- Speaker #0
I can slightly hear it.
- Speaker #1
Nos limites, un podcast de Thomas Gauthier, produit par Logarith.
- Speaker #2
The growing threat of climate change could define the contours of this century.
- Speaker #3
The world is waking up and change is coming,
- Speaker #2
whether you like it or not.
- Speaker #1
Une enquête à bord du vaisseau Terre à la recherche d'un nouveau cap pour l'humanité.
- Speaker #0
Nous sommes en train d'atteindre les limites planétaires, nous sommes en train de détruire ce qui nous permet de vivre. La modernité, c'est à la vitesse. Et c'est vrai que ça va un peu vite.
- Speaker #2
Aujourd'hui,
- Speaker #1
on ne peut pas se permettre de ne pas s'engager. Il faut qu'on soit dans une science de combat. Enseignant-chercheur à EM Lyon Business School, Thomas va à la rencontre de celles et ceux qui explorent le futur et se remémorent l'histoire pour bâtir un monde habitable dès aujourd'hui. À chaque épisode, son invité, curieux du monde à venir, commence par poser une question à l'oracle. Ensuite, tel un archiviste, il nous rapporte un événement méconnu du passé dont les conséquences sont pourtant bien prégnantes dans le monde actuel. Pour conclure, il devient acupuncteur et propose une action clé afin d'aligner les activités humaines sur les limites planétaires. Jean-Marc Jancovici est associé fondateur du cabinet de conseil sur les enjeux énergie et climat Carbone 4. Il est également président fondateur du Shift Project, un think tank qui œuvre en faveur d'une économie libérée de la contrainte carbone. Auteur de nombreux essais, il a également publié aux éditions d'Argo en 2021 la bande dessinée Le Monde sans fin avec Christophe Blin. Dans l'entretien à suivre... Jean-Marc s'interroge sur la possibilité d'un événement décisif à venir et à partir duquel chaque être humain serait obligé d'agir pour limiter les effets du dérèglement climatique parce qu'il le ressentirait dans sa chair. Ensuite, il se remémore trois moments clés de l'histoire énergétique dont les conséquences se font encore sentir aujourd'hui. Pour finir, il esquisse des pistes pour tenter de retrouver un équilibre entre société humaine et système Terre.
- Speaker #3
Bonjour Jean-Marc.
- Speaker #2
Bonjour Thomas.
- Speaker #3
Alors ça y est, tu es face à l'oracle. Quelle est la question que tu lui poses ?
- Speaker #0
La question va être un peu longue. J'en suis désolé, mais c'est une question que je me pose et à laquelle je n'ai pas la réponse. Évidemment, ce n'est pas juste une question pour la forme. La question que je lui poserai probablement,
- Speaker #2
c'est quel est l'événement suffisamment désagréable, mais encore suffisamment précoce que l'on peut espérer en matière réelle. de conséquences du réchauffement climatique, suffisamment désagréable pour que ça nous mette ça dans nos priorités premières, et suffisamment précoce pour qu'à ce moment-là, on n'ait pas juste nos yeux pour pleurer, parce que c'est l'élément avant-coureur de quelque chose auquel on ne peut plus échapper, qui arrivera derrière et qui nous sera,
- Speaker #0
je ne sais pas si je dois dire fatal, mais en tout cas qui nous portera un coup,
- Speaker #2
qui fera qu'on regrettera. de ne pas s'en être occupé avant. Alors pourquoi j'ai envie de lui poser cette question ? J'ai envie de lui poser cette question parce que nous sommes un peu comme Saint Thomas,
- Speaker #0
nous l'espèce humaine.
- Speaker #2
Il se trouve que ce qui a fait historiquement notre succès biologique, j'ai envie de dire, c'est d'avoir des sens et de pouvoir leur faire confiance.
- Speaker #0
La vue,
- Speaker #2
l'ouïe, l'odorat,
- Speaker #0
etc. Nous disant où sont les proies, où sont les obstacles, est-ce que telle chose est chaude ou froide, etc.
