisque l'économie n'est qu'un modèle mathématique au fond, elle n'a aucune réalité physique ou sociale. Est-ce que dans un monde capitaliste où les milliardaires sont de plus en plus riches, j'ai même envie de dire par rapport aux derniers articles qui sont sortis ici à la fin août, de plus en plus nombreux aussi, est-ce que c'est possible en fait de mettre l'économie dans le social ?
- Speaker #4
Oui, alors c'est urgent. En fait, ce qui se passe, c'est qu'en effet, les milliardaires sont de plus en plus nombreux, mais les ultra-ultra-riches, eux par contre, c'est une caste qui devient très petite, mais qui a un pourcentage de la richesse mondiale qui est énorme. Donc, en fait, si on regarde relativement à la richesse mondiale, le nombre de personnes qui ont une grosse part du gâteau de la richesse mondiale se réduit, en fait. Il y a de plus en plus de milliardaires, mais les ultra-milliardaires, c'est encore une autre catégorie. C'est ça qui est dingue. Les Jeff Bezos, on est encore dans autre chose. Je veux dire, la fortune de PDG Goldman Sachs, c'est déjà énorme. C'est un ultra-riche. C'est une miette de la fortune de Jeff Bezos. Il faut bien se rendre compte du délire total. Et donc, en effet, pour l'économie, Alors, en fait, ces gens-là, ils sont en effet... très toxiques, pour le dire assez rapidement. Il n'y a quand même pas grand-chose à en tirer. Moi, vraiment, ce que je souhaite, c'est qu'ils aillent dans leur bunker et qu'on n'en parle plus, parce que c'est vraiment des gens qui nous intoxiquent. Alors, pour que l'économie se réencastre dans le social, comme dirait Karl Polanyi, en fait, il faut les ignorer. Il faut les ringardiser. Je pense que c'est la meilleure approche, parce qu'on peut lutter contre eux, mais en fait, on n'a pas les moyens, ils ont le pouvoir, ils ont l'argent, ils sont encore attractifs, donc ce n'est pas là que ça va se jouer. mon avis c'est plutôt dans l'aspect culturel quand ça sera ringard d'être sur un yacht ou de faire des voyages en jet privé, ça sera quand même compliqué pour eux de continuer à avoir leur attitude.
- Speaker #3
Une question que j'ai déjà posée aussi dans un autre des podcasts qu'on a fait sur les limites planétaires et sur la théorie du donuts, pourquoi ces gens comme des Bezos, des Musk, sont des gens qui ont choisi de faire ce qu'ils ont fait aujourd'hui ? et par le passé, plutôt que d'investir leur connaissance, parce que ils ont quand même amené des révolutions. On peut juger de la qualité de la révolution qui les amène, bien entendu, mais il n'empêche qu'ils ont fait bouger la machine. Alors, pourquoi ils n'ont pas fait bouger la machine dans le sens de l'écologie ou de la socio-écologie et ils l'ont plutôt fait bouger dans le sens du capitalisme ? Qu'est-ce qui fait qu'en fait, on a ce rêve d'être des Bezos et des Musk plutôt que des Greta Thunberg, peut-être ? Je vais un peu poser la question comme ça.
- Speaker #4
Oui, c'est un peu ça. Les ultra-performants, on pourrait les appeler comme ça, c'est des gens qui sont dans le pouvoir. Le pouvoir, c'est la solution clé en main, et c'est un peu paresseux. C'est-à-dire qu'en fait, quand on peut faire des choses et qu'on peut transformer rapidement quelque chose, très souvent, c'est de la performance. Et donc, en fait, ça va marcher très fort, et en plus, ça va augmenter son pouvoir, et donc là, on rentre dans une boucle infernale, le piège de la performance, le piège du pouvoir. l'autre approche qui est plutôt une approche de puissance c'est-à-dire La puissance, c'est le contraire du pouvoir. Le pouvoir, c'est je veux et je sais comment faire. La puissance, c'est j'ai envie, je ne sais pas comment faire. En fait, on est plutôt un facilitateur. Ça, ça prend beaucoup plus de temps. C'est beaucoup plus hétérogène, ça dilue beaucoup les égos, on va dire. C'est une approche beaucoup plus humble. Vu que ce n'est pas performant, c'est moins attractif dans le monde dans lequel on est. Mais par contre, ça transforme vraiment les territoires. C'est en fait, les Elon Musk et compagnie, là, ils ont transformé, mais en fait, c'est une étoile filante. En fait, ils ne vont pas laisser de traces dans l'histoire. Je pense qu'Elinor Ostrom, quand elle parle des communs, les communs, les rizières, ça c'est un commun, ça transforme l'histoire. Par contre, ça prend beaucoup plus de temps, la gestion des communs, tout ça. Ça, c'est de la robustesse.
- Speaker #3
Et est-ce qu'il y a un enjeu, je vais dire, de formation, de sensibilisation, pour justement éclairer même les jeunes enfants sur ces questions et leur faire voir un peu le monde différemment, et sans leur dire d'empêcher d'eux ? faire en sorte qu'ils ne rêvent plus d'un Musk ou un Bezos, mais qu'ils rêvent d'autre chose, en fait ?
- Speaker #4
C'est une question de santé publique, pour moi. C'est qu'en fait, si on commence à s'éduquer à ça, à se désintoxiquer du culte de la performance, de la dérive sectaire de la performance, si on commence à sortir, à faire cette déprise sectaire, alors là, non seulement on va sortir de l'éco-anxiété, parce que l'éco-anxiété, pourquoi on est anxieux par rapport à l'écologie ? C'est parce qu'on pense que la performance va nous sauver. On voit bien que la performance, ça brûle tout le monde, ça épuise tout le monde. Et si c'est la performance à solution, on voit bien qu'il y a une dissonance. Ça ne marche pas, ce n'est pas possible. Donc si on se dit qu'il faut sortir de ça, on ne va pas s'épuiser à faire de la performance, on va plutôt nourrir la robustesse, plurielle, avec d'autres, avec les non-humains. Là, il y a un sujet énorme de santé publique. Il y a une épidémie de dépression chez les jeunes, et chez d'autres d'ailleurs, mais notamment chez les jeunes. Il faut absolument avoir un discours mobilisant sur ce qui vient. mais c'est même pas pour faire un... inventer un monde tourose. C'est juste que c'est comme ça qu'on va vivre dans ce monde fluctuant. Et c'est un monde plus intéressant, plus engageant.
- Speaker #3
Qui donne peut-être plus envie par rapport à tout ce qu'on voit à l'heure actuelle. Alors là, il y a une série de plusieurs questions sur le rapport à l'écoute et au déni par rapport à tout ça. La première, c'est est-ce que les constats que tu partages, tu as l'impression qu'ils sont entendus ? À quel niveau ? Est-ce que c'est au niveau des États ? Donc France, Belgique ? Est-ce que c'est au niveau européen, peut-être ? ou même au niveau mondial, comment tout ça est reçu ? Et est-ce que c'est reçu ? Ou est-ce que justement, plutôt, les gens font oui, enfin non ?
