- Speaker #0
Le Musée SACEM présente Ma première fois,
- Speaker #1
un podcast animé par Stéphane Lerouge. Dans Ma première fois, un compositeur connu et reconnu nous raconte sa première expérience de musique à l'image avec son lot de réussite. de déception, d'aléatoire, de doute et d'enthousiasme. Pour ce troisième épisode, nous accueillons une personnalité chaleureuse et attachante dont le cinéaste Henri Verneuil disait « Ce n'est pas un compositeur, c'est un aristocrate de la mélodie. » Accordéoniste de formation, accompagnateur d'Edith Piaf, son destin l'a amené des collines de Nice à celles d'Hollywood. Il détient le record d'écriture de bandes originales pour un même cinéaste avec 34 films de Claude Lelouch. son frère de cinéma. Ses partitions emblématiques s'intitulent Un homme et une femme, Vivre pour vivre, Le passager de la pluie, Love story, Billitis, Les uns et les autres, Les ripoux, Les yeux noirs, Itinéraire d'un enfant gâté, 1 plus 1. Bonjour Francis Lé.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #1
Alors comment apprend-on à dialoguer avec un cinéaste, à cerner ses attentes, à l'accoucher ? Est-ce que vous, ça vous a pris du temps ?
- Speaker #2
Euh... Pas tellement, parce que j'avais des arguments quand on m'a proposé... C'est Nadine Treténia qui m'a proposé la première expérience cinématographique que je n'avais jamais touchée à ce genre de problème musical, puisque moi j'écrivais des chansons, j'étais compositeur de chansons, donc ma plus grande passion c'était la chanson, et je n'écrivais que ça. Et quand Nadine m'a proposé de lui écrire un thème, pour son premier court-métrage qui s'appelait « Fragilité, ton nom est femme » . J'ai accepté parce que c'était une expérience nouvelle pour moi. Et puis surtout, j'avais envie de me servir d'un instrument qui me passionnait et qui me donnait la chair de poule, qui était un saxo alto. Et le fait de pouvoir dire à Nadine, « Tu sais, je vais te faire un thème avec un saxo alto, il va y avoir beaucoup d'émotions. » Et ça a été ma première expérience cinématographique. Ensuite, tout s'est enchaîné avec les rencontres sur la butte Montmartre, avec Pierre Barou, avec Bernard Dibé, avec Michel Magne, avec des gens que j'admirais et que je n'avais pas eu l'occasion de coctoyer.
- Speaker #1
Vous avez démarré d'abord comme accompagnateur, et d'accompagnateur, vous êtes devenu compositeur, compositeur de chansons. Mais est-ce que ça vous a touché, le fait d'écrire une musique, qui soit de musique instrumentale et privée de mots, Et brusquement, ce n'était plus le compositeur qui était derrière un interprète de variété. C'était le compositeur tout court qui montait au créneau sans texte et sans chanteur.
- Speaker #2
Comme j'ai fait beaucoup, beaucoup d'orchestres, j'étais musicien d'orchestre aussi. J'ai joué du bâtonnéon, j'ai joué de la contrebasse, j'ai joué des percussions. J'étais multi-musicien, j'étais multi-instrumentiste. À ce moment-là, je faisais des thèmes spécialement pour l'orchestre dans lequel je jouais. Et il n'y avait pas de paroles, bien sûr. Il n'y avait qu'uniquement, c'était musical. Et c'était mes premières expériences un tout petit peu musicales sans texte, justement.
- Speaker #1
Alors, il y a cette première demi-fois qui est donc avec Nadine Trintignant sur ce court-métrage, Fragilité, ton nom est femme. Et ensuite, il y a votre vraie première fois sur un long métrage. Et votre chance, c'est que cette première fois-là, vous l'avez vécu avec un cinéaste qui allait devenir le cinéaste de votre vie.
- Speaker #2
Et oui, comme quoi, il a fait un film qui s'appelle « Hasard ou Coïncidence » et ça porte tellement bien ce titre parce que ça a été le hasard que Barou tourne dans un film d'un jeune metteur en scène absolument inconnue à l'époque.