- Speaker #2
Et nos sens nous ramènent quand même dans l'immédiat et dans le local.
- Speaker #0
Nos sens, ils ne nous permettent pas de savoir, enfin moi mes sens là tout de suite ne me permettent pas de savoir quelle est la température à Tombouctou, et ils ne me permettent pas plus de savoir, mes sens, quelle sera la température dans trois jours. Tout ce qu'ils me disent, c'est ce qui se passe tout de suite là maintenant à ma portée. Et le fait qu'on soit une espèce faisant prioritairement confiance à nos sens, fait qu'on a beaucoup de mal à investir énormément d'énergie et de moyens dans la résolution d'un problème que nous n'avons pas encore vécu avec nos sens. Alors c'est typiquement le cas des grands problèmes environnementaux où finalement on commence à se sentir concerné par le problème quand ça nous heurte dans notre propre chair. Donc quand je suis agriculteur et que j'ai perdu toute une récolte, ça c'est clair que le changement climatique ça commence à me parler. Quand je suis propriétaire d'une maison et que la maison s'est fissurée à cause de la rétractation, gonflement des argiles, ça commence à me parler. etc. Mais tout ça aujourd'hui concerne une petite fraction de la population planétaire et ça ne nous...
- Speaker #2
ne porte pas suffisamment préjudice pour qu'on ait envie de consacrer à la prévention future du problème des moyens que nous préférons aujourd'hui consacrer à continuer à accumuler et à,
- Speaker #0
entre guillemets, nous enrichir.
- Speaker #2
Et de fait,
- Speaker #0
il y a une forme d'arbitrage, c'est-à-dire le même béton, je peux faire plus de logements avec ou je peux me contenter de construire une digue pour protéger les logements existants. Et dans le deuxième cas de figure, j'ai investi des moyens productifs, non pas dans le fait d'avoir plus, mais dans le fait d'éviter éventuellement de perdre moins plus tard.
- Speaker #2
Donc aujourd'hui,
- Speaker #0
on a énormément de mal à passer à l'action à large échelle, parce que le problème ne nous atteint pas encore suffisamment dans notre chair. Mais à cause des constantes de temps liées aux changements climatiques et plus généralement aux grands problèmes environnementaux, la perte de biodiversité, c'est irréversible. Et quand on a créé un surplus de CO2 dans l'air, c'est partiellement irréversible à l'échelle des siècles.
- Speaker #2
Eh bien, au moment où on commence à agir, il faut être sûr qu'on n'a pas déjà passé le seuil de l'irréversible,
- Speaker #0
c'est-à-dire le moment où on est garanti, à cause de l'inertie des processus, que derrière, ça sera une telle horreur. que malheureusement l'action ne pourra plus éviter l'essentiel des dommages additionnels. La question que j'aurais envie de poser à l'oracle,
- Speaker #2
c'est à quel moment est-ce qu'on franchira ce qui va provoquer l'électrochoc ?
- Speaker #0
Ce qu'on n'a pas encore franchi aujourd'hui. Aujourd'hui, on reste très timide dans nos politiques de prévention, au niveau du substrat physique et biologique dans lequel nous vivons, l'environnement. Voilà, et j'aimerais bien savoir s'il a une petite idée, notre oracle, du moment où on va franchir le seuil de déclenchement, ou si on le franchira un jour, parce que peut-être que finalement, on ne va jamais le franchir, à aucun moment.
- Speaker #2
Les choses se passeront ainsi, parce qu'il y a un risque supplémentaire qui est qu'au moment où ça commence à dégénérer, On peut très bien se tromper sur l'attribution des causes,
- Speaker #0
c'est-à-dire on peut attribuer à des erreurs humaines, on peut attribuer à des complots,
- Speaker #2
à des mauvaises intentions,
- Speaker #0
etc. Enfin aller chercher les boucs émissaires là où ils ne sont pas, l'histoire est riche de ce genre d'épisodes.
- Speaker #2
Se tromper de cause, et donc à ce moment, le début des ennuis brouille suffisamment notre vision et notre capacité à rester calme pour que... De toute façon, on ne soit pas capable d'y répondre de façon ordonnée.