- Speaker #4
Alors le retour comme ça, la dénie, un petit peu, voire même un peu condescendant, ça c'est le retour que j'avais avant la crise Covid.
- Speaker #3
D'accord.
- Speaker #4
Il y a vraiment eu un effet. La crise Covid a matérialisé le monde fluctuant. Le monde s'est arrêté quand même. Donc ça a permis de montrer que oui, c'était possible d'avoir une rupture systémique. Et donc là, on peut très bien imaginer qu'une prochaine rupture, ce sera pas d'Internet pendant six mois sur la planète entière. C'est l'Ukraine, c'est les tarifs douaniers de Trump, les fluctuations arrivent à la pelle. Depuis le Covid, ces histoires de robustesse, là, ça prend beaucoup plus. En fait, il n'y a pas tellement de déni, je ne pense pas. Enfin, il y a certainement du déni, mais c'est très minoritaire. Les entrepreneurs, les associations, les métropoles, les régions que je vois, les politiques. ils le voient le monde fluctuant, mais c'est souvent au niveau territorial, en fait plus on est haut dans la pyramide donc plus on a un matelas financier moins on voit les fluctuations parce qu'on est protégé par le matelas financier et donc plus on est aveugle à ces fluctuations où on ne veut pas les voir il y a un peu des deux, donc en fait je suis assez confiant sur le fait que le déni ça va durer qu'un certain temps parce que les fluctuations arrivent et donc ça sera vraiment impossible de ne pas les voir, et donc ceux qui répondent en effet c'est plutôt au niveau territorial des petites plus petites et moyennes entreprises et donc la Wallonie, l'administration de la Wallonie a bien répondu sur un robustesse. Pour moi, c'est la plus grande région qui a inscrit ça dans sa raison d'être.
- Speaker #3
Tu le disais, c'est pour l'objectif 2030, c'est d'ici 5 ans. 5 ans, ce n'est pas énorme à l'échelle de ce dont on parle, donc on pourra peut-être voir des effets justement de comment ils ont intégré ça et comment ils se sont appropriés le concept.
- Speaker #4
C'est super intéressant. Et puis, ça permet aussi de voir que ce n'est pas une page blanche, la robustesse. Notamment en Wallonie, il y a déjà énormément d'associations, de villes, d'entreprises qui font déjà de la robustesse, mais sans forcément le dire. Donc là, ça va plutôt faire un territoire école, tous ces projets qu'on se parlait.
- Speaker #3
C'est super positif.
- Speaker #0
de se dire que notre région a peut-être un pas d'avance là-dessus pour espérer changer. Comment tu penses que ça va se passer ? Parce que comme tu l'as dit, plus t'es haut dans la pyramide, moins tu vois les fluctuations, donc plus t'as tendance à dire « je vois pas pourquoi on changerait » . Comment ça va se passer entre ceux qui sont convaincus qu'il faut changer et qui vont mettre des choses en place pour changer, et ceux qui sont convaincus qu'il ne faut pas changer et qui donc vont empêcher qu'on mette des choses en place pour changer ?
- Speaker #1
Oui. Il y aura des grands moments de solitude, mais des deux côtés. Nous, en France, on a eu la loi du plomb, par exemple. Oui, tout à fait, avec un gros débat. Donc, le gros moment de solitude du côté écolo. Mais le moment de solitude s'est inversé, parce que quand il y a eu plus de 2 millions de citoyens qui ont dit « Non, la loi du plomb, ça ne va pas du tout, les pesticides, vous êtes en train de vous intoxiquer. » Et donc, le Conseil constitutionnel a dit « Non, finalement, ça, on ne va pas la laisser passer. » Enfin, en tout cas, ils n'ont pas laissé passer certains pesticides. Là, le moment de solitude est pour tous les députés qui ont voté. pour la loi du plan, parce que maintenant, ils ont été pris la main dans le sac à vouloir intoxiquer les Français. Et donc, en fait, moi, ce que j'imagine, c'est que ça va vraiment partir des territoires, il y aura de plus en plus de robustesse, et puis, il y a un jour, quelqu'un qui sera au pouvoir, donc au sommet de la pyramide, qui va faire un discours complètement délirant sur la performance, et il va être tout seul, il n'y a personne qui va l'applaudir, parce que, dans la salle, tout le monde aura basculé, culturellement. C'est comme si un homme politique, aujourd'hui, dirait qu'il ne faut surtout pas la parité entre les hommes et les femmes. Un homme politique qui fait ça, il est mort politiquement. Il y a un jour, on aura la même chose, un homme politique, je dis un homme parce qu'en général c'est souvent des hommes, qui va dire, il faut augmenter les performances ou ça. Alors aujourd'hui ça passe encore, mais dans 5-10 ans, quelqu'un qui fait ça, on va dire, mais mon gars, t'as rien compris là, t'es encore dans les années 60.
- Speaker #0
Une espèce aussi de question qui reste toujours en suspens, qui est de se dire, oui mais est-ce qu'au moment où ça se produira de cette façon-là, ce ne sera pas trop tard ?
- Speaker #1
Alors je vais presque envisager qu'il est trop tard pour être pessimiste.
- Speaker #0
D'accord, ça c'est dit.
- Speaker #1
En fait, maintenant, c'est maintenant et ce maintenant court. C'est maintenant qu'il faut s'y mettre et dans cinq ans, je dirais, c'est encore maintenant qu'il faut s'y mettre. C'est qu'en fait, chaque incrément culturel, chaque pas qu'on fait de plus vers la robustesse, on sauve des vies humaines et non humaines. Donc en fait, il n'y a vraiment rien à perdre et surtout, c'est plus joyeux. On quitte l'autoroute.
- Speaker #0
Et d'ailleurs, tu parlais de la loi du plomb, je lisais quelque chose puisque... A priori, la partie pesticide a été enlevée, mais le reste de la loi du plomb est passé. Et je lisais une phrase qui, moi, m'a assez percuté, c'est « On ne peut pas parler de victoire quand on nous dit qu'on va nous couper une main, on finit par nous couper un doigt » .
- Speaker #1
Bien sûr, bien sûr. Je ne vais pas enjoliver, je suis tout à fait d'accord. Les mégabacines, par exemple, elles sont encore passées. Oui, tout à fait. Donc là, il y a du travail. De toute façon, on est en chemin là. Mais la petite friction qui s'est passée là, je trouve qu'elle est vraiment très intéressante. Elle est très significative, exactement.
- Speaker #0
Alors maintenant, on va passer plutôt dans des questions liées aux entreprises, parce que automatiquement, il y a des entrepreneurs et des patrons d'entreprise dans la salle lors de la conférence. Et la personne se demandait, mais au sein d'une entreprise, comment on peut prôner, comment on peut mettre en pratique la robustesse, alors que jusqu'ici, on n'a que la performance comme indicateur. Je pense notamment aux objectifs individuels des employés, aux attentes de résultats des actionnaires, comment être l'oiseau qui initie le changement.
