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MUMONS

Épisode 127 - Les samuraïs

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1h01 |19/11/2025
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Description

Les samouraïs.
Une figure mythifiée, presque sacrée.
Un symbole de loyauté, d’honneur, de sabre et de courage… du moins, dans notre imaginaire collectif.

Mais derrière les images de cinéma, les jeux vidéo et les mangas, que reste-t-il de la réalité historique ?

Dans cet épisode exceptionnel, j’ai l’immense plaisir de recevoir Benjamin Brillaud, alias Nota Bene, l’un des vulgarisateurs historiques les plus suivis aujourd’hui. Auteur, vidéaste, passionné de transmission, il a produit un ouvrage dense et passionnant consacré aux samouraïs (Perrin, 2024).

Ensemble, nous explorons une histoire mille fois plus complexe que ne le laissent penser les images d’Épinal :

⚔️ Qui étaient vraiment les samouraïs, des archers montés avant d’être les sabreurs que l’on imagine ?
🏯 Comment le Japon et l’Occident ont mutuellement façonné leur image, au fil des siècles et des relectures culturelles ?
📖 Pourquoi le fameux Bushido est une invention tardive, plus idéologique qu’historique ?
🎬 Comment la pop culture – de Kurosawa à Assassin’s Creed – continue d’alimenter le mythe, au point d’influencer notre perception du Japon médiéval ?

Benjamin nous montre comment, sur dix siècles, le Japon a construit, déconstruit puis reconstruit l’image du samouraï pour répondre à des besoins politiques, sociaux et identitaires.
Il nous emmène au cœur d’un monde où la ruse compte autant que la force, et où le sabre n’est jamais qu’un outil parmi d’autres.

On discute aussi de la manière dont les œuvres modernes – cinéma, jeux vidéo, BD, romans – ont façonné notre imaginaire occidental… et parfois celui du Japon lui-même. Et de la manière dont la fiction peut révéler des vérités historiques tout en créant de nouvelles illusions.

Cet épisode, c’est :
• de la rigueur,
• de la passion,
• de la nuance,
• du plaisir à raconter.

Un épisode entre histoire, cinéma et philosophie, qui démonte les clichés et célèbre la passion de la transmission historique.

🎧 Disponible dès maintenant sur toutes les plateformes.
Un immense merci à Nota Bene d’avoir accepté l’invitation et d’avoir partagé son savoir avec autant de générosité.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Lorsque ce petit bolide atteindra 88 miles à l'heure, attends-toi à voir quelque chose qui décoiffe.

  • Speaker #1

    Ce qui place votre zone d'atterrissage à 5,0667 degrés de latitude nord et 77,3333 de longitude ouest.

  • Speaker #0

    Rien de tout ça derrière. Qu'est-ce que le réel ?

  • Speaker #2

    La seule variable constante est l'inattendu.

  • Speaker #3

    On ne peut pas la contrôler. Je crois que vous êtes encore pire que ces créatures. Elle, elle n'essaie pas de se massacrer entre elles pour tirer le plus gros paquet de fric.

  • Speaker #0

    Voyons si une capacité de bosser de 10% permet le décollage. Et 3, 2, 1...

  • Speaker #4

    Chères auditrices, chers auditeurs, bienvenue dans ce nouvel épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du Mumons. Alors déjà avec la sortie de Ghost of Tsushima, donc juillet 2020, je pense dans mes souvenirs, juste un mois avant qu'on lance le podcast, je m'étais dit que ce serait terrible de pouvoir faire un épisode sur les samouraïs. Alors, cinq ans plus tard, j'y suis enfin parvenu, on y est, c'est l'épisode sur les samouraïs. Aujourd'hui, on va parler de culture nippone et plus particulièrement, comme je te le dis, des samouraïs. Plus que de simples guerriers, pendant dix siècles, ils vont influencer l'ensemble du Japon à plein de niveaux différents. Et pour discuter de cette thématique ô combien intéressante, et en tout cas, moi, ça m'intéresse beaucoup, j'ai la chance et l'honneur aujourd'hui d'accueillir à distance, on est en visio, Benjamin Briot, plus connu sous le nom et sous le pseudonyme de Notavené. Bonjour Benjamin.

  • Speaker #5

    Bonjour, bonjour.

  • Speaker #4

    Comment vas-tu ?

  • Speaker #5

    Écoute, ça va fort bien. Prêt à sortir le katana.

  • Speaker #4

    Moi aussi. Alors, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire le bouquin. Le livre, qui s'intitule très sobrement « Les Samouraïs » , est sorti en octobre 2024. C'est un livre superbement illustré, des textes vraiment très clairs, qui nous font voyager à travers les dix siècles d'histoire durant lesquels les samouraïs ont eu de l'influence sur toutes... l'entité Japon. La première question que je me suis posée, c'est pourquoi un jour tu t'es dit je vais travailler sur les samouraïs ?

  • Speaker #5

    Alors, il y a plusieurs réponses à cette question. La première, je pense que c'est une figure, le samouraï, depuis que je suis gamin, qui forcément m'a interpellé à travers la pop culture, comme de nombreuses autres figures, mais c'est vrai que typiquement, je pense comme beaucoup de gens de ma génération, moi j'ai... 37 ans au moment où on enregistre ce podcast, j'ai vu Tom Cruise dans son armure et je me suis dit moi aussi je veux être un samouraï. Et puis ensuite je me suis renseigné un peu sur le samouraï, j'ai vu que c'était pas tout à fait ça, même si c'était beau. Il y a tout le cinéma de Kurosawa, il y a effectivement les Ghost of Tsushima, les Assassin's Creed, bref les samouraïs irriguent totalement la pop culture. C'est aussi un emblème du Japon, Japon qui a bercé mon enfance comme celle de tant d'autres. à travers les dessins animés, les mangas qui nous sont parvenus. Ça, c'est déjà une motivation première, qui fait qu'assez tôt, sur ma chaîne YouTube, j'ai commencé à parler des samouraïs. Et puis, depuis 2022, j'ai eu la chance de diriger des ouvrages collectifs avec des historiens, des archéologues, sur de grandes thématiques. On a fait les vikings, les samouraïs et les pirates. Là, je suis en train de bosser sur les chevaliers. Évidemment, je pars de ces grandes figures, souvent guerrières est liée à la pop culture parce qu'elles sont sujettes à de nombreux clichés et que c'est plutôt agréable, selon moi, de démonter des clichés et de se rendre compte que finalement, on pense savoir plein de trucs. En fait, c'est pas grand chose.

  • Speaker #4

    Et justement, c'est un petit peu l'optique de cet épisode qu'on va passer ensemble. C'est de partir de ces stéréotypes de la pop culture et de revoir un petit peu comment ils se sont construits. Est-ce qu'ils sont vrais ? Est-ce qu'au final... L'Occident n'a pas elle-même réinfluencé le Japon dans sa vision du samouraï. Il y a plusieurs articles là-dessus. Donc, on ne va pas tant discuter en détail de l'histoire du samouraï. Le livre, il est là pour que vous puissiez justement le découvrir. Et sincèrement, chers auditeurs, chères auditrices, si les samouraïs t'intéressent, pour moi, c'est un must-have dans la collection parce que ça retrace vraiment toute l'histoire, plus ou moins en 160, 170 pages. Je n'ai plus le chiffre exact en tête. Avec des doubles pages à chaque fois bien illustrées, bien thématiques. où on parcourt vraiment, via plusieurs angles d'attaque, cette histoire des samouraïs. Comme tu l'as dit, c'est des livres que tu écris avec des historiens, avec des archéologues. Ici, pour ce livre, tu t'es entouré d'un assez beau panel de personnes. Est-ce que tu peux nous en parler un peu de ces personnes ? Comment tu les as rencontrées ? Et au final, comment s'est passée la collaboration ?

  • Speaker #5

    Oui, alors déjà, si j'ai choisi de faire des livres collectifs, c'est aussi parce que j'avais envie de... transformé un peu l'essai de ce que je fais sur ma chaîne depuis de nombreuses années. C'est-à-dire que moi, sur ma chaîne YouTube, aujourd'hui, je ne suis plus tout seul. Il y a encore beaucoup de gens qui pensent que je suis tout seul à faire l'émission. Bon, ça, c'était le cas les premières années. Mais il y a un tel volume de production et une telle exigence sur le fond et la forme qu'évidemment, je ne suis pas tout seul. Donc, il y a une dizaine de personnes à temps plein qui bossent sur ma chaîne YouTube et les différents réseaux. Mais c'est aussi entre 30 et 40 auteurs à l'année qui travaillent sur le fond des épisodes. Et ça, c'est... principalement des historiens, des archéologues, en tout cas c'est ce profil-là. Je dis souvent, les métiers qui se finissent en hog sont mes meilleurs amis. Et donc, ce que je faisais à travers les vidéos, je me suis dit pourquoi ne pas le faire à travers des beaux livres justement à destination du grand public. Et c'est comme ça que j'ai lancé ce grand projet. Alors l'idée à chaque fois, c'est de pouvoir réunir une team un peu d'Avengers du sujet qui pourra m'aider dans cette tâche-là. Et c'est toujours un petit challenge au départ d'aller sélectionner un petit peu tout le monde parce qu'il faut des gens qui sont très compétents dans leur domaine. Mais il faut aussi des gens qui ont une certaine appétence pour la vulgarisation. Parce que tous les historiens ou tous les archéologues ne sont pas 100% ouverts à l'idée de participer à la vulgarisation, même s'il y en a l'envie, il y en a beaucoup qui disent « ouais mais ça je vais pas savoir faire, parce que moi je fais des trucs... » Tu vois, vulgariser et produire du savoir, ça n'est pas la même chose. Et donc, de ce point de vue-là, parfois, moi j'ai aussi un... Un discours où j'essaie de les rassurer un petit peu en leur disant mais vous inquiétez pas, vous pouvez apporter du fond de façon, moi je vais repasser derrière aussi et puis vous challengez un petit peu éventuellement s'il y a des termes que je comprends pas ou des contextes que je comprends pas ou si c'est trop complexe. Mais donc il y a quand même cette étape là de choisir les bons profils et d'avoir un peu de réassurance aussi. Un autre défi, et ça a été d'autant plus vrai pour cet ouvrage sur les samouraïs, c'est d'avoir des profils féminins. parce que l'histoire reste encore et toujours un domaine qui est très masculin, malheureusement. Et donc, sur certains sujets, et les samouraïs en particulier, c'était compliqué de trouver des historiennes qui bossent sur le sujet. Ce qui fait que sur 8 collaborateurs, pour le coup, pour ce bouquin, on a 6 hommes et 2 femmes. Alors, quand je dois me renseigner sur un sujet comme ça, comme les samouraïs, je vais évidemment regarder qui a écrit les bouquins un peu de référence. Merci. qui fait consensus dans le milieu. Moi, ça va me permettre d'avoir déjà quelques petits profils intéressants. Alors, ce qui est plutôt une aubaine pour moi, c'est que dans le domaine des samouraïs, comme dans le domaine des vikings d'ailleurs, au final, c'est un petit milieu. Il n'y a pas tant de gros spécialistes que ça. Donc, on fait vite le tour. Et quand on en connaît un, il peut assez facilement nous introduire auprès des autres. Et c'est souvent comme ça que ça se passe. Mais comme sur ma chaîne YouTube, je veux dire, quand je m'entends bien avec un... Un historien qui bosse pour l'émission qui me dit « Tiens, ça ne te dirait pas de parler avec mon pote qui fait ça ? Il a telle spécialité ? Ah ouais ! » C'est comme ça que le réseau s'élargit. Et finalement, ça a été un peu pareil pour ce bouquin. Moi, je travaille depuis longtemps avec William Blanc, qui est spécialiste du médiévalisme, donc des représentations contemporaines du Moyen-Âge. On a bossé ensemble sur l'émission pendant très très longtemps. Il a bossé sur les Vikings. Et là, il bosse sur tous les livres collectifs à chaque fois où il s'occupe de la dernière partie, qui est celle des usages... contemporains de la figure, mais aussi des usages politiques, par exemple. Et donc, William, il a beaucoup bossé sur ces figures de chevalier, de viking, mais il avait travaillé par ailleurs aussi sur le samouraï, donc je lui ai dit, écoute, t'as participé au viking depuis le temps qu'on bosse ensemble. Il m'a dit, de toute façon, c'est samouraï, c'est sûr, je vais bosser dessus, j'ai plein de trucs à dire. Donc, William a rejoint l'équipe dans les premiers. Un autre spécialiste que je connaissais bien, c'était Julien Pelletier. qui est un copain avec qui on a déjà travaillé sur Nota Bene aussi, et qui lui a un profil assez intéressant parce qu'il a justement ce profil vulgarisation. Il est reconnu comme étant un spécialiste de l'histoire militaire japonaise médiévale, même s'il n'est pas historien de base, mais il est reconnu comme tel en tout cas par tout le monde. Et puis surtout, c'est aussi un cartographe de talent, il fait des infographies absolument magnifiques, et il participe très régulièrement à des ouvrages. de très grande qualité, avec des très grands historiens français. Il avait fait l'histoire de la Révolution avec Jean-Clément Martin, par exemple. Et donc Julien, vu que c'est un spécialiste de l'histoire militaire japonaise médiévale, tout de suite, on s'est dit qu'il faut qu'il soit sur le bouquin aussi. Après, il y a eu des profils forcément qui s'imposaient. Le profil qui s'est imposé, c'était celui de Pierre-François Suiri, qui est un petit peu le pape des samouraïs en France. Et j'avais quand même cette appréhension parce que c'est quelqu'un qui pèse dans le game, comme on dit. Donc, dans ces cas-là, c'est vrai que quand on se présente et qu'on envoie un petit mail, qu'on ne connaît pas la personne personnellement, en disant « Bonjour, voilà, moi j'ai une chaîne YouTube à la base et maintenant je fais des livres collectifs. Et moi qui n'ai pas de diplôme d'histoire, je dirige un ouvrage collectif. Est-ce que ça te dirait de participer à mon truc sur les samouraïs, s'il te plaît ? » Et donc, tu as toujours peur de se prendre un mail. en disant mais t'es qui bouffon donc voilà c'est toujours un petit peu Et en réalité, les historiens sont toujours très sympathiques, donc Pierre-François Souhiri a accepté avec plaisir de participer, et ce qui était bien là-dedans, c'est que je savais qu'en plus, il serait très exigeant. C'est-à-dire que tout de suite, il m'a dit « Bon, par contre, moi, j'ai ma réputation, j'ai assis sur mes travaux, je ne veux pas faire n'importe quoi, donc je vais être sûr que ça soit carré. Si ça ne te dérange pas, je veux bien quand même relire le boulot global avant que ça soit publié, parce que moi, je ne veux pas associer mon nom à un truc nul. » Ce à quoi je lui ai dit, évidemment, et puis de toute façon, pour moi, c'est une approche très collective du travail. Donc l'idée, c'est que tout le monde puisse échanger, se questionner les uns les autres sur la partie qu'ils sont en train de faire. Et donc, je n'avais aucun problème avec ça. Et j'étais content d'avoir quelqu'un comme Swery dans l'équipe qui puisse, à un moment donné, dire... « Attention, warning, là je ne suis pas d'accord, ou là peut-être qu'on devrait développer les choses parce qu'il n'y a pas consensus. » Et c'est rigolo parce qu'au moment de l'élaboration de ce bouquin, il y a des fois où Pierre-François m'a envoyé une ou deux remarques, certaines qui étaient justes, où je disais « Ok, d'accord, on peut intervenir là-dessus. » Et puis d'autres où je lui disais « Ça, non, c'est un choix éditorial, pour le coup, on va le faire quand même. » Et je lui expliquais pourquoi moi je voulais le faire, et il me disait « Bon, ok, t'as raison. » Typiquement, il y a deux figures qu'on aborde dans le livre. Il y a d'une part Tomoe Gozen, qui est une guerrière samouraï, peut-être qu'on y reviendra après, semi-légendaire, parce que je voulais parler des femmes samouraïs. Et il me dit, mais Ben, les femmes samouraïs, globalement, il n'y en avait pas. Tomoe Gozen, elle est semi-légendaire, il y a trois inscriptions dessus qui se battent en duel. Pourquoi aller insister là-dessus alors que ce n'est pas le cœur du problème ? Je lui dis, oui, mais dans notre société contemporaine à nous, on questionne de plus en plus le rôle des femmes dans l'histoire. Ce rôle des femmes samouraïs, il est régulièrement évoqué dans des articles de journaux auprès du grand public. Le grand public va s'attendre à ce qu'on puisse parler de cette question de la femme samouraï. Et parler de Tomoe Gozen et de la place des femmes samouraïs, même si on ne sait pas grand-chose, finalement, pouvoir dire au public ce qu'on ne sait pas, ça va finalement nous dire beaucoup sur la place justement de la femme chez les samouraïs. Ce qui a induit d'ailleurs après une réflexion où Pierre-François Sféry m'a dit, mais... Peut-être que dans mon chapitre, je pourrais rajouter un truc sur la place qu'avaient les femmes de seigneurs de guerre, de samouraïs, justement, quelle était leur place autour d'eux, et non pas en tant que combattantes, ce qui était hyper intéressant en fait, parce que ça venait de nourrir le propos. Pareil pour un autre portrait de samouraï, puisqu'on a des portraits qui viennent comme ça parsemer tout le bouquin, celui du samouraï noir, le fameux Yasuke, qui attendait d'effrayer la chronique à travers Assassin's Creed.

  • Speaker #4

    Je viens de lancer Assassin's Creed au moment où on enregistre, je viens de le prendre donc je ne l'avais pas encore joué Il est super,

  • Speaker #5

    moi j'adorais Pareil, un ou deux auteurs qui m'ont dit tout le monde en parle dans les magazines c'est un peu une anecdote pourquoi est-ce qu'on va encore le mettre là-dedans ? Je dis oui mais Yasuke c'est une figure centrale de la pop culture et de la représentation du samouraï pour plein de gens donc forcément ils vont l'attendre et là encore c'est important de pouvoir l'évoquer pour dire ce qu'on sait, ce qu'on ne sait pas Merci. et pouvoir remettre les choses à leur place, en fait, mais, je veux dire, scientifiquement. Et encore une fois, écrire autour de ce qu'on ne sait pas, finalement, en dit beaucoup sur une période ou sur un usage. Donc, il y a ça aussi qui a vachement permis de progresser. Et puis ensuite, ça a été des suggestions. Typiquement, Pierre-François Suéry m'a amené à connaître Olivier Ansar, qui est un spécialiste de... qui est plutôt philosophe qu'historien, mais qui est un spécialiste de l'histoire des idées politiques dans le Japon, notamment sur la période Tokugawa, donc la période de paix, on va dire, 16e jusqu'au 19e siècle. Et j'ai découvert avec lui vraiment un autre visage du samouraï. Et moi, quand je recevais ces textes, j'étais mort de rire parce que vraiment, je me rendais compte à quel point j'étais finalement ignare sur le sujet et à quel point tout ce code d'honneur, tout ce bouchido, tout ce théâtre finalement, comme lui l'appelle, c'était du bullshit. J'ai même découvert l'expression « bouchido » que certains emploient. Je ne connaissais pas. Que je ne savais pas. Donc c'est plutôt drôle. Et puis voilà, après on a d'autres profils qui m'ont été poussés, celui de Delphine Mullard qui est spécialiste dans les arts, pour le coup, la peinture, les arts graphiques et décoratifs populaires. J'ai eu le profil de Cécile Dauvergne, qui elle est plus spécialisée sur l'histoire militaire, la littérature classique médiévale japonaise, et notamment sur des époques comme le XIe, XIIe siècle. On a pu avoir des gens comme Guillaume Carré, qui sont très calés aussi sur... L'époque Tokugawa et ce qui s'est passé juste avant, ou encore, un camarade, ça c'était important pour moi d'avoir un camarade japonais. qui rejoignent l'équipe. Et donc là, c'est grâce à Pierre-François Swery qui m'a dit, par exemple, j'ai un pote, Keishi Nakajima, avec qui j'ai déjà bossé, qui lui est historien, docteur en lettres, spécialisé sur la période médiévale, notamment sur l'économie, et qui a pu nous écrire quelques pages dans cet ouvrage qui ont été traduites par Pierre-François Swery lui-même. Donc voilà, des profils assez différents. quand même, mais très complémentaires. Sur cet ouvrage-là, on avait un peu plus de... On a plus des historiens purs et durs que dans certains autres ouvrages où j'ai ajouté aussi quelques médiateurs, typiquement sur les pirates ou les vikings. On a des gens qui font de la médiation au sens global, mais qui avaient quand même beaucoup travaillé sur ces thématiques que j'avais joints dans l'équipe. En tout cas, voilà. Une équipe... C'était mon équipe d'Avengers pour les samouraïs, et ça nous a permis de dresser un portrait accessible au grand public, et puis scientifiquement un jour, surtout pour ce livre des samouraïs.

  • Speaker #4

    Et c'est ça qui est super intéressant parce que, comme tu le dis, c'est scientifiquement à jour. Donc, les données qui se trouvent dans ce bouquin sont vraiment des données hyper récentes, de plein de recherches différentes et qui nous permettent d'avoir cette vision du samouraï. Et cette vision du samouraï, tu l'as déjà laissé sous-entendre à plusieurs reprises, elle est très, très, très différente de cette vision occidentale que l'on a, typiquement le dernier samouraï avec Tom Cruise, où l'honneur, la mort... L'objectif final du samouraï, il y a toute une série d'articles là-dessus. Est-ce que tu peux, justement, avant qu'on rentre dans cette pop culture, peut-être nous définir au final, c'est quoi un samouraï ? Qu'est-ce qu'on entend par samouraï pour qu'on puisse un peu se localiser ? Quand est-ce qu'ils apparaissent, en gros, et quand est-ce qu'ils disparaissent et qu'est-ce qui se passe un peu entre eux ?

  • Speaker #5

    Oui, bien sûr. Donc, on va essayer de tracer ça dans les grandes lignes, de ne pas rentrer trop dans les détails. Mais en gros, ce qui est important de comprendre, c'est qu'un samouraï, c'est un guerrier. Voilà, donc jusque là, ça va, le dernier samouraï ne se trompe pas trop, c'est un guerrier. Maintenant, le rôle du samouraï, et ce qu'est même un samouraï, va énormément évoluer en dix siècles d'histoire, et ça a été ça la difficulté aussi de ce bouquin de mon côté, et essayer de trouver une approche cohérente entre du thématique et du chronologique, et finalement c'est presque une histoire du Japon à travers la figure du samouraï qu'on a fait dans cet ouvrage. Alors, un samouraï... C'est vrai qu'on se le visualise comme un guerrier à pied avec son grand katana qui va se battre en duel sur un champ de bataille. A la base, ce n'est pas du tout ça. Un samouraï, c'est un guerrier spécialisé qui va être au service de son seigneur. Ça apparaît aux alentours du Xe siècle, peut-être un petit peu avant, c'est un peu flou. Et à la base, ce sont plutôt des archers et des cavaliers. Donc c'est vraiment des archers montés. Et c'est vrai que c'est assez contre-intuitif parce que ce n'est pas du tout l'image. qu'on a à la base des samouraïs. Et alors, les samouraïs, ces guerriers-là, ça va devenir une caste, finalement, de guerriers, au service d'un seigneur. Et donc, progressivement, c'est une caste qui va muter. Et donc, on va avoir des samouraïs qui seront toujours des cavaliers, mais on va avoir des samouraïs qui vont se battre à pied, par la suite. Et donc, leur rôle, guerrier, qui est dans une caste extrêmement hiérarchisée, va évoluer jusqu'à l'époque... Tokugawa, jusqu'au XVIe siècle, finalement, enfin XVIIe siècle même, puisque c'est au tout début du XVIIe siècle que le Japon va entrer dans une période de paix. Mais donc ces guerriers-là vont représenter une partie de la population non négligeable, puisque on estime, alors les chiffres divers, c'est entre la police et les syndicats, comme toujours, mais au début de l'époque Edo, ou période Tokugawa comme on l'appelle, donc à la période de paix, donc début du 7ème siècle, c'est on va dire 7% de la population qui fait partie de la caste des samouraïs. Donc ça fait énormément de monde. Ceci dit, comme je l'ai dit, c'est très hiérarchisé, donc on va avoir des samouraïs qui appartiennent à l'aristocratie, et on va avoir des samouraïs qui font partie de cette caste, mais qui vont, pour le coup, être assez pauvres. Donc on a vraiment, ça regroupe en fait une classe sociale et en même temps des réalités économiques. et sociales, justement, extrêmement différentes. On met tout le monde dans le même panier, mais finalement, ça désigne beaucoup de choses. Ce qui réunit ces gens-là, c'est le fait d'être des guerriers formés à l'art de la guerre, parce que globalement, l'histoire du Japon pendant quelques siècles, en tout cas jusqu'au début du XVIIe, c'est une histoire assez sanglante, avec des seigneurs de guerre, ce qu'on appelle des daimyo, ça on en parle beaucoup dans des œuvres aussi de pop culture, les daimyo, ce sont des seigneurs de guerre. qui règnent sur des grandes provinces, des grands fiefs, et qui vont partir à l'assaut d'autres provinces pour les conquérir. Et d'ailleurs, cette histoire japonaise, elle est jalonnée de conflits entre ces daimyo. Et elle passera par ce qu'aujourd'hui, dans une sorte de, je ne vais pas dire roman national, mais presque, dans la grande histoire du Japon, on a trois grands unificateurs, donc trois grands guerriers qui ont chacun contribué à l'unification du Japon jusqu'à arriver à cette période de paix durant l'époque Edo avec le dernier de ces unificateurs, Tokugawa

  • Speaker #4

    Ieyasu. Donc tu as parlé des daimyo, mais... Tu emploies aussi d'autres termes dans le bouquin, je voudrais juste y revenir, comme ça on fixe bien les choses. Le podcast peut ainsi coexister avec le livre et être un outil pour lire le livre. Tu parles de shogun, je ne sais pas si je le prononce bien, tu parles de l'empereur aussi, quelles sont leurs relations avec ces samouraïs, etc. On parle de ronin aussi, comment toutes ces fonctions coexistent et se situent dans la politique japonaise ?

  • Speaker #5

    Oui, alors... L'empereur déjà, c'est plutôt facile à deviner, c'est théoriquement celui qui est au-dessus de tout le monde et qui dirige tout le monde. Qui est d'ailleurs d'ascendance divine. En principe, il y a toute une généalogie qui se déploie. Et d'ailleurs, encore aujourd'hui au Japon, l'empereur est d'ascendance divine, directement liée à la mythologie. Dans le principe, c'est lui qui est vraiment au-dessus de tous les autres et qui doit... diriger le Japon. En réalité, c'est plutôt un père spirituel, on va dire. Et dans la réalité, c'est pas vraiment lui qui a le pouvoir, ou en tout cas, on va assister, au cours des siècles, à une alternance du pouvoir à la fois entre l'empereur et ce qu'on appelle le shogun. Le shogun, c'est le seigneur de guerre, en fait. C'est lui qui, pour le coup, contrôle l'armée et donc l'État. Et donc, il va y avoir des rivalités qui vont se déployer entre partisan de l'empereur, partisan du shogun, et puis des fois c'est l'un qui prend l'ascendant, d'autres fois c'est l'autre, c'est souvent le shogun quand même, celui qui dirige les armées. Et donc on a des grandes périodes où l'empereur est relégué finalement au simple rang de pantin, et suit finalement un petit peu ce qui est dicté par le shogun. Et donc le shogun va avoir autorité. après sur les différents daimyo qui eux-mêmes vont avoir autorité sur les différents chefs de fief, qui eux-mêmes vont avoir autorité sur les différents samouraïs qui eux aussi ont en charge parfois quelques guerriers ou quelques familles à gérer. Bref, il y a toute une hiérarchie assez complexe qui se met en branle. Et alors la différence entre un samouraï et un ronin, c'est que le ronin en fait c'est un samouraï mais qui n'a plus de maître.

  • Speaker #4

    Donc il ne sert personne au final.

  • Speaker #5

    Pour X raisons, il ne sert plus personne parce qu'en fait, il a perdu son maître. Et alors, typiquement, on a cette fameuse histoire des 47 Ronin, qui est super connue, où en gros, l'histoire, c'est qu'il y a le chef de ces Ronin qui pète un câble à un moment donné dans une réunion diplomatique, qui va agresser un mec en face de lui. C'est très très mal vu. Donc il est condamné à se faire seppuku, je crois, si je dis pas de bêtise. Et du coup, ces samouraïs se retrouvent sans maître. Et donc ils vont décider de se venger, en fait, et de poursuivre l'oeuvre de leur maître avant d'eux-mêmes être condamnés au seppuku, en fait. Donc c'est une histoire tragique qui a alimenté beaucoup beaucoup la pop culture. Et alors ce que je ne savais pas, c'est qu'il y a un sanctuaire des 47 ronin à Tokyo. et j'ai eu la chance d'y aller, qui est tout petit et qui est impressionnant parce qu'en fait, il y a encore plein de gens. Alors, il y a beaucoup de touristes certes qui y vont, mais des japonais aussi qui vont tous les jours brûler des bâtons d'encens sur la tombe des Ronin. C'est étonnant.

  • Speaker #4

    C'est étonnant et en même temps, t'en parles dans le livre, la figure du samouraï, en fait, est véritablement une figure protéiforme parce que comme tu l'as dit, il y a une diversité énorme dans la richesse ou le statut de tous ces samouraïs à travers les dix siècles d'histoire. Et donc, les gens vont s'approprier des éléments de culture liés aux samouraïs comme un message porteur pour eux. Donc, parfois, le samouraï va être pris comme un emblème du nationalisme. Parfois, justement, le samouraï va être une critique de ce nationalisme, alors qu'au final, c'est a priori la même figure.

  • Speaker #5

    Oui, mais alors ça, on arrive sur des usages de l'histoire qui sont un petit peu communs, finalement, �� tous les pays, à tous ceux qui l'étudient, à tous ceux qui la transmettent et à tous ceux qui la réinterprètent. C'est-à-dire que le samouraï, c'est pas la seule figure qui va pouvoir être exploitée de différentes manières. En fait, on peut totalement se servir de quasiment n'importe quel événement qui s'est passé dans l'histoire pour servir un propos idéologique ou un autre. Et c'est ça qui est un peu rigolo, finalement, quand on regarde un peu la production de l'histoire et sa transmission, c'est qu'on se rend compte de cette Merci. pluralité des discours. En France, on a la même chose sur Jeanne d'Arc, qui a été utilisée à toutes les sauces, qui s'est pris je sais pas combien de procès sur la tronche, et à chaque procès, elle est dans un contexte historique bien particulier. Chaque procès, chercher à mettre en avant un truc très différent des autres procès et une figure très différente de Jeanne d'Arc, en fait c'est un peu pareil pour les samouraïs, c'est-à-dire que c'est une figure qui va être finalement érigée en exemple, notamment par le Japon d'avant-guerre, d'avant-seconde-guerre mondiale. C'est ce qu'on va montrer aux japonais, et aux jeunes japonais aussi en particulier, en leur disant « Mais regardez, l'idéal à atteindre, c'est ça, c'est le samouraï, c'est le guerrier qui va se sacrifier pour son maître. » pour ceux qui l'aiment, c'est la dévotion guerrière finalement au service de la nation. Et en même temps, après-guerre, la grosse majorité des films qui ont été produits autour des samouraïs, Kurosawa, compagnie et tout ça, il y a beaucoup de cinéastes très engagés à gauche qui vont utiliser cette figure du samouraï comme figure de dénonciation, justement. Et puis après, Rebelote, ça va resservir d'illustrations et des discours réactionnaires. Donc, on voit qu'il y a une... une fluctuation dans cette réception-là, et c'est une fluctuation qui se repose aussi sur l'historiographie, donc sur la manière dont on écrit et on produit cette histoire, et on la réceptionne, puisque cette figure, effectivement, du samouraï, on le disait, elle va être mouvante, elle va évoluer, et il va y avoir une légende, finalement, qui va se créer autour des samouraïs, qu'ils produisent eux-mêmes. Parce qu'on a cette image du samouraï, le combattant, très codifié, très loyale, qui va aller jusqu'à la mort pour servir son idéal et son maître. Et ça, en fait, je ne nie pas absolument que ça ait pu exister, parce qu'il y a toujours des gars comme ça, et voilà, à grand bien leur en face. Mais, ce qu'on regarde en étudiant un petit peu les documents de l'époque et les sources primaires, c'est que c'est pas du tout le cas. La plupart des samouraïs, je veux dire, si à un moment donné, ils se sentent un petit peu en danger, et puis qu'ils voient que l'herbe est un peu plus verte à côté, Ils vont faire un petit pas de côté et ils vont dire bye bye à leur maître et ils vont aller servir leurs intérêts à eux.

  • Speaker #4

    Avec certains cas qui font des allers-retours.

  • Speaker #5

    Oui, non mais totalement. Et en fait, c'est même pas mal vu la trahison. C'est-à-dire que c'est normal. Tu te ranges du côté du gars qui peut t'apporter le plus. Et ça fait l'objet de tractations. Donc, cette image du guerrier très loyal, il faut beaucoup la relativiser. Il y a de grandes batailles comme ça qui se sont jouées. D'un coup, tu avais un tiers de l'armée qui partait à l'ennemi. Ah mince, je ne l'avais pas vu venir. C'est assez rigolo. Et en fait, cet idéal du samouraï, ce code finalement samouraï, ce qu'on va même appeler après le Bushido, la voie du guerrier, tout ça, c'est une construction a posteriori. Et c'est ça qui est hyper intéressant et qu'on essaye de montrer dans le bouquin. Et c'est de là que sont hérités tous nos clichés qu'on va retrouver aussi dans le fameux dernier samouraï de Tom Cruise qui est... un peu l'apothéose de tout ça.

  • Speaker #4

    Justement, par rapport à ça, moi, ce qui m'a beaucoup surpris, en fait, dans cette histoire des samouraïs, c'est... J'avais cette vision, tu vois, de l'honneur du samouraï, où on se bat en duel, en fait, au final, c'est une affaire de samour... un samouraï contre un samouraï. Bien entendu, il y a des grandes batailles, mais généralement, ces grandes batailles se concluent par un espèce de combat final entre deux samouraïs qui finissent par déterminer qui a gagné. Et en fait, j'ai appris qu'il y avait énormément d'échauffourées, de... de petites trahisons comme ça, comme tu l'écris, ou des plus grosses trahisons, des pièges qui étaient dressés par les samouraïs pour faire tomber une autre armée. Donc, en fait, ce code n'existe pas.

  • Speaker #5

    Non, non, non, je veux dire, la ruse est aussi un très, très bon moyen de remporter la victoire. Et ce qui compte, en fait, chez les samouraïs, ce n'est pas la manière de faire, c'est le fait de remporter la victoire. Donc, l'honneur, là-dedans, j'ai envie de dire, bon, on s'en fout un peu, quoi. L'idée, c'est de réussir à gagner. Pour ça, tous les moyens sont bons. Ce qui n'exclut pas qu'on pouvait peut-être avoir des guerriers ou des daimyo qui avaient un sens particulièrement aigu de l'honneur et de la loyauté. Ce n'est pas excluant du tout. Mais ce qu'il faut bien intégrer, c'est que ce n'est pas un truc systématique qui caractérise cette caste de guerriers. C'est vraiment au cas par cas qu'on va pouvoir voir ça. Et puis comme dans tous les films, on a cette image du samouraï qui va foncer sur le champ de bataille en hurlant avec son katana. au-dessus de la tête et qui va direct au contact. Et ça, c'est un truc qu'on retrouve énormément dans beaucoup d'autres figures guerrières au cinéma. La réalité, c'est que tant que tu peux dégommer à distance le type d'en face, tu t'approches pas.

  • Speaker #0

    Parce que s'approcher, c'est quand même dangereux. Donc, ces armes-là, elles servent un peu en dernier recours, quoi, tu vois. Et je veux dire, quand les armes à feu ont commencé à arriver, évidemment que, fin du XVIe siècle, les gars se tirent dessus à coup d'arc-buse. Ils vont pas s'embêter directement à l'Eota avec un katana. Donc, c'est vrai que ce qu'on voit dans le dernier samouraï, bon, là, en plus, on est vraiment très tardif. avec des samouraïs qui vont sabre au point contre une armée régulière, avec des fusils, avec des mitrailleuses automatiques, tout ça. Bah non, quoi. Les samouraïs, ils avaient des flingues et ils s'en servaient au maximum parce qu'ils n'étaient pas bêtes, quoi, tu vois. Et que même si t'es loyal et que t'as le sens de l'honneur, à un moment donné, tu te dis, bon, si je me fais plomber 200 mètres avant, mon honneur, il ne va pas beaucoup servir, quoi. Donc, je veux bien un flingue pour me défendre, s'il vous plaît.