- Speaker #1
Barou était votre copain.
- Speaker #2
Barou était le paroïnier qui écrivait des chansons ensemble. Il a proposé à ce jeune cinéaste de lui faire écouter les chansons que nous écrivions ensemble. Et parmi ces chansons, il y avait une chanson qui s'appelait « L'amour est bien plus fort que nous » qui avait beaucoup plu à ce jeune cinéaste et qui lui a dit « Mais écoute, est-ce que tu veux nous garder cette chanson pour mon prochain film que j'ai dans la tête ? » Et on était très heureux avec Pierre, on lui a dit « Mais bien sûr ! » Et donc cette chanson qui a ouvert les portes de la musique de film, c'était « L'amour est bien plus fort que nous » qu'il a d'ailleurs utilisé dans ce long métrage qui était en préparation et qui s'appelait « Un homme et une femme » .
- Speaker #1
Est-ce que vous accepteriez, Francis, de nous jouer tout de suite les premières mesures de ce thème, de cette chanson, L'amour est bien plus fort que nous ?
- Speaker #2
Ah oui.
- Speaker #1
Est-ce que vous vous souvenez du premier jour, de la première rencontre avec Claude Lelouch ? Quelle image vous avez de lui, de cette rencontre-là ? Oui,
- Speaker #2
parce qu'à la suite de cette rencontre avec Barreau et Lelouch, quand Lelouch m'a proposé à la fin d'écrire toute la musique du film, il me dit « voilà, moi je voudrais des thèmes qui soient faciles à retenir et qui puissent éventuellement devenir chansons » . Et je lui dis « bon, si ça doit devenir chansons, ça je sais plus où moi le faire » . Et il me dit, je vous raconte le synopsis du film, et puis vous racontez ce que je vous ai raconté en musique, avec vos notes. Donc il m'a raconté cette fameuse histoire, et moi je suis parti dans les recherches de thèmes. Et j'ai dû en faire une quinzaine de thèmes, et puis il m'a appelé, il m'a dit, où tu en es avec les thèmes pour le film ? Il me dit, voilà, j'en ai fait pas mal. Si vous voulez, on se rencontre et on se voit. Et donc, voilà, on a eu cette première rencontre où je lui ai fait écouter tout ce que j'avais essayé de trouver avec l'histoire qu'il m'avait racontée. Et alors, ce qui était assez drôle, c'est qu'il notait tous les thèmes de 1 à 10.
- Speaker #1
C'est-à-dire qu'il faisait des appréciations, comme ça ?
- Speaker #2
Des appréciations. Et il me disait, ils sont bien, tes thèmes, ils sont tous bien. Mais je n'ai pas celui que je cherche pour que ce soit... le fil rouge du film. Et alors, je lui ai dit, écoutez, je vais encore travailler. Et puis, il était sur le pas de la porte et puis, je lui ai dit, j'ai un départ d'un thème, je ne l'ai pas encore fignolé, tout ça, mais je vais vous le jouer. Et je lui joue les premières notes de Dabada. Il m'a fait rejouer une dizaine de fois. Il me dit, mais voilà, le thème du film, c'est ça. Et tout est parti de là. Et ça fait 50 ans que ça dure.
- Speaker #1
Et ce thème, ça fait... Alors à l'époque, Claude Lelouch avait réalisé 5 longs métrages. certains même qu'il reniait déjà à peine sorti en salle. Il se cherchait encore. Il s'est vraiment trouvé avec Un homme et une femme qu'il considère comme son premier vrai film complètement abouti. Et pour vivre, il réalisait des scopitones. C'est vrai. Et ce qui est étonnant, c'est qu'avec les scopitones, qui étaient ses ancêtres finalement des clips, il avait pris le pli de tourner sur de la musique. Il s'était rendu compte que... Faire un découpage et un tournage sur de la musique, ça générait des idées. Et est-ce que ça vient de là, cette idée, presque cette méthode fondatrice pour vous deux ? C'est-à-dire qu'il vous a demandé d'enregistrer intégralement la partition d'un homme et une femme avant le premier tour de Manivelle.