- Speaker #1
Oui, alors c'est vrai que pour une entreprise, l'objectif, c'est quand même de, si on veut aller vers la robustesse, ça veut dire que typiquement, l'intéressement, il est plus individuel, il est collectif, s'il y en a un, l'intéressement. On a des profils qui sont plutôt plus polyvalents, il y a une diversité des activités. Enfin, on a un lien au territoire, on a un lien à la biodiversité du territoire. Donc, c'est tout, ça devrait ressembler à ça, une entreprise robuste dans le futur. Donc, comment on fait pour arriver à ça ? Si on a la chance d'avoir un PDG, un patron qui est très éclairé sur ces sujets-là et qui est très volontaire, Alors là, c'est super parce que du coup, là, on rentre dans l'histoire. C'est vraiment le patron qui non seulement change son entreprise, mais qui va changer les autres entreprises parce qu'il va faire école. Il va démontrer sa robustesse et là, c'est extraordinaire. Ça fait vraiment un modèle. Peut-être qu'il aura des problèmes pour se faire financer au départ, mais par contre, dans le monde fluctuant qui vient, c'est lui qu'on va chercher après parce que c'est un investissement aussi pour soi. Par contre, le cas général, ce n'est peut-être pas ça. C'est peut-être que parfois, on a un patron qui est ouvert à ces questions-là, mais qui n'est peut-être quand même pas prêt à prendre le risque parce qu'il voit plutôt ça comme un risque. de baisser en performance parce qu'il risque de planter sa boîte, il a 400 salariés, il n'a pas envie de les mettre sur le carreau. En fait, il y a plein de bonnes raisons qui font qu'on ne veut pas forcément prendre des risques. Alors, dans ces cas-là, une autre approche, c'est de peut-être être moins ambitieux, de dire, on ne va peut-être pas changer toute l'entreprise, on va faire un projet pilote ou un petit projet, un atelier de réparation, une partie peut-être formation des choses où on met un pied dans la robustesse Et ça peut être sur des sujets très anecdotiques. Ça peut être, par exemple, changer le gazon qu'il y a sur le foncier en une prairie avec de la biodiversité. Il n'y a pas d'enjeu financier très fort. Mais par contre, ce petit groupe-là, qui va coopérer pour faire ce projet-là, en fait, il va pratiquer une forme de robustesse, il va s'approprier, il va s'acculturer à la robustesse. Le jour où il y a une fluctuation, c'est ce collectif-là qu'on va aller voir. et qui va avoir plein d'idées pour revoir le modèle économique de l'entreprise. Et donc ça, c'est un premier, ça peut être des leviers comme ça périphériques.
- Speaker #0
L'impression que j'ai aussi, après dis-moi si je me trompe, n'hésite pas, c'est le management dans les entreprises a aussi de l'importance dans toute cette équation. Je n'ai pas fait une étude statistique pour le démontrer, c'est plus en consultant et en voyant ces entreprises qui essaient de devenir des entreprises régénératives. Généralement, c'est des entreprises qui ont fait de gros changements de management il y a 10 ou 15 ans, ont complètement... penser le modèle pyramidal en quelque chose de différent, où les gens ont plus droit à la parole, ont plus de place dans l'entreprise, et qui, de par ce fait-là, ont fini par être conscients des questions liées aux enjeux socio-écologiques.
- Speaker #1
Tout à fait d'accord. En fait, un patron dans une entreprise, ou la direction d'une entreprise, si on veut aller vers la robustesse, la première chose à réaliser, c'est qu'il faut désinhiber son collectif. Il ne faut pas imaginer que si le patron, par exemple, est convaincu qu'il veut rendre son entreprise plus robuste, s'il ne dit rien... son collectif n'a aucune raison de penser que c'est ça qu'il faut faire parce qu'en fait on est tous dans la soupe de la performance et donc on a tous été embrigadés dans ce truc là et donc on va pas sortir des rails de la performance donc il faut vraiment le dire matin midi et soir donc vraiment désintoxiquer et donc ça en effet ça demande une vraie faut assumer quoi voilà ce truc là et là pour le coup c'est un vrai rôle de direction un vrai rôle de gouvernance d'y aller à fond et là vraiment à titre personnel moi un livre qui m'a beaucoup inspiré par rapport à ça c'est corporate rebels
- Speaker #0
où en fait, c'est deux Néerlandais qui voyagent à travers le monde et qui vont voir des entreprises qui fonctionnent différemment. Ils ne disent pas comment ils font, ils disent juste, voilà, moi j'ai vu ça, ça c'était super intéressant, donc c'est très facile à lire, c'est inspirant. Et donc le conseil que, si la personne qui a posé cette question nous écoute, le conseil que je donnerais, c'est peut-être aussi essayer de trouver, dans son environnement géographique, des entreprises qui ont peut-être déjà un peu basculé et qui ont mis des choses en place pour aller s'inspirer. pour aller discuter, parce que généralement, les entreprises qui ont mis des choses en place, étant donné qu'elles ont intégré ces enjeux, elles sont là pour partager aussi, en fait.
- Speaker #1
Absolument, c'est très symbolique de ces entreprises qui sont avisées robustes. En général, c'est arborescent. En fait, on ne s'arrête plus. Une fois qu'on a mis le pied dedans, c'est tellement joyeux et ça déborde, en effet, donc on fait plein d'interactions.
- Speaker #0
Dans la conférence, tu dis quelque chose qui, je pense, a perturbé plus d'une personne dans la salle. Tu dis que certaines entreprises robustes... ont décidé de virer des clients trop performants. Est-ce que tu peux détailler un petit peu plus ça ? Pourquoi en fait il faut virer un client qui est trop performant quand on essaie de devenir robuste ?
- Speaker #1
C'est vrai que ça va complètement à contre-mario des écoles de commerce, de ce qu'on enseigne dans les écoles de commerce. Alors pourquoi virer un client ? Un client très performant, c'est un client qui est très exigeant, mais qui est trop exigeant, c'est-à-dire qu'il va demander des délais trop courts, des prix trop bas, enfin plein de choses qui ne sont pas tenables. Qu'est-ce qui se passe quand on garde ces clients-là ? Parce qu'en général, c'est des bons clients dans le sens, c'est une grosse fenêtre, c'est une grosse enveloppe. Donc, c'est difficile de s'en débarrasser parce que c'est compliqué. On se dit, ben non, là, c'est un super client. Mais par contre, il m'en demande beaucoup trop. Pourquoi il faut s'en débarrasser ? Parce que ces clients-là, en fait, ils sont positifs quand le monde est stable et abondant en ressources. C'est toujours pareil, il n'y a pas de grains de sable. S'il n'y a pas de grains de sable, on peut se permettre d'être un tout petit peu, d'avoir des coups de bourre pour satisfaire ce client-là. toute son entreprise. Donc, on va faire des accidents du travail. Donc, on va faire des problèmes de pollution aussi. Ce n'est pas forcément lié, mais ça va aussi faire des pollutions. Donc, des problèmes de public relation. Il va y avoir des effets dans la presse, dans les médias. Il va y avoir de la diffamation, etc. Et donc, en fait, ça devient... C'est une horreur. Et ça, c'est quoi ? C'est un client performant qui devient contaminant. C'est qu'un client très performant va contaminer la boîte. Et donc, quand ça devient fluctuant, Il faut vraiment faire un état des lieux et se dire, ces clients-là, ils rapportent beaucoup, mais en fait, qu'est-ce qu'ils rapportent ? Ils rapportent du cash à court terme, mais tellement de tensions à long terme que ce ne sera pas tenable, ce ne sera pas durable. Il y a des exemples. L'exemple que je prends souvent, c'est Nexens, Christopher Guérin, boîte du CAC 40 en France, qui avait 17 000 clients en 2018 et qui en a viré 13 000 sur des critères socio-écologiques. C'est quand même énorme et c'est un vrai choix.