  • Speaker #1

    Si on doit sélectionner deux ouvrages qui ont certainement véhiculé cette image, je voudrais parler du Hagakure et du livre qui s'appelle Bushido, Soul of Japan, qui au final véhiculent cette image complètement tronquée des samouraïs, où dans le Hagakure, on a ce culte de la mort, où le samouraï doit aller jusqu'au bout et il doit mourir. La mort est vraiment l'objectif à la limite de la bataille. Tandis que dans le Bushido, Soul of Japan, ce qui se passe, c'est que Le livre est d'abord écrit en américain, parce que c'est pour diffuser cette culture nippone un peu partout dans le monde, avant d'être traduit en japonais et d'influencer lui-même la vision que les japonais ont des samouraïs. C'est assez fou, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, de toute façon, il y a un aller-retour assez constant dans les cercles intellectuels aussi, entre le Japon et l'Occident, en fait. Et les deux vont se nourrir un petit peu, et en plus, il y a cette idée que... Finalement, les samouraïs, c'est un peu comme la chevalerie chrétienne en Occident, qui a beaucoup de parallèles à faire. Et donc, on a des intellectuels qui, effectivement, vont faire des échanges comme ça. Et alors, ce fameux Bushido, l'âme du Japon, The Soul of Japan, qui a été écrit par Nitobe début XXe siècle, il a été extrêmement diffusé en Occident, puis au Japon, pour le coup. Et il a essuyé forcément des critiques, parce qu'il est clairement... dans une valorisation d'une image du guerrier qui n'existe plus depuis des centaines d'années. C'est une vision totalement fantasmée, à la fois du guerrier pré-XVIIe siècle et en même temps de cette vision construite qu'on a eue du Bushido. Avant même de parler du bouquin, il faut comprendre pourquoi il y a cette fameuse voix du guerrier qui s'est développée. On rembobine un petit peu. on a au XVIe siècle une période de très trouble de l'histoire japonaise, période Sengoku, on a différents daimyo qui s'affrontent pour prendre le pouvoir, on a différents unificateurs qui vont se succéder, alors on a Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi, et le dernier, Tokugawa Ieyasu, qui va enfin réussir à unifier le Japon. Une fois qu'il y arrive, de par des manœuvres militaires, mais aussi politiques, eh bien le Japon se retrouve en paix. À ce moment-là, on a à peu près 7% de la population qui vit par les armes, pour les armes, et qui se retrouvent sans boulot. C'est un problème. C'est un problème parce qu'on ne sait pas quoi en faire. Et puis les gars, ils n'ont fait que la guerre. Donc il y a même des... On en parle un peu, je crois, dans le bouquin. Il y a des cas où on s'est dit, bon, on ne sait pas quoi en faire, on a besoin de monde dans les champs, on va les foutre dans les champs. Et ils les foutent dans les champs, et les gars ne savent pas, en fait, faire pousser des légumes. Donc c'est un désastre, tu vois. Et on se dit, mais qu'est-ce qu'on fait ? Et donc, il y a en fait à la fois tout... un pan de la population qui n'a même plus lieu d'être, en fait, on n'en a plus besoin d'eux. Et en même temps, cette population-là, qui a été pendant des siècles absolument indispensables, elle a des privilèges. Et donc, elle va chercher à garder ces privilèges, hors de question pour eux de se séparer de ces privilèges, et notamment des rentes éventuelles qu'ils peuvent toucher. Alors, à l'époque, ils ne touchent pas des espèces sonantes et trébuchantes, ils sont payés en riz ou en voilà. Et hors de question pour eux de perdre ces privilèges-là. Donc, il va falloir défendre ces privilèges. Et donc va se mettre en place ce que Olivier Ansar, qui a contribué dans le bouquin, ce que lui appelle le théâtre, finalement. Les samouraïs vont se mettre en scène et vont commencer à se dire, bon, il faut que notre cast, on trouve un truc qui nous rassemble, qu'on s'invente des codes, une apparence, tu vois, des traditions, une façon d'être et qui nous permettent de justifier le fait que, socialement, on soit au-dessus des autres, en fait, et qu'on ne perde pas nos privilèges. Et ça, c'est un théâtre qui va s'exprimer, se renforcer à travers tout plein d'aspects, et notamment la mise en place de ce fameux code d'honneur, du Bushido, de la voie du guerrier, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de code avant. Parce qu'il y a pu avoir des codes, clairement, mais c'était des codes qui étaient plutôt locaux. Tu vois, t'as un, je sais pas moi, un seigneur local qui va dire, bon bah les gars, vous bossez pour moi, tant que vous bossez pour moi, c'est interdit de faire ça, c'est interdit de faire ça, quand tu veux t'adresser à un tel, tu le fais comme ça. Bon, il pouvait y avoir des codes, mais il n'y avait pas un truc unifié, et c'était pas du tout le même code pour tout le monde, quoi. À partir de là, on va essayer d'en faire finalement une sorte de guide spirituel, tu vois, de Bushido, et de l'imposer comme étant l'idéal du samouraï. Et ce qui va renforcer notre vision contemporaine du samouraï à travers le dévouement jusqu'à la mort, c'est un autre bouquin que tu as évoqué tout à l'heure. Il y a eu le Bushido, donc, qui est là aussi pour exacerber un peu de nationalisme. Mais on a le Hagakure. Et le Hagakure, c'est vraiment produit très tardivement aussi. Et c'est produit par un samouraï qui est sur la fin de sa vie, qui va se confier en gros à son assistant. Et c'est un recueil de petits textes sur ce que doit être un samouraï, de comment il doit se comporter. et c'est vrai que dans ce bouquin on revient quand même très très souvent à la mort en fait le gars il te dit si la mort elle est en face de toi vas-y quoi, parce que t'es un vrai samouraï donc montre bien tes pectoraux et empale-toi sur le sabre de l'adversaire t'auras une belle mort et donc une belle vie c'est grosso modo et donc c'est vrai que ça peut paraître un petit peu étonnant et en fait ce qui est rigolo c'est que quand on prend un peu de recul sur ce Agakure, on s'aperçoit que C'est un peu une écriture un peu méta, où le mec prend de la hauteur, finalement, sur sa propre condition, quoi. Le gars se rend compte que les samouraïs, ils sont en train de crever, parce que ça fait deux siècles qu'on n'a plus besoin d'eux, quoi. Et à un moment donné, il faut passer à autre chose. Et donc, le gars se dit, le Makas, t'es en train de mourir, on ne sert plus à rien. Et donc, il va le mettre par écrit, en disant aux samouraïs, bon, bah ouais, effectivement, la bonne manière de finir, là, c'est de mourir, quoi. C'est vraiment un discours un peu méta qui est développé là-dedans. Et ce qui est intéressant, c'est que du coup, ça va participer à la fabrique du cliché du parfait petit samouraï. Et donc, ça va vraiment alimenter ce cliché qu'il y a eu dans la pop culture, mais aussi cet idéal qui va être utilisé avant la Seconde Guerre mondiale pour embrigader aussi les jeunes. Le Hagakure, ça va être un instrument de propagande, clairement.

  • Speaker #1

    Justement, tu l'as dit à un moment, ces samouraïs vont devoir disparaître. C'est assez intéressant parce que certains vont porter au final l'attirail administratif et donc d'une certaine façon la modernité du Japon. Certains vont commencer à ouvrir des usines, des choses comme ça. D'autres vont complètement péricliter et disparaître dans l'oubli. Qu'est-ce qui reste aujourd'hui de cette classe des samouraïs ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui reste aujourd'hui ? Alors, je ne suis pas un grand spécialiste de ça, mais ce qui est sûr, c'est que cet idéal samouraï, il a été... utilisés aussi par certains. Tu vois, même dans la mafia, les yakuza, il y a une espèce de justification des idéaux ou de la manière de se comporter ou d'être, ou de fabrique du folklore en se reposant sur, effectivement, une sorte d'acquis passé, qui n'est pas forcément un acquis, mais qui est, du coup, là aussi, un folklore qui est fabriqué. Au même titre que des mouvements politiques dans tous les pays du monde vont pouvoir s'asseoir sur leur histoire, on va dire nationale, pour justifier... des positions politiques, le samouraï peut aussi être une figure politique qu'on va solliciter pour justifier, finalement, une décision ou une idéologie. Regardez, avant, il se comportait comme ça, c'était des vrais bonhommes, alors nous aussi, on va se comporter comme ça. Et c'est notamment pour ça que le samouraï, pendant, même encore aujourd'hui, a une image très viriliste. Et ça, c'est rigolo parce qu'on l'aborde dans le bouquin aussi, et c'est à la fois vrai et pas vrai, le samouraï ultra-viril. C'est-à-dire que globalement, les samouraïs, ce qu'on dit dans le bouquin, c'est qu'ils déconsidéraient très fortement la femme. Que souvent, la femme, c'était fait pour enfanter et puis basta. Et du coup, on reste entre mecs.

  • Speaker #1

    Ils avaient peur d'attraper la faiblesse, entre guillemets, de la femme dans leur talent guerrier, etc.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, dans des écrits, pendant cette période de paix, à l'époque Tokugawa, on a des écrits. Deux gars qui se lamentent un peu en disant « Ah, regardez, maintenant, les samouraïs, c'est devenu des femmes, ils se sont féminisés, voilà. » Et en même temps, ce qui est assez marrant, c'est que du coup, vu que le summum de la virilité, c'est d'être contre-mec, finalement, le seul amour véritable, c'est celui que tu peux donner à un mec. Donc, on parle aussi... Alors, c'est compliqué de qualifier ça d'homosexualité, parce que c'est pareil, les conceptions sont... L'homosexualité, c'est très contemporain. comme système de pensée. Quand on regarde l'Antiquité grecque, avec notre référentiel, oui, l'homosexualité existait, mais pour eux, ça n'en était pas. bon bah là c'est pareil pour les samouraïs Il y avait des relations entre mecs, en fait. Et ça, on en parle dans le bouquin. Et ça, c'est vraiment un truc qui est inenvisageable pour une partie des gens qui se disent « Non, non, les samouraïs, c'est l'idéal viril. Ils ne peuvent pas avoir des relations avec d'autres hommes. » C'est une figure extrêmement ambiguë, finalement, et qui est, encore aujourd'hui, très malléable.

  • Speaker #1

    Alors, justement, dans cette pop culture, moi, il y a un exemple qui m'a assez perturbé. Tu en parles dans le livre. C'est la princesse Mononoke de Miyazaki. que tout le monde pratiquement connaît, où, en fait, lui, il va développer une image très négative des samouraïs, parce que, justement, il est plutôt pacifiste, Miyazaki, et le peu de samouraïs qu'il va représenter, parce que quand on est attentif, dans ses animes, il y a très peu de samouraïs représentés, mais, généralement, c'est des brutes épaisses, entre guillemets, qui portent une certaine violence. Or, de tout ce qu'on a dit ici, la figure du samouraï, elle est beaucoup plus complexe que celle-là. Donc, on reste dans ces messages Au final, la pop culture véhicule un message assez standardisé des samouraïs, alors que ce qu'on doit, je pense, qu'on peut retenir de l'épisode et qu'on peut retenir du livre, c'est que cette figure du samouraï, elle est multiple et elle est beaucoup plus complexe que celle-là.

  • Speaker #0

    Oui, clairement, et même au sein du Japon, la réception du samouraï a été différente suivant les époques. C'est-à-dire qu'il y a un moment donné, au Japon, le samouraï, c'était considéré comme... Le guerrier, barbare, inculte, qui pille, qui viole. Et ils n'étaient absolument pas respectés. C'est-à-dire que dans la capitale, dans les grandes villes, ils étaient déconsidérés. Le samouraï qui se pointait en ville, on disait c'est le péquenaud utile qui s'est manié une épée. Et après, ça va s'inverser à un moment donné. Et d'ailleurs, on va avoir différents chefs de guerre qui vont mettre un point d'honneur. à soutenir des producteurs de lettres, d'art, pour acquérir justement une certaine légitimité auprès des élites intellectuelles, et pour pouvoir prendre après le pouvoir. Et c'est hyper intéressant, en fait, de voir cette évolution-là du samouraï. Et c'est intéressant d'ailleurs aussi de voir comment cette caste, finalement, va se mixer avec d'autres, à partir d'un moment, pour atteindre ses objectifs, puisque quand le samouraï devient totalement déconsidéré, Ce qui est intéressant, c'est que chez les samouraïs, tu peux adopter. Tu n'as pas ce truc de dire, ah merde, je n'ai pas d'enfant, je perds mon héritage, enfin, je n'ai pas d'enfant biologique, c'est-à-dire que tu peux vraiment adopter quelqu'un et dire, maintenant, ça c'est mon fils, il s'inscrit dans ma lignée, il a mon âme généalogique, tout ça. Et donc, il y a des adoptions qui vont se faire à un moment donné, des échanges entre des familles de marchands bien installés, qui ont des thunes, et des familles de samouraïs qui, elles, ont une aura politique. ou une réputation, mais qui n'ont pas de thune. Et donc, les deux familles s'associent en s'adoptant, entre guillemets, l'une de l'autre pour pouvoir se renforcer. Et donc là, on voit que l'image du samouraï, finalement, elle est plus que jamais très transverse et elle mute tout le temps.

  • Speaker #1

    Et moi, c'est quelque chose qui m'a beaucoup interpellé aussi, c'est que tous les aspects de la vie japonaise vont être influencés à un moment ou à un autre par les samouraïs. Tu l'as dit, la culture, dans certains moments dans l'histoire, ils vont jouer des rôles... politiques, au-delà d'être guerriers, ils vont être dans l'administration, ils vont être arpenteurs pour faire un espèce de cadastre des terrains. Ils vont vraiment influencer complètement et transversalement la vie au Japon.

  • Speaker #0

    Oui, et ce qui est intéressant, c'est de voir aussi que la plupart des aristocrates de cette époque, du coup, étaient samouraïs ou fils de samouraïs. Donc, on essayait de caser un petit peu les gens à droite à gauche. Et finalement, même si le système est tombé, il y a eu cette mutation, mais... il y a quand même des gens qui sont restés là où ils étaient. Et au même titre qu'aujourd'hui, en France, on a des familles qui sont encore très influentes dans certaines villes et qui sont les héritières de fortunes qui se sont construites, par exemple, sur l'esclavage, à Nantes, à Bordeaux. C'est un peu pareil au Japon, c'est-à-dire qu'il y a des élus locaux, des politiques qui sont eux-mêmes les héritiers de familles de samouraïs. Et du coup, j'ai eu la chance d'aller au Japon pour tourner un documentaire sur les samouraïs, justement. Et ce qui était drôle, c'est qu'à un moment donné, il y avait un élu qui était là, et puis il y avait quelques personnes qui le critiquaient en disant « De toute façon, il est là juste parce qu'il avait sa famille de samouraïs là où il valorise ses ancêtres. » Et puis voilà, c'était vraiment l'aristocratie qui s'est placée. Qui s'est placée dans le nouveau système. Et les gens étaient un peu critiques vis-à-vis du type. Donc c'est marrant de voir qu'il y a encore ça.

  • Speaker #1

    Alors je me rattache un petit peu à Assassin's Creed Shadow. Dans Assassin's Creed Shadow, on voit aussi les ninjas d'Iga, dont on ne parle pas nécessairement dans le bouquin. Comment les ninjas se positionnent par rapport aux samouraïs ? Est-ce que les ninjas ont réellement existé ou est-ce que c'est des samouraïs particuliers ? Comment tu vois les choses par rapport à tout ça ?

  • Speaker #0

    Les ninjas ont réellement existé, il n'y a pas de souci. Maintenant, il faut nuancer vachement leur image aussi, qui a été une image extrêmement romancée. Pareil, on a une espèce de rôle très défini du ninja, on voit très bien son accoutrement, ses armes. C'est le mec, l'assassin qui est envoyé dans l'ombre. Tout a l'air très très défini quand on voit des films aussi noches avec le ninja, alors qu'en fait c'est une figure qui est beaucoup plus floue que ça. Pareil, je ne suis pas un grand spécialiste, mais je sais que Pierre-François Suiri a produit un ouvrage entier sur les samouraïs dernièrement et qu'il a quand même démonté énormément de choses là-dessus. En gros, on avait un bouquin qui faisait un peu référence sur les ninjas, c'était aussi Stephen Turnbull. Et c'est vrai qu'il a été un peu débunk. par Suiri et d'autres sur cette Ausha. Il y a aussi une folklorisation de ninja au Japon et ailleurs à des fins touristiques, clairement. Mais ce qu'on peut dire, c'est que ça a été un phénomène qui s'est moins étendu dans le temps, que souvent, c'était des gens relativement pauvres qu'on allait engager pour aller faire diverses missions et que ces missions-là... Alors, ça pouvait aller jusqu'à l'assassinat, mais enfin, c'était pas le gros du boulot. C'était surtout du renseignement, en fait. C'était l'éclaireur que t'envoies, quoi, tu vois. C'était surtout ça. C'était surtout des gens très, très pauvres et pas vraiment comparables avec la classe des samouraïs, pour le coup. Mais c'est intéressant de le voir aussi en scène dans Assassin's Creed. De toute façon, c'est un terrain de jeu assez formidable. Moi, c'est ce que j'aime bien dans les assassins, c'est qu'ils jouent avec l'histoire. Donc, ils sont forcément obligés. de jouer avec ce qu'attend le public aussi, c'est-à-dire ces clichés qui ont été fabriqués parfois de toutes pièces, ils vont les reproduire, et en même temps, de façon assez étonnante, il y a pas mal de petits trucs à droite à gauche aussi qui vont pouvoir débunker, justement prendre le contre-pied, où il y a des gens qui vont, en jouant au jeu, se dire « Ah, c'est bizarre ça, ils font un peu n'importe quoi là, Ubisoft ! » Bah non, en fait, là pour le coup, c'est un truc qui est assez carré, assez représentatif des habitudes de l'époque, ou de ce qu'ils portaient, et donc c'est marrant de voir ce mélange entre finalement une approche où parfois tu sens qu'ils ont envie d'aller plus loin et de se rapprocher d'un côté plus scientifique et carré et en même temps ces libertés qu'ils prennent et cette machine à clichés aussi qui s'enclenche et là avec le ninja ça peut peut-être aussi en être une aussi mais tu vois ils ont fait appel à des historiens aussi sur la production, Pierre-François Suiri a fait partie de cela maintenant il faut voir aussi le rôle c'est à dire que c'est Le jeu et les équipes du jeu et le développement du jeu priment toujours sur l'historicité. Et entre un truc qui est juste historiquement et le fun, ils vont toujours privilégier le fun à la cohérence historique. Donc les historiens qui bossent sur ces productions, eux, ils sont là pour faire un genre de bible en disant « Bon voilà, vous allez travailler sur cette période, à l'époque ça ressemble à peu près à ça, l'économie c'est ça, les marchands ils vendent ça, le guerrier il a ça, ça, ça comme pièce d'armure. » Et après, démerdez-vous. C'est-à-dire que moi, mon rôle s'arrête là. Et ensuite, c'est le rôle du créatif qui prend le dessus. Fun fact, quand même. Dans le jeu, on a plein de collectables, plein de trucs et tout. Et donc, bref, dans le jeu, on peut trouver des petits sanctuaires un peu partout et faire une prière aux dieux locaux, en fait. Et il se trouve que pendant mon documentaire au Japon, que je tournais sur les samouraïs, il y a quelques mois, j'ai eu la chance de rencontrer le conseiller historique de la série Shogun.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    qui est un gars absolument remarquable. Et je l'ai rencontré dans un petit sanctuaire un peu paumé, dédié à un dieu de la guerre. Et en fait, le mec me dit, écoute, si tu veux, ensemble, je t'apprends à faire la prière au dieu de la guerre dans le sanctuaire. Et ce qui est drôle, c'est que le mec commence à se mettre en position. Et là, je me dis, putain, je sais ce qu'il va faire, parce que je l'ai fait 50 fois dans Assassin's Creed. Et effectivement, le mec commence à se mettre en place. Il frappe deux fois dans ses mains. Il fait exactement tout pareil comme dans le jeu. Et donc, quand j'y étais, je fais la prière, moi aussi, au dieu de la guerre. Et il me dit, franchement, pas mal. J'étais en mode, aucun mérite, vraiment. J'ai tout appris dans la sans-scrit.

  • Speaker #1

    Et au final, ce que fait Ubisoft, c'est ce qui s'est passé aussi dans l'histoire. C'est une appropriation culturelle. Ils refont une histoire, entre guillemets, des samouraïs qui servent leurs propos. Mais ce que plein d'autres ont fait, puisque cette figure du samouraï, on l'a démontré dans l'épisode, a été utilisée à plein de moments différents. Donc, ce n'est pas si différent de ce qui s'est passé par le passé.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Après, il faut juste assumer. Ça a toujours été le souci du BISOF là-dessus. J'ai la sensation, en parlant avec les gens qui font le jeu, qu'ils sont en mode « on assume, il n'y a pas de problème » . Et puis, une vision marketing, à un moment donné, qui était en mode « vous allez apprendre l'histoire, les gars » . Ce qui n'est pas vraiment le cas. Mais par contre, il y a plein d'autres mérites. Parce que selon moi, ça peut permettre de plonger des jeunes, et moins jeunes d'ailleurs. dans l'histoire, de leur donner envie de s'intéresser à une période. Je pense que ça a des vertus. Maintenant, celle d'apprendre, stricto senso, l'histoire, non. Mais ça, j'ai l'impression qu'il n'y a pas un rétro-pédalage, mais en tout cas, il y a une approche un peu plus nuancée depuis quelques années là-dessus, de la part du marketing du bi.

  • Speaker #1

    Alors, je vais terminer avec deux questions. On arrive à la fin de l'épisode. La première concerne les samouraïs, la seconde, c'est plutôt sur toi, ton objectif à toi quand tu fais tout ça. Donc... Cette première question sur les samouraïs, c'est est-ce que tu peux nous partager quelques œuvres modernes, quand je dis modernes, c'est des 20 dernières années, qui t'ont vraiment marqué et qui, par rapport à ton travail sur les samouraïs, te semblent quand même assez intéressantes pour être vues, même s'il faut les regarder avec un prisme particulier.

  • Speaker #0

    Ouais, ben moi, après, le truc, c'est que ça tourne vraiment autour du cinéma et des jeux vidéo. C'est-à-dire que côté littérature, je ne vais pas pouvoir te conseiller grand-chose, mais c'est sûr que... Un truc qui a été fondateur pour moi, c'est effectivement Le Dernier Samouraï. Et ce qui est intéressant, c'est de le regarder avec cet œil un peu critique. Lisez le bouquin ou renseignez-vous ailleurs. Même allez lire un peu du Wikipédia, si vous n'y connaissez rien sur les samouraïs, à ce contexte dans lequel se passe le film. Parce que c'est hyper intéressant. Et qu'en plus, au-delà de l'aspect samouraï, Le Dernier Samouraï, enfin le mec que joue Tom Cruise, en vrai, c'était un Français.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Jules Brunet. Et que ça a été bien plus loin que ça. C'est-à-dire que suite à ces épisodes-là, il y a même eu une... Ça n'a pas duré longtemps, mais il y a même eu une république qui s'est créée dans le nord du Japon, quoi. Tu vois ? C'est-à-dire que les Français ont un peu essayé d'influencer le game là-bas. Bon, ça n'a pas marché. Mais c'est rigolo. Donc, ce film-là, Le Dernier Samouraï, oui, il est marquant. Un autre film qui peut être intéressant, mais c'est pareil, c'est pour l'appareil critique, ça va être Ghost Dog, la voix du samouraï avec Forest Whitaker qui en gros c'est un tueur à gage qui travaille pour la mafia mais qui se dit moi j'ai un code d'honneur et qui en fait suit le code d'honneur des samouraïs et qui suit en particulier le Bushido et le Hagakure et donc c'est drôle parce qu'en plus dans le film il y a plein de citations du Hagakure et tout ça et ça nous permet de remettre en perspective un petit peu tout ça de manière un peu rigolote donc ça je vous le conseille Ghost Dog qui de prime abord a vraiment rien à voir avec les samouraïs mais qui en fait en parlent beaucoup d'accord Après, dans les jeux, alors forcément, je peux conseiller Assassin's Creed Shadow, que moi j'ai beaucoup aimé, et qui vous renseignera vraiment sur la fin de cette période de l'unification, qui est hyper intéressante, où on voit d'ailleurs un ou deux unificateurs, je ne spoil pas l'histoire, mais ça pose quand même un contexte qui est intéressant, ça pose des pratiques aussi, ça pose parfois un cadre social et politique qui est intéressant à analyser, même s'il faut prendre des pincettes, parce qu'effectivement, en tant que joueur lambda, Oh ! Si tu n'y connais rien, tu ne peux pas faire la distinction entre ce qui relève de la vraie histoire et ce qui relève du scénario, en fait, pour faire progresser l'intrigue. Mais c'est intéressant quand même. On parlait de Ghost of Tsushima tout à l'heure. Moi, c'est les trucs qui m'intéressent aussi, notamment parce que ça fait écho à une période du Japon qui est vraiment méconnue, qui est celle des invasions mongoles. Ça, c'est hyper intéressant aussi. Les invasions mongoles, spoiler, ont échoué. Mais pouvoir se retrouver plonger dans ces univers-là qui font aussi beaucoup d'appels du pied à tout cet aspect cinématographique qui a été développé pendant des années. D'ailleurs, il y a même un mode Kurosawa que tu peux activer sur Ghost of Tsushima où ça te passe le jeu en noir et blanc. Donc c'est plutôt drôle. Mais donc voilà, c'est plutôt des œuvres de pop culture que je vais conseiller. Et puis tu as tout justement ce cinéma de Kurosawa et des vieux films de samouraïs qui peuvent être consommés, qui parfois maintenant sont un peu kitsch. mais Bon, c'est comme les vieux cow-boys, quoi.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Petite question sur la série Shogun. T'en parlais tout à l'heure. Comment tu la situes par rapport à à tout ce dont on a discuté aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Moi, je trouve que globalement, c'est quand même pas mal. C'est quand même pas mal. Il y a toujours des clichés qui sont véhiculés. Mais tu vois, cette image du guerrier 100% loyal, tout ça et tout, elle est mise à mal dans la série.

  • Speaker #1

    Oui, on le voit très tôt, même, avec des alliances rompues, etc.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Donc, en fait, tu as des trucs qui, historiquement, sont un peu bancales sur ses contacts avec les premiers occidentaux, tout ça. Bon, mais... C'est pour servir le propos de la narration, et encore une fois, ce n'est pas un bouquin d'histoire, donc on comprend pourquoi ça a été fait. Il y a l'idée globale qui émerge de tout ça, qui est bien plus intéressante. Moi, ce qui m'a vraiment plu dans cette série, ça a été aussi le rôle de la traduction. Tu as un personnage en particulier qui a un rôle de traduction entre les Occidentaux et les Japonais, et on voit toute la subtilité qu'il peut y avoir dans ce travail de traduction. entre un occidental qui dit merde et la meuf qui doit mettre les formes auprès des japonais qui sont en face et inversement en fait. J'ai adoré ce côté-là qui trop souvent est laissé de côté. C'est vrai que la langue c'est quelque chose qu'on laisse souvent de côté dans les séries et là on s'en sert de manière très intelligente dans cette série.

  • Speaker #1

    Super. Dernière question qui te concerne plus personnellement entre guillemets. Ton objectif à toi, quand tu as lancé ta chaîne YouTube, quand tu fais ce type d'ouvrage, etc., au-delà de parler d'un sujet qui te passionne, on l'a entendu, je pense, c'est quoi au final ?

  • Speaker #0

    Alors moi, mon objectif, ça a évolué aussi au fur et à mesure des années. C'est-à-dire que maintenant, ça fait 11 ans, au moment où on enregistre cette émission que je fais Nota Bene, moi, ma vision de l'histoire a vachement évolué depuis 11 ans aussi. Je n'avais pas du tout les tenants et les aboutissants de toute la discipline et de tout ce que ça peut impliquer. quand j'ai lancé la chaîne. Moi, au départ, c'était surtout une émission de divertissement avec ce terrain de jeu formidable qu'est l'histoire parce qu'il s'est tellement passé de trucs incroyables dans tous les domaines qu'il y avait de quoi s'amuser. Donc l'envie première, c'est de se divertir au départ. Et c'est toujours le cas parce que je pense que ce qui est important aussi dans l'émission, c'est que les gens ne se fassent pas chier et puis puissent voyager. C'est ce que finalement... Beaucoup d'historiens avec qui je travaille soulèvent, c'est-à-dire que quand on dit à quoi ça sert l'histoire, des gens comme William Blanc avec qui j'ai bossé, mais aussi des gens comme Patrick Boucheron, qui est quand même au Collège de France, vont te dire mais en fait l'histoire ça sert à s'évader, à penser à autre chose, à se projeter dans un autre monde qui n'existe pas aujourd'hui ou n'existe plus en fait. Donc c'est un formidable moyen de pouvoir voyager et échapper à son quotidien qui parfois peut être un petit peu morose. Donc il y a déjà ce divertissement premier qui est important et qui n'est pas à négliger. Ensuite, pour moi, ce qui est important, ce que j'ai appris au fur et à mesure de ces années, c'est à être très humble devant cette matière historique, et plus généralement dans le monde qui nous entoure, parce que tout est quand même très complexe, et que plus on tente d'en savoir sur un sujet, et plus on se rend compte qu'on n'en saisit pas tous les tenants et les aboutissants. C'est souvent ça le vertige un peu de l'universitaire qui fait sa thèse et qui se dit « bon ok, j'ai une connaissance très pointue, et en même temps, il y a tellement de zones d'ombre » . de trucs qu'on ne sait pas, que tu te rends compte à quel point c'est vertigineux. Et donc, il y a cette humilité que tu cultives et cette approche de la méthodologie historique. Moi, ce qui m'intéresse vraiment aujourd'hui, c'est de montrer aux gens comment est-ce que cette histoire, comment est-ce qu'elle se produit en fait ? Comment est-ce qu'elle s'écrit ? Et c'est le premier truc que tu fais quand tu commences une carrière d'historien, tu vois, c'est que tu es confronté aux sources dites primaires, donc aux documents que tu vas devoir analyser et faire parler. Et c'est, mais qui a écrit ce document ? Pourquoi est-ce qu'il l'a écrit ? Dans quel contexte il l'a écrit ? Parce que tout ça n'est pas anodin. Si aujourd'hui tu prends un article de Luma ou du Figaro sur un même sujet, ça va être traité de façon différente. Donc l'historien qui va bosser dessus dans 200 ou 300 ans, il ne peut pas se reposer sur uniquement l'article du Figaro ou l'article de Luma pour savoir ce qui s'est réellement passé ou faire son analyse, parce qu'en fait ça va être un petit peu différent. Donc il faut confronter après les sources. donc voir comment cette histoire elle a été produite pourquoi elle a été produite, comment est-ce qu'elle a été transmise, mais même pas jusqu'à nous direct, mais comment est-ce qu'elle a été transmise dans l'histoire, parce qu'on le voit tout à l'heure à travers l'exemple de Jeanne d'Arc que j'ai développé, mais à travers tout un tas de textes, ces textes ou ces personnages ou ces événements historiques ont eu des réceptions, des réécritures différentes qui ont évolué au fur et à mesure de l'histoire, et finalement nous, aujourd'hui, on en a une version, on en a une réception, qui sera sans doute peut-être pas celle... qu'en feront nos descendants dans 50 ans, 100 ans, 200 ans, 1000 ans, en fait. Et c'est ça qui est intéressant aussi, et en se posant toutes ces questions, et en essayant de détricoter tous ces mécanismes qui font que l'histoire, c'est ce qu'on a aujourd'hui, on développe tout un appareil critique, finalement, qui nous sert dans la vie de tous les jours, et qui, j'espère, moi c'est mon côté un peu naïf, fait de nous des citoyens un peu plus alertes. C'est-à-dire que quand t'as des situations politiques... complexes à laquelle on va être confronté, ou des situations économiques, des situations sociales, qu'on puisse prendre un peu de recul et se dire, en fait, j'ai pas tous les tenants, tous les aboutissants, peut-être que c'est pas... La réponse, elle est pas si simple, peut-être que c'est multifactoriel, ce qui se passe souvent, tu vois, en histoire, quand on te pose une question qui a l'air très simple. L'historien te répond, c'est plus compliqué que ça. Bah ouais, en fait, c'est la vie, quoi. C'est la vie. Et donc, tu vois, l'histoire, c'est un peu... Quand t'apprends l'histoire, t'apprends un peu l'école de la vie aussi. Et intellectuellement, tu développes pas mal de mécanismes de défense. Alors, ça veut pas dire que ça va te protéger contre tout. Ça veut pas dire que tu seras immunisé contre la connerie. Ça veut pas dire que tu peux pas faire fausse route. En tout cas, ça permet de prendre un petit peu de recul. Ça force à l'humilité. Et ça permet aussi, je trouve, parfois de... de se mettre un petit peu à distance des événements, tu vois. Parce qu'il y a des fois où tu te dis, j'ai envie de faire quelque chose, à titre individuel, comment je peux changer les choses ? Bon, c'est compliqué, en fait. Et quand tu regardes les mécaniques qui agitent l'histoire, tu t'aperçois que les hommes providentiels, finalement, ça existe assez peu, que tout est assez conjoncturel, qu'évidemment qu'il y a des individualités qui émergent et qui vont permettre des trucs, mais tout ça, c'est des phénomènes collectifs ultra complexes. Et finalement, ça aide à se remettre un petit peu à sa place. Quand j'ai épousé ma femme, on est parti en vacances en Islande pour notre voyage de noces. Et pour la première fois de ma vie, devant ces paysages, je me suis dit, OK, je ne suis rien. Je ne suis rien, je peux mourir maintenant. Et en vrai, ça ne changerait strictement rien à la face du monde. Et en fait, l'histoire, c'est un peu ça. C'est mon Islande. C'est-à-dire que quand tu te poses devant, tu te dis, Ah, écoute, je vais faire du mieux que je peux pour que peut-être... notre monde sera un petit peu meilleur demain, mais ce n'est pas moi qui vais révolutionner l'humanité, quoi.

  • Speaker #1

    Super, et bien, merci beaucoup pour cette réponse, et merci beaucoup d'avoir pris le temps d'enregistrer cet épisode. Je rappelle le titre du livre, le livre s'appelle Les Samouraïs, par Nota Bene, c'est un livre avec un collaboratif, donc tu as été recherché plein, plein de scientifiques, 8 au total, qui ont écrit toute une série d'articles différents. Comme tu l'as dit aussi, c'est plus... Moi, j'ai trouvé que c'était une histoire du Japon que tu avais écrite à travers les samouraïs, parce qu'on voit que leur influence est très grande. On en a discuté aussi dans l'épisode. Eh bien, Benjamin, merci beaucoup pour cela. Et chers auditeurs, chères auditrices, je te dis à dans deux semaines pour le prochain épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du MUMONS. Passez une belle journée. Benjamin, à très bientôt.

  • Speaker #0

    Salut !

  • Speaker #1

    Tu viens d'écouter un épisode du podcast du MUMONS. Et franchement, j'espère qu'il t'a plu. D'ailleurs, si en passant, tu veux me faire un retour ou si tu as des idées d'amélioration, surtout n'hésite pas à nous contacter. Tu peux aussi devenir notre ambassadeur et faire découvrir ce podcast tout autour de toi. Si tu as des idées de sujets ou si tu souhaites enregistrer un épisode, surtout n'hésite pas à nous contacter. Rendez-vous sur le site internet mumons.be ou sur la page Facebook du Mumons.

Chapters

  • Introduction et présentation de l'épisode sur les samouraïs

    00:37

  • Le parcours de Benjamin Brillaud et son intérêt pour les samouraïs

    00:43

  • L'influence des samouraïs sur la culture japonaise et leur rôle historique

    01:01

  • Collaboration et recherche pour le livre sur les samouraïs

    01:57

  • Définition et évolution du concept de samouraï

    16:41

  • La hiérarchie et les relations entre samouraïs, shoguns et empereurs

    20:48

  • Les ronins et leur place dans la société japonaise

    22:28

  • La représentation des samouraïs dans la pop culture

    23:48

  • Ninjas et samouraïs : différences et similitudes

    44:22

  • Conclusion et objectifs de Benjamin dans son travail

    54:31

Description

Les samouraïs.
Une figure mythifiée, presque sacrée.
Un symbole de loyauté, d’honneur, de sabre et de courage… du moins, dans notre imaginaire collectif.