- Speaker #2
Oui, il considérait carrément la musique au même titre qu'un acteur. Il utilisait la musique comme si c'était un acteur. Et il me disait, elle me conditionne. Quand je n'ai pas d'idée, elle me conditionne. Et elle conditionne également les acteurs. Il m'a dit, j'ai remarqué que quand je faisais passer certaines musiques, les acteurs ne marchaient pas de la même manière que s'ils étaient dans le vide. Et on a remarqué ça, effectivement, dans Un homme et une femme. Quand on voit Jean-Louis Trétignan et Anouk Aimé marcher, ils marchent en musique, c'est normal. On n'entend pas la musique. Mais comme la musique passait, ils marchent musicalement.
- Speaker #1
Il y a un tempo et un rythme.
- Speaker #2
Il y a un tempo, oui. Donc, ça, ça lui plaisait bien, parce que c'était quand même ovateur. Ce n'était pas dans les règles de la musique traditionnelle du film.
- Speaker #1
Et donc, est-ce que vous vous souvenez de cet enregistrement où, au départ, d'après Lelouch, votre premier instinct, ça avait été de donner à votre musique un traitement beaucoup plus grandiose avec un orchestre ? Eh oui !
- Speaker #2
Alors, encore hasard ou coïncidence, il s'est trouvé que le jour de l'enregistrement, où dans le studio d'Avou, il y avait un grand orchestre symphonique avec une quarantaine de violons, avec un véritable orchestre. Eh bien, le copiste n'avait pas terminé la copie pour les musiciens. Donc, ils ne pouvaient pas jouer puisqu'ils n'avaient pas de partition. Et là, le louche a piqué une petite crise en disant, messieurs, on n'a pas de partition, alors vous revenez à la deuxième séance. Et il m'a dit, tu sais ce qu'on va faire ? On va garder juste la rythmique et faire des grilles. et on va enregistrer tous les thèmes avec un petit combo, c'est-à-dire basse, batterie, guitare. Au piano, il y avait le grand Maurice Van Der.
- Speaker #1
Vous, à l'accordéon.
- Speaker #2
Moi, j'avais mon accordéon électronique qui, pour une fois, avait servi de guide. Et on a enregistré tous les thèmes d'un homme et une femme, comme ça. Et en fin de compte, dans le film, ce sont ces enregistrements-là qui sont restés.
- Speaker #1
Mais est-ce que vous pensez, là aussi, que ce n'est pas... d'une certaine façon un signe du destin, c'est-à-dire que, bien sûr, il y a votre écriture mélodique, harmonique, mais il y a aussi le fait que pour cette partition qui a permis à un public mondial de découvrir votre musique, votre écriture, finalement, il y a aussi le traitement, le son de ce combo avec le timbre de l'accordéon électronique, la couleur.
- Speaker #2
Je n'irai pas jusque-là, mais je pense que ça a quand même influé sur l'écoute, sur l'oreille. C'est toujours pareil. Quand on entend un son qu'on n'a jamais entendu de On accroche, l'oreille accroche. Et là, je crois que ce son avait pas mal accroché. Parce qu'après, il y a eu quand même des versions, le Grand Orchestre, par exemple. Mais là, ça avait été une chance inouïe. Moi, j'ai dit, j'ai eu une chance invraisemblable, parce que tout a souri avec eux, alors que rien n'était prévu au départ.
- Speaker #1
Mais Lelouch, lui-même, aujourd'hui, alors évidemment, c'est un regard rétrospectif. Il avoue, il disait, mais finalement, un grand orchestre, ça aurait été un contresens. Moi, c'est une histoire intime. C'est l'histoire, le titre le dit, d'un homme et d'une femme, d'une rencontre qui va peut-être durer et peut-être ne pas durer. Et avoir comme ça des pupitres de cordes qui déboulent là-dessus, moi, je voulais justement quelque chose qui soit beaucoup plus à l'échelle de...