- Speaker #0
Donc c'est ça la question qui me tarabuste et que j'aurais envie de lui poser.
- Speaker #3
Pas sûr que l'oracle arrive à te répondre exactement.
- Speaker #0
Il est oracle ou il n'est pas oracle. Normalement, s'il est oracle, il me répond.
- Speaker #3
Sans essayer de répondre à sa place, je vais te poser deux, trois autres questions qui me viennent à l'esprit en t'écoutant. La première, est-ce que finalement, si on regarde l'histoire récente, est-il possible qu'il y ait eu... pareil événement, mais que nous n'ayons pas été en mesure d'en comprendre l'intensité, la criticité, parce que nous n'avons pas les outils de mesure, parce que nous n'avons pas les outils institutionnels pour parfaitement diagnostiquer des situations de bascule, comme tu appelles, des situations de déclenchement qui auraient déjà eu lieu. Est-ce que l'on a le système de compréhension du monde ? à la hauteur de ce qu'il devrait être, pour qu'un jour, effectivement, il puisse y avoir seuil de déclenchement et bascule collectif vers autre chose.
- Speaker #2
On l'est déjà,
- Speaker #0
c'est pas sûr. Ce qui est clair, c'est que ça légitime ou ça justifie ou ça explique une partie de mon métier. Puisque, par exemple, au sein de Carbon4, une des choses qu'on essaye de faire, c'est d'outiller une partie de la société civile, essentiellement, on travaille très peu pour le monde politique.
- Speaker #2
pour qu'on soit capable de mieux détecter ce qui se passe,
- Speaker #0
de mieux comprendre ce qui se passe, d'avoir des grilles de lecture qui ne sont pas les grilles de lecture qu'on utilise actuellement, et qui viennent s'y rajouter et qui permettent d'enrichir notre compréhension du monde. Pour moi, c'est une action sans regret, au sens où, comme disait l'autre, si ça ne fait pas de bien, ça ne fera pas de mal.
- Speaker #2
Est-ce qu'il y a eu des précédents dans l'histoire ? Je ne suis pas capable de dire. Sur la partie environnementale, j'en doute, parce qu'en fait, les problèmes d'environnement à large échelle ont un déterminant commun,
- Speaker #0
qui est le fait qu'on soit 8 milliards d'hommes sur Terre maintenant, enfin 8 milliards d'êtres humains. Parce que l'essentiel des problèmes d'environnement qu'on a, et qui sont des problèmes à large échelle, sont des problèmes qui sont un fait du nombre. Si on était 5 millions sur Terre, c'est pas la consommation de poissons par personne qui poserait un problème au stock de poissons. Et à 5 millions, on pourrait tous avoir un 4x4 et même un jet privé, que ça ne serait toujours pas une perturbation significative pour le climat planétaire. Or, le nombre est récent. Je veux dire, on n'est pas quelques milliards sur Terre depuis des siècles. On est quelques milliards sur Terre depuis un gros demi-siècle. Quand je suis né, on n'était même pas 3 milliards. Aujourd'hui, on est 8. Même si je suis très très vieux, c'est quand même allé assez vite. Donc,
- Speaker #2
c'est difficile de répondre à cette question,
- Speaker #0
parce que je pense qu'on est dans une situation raisonnablement inédite par les ordres de grandeur.
- Speaker #2
Après,
- Speaker #0
il y a un deuxième élément qu'il faut garder en tête, c'est que d'une façon générale, parce qu'on fait confiance à nos sens,
- Speaker #2
c'est très très difficile, je pense, d'anticiper quelque chose qui ne s'est jamais produit. et de tout faire pour que ça ne se produise pas. Ce qu'on sait faire, c'est investir de l'énergie,
- Speaker #0
enfin des moyens,
- Speaker #2
pour ne pas répéter une erreur qu'on a déjà faite. Mais investir des moyens pour ne jamais faire quelque chose qu'on n'est que capable d'imaginer et qui ne s'est jamais produit, c'est beaucoup plus compliqué à mon sens.