Mais derrière les images de cinéma, les jeux vidéo et les mangas, que reste-t-il de la réalité historique ?

Dans cet épisode exceptionnel, j’ai l’immense plaisir de recevoir Benjamin Brillaud, alias Nota Bene, l’un des vulgarisateurs historiques les plus suivis aujourd’hui. Auteur, vidéaste, passionné de transmission, il a produit un ouvrage dense et passionnant consacré aux samouraïs (Perrin, 2024).

Ensemble, nous explorons une histoire mille fois plus complexe que ne le laissent penser les images d’Épinal :

⚔️ Qui étaient vraiment les samouraïs, des archers montés avant d’être les sabreurs que l’on imagine ?
🏯 Comment le Japon et l’Occident ont mutuellement façonné leur image, au fil des siècles et des relectures culturelles ?
📖 Pourquoi le fameux Bushido est une invention tardive, plus idéologique qu’historique ?
🎬 Comment la pop culture – de Kurosawa à Assassin’s Creed – continue d’alimenter le mythe, au point d’influencer notre perception du Japon médiéval ?

Benjamin nous montre comment, sur dix siècles, le Japon a construit, déconstruit puis reconstruit l’image du samouraï pour répondre à des besoins politiques, sociaux et identitaires.
Il nous emmène au cœur d’un monde où la ruse compte autant que la force, et où le sabre n’est jamais qu’un outil parmi d’autres.

On discute aussi de la manière dont les œuvres modernes – cinéma, jeux vidéo, BD, romans – ont façonné notre imaginaire occidental… et parfois celui du Japon lui-même. Et de la manière dont la fiction peut révéler des vérités historiques tout en créant de nouvelles illusions.

Cet épisode, c’est :
• de la rigueur,
• de la passion,
• de la nuance,
• du plaisir à raconter.

Un épisode entre histoire, cinéma et philosophie, qui démonte les clichés et célèbre la passion de la transmission historique.

🎧 Disponible dès maintenant sur toutes les plateformes.
Un immense merci à Nota Bene d’avoir accepté l’invitation et d’avoir partagé son savoir avec autant de générosité.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Lorsque ce petit bolide atteindra 88 miles à l'heure, attends-toi à voir quelque chose qui décoiffe.

  • Speaker #1

    Ce qui place votre zone d'atterrissage à 5,0667 degrés de latitude nord et 77,3333 de longitude ouest.

  • Speaker #0

    Rien de tout ça derrière. Qu'est-ce que le réel ?

  • Speaker #2

    La seule variable constante est l'inattendu.

  • Speaker #3

    On ne peut pas la contrôler. Je crois que vous êtes encore pire que ces créatures. Elle, elle n'essaie pas de se massacrer entre elles pour tirer le plus gros paquet de fric.

  • Speaker #0

    Voyons si une capacité de bosser de 10% permet le décollage. Et 3, 2, 1...

  • Speaker #4

    Chères auditrices, chers auditeurs, bienvenue dans ce nouvel épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du Mumons. Alors déjà avec la sortie de Ghost of Tsushima, donc juillet 2020, je pense dans mes souvenirs, juste un mois avant qu'on lance le podcast, je m'étais dit que ce serait terrible de pouvoir faire un épisode sur les samouraïs. Alors, cinq ans plus tard, j'y suis enfin parvenu, on y est, c'est l'épisode sur les samouraïs. Aujourd'hui, on va parler de culture nippone et plus particulièrement, comme je te le dis, des samouraïs. Plus que de simples guerriers, pendant dix siècles, ils vont influencer l'ensemble du Japon à plein de niveaux différents. Et pour discuter de cette thématique ô combien intéressante, et en tout cas, moi, ça m'intéresse beaucoup, j'ai la chance et l'honneur aujourd'hui d'accueillir à distance, on est en visio, Benjamin Briot, plus connu sous le nom et sous le pseudonyme de Notavené. Bonjour Benjamin.

  • Speaker #5

    Bonjour, bonjour.

  • Speaker #4

    Comment vas-tu ?

  • Speaker #5

    Écoute, ça va fort bien. Prêt à sortir le katana.

  • Speaker #4

    Moi aussi. Alors, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire le bouquin. Le livre, qui s'intitule très sobrement « Les Samouraïs » , est sorti en octobre 2024. C'est un livre superbement illustré, des textes vraiment très clairs, qui nous font voyager à travers les dix siècles d'histoire durant lesquels les samouraïs ont eu de l'influence sur toutes... l'entité Japon. La première question que je me suis posée, c'est pourquoi un jour tu t'es dit je vais travailler sur les samouraïs ?

  • Speaker #5

    Alors, il y a plusieurs réponses à cette question. La première, je pense que c'est une figure, le samouraï, depuis que je suis gamin, qui forcément m'a interpellé à travers la pop culture, comme de nombreuses autres figures, mais c'est vrai que typiquement, je pense comme beaucoup de gens de ma génération, moi j'ai... 37 ans au moment où on enregistre ce podcast, j'ai vu Tom Cruise dans son armure et je me suis dit moi aussi je veux être un samouraï. Et puis ensuite je me suis renseigné un peu sur le samouraï, j'ai vu que c'était pas tout à fait ça, même si c'était beau. Il y a tout le cinéma de Kurosawa, il y a effectivement les Ghost of Tsushima, les Assassin's Creed, bref les samouraïs irriguent totalement la pop culture. C'est aussi un emblème du Japon, Japon qui a bercé mon enfance comme celle de tant d'autres. à travers les dessins animés, les mangas qui nous sont parvenus. Ça, c'est déjà une motivation première, qui fait qu'assez tôt, sur ma chaîne YouTube, j'ai commencé à parler des samouraïs. Et puis, depuis 2022, j'ai eu la chance de diriger des ouvrages collectifs avec des historiens, des archéologues, sur de grandes thématiques. On a fait les vikings, les samouraïs et les pirates. Là, je suis en train de bosser sur les chevaliers. Évidemment, je pars de ces grandes figures, souvent guerrières est liée à la pop culture parce qu'elles sont sujettes à de nombreux clichés et que c'est plutôt agréable, selon moi, de démonter des clichés et de se rendre compte que finalement, on pense savoir plein de trucs. En fait, c'est pas grand chose.

  • Speaker #4

    Et justement, c'est un petit peu l'optique de cet épisode qu'on va passer ensemble. C'est de partir de ces stéréotypes de la pop culture et de revoir un petit peu comment ils se sont construits. Est-ce qu'ils sont vrais ? Est-ce qu'au final... L'Occident n'a pas elle-même réinfluencé le Japon dans sa vision du samouraï. Il y a plusieurs articles là-dessus. Donc, on ne va pas tant discuter en détail de l'histoire du samouraï. Le livre, il est là pour que vous puissiez justement le découvrir. Et sincèrement, chers auditeurs, chères auditrices, si les samouraïs t'intéressent, pour moi, c'est un must-have dans la collection parce que ça retrace vraiment toute l'histoire, plus ou moins en 160, 170 pages. Je n'ai plus le chiffre exact en tête. Avec des doubles pages à chaque fois bien illustrées, bien thématiques. où on parcourt vraiment, via plusieurs angles d'attaque, cette histoire des samouraïs. Comme tu l'as dit, c'est des livres que tu écris avec des historiens, avec des archéologues. Ici, pour ce livre, tu t'es entouré d'un assez beau panel de personnes. Est-ce que tu peux nous en parler un peu de ces personnes ? Comment tu les as rencontrées ? Et au final, comment s'est passée la collaboration ?

  • Speaker #5

    Oui, alors déjà, si j'ai choisi de faire des livres collectifs, c'est aussi parce que j'avais envie de... transformé un peu l'essai de ce que je fais sur ma chaîne depuis de nombreuses années. C'est-à-dire que moi, sur ma chaîne YouTube, aujourd'hui, je ne suis plus tout seul. Il y a encore beaucoup de gens qui pensent que je suis tout seul à faire l'émission. Bon, ça, c'était le cas les premières années. Mais il y a un tel volume de production et une telle exigence sur le fond et la forme qu'évidemment, je ne suis pas tout seul. Donc, il y a une dizaine de personnes à temps plein qui bossent sur ma chaîne YouTube et les différents réseaux. Mais c'est aussi entre 30 et 40 auteurs à l'année qui travaillent sur le fond des épisodes. Et ça, c'est... principalement des historiens, des archéologues, en tout cas c'est ce profil-là. Je dis souvent, les métiers qui se finissent en hog sont mes meilleurs amis. Et donc, ce que je faisais à travers les vidéos, je me suis dit pourquoi ne pas le faire à travers des beaux livres justement à destination du grand public. Et c'est comme ça que j'ai lancé ce grand projet. Alors l'idée à chaque fois, c'est de pouvoir réunir une team un peu d'Avengers du sujet qui pourra m'aider dans cette tâche-là. Et c'est toujours un petit challenge au départ d'aller sélectionner un petit peu tout le monde parce qu'il faut des gens qui sont très compétents dans leur domaine. Mais il faut aussi des gens qui ont une certaine appétence pour la vulgarisation. Parce que tous les historiens ou tous les archéologues ne sont pas 100% ouverts à l'idée de participer à la vulgarisation, même s'il y en a l'envie, il y en a beaucoup qui disent « ouais mais ça je vais pas savoir faire, parce que moi je fais des trucs... » Tu vois, vulgariser et produire du savoir, ça n'est pas la même chose. Et donc, de ce point de vue-là, parfois, moi j'ai aussi un... Un discours où j'essaie de les rassurer un petit peu en leur disant mais vous inquiétez pas, vous pouvez apporter du fond de façon, moi je vais repasser derrière aussi et puis vous challengez un petit peu éventuellement s'il y a des termes que je comprends pas ou des contextes que je comprends pas ou si c'est trop complexe. Mais donc il y a quand même cette étape là de choisir les bons profils et d'avoir un peu de réassurance aussi. Un autre défi, et ça a été d'autant plus vrai pour cet ouvrage sur les samouraïs, c'est d'avoir des profils féminins. parce que l'histoire reste encore et toujours un domaine qui est très masculin, malheureusement. Et donc, sur certains sujets, et les samouraïs en particulier, c'était compliqué de trouver des historiennes qui bossent sur le sujet. Ce qui fait que sur 8 collaborateurs, pour le coup, pour ce bouquin, on a 6 hommes et 2 femmes. Alors, quand je dois me renseigner sur un sujet comme ça, comme les samouraïs, je vais évidemment regarder qui a écrit les bouquins un peu de référence. Merci. qui fait consensus dans le milieu. Moi, ça va me permettre d'avoir déjà quelques petits profils intéressants. Alors, ce qui est plutôt une aubaine pour moi, c'est que dans le domaine des samouraïs, comme dans le domaine des vikings d'ailleurs, au final, c'est un petit milieu. Il n'y a pas tant de gros spécialistes que ça. Donc, on fait vite le tour. Et quand on en connaît un, il peut assez facilement nous introduire auprès des autres. Et c'est souvent comme ça que ça se passe. Mais comme sur ma chaîne YouTube, je veux dire, quand je m'entends bien avec un... Un historien qui bosse pour l'émission qui me dit « Tiens, ça ne te dirait pas de parler avec mon pote qui fait ça ? Il a telle spécialité ? Ah ouais ! » C'est comme ça que le réseau s'élargit. Et finalement, ça a été un peu pareil pour ce bouquin. Moi, je travaille depuis longtemps avec William Blanc, qui est spécialiste du médiévalisme, donc des représentations contemporaines du Moyen-Âge. On a bossé ensemble sur l'émission pendant très très longtemps. Il a bossé sur les Vikings. Et là, il bosse sur tous les livres collectifs à chaque fois où il s'occupe de la dernière partie, qui est celle des usages... contemporains de la figure, mais aussi des usages politiques, par exemple. Et donc, William, il a beaucoup bossé sur ces figures de chevalier, de viking, mais il avait travaillé par ailleurs aussi sur le samouraï, donc je lui ai dit, écoute, t'as participé au viking depuis le temps qu'on bosse ensemble. Il m'a dit, de toute façon, c'est samouraï, c'est sûr, je vais bosser dessus, j'ai plein de trucs à dire. Donc, William a rejoint l'équipe dans les premiers. Un autre spécialiste que je connaissais bien, c'était Julien Pelletier. qui est un copain avec qui on a déjà travaillé sur Nota Bene aussi, et qui lui a un profil assez intéressant parce qu'il a justement ce profil vulgarisation. Il est reconnu comme étant un spécialiste de l'histoire militaire japonaise médiévale, même s'il n'est pas historien de base, mais il est reconnu comme tel en tout cas par tout le monde. Et puis surtout, c'est aussi un cartographe de talent, il fait des infographies absolument magnifiques, et il participe très régulièrement à des ouvrages. de très grande qualité, avec des très grands historiens français. Il avait fait l'histoire de la Révolution avec Jean-Clément Martin, par exemple. Et donc Julien, vu que c'est un spécialiste de l'histoire militaire japonaise médiévale, tout de suite, on s'est dit qu'il faut qu'il soit sur le bouquin aussi. Après, il y a eu des profils forcément qui s'imposaient. Le profil qui s'est imposé, c'était celui de Pierre-François Suiri, qui est un petit peu le pape des samouraïs en France. Et j'avais quand même cette appréhension parce que c'est quelqu'un qui pèse dans le game, comme on dit. Donc, dans ces cas-là, c'est vrai que quand on se présente et qu'on envoie un petit mail, qu'on ne connaît pas la personne personnellement, en disant « Bonjour, voilà, moi j'ai une chaîne YouTube à la base et maintenant je fais des livres collectifs. Et moi qui n'ai pas de diplôme d'histoire, je dirige un ouvrage collectif. Est-ce que ça te dirait de participer à mon truc sur les samouraïs, s'il te plaît ? » Et donc, tu as toujours peur de se prendre un mail. en disant mais t'es qui bouffon donc voilà c'est toujours un petit peu Et en réalité, les historiens sont toujours très sympathiques, donc Pierre-François Souhiri a accepté avec plaisir de participer, et ce qui était bien là-dedans, c'est que je savais qu'en plus, il serait très exigeant. C'est-à-dire que tout de suite, il m'a dit « Bon, par contre, moi, j'ai ma réputation, j'ai assis sur mes travaux, je ne veux pas faire n'importe quoi, donc je vais être sûr que ça soit carré. Si ça ne te dérange pas, je veux bien quand même relire le boulot global avant que ça soit publié, parce que moi, je ne veux pas associer mon nom à un truc nul. » Ce à quoi je lui ai dit, évidemment, et puis de toute façon, pour moi, c'est une approche très collective du travail. Donc l'idée, c'est que tout le monde puisse échanger, se questionner les uns les autres sur la partie qu'ils sont en train de faire. Et donc, je n'avais aucun problème avec ça. Et j'étais content d'avoir quelqu'un comme Swery dans l'équipe qui puisse, à un moment donné, dire... « Attention, warning, là je ne suis pas d'accord, ou là peut-être qu'on devrait développer les choses parce qu'il n'y a pas consensus. » Et c'est rigolo parce qu'au moment de l'élaboration de ce bouquin, il y a des fois où Pierre-François m'a envoyé une ou deux remarques, certaines qui étaient justes, où je disais « Ok, d'accord, on peut intervenir là-dessus. » Et puis d'autres où je lui disais « Ça, non, c'est un choix éditorial, pour le coup, on va le faire quand même. » Et je lui expliquais pourquoi moi je voulais le faire, et il me disait « Bon, ok, t'as raison. » Typiquement, il y a deux figures qu'on aborde dans le livre. Il y a d'une part Tomoe Gozen, qui est une guerrière samouraï, peut-être qu'on y reviendra après, semi-légendaire, parce que je voulais parler des femmes samouraïs. Et il me dit, mais Ben, les femmes samouraïs, globalement, il n'y en avait pas. Tomoe Gozen, elle est semi-légendaire, il y a trois inscriptions dessus qui se battent en duel. Pourquoi aller insister là-dessus alors que ce n'est pas le cœur du problème ? Je lui dis, oui, mais dans notre société contemporaine à nous, on questionne de plus en plus le rôle des femmes dans l'histoire. Ce rôle des femmes samouraïs, il est régulièrement évoqué dans des articles de journaux auprès du grand public. Le grand public va s'attendre à ce qu'on puisse parler de cette question de la femme samouraï. Et parler de Tomoe Gozen et de la place des femmes samouraïs, même si on ne sait pas grand-chose, finalement, pouvoir dire au public ce qu'on ne sait pas, ça va finalement nous dire beaucoup sur la place justement de la femme chez les samouraïs. Ce qui a induit d'ailleurs après une réflexion où Pierre-François Sféry m'a dit, mais... Peut-être que dans mon chapitre, je pourrais rajouter un truc sur la place qu'avaient les femmes de seigneurs de guerre, de samouraïs, justement, quelle était leur place autour d'eux, et non pas en tant que combattantes, ce qui était hyper intéressant en fait, parce que ça venait de nourrir le propos. Pareil pour un autre portrait de samouraï, puisqu'on a des portraits qui viennent comme ça parsemer tout le bouquin, celui du samouraï noir, le fameux Yasuke, qui attendait d'effrayer la chronique à travers Assassin's Creed.

  • Speaker #4

    Je viens de lancer Assassin's Creed au moment où on enregistre, je viens de le prendre donc je ne l'avais pas encore joué Il est super,

  • Speaker #5

    moi j'adorais Pareil, un ou deux auteurs qui m'ont dit tout le monde en parle dans les magazines c'est un peu une anecdote pourquoi est-ce qu'on va encore le mettre là-dedans ? Je dis oui mais Yasuke c'est une figure centrale de la pop culture et de la représentation du samouraï pour plein de gens donc forcément ils vont l'attendre et là encore c'est important de pouvoir l'évoquer pour dire ce qu'on sait, ce qu'on ne sait pas Merci. et pouvoir remettre les choses à leur place, en fait, mais, je veux dire, scientifiquement. Et encore une fois, écrire autour de ce qu'on ne sait pas, finalement, en dit beaucoup sur une période ou sur un usage. Donc, il y a ça aussi qui a vachement permis de progresser. Et puis ensuite, ça a été des suggestions. Typiquement, Pierre-François Suéry m'a amené à connaître Olivier Ansar, qui est un spécialiste de... qui est plutôt philosophe qu'historien, mais qui est un spécialiste de l'histoire des idées politiques dans le Japon, notamment sur la période Tokugawa, donc la période de paix, on va dire, 16e jusqu'au 19e siècle. Et j'ai découvert avec lui vraiment un autre visage du samouraï. Et moi, quand je recevais ces textes, j'étais mort de rire parce que vraiment, je me rendais compte à quel point j'étais finalement ignare sur le sujet et à quel point tout ce code d'honneur, tout ce bouchido, tout ce théâtre finalement, comme lui l'appelle, c'était du bullshit. J'ai même découvert l'expression « bouchido » que certains emploient. Je ne connaissais pas. Que je ne savais pas. Donc c'est plutôt drôle. Et puis voilà, après on a d'autres profils qui m'ont été poussés, celui de Delphine Mullard qui est spécialiste dans les arts, pour le coup, la peinture, les arts graphiques et décoratifs populaires. J'ai eu le profil de Cécile Dauvergne, qui elle est plus spécialisée sur l'histoire militaire, la littérature classique médiévale japonaise, et notamment sur des époques comme le XIe, XIIe siècle. On a pu avoir des gens comme Guillaume Carré, qui sont très calés aussi sur... L'époque Tokugawa et ce qui s'est passé juste avant, ou encore, un camarade, ça c'était important pour moi d'avoir un camarade japonais. qui rejoignent l'équipe. Et donc là, c'est grâce à Pierre-François Swery qui m'a dit, par exemple, j'ai un pote, Keishi Nakajima, avec qui j'ai déjà bossé, qui lui est historien, docteur en lettres, spécialisé sur la période médiévale, notamment sur l'économie, et qui a pu nous écrire quelques pages dans cet ouvrage qui ont été traduites par Pierre-François Swery lui-même. Donc voilà, des profils assez différents. quand même, mais très complémentaires. Sur cet ouvrage-là, on avait un peu plus de... On a plus des historiens purs et durs que dans certains autres ouvrages où j'ai ajouté aussi quelques médiateurs, typiquement sur les pirates ou les vikings. On a des gens qui font de la médiation au sens global, mais qui avaient quand même beaucoup travaillé sur ces thématiques que j'avais joints dans l'équipe. En tout cas, voilà. Une équipe... C'était mon équipe d'Avengers pour les samouraïs, et ça nous a permis de dresser un portrait accessible au grand public, et puis scientifiquement un jour, surtout pour ce livre des samouraïs.

  • Speaker #4

    Et c'est ça qui est super intéressant parce que, comme tu le dis, c'est scientifiquement à jour. Donc, les données qui se trouvent dans ce bouquin sont vraiment des données hyper récentes, de plein de recherches différentes et qui nous permettent d'avoir cette vision du samouraï. Et cette vision du samouraï, tu l'as déjà laissé sous-entendre à plusieurs reprises, elle est très, très, très différente de cette vision occidentale que l'on a, typiquement le dernier samouraï avec Tom Cruise, où l'honneur, la mort... L'objectif final du samouraï, il y a toute une série d'articles là-dessus. Est-ce que tu peux, justement, avant qu'on rentre dans cette pop culture, peut-être nous définir au final, c'est quoi un samouraï ? Qu'est-ce qu'on entend par samouraï pour qu'on puisse un peu se localiser ? Quand est-ce qu'ils apparaissent, en gros, et quand est-ce qu'ils disparaissent et qu'est-ce qui se passe un peu entre eux ?

  • Speaker #5

    Oui, bien sûr. Donc, on va essayer de tracer ça dans les grandes lignes, de ne pas rentrer trop dans les détails. Mais en gros, ce qui est important de comprendre, c'est qu'un samouraï, c'est un guerrier. Voilà, donc jusque là, ça va, le dernier samouraï ne se trompe pas trop, c'est un guerrier. Maintenant, le rôle du samouraï, et ce qu'est même un samouraï, va énormément évoluer en dix siècles d'histoire, et ça a été ça la difficulté aussi de ce bouquin de mon côté, et essayer de trouver une approche cohérente entre du thématique et du chronologique, et finalement c'est presque une histoire du Japon à travers la figure du samouraï qu'on a fait dans cet ouvrage. Alors, un samouraï... C'est vrai qu'on se le visualise comme un guerrier à pied avec son grand katana qui va se battre en duel sur un champ de bataille. A la base, ce n'est pas du tout ça. Un samouraï, c'est un guerrier spécialisé qui va être au service de son seigneur. Ça apparaît aux alentours du Xe siècle, peut-être un petit peu avant, c'est un peu flou. Et à la base, ce sont plutôt des archers et des cavaliers. Donc c'est vraiment des archers montés. Et c'est vrai que c'est assez contre-intuitif parce que ce n'est pas du tout l'image. qu'on a à la base des samouraïs. Et alors, les samouraïs, ces guerriers-là, ça va devenir une caste, finalement, de guerriers, au service d'un seigneur. Et donc, progressivement, c'est une caste qui va muter. Et donc, on va avoir des samouraïs qui seront toujours des cavaliers, mais on va avoir des samouraïs qui vont se battre à pied, par la suite. Et donc, leur rôle, guerrier, qui est dans une caste extrêmement hiérarchisée, va évoluer jusqu'à l'époque... Tokugawa, jusqu'au XVIe siècle, finalement, enfin XVIIe siècle même, puisque c'est au tout début du XVIIe siècle que le Japon va entrer dans une période de paix. Mais donc ces guerriers-là vont représenter une partie de la population non négligeable, puisque on estime, alors les chiffres divers, c'est entre la police et les syndicats, comme toujours, mais au début de l'époque Edo, ou période Tokugawa comme on l'appelle, donc à la période de paix, donc début du 7ème siècle, c'est on va dire 7% de la population qui fait partie de la caste des samouraïs. Donc ça fait énormément de monde. Ceci dit, comme je l'ai dit, c'est très hiérarchisé, donc on va avoir des samouraïs qui appartiennent à l'aristocratie, et on va avoir des samouraïs qui font partie de cette caste, mais qui vont, pour le coup, être assez pauvres. Donc on a vraiment, ça regroupe en fait une classe sociale et en même temps des réalités économiques. et sociales, justement, extrêmement différentes. On met tout le monde dans le même panier, mais finalement, ça désigne beaucoup de choses. Ce qui réunit ces gens-là, c'est le fait d'être des guerriers formés à l'art de la guerre, parce que globalement, l'histoire du Japon pendant quelques siècles, en tout cas jusqu'au début du XVIIe, c'est une histoire assez sanglante, avec des seigneurs de guerre, ce qu'on appelle des daimyo, ça on en parle beaucoup dans des œuvres aussi de pop culture, les daimyo, ce sont des seigneurs de guerre. qui règnent sur des grandes provinces, des grands fiefs, et qui vont partir à l'assaut d'autres provinces pour les conquérir. Et d'ailleurs, cette histoire japonaise, elle est jalonnée de conflits entre ces daimyo. Et elle passera par ce qu'aujourd'hui, dans une sorte de, je ne vais pas dire roman national, mais presque, dans la grande histoire du Japon, on a trois grands unificateurs, donc trois grands guerriers qui ont chacun contribué à l'unification du Japon jusqu'à arriver à cette période de paix durant l'époque Edo avec le dernier de ces unificateurs, Tokugawa

  • Speaker #4

    Ieyasu. Donc tu as parlé des daimyo, mais... Tu emploies aussi d'autres termes dans le bouquin, je voudrais juste y revenir, comme ça on fixe bien les choses. Le podcast peut ainsi coexister avec le livre et être un outil pour lire le livre. Tu parles de shogun, je ne sais pas si je le prononce bien, tu parles de l'empereur aussi, quelles sont leurs relations avec ces samouraïs, etc. On parle de ronin aussi, comment toutes ces fonctions coexistent et se situent dans la politique japonaise ?

  • Speaker #5

    Oui, alors... L'empereur déjà, c'est plutôt facile à deviner, c'est théoriquement celui qui est au-dessus de tout le monde et qui dirige tout le monde. Qui est d'ailleurs d'ascendance divine. En principe, il y a toute une généalogie qui se déploie. Et d'ailleurs, encore aujourd'hui au Japon, l'empereur est d'ascendance divine, directement liée à la mythologie. Dans le principe, c'est lui qui est vraiment au-dessus de tous les autres et qui doit... diriger le Japon. En réalité, c'est plutôt un père spirituel, on va dire. Et dans la réalité, c'est pas vraiment lui qui a le pouvoir, ou en tout cas, on va assister, au cours des siècles, à une alternance du pouvoir à la fois entre l'empereur et ce qu'on appelle le shogun. Le shogun, c'est le seigneur de guerre, en fait. C'est lui qui, pour le coup, contrôle l'armée et donc l'État. Et donc, il va y avoir des rivalités qui vont se déployer entre partisan de l'empereur, partisan du shogun, et puis des fois c'est l'un qui prend l'ascendant, d'autres fois c'est l'autre, c'est souvent le shogun quand même, celui qui dirige les armées. Et donc on a des grandes périodes où l'empereur est relégué finalement au simple rang de pantin, et suit finalement un petit peu ce qui est dicté par le shogun. Et donc le shogun va avoir autorité. après sur les différents daimyo qui eux-mêmes vont avoir autorité sur les différents chefs de fief, qui eux-mêmes vont avoir autorité sur les différents samouraïs qui eux aussi ont en charge parfois quelques guerriers ou quelques familles à gérer. Bref, il y a toute une hiérarchie assez complexe qui se met en branle. Et alors la différence entre un samouraï et un ronin, c'est que le ronin en fait c'est un samouraï mais qui n'a plus de maître.

  • Speaker #4

    Donc il ne sert personne au final.

  • Speaker #5

    Pour X raisons, il ne sert plus personne parce qu'en fait, il a perdu son maître. Et alors, typiquement, on a cette fameuse histoire des 47 Ronin, qui est super connue, où en gros, l'histoire, c'est qu'il y a le chef de ces Ronin qui pète un câble à un moment donné dans une réunion diplomatique, qui va agresser un mec en face de lui. C'est très très mal vu. Donc il est condamné à se faire seppuku, je crois, si je dis pas de bêtise. Et du coup, ces samouraïs se retrouvent sans maître. Et donc ils vont décider de se venger, en fait, et de poursuivre l'oeuvre de leur maître avant d'eux-mêmes être condamnés au seppuku, en fait. Donc c'est une histoire tragique qui a alimenté beaucoup beaucoup la pop culture. Et alors ce que je ne savais pas, c'est qu'il y a un sanctuaire des 47 ronin à Tokyo. et j'ai eu la chance d'y aller, qui est tout petit et qui est impressionnant parce qu'en fait, il y a encore plein de gens. Alors, il y a beaucoup de touristes certes qui y vont, mais des japonais aussi qui vont tous les jours brûler des bâtons d'encens sur la tombe des Ronin. C'est étonnant.

  • Speaker #4

    C'est étonnant et en même temps, t'en parles dans le livre, la figure du samouraï, en fait, est véritablement une figure protéiforme parce que comme tu l'as dit, il y a une diversité énorme dans la richesse ou le statut de tous ces samouraïs à travers les dix siècles d'histoire. Et donc, les gens vont s'approprier des éléments de culture liés aux samouraïs comme un message porteur pour eux. Donc, parfois, le samouraï va être pris comme un emblème du nationalisme. Parfois, justement, le samouraï va être une critique de ce nationalisme, alors qu'au final, c'est a priori la même figure.

  • Speaker #5

    Oui, mais alors ça, on arrive sur des usages de l'histoire qui sont un petit peu communs, finalement, �� tous les pays, à tous ceux qui l'étudient, à tous ceux qui la transmettent et à tous ceux qui la réinterprètent. C'est-à-dire que le samouraï, c'est pas la seule figure qui va pouvoir être exploitée de différentes manières. En fait, on peut totalement se servir de quasiment n'importe quel événement qui s'est passé dans l'histoire pour servir un propos idéologique ou un autre. Et c'est ça qui est un peu rigolo, finalement, quand on regarde un peu la production de l'histoire et sa transmission, c'est qu'on se rend compte de cette Merci. pluralité des discours. En France, on a la même chose sur Jeanne d'Arc, qui a été utilisée à toutes les sauces, qui s'est pris je sais pas combien de procès sur la tronche, et à chaque procès, elle est dans un contexte historique bien particulier. Chaque procès, chercher à mettre en avant un truc très différent des autres procès et une figure très différente de Jeanne d'Arc, en fait c'est un peu pareil pour les samouraïs, c'est-à-dire que c'est une figure qui va être finalement érigée en exemple, notamment par le Japon d'avant-guerre, d'avant-seconde-guerre mondiale. C'est ce qu'on va montrer aux japonais, et aux jeunes japonais aussi en particulier, en leur disant « Mais regardez, l'idéal à atteindre, c'est ça, c'est le samouraï, c'est le guerrier qui va se sacrifier pour son maître. » pour ceux qui l'aiment, c'est la dévotion guerrière finalement au service de la nation. Et en même temps, après-guerre, la grosse majorité des films qui ont été produits autour des samouraïs, Kurosawa, compagnie et tout ça, il y a beaucoup de cinéastes très engagés à gauche qui vont utiliser cette figure du samouraï comme figure de dénonciation, justement. Et puis après, Rebelote, ça va resservir d'illustrations et des discours réactionnaires. Donc, on voit qu'il y a une... une fluctuation dans cette réception-là, et c'est une fluctuation qui se repose aussi sur l'historiographie, donc sur la manière dont on écrit et on produit cette histoire, et on la réceptionne, puisque cette figure, effectivement, du samouraï, on le disait, elle va être mouvante, elle va évoluer, et il va y avoir une légende, finalement, qui va se créer autour des samouraïs, qu'ils produisent eux-mêmes. Parce qu'on a cette image du samouraï, le combattant, très codifié, très loyale, qui va aller jusqu'à la mort pour servir son idéal et son maître. Et ça, en fait, je ne nie pas absolument que ça ait pu exister, parce qu'il y a toujours des gars comme ça, et voilà, à grand bien leur en face. Mais, ce qu'on regarde en étudiant un petit peu les documents de l'époque et les sources primaires, c'est que c'est pas du tout le cas. La plupart des samouraïs, je veux dire, si à un moment donné, ils se sentent un petit peu en danger, et puis qu'ils voient que l'herbe est un peu plus verte à côté, Ils vont faire un petit pas de côté et ils vont dire bye bye à leur maître et ils vont aller servir leurs intérêts à eux.

  • Speaker #4

    Avec certains cas qui font des allers-retours.

  • Speaker #5

    Oui, non mais totalement. Et en fait, c'est même pas mal vu la trahison. C'est-à-dire que c'est normal. Tu te ranges du côté du gars qui peut t'apporter le plus. Et ça fait l'objet de tractations. Donc, cette image du guerrier très loyal, il faut beaucoup la relativiser. Il y a de grandes batailles comme ça qui se sont jouées. D'un coup, tu avais un tiers de l'armée qui partait à l'ennemi. Ah mince, je ne l'avais pas vu venir. C'est assez rigolo. Et en fait, cet idéal du samouraï, ce code finalement samouraï, ce qu'on va même appeler après le Bushido, la voie du guerrier, tout ça, c'est une construction a posteriori. Et c'est ça qui est hyper intéressant et qu'on essaye de montrer dans le bouquin. Et c'est de là que sont hérités tous nos clichés qu'on va retrouver aussi dans le fameux dernier samouraï de Tom Cruise qui est... un peu l'apothéose de tout ça.

  • Speaker #4

    Justement, par rapport à ça, moi, ce qui m'a beaucoup surpris, en fait, dans cette histoire des samouraïs, c'est... J'avais cette vision, tu vois, de l'honneur du samouraï, où on se bat en duel, en fait, au final, c'est une affaire de samour... un samouraï contre un samouraï. Bien entendu, il y a des grandes batailles, mais généralement, ces grandes batailles se concluent par un espèce de combat final entre deux samouraïs qui finissent par déterminer qui a gagné. Et en fait, j'ai appris qu'il y avait énormément d'échauffourées, de... de petites trahisons comme ça, comme tu l'écris, ou des plus grosses trahisons, des pièges qui étaient dressés par les samouraïs pour faire tomber une autre armée. Donc, en fait, ce code n'existe pas.

  • Speaker #5

    Non, non, non, je veux dire, la ruse est aussi un très, très bon moyen de remporter la victoire. Et ce qui compte, en fait, chez les samouraïs, ce n'est pas la manière de faire, c'est le fait de remporter la victoire. Donc, l'honneur, là-dedans, j'ai envie de dire, bon, on s'en fout un peu, quoi. L'idée, c'est de réussir à gagner. Pour ça, tous les moyens sont bons. Ce qui n'exclut pas qu'on pouvait peut-être avoir des guerriers ou des daimyo qui avaient un sens particulièrement aigu de l'honneur et de la loyauté. Ce n'est pas excluant du tout. Mais ce qu'il faut bien intégrer, c'est que ce n'est pas un truc systématique qui caractérise cette caste de guerriers. C'est vraiment au cas par cas qu'on va pouvoir voir ça. Et puis comme dans tous les films, on a cette image du samouraï qui va foncer sur le champ de bataille en hurlant avec son katana. au-dessus de la tête et qui va direct au contact. Et ça, c'est un truc qu'on retrouve énormément dans beaucoup d'autres figures guerrières au cinéma. La réalité, c'est que tant que tu peux dégommer à distance le type d'en face, tu t'approches pas.

  • Speaker #0

    Parce que s'approcher, c'est quand même dangereux. Donc, ces armes-là, elles servent un peu en dernier recours, quoi, tu vois. Et je veux dire, quand les armes à feu ont commencé à arriver, évidemment que, fin du XVIe siècle, les gars se tirent dessus à coup d'arc-buse. Ils vont pas s'embêter directement à l'Eota avec un katana. Donc, c'est vrai que ce qu'on voit dans le dernier samouraï, bon, là, en plus, on est vraiment très tardif. avec des samouraïs qui vont sabre au point contre une armée régulière, avec des fusils, avec des mitrailleuses automatiques, tout ça. Bah non, quoi. Les samouraïs, ils avaient des flingues et ils s'en servaient au maximum parce qu'ils n'étaient pas bêtes, quoi, tu vois. Et que même si t'es loyal et que t'as le sens de l'honneur, à un moment donné, tu te dis, bon, si je me fais plomber 200 mètres avant, mon honneur, il ne va pas beaucoup servir, quoi. Donc, je veux bien un flingue pour me défendre, s'il vous plaît.