- Speaker #2
Oui, c'est exactement ça. C'est exactement ça, c'est la résolution, ça a été ça, et ça a été réussi, parce qu'en fin de compte, on n'a fait aucun effort, on a joué, on s'est fait plaisir, on n'a pas pensé une seconde que ce film allait avoir ce retentissement, qu'il part, il a la palme d'or à Cannes du premier coup, c'est quand même, c'est inouï.
- Speaker #1
Il y a aussi dans la partition cette idée qu'il y a des chansons, évidemment, des chansons à deux voix, avec donc Pierre Barou, également parolier, votre parolier qui est chanteur, avec Nicole Croisy, et que ces deux voix sont un peu comme les deux voix intérieures des deux personnages que l'on voit à l'écran, trintignant à nous qui aimer.
- Speaker #2
C'est exactement ça, et Croisy, c'était notre muse, parce que nous, on était tous un tout petit ferru de jazz, que ce soit Pierre, ou Lelouch, ou moi-même. on allait dans les clubs pour écouter du jazz. Et la seule chanteuse qui était acceptée par les musiciens américains qui étaient de passage à Paris, c'était Nicole Croisy. Le groupe s'est formé comme ça, petit à petit, petit à petit. Et finalement, il reste indestructible, je pense.
- Speaker #1
Mais est-ce que vous vous souvenez de la façon dont Lelouch et vous-même avez dirigé Nicole Croisy à l'enregistrement ? Parce que Claude Lelouch aujourd'hui dit... Il y avait des prises où elle ne chantait pas forcément techniquement le mieux, mais où moi, elle me touchait le plus par ses imperfections.
- Speaker #2
C'est vrai. C'est vrai, il a gardé que les moments où il y avait de l'émotion. Et je suis partant, mais à 100%, parce que pour moi, la musique, c'est de l'émotion pure. Si on arrive à provoquer une émotion, je pense que c'est gagné, la musique est gagnée. Attention, je ne vais pas dire qu'il faut mal jouer, attention. Mais quand elle est jouée trop, parfaitement pile, qu'il n'y a aucune respiration de cœur, ça reste froid ça reste presque machine alors que ça l'est pas, c'est trop carré alors que de temps en temps quand il y a un accident, un petit accident qu'il y a une note qui est pas tout à fait juste, qui frotte un tout petit peu elle nous fait en fin de compte elle nous fait du bien alors qu'elle on se dit, oh ben oui quand même elle est pas tout à fait dans le diapason mais ça fait vivre la musique et la musique il faut que ça vive
- Speaker #0
Avec notre passé pour le guider, on se devrait d'être lucide. Mais notre méfiance est taboue, l'amour est bien plus fort que nous. Qu'on espère ou qu'on se résigne Quand il le veut, il nous désigne Voilà, ça devait être à nous L'amour est bien plus fort que nous Quand tu es près de moi, qui faire ? Le temps s'habille de mystère Et l'avant du soir est plus doux L'amour est bien plus fort que nous. Vivre libre en un marécage, ou vivre heureux dans une cage, qu'importe, fait son choix sans doute. L'amour est bien plus fort que nous.
- Speaker #1
Qu'est-ce qui vous a poussé,
- Speaker #2
vous,
- Speaker #1
ce groupe, Lelouch, Pierre Barou et vous, qu'est-ce qui vous a amené à devenir éditeur et producteur, pour Lelouch, de la musique de ce film ? Vous, vous aviez 33 ans à l'époque, c'était à l'automne 65, puisque le film était tourné à l'hiver 65-66. Vous aviez pile 33 ans, c'est votre premier long-métrage, et tout de suite, vous devenez éditeur de votre première musique de long-métrage, ce qui est quelque chose d'un peu unique.