- Speaker #3
Je voudrais réagir à ce que tu viens de dire à l'instant de manière un peu prosaïque. J'ai envie de te dire, si on regarde le calendrier d'une année, on voit qu'il y a des dates anniversaires, on voit qu'il y a des armistices qui sont fêtées, et on se les rappelle en fait collectivement pour éviter que l'on en repasse par une boucherie Première Guerre mondiale, par une dislocation du monde Deuxième Guerre mondiale. Donc on a des moments où on se souvient des erreurs monumentales, des moments particulièrement douloureux de l'histoire. Est-ce qu'on pourrait... juste là, un petit instant, dans une expérience de pensée, imaginez que demain, notre calendrier soit agrémenté de dates qui nous permettent de nous souvenir de ces événements qui n'ont jamais encore eu lieu et comme tu le dis, vis-à-vis desquels on a de la peine à se préparer parce qu'on ne les a jamais ressentis. Est-ce qu'on peut se souvenir des futurs ? Est-ce qu'on peut institutionnaliser les futurs que l'on veut éviter à tout prix ?
- Speaker #2
Alors,
- Speaker #0
je vais donner deux éléments de réponse là-dessus.
- Speaker #2
Le premier,
- Speaker #0
c'est que je n'ai pas l'impression que de célébrer l'armistice de 1945,
- Speaker #2
ça empêche la remontée des mouvements politiques pas trop sympathiques à mes yeux,
- Speaker #0
prônant plus tant la violence que la paix en Europe. Donc j'ai l'impression qu'à partir du moment où on retombe chez des gens qui, avec leur sens, n'ont pas connu la boucherie, en fait la date célébration n'a pas grande importance, c'est pas ça qui va jouer. Et puis un deuxième élément de réponse, mais pour ça il faudra qu'on se revoie dans quelques semaines, c'est que j'ai commencé la lecture d'un livre qui s'appelle Les Somnambules, qui fait 6 ou 800 pages, et qui explique comment est arrivée la Première Guerre mondiale, les conditions du déclenchement de la Première Guerre mondiale, et la tectonique des plaques à l'œuvre, qui a finalement amené, alors que plein de gens étaient conscients de ce qui était en train de se passer, au déclenchement de ce conflit, qui fut quand même une belle boucherie. même si ça n'a pas égalé la seconde guerre mondiale.
- Speaker #2
Donc la réponse c'est que je ne suis pas sûr que d'avoir des dates anniversaires,
- Speaker #0
ça soit un antidote suffisant. Moi j'ai quand même tendance à penser que l'antidote suffisant il est de ne pas avoir de raisons profondes.
- Speaker #2
Ou exactement d'avoir des raisons profondes,
- Speaker #0
de vouloir passer à l'action. Et c'est toute la difficulté du métier dans lequel je suis, en fait ça peut nous ramener à ça, qui est d'arriver à faire des... passerelles temporelles, c'est-à-dire que, en fait, le défi auquel on est confronté, dans l'activité qui est la mienne, c'est d'arriver à incarner dans des choses de court terme, qui se touchent avec l'essence, et qui vont dans la bonne direction,
- Speaker #2
la réponse à des défis globaux et de long terme, que l'essentiel des gens,
- Speaker #0
à moins d'y passer leur jour et leur nuit, parce que c'est leur métier, comme c'est mon cas, finalement, n'arrivent pas à faire vivre dans leur chair, parce que c'est pas comme ça que s'exprime la nature humaine.