  • Speaker #1

    Si on doit sélectionner deux ouvrages qui ont certainement véhiculé cette image, je voudrais parler du Hagakure et du livre qui s'appelle Bushido, Soul of Japan, qui au final véhiculent cette image complètement tronquée des samouraïs, où dans le Hagakure, on a ce culte de la mort, où le samouraï doit aller jusqu'au bout et il doit mourir. La mort est vraiment l'objectif à la limite de la bataille. Tandis que dans le Bushido, Soul of Japan, ce qui se passe, c'est que Le livre est d'abord écrit en américain, parce que c'est pour diffuser cette culture nippone un peu partout dans le monde, avant d'être traduit en japonais et d'influencer lui-même la vision que les japonais ont des samouraïs. C'est assez fou, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, de toute façon, il y a un aller-retour assez constant dans les cercles intellectuels aussi, entre le Japon et l'Occident, en fait. Et les deux vont se nourrir un petit peu, et en plus, il y a cette idée que... Finalement, les samouraïs, c'est un peu comme la chevalerie chrétienne en Occident, qui a beaucoup de parallèles à faire. Et donc, on a des intellectuels qui, effectivement, vont faire des échanges comme ça. Et alors, ce fameux Bushido, l'âme du Japon, The Soul of Japan, qui a été écrit par Nitobe début XXe siècle, il a été extrêmement diffusé en Occident, puis au Japon, pour le coup. Et il a essuyé forcément des critiques, parce qu'il est clairement... dans une valorisation d'une image du guerrier qui n'existe plus depuis des centaines d'années. C'est une vision totalement fantasmée, à la fois du guerrier pré-XVIIe siècle et en même temps de cette vision construite qu'on a eue du Bushido. Avant même de parler du bouquin, il faut comprendre pourquoi il y a cette fameuse voix du guerrier qui s'est développée. On rembobine un petit peu. on a au XVIe siècle une période de très trouble de l'histoire japonaise, période Sengoku, on a différents daimyo qui s'affrontent pour prendre le pouvoir, on a différents unificateurs qui vont se succéder, alors on a Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi, et le dernier, Tokugawa Ieyasu, qui va enfin réussir à unifier le Japon. Une fois qu'il y arrive, de par des manœuvres militaires, mais aussi politiques, eh bien le Japon se retrouve en paix. À ce moment-là, on a à peu près 7% de la population qui vit par les armes, pour les armes, et qui se retrouvent sans boulot. C'est un problème. C'est un problème parce qu'on ne sait pas quoi en faire. Et puis les gars, ils n'ont fait que la guerre. Donc il y a même des... On en parle un peu, je crois, dans le bouquin. Il y a des cas où on s'est dit, bon, on ne sait pas quoi en faire, on a besoin de monde dans les champs, on va les foutre dans les champs. Et ils les foutent dans les champs, et les gars ne savent pas, en fait, faire pousser des légumes. Donc c'est un désastre, tu vois. Et on se dit, mais qu'est-ce qu'on fait ? Et donc, il y a en fait à la fois tout... un pan de la population qui n'a même plus lieu d'être, en fait, on n'en a plus besoin d'eux. Et en même temps, cette population-là, qui a été pendant des siècles absolument indispensables, elle a des privilèges. Et donc, elle va chercher à garder ces privilèges, hors de question pour eux de se séparer de ces privilèges, et notamment des rentes éventuelles qu'ils peuvent toucher. Alors, à l'époque, ils ne touchent pas des espèces sonantes et trébuchantes, ils sont payés en riz ou en voilà. Et hors de question pour eux de perdre ces privilèges-là. Donc, il va falloir défendre ces privilèges. Et donc va se mettre en place ce que Olivier Ansar, qui a contribué dans le bouquin, ce que lui appelle le théâtre, finalement. Les samouraïs vont se mettre en scène et vont commencer à se dire, bon, il faut que notre cast, on trouve un truc qui nous rassemble, qu'on s'invente des codes, une apparence, tu vois, des traditions, une façon d'être et qui nous permettent de justifier le fait que, socialement, on soit au-dessus des autres, en fait, et qu'on ne perde pas nos privilèges. Et ça, c'est un théâtre qui va s'exprimer, se renforcer à travers tout plein d'aspects, et notamment la mise en place de ce fameux code d'honneur, du Bushido, de la voie du guerrier, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de code avant. Parce qu'il y a pu avoir des codes, clairement, mais c'était des codes qui étaient plutôt locaux. Tu vois, t'as un, je sais pas moi, un seigneur local qui va dire, bon bah les gars, vous bossez pour moi, tant que vous bossez pour moi, c'est interdit de faire ça, c'est interdit de faire ça, quand tu veux t'adresser à un tel, tu le fais comme ça. Bon, il pouvait y avoir des codes, mais il n'y avait pas un truc unifié, et c'était pas du tout le même code pour tout le monde, quoi. À partir de là, on va essayer d'en faire finalement une sorte de guide spirituel, tu vois, de Bushido, et de l'imposer comme étant l'idéal du samouraï. Et ce qui va renforcer notre vision contemporaine du samouraï à travers le dévouement jusqu'à la mort, c'est un autre bouquin que tu as évoqué tout à l'heure. Il y a eu le Bushido, donc, qui est là aussi pour exacerber un peu de nationalisme. Mais on a le Hagakure. Et le Hagakure, c'est vraiment produit très tardivement aussi. Et c'est produit par un samouraï qui est sur la fin de sa vie, qui va se confier en gros à son assistant. Et c'est un recueil de petits textes sur ce que doit être un samouraï, de comment il doit se comporter. et c'est vrai que dans ce bouquin on revient quand même très très souvent à la mort en fait le gars il te dit si la mort elle est en face de toi vas-y quoi, parce que t'es un vrai samouraï donc montre bien tes pectoraux et empale-toi sur le sabre de l'adversaire t'auras une belle mort et donc une belle vie c'est grosso modo et donc c'est vrai que ça peut paraître un petit peu étonnant et en fait ce qui est rigolo c'est que quand on prend un peu de recul sur ce Agakure, on s'aperçoit que C'est un peu une écriture un peu méta, où le mec prend de la hauteur, finalement, sur sa propre condition, quoi. Le gars se rend compte que les samouraïs, ils sont en train de crever, parce que ça fait deux siècles qu'on n'a plus besoin d'eux, quoi. Et à un moment donné, il faut passer à autre chose. Et donc, le gars se dit, le Makas, t'es en train de mourir, on ne sert plus à rien. Et donc, il va le mettre par écrit, en disant aux samouraïs, bon, bah ouais, effectivement, la bonne manière de finir, là, c'est de mourir, quoi. C'est vraiment un discours un peu méta qui est développé là-dedans. Et ce qui est intéressant, c'est que du coup, ça va participer à la fabrique du cliché du parfait petit samouraï. Et donc, ça va vraiment alimenter ce cliché qu'il y a eu dans la pop culture, mais aussi cet idéal qui va être utilisé avant la Seconde Guerre mondiale pour embrigader aussi les jeunes. Le Hagakure, ça va être un instrument de propagande, clairement.

  • Speaker #1

    Justement, tu l'as dit à un moment, ces samouraïs vont devoir disparaître. C'est assez intéressant parce que certains vont porter au final l'attirail administratif et donc d'une certaine façon la modernité du Japon. Certains vont commencer à ouvrir des usines, des choses comme ça. D'autres vont complètement péricliter et disparaître dans l'oubli. Qu'est-ce qui reste aujourd'hui de cette classe des samouraïs ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui reste aujourd'hui ? Alors, je ne suis pas un grand spécialiste de ça, mais ce qui est sûr, c'est que cet idéal samouraï, il a été... utilisés aussi par certains. Tu vois, même dans la mafia, les yakuza, il y a une espèce de justification des idéaux ou de la manière de se comporter ou d'être, ou de fabrique du folklore en se reposant sur, effectivement, une sorte d'acquis passé, qui n'est pas forcément un acquis, mais qui est, du coup, là aussi, un folklore qui est fabriqué. Au même titre que des mouvements politiques dans tous les pays du monde vont pouvoir s'asseoir sur leur histoire, on va dire nationale, pour justifier... des positions politiques, le samouraï peut aussi être une figure politique qu'on va solliciter pour justifier, finalement, une décision ou une idéologie. Regardez, avant, il se comportait comme ça, c'était des vrais bonhommes, alors nous aussi, on va se comporter comme ça. Et c'est notamment pour ça que le samouraï, pendant, même encore aujourd'hui, a une image très viriliste. Et ça, c'est rigolo parce qu'on l'aborde dans le bouquin aussi, et c'est à la fois vrai et pas vrai, le samouraï ultra-viril. C'est-à-dire que globalement, les samouraïs, ce qu'on dit dans le bouquin, c'est qu'ils déconsidéraient très fortement la femme. Que souvent, la femme, c'était fait pour enfanter et puis basta. Et du coup, on reste entre mecs.

  • Speaker #1

    Ils avaient peur d'attraper la faiblesse, entre guillemets, de la femme dans leur talent guerrier, etc.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, dans des écrits, pendant cette période de paix, à l'époque Tokugawa, on a des écrits. Deux gars qui se lamentent un peu en disant « Ah, regardez, maintenant, les samouraïs, c'est devenu des femmes, ils se sont féminisés, voilà. » Et en même temps, ce qui est assez marrant, c'est que du coup, vu que le summum de la virilité, c'est d'être contre-mec, finalement, le seul amour véritable, c'est celui que tu peux donner à un mec. Donc, on parle aussi... Alors, c'est compliqué de qualifier ça d'homosexualité, parce que c'est pareil, les conceptions sont... L'homosexualité, c'est très contemporain. comme système de pensée. Quand on regarde l'Antiquité grecque, avec notre référentiel, oui, l'homosexualité existait, mais pour eux, ça n'en était pas. bon bah là c'est pareil pour les samouraïs Il y avait des relations entre mecs, en fait. Et ça, on en parle dans le bouquin. Et ça, c'est vraiment un truc qui est inenvisageable pour une partie des gens qui se disent « Non, non, les samouraïs, c'est l'idéal viril. Ils ne peuvent pas avoir des relations avec d'autres hommes. » C'est une figure extrêmement ambiguë, finalement, et qui est, encore aujourd'hui, très malléable.

  • Speaker #1

    Alors, justement, dans cette pop culture, moi, il y a un exemple qui m'a assez perturbé. Tu en parles dans le livre. C'est la princesse Mononoke de Miyazaki. que tout le monde pratiquement connaît, où, en fait, lui, il va développer une image très négative des samouraïs, parce que, justement, il est plutôt pacifiste, Miyazaki, et le peu de samouraïs qu'il va représenter, parce que quand on est attentif, dans ses animes, il y a très peu de samouraïs représentés, mais, généralement, c'est des brutes épaisses, entre guillemets, qui portent une certaine violence. Or, de tout ce qu'on a dit ici, la figure du samouraï, elle est beaucoup plus complexe que celle-là. Donc, on reste dans ces messages Au final, la pop culture véhicule un message assez standardisé des samouraïs, alors que ce qu'on doit, je pense, qu'on peut retenir de l'épisode et qu'on peut retenir du livre, c'est que cette figure du samouraï, elle est multiple et elle est beaucoup plus complexe que celle-là.

  • Speaker #0

    Oui, clairement, et même au sein du Japon, la réception du samouraï a été différente suivant les époques. C'est-à-dire qu'il y a un moment donné, au Japon, le samouraï, c'était considéré comme... Le guerrier, barbare, inculte, qui pille, qui viole. Et ils n'étaient absolument pas respectés. C'est-à-dire que dans la capitale, dans les grandes villes, ils étaient déconsidérés. Le samouraï qui se pointait en ville, on disait c'est le péquenaud utile qui s'est manié une épée. Et après, ça va s'inverser à un moment donné. Et d'ailleurs, on va avoir différents chefs de guerre qui vont mettre un point d'honneur. à soutenir des producteurs de lettres, d'art, pour acquérir justement une certaine légitimité auprès des élites intellectuelles, et pour pouvoir prendre après le pouvoir. Et c'est hyper intéressant, en fait, de voir cette évolution-là du samouraï. Et c'est intéressant d'ailleurs aussi de voir comment cette caste, finalement, va se mixer avec d'autres, à partir d'un moment, pour atteindre ses objectifs, puisque quand le samouraï devient totalement déconsidéré, Ce qui est intéressant, c'est que chez les samouraïs, tu peux adopter. Tu n'as pas ce truc de dire, ah merde, je n'ai pas d'enfant, je perds mon héritage, enfin, je n'ai pas d'enfant biologique, c'est-à-dire que tu peux vraiment adopter quelqu'un et dire, maintenant, ça c'est mon fils, il s'inscrit dans ma lignée, il a mon âme généalogique, tout ça. Et donc, il y a des adoptions qui vont se faire à un moment donné, des échanges entre des familles de marchands bien installés, qui ont des thunes, et des familles de samouraïs qui, elles, ont une aura politique. ou une réputation, mais qui n'ont pas de thune. Et donc, les deux familles s'associent en s'adoptant, entre guillemets, l'une de l'autre pour pouvoir se renforcer. Et donc là, on voit que l'image du samouraï, finalement, elle est plus que jamais très transverse et elle mute tout le temps.

  • Speaker #1

    Et moi, c'est quelque chose qui m'a beaucoup interpellé aussi, c'est que tous les aspects de la vie japonaise vont être influencés à un moment ou à un autre par les samouraïs. Tu l'as dit, la culture, dans certains moments dans l'histoire, ils vont jouer des rôles... politiques, au-delà d'être guerriers, ils vont être dans l'administration, ils vont être arpenteurs pour faire un espèce de cadastre des terrains. Ils vont vraiment influencer complètement et transversalement la vie au Japon.

  • Speaker #0

    Oui, et ce qui est intéressant, c'est de voir aussi que la plupart des aristocrates de cette époque, du coup, étaient samouraïs ou fils de samouraïs. Donc, on essayait de caser un petit peu les gens à droite à gauche. Et finalement, même si le système est tombé, il y a eu cette mutation, mais... il y a quand même des gens qui sont restés là où ils étaient. Et au même titre qu'aujourd'hui, en France, on a des familles qui sont encore très influentes dans certaines villes et qui sont les héritières de fortunes qui se sont construites, par exemple, sur l'esclavage, à Nantes, à Bordeaux. C'est un peu pareil au Japon, c'est-à-dire qu'il y a des élus locaux, des politiques qui sont eux-mêmes les héritiers de familles de samouraïs. Et du coup, j'ai eu la chance d'aller au Japon pour tourner un documentaire sur les samouraïs, justement. Et ce qui était drôle, c'est qu'à un moment donné, il y avait un élu qui était là, et puis il y avait quelques personnes qui le critiquaient en disant « De toute façon, il est là juste parce qu'il avait sa famille de samouraïs là où il valorise ses ancêtres. » Et puis voilà, c'était vraiment l'aristocratie qui s'est placée. Qui s'est placée dans le nouveau système. Et les gens étaient un peu critiques vis-à-vis du type. Donc c'est marrant de voir qu'il y a encore ça.

  • Speaker #1

    Alors je me rattache un petit peu à Assassin's Creed Shadow. Dans Assassin's Creed Shadow, on voit aussi les ninjas d'Iga, dont on ne parle pas nécessairement dans le bouquin. Comment les ninjas se positionnent par rapport aux samouraïs ? Est-ce que les ninjas ont réellement existé ou est-ce que c'est des samouraïs particuliers ? Comment tu vois les choses par rapport à tout ça ?

  • Speaker #0

    Les ninjas ont réellement existé, il n'y a pas de souci. Maintenant, il faut nuancer vachement leur image aussi, qui a été une image extrêmement romancée. Pareil, on a une espèce de rôle très défini du ninja, on voit très bien son accoutrement, ses armes. C'est le mec, l'assassin qui est envoyé dans l'ombre. Tout a l'air très très défini quand on voit des films aussi noches avec le ninja, alors qu'en fait c'est une figure qui est beaucoup plus floue que ça. Pareil, je ne suis pas un grand spécialiste, mais je sais que Pierre-François Suiri a produit un ouvrage entier sur les samouraïs dernièrement et qu'il a quand même démonté énormément de choses là-dessus. En gros, on avait un bouquin qui faisait un peu référence sur les ninjas, c'était aussi Stephen Turnbull. Et c'est vrai qu'il a été un peu débunk. par Suiri et d'autres sur cette Ausha. Il y a aussi une folklorisation de ninja au Japon et ailleurs à des fins touristiques, clairement. Mais ce qu'on peut dire, c'est que ça a été un phénomène qui s'est moins étendu dans le temps, que souvent, c'était des gens relativement pauvres qu'on allait engager pour aller faire diverses missions et que ces missions-là... Alors, ça pouvait aller jusqu'à l'assassinat, mais enfin, c'était pas le gros du boulot. C'était surtout du renseignement, en fait. C'était l'éclaireur que t'envoies, quoi, tu vois. C'était surtout ça. C'était surtout des gens très, très pauvres et pas vraiment comparables avec la classe des samouraïs, pour le coup. Mais c'est intéressant de le voir aussi en scène dans Assassin's Creed. De toute façon, c'est un terrain de jeu assez formidable. Moi, c'est ce que j'aime bien dans les assassins, c'est qu'ils jouent avec l'histoire. Donc, ils sont forcément obligés. de jouer avec ce qu'attend le public aussi, c'est-à-dire ces clichés qui ont été fabriqués parfois de toutes pièces, ils vont les reproduire, et en même temps, de façon assez étonnante, il y a pas mal de petits trucs à droite à gauche aussi qui vont pouvoir débunker, justement prendre le contre-pied, où il y a des gens qui vont, en jouant au jeu, se dire « Ah, c'est bizarre ça, ils font un peu n'importe quoi là, Ubisoft ! » Bah non, en fait, là pour le coup, c'est un truc qui est assez carré, assez représentatif des habitudes de l'époque, ou de ce qu'ils portaient, et donc c'est marrant de voir ce mélange entre finalement une approche où parfois tu sens qu'ils ont envie d'aller plus loin et de se rapprocher d'un côté plus scientifique et carré et en même temps ces libertés qu'ils prennent et cette machine à clichés aussi qui s'enclenche et là avec le ninja ça peut peut-être aussi en être une aussi mais tu vois ils ont fait appel à des historiens aussi sur la production, Pierre-François Suiri a fait partie de cela maintenant il faut voir aussi le rôle c'est à dire que c'est Le jeu et les équipes du jeu et le développement du jeu priment toujours sur l'historicité. Et entre un truc qui est juste historiquement et le fun, ils vont toujours privilégier le fun à la cohérence historique. Donc les historiens qui bossent sur ces productions, eux, ils sont là pour faire un genre de bible en disant « Bon voilà, vous allez travailler sur cette période, à l'époque ça ressemble à peu près à ça, l'économie c'est ça, les marchands ils vendent ça, le guerrier il a ça, ça, ça comme pièce d'armure. » Et après, démerdez-vous. C'est-à-dire que moi, mon rôle s'arrête là. Et ensuite, c'est le rôle du créatif qui prend le dessus. Fun fact, quand même. Dans le jeu, on a plein de collectables, plein de trucs et tout. Et donc, bref, dans le jeu, on peut trouver des petits sanctuaires un peu partout et faire une prière aux dieux locaux, en fait. Et il se trouve que pendant mon documentaire au Japon, que je tournais sur les samouraïs, il y a quelques mois, j'ai eu la chance de rencontrer le conseiller historique de la série Shogun.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    qui est un gars absolument remarquable. Et je l'ai rencontré dans un petit sanctuaire un peu paumé, dédié à un dieu de la guerre. Et en fait, le mec me dit, écoute, si tu veux, ensemble, je t'apprends à faire la prière au dieu de la guerre dans le sanctuaire. Et ce qui est drôle, c'est que le mec commence à se mettre en position. Et là, je me dis, putain, je sais ce qu'il va faire, parce que je l'ai fait 50 fois dans Assassin's Creed. Et effectivement, le mec commence à se mettre en place. Il frappe deux fois dans ses mains. Il fait exactement tout pareil comme dans le jeu. Et donc, quand j'y étais, je fais la prière, moi aussi, au dieu de la guerre. Et il me dit, franchement, pas mal. J'étais en mode, aucun mérite, vraiment. J'ai tout appris dans la sans-scrit.

  • Speaker #1

    Et au final, ce que fait Ubisoft, c'est ce qui s'est passé aussi dans l'histoire. C'est une appropriation culturelle. Ils refont une histoire, entre guillemets, des samouraïs qui servent leurs propos. Mais ce que plein d'autres ont fait, puisque cette figure du samouraï, on l'a démontré dans l'épisode, a été utilisée à plein de moments différents. Donc, ce n'est pas si différent de ce qui s'est passé par le passé.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Après, il faut juste assumer. Ça a toujours été le souci du BISOF là-dessus. J'ai la sensation, en parlant avec les gens qui font le jeu, qu'ils sont en mode « on assume, il n'y a pas de problème » . Et puis, une vision marketing, à un moment donné, qui était en mode « vous allez apprendre l'histoire, les gars » . Ce qui n'est pas vraiment le cas. Mais par contre, il y a plein d'autres mérites. Parce que selon moi, ça peut permettre de plonger des jeunes, et moins jeunes d'ailleurs. dans l'histoire, de leur donner envie de s'intéresser à une période. Je pense que ça a des vertus. Maintenant, celle d'apprendre, stricto senso, l'histoire, non. Mais ça, j'ai l'impression qu'il n'y a pas un rétro-pédalage, mais en tout cas, il y a une approche un peu plus nuancée depuis quelques années là-dessus, de la part du marketing du bi.

  • Speaker #1

    Alors, je vais terminer avec deux questions. On arrive à la fin de l'épisode. La première concerne les samouraïs, la seconde, c'est plutôt sur toi, ton objectif à toi quand tu fais tout ça. Donc... Cette première question sur les samouraïs, c'est est-ce que tu peux nous partager quelques œuvres modernes, quand je dis modernes, c'est des 20 dernières années, qui t'ont vraiment marqué et qui, par rapport à ton travail sur les samouraïs, te semblent quand même assez intéressantes pour être vues, même s'il faut les regarder avec un prisme particulier.

  • Speaker #0

    Ouais, ben moi, après, le truc, c'est que ça tourne vraiment autour du cinéma et des jeux vidéo. C'est-à-dire que côté littérature, je ne vais pas pouvoir te conseiller grand-chose, mais c'est sûr que... Un truc qui a été fondateur pour moi, c'est effectivement Le Dernier Samouraï. Et ce qui est intéressant, c'est de le regarder avec cet œil un peu critique. Lisez le bouquin ou renseignez-vous ailleurs. Même allez lire un peu du Wikipédia, si vous n'y connaissez rien sur les samouraïs, à ce contexte dans lequel se passe le film. Parce que c'est hyper intéressant. Et qu'en plus, au-delà de l'aspect samouraï, Le Dernier Samouraï, enfin le mec que joue Tom Cruise, en vrai, c'était un Français.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Jules Brunet. Et que ça a été bien plus loin que ça. C'est-à-dire que suite à ces épisodes-là, il y a même eu une... Ça n'a pas duré longtemps, mais il y a même eu une république qui s'est créée dans le nord du Japon, quoi. Tu vois ? C'est-à-dire que les Français ont un peu essayé d'influencer le game là-bas. Bon, ça n'a pas marché. Mais c'est rigolo. Donc, ce film-là, Le Dernier Samouraï, oui, il est marquant. Un autre film qui peut être intéressant, mais c'est pareil, c'est pour l'appareil critique, ça va être Ghost Dog, la voix du samouraï avec Forest Whitaker qui en gros c'est un tueur à gage qui travaille pour la mafia mais qui se dit moi j'ai un code d'honneur et qui en fait suit le code d'honneur des samouraïs et qui suit en particulier le Bushido et le Hagakure et donc c'est drôle parce qu'en plus dans le film il y a plein de citations du Hagakure et tout ça et ça nous permet de remettre en perspective un petit peu tout ça de manière un peu rigolote donc ça je vous le conseille Ghost Dog qui de prime abord a vraiment rien à voir avec les samouraïs mais qui en fait en parlent beaucoup d'accord Après, dans les jeux, alors forcément, je peux conseiller Assassin's Creed Shadow, que moi j'ai beaucoup aimé, et qui vous renseignera vraiment sur la fin de cette période de l'unification, qui est hyper intéressante, où on voit d'ailleurs un ou deux unificateurs, je ne spoil pas l'histoire, mais ça pose quand même un contexte qui est intéressant, ça pose des pratiques aussi, ça pose parfois un cadre social et politique qui est intéressant à analyser, même s'il faut prendre des pincettes, parce qu'effectivement, en tant que joueur lambda, Oh ! Si tu n'y connais rien, tu ne peux pas faire la distinction entre ce qui relève de la vraie histoire et ce qui relève du scénario, en fait, pour faire progresser l'intrigue. Mais c'est intéressant quand même. On parlait de Ghost of Tsushima tout à l'heure. Moi, c'est les trucs qui m'intéressent aussi, notamment parce que ça fait écho à une période du Japon qui est vraiment méconnue, qui est celle des invasions mongoles. Ça, c'est hyper intéressant aussi. Les invasions mongoles, spoiler, ont échoué. Mais pouvoir se retrouver plonger dans ces univers-là qui font aussi beaucoup d'appels du pied à tout cet aspect cinématographique qui a été développé pendant des années. D'ailleurs, il y a même un mode Kurosawa que tu peux activer sur Ghost of Tsushima où ça te passe le jeu en noir et blanc. Donc c'est plutôt drôle. Mais donc voilà, c'est plutôt des œuvres de pop culture que je vais conseiller. Et puis tu as tout justement ce cinéma de Kurosawa et des vieux films de samouraïs qui peuvent être consommés, qui parfois maintenant sont un peu kitsch. mais Bon, c'est comme les vieux cow-boys, quoi.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Petite question sur la série Shogun. T'en parlais tout à l'heure. Comment tu la situes par rapport à à tout ce dont on a discuté aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Moi, je trouve que globalement, c'est quand même pas mal. C'est quand même pas mal. Il y a toujours des clichés qui sont véhiculés. Mais tu vois, cette image du guerrier 100% loyal, tout ça et tout, elle est mise à mal dans la série.

  • Speaker #1

    Oui, on le voit très tôt, même, avec des alliances rompues, etc.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Donc, en fait, tu as des trucs qui, historiquement, sont un peu bancales sur ses contacts avec les premiers occidentaux, tout ça. Bon, mais... C'est pour servir le propos de la narration, et encore une fois, ce n'est pas un bouquin d'histoire, donc on comprend pourquoi ça a été fait. Il y a l'idée globale qui émerge de tout ça, qui est bien plus intéressante. Moi, ce qui m'a vraiment plu dans cette série, ça a été aussi le rôle de la traduction. Tu as un personnage en particulier qui a un rôle de traduction entre les Occidentaux et les Japonais, et on voit toute la subtilité qu'il peut y avoir dans ce travail de traduction. entre un occidental qui dit merde et la meuf qui doit mettre les formes auprès des japonais qui sont en face et inversement en fait. J'ai adoré ce côté-là qui trop souvent est laissé de côté. C'est vrai que la langue c'est quelque chose qu'on laisse souvent de côté dans les séries et là on s'en sert de manière très intelligente dans cette série.

  • Speaker #1

    Super. Dernière question qui te concerne plus personnellement entre guillemets. Ton objectif à toi, quand tu as lancé ta chaîne YouTube, quand tu fais ce type d'ouvrage, etc., au-delà de parler d'un sujet qui te passionne, on l'a entendu, je pense, c'est quoi au final ?

  • Speaker #0

    Alors moi, mon objectif, ça a évolué aussi au fur et à mesure des années. C'est-à-dire que maintenant, ça fait 11 ans, au moment où on enregistre cette émission que je fais Nota Bene, moi, ma vision de l'histoire a vachement évolué depuis 11 ans aussi. Je n'avais pas du tout les tenants et les aboutissants de toute la discipline et de tout ce que ça peut impliquer. quand j'ai lancé la chaîne. Moi, au départ, c'était surtout une émission de divertissement avec ce terrain de jeu formidable qu'est l'histoire parce qu'il s'est tellement passé de trucs incroyables dans tous les domaines qu'il y avait de quoi s'amuser. Donc l'envie première, c'est de se divertir au départ. Et c'est toujours le cas parce que je pense que ce qui est important aussi dans l'émission, c'est que les gens ne se fassent pas chier et puis puissent voyager. C'est ce que finalement... Beaucoup d'historiens avec qui je travaille soulèvent, c'est-à-dire que quand on dit à quoi ça sert l'histoire, des gens comme William Blanc avec qui j'ai bossé, mais aussi des gens comme Patrick Boucheron, qui est quand même au Collège de France, vont te dire mais en fait l'histoire ça sert à s'évader, à penser à autre chose, à se projeter dans un autre monde qui n'existe pas aujourd'hui ou n'existe plus en fait. Donc c'est un formidable moyen de pouvoir voyager et échapper à son quotidien qui parfois peut être un petit peu morose. Donc il y a déjà ce divertissement premier qui est important et qui n'est pas à négliger. Ensuite, pour moi, ce qui est important, ce que j'ai appris au fur et à mesure de ces années, c'est à être très humble devant cette matière historique, et plus généralement dans le monde qui nous entoure, parce que tout est quand même très complexe, et que plus on tente d'en savoir sur un sujet, et plus on se rend compte qu'on n'en saisit pas tous les tenants et les aboutissants. C'est souvent ça le vertige un peu de l'universitaire qui fait sa thèse et qui se dit « bon ok, j'ai une connaissance très pointue, et en même temps, il y a tellement de zones d'ombre » . de trucs qu'on ne sait pas, que tu te rends compte à quel point c'est vertigineux. Et donc, il y a cette humilité que tu cultives et cette approche de la méthodologie historique. Moi, ce qui m'intéresse vraiment aujourd'hui, c'est de montrer aux gens comment est-ce que cette histoire, comment est-ce qu'elle se produit en fait ? Comment est-ce qu'elle s'écrit ? Et c'est le premier truc que tu fais quand tu commences une carrière d'historien, tu vois, c'est que tu es confronté aux sources dites primaires, donc aux documents que tu vas devoir analyser et faire parler. Et c'est, mais qui a écrit ce document ? Pourquoi est-ce qu'il l'a écrit ? Dans quel contexte il l'a écrit ? Parce que tout ça n'est pas anodin. Si aujourd'hui tu prends un article de Luma ou du Figaro sur un même sujet, ça va être traité de façon différente. Donc l'historien qui va bosser dessus dans 200 ou 300 ans, il ne peut pas se reposer sur uniquement l'article du Figaro ou l'article de Luma pour savoir ce qui s'est réellement passé ou faire son analyse, parce qu'en fait ça va être un petit peu différent. Donc il faut confronter après les sources. donc voir comment cette histoire elle a été produite pourquoi elle a été produite, comment est-ce qu'elle a été transmise, mais même pas jusqu'à nous direct, mais comment est-ce qu'elle a été transmise dans l'histoire, parce qu'on le voit tout à l'heure à travers l'exemple de Jeanne d'Arc que j'ai développé, mais à travers tout un tas de textes, ces textes ou ces personnages ou ces événements historiques ont eu des réceptions, des réécritures différentes qui ont évolué au fur et à mesure de l'histoire, et finalement nous, aujourd'hui, on en a une version, on en a une réception, qui sera sans doute peut-être pas celle... qu'en feront nos descendants dans 50 ans, 100 ans, 200 ans, 1000 ans, en fait. Et c'est ça qui est intéressant aussi, et en se posant toutes ces questions, et en essayant de détricoter tous ces mécanismes qui font que l'histoire, c'est ce qu'on a aujourd'hui, on développe tout un appareil critique, finalement, qui nous sert dans la vie de tous les jours, et qui, j'espère, moi c'est mon côté un peu naïf, fait de nous des citoyens un peu plus alertes. C'est-à-dire que quand t'as des situations politiques... complexes à laquelle on va être confronté, ou des situations économiques, des situations sociales, qu'on puisse prendre un peu de recul et se dire, en fait, j'ai pas tous les tenants, tous les aboutissants, peut-être que c'est pas... La réponse, elle est pas si simple, peut-être que c'est multifactoriel, ce qui se passe souvent, tu vois, en histoire, quand on te pose une question qui a l'air très simple. L'historien te répond, c'est plus compliqué que ça. Bah ouais, en fait, c'est la vie, quoi. C'est la vie. Et donc, tu vois, l'histoire, c'est un peu... Quand t'apprends l'histoire, t'apprends un peu l'école de la vie aussi. Et intellectuellement, tu développes pas mal de mécanismes de défense. Alors, ça veut pas dire que ça va te protéger contre tout. Ça veut pas dire que tu seras immunisé contre la connerie. Ça veut pas dire que tu peux pas faire fausse route. En tout cas, ça permet de prendre un petit peu de recul. Ça force à l'humilité. Et ça permet aussi, je trouve, parfois de... de se mettre un petit peu à distance des événements, tu vois. Parce qu'il y a des fois où tu te dis, j'ai envie de faire quelque chose, à titre individuel, comment je peux changer les choses ? Bon, c'est compliqué, en fait. Et quand tu regardes les mécaniques qui agitent l'histoire, tu t'aperçois que les hommes providentiels, finalement, ça existe assez peu, que tout est assez conjoncturel, qu'évidemment qu'il y a des individualités qui émergent et qui vont permettre des trucs, mais tout ça, c'est des phénomènes collectifs ultra complexes. Et finalement, ça aide à se remettre un petit peu à sa place. Quand j'ai épousé ma femme, on est parti en vacances en Islande pour notre voyage de noces. Et pour la première fois de ma vie, devant ces paysages, je me suis dit, OK, je ne suis rien. Je ne suis rien, je peux mourir maintenant. Et en vrai, ça ne changerait strictement rien à la face du monde. Et en fait, l'histoire, c'est un peu ça. C'est mon Islande. C'est-à-dire que quand tu te poses devant, tu te dis, Ah, écoute, je vais faire du mieux que je peux pour que peut-être... notre monde sera un petit peu meilleur demain, mais ce n'est pas moi qui vais révolutionner l'humanité, quoi.

  • Speaker #1

    Super, et bien, merci beaucoup pour cette réponse, et merci beaucoup d'avoir pris le temps d'enregistrer cet épisode. Je rappelle le titre du livre, le livre s'appelle Les Samouraïs, par Nota Bene, c'est un livre avec un collaboratif, donc tu as été recherché plein, plein de scientifiques, 8 au total, qui ont écrit toute une série d'articles différents. Comme tu l'as dit aussi, c'est plus... Moi, j'ai trouvé que c'était une histoire du Japon que tu avais écrite à travers les samouraïs, parce qu'on voit que leur influence est très grande. On en a discuté aussi dans l'épisode. Eh bien, Benjamin, merci beaucoup pour cela. Et chers auditeurs, chères auditrices, je te dis à dans deux semaines pour le prochain épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du MUMONS. Passez une belle journée. Benjamin, à très bientôt.

  • Speaker #0

    Salut !

  • Speaker #1

    Tu viens d'écouter un épisode du podcast du MUMONS. Et franchement, j'espère qu'il t'a plu. D'ailleurs, si en passant, tu veux me faire un retour ou si tu as des idées d'amélioration, surtout n'hésite pas à nous contacter. Tu peux aussi devenir notre ambassadeur et faire découvrir ce podcast tout autour de toi. Si tu as des idées de sujets ou si tu souhaites enregistrer un épisode, surtout n'hésite pas à nous contacter. Rendez-vous sur le site internet mumons.be ou sur la page Facebook du Mumons.

Chapters

  • Introduction et présentation de l'épisode sur les samouraïs

    00:37

  • Le parcours de Benjamin Brillaud et son intérêt pour les samouraïs

    00:43

  • L'influence des samouraïs sur la culture japonaise et leur rôle historique

    01:01

  • Collaboration et recherche pour le livre sur les samouraïs

    01:57

  • Définition et évolution du concept de samouraï

    16:41

  • La hiérarchie et les relations entre samouraïs, shoguns et empereurs

    20:48

  • Les ronins et leur place dans la société japonaise

    22:28

  • La représentation des samouraïs dans la pop culture

    23:48

  • Ninjas et samouraïs : différences et similitudes

    44:22

  • Conclusion et objectifs de Benjamin dans son travail

    54:31

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Description

Les samouraïs.
Une figure mythifiée, presque sacrée.
Un symbole de loyauté, d’honneur, de sabre et de courage… du moins, dans notre imaginaire collectif.