- Speaker #0
Un peu en parallèle, Quelque chose qui va dans ce sens-là, c'est Mustela qui décide d'arrêter de fabriquer d'ici 2027 des lingettes pour nettoyer le pet des bébés parce que pour eux, au niveau écologique, ça devient un non-sens. Et donc, ils savent qu'ils ont des clients, ils savent que c'est une part significative de leur chiffre d'affaires, mais ils décident d'y renoncer avec un plan qui leur permet d'aller de 2025 à 2027 pour le faire.
- Speaker #1
Oui, exactement. Et ils le font de façon assez intelligente parce que ce n'est pas juste sans le dire. En fait, ils en font un levier marketing.
- Speaker #0
Tout à fait.
- Speaker #1
Ils vont sur tous les tableaux.
- Speaker #0
D'ailleurs, cher auditeur, cher auditrice, si tu veux vraiment comprendre la tension dont on parle, je t'invite à regarder l'interview de la... Je pense que c'est la présidente, je ne sais pas si c'est ce statut-là qu'elle a, mais de Mustela, sur le plateau de BFM TV. C'est incroyable parce que tu vois la journaliste de BFM qui est vraiment dans la partie économique de BFM qui ne comprend pas ce qu'elle est en train de raconter. Tu le vois sur son visage. C'est assez fou.
- Speaker #1
Elle est très bien, cette interview.
- Speaker #0
Alors ici, on va passer dans un groupe de questions qui sont interconnectées par le fait qu'ils s'appliquent à plein de contextes différents. Donc c'est un peu le pot pourri de questions, je vais dire, mais qui est aussi intéressant. C'est d'abord comment on peut intégrer tous ces principes biologiques ? que tu nous partages aux études d'architecture ?
- Speaker #1
Alors pour l'architecture, les architectes sont très friands de robustesse. J'ai beaucoup d'interactions avec les architectes. Il y avait un numéro spécial d'ailleurs d'architecture, la D'architecture sur la robustesse, donc ils sont à mon avis bien au courant. Parce que la robustesse, ça vient quand même beaucoup de la physique et de la mécanique. Et donc quand on fait de l'architecture, en général, c'est aussi des questions qu'on se pose. Dans l'architecture, il y a plein de choses à imaginer, alors c'est là où il ne faut pas s'arrêter juste à la mécanique à avoir des... Prendre plus de marge de manœuvre, par exemple, ça serait de la mécanique. C'est-à-dire, avec les tempêtes qui viennent, on ne va pas faire les mêmes constructions, elles ne sont peut-être pas aussi hautes qu'avant. S'il y a des migains et inondations, on va plutôt faire des maisons amphibies, des choses comme ça. Donc, imaginer des espaces plus versatiles. Mais les marges de manœuvre, c'est aussi autre chose. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, quand on fait des appartements, ils sont à 2,50 mètres de hauteur. 2,50 mètres de hauteur, c'est trop faible. Si on va avoir des canicules à l'avenir, il faut une... plus grande hauteur sous plafond pour pouvoir brasser de l'air entre 2,50 m et 2,80 m, par exemple. Donc, il faut rajouter 30 cm. Faire des appartements traversants, évidemment. Donc, c'est toutes ces questions-là. En fait, ça a ajouté des marges de manœuvre, donc c'est moins performant. C'est-à-dire que ça demande... On a plus de contraintes. Mais par contre, c'est plus robuste parce qu'on a des appartements qui sont plus flexibles. Mais ça ne s'arrête pas là. C'est qu'en fait, l'architecte robuste du futur, c'est quelqu'un qui va beaucoup se rapprocher des urbanistes. Les urbanistes, très souvent, ont une vision plus systémique des choses. C'est-à-dire qu'ils ne voient pas juste le logement, évidemment, enfin les architectes aussi, mais encore plus, j'ai envie de dire, ils le voient dans l'environnement. Et même, j'ai envie de dire, c'est aussi, ils vont se rapprocher des ergonomes. Des ergonomes qui, souvent, aussi, ont une vision plus systémique des choses. Et donc, en fait, ça veut dire que l'architecte robuste du futur, c'est un architecte systémique. Donc, il voit les choses plus loin, plus large, avec des interactions, avec la biodiversité cultivée sur le toit et tout ça.
- Speaker #0
Et donc, il forme certaines... Ce n'est plus l'architecte seul, encore une fois, ça rejoint ce que tu disais à d'autres moments. C'est l'architecte avec plein d'autres corps de métier qui discutent ensemble d'un problème unique ou multiple.
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
Une question qui va concerner directement l'université. La personne disait, à quand une université robuste ? Je pousserai la question plus loin. C'est comment faire d'une université, une université robuste ?
- Speaker #1
L'université robuste, c'est une diversité, sans vouloir jouer sur les mots. Il y a déjà ça dans l'université, il y a déjà beaucoup de diversité dans l'université. À mon avis, c'est une université où on revient un petit peu à la philosophie. Une université, c'est un endroit où surtout on pose des questions et on ne cherche pas nécessairement des réponses. Avec la professionnalisation, les écoles d'ingénieurs, etc., bien souvent, il y a un biais à utiliser la méthode scientifique de façon un petit peu aride, observation, raisonnement, conclusion, et donc on utilise la méthode scientifique pour avoir des réponses. Dans l'université, ce serait finalement plus proche de l'approche artistique, où le but, c'est d'arriver à des questions. Donc, c'est une approche philosophique. C'est observation, raisonnement, questions. Et donc, se poser des questions, questionner les questions, faire passer des tests de robustesse sur les projets. Et donc, là, il y a beaucoup de discussions, beaucoup de dialogues. Et donc, c'est des professeurs qui ne viennent plus avec des réponses, mais c'est des profs qui viennent avec des questions. Et donc, c'est beaucoup plus de classe inversée, de pédagogie active, école du dehors. Et c'est plutôt ça, l'université robuste du futur. Pas de maintenant, en fait.