- Speaker #3
Tu parles de ton métier d'accompagnement des acteurs de la société civile, des entreprises qui essayent de se fabriquer peut-être des grammaires stratégiques qui soient compatibles des limites planétaires. Tu parles aujourd'hui et à d'autres occasions souvent de limites. Ça ressemblerait à quoi un système économique, je ne sais pas s'il est français, européen, mondial, dans lequel il y aurait possibilité à tous les niveaux des décisions stratégiques ? qui engage des flux de matière, qui engage des conversions d'énergie, d'avoir un accès de temps réel à une sorte de tableau de bord qui nous renseignerait sur, mais on en est où en fait à ce jour de l'année, en tant qu'humanité, dans l'empreinte que l'on fait peser sur le système Terre ? Est-ce que tu pourrais concevoir qu'un jour, en fait, dans les lieux de décision, on ait un accès à peu près de temps réel suffisamment précis ? de l'empreinte que les activités humaines font peser sur le système Terre pour pouvoir arbitrer et, je dirais, résoudre d'éventuels conflits d'usages, puisque deux entreprises qui sont toutes les deux intéressées par la même ressource ne peuvent pas simultanément s'en servir, si, par exemple, la ressource en question, c'est de la biomasse. Elle ne peut pas être utilisée simultanément pour deux usages. Est-ce qu'on peut imaginer une mise en cohérence des systèmes économiques internationaux avec... Cette espèce de diagnostic temps réel du système Terre et de la pression qu'on fait peser sur lui ?
- Speaker #0
Ça dépend si le temps réel, c'est un temps réel au pas de l'année, au pas de la seconde, au pas du mois, etc. Parce que si on est au pas de l'année, ou on va dire entre le pas du mois et le pas de l'année, des indicateurs disponibles, il y en a déjà énormément. Par exemple, avec les analyses par satellite maintenant, on est capable d'avoir des analyses de la couverture forestière, peut-être pas en temps réel, mais enfin pas loin. Avec les débitmètres qu'il y a un peu partout en France sur les rivières et les ruisseaux, on est capable d'avoir un accès quasiment en temps réel de l'hydrolicité du pays, enfin du débit des fleuves, des rivières, etc. Avec les points d'échantillonnage qu'on a un peu partout dans les nappes, on est capable d'avoir une analyse quasiment en temps réel de l'état des nappes. Alors il y a des choses qui sont plus longues, par exemple pour avoir une analyse en temps réel des populations d'oiseaux, c'est compliqué parce qu'en fait il faut faire des comptages. et parce que l'oiseau qui se fiche un peu des gens qui ont envie de savoir combien ils sont, niche un jour ici, va manger un jour là, il faut être sûr que c'est le même oiseau ou pas le même oiseau quand on le compte. Bref, il y a des subtilités dans le comptage, dans certains comptages, mais il y a déjà énormément d'informations disponibles. Après, si on parle argent, puisqu'il n'y a que ça qui nous intéresse, pour avoir un système comptable temps réel, De telle sorte que, grâce à nos amis, les comptables, les contrôleurs de gestion, etc., on sache en temps réel ce que nous coûte ceci, cela. Il faut dépenser en gros quelques pourcents du PIB mondial. Si je fais le total des gens qui comptent de l'argent dans le monde, je vais tomber sur 2, 3, 4, 5% des effectifs salariés dans le monde. Donc, en gros, c'est à peu près ce même pourcentage de l'économie. Si je voulais avoir en temps réel un autre indicateur... S'il y a des synergies avec ce que je viens d'évoquer, c'est moins de quelques pourcents. Et s'il n'y a pas de synergie, je dois remettre sur la table quelques pourcents du produit économique pour en disposer. Du reste, c'est une des critiques qui a souvent été faite par les entreprises contre la comptabilité carbone. En disant, ça va nous coûter un bras, etc. Oui, centraliser de l'information, ça coûte cher.
- Speaker #2
Après,
- Speaker #0
il y a des domaines dans lesquels les indicateurs sont aujourd'hui... pas ou peu disponibles parce que les méthodologies sont encore peu développées, parce qu'on bute sur des difficultés qui sont intrinsèques au secteur. Par exemple, pour avoir un état de temps réel de la biodiversité, c'est compliqué, parce que la biodiversité, c'est une agrégation des éléphants, des moustiques et des bois constructeurs, sans oublier les virus, les champignons et les ginkgos. Et savoir combien de moustiques vaut un ginkgo et combien de tigres vaut un serpent corail, c'est compliqué. Et en fait, il n'y a pas de vraie réponse à ça. Et par ailleurs, pour avoir un état temps réel, il faut faire un décompte temps réel des populations animales. Bon courage. Donc là, ça nous coûterait à mon avis plus de 2% ou 3%.