Mais derrière les images de cinéma, les jeux vidéo et les mangas, que reste-t-il de la réalité historique ?

Dans cet épisode exceptionnel, j’ai l’immense plaisir de recevoir Benjamin Brillaud, alias Nota Bene, l’un des vulgarisateurs historiques les plus suivis aujourd’hui. Auteur, vidéaste, passionné de transmission, il a produit un ouvrage dense et passionnant consacré aux samouraïs (Perrin, 2024).

Ensemble, nous explorons une histoire mille fois plus complexe que ne le laissent penser les images d’Épinal :

⚔️ Qui étaient vraiment les samouraïs, des archers montés avant d’être les sabreurs que l’on imagine ?
🏯 Comment le Japon et l’Occident ont mutuellement façonné leur image, au fil des siècles et des relectures culturelles ?
📖 Pourquoi le fameux Bushido est une invention tardive, plus idéologique qu’historique ?
🎬 Comment la pop culture – de Kurosawa à Assassin’s Creed – continue d’alimenter le mythe, au point d’influencer notre perception du Japon médiéval ?

Benjamin nous montre comment, sur dix siècles, le Japon a construit, déconstruit puis reconstruit l’image du samouraï pour répondre à des besoins politiques, sociaux et identitaires.
Il nous emmène au cœur d’un monde où la ruse compte autant que la force, et où le sabre n’est jamais qu’un outil parmi d’autres.

On discute aussi de la manière dont les œuvres modernes – cinéma, jeux vidéo, BD, romans – ont façonné notre imaginaire occidental… et parfois celui du Japon lui-même. Et de la manière dont la fiction peut révéler des vérités historiques tout en créant de nouvelles illusions.

Cet épisode, c’est :
• de la rigueur,
• de la passion,
• de la nuance,
• du plaisir à raconter.

Un épisode entre histoire, cinéma et philosophie, qui démonte les clichés et célèbre la passion de la transmission historique.

🎧 Disponible dès maintenant sur toutes les plateformes.
Un immense merci à Nota Bene d’avoir accepté l’invitation et d’avoir partagé son savoir avec autant de générosité.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Lorsque ce petit bolide atteindra 88 miles à l'heure, attends-toi à voir quelque chose qui décoiffe.

  • Speaker #1

    Ce qui place votre zone d'atterrissage à 5,0667 degrés de latitude nord et 77,3333 de longitude ouest.

  • Speaker #0

    Rien de tout ça derrière. Qu'est-ce que le réel ?

  • Speaker #2

    La seule variable constante est l'inattendu.

  • Speaker #3

    On ne peut pas la contrôler. Je crois que vous êtes encore pire que ces créatures. Elle, elle n'essaie pas de se massacrer entre elles pour tirer le plus gros paquet de fric.

  • Speaker #0

    Voyons si une capacité de bosser de 10% permet le décollage. Et 3, 2, 1...

  • Speaker #4

    Chères auditrices, chers auditeurs, bienvenue dans ce nouvel épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du Mumons. Alors déjà avec la sortie de Ghost of Tsushima, donc juillet 2020, je pense dans mes souvenirs, juste un mois avant qu'on lance le podcast, je m'étais dit que ce serait terrible de pouvoir faire un épisode sur les samouraïs. Alors, cinq ans plus tard, j'y suis enfin parvenu, on y est, c'est l'épisode sur les samouraïs. Aujourd'hui, on va parler de culture nippone et plus particulièrement, comme je te le dis, des samouraïs. Plus que de simples guerriers, pendant dix siècles, ils vont influencer l'ensemble du Japon à plein de niveaux différents. Et pour discuter de cette thématique ô combien intéressante, et en tout cas, moi, ça m'intéresse beaucoup, j'ai la chance et l'honneur aujourd'hui d'accueillir à distance, on est en visio, Benjamin Briot, plus connu sous le nom et sous le pseudonyme de Notavené. Bonjour Benjamin.

  • Speaker #5

    Bonjour, bonjour.

  • Speaker #4

    Comment vas-tu ?

  • Speaker #5

    Écoute, ça va fort bien. Prêt à sortir le katana.

  • Speaker #4

    Moi aussi. Alors, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire le bouquin. Le livre, qui s'intitule très sobrement « Les Samouraïs » , est sorti en octobre 2024. C'est un livre superbement illustré, des textes vraiment très clairs, qui nous font voyager à travers les dix siècles d'histoire durant lesquels les samouraïs ont eu de l'influence sur toutes... l'entité Japon. La première question que je me suis posée, c'est pourquoi un jour tu t'es dit je vais travailler sur les samouraïs ?

  • Speaker #5

    Alors, il y a plusieurs réponses à cette question. La première, je pense que c'est une figure, le samouraï, depuis que je suis gamin, qui forcément m'a interpellé à travers la pop culture, comme de nombreuses autres figures, mais c'est vrai que typiquement, je pense comme beaucoup de gens de ma génération, moi j'ai... 37 ans au moment où on enregistre ce podcast, j'ai vu Tom Cruise dans son armure et je me suis dit moi aussi je veux être un samouraï. Et puis ensuite je me suis renseigné un peu sur le samouraï, j'ai vu que c'était pas tout à fait ça, même si c'était beau. Il y a tout le cinéma de Kurosawa, il y a effectivement les Ghost of Tsushima, les Assassin's Creed, bref les samouraïs irriguent totalement la pop culture. C'est aussi un emblème du Japon, Japon qui a bercé mon enfance comme celle de tant d'autres. à travers les dessins animés, les mangas qui nous sont parvenus. Ça, c'est déjà une motivation première, qui fait qu'assez tôt, sur ma chaîne YouTube, j'ai commencé à parler des samouraïs. Et puis, depuis 2022, j'ai eu la chance de diriger des ouvrages collectifs avec des historiens, des archéologues, sur de grandes thématiques. On a fait les vikings, les samouraïs et les pirates. Là, je suis en train de bosser sur les chevaliers. Évidemment, je pars de ces grandes figures, souvent guerrières est liée à la pop culture parce qu'elles sont sujettes à de nombreux clichés et que c'est plutôt agréable, selon moi, de démonter des clichés et de se rendre compte que finalement, on pense savoir plein de trucs. En fait, c'est pas grand chose.

  • Speaker #4

    Et justement, c'est un petit peu l'optique de cet épisode qu'on va passer ensemble. C'est de partir de ces stéréotypes de la pop culture et de revoir un petit peu comment ils se sont construits. Est-ce qu'ils sont vrais ? Est-ce qu'au final... L'Occident n'a pas elle-même réinfluencé le Japon dans sa vision du samouraï. Il y a plusieurs articles là-dessus. Donc, on ne va pas tant discuter en détail de l'histoire du samouraï. Le livre, il est là pour que vous puissiez justement le découvrir. Et sincèrement, chers auditeurs, chères auditrices, si les samouraïs t'intéressent, pour moi, c'est un must-have dans la collection parce que ça retrace vraiment toute l'histoire, plus ou moins en 160, 170 pages. Je n'ai plus le chiffre exact en tête. Avec des doubles pages à chaque fois bien illustrées, bien thématiques. où on parcourt vraiment, via plusieurs angles d'attaque, cette histoire des samouraïs. Comme tu l'as dit, c'est des livres que tu écris avec des historiens, avec des archéologues. Ici, pour ce livre, tu t'es entouré d'un assez beau panel de personnes. Est-ce que tu peux nous en parler un peu de ces personnes ? Comment tu les as rencontrées ? Et au final, comment s'est passée la collaboration ?

  • Speaker #5

    Oui, alors déjà, si j'ai choisi de faire des livres collectifs, c'est aussi parce que j'avais envie de... transformé un peu l'essai de ce que je fais sur ma chaîne depuis de nombreuses années. C'est-à-dire que moi, sur ma chaîne YouTube, aujourd'hui, je ne suis plus tout seul. Il y a encore beaucoup de gens qui pensent que je suis tout seul à faire l'émission. Bon, ça, c'était le cas les premières années. Mais il y a un tel volume de production et une telle exigence sur le fond et la forme qu'évidemment, je ne suis pas tout seul. Donc, il y a une dizaine de personnes à temps plein qui bossent sur ma chaîne YouTube et les différents réseaux. Mais c'est aussi entre 30 et 40 auteurs à l'année qui travaillent sur le fond des épisodes. Et ça, c'est... principalement des historiens, des archéologues, en tout cas c'est ce profil-là. Je dis souvent, les métiers qui se finissent en hog sont mes meilleurs amis. Et donc, ce que je faisais à travers les vidéos, je me suis dit pourquoi ne pas le faire à travers des beaux livres justement à destination du grand public. Et c'est comme ça que j'ai lancé ce grand projet. Alors l'idée à chaque fois, c'est de pouvoir réunir une team un peu d'Avengers du sujet qui pourra m'aider dans cette tâche-là. Et c'est toujours un petit challenge au départ d'aller sélectionner un petit peu tout le monde parce qu'il faut des gens qui sont très compétents dans leur domaine. Mais il faut aussi des gens qui ont une certaine appétence pour la vulgarisation. Parce que tous les historiens ou tous les archéologues ne sont pas 100% ouverts à l'idée de participer à la vulgarisation, même s'il y en a l'envie, il y en a beaucoup qui disent « ouais mais ça je vais pas savoir faire, parce que moi je fais des trucs... » Tu vois, vulgariser et produire du savoir, ça n'est pas la même chose. Et donc, de ce point de vue-là, parfois, moi j'ai aussi un... Un discours où j'essaie de les rassurer un petit peu en leur disant mais vous inquiétez pas, vous pouvez apporter du fond de façon, moi je vais repasser derrière aussi et puis vous challengez un petit peu éventuellement s'il y a des termes que je comprends pas ou des contextes que je comprends pas ou si c'est trop complexe. Mais donc il y a quand même cette étape là de choisir les bons profils et d'avoir un peu de réassurance aussi. Un autre défi, et ça a été d'autant plus vrai pour cet ouvrage sur les samouraïs, c'est d'avoir des profils féminins. parce que l'histoire reste encore et toujours un domaine qui est très masculin, malheureusement. Et donc, sur certains sujets, et les samouraïs en particulier, c'était compliqué de trouver des historiennes qui bossent sur le sujet. Ce qui fait que sur 8 collaborateurs, pour le coup, pour ce bouquin, on a 6 hommes et 2 femmes. Alors, quand je dois me renseigner sur un sujet comme ça, comme les samouraïs, je vais évidemment regarder qui a écrit les bouquins un peu de référence. Merci. qui fait consensus dans le milieu. Moi, ça va me permettre d'avoir déjà quelques petits profils intéressants. Alors, ce qui est plutôt une aubaine pour moi, c'est que dans le domaine des samouraïs, comme dans le domaine des vikings d'ailleurs, au final, c'est un petit milieu. Il n'y a pas tant de gros spécialistes que ça. Donc, on fait vite le tour. Et quand on en connaît un, il peut assez facilement nous introduire auprès des autres. Et c'est souvent comme ça que ça se passe. Mais comme sur ma chaîne YouTube, je veux dire, quand je m'entends bien avec un... Un historien qui bosse pour l'émission qui me dit « Tiens, ça ne te dirait pas de parler avec mon pote qui fait ça ? Il a telle spécialité ? Ah ouais ! » C'est comme ça que le réseau s'élargit. Et finalement, ça a été un peu pareil pour ce bouquin. Moi, je travaille depuis longtemps avec William Blanc, qui est spécialiste du médiévalisme, donc des représentations contemporaines du Moyen-Âge. On a bossé ensemble sur l'émission pendant très très longtemps. Il a bossé sur les Vikings. Et là, il bosse sur tous les livres collectifs à chaque fois où il s'occupe de la dernière partie, qui est celle des usages... contemporains de la figure, mais aussi des usages politiques, par exemple. Et donc, William, il a beaucoup bossé sur ces figures de chevalier, de viking, mais il avait travaillé par ailleurs aussi sur le samouraï, donc je lui ai dit, écoute, t'as participé au viking depuis le temps qu'on bosse ensemble. Il m'a dit, de toute façon, c'est samouraï, c'est sûr, je vais bosser dessus, j'ai plein de trucs à dire. Donc, William a rejoint l'équipe dans les premiers. Un autre spécialiste que je connaissais bien, c'était Julien Pelletier. qui est un copain avec qui on a déjà travaillé sur Nota Bene aussi, et qui lui a un profil assez intéressant parce qu'il a justement ce profil vulgarisation. Il est reconnu comme étant un spécialiste de l'histoire militaire japonaise médiévale, même s'il n'est pas historien de base, mais il est reconnu comme tel en tout cas par tout le monde. Et puis surtout, c'est aussi un cartographe de talent, il fait des infographies absolument magnifiques, et il participe très régulièrement à des ouvrages. de très grande qualité, avec des très grands historiens français. Il avait fait l'histoire de la Révolution avec Jean-Clément Martin, par exemple. Et donc Julien, vu que c'est un spécialiste de l'histoire militaire japonaise médiévale, tout de suite, on s'est dit qu'il faut qu'il soit sur le bouquin aussi. Après, il y a eu des profils forcément qui s'imposaient. Le profil qui s'est imposé, c'était celui de Pierre-François Suiri, qui est un petit peu le pape des samouraïs en France. Et j'avais quand même cette appréhension parce que c'est quelqu'un qui pèse dans le game, comme on dit. Donc, dans ces cas-là, c'est vrai que quand on se présente et qu'on envoie un petit mail, qu'on ne connaît pas la personne personnellement, en disant « Bonjour, voilà, moi j'ai une chaîne YouTube à la base et maintenant je fais des livres collectifs. Et moi qui n'ai pas de diplôme d'histoire, je dirige un ouvrage collectif. Est-ce que ça te dirait de participer à mon truc sur les samouraïs, s'il te plaît ? » Et donc, tu as toujours peur de se prendre un mail. en disant mais t'es qui bouffon donc voilà c'est toujours un petit peu Et en réalité, les historiens sont toujours très sympathiques, donc Pierre-François Souhiri a accepté avec plaisir de participer, et ce qui était bien là-dedans, c'est que je savais qu'en plus, il serait très exigeant. C'est-à-dire que tout de suite, il m'a dit « Bon, par contre, moi, j'ai ma réputation, j'ai assis sur mes travaux, je ne veux pas faire n'importe quoi, donc je vais être sûr que ça soit carré. Si ça ne te dérange pas, je veux bien quand même relire le boulot global avant que ça soit publié, parce que moi, je ne veux pas associer mon nom à un truc nul. » Ce à quoi je lui ai dit, évidemment, et puis de toute façon, pour moi, c'est une approche très collective du travail. Donc l'idée, c'est que tout le monde puisse échanger, se questionner les uns les autres sur la partie qu'ils sont en train de faire. Et donc, je n'avais aucun problème avec ça. Et j'étais content d'avoir quelqu'un comme Swery dans l'équipe qui puisse, à un moment donné, dire... « Attention, warning, là je ne suis pas d'accord, ou là peut-être qu'on devrait développer les choses parce qu'il n'y a pas consensus. » Et c'est rigolo parce qu'au moment de l'élaboration de ce bouquin, il y a des fois où Pierre-François m'a envoyé une ou deux remarques, certaines qui étaient justes, où je disais « Ok, d'accord, on peut intervenir là-dessus. » Et puis d'autres où je lui disais « Ça, non, c'est un choix éditorial, pour le coup, on va le faire quand même. » Et je lui expliquais pourquoi moi je voulais le faire, et il me disait « Bon, ok, t'as raison. » Typiquement, il y a deux figures qu'on aborde dans le livre. Il y a d'une part Tomoe Gozen, qui est une guerrière samouraï, peut-être qu'on y reviendra après, semi-légendaire, parce que je voulais parler des femmes samouraïs. Et il me dit, mais Ben, les femmes samouraïs, globalement, il n'y en avait pas. Tomoe Gozen, elle est semi-légendaire, il y a trois inscriptions dessus qui se battent en duel. Pourquoi aller insister là-dessus alors que ce n'est pas le cœur du problème ? Je lui dis, oui, mais dans notre société contemporaine à nous, on questionne de plus en plus le rôle des femmes dans l'histoire. Ce rôle des femmes samouraïs, il est régulièrement évoqué dans des articles de journaux auprès du grand public. Le grand public va s'attendre à ce qu'on puisse parler de cette question de la femme samouraï. Et parler de Tomoe Gozen et de la place des femmes samouraïs, même si on ne sait pas grand-chose, finalement, pouvoir dire au public ce qu'on ne sait pas, ça va finalement nous dire beaucoup sur la place justement de la femme chez les samouraïs. Ce qui a induit d'ailleurs après une réflexion où Pierre-François Sféry m'a dit, mais... Peut-être que dans mon chapitre, je pourrais rajouter un truc sur la place qu'avaient les femmes de seigneurs de guerre, de samouraïs, justement, quelle était leur place autour d'eux, et non pas en tant que combattantes, ce qui était hyper intéressant en fait, parce que ça venait de nourrir le propos. Pareil pour un autre portrait de samouraï, puisqu'on a des portraits qui viennent comme ça parsemer tout le bouquin, celui du samouraï noir, le fameux Yasuke, qui attendait d'effrayer la chronique à travers Assassin's Creed.

  • Speaker #4

    Je viens de lancer Assassin's Creed au moment où on enregistre, je viens de le prendre donc je ne l'avais pas encore joué Il est super,

  • Speaker #5

    moi j'adorais Pareil, un ou deux auteurs qui m'ont dit tout le monde en parle dans les magazines c'est un peu une anecdote pourquoi est-ce qu'on va encore le mettre là-dedans ? Je dis oui mais Yasuke c'est une figure centrale de la pop culture et de la représentation du samouraï pour plein de gens donc forcément ils vont l'attendre et là encore c'est important de pouvoir l'évoquer pour dire ce qu'on sait, ce qu'on ne sait pas Merci. et pouvoir remettre les choses à leur place, en fait, mais, je veux dire, scientifiquement. Et encore une fois, écrire autour de ce qu'on ne sait pas, finalement, en dit beaucoup sur une période ou sur un usage. Donc, il y a ça aussi qui a vachement permis de progresser. Et puis ensuite, ça a été des suggestions. Typiquement, Pierre-François Suéry m'a amené à connaître Olivier Ansar, qui est un spécialiste de... qui est plutôt philosophe qu'historien, mais qui est un spécialiste de l'histoire des idées politiques dans le Japon, notamment sur la période Tokugawa, donc la période de paix, on va dire, 16e jusqu'au 19e siècle. Et j'ai découvert avec lui vraiment un autre visage du samouraï. Et moi, quand je recevais ces textes, j'étais mort de rire parce que vraiment, je me rendais compte à quel point j'étais finalement ignare sur le sujet et à quel point tout ce code d'honneur, tout ce bouchido, tout ce théâtre finalement, comme lui l'appelle, c'était du bullshit. J'ai même découvert l'expression « bouchido » que certains emploient. Je ne connaissais pas. Que je ne savais pas. Donc c'est plutôt drôle. Et puis voilà, après on a d'autres profils qui m'ont été poussés, celui de Delphine Mullard qui est spécialiste dans les arts, pour le coup, la peinture, les arts graphiques et décoratifs populaires. J'ai eu le profil de Cécile Dauvergne, qui elle est plus spécialisée sur l'histoire militaire, la littérature classique médiévale japonaise, et notamment sur des époques comme le XIe, XIIe siècle. On a pu avoir des gens comme Guillaume Carré, qui sont très calés aussi sur... L'époque Tokugawa et ce qui s'est passé juste avant, ou encore, un camarade, ça c'était important pour moi d'avoir un camarade japonais. qui rejoignent l'équipe. Et donc là, c'est grâce à Pierre-François Swery qui m'a dit, par exemple, j'ai un pote, Keishi Nakajima, avec qui j'ai déjà bossé, qui lui est historien, docteur en lettres, spécialisé sur la période médiévale, notamment sur l'économie, et qui a pu nous écrire quelques pages dans cet ouvrage qui ont été traduites par Pierre-François Swery lui-même. Donc voilà, des profils assez différents. quand même, mais très complémentaires. Sur cet ouvrage-là, on avait un peu plus de... On a plus des historiens purs et durs que dans certains autres ouvrages où j'ai ajouté aussi quelques médiateurs, typiquement sur les pirates ou les vikings. On a des gens qui font de la médiation au sens global, mais qui avaient quand même beaucoup travaillé sur ces thématiques que j'avais joints dans l'équipe. En tout cas, voilà. Une équipe... C'était mon équipe d'Avengers pour les samouraïs, et ça nous a permis de dresser un portrait accessible au grand public, et puis scientifiquement un jour, surtout pour ce livre des samouraïs.

  • Speaker #4

    Et c'est ça qui est super intéressant parce que, comme tu le dis, c'est scientifiquement à jour. Donc, les données qui se trouvent dans ce bouquin sont vraiment des données hyper récentes, de plein de recherches différentes et qui nous permettent d'avoir cette vision du samouraï. Et cette vision du samouraï, tu l'as déjà laissé sous-entendre à plusieurs reprises, elle est très, très, très différente de cette vision occidentale que l'on a, typiquement le dernier samouraï avec Tom Cruise, où l'honneur, la mort... L'objectif final du samouraï, il y a toute une série d'articles là-dessus. Est-ce que tu peux, justement, avant qu'on rentre dans cette pop culture, peut-être nous définir au final, c'est quoi un samouraï ? Qu'est-ce qu'on entend par samouraï pour qu'on puisse un peu se localiser ? Quand est-ce qu'ils apparaissent, en gros, et quand est-ce qu'ils disparaissent et qu'est-ce qui se passe un peu entre eux ?

  • Speaker #5

    Oui, bien sûr. Donc, on va essayer de tracer ça dans les grandes lignes, de ne pas rentrer trop dans les détails. Mais en gros, ce qui est important de comprendre, c'est qu'un samouraï, c'est un guerrier. Voilà, donc jusque là, ça va, le dernier samouraï ne se trompe pas trop, c'est un guerrier. Maintenant, le rôle du samouraï, et ce qu'est même un samouraï, va énormément évoluer en dix siècles d'histoire, et ça a été ça la difficulté aussi de ce bouquin de mon côté, et essayer de trouver une approche cohérente entre du thématique et du chronologique, et finalement c'est presque une histoire du Japon à travers la figure du samouraï qu'on a fait dans cet ouvrage. Alors, un samouraï... C'est vrai qu'on se le visualise comme un guerrier à pied avec son grand katana qui va se battre en duel sur un champ de bataille. A la base, ce n'est pas du tout ça. Un samouraï, c'est un guerrier spécialisé qui va être au service de son seigneur. Ça apparaît aux alentours du Xe siècle, peut-être un petit peu avant, c'est un peu flou. Et à la base, ce sont plutôt des archers et des cavaliers. Donc c'est vraiment des archers montés. Et c'est vrai que c'est assez contre-intuitif parce que ce n'est pas du tout l'image. qu'on a à la base des samouraïs. Et alors, les samouraïs, ces guerriers-là, ça va devenir une caste, finalement, de guerriers, au service d'un seigneur. Et donc, progressivement, c'est une caste qui va muter. Et donc, on va avoir des samouraïs qui seront toujours des cavaliers, mais on va avoir des samouraïs qui vont se battre à pied, par la suite. Et donc, leur rôle, guerrier, qui est dans une caste extrêmement hiérarchisée, va évoluer jusqu'à l'époque... Tokugawa, jusqu'au XVIe siècle, finalement, enfin XVIIe siècle même, puisque c'est au tout début du XVIIe siècle que le Japon va entrer dans une période de paix. Mais donc ces guerriers-là vont représenter une partie de la population non négligeable, puisque on estime, alors les chiffres divers, c'est entre la police et les syndicats, comme toujours, mais au début de l'époque Edo, ou période Tokugawa comme on l'appelle, donc à la période de paix, donc début du 7ème siècle, c'est on va dire 7% de la population qui fait partie de la caste des samouraïs. Donc ça fait énormément de monde. Ceci dit, comme je l'ai dit, c'est très hiérarchisé, donc on va avoir des samouraïs qui appartiennent à l'aristocratie, et on va avoir des samouraïs qui font partie de cette caste, mais qui vont, pour le coup, être assez pauvres. Donc on a vraiment, ça regroupe en fait une classe sociale et en même temps des réalités économiques. et sociales, justement, extrêmement différentes. On met tout le monde dans le même panier, mais finalement, ça désigne beaucoup de choses. Ce qui réunit ces gens-là, c'est le fait d'être des guerriers formés à l'art de la guerre, parce que globalement, l'histoire du Japon pendant quelques siècles, en tout cas jusqu'au début du XVIIe, c'est une histoire assez sanglante, avec des seigneurs de guerre, ce qu'on appelle des daimyo, ça on en parle beaucoup dans des œuvres aussi de pop culture, les daimyo, ce sont des seigneurs de guerre. qui règnent sur des grandes provinces, des grands fiefs, et qui vont partir à l'assaut d'autres provinces pour les conquérir. Et d'ailleurs, cette histoire japonaise, elle est jalonnée de conflits entre ces daimyo. Et elle passera par ce qu'aujourd'hui, dans une sorte de, je ne vais pas dire roman national, mais presque, dans la grande histoire du Japon, on a trois grands unificateurs, donc trois grands guerriers qui ont chacun contribué à l'unification du Japon jusqu'à arriver à cette période de paix durant l'époque Edo avec le dernier de ces unificateurs, Tokugawa

  • Speaker #4

    Ieyasu. Donc tu as parlé des daimyo, mais... Tu emploies aussi d'autres termes dans le bouquin, je voudrais juste y revenir, comme ça on fixe bien les choses. Le podcast peut ainsi coexister avec le livre et être un outil pour lire le livre. Tu parles de shogun, je ne sais pas si je le prononce bien, tu parles de l'empereur aussi, quelles sont leurs relations avec ces samouraïs, etc. On parle de ronin aussi, comment toutes ces fonctions coexistent et se situent dans la politique japonaise ?

  • Speaker #5

    Oui, alors... L'empereur déjà, c'est plutôt facile à deviner, c'est théoriquement celui qui est au-dessus de tout le monde et qui dirige tout le monde. Qui est d'ailleurs d'ascendance divine. En principe, il y a toute une généalogie qui se déploie. Et d'ailleurs, encore aujourd'hui au Japon, l'empereur est d'ascendance divine, directement liée à la mythologie. Dans le principe, c'est lui qui est vraiment au-dessus de tous les autres et qui doit... diriger le Japon. En réalité, c'est plutôt un père spirituel, on va dire. Et dans la réalité, c'est pas vraiment lui qui a le pouvoir, ou en tout cas, on va assister, au cours des siècles, à une alternance du pouvoir à la fois entre l'empereur et ce qu'on appelle le shogun. Le shogun, c'est le seigneur de guerre, en fait. C'est lui qui, pour le coup, contrôle l'armée et donc l'État. Et donc, il va y avoir des rivalités qui vont se déployer entre partisan de l'empereur, partisan du shogun, et puis des fois c'est l'un qui prend l'ascendant, d'autres fois c'est l'autre, c'est souvent le shogun quand même, celui qui dirige les armées. Et donc on a des grandes périodes où l'empereur est relégué finalement au simple rang de pantin, et suit finalement un petit peu ce qui est dicté par le shogun. Et donc le shogun va avoir autorité. après sur les différents daimyo qui eux-mêmes vont avoir autorité sur les différents chefs de fief, qui eux-mêmes vont avoir autorité sur les différents samouraïs qui eux aussi ont en charge parfois quelques guerriers ou quelques familles à gérer. Bref, il y a toute une hiérarchie assez complexe qui se met en branle. Et alors la différence entre un samouraï et un ronin, c'est que le ronin en fait c'est un samouraï mais qui n'a plus de maître.

  • Speaker #4

    Donc il ne sert personne au final.

  • Speaker #5

    Pour X raisons, il ne sert plus personne parce qu'en fait, il a perdu son maître. Et alors, typiquement, on a cette fameuse histoire des 47 Ronin, qui est super connue, où en gros, l'histoire, c'est qu'il y a le chef de ces Ronin qui pète un câble à un moment donné dans une réunion diplomatique, qui va agresser un mec en face de lui. C'est très très mal vu. Donc il est condamné à se faire seppuku, je crois, si je dis pas de bêtise. Et du coup, ces samouraïs se retrouvent sans maître. Et donc ils vont décider de se venger, en fait, et de poursuivre l'oeuvre de leur maître avant d'eux-mêmes être condamnés au seppuku, en fait. Donc c'est une histoire tragique qui a alimenté beaucoup beaucoup la pop culture. Et alors ce que je ne savais pas, c'est qu'il y a un sanctuaire des 47 ronin à Tokyo. et j'ai eu la chance d'y aller, qui est tout petit et qui est impressionnant parce qu'en fait, il y a encore plein de gens. Alors, il y a beaucoup de touristes certes qui y vont, mais des japonais aussi qui vont tous les jours brûler des bâtons d'encens sur la tombe des Ronin. C'est étonnant.

  • Speaker #4

    C'est étonnant et en même temps, t'en parles dans le livre, la figure du samouraï, en fait, est véritablement une figure protéiforme parce que comme tu l'as dit, il y a une diversité énorme dans la richesse ou le statut de tous ces samouraïs à travers les dix siècles d'histoire. Et donc, les gens vont s'approprier des éléments de culture liés aux samouraïs comme un message porteur pour eux. Donc, parfois, le samouraï va être pris comme un emblème du nationalisme. Parfois, justement, le samouraï va être une critique de ce nationalisme, alors qu'au final, c'est a priori la même figure.

  • Speaker #5

    Oui, mais alors ça, on arrive sur des usages de l'histoire qui sont un petit peu communs, finalement, �� tous les pays, à tous ceux qui l'étudient, à tous ceux qui la transmettent et à tous ceux qui la réinterprètent. C'est-à-dire que le samouraï, c'est pas la seule figure qui va pouvoir être exploitée de différentes manières. En fait, on peut totalement se servir de quasiment n'importe quel événement qui s'est passé dans l'histoire pour servir un propos idéologique ou un autre. Et c'est ça qui est un peu rigolo, finalement, quand on regarde un peu la production de l'histoire et sa transmission, c'est qu'on se rend compte de cette Merci. pluralité des discours. En France, on a la même chose sur Jeanne d'Arc, qui a été utilisée à toutes les sauces, qui s'est pris je sais pas combien de procès sur la tronche, et à chaque procès, elle est dans un contexte historique bien particulier. Chaque procès, chercher à mettre en avant un truc très différent des autres procès et une figure très différente de Jeanne d'Arc, en fait c'est un peu pareil pour les samouraïs, c'est-à-dire que c'est une figure qui va être finalement érigée en exemple, notamment par le Japon d'avant-guerre, d'avant-seconde-guerre mondiale. C'est ce qu'on va montrer aux japonais, et aux jeunes japonais aussi en particulier, en leur disant « Mais regardez, l'idéal à atteindre, c'est ça, c'est le samouraï, c'est le guerrier qui va se sacrifier pour son maître. » pour ceux qui l'aiment, c'est la dévotion guerrière finalement au service de la nation. Et en même temps, après-guerre, la grosse majorité des films qui ont été produits autour des samouraïs, Kurosawa, compagnie et tout ça, il y a beaucoup de cinéastes très engagés à gauche qui vont utiliser cette figure du samouraï comme figure de dénonciation, justement. Et puis après, Rebelote, ça va resservir d'illustrations et des discours réactionnaires. Donc, on voit qu'il y a une... une fluctuation dans cette réception-là, et c'est une fluctuation qui se repose aussi sur l'historiographie, donc sur la manière dont on écrit et on produit cette histoire, et on la réceptionne, puisque cette figure, effectivement, du samouraï, on le disait, elle va être mouvante, elle va évoluer, et il va y avoir une légende, finalement, qui va se créer autour des samouraïs, qu'ils produisent eux-mêmes. Parce qu'on a cette image du samouraï, le combattant, très codifié, très loyale, qui va aller jusqu'à la mort pour servir son idéal et son maître. Et ça, en fait, je ne nie pas absolument que ça ait pu exister, parce qu'il y a toujours des gars comme ça, et voilà, à grand bien leur en face. Mais, ce qu'on regarde en étudiant un petit peu les documents de l'époque et les sources primaires, c'est que c'est pas du tout le cas. La plupart des samouraïs, je veux dire, si à un moment donné, ils se sentent un petit peu en danger, et puis qu'ils voient que l'herbe est un peu plus verte à côté, Ils vont faire un petit pas de côté et ils vont dire bye bye à leur maître et ils vont aller servir leurs intérêts à eux.

  • Speaker #4

    Avec certains cas qui font des allers-retours.

  • Speaker #5

    Oui, non mais totalement. Et en fait, c'est même pas mal vu la trahison. C'est-à-dire que c'est normal. Tu te ranges du côté du gars qui peut t'apporter le plus. Et ça fait l'objet de tractations. Donc, cette image du guerrier très loyal, il faut beaucoup la relativiser. Il y a de grandes batailles comme ça qui se sont jouées. D'un coup, tu avais un tiers de l'armée qui partait à l'ennemi. Ah mince, je ne l'avais pas vu venir. C'est assez rigolo. Et en fait, cet idéal du samouraï, ce code finalement samouraï, ce qu'on va même appeler après le Bushido, la voie du guerrier, tout ça, c'est une construction a posteriori. Et c'est ça qui est hyper intéressant et qu'on essaye de montrer dans le bouquin. Et c'est de là que sont hérités tous nos clichés qu'on va retrouver aussi dans le fameux dernier samouraï de Tom Cruise qui est... un peu l'apothéose de tout ça.

  • Speaker #4

    Justement, par rapport à ça, moi, ce qui m'a beaucoup surpris, en fait, dans cette histoire des samouraïs, c'est... J'avais cette vision, tu vois, de l'honneur du samouraï, où on se bat en duel, en fait, au final, c'est une affaire de samour... un samouraï contre un samouraï. Bien entendu, il y a des grandes batailles, mais généralement, ces grandes batailles se concluent par un espèce de combat final entre deux samouraïs qui finissent par déterminer qui a gagné. Et en fait, j'ai appris qu'il y avait énormément d'échauffourées, de... de petites trahisons comme ça, comme tu l'écris, ou des plus grosses trahisons, des pièges qui étaient dressés par les samouraïs pour faire tomber une autre armée. Donc, en fait, ce code n'existe pas.

  • Speaker #5

    Non, non, non, je veux dire, la ruse est aussi un très, très bon moyen de remporter la victoire. Et ce qui compte, en fait, chez les samouraïs, ce n'est pas la manière de faire, c'est le fait de remporter la victoire. Donc, l'honneur, là-dedans, j'ai envie de dire, bon, on s'en fout un peu, quoi. L'idée, c'est de réussir à gagner. Pour ça, tous les moyens sont bons. Ce qui n'exclut pas qu'on pouvait peut-être avoir des guerriers ou des daimyo qui avaient un sens particulièrement aigu de l'honneur et de la loyauté. Ce n'est pas excluant du tout. Mais ce qu'il faut bien intégrer, c'est que ce n'est pas un truc systématique qui caractérise cette caste de guerriers. C'est vraiment au cas par cas qu'on va pouvoir voir ça. Et puis comme dans tous les films, on a cette image du samouraï qui va foncer sur le champ de bataille en hurlant avec son katana. au-dessus de la tête et qui va direct au contact. Et ça, c'est un truc qu'on retrouve énormément dans beaucoup d'autres figures guerrières au cinéma. La réalité, c'est que tant que tu peux dégommer à distance le type d'en face, tu t'approches pas.

  • Speaker #0

    Parce que s'approcher, c'est quand même dangereux. Donc, ces armes-là, elles servent un peu en dernier recours, quoi, tu vois. Et je veux dire, quand les armes à feu ont commencé à arriver, évidemment que, fin du XVIe siècle, les gars se tirent dessus à coup d'arc-buse. Ils vont pas s'embêter directement à l'Eota avec un katana. Donc, c'est vrai que ce qu'on voit dans le dernier samouraï, bon, là, en plus, on est vraiment très tardif. avec des samouraïs qui vont sabre au point contre une armée régulière, avec des fusils, avec des mitrailleuses automatiques, tout ça. Bah non, quoi. Les samouraïs, ils avaient des flingues et ils s'en servaient au maximum parce qu'ils n'étaient pas bêtes, quoi, tu vois. Et que même si t'es loyal et que t'as le sens de l'honneur, à un moment donné, tu te dis, bon, si je me fais plomber 200 mètres avant, mon honneur, il ne va pas beaucoup servir, quoi. Donc, je veux bien un flingue pour me défendre, s'il vous plaît.