- Speaker #0
Ce qui est intéressant, si tu parles d'école du dehors, c'est concrètement connecté à la question suivante, qui est de se dire, mais on a plein de modèles alternatifs d'enseignement qui existent. On parle des écoles du dehors, des écoles démocratiques, etc. Mais pourtant, tous ces modèles sont mis à mal, en fait, par nos gouvernements, que ce soit en France, en Belgique ou ailleurs. Et donc, comment on concilie ça avec cette robustesse, alors que justement, on est dans une culture de la performance dans l'enseignement et de la normalisation ? J'aimerais qu'on parle de cette normalisation aussi. Ensuite.
- Speaker #1
Bien sûr. En fait, la première chose à dire, c'est qu'il ne s'agit pas de modèles alternatifs, ce sont des modèles complémentaires. Si on passe de l'alternatif au complémentaire, parce que si on reste dans le modèle alternatif, ça veut dire qu'on les oppose. C'est comme la médecine, d'ailleurs. Médecine alternative, en fait, on oppose. Alors, si on pense en modèle complémentaire, ça veut dire qu'en fait, on ne va pas abandonner l'école un peu ancienne, descendante, etc. parce que ça convient à certains élèves. Très bien. mais par contre c'est une minorité et ce modèle malheureusement c'est le modèle dominant dans l'éducation notamment en France, peut-être un peu moins en Belgique mais beaucoup en France ça reste le modèle dominant et donc comment on fait ? c'est juste accepter, c'est comme en médecine que tout ne fonctionne pas et que les élèves, certains vont bien mieux répondre à une école Montessori à une école Stromberg en Finlande et puis d'autres qui vont bien répondre à une école bien descendante où on est rassuré parce qu'il y a du contrôle en fait c'est accepter une part de non contrôle une part d'hétérogénéité et donc en effet de déstandardisation, de dénormalisation de l'éducation. Jules Ferry en France, c'est ça qui est terrible, quand il disait à cette heure-ci, je sais que tous les élèves français sont en train d'apprendre une leçon de français. C'était dingue, c'était standardisé au point que même l'agenda était standardisé de façon nationale. Heureusement, il va falloir sortir de ça. Et on en sort progressivement, mais la Finlande est bien plus avancée que la France ou la Belgique d'ailleurs.
- Speaker #0
Et donc quand tu parles de... complémentarité, c'est subventionner tous les modèles différents et pas juste un modèle d'enseignement, on est d'accord ? C'est ça que tu fais derrière ?
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
Cette normalisation, je voudrais y revenir parce que en regardant la conférence sur Youtube que tu as fait à Lumonce, je me disais que justement, un des gros points faibles de notre société qui se veut performante, c'est la normalisation, c'est-à-dire que pour être sûr que tout le monde est performant de la même façon, on a créé des normes, par exemple les normes ISO. pour être certain que tout était fait de la même façon, alors que ce n'est pas parce que c'est fait d'une façon différente que c'est moins bien fait. Il faut bien sûr pouvoir quantifier le processus, vérifier s'il est de qualité, etc. On ne peut pas faire n'importe quoi, ce n'est pas mon propos non plus, mais ce n'est pas pour ça qu'il faut automatiquement le faire que d'une seule façon. Comment tu te positionnes par rapport à ça, par rapport à ton discours ?
- Speaker #1
Oui, c'est exactement ça. C'est une inversion. Dans le monde de la performance, on met beaucoup l'accent sur le règlement et les normes. C'est ça qui écrase tout. Et donc, ça inhibe la créativité aussi. Parce que quand on a 3000 règles, on sait que quoi qu'on fasse, il va falloir rentrer dans des cases. Et donc, du coup, on fait du moins 10 ans. On va essayer surtout de respecter les règles. Et puis, en deuxième, c'est la raison d'être. Pourquoi on le fait ? La raison d'être, c'est en général 4 ou 5 principes, 5-6 principes très généraux, mais par contre, qui sont très forts d'un point de vue... philosophiques, d'aspiration, etc., des principes sociaux, écologiques, etc. Donc là, c'est le monde de la performance, le règlement écrase la raison d'être. Dans le monde de la robustesse, c'est l'inverse. On met d'abord la raison d'être, c'est le primat et donner la raison d'être, les grands principes sociaux, écologiques, de gouvernance, de démocratie, etc. Donc on met ça d'abord, et là, ça laisse beaucoup de liberté, beaucoup de créativité, parce qu'il y a moins de cadre, il y a du flou. C'est plus lâche comme grand principe. Et puis, une fois qu'on a bien participé, parce que ça demande beaucoup d'échanges, évidemment, donc c'est plutôt typiquement l'architecture participative, l'éducation participative, au bout d'un moment, quand on commence à converger vers un projet qui se tient, c'est uniquement à ce moment-là qu'on va commencer à se poser la question du règlement. Donc les normes sont toujours là, mais elles sont à la seconde place. Et si jamais le règlement, avec quelques ajustements, permet le projet, tout va bien. Si jamais dans le règlement, ça frotte, et bien là, on se pose la question de changer le règlement. Et donc, en fait, la raison d'être prend le pouvoir sur le règlement. Et là, on est bien.
- Speaker #0
Il y a du taf. D'accord.
- Speaker #1
Mais il y a quand même, juste pour l'illustrer avec les entreprises, les labels ISO et compagnie. Alors, il y a des choses très bien dans le tas. Mais en effet, ça peut juste dire, j'ai juste fait le moins dix ans, je rentre dans la case. Et puis, les entreprises à mission, c'est l'inverse. C'est la raison d'être vient en premier. Et c'est eux qui décident de leur raison d'être. Et c'est eux-mêmes qui se disent, est-ce qu'on a bien suivi notre raison d'être ? Donc, le règlement vient en second.
- Speaker #0
Alors, je n'ai pas suivi ce qui se passe en Belgique par rapport à ça. Je sais qu'en France, c'est vraiment devenu, les entreprises à mission, quelque chose dans le règlement, donc dans la loi, où quand on prend ce statut d'entreprise à mission, on a toutes des choses à respecter. Et entre autres, clairement définir sa mission, sa raison d'être, qu'elle prime sur le reste, etc. Je n'ai pas l'impression qu'en Belgique, on y soit encore. Mais voilà, à vérifier peut-être.
- Speaker #1
Je ne me connais pas non plus.
- Speaker #0
Alors, la personne suivante se demandait, mais comment on fait pour désoptimiser le nucléaire civil et militaire, par exemple ? Là, c'est un exemple clairement tendu. On va se dire, ok, on va rendre robustes les centrales nucléaires, mais donc on les désoptimise pour les rendre robustes. Mais est-ce que c'est une bonne chose ? Est-ce que ça n'augmente pas le risque, etc. ? Donc, comment on fait ça ?