- Speaker #2
Donc tout dépend de ce qu'on veut en faire.
- Speaker #0
Tout dépend de la fréquence à laquelle on veut avoir l'information. Mais j'insiste sur le fait qu'il y a quand même énormément d'informations disponibles. Par exemple, aujourd'hui, si je veux avoir une information temps réel de la surface artificialisée en France, je l'ai.
- Speaker #2
Après, la bonne question,
- Speaker #0
c'est plutôt quelle est la limite ?
- Speaker #2
temporel,
- Speaker #0
ou exactement le conflit d'usage qui va avoir lieu, il est dans la cervelle des dirigeants, parce qu'on a 24 heures par jour, tout le temps qu'on passe à s'occuper d'un indicateur A, on passe pas à s'occuper d'un indicateur B, et puis pour être capable de faire son miel d'une panoplie d'indicateurs par rapport à un seul, eh bien il faut avoir passé plus de temps à se former, parce qu'il faut être capable de comprendre ce qu'on fait d'un indicateur. Je vais prendre l'exemple de l'indicateur que je manipule tous les jours, qui est le carbone.
- Speaker #2
Une fois que j'ai une empreinte carbone,
- Speaker #0
qu'est-ce que j'en fais ? Parce que moi je peux donner une empreinte carbone à quelqu'un, s'il ne sait pas ce qu'on en fait, ça n'avancera à rien.
- Speaker #2
Donc en fait,
- Speaker #0
le fait d'avoir des informations supplémentaires disponibles, j'ai envie de dire, une des barrières physiques à franchir pour que ça serve à quelque chose, c'est le temps de formation des gens qui reçoivent l'information. Il faut qu'ils sachent quoi en faire. Il faut qu'ils aient compris ce qui était légitime et pas légitime dans l'exploitation de ces informations. Et c'est une difficulté supplémentaire dans le fait de se rajouter des batteries d'indicateurs. C'est la formation continue de tous les gens qui doivent en faire quelque chose.
- Speaker #2
Donc en gros, aujourd'hui, on pourrait, si on voulait vraiment, faire beaucoup plus.
- Speaker #0
Ce n'est pas quelque chose qui est difficile.
- Speaker #2
Mais à un moment,
- Speaker #0
il y a un arbitrage à faire qui est un arbitrage de notre propre temps. Et tout le temps qu'on passe à s'intéresser à ceci, on ne passe pas à s'intéresser à cela, parce qu'on n'a que 24 heures par jour, par la force des choses.
- Speaker #3
Donc quelque part il n'y a pas une mais il y a plusieurs écologies. Il y a l'écologie que l'on entend au quotidien mais il y a aussi l'écologie personnelle d'un dirigeant, d'une dirigeante, d'une équipe de direction qui ne va pas lui permettre comme tu l'as dit de consacrer des heures et des heures à la formation, à toutes les sciences qu'il s'agirait pour eux de maîtriser. Je n'ai pas pour habitude d'être technosolutionniste, mais est-ce que là où on nous parle du lundi au vendredi des promesses de l'intelligence artificielle générative, il n'y a pas matière à imaginer que demain les décisions dans les lieux stratégiques que sont les comités de direction, les conseils d'administration, pourraient être aidées par une IA qui serait médiatrice finalement de tous ces savoirs dont tu parlais, de tous ces indicateurs qui ne sont pas absorbables par un individu. normalement constitués ?