  • Speaker #1

    Si on doit sélectionner deux ouvrages qui ont certainement véhiculé cette image, je voudrais parler du Hagakure et du livre qui s'appelle Bushido, Soul of Japan, qui au final véhiculent cette image complètement tronquée des samouraïs, où dans le Hagakure, on a ce culte de la mort, où le samouraï doit aller jusqu'au bout et il doit mourir. La mort est vraiment l'objectif à la limite de la bataille. Tandis que dans le Bushido, Soul of Japan, ce qui se passe, c'est que Le livre est d'abord écrit en américain, parce que c'est pour diffuser cette culture nippone un peu partout dans le monde, avant d'être traduit en japonais et d'influencer lui-même la vision que les japonais ont des samouraïs. C'est assez fou, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, de toute façon, il y a un aller-retour assez constant dans les cercles intellectuels aussi, entre le Japon et l'Occident, en fait. Et les deux vont se nourrir un petit peu, et en plus, il y a cette idée que... Finalement, les samouraïs, c'est un peu comme la chevalerie chrétienne en Occident, qui a beaucoup de parallèles à faire. Et donc, on a des intellectuels qui, effectivement, vont faire des échanges comme ça. Et alors, ce fameux Bushido, l'âme du Japon, The Soul of Japan, qui a été écrit par Nitobe début XXe siècle, il a été extrêmement diffusé en Occident, puis au Japon, pour le coup. Et il a essuyé forcément des critiques, parce qu'il est clairement... dans une valorisation d'une image du guerrier qui n'existe plus depuis des centaines d'années. C'est une vision totalement fantasmée, à la fois du guerrier pré-XVIIe siècle et en même temps de cette vision construite qu'on a eue du Bushido. Avant même de parler du bouquin, il faut comprendre pourquoi il y a cette fameuse voix du guerrier qui s'est développée. On rembobine un petit peu. on a au XVIe siècle une période de très trouble de l'histoire japonaise, période Sengoku, on a différents daimyo qui s'affrontent pour prendre le pouvoir, on a différents unificateurs qui vont se succéder, alors on a Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi, et le dernier, Tokugawa Ieyasu, qui va enfin réussir à unifier le Japon. Une fois qu'il y arrive, de par des manœuvres militaires, mais aussi politiques, eh bien le Japon se retrouve en paix. À ce moment-là, on a à peu près 7% de la population qui vit par les armes, pour les armes, et qui se retrouvent sans boulot. C'est un problème. C'est un problème parce qu'on ne sait pas quoi en faire. Et puis les gars, ils n'ont fait que la guerre. Donc il y a même des... On en parle un peu, je crois, dans le bouquin. Il y a des cas où on s'est dit, bon, on ne sait pas quoi en faire, on a besoin de monde dans les champs, on va les foutre dans les champs. Et ils les foutent dans les champs, et les gars ne savent pas, en fait, faire pousser des légumes. Donc c'est un désastre, tu vois. Et on se dit, mais qu'est-ce qu'on fait ? Et donc, il y a en fait à la fois tout... un pan de la population qui n'a même plus lieu d'être, en fait, on n'en a plus besoin d'eux. Et en même temps, cette population-là, qui a été pendant des siècles absolument indispensables, elle a des privilèges. Et donc, elle va chercher à garder ces privilèges, hors de question pour eux de se séparer de ces privilèges, et notamment des rentes éventuelles qu'ils peuvent toucher. Alors, à l'époque, ils ne touchent pas des espèces sonantes et trébuchantes, ils sont payés en riz ou en voilà. Et hors de question pour eux de perdre ces privilèges-là. Donc, il va falloir défendre ces privilèges. Et donc va se mettre en place ce que Olivier Ansar, qui a contribué dans le bouquin, ce que lui appelle le théâtre, finalement. Les samouraïs vont se mettre en scène et vont commencer à se dire, bon, il faut que notre cast, on trouve un truc qui nous rassemble, qu'on s'invente des codes, une apparence, tu vois, des traditions, une façon d'être et qui nous permettent de justifier le fait que, socialement, on soit au-dessus des autres, en fait, et qu'on ne perde pas nos privilèges. Et ça, c'est un théâtre qui va s'exprimer, se renforcer à travers tout plein d'aspects, et notamment la mise en place de ce fameux code d'honneur, du Bushido, de la voie du guerrier, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de code avant. Parce qu'il y a pu avoir des codes, clairement, mais c'était des codes qui étaient plutôt locaux. Tu vois, t'as un, je sais pas moi, un seigneur local qui va dire, bon bah les gars, vous bossez pour moi, tant que vous bossez pour moi, c'est interdit de faire ça, c'est interdit de faire ça, quand tu veux t'adresser à un tel, tu le fais comme ça. Bon, il pouvait y avoir des codes, mais il n'y avait pas un truc unifié, et c'était pas du tout le même code pour tout le monde, quoi. À partir de là, on va essayer d'en faire finalement une sorte de guide spirituel, tu vois, de Bushido, et de l'imposer comme étant l'idéal du samouraï. Et ce qui va renforcer notre vision contemporaine du samouraï à travers le dévouement jusqu'à la mort, c'est un autre bouquin que tu as évoqué tout à l'heure. Il y a eu le Bushido, donc, qui est là aussi pour exacerber un peu de nationalisme. Mais on a le Hagakure. Et le Hagakure, c'est vraiment produit très tardivement aussi. Et c'est produit par un samouraï qui est sur la fin de sa vie, qui va se confier en gros à son assistant. Et c'est un recueil de petits textes sur ce que doit être un samouraï, de comment il doit se comporter. et c'est vrai que dans ce bouquin on revient quand même très très souvent à la mort en fait le gars il te dit si la mort elle est en face de toi vas-y quoi, parce que t'es un vrai samouraï donc montre bien tes pectoraux et empale-toi sur le sabre de l'adversaire t'auras une belle mort et donc une belle vie c'est grosso modo et donc c'est vrai que ça peut paraître un petit peu étonnant et en fait ce qui est rigolo c'est que quand on prend un peu de recul sur ce Agakure, on s'aperçoit que C'est un peu une écriture un peu méta, où le mec prend de la hauteur, finalement, sur sa propre condition, quoi. Le gars se rend compte que les samouraïs, ils sont en train de crever, parce que ça fait deux siècles qu'on n'a plus besoin d'eux, quoi. Et à un moment donné, il faut passer à autre chose. Et donc, le gars se dit, le Makas, t'es en train de mourir, on ne sert plus à rien. Et donc, il va le mettre par écrit, en disant aux samouraïs, bon, bah ouais, effectivement, la bonne manière de finir, là, c'est de mourir, quoi. C'est vraiment un discours un peu méta qui est développé là-dedans. Et ce qui est intéressant, c'est que du coup, ça va participer à la fabrique du cliché du parfait petit samouraï. Et donc, ça va vraiment alimenter ce cliché qu'il y a eu dans la pop culture, mais aussi cet idéal qui va être utilisé avant la Seconde Guerre mondiale pour embrigader aussi les jeunes. Le Hagakure, ça va être un instrument de propagande, clairement.

  • Speaker #1

    Justement, tu l'as dit à un moment, ces samouraïs vont devoir disparaître. C'est assez intéressant parce que certains vont porter au final l'attirail administratif et donc d'une certaine façon la modernité du Japon. Certains vont commencer à ouvrir des usines, des choses comme ça. D'autres vont complètement péricliter et disparaître dans l'oubli. Qu'est-ce qui reste aujourd'hui de cette classe des samouraïs ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui reste aujourd'hui ? Alors, je ne suis pas un grand spécialiste de ça, mais ce qui est sûr, c'est que cet idéal samouraï, il a été... utilisés aussi par certains. Tu vois, même dans la mafia, les yakuza, il y a une espèce de justification des idéaux ou de la manière de se comporter ou d'être, ou de fabrique du folklore en se reposant sur, effectivement, une sorte d'acquis passé, qui n'est pas forcément un acquis, mais qui est, du coup, là aussi, un folklore qui est fabriqué. Au même titre que des mouvements politiques dans tous les pays du monde vont pouvoir s'asseoir sur leur histoire, on va dire nationale, pour justifier... des positions politiques, le samouraï peut aussi être une figure politique qu'on va solliciter pour justifier, finalement, une décision ou une idéologie. Regardez, avant, il se comportait comme ça, c'était des vrais bonhommes, alors nous aussi, on va se comporter comme ça. Et c'est notamment pour ça que le samouraï, pendant, même encore aujourd'hui, a une image très viriliste. Et ça, c'est rigolo parce qu'on l'aborde dans le bouquin aussi, et c'est à la fois vrai et pas vrai, le samouraï ultra-viril. C'est-à-dire que globalement, les samouraïs, ce qu'on dit dans le bouquin, c'est qu'ils déconsidéraient très fortement la femme. Que souvent, la femme, c'était fait pour enfanter et puis basta. Et du coup, on reste entre mecs.

  • Speaker #1

    Ils avaient peur d'attraper la faiblesse, entre guillemets, de la femme dans leur talent guerrier, etc.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, dans des écrits, pendant cette période de paix, à l'époque Tokugawa, on a des écrits. Deux gars qui se lamentent un peu en disant « Ah, regardez, maintenant, les samouraïs, c'est devenu des femmes, ils se sont féminisés, voilà. » Et en même temps, ce qui est assez marrant, c'est que du coup, vu que le summum de la virilité, c'est d'être contre-mec, finalement, le seul amour véritable, c'est celui que tu peux donner à un mec. Donc, on parle aussi... Alors, c'est compliqué de qualifier ça d'homosexualité, parce que c'est pareil, les conceptions sont... L'homosexualité, c'est très contemporain. comme système de pensée. Quand on regarde l'Antiquité grecque, avec notre référentiel, oui, l'homosexualité existait, mais pour eux, ça n'en était pas. bon bah là c'est pareil pour les samouraïs Il y avait des relations entre mecs, en fait. Et ça, on en parle dans le bouquin. Et ça, c'est vraiment un truc qui est inenvisageable pour une partie des gens qui se disent « Non, non, les samouraïs, c'est l'idéal viril. Ils ne peuvent pas avoir des relations avec d'autres hommes. » C'est une figure extrêmement ambiguë, finalement, et qui est, encore aujourd'hui, très malléable.

  • Speaker #1

    Alors, justement, dans cette pop culture, moi, il y a un exemple qui m'a assez perturbé. Tu en parles dans le livre. C'est la princesse Mononoke de Miyazaki. que tout le monde pratiquement connaît, où, en fait, lui, il va développer une image très négative des samouraïs, parce que, justement, il est plutôt pacifiste, Miyazaki, et le peu de samouraïs qu'il va représenter, parce que quand on est attentif, dans ses animes, il y a très peu de samouraïs représentés, mais, généralement, c'est des brutes épaisses, entre guillemets, qui portent une certaine violence. Or, de tout ce qu'on a dit ici, la figure du samouraï, elle est beaucoup plus complexe que celle-là. Donc, on reste dans ces messages Au final, la pop culture véhicule un message assez standardisé des samouraïs, alors que ce qu'on doit, je pense, qu'on peut retenir de l'épisode et qu'on peut retenir du livre, c'est que cette figure du samouraï, elle est multiple et elle est beaucoup plus complexe que celle-là.

  • Speaker #0

    Oui, clairement, et même au sein du Japon, la réception du samouraï a été différente suivant les époques. C'est-à-dire qu'il y a un moment donné, au Japon, le samouraï, c'était considéré comme... Le guerrier, barbare, inculte, qui pille, qui viole. Et ils n'étaient absolument pas respectés. C'est-à-dire que dans la capitale, dans les grandes villes, ils étaient déconsidérés. Le samouraï qui se pointait en ville, on disait c'est le péquenaud utile qui s'est manié une épée. Et après, ça va s'inverser à un moment donné. Et d'ailleurs, on va avoir différents chefs de guerre qui vont mettre un point d'honneur. à soutenir des producteurs de lettres, d'art, pour acquérir justement une certaine légitimité auprès des élites intellectuelles, et pour pouvoir prendre après le pouvoir. Et c'est hyper intéressant, en fait, de voir cette évolution-là du samouraï. Et c'est intéressant d'ailleurs aussi de voir comment cette caste, finalement, va se mixer avec d'autres, à partir d'un moment, pour atteindre ses objectifs, puisque quand le samouraï devient totalement déconsidéré, Ce qui est intéressant, c'est que chez les samouraïs, tu peux adopter. Tu n'as pas ce truc de dire, ah merde, je n'ai pas d'enfant, je perds mon héritage, enfin, je n'ai pas d'enfant biologique, c'est-à-dire que tu peux vraiment adopter quelqu'un et dire, maintenant, ça c'est mon fils, il s'inscrit dans ma lignée, il a mon âme généalogique, tout ça. Et donc, il y a des adoptions qui vont se faire à un moment donné, des échanges entre des familles de marchands bien installés, qui ont des thunes, et des familles de samouraïs qui, elles, ont une aura politique. ou une réputation, mais qui n'ont pas de thune. Et donc, les deux familles s'associent en s'adoptant, entre guillemets, l'une de l'autre pour pouvoir se renforcer. Et donc là, on voit que l'image du samouraï, finalement, elle est plus que jamais très transverse et elle mute tout le temps.

  • Speaker #1

    Et moi, c'est quelque chose qui m'a beaucoup interpellé aussi, c'est que tous les aspects de la vie japonaise vont être influencés à un moment ou à un autre par les samouraïs. Tu l'as dit, la culture, dans certains moments dans l'histoire, ils vont jouer des rôles... politiques, au-delà d'être guerriers, ils vont être dans l'administration, ils vont être arpenteurs pour faire un espèce de cadastre des terrains. Ils vont vraiment influencer complètement et transversalement la vie au Japon.

  • Speaker #0

    Oui, et ce qui est intéressant, c'est de voir aussi que la plupart des aristocrates de cette époque, du coup, étaient samouraïs ou fils de samouraïs. Donc, on essayait de caser un petit peu les gens à droite à gauche. Et finalement, même si le système est tombé, il y a eu cette mutation, mais... il y a quand même des gens qui sont restés là où ils étaient. Et au même titre qu'aujourd'hui, en France, on a des familles qui sont encore très influentes dans certaines villes et qui sont les héritières de fortunes qui se sont construites, par exemple, sur l'esclavage, à Nantes, à Bordeaux. C'est un peu pareil au Japon, c'est-à-dire qu'il y a des élus locaux, des politiques qui sont eux-mêmes les héritiers de familles de samouraïs. Et du coup, j'ai eu la chance d'aller au Japon pour tourner un documentaire sur les samouraïs, justement. Et ce qui était drôle, c'est qu'à un moment donné, il y avait un élu qui était là, et puis il y avait quelques personnes qui le critiquaient en disant « De toute façon, il est là juste parce qu'il avait sa famille de samouraïs là où il valorise ses ancêtres. » Et puis voilà, c'était vraiment l'aristocratie qui s'est placée. Qui s'est placée dans le nouveau système. Et les gens étaient un peu critiques vis-à-vis du type. Donc c'est marrant de voir qu'il y a encore ça.

  • Speaker #1

    Alors je me rattache un petit peu à Assassin's Creed Shadow. Dans Assassin's Creed Shadow, on voit aussi les ninjas d'Iga, dont on ne parle pas nécessairement dans le bouquin. Comment les ninjas se positionnent par rapport aux samouraïs ? Est-ce que les ninjas ont réellement existé ou est-ce que c'est des samouraïs particuliers ? Comment tu vois les choses par rapport à tout ça ?

  • Speaker #0

    Les ninjas ont réellement existé, il n'y a pas de souci. Maintenant, il faut nuancer vachement leur image aussi, qui a été une image extrêmement romancée. Pareil, on a une espèce de rôle très défini du ninja, on voit très bien son accoutrement, ses armes. C'est le mec, l'assassin qui est envoyé dans l'ombre. Tout a l'air très très défini quand on voit des films aussi noches avec le ninja, alors qu'en fait c'est une figure qui est beaucoup plus floue que ça. Pareil, je ne suis pas un grand spécialiste, mais je sais que Pierre-François Suiri a produit un ouvrage entier sur les samouraïs dernièrement et qu'il a quand même démonté énormément de choses là-dessus. En gros, on avait un bouquin qui faisait un peu référence sur les ninjas, c'était aussi Stephen Turnbull. Et c'est vrai qu'il a été un peu débunk. par Suiri et d'autres sur cette Ausha. Il y a aussi une folklorisation de ninja au Japon et ailleurs à des fins touristiques, clairement. Mais ce qu'on peut dire, c'est que ça a été un phénomène qui s'est moins étendu dans le temps, que souvent, c'était des gens relativement pauvres qu'on allait engager pour aller faire diverses missions et que ces missions-là... Alors, ça pouvait aller jusqu'à l'assassinat, mais enfin, c'était pas le gros du boulot. C'était surtout du renseignement, en fait. C'était l'éclaireur que t'envoies, quoi, tu vois. C'était surtout ça. C'était surtout des gens très, très pauvres et pas vraiment comparables avec la classe des samouraïs, pour le coup. Mais c'est intéressant de le voir aussi en scène dans Assassin's Creed. De toute façon, c'est un terrain de jeu assez formidable. Moi, c'est ce que j'aime bien dans les assassins, c'est qu'ils jouent avec l'histoire. Donc, ils sont forcément obligés. de jouer avec ce qu'attend le public aussi, c'est-à-dire ces clichés qui ont été fabriqués parfois de toutes pièces, ils vont les reproduire, et en même temps, de façon assez étonnante, il y a pas mal de petits trucs à droite à gauche aussi qui vont pouvoir débunker, justement prendre le contre-pied, où il y a des gens qui vont, en jouant au jeu, se dire « Ah, c'est bizarre ça, ils font un peu n'importe quoi là, Ubisoft ! » Bah non, en fait, là pour le coup, c'est un truc qui est assez carré, assez représentatif des habitudes de l'époque, ou de ce qu'ils portaient, et donc c'est marrant de voir ce mélange entre finalement une approche où parfois tu sens qu'ils ont envie d'aller plus loin et de se rapprocher d'un côté plus scientifique et carré et en même temps ces libertés qu'ils prennent et cette machine à clichés aussi qui s'enclenche et là avec le ninja ça peut peut-être aussi en être une aussi mais tu vois ils ont fait appel à des historiens aussi sur la production, Pierre-François Suiri a fait partie de cela maintenant il faut voir aussi le rôle c'est à dire que c'est Le jeu et les équipes du jeu et le développement du jeu priment toujours sur l'historicité. Et entre un truc qui est juste historiquement et le fun, ils vont toujours privilégier le fun à la cohérence historique. Donc les historiens qui bossent sur ces productions, eux, ils sont là pour faire un genre de bible en disant « Bon voilà, vous allez travailler sur cette période, à l'époque ça ressemble à peu près à ça, l'économie c'est ça, les marchands ils vendent ça, le guerrier il a ça, ça, ça comme pièce d'armure. » Et après, démerdez-vous. C'est-à-dire que moi, mon rôle s'arrête là. Et ensuite, c'est le rôle du créatif qui prend le dessus. Fun fact, quand même. Dans le jeu, on a plein de collectables, plein de trucs et tout. Et donc, bref, dans le jeu, on peut trouver des petits sanctuaires un peu partout et faire une prière aux dieux locaux, en fait. Et il se trouve que pendant mon documentaire au Japon, que je tournais sur les samouraïs, il y a quelques mois, j'ai eu la chance de rencontrer le conseiller historique de la série Shogun.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    qui est un gars absolument remarquable. Et je l'ai rencontré dans un petit sanctuaire un peu paumé, dédié à un dieu de la guerre. Et en fait, le mec me dit, écoute, si tu veux, ensemble, je t'apprends à faire la prière au dieu de la guerre dans le sanctuaire. Et ce qui est drôle, c'est que le mec commence à se mettre en position. Et là, je me dis, putain, je sais ce qu'il va faire, parce que je l'ai fait 50 fois dans Assassin's Creed. Et effectivement, le mec commence à se mettre en place. Il frappe deux fois dans ses mains. Il fait exactement tout pareil comme dans le jeu. Et donc, quand j'y étais, je fais la prière, moi aussi, au dieu de la guerre. Et il me dit, franchement, pas mal. J'étais en mode, aucun mérite, vraiment. J'ai tout appris dans la sans-scrit.

  • Speaker #1

    Et au final, ce que fait Ubisoft, c'est ce qui s'est passé aussi dans l'histoire. C'est une appropriation culturelle. Ils refont une histoire, entre guillemets, des samouraïs qui servent leurs propos. Mais ce que plein d'autres ont fait, puisque cette figure du samouraï, on l'a démontré dans l'épisode, a été utilisée à plein de moments différents. Donc, ce n'est pas si différent de ce qui s'est passé par le passé.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Après, il faut juste assumer. Ça a toujours été le souci du BISOF là-dessus. J'ai la sensation, en parlant avec les gens qui font le jeu, qu'ils sont en mode « on assume, il n'y a pas de problème » . Et puis, une vision marketing, à un moment donné, qui était en mode « vous allez apprendre l'histoire, les gars » . Ce qui n'est pas vraiment le cas. Mais par contre, il y a plein d'autres mérites. Parce que selon moi, ça peut permettre de plonger des jeunes, et moins jeunes d'ailleurs. dans l'histoire, de leur donner envie de s'intéresser à une période. Je pense que ça a des vertus. Maintenant, celle d'apprendre, stricto senso, l'histoire, non. Mais ça, j'ai l'impression qu'il n'y a pas un rétro-pédalage, mais en tout cas, il y a une approche un peu plus nuancée depuis quelques années là-dessus, de la part du marketing du bi.

  • Speaker #1

    Alors, je vais terminer avec deux questions. On arrive à la fin de l'épisode. La première concerne les samouraïs, la seconde, c'est plutôt sur toi, ton objectif à toi quand tu fais tout ça. Donc... Cette première question sur les samouraïs, c'est est-ce que tu peux nous partager quelques œuvres modernes, quand je dis modernes, c'est des 20 dernières années, qui t'ont vraiment marqué et qui, par rapport à ton travail sur les samouraïs, te semblent quand même assez intéressantes pour être vues, même s'il faut les regarder avec un prisme particulier.

  • Speaker #0

    Ouais, ben moi, après, le truc, c'est que ça tourne vraiment autour du cinéma et des jeux vidéo. C'est-à-dire que côté littérature, je ne vais pas pouvoir te conseiller grand-chose, mais c'est sûr que... Un truc qui a été fondateur pour moi, c'est effectivement Le Dernier Samouraï. Et ce qui est intéressant, c'est de le regarder avec cet œil un peu critique. Lisez le bouquin ou renseignez-vous ailleurs. Même allez lire un peu du Wikipédia, si vous n'y connaissez rien sur les samouraïs, à ce contexte dans lequel se passe le film. Parce que c'est hyper intéressant. Et qu'en plus, au-delà de l'aspect samouraï, Le Dernier Samouraï, enfin le mec que joue Tom Cruise, en vrai, c'était un Français.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Jules Brunet. Et que ça a été bien plus loin que ça. C'est-à-dire que suite à ces épisodes-là, il y a même eu une... Ça n'a pas duré longtemps, mais il y a même eu une république qui s'est créée dans le nord du Japon, quoi. Tu vois ? C'est-à-dire que les Français ont un peu essayé d'influencer le game là-bas. Bon, ça n'a pas marché. Mais c'est rigolo. Donc, ce film-là, Le Dernier Samouraï, oui, il est marquant. Un autre film qui peut être intéressant, mais c'est pareil, c'est pour l'appareil critique, ça va être Ghost Dog, la voix du samouraï avec Forest Whitaker qui en gros c'est un tueur à gage qui travaille pour la mafia mais qui se dit moi j'ai un code d'honneur et qui en fait suit le code d'honneur des samouraïs et qui suit en particulier le Bushido et le Hagakure et donc c'est drôle parce qu'en plus dans le film il y a plein de citations du Hagakure et tout ça et ça nous permet de remettre en perspective un petit peu tout ça de manière un peu rigolote donc ça je vous le conseille Ghost Dog qui de prime abord a vraiment rien à voir avec les samouraïs mais qui en fait en parlent beaucoup d'accord Après, dans les jeux, alors forcément, je peux conseiller Assassin's Creed Shadow, que moi j'ai beaucoup aimé, et qui vous renseignera vraiment sur la fin de cette période de l'unification, qui est hyper intéressante, où on voit d'ailleurs un ou deux unificateurs, je ne spoil pas l'histoire, mais ça pose quand même un contexte qui est intéressant, ça pose des pratiques aussi, ça pose parfois un cadre social et politique qui est intéressant à analyser, même s'il faut prendre des pincettes, parce qu'effectivement, en tant que joueur lambda, Oh ! Si tu n'y connais rien, tu ne peux pas faire la distinction entre ce qui relève de la vraie histoire et ce qui relève du scénario, en fait, pour faire progresser l'intrigue. Mais c'est intéressant quand même. On parlait de Ghost of Tsushima tout à l'heure. Moi, c'est les trucs qui m'intéressent aussi, notamment parce que ça fait écho à une période du Japon qui est vraiment méconnue, qui est celle des invasions mongoles. Ça, c'est hyper intéressant aussi. Les invasions mongoles, spoiler, ont échoué. Mais pouvoir se retrouver plonger dans ces univers-là qui font aussi beaucoup d'appels du pied à tout cet aspect cinématographique qui a été développé pendant des années. D'ailleurs, il y a même un mode Kurosawa que tu peux activer sur Ghost of Tsushima où ça te passe le jeu en noir et blanc. Donc c'est plutôt drôle. Mais donc voilà, c'est plutôt des œuvres de pop culture que je vais conseiller. Et puis tu as tout justement ce cinéma de Kurosawa et des vieux films de samouraïs qui peuvent être consommés, qui parfois maintenant sont un peu kitsch. mais Bon, c'est comme les vieux cow-boys, quoi.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Petite question sur la série Shogun. T'en parlais tout à l'heure. Comment tu la situes par rapport à à tout ce dont on a discuté aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Moi, je trouve que globalement, c'est quand même pas mal. C'est quand même pas mal. Il y a toujours des clichés qui sont véhiculés. Mais tu vois, cette image du guerrier 100% loyal, tout ça et tout, elle est mise à mal dans la série.

  • Speaker #1

    Oui, on le voit très tôt, même, avec des alliances rompues, etc.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Donc, en fait, tu as des trucs qui, historiquement, sont un peu bancales sur ses contacts avec les premiers occidentaux, tout ça. Bon, mais... C'est pour servir le propos de la narration, et encore une fois, ce n'est pas un bouquin d'histoire, donc on comprend pourquoi ça a été fait. Il y a l'idée globale qui émerge de tout ça, qui est bien plus intéressante. Moi, ce qui m'a vraiment plu dans cette série, ça a été aussi le rôle de la traduction. Tu as un personnage en particulier qui a un rôle de traduction entre les Occidentaux et les Japonais, et on voit toute la subtilité qu'il peut y avoir dans ce travail de traduction. entre un occidental qui dit merde et la meuf qui doit mettre les formes auprès des japonais qui sont en face et inversement en fait. J'ai adoré ce côté-là qui trop souvent est laissé de côté. C'est vrai que la langue c'est quelque chose qu'on laisse souvent de côté dans les séries et là on s'en sert de manière très intelligente dans cette série.

  • Speaker #1

    Super. Dernière question qui te concerne plus personnellement entre guillemets. Ton objectif à toi, quand tu as lancé ta chaîne YouTube, quand tu fais ce type d'ouvrage, etc., au-delà de parler d'un sujet qui te passionne, on l'a entendu, je pense, c'est quoi au final ?

  • Speaker #0

    Alors moi, mon objectif, ça a évolué aussi au fur et à mesure des années. C'est-à-dire que maintenant, ça fait 11 ans, au moment où on enregistre cette émission que je fais Nota Bene, moi, ma vision de l'histoire a vachement évolué depuis 11 ans aussi. Je n'avais pas du tout les tenants et les aboutissants de toute la discipline et de tout ce que ça peut impliquer. quand j'ai lancé la chaîne. Moi, au départ, c'était surtout une émission de divertissement avec ce terrain de jeu formidable qu'est l'histoire parce qu'il s'est tellement passé de trucs incroyables dans tous les domaines qu'il y avait de quoi s'amuser. Donc l'envie première, c'est de se divertir au départ. Et c'est toujours le cas parce que je pense que ce qui est important aussi dans l'émission, c'est que les gens ne se fassent pas chier et puis puissent voyager. C'est ce que finalement... Beaucoup d'historiens avec qui je travaille soulèvent, c'est-à-dire que quand on dit à quoi ça sert l'histoire, des gens comme William Blanc avec qui j'ai bossé, mais aussi des gens comme Patrick Boucheron, qui est quand même au Collège de France, vont te dire mais en fait l'histoire ça sert à s'évader, à penser à autre chose, à se projeter dans un autre monde qui n'existe pas aujourd'hui ou n'existe plus en fait. Donc c'est un formidable moyen de pouvoir voyager et échapper à son quotidien qui parfois peut être un petit peu morose. Donc il y a déjà ce divertissement premier qui est important et qui n'est pas à négliger. Ensuite, pour moi, ce qui est important, ce que j'ai appris au fur et à mesure de ces années, c'est à être très humble devant cette matière historique, et plus généralement dans le monde qui nous entoure, parce que tout est quand même très complexe, et que plus on tente d'en savoir sur un sujet, et plus on se rend compte qu'on n'en saisit pas tous les tenants et les aboutissants. C'est souvent ça le vertige un peu de l'universitaire qui fait sa thèse et qui se dit « bon ok, j'ai une connaissance très pointue, et en même temps, il y a tellement de zones d'ombre » . de trucs qu'on ne sait pas, que tu te rends compte à quel point c'est vertigineux. Et donc, il y a cette humilité que tu cultives et cette approche de la méthodologie historique. Moi, ce qui m'intéresse vraiment aujourd'hui, c'est de montrer aux gens comment est-ce que cette histoire, comment est-ce qu'elle se produit en fait ? Comment est-ce qu'elle s'écrit ? Et c'est le premier truc que tu fais quand tu commences une carrière d'historien, tu vois, c'est que tu es confronté aux sources dites primaires, donc aux documents que tu vas devoir analyser et faire parler. Et c'est, mais qui a écrit ce document ? Pourquoi est-ce qu'il l'a écrit ? Dans quel contexte il l'a écrit ? Parce que tout ça n'est pas anodin. Si aujourd'hui tu prends un article de Luma ou du Figaro sur un même sujet, ça va être traité de façon différente. Donc l'historien qui va bosser dessus dans 200 ou 300 ans, il ne peut pas se reposer sur uniquement l'article du Figaro ou l'article de Luma pour savoir ce qui s'est réellement passé ou faire son analyse, parce qu'en fait ça va être un petit peu différent. Donc il faut confronter après les sources. donc voir comment cette histoire elle a été produite pourquoi elle a été produite, comment est-ce qu'elle a été transmise, mais même pas jusqu'à nous direct, mais comment est-ce qu'elle a été transmise dans l'histoire, parce qu'on le voit tout à l'heure à travers l'exemple de Jeanne d'Arc que j'ai développé, mais à travers tout un tas de textes, ces textes ou ces personnages ou ces événements historiques ont eu des réceptions, des réécritures différentes qui ont évolué au fur et à mesure de l'histoire, et finalement nous, aujourd'hui, on en a une version, on en a une réception, qui sera sans doute peut-être pas celle... qu'en feront nos descendants dans 50 ans, 100 ans, 200 ans, 1000 ans, en fait. Et c'est ça qui est intéressant aussi, et en se posant toutes ces questions, et en essayant de détricoter tous ces mécanismes qui font que l'histoire, c'est ce qu'on a aujourd'hui, on développe tout un appareil critique, finalement, qui nous sert dans la vie de tous les jours, et qui, j'espère, moi c'est mon côté un peu naïf, fait de nous des citoyens un peu plus alertes. C'est-à-dire que quand t'as des situations politiques... complexes à laquelle on va être confronté, ou des situations économiques, des situations sociales, qu'on puisse prendre un peu de recul et se dire, en fait, j'ai pas tous les tenants, tous les aboutissants, peut-être que c'est pas... La réponse, elle est pas si simple, peut-être que c'est multifactoriel, ce qui se passe souvent, tu vois, en histoire, quand on te pose une question qui a l'air très simple. L'historien te répond, c'est plus compliqué que ça. Bah ouais, en fait, c'est la vie, quoi. C'est la vie. Et donc, tu vois, l'histoire, c'est un peu... Quand t'apprends l'histoire, t'apprends un peu l'école de la vie aussi. Et intellectuellement, tu développes pas mal de mécanismes de défense. Alors, ça veut pas dire que ça va te protéger contre tout. Ça veut pas dire que tu seras immunisé contre la connerie. Ça veut pas dire que tu peux pas faire fausse route. En tout cas, ça permet de prendre un petit peu de recul. Ça force à l'humilité. Et ça permet aussi, je trouve, parfois de... de se mettre un petit peu à distance des événements, tu vois. Parce qu'il y a des fois où tu te dis, j'ai envie de faire quelque chose, à titre individuel, comment je peux changer les choses ? Bon, c'est compliqué, en fait. Et quand tu regardes les mécaniques qui agitent l'histoire, tu t'aperçois que les hommes providentiels, finalement, ça existe assez peu, que tout est assez conjoncturel, qu'évidemment qu'il y a des individualités qui émergent et qui vont permettre des trucs, mais tout ça, c'est des phénomènes collectifs ultra complexes. Et finalement, ça aide à se remettre un petit peu à sa place. Quand j'ai épousé ma femme, on est parti en vacances en Islande pour notre voyage de noces. Et pour la première fois de ma vie, devant ces paysages, je me suis dit, OK, je ne suis rien. Je ne suis rien, je peux mourir maintenant. Et en vrai, ça ne changerait strictement rien à la face du monde. Et en fait, l'histoire, c'est un peu ça. C'est mon Islande. C'est-à-dire que quand tu te poses devant, tu te dis, Ah, écoute, je vais faire du mieux que je peux pour que peut-être... notre monde sera un petit peu meilleur demain, mais ce n'est pas moi qui vais révolutionner l'humanité, quoi.

  • Speaker #1

    Super, et bien, merci beaucoup pour cette réponse, et merci beaucoup d'avoir pris le temps d'enregistrer cet épisode. Je rappelle le titre du livre, le livre s'appelle Les Samouraïs, par Nota Bene, c'est un livre avec un collaboratif, donc tu as été recherché plein, plein de scientifiques, 8 au total, qui ont écrit toute une série d'articles différents. Comme tu l'as dit aussi, c'est plus... Moi, j'ai trouvé que c'était une histoire du Japon que tu avais écrite à travers les samouraïs, parce qu'on voit que leur influence est très grande. On en a discuté aussi dans l'épisode. Eh bien, Benjamin, merci beaucoup pour cela. Et chers auditeurs, chères auditrices, je te dis à dans deux semaines pour le prochain épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du MUMONS. Passez une belle journée. Benjamin, à très bientôt.

  • Speaker #0

    Salut !

  • Speaker #1

    Tu viens d'écouter un épisode du podcast du MUMONS. Et franchement, j'espère qu'il t'a plu. D'ailleurs, si en passant, tu veux me faire un retour ou si tu as des idées d'amélioration, surtout n'hésite pas à nous contacter. Tu peux aussi devenir notre ambassadeur et faire découvrir ce podcast tout autour de toi. Si tu as des idées de sujets ou si tu souhaites enregistrer un épisode, surtout n'hésite pas à nous contacter. Rendez-vous sur le site internet mumons.be ou sur la page Facebook du Mumons.

Chapters

  • Introduction et présentation de l'épisode sur les samouraïs

    00:37

  • Le parcours de Benjamin Brillaud et son intérêt pour les samouraïs

    00:43

  • L'influence des samouraïs sur la culture japonaise et leur rôle historique

    01:01

  • Collaboration et recherche pour le livre sur les samouraïs

    01:57

  • Définition et évolution du concept de samouraï

    16:41

  • La hiérarchie et les relations entre samouraïs, shoguns et empereurs

    20:48

  • Les ronins et leur place dans la société japonaise

    22:28

  • La représentation des samouraïs dans la pop culture

    23:48

  • Ninjas et samouraïs : différences et similitudes

    44:22

  • Conclusion et objectifs de Benjamin dans son travail

    54:31

Description

Les samouraïs.
Une figure mythifiée, presque sacrée.
Un symbole de loyauté, d’honneur, de sabre et de courage… du moins, dans notre imaginaire collectif.