- Speaker #1
Oui, alors, les centrales nucléaires sont déjà un peu, voire même beaucoup, désoptimisées. En fait, si elles étaient trop optimisées, si elles étaient sur-optimisées, elles seraient bien trop fragiles. Et il y aurait des accidents tous les jours. Donc ça, c'est Charles Perrault, l'accident normal. C'est vraiment un grand classique. L'informatique, les doublons, les redondances, tout ça, là, c'est des choses qui sont très désoptimisées, justement, pour qu'il y ait moins d'accidents. Je dis bien moins d'accidents, il n'y en a jamais zéro. Mais comment on fait pour désoptimiser ? En fait, il y a un moment où il y a un seuil de fluctuation qui est tellement élevé qu'on se dit, peut-être que cette technologie-là est bien trop risquée. Et donc là, on n'est plus très loin de ce seuil-là pour les centrales nucléaires. typiquement on va prendre l'exemple de l'Ukraine quand on commence à avoir un voisin qui attaquent le droit international. Et si on a des centrales nucléaires sur son territoire, on est extrêmement fragile. Parce qu'en fait, on a une épée de Damoclès sur la tête. Si on n'a pas ces centrales nucléaires, si on n'a pas des sources centralisées d'énergie, on est beaucoup plus souverain par rapport à ça. Et d'ailleurs, ce n'est pas seulement la centrale nucléaire, c'est pareil pour un barrage. Si on distribue la production d'énergie, c'est beaucoup plus difficile pour une puissance étrangère de mettre à mal la production d'électricité.
- Speaker #0
Donc, j'imagine que cette distribution de l'énergie va automatiquement avec... une réduction de la consommation énergétique parce qu'on ne peut pas avoir du décentralisé et garder la consommation qu'on a à l'heure actuelle.
- Speaker #1
Oui, aujourd'hui, on produit beaucoup trop d'énergie. D'ailleurs, on invite maintenant des boîtes à faire de l'IA chez nous. On voit bien qu'on en produit trop d'énergie. À midi, on est en énergie négative. Il n'y a pas d'eau solaire qu'on a mis partout. À midi, il y a un excès de production d'énergie à peu près dans la plupart des pays d'Europe. Justement parce qu'à midi, il y a plein de soleil. En été, c'est très clairement. Pour moi, une question qu'on peut se poser là-dessus, c'est une question de fluctuation. Si ça fluctue plus, ça veut dire que l'énergie qu'on utilise, on va peut-être l'utiliser différemment ou même à un différent moment de la journée. Par exemple, les boulangeries, pourquoi on cuit le pain la nuit ? Parce qu'on a hérité du charbon, du pétrole et maintenant des centrales nucléaires. Donc on peut faire des boulangeries la nuit. Ça n'a aucun sens de cuire du pain la nuit. Évidemment que les boulangeries doivent cuire le pain avec de l'énergie solaire et donc faire du pain le jour. Donc les boulangers vont travailler le jour, ils vont arrêter de travailler la nuit. Et donc on va acheter son pain en fin d'après-midi. Donc c'est culturel aussi. Et donc ça, on aura moins d'énergie si on veut, mais on aura les mêmes services. C'est surtout ça qui est important.
- Speaker #0
C'est le utiliser différemment qui est essentiel dans cette histoire. Alors bien entendu, il y a toute une série de questions sur comment on fait concrètement tout ça. On a déjà parfois abordé des petites choses par rapport à ça. Mais comment on peut emmener les autres ? dans ce voyage vers de nouveaux objectifs, vers des projets de société, comment on peut mobiliser pour avoir une masse suffisamment importante qui va devenir critique, qui va permettre de pouvoir faire bouger toute la société ?
- Speaker #1
Mon conseil, c'est de ne pas commencer par le social et l'écologie. C'est terrible, mais ce sont deux mots qui ont été complètement démonétarisés. Quand on dit le mot social, on est islamo-gauchiste, et quand on dit le mot écologie, on est punitif. Donc en fait, c'est deux mots qui ne sont plus opérants, qui en fait se braquent. Une porte d'entrée bien plus intéressante, c'est le monde fluctuant. Parce que ça, tout le monde est touché par ça, qu'on soit de gauche, de droite, dans le rural, en ville, qu'on soit un paysan ou un chef d'entreprise. On est tous touchés par le monde fluctuant et donc il suffit d'écouter les nouvelles, ça arrive tous les jours. Donc le monde fluctuant, c'est la bonne porte d'entrée. Si on est dans le monde fluctuant, du coup la robustesse vient juste après. Et comment on fait pour être robuste ? C'est là où il y a le compromis avec la performance. Et en fait, ce chemin-là, monde fluctuant, appelle la robustesse, la robustesse appelle un nouveau compromis avec la performance. Celui-là, à mon avis, il est assez convaincant. Mais ce n'est pas suffisant. Un autre axe, c'est qu'il faut l'incarner. Donc, avoir des exemples inspirants sous la main. Et donc, en fait, on en a tous les jours. L'exemple 37°, 40° de la fièvre, c'est un exemple incarné, au sens vraiment incarné dans notre corps. Mais ça peut être l'entreprise voisine, ça peut être la métropole du coin, ça peut être les paysans artisans de Namur, ça peut être la ressourcerie namuroise. Il y en a certainement plein à mon souci. Des exemples qui existent.
- Speaker #0
Et qui peuvent être facilement trouvables sur le net. Typiquement, chercher les entreprises régénératives. Et on va trouver tous ces exemples qui sont là. Et toutes ces entreprises qui sont intéressantes, elles ont une raison d'être. Donc, on se reconnecte à ce qu'on vient d'expliquer juste avant. Donc, dans la conférence, tu expliques que c'est un peu comme une nuée d'oiseaux. Les gens qui sont à la marge voient la fluctuation. Les gens qui sont au cœur ne l'aperçoivent pas. La personne se dit, pour une personne qui se trouve au cœur, quels seraient tes conseils pour se mettre en action, pour voir ces fluctuations ? Elle prend l'exemple, cette personne, d'un fonctionnaire de la communauté européenne, qu'on pourrait considérer vraiment au cœur. Comment lui peut se mobiliser et comment on peut peut-être le mobiliser ?
- Speaker #1
Dans les nuées d'oiseaux, ce qui se passe, c'est que les oiseaux au cœur, en fait, ils circulent. Et donc, de temps en temps, ils vont aux marges. Un fonctionnaire de la Commission européenne ou de l'Union européenne, s'y fait du covoiturage. s'est fait du blabla car, s'est fait un trajet, je ne sais pas moi, Bruxelles-Paris en blabla car, en covoiturage, et donc il est enfermé dans une voiture avec un citoyen qu'il n'a pas choisi, de façon aléatoire, il va être exposé aux marges. Le pire, c'est d'être au cœur et d'avoir un chauffeur, de se déplacer en jet privé, d'être sur son yacht, parce que là, du coup, on ne voit jamais l'extérieur. Et donc, en fait, c'est de trouver des mécanismes qui exposent les gens du centre à la périphérie. Donc voilà, le covoiturage, c'en est un, mais il y en a plein d'autres qu'on peut imaginer.