- Speaker #2
Alors on a un précédent, ça s'appelle les modèles économiques. Un modèle économique aujourd'hui, c'est un engin qui, pour un certain nombre de modèles sophistiqués, sont devenus capables d'absorber des informations en quantité bien supérieure à ce qu'est capable d'absorber une cervelle humaine. Mais justement, comme ils sont capables d'absorber beaucoup plus d'informations qu'une cervelle humaine, la cervelle humaine ne comprend plus comment ils fonctionnent. Et donc en fait, ça revient à faire confiance à une boîte noire. Et on voit les résultats que ça produit de temps en temps. Ce n'est pas sûr que ce soit extrêmement heureux. Donc, le fait de recourir à l'intelligence artificielle, ça équivaut à recourir à un processus dont on ne comprend plus les déterminants et les aboutissants de la part du dirigeant. Et donc, ça veut dire que quelque part, le dirigeant abdique une partie de sa responsabilité en confiant la prise de décision à une entité dont il ou elle ne comprend pas la logique interne de fonctionnement. Parce que c'est bien beau de reconnaître des structures de façon automatique, mais le principe même de l'intelligence artificielle,
- Speaker #0
c'est qu'il n'y a pas de raisonnement.
- Speaker #2
C'est-à-dire que c'est un logiciel qui apprend, en reproduisant sans comprendre pourquoi, des choses qui existent déjà. C'est ça, son principe d'apprentissage. C'est j'identifie des structures, puis quand je l'ai identifiée la structure dix fois, je dis la prochaine fois, ça va se passer comme ça. Donc c'est un engin à reproduire ce qui existe déjà, ce qui n'est pas nécessairement une bonne nouvelle quand on doit faire preuve de créativité, d'imagination et de thinking out of the box.
- Speaker #0
Justement,
- Speaker #2
l'intelligence artificielle nous fait thinker in the box, pas out of the box, par construction même,
- Speaker #0
par construction de la façon dont ça fonctionne.
- Speaker #2
Et par ailleurs, c'est quelque chose qui se met à... Elle n'explicite pas comment est-ce qu'elle recommande.
- Speaker #0
Elle recommande,
- Speaker #2
ou elle donne un résultat. Or, il me paraît urgent dans la situation dans laquelle nous sommes de faire précisément l'inverse, c'est-à-dire de se retrouver en maîtrise de la compréhension des enchaînements de causes à conséquences qui est précisément ce qu'on perd aujourd'hui avec cette utilisation à outrance de la convention économique qui nous masque les relations de cause à effet, physiques, biologiques, sous-jacentes, qui sont celles qui pilotent vraiment le monde. Donc, moi, je pense que la vraie solution à la multiplicité des informations... C'est la simplification et la hiérarchisation, c'est-à-dire se dire ça c'est important, ça c'est pas important. La deuxième réponse s'appelle la délégation. Et la délégation c'est par construction faire confiance à des gens qui vont pas tout vous dire, parce qu'ils peuvent pas, parce qu'ils ont pas le temps, ce qui est normal. Donc ça s'appelle la délégation et la confiance. C'est pour ça incidemment que pour moi la première qualité d'un chef c'est de savoir déléguer et s'entourer,
- Speaker #0
c'est pas d'être l'expert technique sur tout.
- Speaker #2
Alors des fois,
- Speaker #0
être expert technique, c'est important pour savoir de qui il faut s'entourer, mais globalement, c'est ça sa qualité première. Et on a malheureusement politiquement un très bon contre-exemple sous le nez en ce moment.
- Speaker #2
Et de tout temps, en fait, même si on remonte à l'époque des Romains... on se rend compte que, déjà à cette époque-là, l'empereur, il n'a pas les moyens de maîtriser en direct la gestion de la totalité de l'information qui peut lui parvenir en provenance de son empire. Il ne peut déjà pas. Donc, ce n'est pas une affaire de technosolutionnisme, pour moi, dans cette affaire. C'est une affaire de confiance et de délégation. C'est cette histoire.
- Speaker #0
Et quand on fait confiance et qu'on délègue, il y a des gens qui sont meilleurs que soi dans les domaines qu'on leur a confiés. Et c'est normal, heureusement. Sinon, il ne sert à rien.
- Speaker #3
Alors, te voilà désormais archiviste. Selon toi, quel événement clé, méconnu voire même inconnu, a marqué l'histoire et se fait encore sentir aujourd'hui ?