Mais derrière les images de cinéma, les jeux vidéo et les mangas, que reste-t-il de la réalité historique ?

Dans cet épisode exceptionnel, j’ai l’immense plaisir de recevoir Benjamin Brillaud, alias Nota Bene, l’un des vulgarisateurs historiques les plus suivis aujourd’hui. Auteur, vidéaste, passionné de transmission, il a produit un ouvrage dense et passionnant consacré aux samouraïs (Perrin, 2024).

Ensemble, nous explorons une histoire mille fois plus complexe que ne le laissent penser les images d’Épinal :

⚔️ Qui étaient vraiment les samouraïs, des archers montés avant d’être les sabreurs que l’on imagine ?
🏯 Comment le Japon et l’Occident ont mutuellement façonné leur image, au fil des siècles et des relectures culturelles ?
📖 Pourquoi le fameux Bushido est une invention tardive, plus idéologique qu’historique ?
🎬 Comment la pop culture – de Kurosawa à Assassin’s Creed – continue d’alimenter le mythe, au point d’influencer notre perception du Japon médiéval ?

Benjamin nous montre comment, sur dix siècles, le Japon a construit, déconstruit puis reconstruit l’image du samouraï pour répondre à des besoins politiques, sociaux et identitaires.
Il nous emmène au cœur d’un monde où la ruse compte autant que la force, et où le sabre n’est jamais qu’un outil parmi d’autres.

On discute aussi de la manière dont les œuvres modernes – cinéma, jeux vidéo, BD, romans – ont façonné notre imaginaire occidental… et parfois celui du Japon lui-même. Et de la manière dont la fiction peut révéler des vérités historiques tout en créant de nouvelles illusions.

Cet épisode, c’est :
• de la rigueur,
• de la passion,
• de la nuance,
• du plaisir à raconter.

Un épisode entre histoire, cinéma et philosophie, qui démonte les clichés et célèbre la passion de la transmission historique.

🎧 Disponible dès maintenant sur toutes les plateformes.
Un immense merci à Nota Bene d’avoir accepté l’invitation et d’avoir partagé son savoir avec autant de générosité.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Lorsque ce petit bolide atteindra 88 miles à l'heure, attends-toi à voir quelque chose qui décoiffe.

  • Speaker #1

    Ce qui place votre zone d'atterrissage à 5,0667 degrés de latitude nord et 77,3333 de longitude ouest.

  • Speaker #0

    Rien de tout ça derrière. Qu'est-ce que le réel ?

  • Speaker #2

    La seule variable constante est l'inattendu.

  • Speaker #3

    On ne peut pas la contrôler. Je crois que vous êtes encore pire que ces créatures. Elle, elle n'essaie pas de se massacrer entre elles pour tirer le plus gros paquet de fric.

  • Speaker #0

    Voyons si une capacité de bosser de 10% permet le décollage. Et 3, 2, 1...

  • Speaker #4

    Chères auditrices, chers auditeurs, bienvenue dans ce nouvel épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du Mumons. Alors déjà avec la sortie de Ghost of Tsushima, donc juillet 2020, je pense dans mes souvenirs, juste un mois avant qu'on lance le podcast, je m'étais dit que ce serait terrible de pouvoir faire un épisode sur les samouraïs. Alors, cinq ans plus tard, j'y suis enfin parvenu, on y est, c'est l'épisode sur les samouraïs. Aujourd'hui, on va parler de culture nippone et plus particulièrement, comme je te le dis, des samouraïs. Plus que de simples guerriers, pendant dix siècles, ils vont influencer l'ensemble du Japon à plein de niveaux différents. Et pour discuter de cette thématique ô combien intéressante, et en tout cas, moi, ça m'intéresse beaucoup, j'ai la chance et l'honneur aujourd'hui d'accueillir à distance, on est en visio, Benjamin Briot, plus connu sous le nom et sous le pseudonyme de Notavené. Bonjour Benjamin.

  • Speaker #5

    Bonjour, bonjour.

  • Speaker #4

    Comment vas-tu ?

  • Speaker #5

    Écoute, ça va fort bien. Prêt à sortir le katana.

  • Speaker #4

    Moi aussi. Alors, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire le bouquin. Le livre, qui s'intitule très sobrement « Les Samouraïs » , est sorti en octobre 2024. C'est un livre superbement illustré, des textes vraiment très clairs, qui nous font voyager à travers les dix siècles d'histoire durant lesquels les samouraïs ont eu de l'influence sur toutes... l'entité Japon. La première question que je me suis posée, c'est pourquoi un jour tu t'es dit je vais travailler sur les samouraïs ?

  • Speaker #5

    Alors, il y a plusieurs réponses à cette question. La première, je pense que c'est une figure, le samouraï, depuis que je suis gamin, qui forcément m'a interpellé à travers la pop culture, comme de nombreuses autres figures, mais c'est vrai que typiquement, je pense comme beaucoup de gens de ma génération, moi j'ai... 37 ans au moment où on enregistre ce podcast, j'ai vu Tom Cruise dans son armure et je me suis dit moi aussi je veux être un samouraï. Et puis ensuite je me suis renseigné un peu sur le samouraï, j'ai vu que c'était pas tout à fait ça, même si c'était beau. Il y a tout le cinéma de Kurosawa, il y a effectivement les Ghost of Tsushima, les Assassin's Creed, bref les samouraïs irriguent totalement la pop culture. C'est aussi un emblème du Japon, Japon qui a bercé mon enfance comme celle de tant d'autres. à travers les dessins animés, les mangas qui nous sont parvenus. Ça, c'est déjà une motivation première, qui fait qu'assez tôt, sur ma chaîne YouTube, j'ai commencé à parler des samouraïs. Et puis, depuis 2022, j'ai eu la chance de diriger des ouvrages collectifs avec des historiens, des archéologues, sur de grandes thématiques. On a fait les vikings, les samouraïs et les pirates. Là, je suis en train de bosser sur les chevaliers. Évidemment, je pars de ces grandes figures, souvent guerrières est liée à la pop culture parce qu'elles sont sujettes à de nombreux clichés et que c'est plutôt agréable, selon moi, de démonter des clichés et de se rendre compte que finalement, on pense savoir plein de trucs. En fait, c'est pas grand chose.

  • Speaker #4

    Et justement, c'est un petit peu l'optique de cet épisode qu'on va passer ensemble. C'est de partir de ces stéréotypes de la pop culture et de revoir un petit peu comment ils se sont construits. Est-ce qu'ils sont vrais ? Est-ce qu'au final... L'Occident n'a pas elle-même réinfluencé le Japon dans sa vision du samouraï. Il y a plusieurs articles là-dessus. Donc, on ne va pas tant discuter en détail de l'histoire du samouraï. Le livre, il est là pour que vous puissiez justement le découvrir. Et sincèrement, chers auditeurs, chères auditrices, si les samouraïs t'intéressent, pour moi, c'est un must-have dans la collection parce que ça retrace vraiment toute l'histoire, plus ou moins en 160, 170 pages. Je n'ai plus le chiffre exact en tête. Avec des doubles pages à chaque fois bien illustrées, bien thématiques. où on parcourt vraiment, via plusieurs angles d'attaque, cette histoire des samouraïs. Comme tu l'as dit, c'est des livres que tu écris avec des historiens, avec des archéologues. Ici, pour ce livre, tu t'es entouré d'un assez beau panel de personnes. Est-ce que tu peux nous en parler un peu de ces personnes ? Comment tu les as rencontrées ? Et au final, comment s'est passée la collaboration ?

  • Speaker #5

    Oui, alors déjà, si j'ai choisi de faire des livres collectifs, c'est aussi parce que j'avais envie de... transformé un peu l'essai de ce que je fais sur ma chaîne depuis de nombreuses années. C'est-à-dire que moi, sur ma chaîne YouTube, aujourd'hui, je ne suis plus tout seul. Il y a encore beaucoup de gens qui pensent que je suis tout seul à faire l'émission. Bon, ça, c'était le cas les premières années. Mais il y a un tel volume de production et une telle exigence sur le fond et la forme qu'évidemment, je ne suis pas tout seul. Donc, il y a une dizaine de personnes à temps plein qui bossent sur ma chaîne YouTube et les différents réseaux. Mais c'est aussi entre 30 et 40 auteurs à l'année qui travaillent sur le fond des épisodes. Et ça, c'est... principalement des historiens, des archéologues, en tout cas c'est ce profil-là. Je dis souvent, les métiers qui se finissent en hog sont mes meilleurs amis. Et donc, ce que je faisais à travers les vidéos, je me suis dit pourquoi ne pas le faire à travers des beaux livres justement à destination du grand public. Et c'est comme ça que j'ai lancé ce grand projet. Alors l'idée à chaque fois, c'est de pouvoir réunir une team un peu d'Avengers du sujet qui pourra m'aider dans cette tâche-là. Et c'est toujours un petit challenge au départ d'aller sélectionner un petit peu tout le monde parce qu'il faut des gens qui sont très compétents dans leur domaine. Mais il faut aussi des gens qui ont une certaine appétence pour la vulgarisation. Parce que tous les historiens ou tous les archéologues ne sont pas 100% ouverts à l'idée de participer à la vulgarisation, même s'il y en a l'envie, il y en a beaucoup qui disent « ouais mais ça je vais pas savoir faire, parce que moi je fais des trucs... » Tu vois, vulgariser et produire du savoir, ça n'est pas la même chose. Et donc, de ce point de vue-là, parfois, moi j'ai aussi un... Un discours où j'essaie de les rassurer un petit peu en leur disant mais vous inquiétez pas, vous pouvez apporter du fond de façon, moi je vais repasser derrière aussi et puis vous challengez un petit peu éventuellement s'il y a des termes que je comprends pas ou des contextes que je comprends pas ou si c'est trop complexe. Mais donc il y a quand même cette étape là de choisir les bons profils et d'avoir un peu de réassurance aussi. Un autre défi, et ça a été d'autant plus vrai pour cet ouvrage sur les samouraïs, c'est d'avoir des profils féminins. parce que l'histoire reste encore et toujours un domaine qui est très masculin, malheureusement. Et donc, sur certains sujets, et les samouraïs en particulier, c'était compliqué de trouver des historiennes qui bossent sur le sujet. Ce qui fait que sur 8 collaborateurs, pour le coup, pour ce bouquin, on a 6 hommes et 2 femmes. Alors, quand je dois me renseigner sur un sujet comme ça, comme les samouraïs, je vais évidemment regarder qui a écrit les bouquins un peu de référence. Merci. qui fait consensus dans le milieu. Moi, ça va me permettre d'avoir déjà quelques petits profils intéressants. Alors, ce qui est plutôt une aubaine pour moi, c'est que dans le domaine des samouraïs, comme dans le domaine des vikings d'ailleurs, au final, c'est un petit milieu. Il n'y a pas tant de gros spécialistes que ça. Donc, on fait vite le tour. Et quand on en connaît un, il peut assez facilement nous introduire auprès des autres. Et c'est souvent comme ça que ça se passe. Mais comme sur ma chaîne YouTube, je veux dire, quand je m'entends bien avec un... Un historien qui bosse pour l'émission qui me dit « Tiens, ça ne te dirait pas de parler avec mon pote qui fait ça ? Il a telle spécialité ? Ah ouais ! » C'est comme ça que le réseau s'élargit. Et finalement, ça a été un peu pareil pour ce bouquin. Moi, je travaille depuis longtemps avec William Blanc, qui est spécialiste du médiévalisme, donc des représentations contemporaines du Moyen-Âge. On a bossé ensemble sur l'émission pendant très très longtemps. Il a bossé sur les Vikings. Et là, il bosse sur tous les livres collectifs à chaque fois où il s'occupe de la dernière partie, qui est celle des usages... contemporains de la figure, mais aussi des usages politiques, par exemple. Et donc, William, il a beaucoup bossé sur ces figures de chevalier, de viking, mais il avait travaillé par ailleurs aussi sur le samouraï, donc je lui ai dit, écoute, t'as participé au viking depuis le temps qu'on bosse ensemble. Il m'a dit, de toute façon, c'est samouraï, c'est sûr, je vais bosser dessus, j'ai plein de trucs à dire. Donc, William a rejoint l'équipe dans les premiers. Un autre spécialiste que je connaissais bien, c'était Julien Pelletier. qui est un copain avec qui on a déjà travaillé sur Nota Bene aussi, et qui lui a un profil assez intéressant parce qu'il a justement ce profil vulgarisation. Il est reconnu comme étant un spécialiste de l'histoire militaire japonaise médiévale, même s'il n'est pas historien de base, mais il est reconnu comme tel en tout cas par tout le monde. Et puis surtout, c'est aussi un cartographe de talent, il fait des infographies absolument magnifiques, et il participe très régulièrement à des ouvrages. de très grande qualité, avec des très grands historiens français. Il avait fait l'histoire de la Révolution avec Jean-Clément Martin, par exemple. Et donc Julien, vu que c'est un spécialiste de l'histoire militaire japonaise médiévale, tout de suite, on s'est dit qu'il faut qu'il soit sur le bouquin aussi. Après, il y a eu des profils forcément qui s'imposaient. Le profil qui s'est imposé, c'était celui de Pierre-François Suiri, qui est un petit peu le pape des samouraïs en France. Et j'avais quand même cette appréhension parce que c'est quelqu'un qui pèse dans le game, comme on dit. Donc, dans ces cas-là, c'est vrai que quand on se présente et qu'on envoie un petit mail, qu'on ne connaît pas la personne personnellement, en disant « Bonjour, voilà, moi j'ai une chaîne YouTube à la base et maintenant je fais des livres collectifs. Et moi qui n'ai pas de diplôme d'histoire, je dirige un ouvrage collectif. Est-ce que ça te dirait de participer à mon truc sur les samouraïs, s'il te plaît ? » Et donc, tu as toujours peur de se prendre un mail. en disant mais t'es qui bouffon donc voilà c'est toujours un petit peu Et en réalité, les historiens sont toujours très sympathiques, donc Pierre-François Souhiri a accepté avec plaisir de participer, et ce qui était bien là-dedans, c'est que je savais qu'en plus, il serait très exigeant. C'est-à-dire que tout de suite, il m'a dit « Bon, par contre, moi, j'ai ma réputation, j'ai assis sur mes travaux, je ne veux pas faire n'importe quoi, donc je vais être sûr que ça soit carré. Si ça ne te dérange pas, je veux bien quand même relire le boulot global avant que ça soit publié, parce que moi, je ne veux pas associer mon nom à un truc nul. » Ce à quoi je lui ai dit, évidemment, et puis de toute façon, pour moi, c'est une approche très collective du travail. Donc l'idée, c'est que tout le monde puisse échanger, se questionner les uns les autres sur la partie qu'ils sont en train de faire. Et donc, je n'avais aucun problème avec ça. Et j'étais content d'avoir quelqu'un comme Swery dans l'équipe qui puisse, à un moment donné, dire... « Attention, warning, là je ne suis pas d'accord, ou là peut-être qu'on devrait développer les choses parce qu'il n'y a pas consensus. » Et c'est rigolo parce qu'au moment de l'élaboration de ce bouquin, il y a des fois où Pierre-François m'a envoyé une ou deux remarques, certaines qui étaient justes, où je disais « Ok, d'accord, on peut intervenir là-dessus. » Et puis d'autres où je lui disais « Ça, non, c'est un choix éditorial, pour le coup, on va le faire quand même. » Et je lui expliquais pourquoi moi je voulais le faire, et il me disait « Bon, ok, t'as raison. » Typiquement, il y a deux figures qu'on aborde dans le livre. Il y a d'une part Tomoe Gozen, qui est une guerrière samouraï, peut-être qu'on y reviendra après, semi-légendaire, parce que je voulais parler des femmes samouraïs. Et il me dit, mais Ben, les femmes samouraïs, globalement, il n'y en avait pas. Tomoe Gozen, elle est semi-légendaire, il y a trois inscriptions dessus qui se battent en duel. Pourquoi aller insister là-dessus alors que ce n'est pas le cœur du problème ? Je lui dis, oui, mais dans notre société contemporaine à nous, on questionne de plus en plus le rôle des femmes dans l'histoire. Ce rôle des femmes samouraïs, il est régulièrement évoqué dans des articles de journaux auprès du grand public. Le grand public va s'attendre à ce qu'on puisse parler de cette question de la femme samouraï. Et parler de Tomoe Gozen et de la place des femmes samouraïs, même si on ne sait pas grand-chose, finalement, pouvoir dire au public ce qu'on ne sait pas, ça va finalement nous dire beaucoup sur la place justement de la femme chez les samouraïs. Ce qui a induit d'ailleurs après une réflexion où Pierre-François Sféry m'a dit, mais... Peut-être que dans mon chapitre, je pourrais rajouter un truc sur la place qu'avaient les femmes de seigneurs de guerre, de samouraïs, justement, quelle était leur place autour d'eux, et non pas en tant que combattantes, ce qui était hyper intéressant en fait, parce que ça venait de nourrir le propos. Pareil pour un autre portrait de samouraï, puisqu'on a des portraits qui viennent comme ça parsemer tout le bouquin, celui du samouraï noir, le fameux Yasuke, qui attendait d'effrayer la chronique à travers Assassin's Creed.

  • Speaker #4

    Je viens de lancer Assassin's Creed au moment où on enregistre, je viens de le prendre donc je ne l'avais pas encore joué Il est super,

  • Speaker #5

    moi j'adorais Pareil, un ou deux auteurs qui m'ont dit tout le monde en parle dans les magazines c'est un peu une anecdote pourquoi est-ce qu'on va encore le mettre là-dedans ? Je dis oui mais Yasuke c'est une figure centrale de la pop culture et de la représentation du samouraï pour plein de gens donc forcément ils vont l'attendre et là encore c'est important de pouvoir l'évoquer pour dire ce qu'on sait, ce qu'on ne sait pas Merci. et pouvoir remettre les choses à leur place, en fait, mais, je veux dire, scientifiquement. Et encore une fois, écrire autour de ce qu'on ne sait pas, finalement, en dit beaucoup sur une période ou sur un usage. Donc, il y a ça aussi qui a vachement permis de progresser. Et puis ensuite, ça a été des suggestions. Typiquement, Pierre-François Suéry m'a amené à connaître Olivier Ansar, qui est un spécialiste de... qui est plutôt philosophe qu'historien, mais qui est un spécialiste de l'histoire des idées politiques dans le Japon, notamment sur la période Tokugawa, donc la période de paix, on va dire, 16e jusqu'au 19e siècle. Et j'ai découvert avec lui vraiment un autre visage du samouraï. Et moi, quand je recevais ces textes, j'étais mort de rire parce que vraiment, je me rendais compte à quel point j'étais finalement ignare sur le sujet et à quel point tout ce code d'honneur, tout ce bouchido, tout ce théâtre finalement, comme lui l'appelle, c'était du bullshit. J'ai même découvert l'expression « bouchido » que certains emploient. Je ne connaissais pas. Que je ne savais pas. Donc c'est plutôt drôle. Et puis voilà, après on a d'autres profils qui m'ont été poussés, celui de Delphine Mullard qui est spécialiste dans les arts, pour le coup, la peinture, les arts graphiques et décoratifs populaires. J'ai eu le profil de Cécile Dauvergne, qui elle est plus spécialisée sur l'histoire militaire, la littérature classique médiévale japonaise, et notamment sur des époques comme le XIe, XIIe siècle. On a pu avoir des gens comme Guillaume Carré, qui sont très calés aussi sur... L'époque Tokugawa et ce qui s'est passé juste avant, ou encore, un camarade, ça c'était important pour moi d'avoir un camarade japonais. qui rejoignent l'équipe. Et donc là, c'est grâce à Pierre-François Swery qui m'a dit, par exemple, j'ai un pote, Keishi Nakajima, avec qui j'ai déjà bossé, qui lui est historien, docteur en lettres, spécialisé sur la période médiévale, notamment sur l'économie, et qui a pu nous écrire quelques pages dans cet ouvrage qui ont été traduites par Pierre-François Swery lui-même. Donc voilà, des profils assez différents. quand même, mais très complémentaires. Sur cet ouvrage-là, on avait un peu plus de... On a plus des historiens purs et durs que dans certains autres ouvrages où j'ai ajouté aussi quelques médiateurs, typiquement sur les pirates ou les vikings. On a des gens qui font de la médiation au sens global, mais qui avaient quand même beaucoup travaillé sur ces thématiques que j'avais joints dans l'équipe. En tout cas, voilà. Une équipe... C'était mon équipe d'Avengers pour les samouraïs, et ça nous a permis de dresser un portrait accessible au grand public, et puis scientifiquement un jour, surtout pour ce livre des samouraïs.

  • Speaker #4

    Et c'est ça qui est super intéressant parce que, comme tu le dis, c'est scientifiquement à jour. Donc, les données qui se trouvent dans ce bouquin sont vraiment des données hyper récentes, de plein de recherches différentes et qui nous permettent d'avoir cette vision du samouraï. Et cette vision du samouraï, tu l'as déjà laissé sous-entendre à plusieurs reprises, elle est très, très, très différente de cette vision occidentale que l'on a, typiquement le dernier samouraï avec Tom Cruise, où l'honneur, la mort... L'objectif final du samouraï, il y a toute une série d'articles là-dessus. Est-ce que tu peux, justement, avant qu'on rentre dans cette pop culture, peut-être nous définir au final, c'est quoi un samouraï ? Qu'est-ce qu'on entend par samouraï pour qu'on puisse un peu se localiser ? Quand est-ce qu'ils apparaissent, en gros, et quand est-ce qu'ils disparaissent et qu'est-ce qui se passe un peu entre eux ?

  • Speaker #5

    Oui, bien sûr. Donc, on va essayer de tracer ça dans les grandes lignes, de ne pas rentrer trop dans les détails. Mais en gros, ce qui est important de comprendre, c'est qu'un samouraï, c'est un guerrier. Voilà, donc jusque là, ça va, le dernier samouraï ne se trompe pas trop, c'est un guerrier. Maintenant, le rôle du samouraï, et ce qu'est même un samouraï, va énormément évoluer en dix siècles d'histoire, et ça a été ça la difficulté aussi de ce bouquin de mon côté, et essayer de trouver une approche cohérente entre du thématique et du chronologique, et finalement c'est presque une histoire du Japon à travers la figure du samouraï qu'on a fait dans cet ouvrage. Alors, un samouraï... C'est vrai qu'on se le visualise comme un guerrier à pied avec son grand katana qui va se battre en duel sur un champ de bataille. A la base, ce n'est pas du tout ça. Un samouraï, c'est un guerrier spécialisé qui va être au service de son seigneur. Ça apparaît aux alentours du Xe siècle, peut-être un petit peu avant, c'est un peu flou. Et à la base, ce sont plutôt des archers et des cavaliers. Donc c'est vraiment des archers montés. Et c'est vrai que c'est assez contre-intuitif parce que ce n'est pas du tout l'image. qu'on a à la base des samouraïs. Et alors, les samouraïs, ces guerriers-là, ça va devenir une caste, finalement, de guerriers, au service d'un seigneur. Et donc, progressivement, c'est une caste qui va muter. Et donc, on va avoir des samouraïs qui seront toujours des cavaliers, mais on va avoir des samouraïs qui vont se battre à pied, par la suite. Et donc, leur rôle, guerrier, qui est dans une caste extrêmement hiérarchisée, va évoluer jusqu'à l'époque... Tokugawa, jusqu'au XVIe siècle, finalement, enfin XVIIe siècle même, puisque c'est au tout début du XVIIe siècle que le Japon va entrer dans une période de paix. Mais donc ces guerriers-là vont représenter une partie de la population non négligeable, puisque on estime, alors les chiffres divers, c'est entre la police et les syndicats, comme toujours, mais au début de l'époque Edo, ou période Tokugawa comme on l'appelle, donc à la période de paix, donc début du 7ème siècle, c'est on va dire 7% de la population qui fait partie de la caste des samouraïs. Donc ça fait énormément de monde. Ceci dit, comme je l'ai dit, c'est très hiérarchisé, donc on va avoir des samouraïs qui appartiennent à l'aristocratie, et on va avoir des samouraïs qui font partie de cette caste, mais qui vont, pour le coup, être assez pauvres. Donc on a vraiment, ça regroupe en fait une classe sociale et en même temps des réalités économiques. et sociales, justement, extrêmement différentes. On met tout le monde dans le même panier, mais finalement, ça désigne beaucoup de choses. Ce qui réunit ces gens-là, c'est le fait d'être des guerriers formés à l'art de la guerre, parce que globalement, l'histoire du Japon pendant quelques siècles, en tout cas jusqu'au début du XVIIe, c'est une histoire assez sanglante, avec des seigneurs de guerre, ce qu'on appelle des daimyo, ça on en parle beaucoup dans des œuvres aussi de pop culture, les daimyo, ce sont des seigneurs de guerre. qui règnent sur des grandes provinces, des grands fiefs, et qui vont partir à l'assaut d'autres provinces pour les conquérir. Et d'ailleurs, cette histoire japonaise, elle est jalonnée de conflits entre ces daimyo. Et elle passera par ce qu'aujourd'hui, dans une sorte de, je ne vais pas dire roman national, mais presque, dans la grande histoire du Japon, on a trois grands unificateurs, donc trois grands guerriers qui ont chacun contribué à l'unification du Japon jusqu'à arriver à cette période de paix durant l'époque Edo avec le dernier de ces unificateurs, Tokugawa

  • Speaker #4

    Ieyasu. Donc tu as parlé des daimyo, mais... Tu emploies aussi d'autres termes dans le bouquin, je voudrais juste y revenir, comme ça on fixe bien les choses. Le podcast peut ainsi coexister avec le livre et être un outil pour lire le livre. Tu parles de shogun, je ne sais pas si je le prononce bien, tu parles de l'empereur aussi, quelles sont leurs relations avec ces samouraïs, etc. On parle de ronin aussi, comment toutes ces fonctions coexistent et se situent dans la politique japonaise ?

  • Speaker #5

    Oui, alors... L'empereur déjà, c'est plutôt facile à deviner, c'est théoriquement celui qui est au-dessus de tout le monde et qui dirige tout le monde. Qui est d'ailleurs d'ascendance divine. En principe, il y a toute une généalogie qui se déploie. Et d'ailleurs, encore aujourd'hui au Japon, l'empereur est d'ascendance divine, directement liée à la mythologie. Dans le principe, c'est lui qui est vraiment au-dessus de tous les autres et qui doit... diriger le Japon. En réalité, c'est plutôt un père spirituel, on va dire. Et dans la réalité, c'est pas vraiment lui qui a le pouvoir, ou en tout cas, on va assister, au cours des siècles, à une alternance du pouvoir à la fois entre l'empereur et ce qu'on appelle le shogun. Le shogun, c'est le seigneur de guerre, en fait. C'est lui qui, pour le coup, contrôle l'armée et donc l'État. Et donc, il va y avoir des rivalités qui vont se déployer entre partisan de l'empereur, partisan du shogun, et puis des fois c'est l'un qui prend l'ascendant, d'autres fois c'est l'autre, c'est souvent le shogun quand même, celui qui dirige les armées. Et donc on a des grandes périodes où l'empereur est relégué finalement au simple rang de pantin, et suit finalement un petit peu ce qui est dicté par le shogun. Et donc le shogun va avoir autorité. après sur les différents daimyo qui eux-mêmes vont avoir autorité sur les différents chefs de fief, qui eux-mêmes vont avoir autorité sur les différents samouraïs qui eux aussi ont en charge parfois quelques guerriers ou quelques familles à gérer. Bref, il y a toute une hiérarchie assez complexe qui se met en branle. Et alors la différence entre un samouraï et un ronin, c'est que le ronin en fait c'est un samouraï mais qui n'a plus de maître.

  • Speaker #4

    Donc il ne sert personne au final.

  • Speaker #5

    Pour X raisons, il ne sert plus personne parce qu'en fait, il a perdu son maître. Et alors, typiquement, on a cette fameuse histoire des 47 Ronin, qui est super connue, où en gros, l'histoire, c'est qu'il y a le chef de ces Ronin qui pète un câble à un moment donné dans une réunion diplomatique, qui va agresser un mec en face de lui. C'est très très mal vu. Donc il est condamné à se faire seppuku, je crois, si je dis pas de bêtise. Et du coup, ces samouraïs se retrouvent sans maître. Et donc ils vont décider de se venger, en fait, et de poursuivre l'oeuvre de leur maître avant d'eux-mêmes être condamnés au seppuku, en fait. Donc c'est une histoire tragique qui a alimenté beaucoup beaucoup la pop culture. Et alors ce que je ne savais pas, c'est qu'il y a un sanctuaire des 47 ronin à Tokyo. et j'ai eu la chance d'y aller, qui est tout petit et qui est impressionnant parce qu'en fait, il y a encore plein de gens. Alors, il y a beaucoup de touristes certes qui y vont, mais des japonais aussi qui vont tous les jours brûler des bâtons d'encens sur la tombe des Ronin. C'est étonnant.

  • Speaker #4

    C'est étonnant et en même temps, t'en parles dans le livre, la figure du samouraï, en fait, est véritablement une figure protéiforme parce que comme tu l'as dit, il y a une diversité énorme dans la richesse ou le statut de tous ces samouraïs à travers les dix siècles d'histoire. Et donc, les gens vont s'approprier des éléments de culture liés aux samouraïs comme un message porteur pour eux. Donc, parfois, le samouraï va être pris comme un emblème du nationalisme. Parfois, justement, le samouraï va être une critique de ce nationalisme, alors qu'au final, c'est a priori la même figure.

  • Speaker #5

    Oui, mais alors ça, on arrive sur des usages de l'histoire qui sont un petit peu communs, finalement, �� tous les pays, à tous ceux qui l'étudient, à tous ceux qui la transmettent et à tous ceux qui la réinterprètent. C'est-à-dire que le samouraï, c'est pas la seule figure qui va pouvoir être exploitée de différentes manières. En fait, on peut totalement se servir de quasiment n'importe quel événement qui s'est passé dans l'histoire pour servir un propos idéologique ou un autre. Et c'est ça qui est un peu rigolo, finalement, quand on regarde un peu la production de l'histoire et sa transmission, c'est qu'on se rend compte de cette Merci. pluralité des discours. En France, on a la même chose sur Jeanne d'Arc, qui a été utilisée à toutes les sauces, qui s'est pris je sais pas combien de procès sur la tronche, et à chaque procès, elle est dans un contexte historique bien particulier. Chaque procès, chercher à mettre en avant un truc très différent des autres procès et une figure très différente de Jeanne d'Arc, en fait c'est un peu pareil pour les samouraïs, c'est-à-dire que c'est une figure qui va être finalement érigée en exemple, notamment par le Japon d'avant-guerre, d'avant-seconde-guerre mondiale. C'est ce qu'on va montrer aux japonais, et aux jeunes japonais aussi en particulier, en leur disant « Mais regardez, l'idéal à atteindre, c'est ça, c'est le samouraï, c'est le guerrier qui va se sacrifier pour son maître. » pour ceux qui l'aiment, c'est la dévotion guerrière finalement au service de la nation. Et en même temps, après-guerre, la grosse majorité des films qui ont été produits autour des samouraïs, Kurosawa, compagnie et tout ça, il y a beaucoup de cinéastes très engagés à gauche qui vont utiliser cette figure du samouraï comme figure de dénonciation, justement. Et puis après, Rebelote, ça va resservir d'illustrations et des discours réactionnaires. Donc, on voit qu'il y a une... une fluctuation dans cette réception-là, et c'est une fluctuation qui se repose aussi sur l'historiographie, donc sur la manière dont on écrit et on produit cette histoire, et on la réceptionne, puisque cette figure, effectivement, du samouraï, on le disait, elle va être mouvante, elle va évoluer, et il va y avoir une légende, finalement, qui va se créer autour des samouraïs, qu'ils produisent eux-mêmes. Parce qu'on a cette image du samouraï, le combattant, très codifié, très loyale, qui va aller jusqu'à la mort pour servir son idéal et son maître. Et ça, en fait, je ne nie pas absolument que ça ait pu exister, parce qu'il y a toujours des gars comme ça, et voilà, à grand bien leur en face. Mais, ce qu'on regarde en étudiant un petit peu les documents de l'époque et les sources primaires, c'est que c'est pas du tout le cas. La plupart des samouraïs, je veux dire, si à un moment donné, ils se sentent un petit peu en danger, et puis qu'ils voient que l'herbe est un peu plus verte à côté, Ils vont faire un petit pas de côté et ils vont dire bye bye à leur maître et ils vont aller servir leurs intérêts à eux.

  • Speaker #4

    Avec certains cas qui font des allers-retours.

  • Speaker #5

    Oui, non mais totalement. Et en fait, c'est même pas mal vu la trahison. C'est-à-dire que c'est normal. Tu te ranges du côté du gars qui peut t'apporter le plus. Et ça fait l'objet de tractations. Donc, cette image du guerrier très loyal, il faut beaucoup la relativiser. Il y a de grandes batailles comme ça qui se sont jouées. D'un coup, tu avais un tiers de l'armée qui partait à l'ennemi. Ah mince, je ne l'avais pas vu venir. C'est assez rigolo. Et en fait, cet idéal du samouraï, ce code finalement samouraï, ce qu'on va même appeler après le Bushido, la voie du guerrier, tout ça, c'est une construction a posteriori. Et c'est ça qui est hyper intéressant et qu'on essaye de montrer dans le bouquin. Et c'est de là que sont hérités tous nos clichés qu'on va retrouver aussi dans le fameux dernier samouraï de Tom Cruise qui est... un peu l'apothéose de tout ça.

  • Speaker #4

    Justement, par rapport à ça, moi, ce qui m'a beaucoup surpris, en fait, dans cette histoire des samouraïs, c'est... J'avais cette vision, tu vois, de l'honneur du samouraï, où on se bat en duel, en fait, au final, c'est une affaire de samour... un samouraï contre un samouraï. Bien entendu, il y a des grandes batailles, mais généralement, ces grandes batailles se concluent par un espèce de combat final entre deux samouraïs qui finissent par déterminer qui a gagné. Et en fait, j'ai appris qu'il y avait énormément d'échauffourées, de... de petites trahisons comme ça, comme tu l'écris, ou des plus grosses trahisons, des pièges qui étaient dressés par les samouraïs pour faire tomber une autre armée. Donc, en fait, ce code n'existe pas.

  • Speaker #5

    Non, non, non, je veux dire, la ruse est aussi un très, très bon moyen de remporter la victoire. Et ce qui compte, en fait, chez les samouraïs, ce n'est pas la manière de faire, c'est le fait de remporter la victoire. Donc, l'honneur, là-dedans, j'ai envie de dire, bon, on s'en fout un peu, quoi. L'idée, c'est de réussir à gagner. Pour ça, tous les moyens sont bons. Ce qui n'exclut pas qu'on pouvait peut-être avoir des guerriers ou des daimyo qui avaient un sens particulièrement aigu de l'honneur et de la loyauté. Ce n'est pas excluant du tout. Mais ce qu'il faut bien intégrer, c'est que ce n'est pas un truc systématique qui caractérise cette caste de guerriers. C'est vraiment au cas par cas qu'on va pouvoir voir ça. Et puis comme dans tous les films, on a cette image du samouraï qui va foncer sur le champ de bataille en hurlant avec son katana. au-dessus de la tête et qui va direct au contact. Et ça, c'est un truc qu'on retrouve énormément dans beaucoup d'autres figures guerrières au cinéma. La réalité, c'est que tant que tu peux dégommer à distance le type d'en face, tu t'approches pas.

  • Speaker #0

    Parce que s'approcher, c'est quand même dangereux. Donc, ces armes-là, elles servent un peu en dernier recours, quoi, tu vois. Et je veux dire, quand les armes à feu ont commencé à arriver, évidemment que, fin du XVIe siècle, les gars se tirent dessus à coup d'arc-buse. Ils vont pas s'embêter directement à l'Eota avec un katana. Donc, c'est vrai que ce qu'on voit dans le dernier samouraï, bon, là, en plus, on est vraiment très tardif. avec des samouraïs qui vont sabre au point contre une armée régulière, avec des fusils, avec des mitrailleuses automatiques, tout ça. Bah non, quoi. Les samouraïs, ils avaient des flingues et ils s'en servaient au maximum parce qu'ils n'étaient pas bêtes, quoi, tu vois. Et que même si t'es loyal et que t'as le sens de l'honneur, à un moment donné, tu te dis, bon, si je me fais plomber 200 mètres avant, mon honneur, il ne va pas beaucoup servir, quoi. Donc, je veux bien un flingue pour me défendre, s'il vous plaît.