- Speaker #2
Oui, parce que personne n'en voulait ! On l'avait proposé à certains grands éditeurs de l'époque. Et on nous avait carrément répondu, c'est pas mal, votre musique, c'est pas mal, mais elle n'est pas commerciale. On s'est regardé avec Pierre et Claude, et on a dit, qu'est-ce qu'on fait ? Eh bien, écoute, on monte notre propre édition, et c'est là où est née Sarava. Voilà, Pierre a créé Sarava. Parce qu'il avait fait... Il y avait quand même une histoire auparavant. C'est que Pierre était allé au Brésil. et il avait fait la rencontre de deux musiciens exceptionnels Vinicius de Moraes et Baden Powell et qu'il lui avait joué une samba qui est la fameuse samba saraba et que Claude a beaucoup aimé et qu'il a mis dans le film Un homme et une femme. Il a fait une séquence spéciale pour pouvoir mettre cette magnifique chanson. Donc voilà d'où vient le mariage Brésil France etc etc
- Speaker #1
Quelle était votre impression quand vous avez découvert le film Terminé Mixé ? Est-ce que vous vous souvenez de cette découverte ?
- Speaker #2
Je ne pouvais être qu'impressionné. De toute façon, pour moi, c'était tellement fabuleux d'avoir ma première musique dans un grand film. Jamais j'aurais envisagé ça deux heures auparavant. Non, non, ça a été un grand moment, bien sûr que ça a été un grand moment. Dans tous les domaines, dans le domaine émotionnel, dans le domaine amitié. Parce que j'ai senti que là, il y avait une amitié hors normes de toute l'équipe. On était tous heureux que ce film soit réussi. Et surtout pour Claude, qui avait quand même ramé. Il ne savait pas s'il allait le terminer. Il a terminé en noir et blanc parce qu'il n'avait pas assez d'argent pour acheter la pellicule couleur. Il ne faut pas l'oublier, ça non plus.
- Speaker #1
Et ça vous a fait quoi, la Palme d'Or et ensuite le tsunami de reprises, quand brusquement Ella Fitzgerald vous reprend ?
- Speaker #2
C'est toujours les grandes surprises. C'est toujours le grand bonheur, bien sûr. C'est toujours le grand bonheur. C'est toujours... Quand on ne s'y attend pas, c'est surtout ça. Pour moi, Elaphie Gérald, c'était la plus grande chanteuse de jazz du monde. Et le jour où on m'a dit, elle va chanter un homme et une femme, là, je suis tombé délu. On dit au tome de la chaise, moi, je suis tombé d'un tramplem de 20 mètres. Et surtout, à Jouan-les-Pins, où il y avait quand même la crème des musiciens de jazz. Alors voilà, ça a été du bonheur pur et simple. et puis... Voilà, je n'ai pas de mots pour dire ce que la musique m'a apporté. Elle m'a tout apporté et puis je ne suis pas allé le chercher. Voilà, c'est ça que je veux dire.
- Speaker #1
Vous n'avez pas cherché à provoquer ce succès-là.
- Speaker #2
Voilà, je suis incapable. Je suis incapable. Moi, quand il faut que je montre un thème à Lelouch ou à un autre réalisateur, je tremble comme une feuille. Je fais des fausses notes. Je panique, je panique vraiment. Je ne suis pas sûr de moi-même. Donc quand les choses se terminent et qu'elles se terminent dans la joie, oh là là, quelle respiration !
- Speaker #0
In tomorrow's light, they'll stay together. So much in love. And in the silence of the mist, of the morning mist. When lips are waiting to be kissed, longing to be kissed. Where is the reason to resist and deny a kiss that holds a promise ?
- Speaker #1
En étant autocritique, j'ai envie de vous demander quelles erreurs on aurait tendance à commettre quand on est un jeune compositeur qui découvre la musique.
- Speaker #2
On veut peut-être essayer d'en faire trop, mais moi, je n'ai pas eu ce truc-là. Peut-être parce que j'étais incapable. Et deuxièmement, c'est parce que moi, je pouvais faire ce que je savais faire. Je ne pouvais pas aller au-delà. Donc, je donnais tout ce que je pouvais, et il s'est trouvé que ça fonctionnait plus ou moins. Donc, voilà, je n'allais pas chercher plus loin.
- Speaker #1
Et cette méthode que vous avez mis au point sur Un homme et une femme a été la méthode fondatrice, puisque vous l'avez reconduite à chaque nouveau film.