- Speaker #0
Une autre question que je trouve assez intéressante, on arrive tout doucement à la fin des questions. Tout ce que tu nous as expliqué, je vais dire, une des valeurs centrales, c'est la coopération, ça paraît évident. Comment on fait pour coopérer avec des gens comme Poutine et Trump, qui, eux, en fait, on pourrait le qualifier, ce n'est pas une expression de moi, dans plusieurs médias, on en parle de cette façon-là, des agents du chaos, au final. Oui,
- Speaker #1
bien sûr. Alors là, je vais être très clair, il ne faut pas chercher à coopérer. Il faut coopérer avec des gens avec qui on peut coopérer. Il faut bien définir la coopération. La coopération, c'est quand on va contre sa performance individuelle pour nourrir la robustesse du groupe. Ça veut dire qu'avec Poutine ou Trump, il faut faire des alliances autour de Trump et de Poutine pour qu'ils soient isolés. Une fois qu'ils sont isolés et qu'ils sont entourés de gens qui coopèrent, sauf eux, soit ils basculent, ils changent, mais je n'ai aucun espoir pour Poutine. Il faut vraiment attendre qu'il disparaisse. Et Trump, c'est à peu près pareil. On attend, quoi. Mais ce n'est pas grave, parce que l'Alliance fait que, de toute façon, on est tous en train de coopérer. En fait, c'est très joyeux. Et en fait, on a juste isolé. En fait, on a confiné. Il faut plutôt considérer que Trump, mais surtout Poutine, c'est comme un déchet nucléaire. C'est-à-dire qu'il y a des déchets nucléaires extrêmement toxiques. On ne peut vraiment rien en faire. On les vitrifie. Donc, ils sont toujours là. Et on les met dans une cave. ils sont ringards dans leur cave mais au moins ils ne feront plus de mal Ils sont toujours là. Mais par contre, nous, on coopère avec ceux avec qui on ne veut coopérer. C'est beaucoup plus joyeux. Plutôt que d'essayer de les convaincre, il y a des moments où il faut garder son énergie avec qui on peut faire construire des choses.
- Speaker #0
Alors, je partage aussi, pour l'instant, je suis en train de lire le siècle bleu de Gou, donc un Français aussi, qui a écrit ensuite la Révolution bleue. Et dans le siècle bleu, il donne un exemple qui est assez intéressant d'une île en Micronésie qui, en fait, avait une réserve. énorme de phosphate, et qui est devenue l'île la plus riche au monde dans les années 60, je crois, 70, et qui maintenant vit dans une misère énorme, parce que justement, les gens roulaient, enfin, ils avaient 7 voitures chez eux, ça n'avait aucun sens. Mais là, on voit bien cette performance vs cette robustesse, où au final, s'ils avaient pensé sur le long terme... le bénéfice de l'île et de tout ce qui les entoure pour faire en sorte qu'ils ne seraient pas du tout dans cette situation-là.
- Speaker #1
Oui, c'est un exemple canonique. C'est l'île de Nauru. Oui, c'est ça, tout à fait. Des réserves de phosphate incroyables. Ils sont devenus une république comme l'Arabie Saoudite. Ils étaient un des pays les plus riches du monde. C'est l'exemple typique où l'abondance de ressources induit une forme de stabilité, l'abondance de ressources induit la performance qui dissipe le potentiel et après on se plante. Le contre-exemple, ce serait plutôt la Norvège, qui a aussi plein de défauts quand même, parce que ce n'est pas non plus tout est idéal, mais qui ont décidé, avec ce stock de pétrole, de ne pas tout dissiper et de se mettre des freins, donc des temps sous optimalité pour ne pas tout dépenser. Évidemment que là, ils ont d'autres choses. Alors, Norue, ce qui est terrible, c'est que là, ils ont vécu cette misère noire après avoir été les plus riches du monde, sauf que dans les eaux sous-marines de Norue, ils ont des nodules polymétalliques avec des... tas de métaux super intéressants pour la transition écologique. C'est le premier pays qui est en train d'autoriser le deep sea mining, donc les mines en fonds profonds. Et donc, ils sont en train de relancer un cycle d'hyper performance avec hyper abondance de ressources. Et donc, ils vont repartir à faire de l'obésité, de la criminalité. C'est un peu désespérant parce qu'ils ont vécu le chaos au total et ils sont en train de relancer un deuxième cycle avec d'autres ressources.
- Speaker #0
Donc ce cas est vraiment intéressant, chers auditeurs, chères auditrices, n'hésite pas à aller te renseigner sur cette île de Norwood en Micronésie. Moi, c'est un exemple qui m'a assez interpellé, je ne connaissais pas du tout. Pour terminer, il reste quelques petites questions. La personne se demande, tu parles souvent de ces joyeux, etc. Est-ce que tu n'es pas trop optimiste par rapport au modèle dominant de ce monde ? Je trouve la question assez intéressante au final. Comment tu te perds ça toi-même par rapport à tout ça ?
- Speaker #1
Alors, je ne suis pas tous les jours optimiste. Il y a aussi des moments, quand on reçoit des nouvelles, la loi du plan de fait. On se dit, quand même, ce n'est pas possible qu'on en soit encore là. Donc, il y a des moments, quand même. Mais ce que j'ai envie de dire, c'est ce qu'on dit souvent, c'est que tous les résistants sont optimistes. Et ça, c'était le cas à la Seconde Guerre mondiale. Donc, en fait, comme je disais tout à l'heure, il est trop tard pour être pessimiste, c'est aussi ça. Donc, en fait, est-ce que je suis trop optimiste ? À mon avis, il n'y a même pas de maximum à l'optimisme. C'est juste comme ça qu'on est vivant, en fait. C'est qu'on active la pulsion de vie. sinon c'est la pulsion de mort quand même donc quand on est vivant c'est plutôt sur celle-là qu'il faut construire deux petites dernières questions pour terminer
- Speaker #0
Pour toi, avoir de l'impact, comment ça s'incarne, comment ça se matérialise concrètement ?
- Speaker #1
Justement, je suis très tatillant sur les mots, après l'alternative complémentaire. Pareil, ce n'est pas avoir de l'impact, puisque l'impact, c'est un mot militaire.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #1
Et donc, l'impact, c'est un peu du clé en main performant. Peut-être, on se fait plaisir, on se dit, on a fait un truc, c'est la Bill Gates Foundation qui fait qu'il y a beaucoup d'impact, mais qui ne transforme pas grand-chose. Donc, avoir de l'impact, ce serait plutôt avoir de la transformation, être transformateur, être initiatique. Et donc, mettre en mouvement des collectifs, faire des collectifs apprenants, ça prend plus de temps, c'est plus hétérogène, on ne sait pas très bien où on va, le résultat n'est pas prescrit, mais par contre, ça transforme vraiment. Et c'est la métamorphose. Et donc, en fait, là, on sait qu'on est sur le bon chemin. Parce qu'en fait, on est en chemin.