  • Speaker #1

    Si on doit sélectionner deux ouvrages qui ont certainement véhiculé cette image, je voudrais parler du Hagakure et du livre qui s'appelle Bushido, Soul of Japan, qui au final véhiculent cette image complètement tronquée des samouraïs, où dans le Hagakure, on a ce culte de la mort, où le samouraï doit aller jusqu'au bout et il doit mourir. La mort est vraiment l'objectif à la limite de la bataille. Tandis que dans le Bushido, Soul of Japan, ce qui se passe, c'est que Le livre est d'abord écrit en américain, parce que c'est pour diffuser cette culture nippone un peu partout dans le monde, avant d'être traduit en japonais et d'influencer lui-même la vision que les japonais ont des samouraïs. C'est assez fou, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, de toute façon, il y a un aller-retour assez constant dans les cercles intellectuels aussi, entre le Japon et l'Occident, en fait. Et les deux vont se nourrir un petit peu, et en plus, il y a cette idée que... Finalement, les samouraïs, c'est un peu comme la chevalerie chrétienne en Occident, qui a beaucoup de parallèles à faire. Et donc, on a des intellectuels qui, effectivement, vont faire des échanges comme ça. Et alors, ce fameux Bushido, l'âme du Japon, The Soul of Japan, qui a été écrit par Nitobe début XXe siècle, il a été extrêmement diffusé en Occident, puis au Japon, pour le coup. Et il a essuyé forcément des critiques, parce qu'il est clairement... dans une valorisation d'une image du guerrier qui n'existe plus depuis des centaines d'années. C'est une vision totalement fantasmée, à la fois du guerrier pré-XVIIe siècle et en même temps de cette vision construite qu'on a eue du Bushido. Avant même de parler du bouquin, il faut comprendre pourquoi il y a cette fameuse voix du guerrier qui s'est développée. On rembobine un petit peu. on a au XVIe siècle une période de très trouble de l'histoire japonaise, période Sengoku, on a différents daimyo qui s'affrontent pour prendre le pouvoir, on a différents unificateurs qui vont se succéder, alors on a Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi, et le dernier, Tokugawa Ieyasu, qui va enfin réussir à unifier le Japon. Une fois qu'il y arrive, de par des manœuvres militaires, mais aussi politiques, eh bien le Japon se retrouve en paix. À ce moment-là, on a à peu près 7% de la population qui vit par les armes, pour les armes, et qui se retrouvent sans boulot. C'est un problème. C'est un problème parce qu'on ne sait pas quoi en faire. Et puis les gars, ils n'ont fait que la guerre. Donc il y a même des... On en parle un peu, je crois, dans le bouquin. Il y a des cas où on s'est dit, bon, on ne sait pas quoi en faire, on a besoin de monde dans les champs, on va les foutre dans les champs. Et ils les foutent dans les champs, et les gars ne savent pas, en fait, faire pousser des légumes. Donc c'est un désastre, tu vois. Et on se dit, mais qu'est-ce qu'on fait ? Et donc, il y a en fait à la fois tout... un pan de la population qui n'a même plus lieu d'être, en fait, on n'en a plus besoin d'eux. Et en même temps, cette population-là, qui a été pendant des siècles absolument indispensables, elle a des privilèges. Et donc, elle va chercher à garder ces privilèges, hors de question pour eux de se séparer de ces privilèges, et notamment des rentes éventuelles qu'ils peuvent toucher. Alors, à l'époque, ils ne touchent pas des espèces sonantes et trébuchantes, ils sont payés en riz ou en voilà. Et hors de question pour eux de perdre ces privilèges-là. Donc, il va falloir défendre ces privilèges. Et donc va se mettre en place ce que Olivier Ansar, qui a contribué dans le bouquin, ce que lui appelle le théâtre, finalement. Les samouraïs vont se mettre en scène et vont commencer à se dire, bon, il faut que notre cast, on trouve un truc qui nous rassemble, qu'on s'invente des codes, une apparence, tu vois, des traditions, une façon d'être et qui nous permettent de justifier le fait que, socialement, on soit au-dessus des autres, en fait, et qu'on ne perde pas nos privilèges. Et ça, c'est un théâtre qui va s'exprimer, se renforcer à travers tout plein d'aspects, et notamment la mise en place de ce fameux code d'honneur, du Bushido, de la voie du guerrier, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de code avant. Parce qu'il y a pu avoir des codes, clairement, mais c'était des codes qui étaient plutôt locaux. Tu vois, t'as un, je sais pas moi, un seigneur local qui va dire, bon bah les gars, vous bossez pour moi, tant que vous bossez pour moi, c'est interdit de faire ça, c'est interdit de faire ça, quand tu veux t'adresser à un tel, tu le fais comme ça. Bon, il pouvait y avoir des codes, mais il n'y avait pas un truc unifié, et c'était pas du tout le même code pour tout le monde, quoi. À partir de là, on va essayer d'en faire finalement une sorte de guide spirituel, tu vois, de Bushido, et de l'imposer comme étant l'idéal du samouraï. Et ce qui va renforcer notre vision contemporaine du samouraï à travers le dévouement jusqu'à la mort, c'est un autre bouquin que tu as évoqué tout à l'heure. Il y a eu le Bushido, donc, qui est là aussi pour exacerber un peu de nationalisme. Mais on a le Hagakure. Et le Hagakure, c'est vraiment produit très tardivement aussi. Et c'est produit par un samouraï qui est sur la fin de sa vie, qui va se confier en gros à son assistant. Et c'est un recueil de petits textes sur ce que doit être un samouraï, de comment il doit se comporter. et c'est vrai que dans ce bouquin on revient quand même très très souvent à la mort en fait le gars il te dit si la mort elle est en face de toi vas-y quoi, parce que t'es un vrai samouraï donc montre bien tes pectoraux et empale-toi sur le sabre de l'adversaire t'auras une belle mort et donc une belle vie c'est grosso modo et donc c'est vrai que ça peut paraître un petit peu étonnant et en fait ce qui est rigolo c'est que quand on prend un peu de recul sur ce Agakure, on s'aperçoit que C'est un peu une écriture un peu méta, où le mec prend de la hauteur, finalement, sur sa propre condition, quoi. Le gars se rend compte que les samouraïs, ils sont en train de crever, parce que ça fait deux siècles qu'on n'a plus besoin d'eux, quoi. Et à un moment donné, il faut passer à autre chose. Et donc, le gars se dit, le Makas, t'es en train de mourir, on ne sert plus à rien. Et donc, il va le mettre par écrit, en disant aux samouraïs, bon, bah ouais, effectivement, la bonne manière de finir, là, c'est de mourir, quoi. C'est vraiment un discours un peu méta qui est développé là-dedans. Et ce qui est intéressant, c'est que du coup, ça va participer à la fabrique du cliché du parfait petit samouraï. Et donc, ça va vraiment alimenter ce cliché qu'il y a eu dans la pop culture, mais aussi cet idéal qui va être utilisé avant la Seconde Guerre mondiale pour embrigader aussi les jeunes. Le Hagakure, ça va être un instrument de propagande, clairement.

  • Speaker #1

    Justement, tu l'as dit à un moment, ces samouraïs vont devoir disparaître. C'est assez intéressant parce que certains vont porter au final l'attirail administratif et donc d'une certaine façon la modernité du Japon. Certains vont commencer à ouvrir des usines, des choses comme ça. D'autres vont complètement péricliter et disparaître dans l'oubli. Qu'est-ce qui reste aujourd'hui de cette classe des samouraïs ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui reste aujourd'hui ? Alors, je ne suis pas un grand spécialiste de ça, mais ce qui est sûr, c'est que cet idéal samouraï, il a été... utilisés aussi par certains. Tu vois, même dans la mafia, les yakuza, il y a une espèce de justification des idéaux ou de la manière de se comporter ou d'être, ou de fabrique du folklore en se reposant sur, effectivement, une sorte d'acquis passé, qui n'est pas forcément un acquis, mais qui est, du coup, là aussi, un folklore qui est fabriqué. Au même titre que des mouvements politiques dans tous les pays du monde vont pouvoir s'asseoir sur leur histoire, on va dire nationale, pour justifier... des positions politiques, le samouraï peut aussi être une figure politique qu'on va solliciter pour justifier, finalement, une décision ou une idéologie. Regardez, avant, il se comportait comme ça, c'était des vrais bonhommes, alors nous aussi, on va se comporter comme ça. Et c'est notamment pour ça que le samouraï, pendant, même encore aujourd'hui, a une image très viriliste. Et ça, c'est rigolo parce qu'on l'aborde dans le bouquin aussi, et c'est à la fois vrai et pas vrai, le samouraï ultra-viril. C'est-à-dire que globalement, les samouraïs, ce qu'on dit dans le bouquin, c'est qu'ils déconsidéraient très fortement la femme. Que souvent, la femme, c'était fait pour enfanter et puis basta. Et du coup, on reste entre mecs.

  • Speaker #1

    Ils avaient peur d'attraper la faiblesse, entre guillemets, de la femme dans leur talent guerrier, etc.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, dans des écrits, pendant cette période de paix, à l'époque Tokugawa, on a des écrits. Deux gars qui se lamentent un peu en disant « Ah, regardez, maintenant, les samouraïs, c'est devenu des femmes, ils se sont féminisés, voilà. » Et en même temps, ce qui est assez marrant, c'est que du coup, vu que le summum de la virilité, c'est d'être contre-mec, finalement, le seul amour véritable, c'est celui que tu peux donner à un mec. Donc, on parle aussi... Alors, c'est compliqué de qualifier ça d'homosexualité, parce que c'est pareil, les conceptions sont... L'homosexualité, c'est très contemporain. comme système de pensée. Quand on regarde l'Antiquité grecque, avec notre référentiel, oui, l'homosexualité existait, mais pour eux, ça n'en était pas. bon bah là c'est pareil pour les samouraïs Il y avait des relations entre mecs, en fait. Et ça, on en parle dans le bouquin. Et ça, c'est vraiment un truc qui est inenvisageable pour une partie des gens qui se disent « Non, non, les samouraïs, c'est l'idéal viril. Ils ne peuvent pas avoir des relations avec d'autres hommes. » C'est une figure extrêmement ambiguë, finalement, et qui est, encore aujourd'hui, très malléable.

  • Speaker #1

    Alors, justement, dans cette pop culture, moi, il y a un exemple qui m'a assez perturbé. Tu en parles dans le livre. C'est la princesse Mononoke de Miyazaki. que tout le monde pratiquement connaît, où, en fait, lui, il va développer une image très négative des samouraïs, parce que, justement, il est plutôt pacifiste, Miyazaki, et le peu de samouraïs qu'il va représenter, parce que quand on est attentif, dans ses animes, il y a très peu de samouraïs représentés, mais, généralement, c'est des brutes épaisses, entre guillemets, qui portent une certaine violence. Or, de tout ce qu'on a dit ici, la figure du samouraï, elle est beaucoup plus complexe que celle-là. Donc, on reste dans ces messages Au final, la pop culture véhicule un message assez standardisé des samouraïs, alors que ce qu'on doit, je pense, qu'on peut retenir de l'épisode et qu'on peut retenir du livre, c'est que cette figure du samouraï, elle est multiple et elle est beaucoup plus complexe que celle-là.

  • Speaker #0

    Oui, clairement, et même au sein du Japon, la réception du samouraï a été différente suivant les époques. C'est-à-dire qu'il y a un moment donné, au Japon, le samouraï, c'était considéré comme... Le guerrier, barbare, inculte, qui pille, qui viole. Et ils n'étaient absolument pas respectés. C'est-à-dire que dans la capitale, dans les grandes villes, ils étaient déconsidérés. Le samouraï qui se pointait en ville, on disait c'est le péquenaud utile qui s'est manié une épée. Et après, ça va s'inverser à un moment donné. Et d'ailleurs, on va avoir différents chefs de guerre qui vont mettre un point d'honneur. à soutenir des producteurs de lettres, d'art, pour acquérir justement une certaine légitimité auprès des élites intellectuelles, et pour pouvoir prendre après le pouvoir. Et c'est hyper intéressant, en fait, de voir cette évolution-là du samouraï. Et c'est intéressant d'ailleurs aussi de voir comment cette caste, finalement, va se mixer avec d'autres, à partir d'un moment, pour atteindre ses objectifs, puisque quand le samouraï devient totalement déconsidéré, Ce qui est intéressant, c'est que chez les samouraïs, tu peux adopter. Tu n'as pas ce truc de dire, ah merde, je n'ai pas d'enfant, je perds mon héritage, enfin, je n'ai pas d'enfant biologique, c'est-à-dire que tu peux vraiment adopter quelqu'un et dire, maintenant, ça c'est mon fils, il s'inscrit dans ma lignée, il a mon âme généalogique, tout ça. Et donc, il y a des adoptions qui vont se faire à un moment donné, des échanges entre des familles de marchands bien installés, qui ont des thunes, et des familles de samouraïs qui, elles, ont une aura politique. ou une réputation, mais qui n'ont pas de thune. Et donc, les deux familles s'associent en s'adoptant, entre guillemets, l'une de l'autre pour pouvoir se renforcer. Et donc là, on voit que l'image du samouraï, finalement, elle est plus que jamais très transverse et elle mute tout le temps.

  • Speaker #1

    Et moi, c'est quelque chose qui m'a beaucoup interpellé aussi, c'est que tous les aspects de la vie japonaise vont être influencés à un moment ou à un autre par les samouraïs. Tu l'as dit, la culture, dans certains moments dans l'histoire, ils vont jouer des rôles... politiques, au-delà d'être guerriers, ils vont être dans l'administration, ils vont être arpenteurs pour faire un espèce de cadastre des terrains. Ils vont vraiment influencer complètement et transversalement la vie au Japon.

  • Speaker #0

    Oui, et ce qui est intéressant, c'est de voir aussi que la plupart des aristocrates de cette époque, du coup, étaient samouraïs ou fils de samouraïs. Donc, on essayait de caser un petit peu les gens à droite à gauche. Et finalement, même si le système est tombé, il y a eu cette mutation, mais... il y a quand même des gens qui sont restés là où ils étaient. Et au même titre qu'aujourd'hui, en France, on a des familles qui sont encore très influentes dans certaines villes et qui sont les héritières de fortunes qui se sont construites, par exemple, sur l'esclavage, à Nantes, à Bordeaux. C'est un peu pareil au Japon, c'est-à-dire qu'il y a des élus locaux, des politiques qui sont eux-mêmes les héritiers de familles de samouraïs. Et du coup, j'ai eu la chance d'aller au Japon pour tourner un documentaire sur les samouraïs, justement. Et ce qui était drôle, c'est qu'à un moment donné, il y avait un élu qui était là, et puis il y avait quelques personnes qui le critiquaient en disant « De toute façon, il est là juste parce qu'il avait sa famille de samouraïs là où il valorise ses ancêtres. » Et puis voilà, c'était vraiment l'aristocratie qui s'est placée. Qui s'est placée dans le nouveau système. Et les gens étaient un peu critiques vis-à-vis du type. Donc c'est marrant de voir qu'il y a encore ça.

  • Speaker #1

    Alors je me rattache un petit peu à Assassin's Creed Shadow. Dans Assassin's Creed Shadow, on voit aussi les ninjas d'Iga, dont on ne parle pas nécessairement dans le bouquin. Comment les ninjas se positionnent par rapport aux samouraïs ? Est-ce que les ninjas ont réellement existé ou est-ce que c'est des samouraïs particuliers ? Comment tu vois les choses par rapport à tout ça ?

  • Speaker #0

    Les ninjas ont réellement existé, il n'y a pas de souci. Maintenant, il faut nuancer vachement leur image aussi, qui a été une image extrêmement romancée. Pareil, on a une espèce de rôle très défini du ninja, on voit très bien son accoutrement, ses armes. C'est le mec, l'assassin qui est envoyé dans l'ombre. Tout a l'air très très défini quand on voit des films aussi noches avec le ninja, alors qu'en fait c'est une figure qui est beaucoup plus floue que ça. Pareil, je ne suis pas un grand spécialiste, mais je sais que Pierre-François Suiri a produit un ouvrage entier sur les samouraïs dernièrement et qu'il a quand même démonté énormément de choses là-dessus. En gros, on avait un bouquin qui faisait un peu référence sur les ninjas, c'était aussi Stephen Turnbull. Et c'est vrai qu'il a été un peu débunk. par Suiri et d'autres sur cette Ausha. Il y a aussi une folklorisation de ninja au Japon et ailleurs à des fins touristiques, clairement. Mais ce qu'on peut dire, c'est que ça a été un phénomène qui s'est moins étendu dans le temps, que souvent, c'était des gens relativement pauvres qu'on allait engager pour aller faire diverses missions et que ces missions-là... Alors, ça pouvait aller jusqu'à l'assassinat, mais enfin, c'était pas le gros du boulot. C'était surtout du renseignement, en fait. C'était l'éclaireur que t'envoies, quoi, tu vois. C'était surtout ça. C'était surtout des gens très, très pauvres et pas vraiment comparables avec la classe des samouraïs, pour le coup. Mais c'est intéressant de le voir aussi en scène dans Assassin's Creed. De toute façon, c'est un terrain de jeu assez formidable. Moi, c'est ce que j'aime bien dans les assassins, c'est qu'ils jouent avec l'histoire. Donc, ils sont forcément obligés. de jouer avec ce qu'attend le public aussi, c'est-à-dire ces clichés qui ont été fabriqués parfois de toutes pièces, ils vont les reproduire, et en même temps, de façon assez étonnante, il y a pas mal de petits trucs à droite à gauche aussi qui vont pouvoir débunker, justement prendre le contre-pied, où il y a des gens qui vont, en jouant au jeu, se dire « Ah, c'est bizarre ça, ils font un peu n'importe quoi là, Ubisoft ! » Bah non, en fait, là pour le coup, c'est un truc qui est assez carré, assez représentatif des habitudes de l'époque, ou de ce qu'ils portaient, et donc c'est marrant de voir ce mélange entre finalement une approche où parfois tu sens qu'ils ont envie d'aller plus loin et de se rapprocher d'un côté plus scientifique et carré et en même temps ces libertés qu'ils prennent et cette machine à clichés aussi qui s'enclenche et là avec le ninja ça peut peut-être aussi en être une aussi mais tu vois ils ont fait appel à des historiens aussi sur la production, Pierre-François Suiri a fait partie de cela maintenant il faut voir aussi le rôle c'est à dire que c'est Le jeu et les équipes du jeu et le développement du jeu priment toujours sur l'historicité. Et entre un truc qui est juste historiquement et le fun, ils vont toujours privilégier le fun à la cohérence historique. Donc les historiens qui bossent sur ces productions, eux, ils sont là pour faire un genre de bible en disant « Bon voilà, vous allez travailler sur cette période, à l'époque ça ressemble à peu près à ça, l'économie c'est ça, les marchands ils vendent ça, le guerrier il a ça, ça, ça comme pièce d'armure. » Et après, démerdez-vous. C'est-à-dire que moi, mon rôle s'arrête là. Et ensuite, c'est le rôle du créatif qui prend le dessus. Fun fact, quand même. Dans le jeu, on a plein de collectables, plein de trucs et tout. Et donc, bref, dans le jeu, on peut trouver des petits sanctuaires un peu partout et faire une prière aux dieux locaux, en fait. Et il se trouve que pendant mon documentaire au Japon, que je tournais sur les samouraïs, il y a quelques mois, j'ai eu la chance de rencontrer le conseiller historique de la série Shogun.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    qui est un gars absolument remarquable. Et je l'ai rencontré dans un petit sanctuaire un peu paumé, dédié à un dieu de la guerre. Et en fait, le mec me dit, écoute, si tu veux, ensemble, je t'apprends à faire la prière au dieu de la guerre dans le sanctuaire. Et ce qui est drôle, c'est que le mec commence à se mettre en position. Et là, je me dis, putain, je sais ce qu'il va faire, parce que je l'ai fait 50 fois dans Assassin's Creed. Et effectivement, le mec commence à se mettre en place. Il frappe deux fois dans ses mains. Il fait exactement tout pareil comme dans le jeu. Et donc, quand j'y étais, je fais la prière, moi aussi, au dieu de la guerre. Et il me dit, franchement, pas mal. J'étais en mode, aucun mérite, vraiment. J'ai tout appris dans la sans-scrit.

  • Speaker #1

    Et au final, ce que fait Ubisoft, c'est ce qui s'est passé aussi dans l'histoire. C'est une appropriation culturelle. Ils refont une histoire, entre guillemets, des samouraïs qui servent leurs propos. Mais ce que plein d'autres ont fait, puisque cette figure du samouraï, on l'a démontré dans l'épisode, a été utilisée à plein de moments différents. Donc, ce n'est pas si différent de ce qui s'est passé par le passé.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Après, il faut juste assumer. Ça a toujours été le souci du BISOF là-dessus. J'ai la sensation, en parlant avec les gens qui font le jeu, qu'ils sont en mode « on assume, il n'y a pas de problème » . Et puis, une vision marketing, à un moment donné, qui était en mode « vous allez apprendre l'histoire, les gars » . Ce qui n'est pas vraiment le cas. Mais par contre, il y a plein d'autres mérites. Parce que selon moi, ça peut permettre de plonger des jeunes, et moins jeunes d'ailleurs. dans l'histoire, de leur donner envie de s'intéresser à une période. Je pense que ça a des vertus. Maintenant, celle d'apprendre, stricto senso, l'histoire, non. Mais ça, j'ai l'impression qu'il n'y a pas un rétro-pédalage, mais en tout cas, il y a une approche un peu plus nuancée depuis quelques années là-dessus, de la part du marketing du bi.

  • Speaker #1

    Alors, je vais terminer avec deux questions. On arrive à la fin de l'épisode. La première concerne les samouraïs, la seconde, c'est plutôt sur toi, ton objectif à toi quand tu fais tout ça. Donc... Cette première question sur les samouraïs, c'est est-ce que tu peux nous partager quelques œuvres modernes, quand je dis modernes, c'est des 20 dernières années, qui t'ont vraiment marqué et qui, par rapport à ton travail sur les samouraïs, te semblent quand même assez intéressantes pour être vues, même s'il faut les regarder avec un prisme particulier.

  • Speaker #0

    Ouais, ben moi, après, le truc, c'est que ça tourne vraiment autour du cinéma et des jeux vidéo. C'est-à-dire que côté littérature, je ne vais pas pouvoir te conseiller grand-chose, mais c'est sûr que... Un truc qui a été fondateur pour moi, c'est effectivement Le Dernier Samouraï. Et ce qui est intéressant, c'est de le regarder avec cet œil un peu critique. Lisez le bouquin ou renseignez-vous ailleurs. Même allez lire un peu du Wikipédia, si vous n'y connaissez rien sur les samouraïs, à ce contexte dans lequel se passe le film. Parce que c'est hyper intéressant. Et qu'en plus, au-delà de l'aspect samouraï, Le Dernier Samouraï, enfin le mec que joue Tom Cruise, en vrai, c'était un Français.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Jules Brunet. Et que ça a été bien plus loin que ça. C'est-à-dire que suite à ces épisodes-là, il y a même eu une... Ça n'a pas duré longtemps, mais il y a même eu une république qui s'est créée dans le nord du Japon, quoi. Tu vois ? C'est-à-dire que les Français ont un peu essayé d'influencer le game là-bas. Bon, ça n'a pas marché. Mais c'est rigolo. Donc, ce film-là, Le Dernier Samouraï, oui, il est marquant. Un autre film qui peut être intéressant, mais c'est pareil, c'est pour l'appareil critique, ça va être Ghost Dog, la voix du samouraï avec Forest Whitaker qui en gros c'est un tueur à gage qui travaille pour la mafia mais qui se dit moi j'ai un code d'honneur et qui en fait suit le code d'honneur des samouraïs et qui suit en particulier le Bushido et le Hagakure et donc c'est drôle parce qu'en plus dans le film il y a plein de citations du Hagakure et tout ça et ça nous permet de remettre en perspective un petit peu tout ça de manière un peu rigolote donc ça je vous le conseille Ghost Dog qui de prime abord a vraiment rien à voir avec les samouraïs mais qui en fait en parlent beaucoup d'accord Après, dans les jeux, alors forcément, je peux conseiller Assassin's Creed Shadow, que moi j'ai beaucoup aimé, et qui vous renseignera vraiment sur la fin de cette période de l'unification, qui est hyper intéressante, où on voit d'ailleurs un ou deux unificateurs, je ne spoil pas l'histoire, mais ça pose quand même un contexte qui est intéressant, ça pose des pratiques aussi, ça pose parfois un cadre social et politique qui est intéressant à analyser, même s'il faut prendre des pincettes, parce qu'effectivement, en tant que joueur lambda, Oh ! Si tu n'y connais rien, tu ne peux pas faire la distinction entre ce qui relève de la vraie histoire et ce qui relève du scénario, en fait, pour faire progresser l'intrigue. Mais c'est intéressant quand même. On parlait de Ghost of Tsushima tout à l'heure. Moi, c'est les trucs qui m'intéressent aussi, notamment parce que ça fait écho à une période du Japon qui est vraiment méconnue, qui est celle des invasions mongoles. Ça, c'est hyper intéressant aussi. Les invasions mongoles, spoiler, ont échoué. Mais pouvoir se retrouver plonger dans ces univers-là qui font aussi beaucoup d'appels du pied à tout cet aspect cinématographique qui a été développé pendant des années. D'ailleurs, il y a même un mode Kurosawa que tu peux activer sur Ghost of Tsushima où ça te passe le jeu en noir et blanc. Donc c'est plutôt drôle. Mais donc voilà, c'est plutôt des œuvres de pop culture que je vais conseiller. Et puis tu as tout justement ce cinéma de Kurosawa et des vieux films de samouraïs qui peuvent être consommés, qui parfois maintenant sont un peu kitsch. mais Bon, c'est comme les vieux cow-boys, quoi.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Petite question sur la série Shogun. T'en parlais tout à l'heure. Comment tu la situes par rapport à à tout ce dont on a discuté aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Moi, je trouve que globalement, c'est quand même pas mal. C'est quand même pas mal. Il y a toujours des clichés qui sont véhiculés. Mais tu vois, cette image du guerrier 100% loyal, tout ça et tout, elle est mise à mal dans la série.

  • Speaker #1

    Oui, on le voit très tôt, même, avec des alliances rompues, etc.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Donc, en fait, tu as des trucs qui, historiquement, sont un peu bancales sur ses contacts avec les premiers occidentaux, tout ça. Bon, mais... C'est pour servir le propos de la narration, et encore une fois, ce n'est pas un bouquin d'histoire, donc on comprend pourquoi ça a été fait. Il y a l'idée globale qui émerge de tout ça, qui est bien plus intéressante. Moi, ce qui m'a vraiment plu dans cette série, ça a été aussi le rôle de la traduction. Tu as un personnage en particulier qui a un rôle de traduction entre les Occidentaux et les Japonais, et on voit toute la subtilité qu'il peut y avoir dans ce travail de traduction. entre un occidental qui dit merde et la meuf qui doit mettre les formes auprès des japonais qui sont en face et inversement en fait. J'ai adoré ce côté-là qui trop souvent est laissé de côté. C'est vrai que la langue c'est quelque chose qu'on laisse souvent de côté dans les séries et là on s'en sert de manière très intelligente dans cette série.

  • Speaker #1

    Super. Dernière question qui te concerne plus personnellement entre guillemets. Ton objectif à toi, quand tu as lancé ta chaîne YouTube, quand tu fais ce type d'ouvrage, etc., au-delà de parler d'un sujet qui te passionne, on l'a entendu, je pense, c'est quoi au final ?

  • Speaker #0

    Alors moi, mon objectif, ça a évolué aussi au fur et à mesure des années. C'est-à-dire que maintenant, ça fait 11 ans, au moment où on enregistre cette émission que je fais Nota Bene, moi, ma vision de l'histoire a vachement évolué depuis 11 ans aussi. Je n'avais pas du tout les tenants et les aboutissants de toute la discipline et de tout ce que ça peut impliquer. quand j'ai lancé la chaîne. Moi, au départ, c'était surtout une émission de divertissement avec ce terrain de jeu formidable qu'est l'histoire parce qu'il s'est tellement passé de trucs incroyables dans tous les domaines qu'il y avait de quoi s'amuser. Donc l'envie première, c'est de se divertir au départ. Et c'est toujours le cas parce que je pense que ce qui est important aussi dans l'émission, c'est que les gens ne se fassent pas chier et puis puissent voyager. C'est ce que finalement... Beaucoup d'historiens avec qui je travaille soulèvent, c'est-à-dire que quand on dit à quoi ça sert l'histoire, des gens comme William Blanc avec qui j'ai bossé, mais aussi des gens comme Patrick Boucheron, qui est quand même au Collège de France, vont te dire mais en fait l'histoire ça sert à s'évader, à penser à autre chose, à se projeter dans un autre monde qui n'existe pas aujourd'hui ou n'existe plus en fait. Donc c'est un formidable moyen de pouvoir voyager et échapper à son quotidien qui parfois peut être un petit peu morose. Donc il y a déjà ce divertissement premier qui est important et qui n'est pas à négliger. Ensuite, pour moi, ce qui est important, ce que j'ai appris au fur et à mesure de ces années, c'est à être très humble devant cette matière historique, et plus généralement dans le monde qui nous entoure, parce que tout est quand même très complexe, et que plus on tente d'en savoir sur un sujet, et plus on se rend compte qu'on n'en saisit pas tous les tenants et les aboutissants. C'est souvent ça le vertige un peu de l'universitaire qui fait sa thèse et qui se dit « bon ok, j'ai une connaissance très pointue, et en même temps, il y a tellement de zones d'ombre » . de trucs qu'on ne sait pas, que tu te rends compte à quel point c'est vertigineux. Et donc, il y a cette humilité que tu cultives et cette approche de la méthodologie historique. Moi, ce qui m'intéresse vraiment aujourd'hui, c'est de montrer aux gens comment est-ce que cette histoire, comment est-ce qu'elle se produit en fait ? Comment est-ce qu'elle s'écrit ? Et c'est le premier truc que tu fais quand tu commences une carrière d'historien, tu vois, c'est que tu es confronté aux sources dites primaires, donc aux documents que tu vas devoir analyser et faire parler. Et c'est, mais qui a écrit ce document ? Pourquoi est-ce qu'il l'a écrit ? Dans quel contexte il l'a écrit ? Parce que tout ça n'est pas anodin. Si aujourd'hui tu prends un article de Luma ou du Figaro sur un même sujet, ça va être traité de façon différente. Donc l'historien qui va bosser dessus dans 200 ou 300 ans, il ne peut pas se reposer sur uniquement l'article du Figaro ou l'article de Luma pour savoir ce qui s'est réellement passé ou faire son analyse, parce qu'en fait ça va être un petit peu différent. Donc il faut confronter après les sources. donc voir comment cette histoire elle a été produite pourquoi elle a été produite, comment est-ce qu'elle a été transmise, mais même pas jusqu'à nous direct, mais comment est-ce qu'elle a été transmise dans l'histoire, parce qu'on le voit tout à l'heure à travers l'exemple de Jeanne d'Arc que j'ai développé, mais à travers tout un tas de textes, ces textes ou ces personnages ou ces événements historiques ont eu des réceptions, des réécritures différentes qui ont évolué au fur et à mesure de l'histoire, et finalement nous, aujourd'hui, on en a une version, on en a une réception, qui sera sans doute peut-être pas celle... qu'en feront nos descendants dans 50 ans, 100 ans, 200 ans, 1000 ans, en fait. Et c'est ça qui est intéressant aussi, et en se posant toutes ces questions, et en essayant de détricoter tous ces mécanismes qui font que l'histoire, c'est ce qu'on a aujourd'hui, on développe tout un appareil critique, finalement, qui nous sert dans la vie de tous les jours, et qui, j'espère, moi c'est mon côté un peu naïf, fait de nous des citoyens un peu plus alertes. C'est-à-dire que quand t'as des situations politiques... complexes à laquelle on va être confronté, ou des situations économiques, des situations sociales, qu'on puisse prendre un peu de recul et se dire, en fait, j'ai pas tous les tenants, tous les aboutissants, peut-être que c'est pas... La réponse, elle est pas si simple, peut-être que c'est multifactoriel, ce qui se passe souvent, tu vois, en histoire, quand on te pose une question qui a l'air très simple. L'historien te répond, c'est plus compliqué que ça. Bah ouais, en fait, c'est la vie, quoi. C'est la vie. Et donc, tu vois, l'histoire, c'est un peu... Quand t'apprends l'histoire, t'apprends un peu l'école de la vie aussi. Et intellectuellement, tu développes pas mal de mécanismes de défense. Alors, ça veut pas dire que ça va te protéger contre tout. Ça veut pas dire que tu seras immunisé contre la connerie. Ça veut pas dire que tu peux pas faire fausse route. En tout cas, ça permet de prendre un petit peu de recul. Ça force à l'humilité. Et ça permet aussi, je trouve, parfois de... de se mettre un petit peu à distance des événements, tu vois. Parce qu'il y a des fois où tu te dis, j'ai envie de faire quelque chose, à titre individuel, comment je peux changer les choses ? Bon, c'est compliqué, en fait. Et quand tu regardes les mécaniques qui agitent l'histoire, tu t'aperçois que les hommes providentiels, finalement, ça existe assez peu, que tout est assez conjoncturel, qu'évidemment qu'il y a des individualités qui émergent et qui vont permettre des trucs, mais tout ça, c'est des phénomènes collectifs ultra complexes. Et finalement, ça aide à se remettre un petit peu à sa place. Quand j'ai épousé ma femme, on est parti en vacances en Islande pour notre voyage de noces. Et pour la première fois de ma vie, devant ces paysages, je me suis dit, OK, je ne suis rien. Je ne suis rien, je peux mourir maintenant. Et en vrai, ça ne changerait strictement rien à la face du monde. Et en fait, l'histoire, c'est un peu ça. C'est mon Islande. C'est-à-dire que quand tu te poses devant, tu te dis, Ah, écoute, je vais faire du mieux que je peux pour que peut-être... notre monde sera un petit peu meilleur demain, mais ce n'est pas moi qui vais révolutionner l'humanité, quoi.

  • Speaker #1

    Super, et bien, merci beaucoup pour cette réponse, et merci beaucoup d'avoir pris le temps d'enregistrer cet épisode. Je rappelle le titre du livre, le livre s'appelle Les Samouraïs, par Nota Bene, c'est un livre avec un collaboratif, donc tu as été recherché plein, plein de scientifiques, 8 au total, qui ont écrit toute une série d'articles différents. Comme tu l'as dit aussi, c'est plus... Moi, j'ai trouvé que c'était une histoire du Japon que tu avais écrite à travers les samouraïs, parce qu'on voit que leur influence est très grande. On en a discuté aussi dans l'épisode. Eh bien, Benjamin, merci beaucoup pour cela. Et chers auditeurs, chères auditrices, je te dis à dans deux semaines pour le prochain épisode de Science, Art et Curiosité, le podcast du MUMONS. Passez une belle journée. Benjamin, à très bientôt.

  • Speaker #0

    Salut !

  • Speaker #1

    Tu viens d'écouter un épisode du podcast du MUMONS. Et franchement, j'espère qu'il t'a plu. D'ailleurs, si en passant, tu veux me faire un retour ou si tu as des idées d'amélioration, surtout n'hésite pas à nous contacter. Tu peux aussi devenir notre ambassadeur et faire découvrir ce podcast tout autour de toi. Si tu as des idées de sujets ou si tu souhaites enregistrer un épisode, surtout n'hésite pas à nous contacter. Rendez-vous sur le site internet mumons.be ou sur la page Facebook du Mumons.

Chapters

  • Introduction et présentation de l'épisode sur les samouraïs

    00:37

  • Le parcours de Benjamin Brillaud et son intérêt pour les samouraïs

    00:43

  • L'influence des samouraïs sur la culture japonaise et leur rôle historique

    01:01

  • Collaboration et recherche pour le livre sur les samouraïs

    01:57

  • Définition et évolution du concept de samouraï

    16:41

  • La hiérarchie et les relations entre samouraïs, shoguns et empereurs

    20:48

  • Les ronins et leur place dans la société japonaise

    22:28

  • La représentation des samouraïs dans la pop culture

    23:48

  • Ninjas et samouraïs : différences et similitudes

    44:22

  • Conclusion et objectifs de Benjamin dans son travail

    54:31

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