- Speaker #2
Mais oui, oui, oui. Le fait de travailler sans images, ça laisse une liberté totale de création. Et je pense que ce qu'il faut en musique, c'est ça, c'est la créativité. Le plus difficile, c'est de trouver des thèmes qui soient originaux, qui soit. qu'on n'ait jamais entendues, des thèmes faciles, des thèmes avec des harmonies qu'on n'a jamais entendues ou qui sont plus ou moins... Voilà, de ne pas se plagier soi-même. Et c'était là où il y avait la difficulté.
- Speaker #1
Parce que aussi, Lelouch, je pense que votre imagination, votre créativité, je dirais presque votre imaginaire, travaillera différemment ou ira plus loin s'il vous raconte l'histoire. C'est-à-dire que sur ces mots, vous fermez les yeux, vous imaginez déjà des... Vous imaginez des musiques. ça ira plus loin que s'il vous montrait son image.
- Speaker #2
Absolument. Absolument, parce qu'on a fait une expérience, justement, où il m'avait montré toute une sécarge de films, et il me dit, écoute, mets-moi une musique dessus. Donc moi, j'ai travaillé sur cette musique à l'image, à l'image près. Alors toute la musique collée, mais alors collée. Quand on a écouté, on a dit, mais c'est nul. C'est nul, ça n'amène rien du tout. Et cette musique que j'avais faite à l'image, il l'a utilisée dans une autre séquence qui n'avait strictement rien à voir et qui prenait toute son importance.
- Speaker #1
Par le contrepoint.
- Speaker #2
Donc ça nous a réconciliés, ça nous a... Confortés. Desquidément confortés dans notre idée première, voilà.
- Speaker #1
J'aurais juste presque envie de vous poser une dernière question, un peu naïve, mais comment réagirait le... le Francis Lett de 1965, le Francis Lett de 33 ans, si on lui annonçait que ce film, Un homme et une femme, allait être la première balise, le premier jalon de la collaboration compositeur-cinéaste la plus longue et la plus fructueuse de toute l'histoire du cinéma mondial.
- Speaker #2
C'est fou, c'est... C'est inimaginable. C'est inimaginable parce qu'au départ, ni Claude ni moi pensions que cette collaboration aurait duré plus de 50 ans. C'était inenvisageable. Avec tous les compositeurs qu'il y a, avec toute la différence de film, avec tous les scénarios et les idées qu'il a mises à l'heure, jamais j'aurais pensé que 50 ans plus tard... qu'on fasse encore un film ensemble. Ça, c'est fait, et on est heureux tous les deux, parce que c'est vrai que c'est unique. Dans les annales du cinéma, je crois que c'est une expérience. Voilà, c'est...
- Speaker #0
Il n'y a pas autre. Alors qu'il y a eu des mariages fabuleux. Il y a eu Nino Rota avec Fellini. Il y a eu Michel Legrand avec Demi. Il y a eu plein de mariages. Mais aussi long, je crois que je n'en connais pas. Rien que pour ça, je suis le plus heureux des compositeurs de musique. Qu'est-ce qui fait que vous avez toujours gardé ce track de vos débuts quand... « Clou de loup, je viens vous voir pour écouter vos propositions musicales » . C'est uniquement l'angoisse de le décevoir. C'est terrible. Si je le décevais, ce serait pour moi le plus mauvais moment de ma vie. Donc, voilà. Il y a aussi une chose qu'on a oubliée, qu'on a omis de dire, c'est que moi, j'ai travaillé beaucoup avec des arrangeurs merveilleux aussi. Donc, moi, je voudrais les citer parce que... Ce sont des musiciens hors pair, en commençant par Yvan Julien, qui avait fait l'orchestration de L'amour est bien plus fort que nous avec des cordes. Il y avait bien sûr Christian Goberbe, Jean Musi, Roland Romanelli, et puis Leroy, et puis Yaren, avec qui j'ai fait un seul film, mais qui a marqué quand même. Donc j'ai eu aussi ce bonheur de côtoyer des musiciens hors pair. Francis Lett, merci. Merci à vous.
- Speaker #1
Merci à vous.