- Speaker #0
Très bien. Est-ce que tu pourrais nous partager quelques ressources qui t'ont, toi, inspiré ? Donc, pas nécessairement liées à la robustesse, ce n'est pas indispensable, mais des choses que tu as lues ou que tu as vues et qui ont vraiment fait un switch à ton niveau ?
- Speaker #1
Oui, je vais faire une sélection à chaud. J'ai certainement raté des tas de choses. Mais il y a évidemment le rapport au club de Rome. Pour moi, c'est un incontournable. 72, c'est vraiment à la fois sur ce qu'il dit, le basculement, mais aussi sur l'approche systémique. C'est là, d'un seul coup, qu'on se dit que ça nous dépasse largement. Donc, le rapport au club de Rome a un deuxième, et ça va être assez général, peut-être trop global, mais c'est l'art contemporain.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #1
Donc, c'est très large. Mais l'art contemporain, en fait, pour moi, c'est une philosophie moderne, en fait, ou contemporaine, finalement. Dans les expos d'art contemporain, dans l'art vivant contemporain, le festival de théâtre d'Avignon, enfin, toute cette partie-là, c'est quasiment tout le temps une école du questionnement. C'est des questions. Chaque œuvre d'art, c'est une question. Et donc, ça nous pousse à nous questionner. Ça nous trouble. Le rôle de l'artiste, c'est de troubler et donc de mettre du jeu dans les rouages. Ça, c'est indispensable pour faire face à ses propres dissonances. et entamer la déprise sectaire. Si on n'est pas troublé, on va rester dans la dérive sectaire de la performance. Même si on est en train de faire l'expérience d'un burn-out. C'est ça qui est dingue. Il faut vraiment qu'il y ait quelqu'un qui nous le dise. Les artistes, ils mettent l'aiguille dans la faille. Et donc, c'est là où ça résonne. Je dirais que les artistes, il y a un bouquin, à chaque fois, je ne me souviens plus de son prénom, mais c'est Chevalier, Martin, voilà. Martin Lechevalier, Répertoire des subversions, c'est un texte qui répertorie en effet des actions d'artistes qui ont justement mis du jeu dans les rouages, dans des actions. Donc c'est rajouter un deuxième ballon dans un match de foot par exemple, depuis le grand 1. Ce genre de trucs là, qui ajoutent du jeu et ça je trouve ça super intéressant. Et puis peut-être une autre chose qui m'a aidé dans mon chemin en robustesse, c'est le jazz. je fais un peu de musique et quand je me suis mis au jazz finalement j'ai appris un peu à lâcher des choses quoi et en fait à être dans une forme de confort quand on sait pas où on va et finalement c'est accepter de vivre avec les fluctuations et donc c'est aussi une pratique qui m'a
- Speaker #0
certainement aidé à avoir cette déclic alors ce que je trouve intéressant et c'est là dessus que je vais me permettre de conclure c'est que on voit aussi qu'à l'heure actuelle le secteur artistique est quand même assez bien malmené à différents endroits du monde ce qui peut être aussi un signal de lutte entre guillemets de l'ancien monde par rapport aux nouveaux. C'est aussi pour ça, parce que parfois, on ne s'en rend pas compte, mais soutenir les artistes, c'est quelque chose de fondamental, parce que, comme tu le dis, avec ce qu'ils font, que ce soit de la musique, du théâtre, des textes, de la peinture, qu'on aime ou qu'on n'aime pas, ils viennent mettre du jeu et ils viennent questionner notre société, et c'est quelque chose de fondamental.
- Speaker #1
Le monde de la performance, c'est le jeu J-E, et le monde de l'ambiance, c'est le jeu J-E-U. Il y a du jeu, quoi.
- Speaker #0
Tout à fait. Je ne sais pas si tu veux ajouter quelque chose dont on n'aurait pas parlé avant. aujourd'hui et qui te semblent importants, mais on a déjà bien balayé.
- Speaker #1
Oui, on a bien balayé. Comme ça, je ne vois pas. Si peut-être un petit mot sur la santé, parce qu'il y a une question de santé publique sur l'éco-anxiété et tout ça, mais aussi sur les systèmes de santé de tous les collectifs que j'ai vus dans tous les secteurs d'activité. Il me semble que le milieu médical, le monde de l'hôpital, le monde de la médecine et de la santé, c'est un des secteurs qui a été le plus impacté, avec les artistes aussi, mais le monde médical, Hello ! C'est assez incroyable, ils sont vraiment en post-burnout, j'ai envie de dire, sauf que là, on n'est pas en crise Covid. Donc à la prochaine crise Covid, ou prochaine épidémie, ce sera très compliqué. Donc là, il est urgent de faire, à mon avis, des conventions citoyennes sur la santé pour vraiment voir comment on reconstruit tout ça.
- Speaker #0
Tout à fait, clairement. Je pense que c'est un enjeu aussi fondamental. Et je pense que l'autre enjeu fondamental, c'est que les politiques tiennent leurs promesses par rapport aux conventions citoyennes, puisque en France, Je trouve que le résultat de la convention citoyenne était super intéressant, mais par contre, les promesses de l'État n'ont pas été tenues par rapport au résultat de cette convention citoyenne, ce qui est très, très dommage. Cher auditeur, cher auditrice, je t'invite aussi à aller lire des choses là-dessus, parce qu'on a tendance à dire que les conventions citoyennes, ça ne marche pas, alors qu'en fait, si, ça a très bien fonctionné, c'est juste que l'État n'a pas joué le jeu. Et donc, c'est important de remettre ça en perspective. Olivier, merci beaucoup d'avoir pris pratiquement une heure dix de ton temps pour enregistrer ce podcast. Chers auditeurs, chères auditrices, comme je te l'ai dit, ce podcast existe vraiment en complément de la conférence qui se trouve sur la chaîne YouTube du MUMONS, donc n'hésite pas aussi à aller la voir, ça permettra de faire résonner toute une série de choses dont on a parlé aujourd'hui et d'aller plus loin sur certains concepts qu'on a fait qu'effleurer puisqu'ils avaient été détaillés dans la conférence. Olivier, je te souhaite une très très belle journée.
- Speaker #1
Merci, merci de l'invitation.
- Speaker #0
Avec plaisir. Chers auditeurs, chères auditrices, on se retrouve dans deux semaines pour le prochain épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du MUMONS. A très très bientôt, belle journée. Tu viens d'écouter un épisode du podcast du Mumons. Et franchement, j'espère qu'il t'a plu. D'ailleurs, si en passant, tu veux me faire un retour ou si tu as des idées d'amélioration, surtout n'hésite pas à nous contacter. Tu peux aussi devenir notre ambassadeur et faire découvrir ce podcast tout autour de toi. Si tu as des idées de sujets ou si tu souhaites enregistrer un épisode, surtout n'hésite pas à nous contacter. Rendez-vous sur le site internet mumons.be ou sur la page Facebook du Mumons.