- Speaker #2
Je vais prendre trois éléments associés à la même chose qui ont marqué l'histoire et qui sont aujourd'hui... Alors, ce n'est pas une histoire très ancienne et qui sont aujourd'hui encore très très prégnants. J'aurais pu remonter à l'histoire extrêmement ancienne, il y a quelques milliers d'années, au moment de la sédentarisation de notre civilisation. J'en profite pour faire un coup de pub pour un bouquin de Jared Diamond qui s'appelle De l'inégalité parmi les sociétés et qui explique le déterminisme géographique et biologique des espèces domesticables. à façonner l'émergence des civilisations des milliers d'années plus tard, c'est absolument passionnant. Et c'est assez méconnu. Mais aujourd'hui la portée pratique de ce truc-là n'est pas très forte, donc je ne vais pas en parler. Je vais parler d'un élément dont la portée pratique est plus importante, qui sont les trois chocs pétroliers, ou plus exactement événements pétroliers, de 1970, 2008 et 2018. Alors qu'est-ce qui s'est passé ces trois années-là ? 1970, c'est le pic pétrolier des États-Unis. Et les États-Unis, en 1970, sont probablement, j'ai pas regardé, mais le premier producteur de pétrole mondial à l'époque. Et ce pic pétrolier des États-Unis, en fait, il a été le précurseur du choc pétrolier de 1973, parce que les États-Unis, assoiffés de pétrole, ont dû se reporter sur des importations en provenance du Moyen-Orient. qui n'a pas pu suivre très longtemps. Et 1973 et 1974, et 1979, pardon, ce n'est pas juste des chocs de prix qui, derrière, ont été compensés et le monde est reparti comme avant. Ça a été un passage brutal d'un monde où l'approvisionnement pétrolier augmentait de 8 à 9 par an, à un monde où l'approvisionnement pétrolier s'est mis à être limité à une hausse de 1 par an. Qu'est-ce que ça a voulu dire physiquement cette histoire ? Ça a voulu dire que le pétrole qui est le sang de l'économie, puisque c'est celui qui permet l'échange des marchandises et l'échange des individus, le pétrole est l'énergie de la mobilité par excellence, ça veut dire qu'au moment où le pétrole croît de 8% par an, on est capable d'augmenter la taille de l'appareil productif extrêmement rapidement parce qu'on est capable d'augmenter les échanges extrêmement rapidement. Et c'est l'époque qu'on a appelée les 30 glorieuses. où le revenu par personne a lui-même augmenté extrêmement rapidement. Alors en macroéconomie, tous les étudiants bien formés sauront que la production et la consommation c'est pareil.
- Speaker #0
Plus exactement,
- Speaker #2
la somme des revenus c'est la somme des productions.
- Speaker #0
C'est ça la convention économique puisque l'argent ne paye que des hommes, enfin que des êtres humains.
- Speaker #2
À partir du moment où on se met à produire beaucoup moins,
- Speaker #0
à part la force des choses, on gagne beaucoup moins. En plus exactement, à partir du moment où la production par personne arrête de croître rapidement, les revenus par personne arrêtent de croître rapidement.
- Speaker #2
Or, dans les années 70, on avait à la faveur des Trente Glorieuses, dans les États occidentaux, construit des États-providence redistribuant très largement. Et cet État-providence, il est beaucoup plus difficile à arrêter dans sa course. Une fois que le pétrole s'arrêtant d'augmenter rapidement, la production s'arrête d'augmenter rapidement. Alors la production, je parle bien de la production physique, pour ceux qui ne sont pas familiers. Plus d'énergie, c'est plus de machines au travail,
- Speaker #0
et plus de machines au travail, c'est plus de production, parce que ce qui produit aujourd'hui en pratique, c'est les hauts fourneaux, les engins de mine, les laminoirs, les fours à verre et les camions. Ce ne sont pas les individus qui sont juste là pour donner des ordres à toutes ces machines.
- Speaker #2
Donc le pétrole en très forte hausse, très rapide,
- Speaker #0
et les autres énergies aussi du reste, c'est un appareil productif qui est en très forte croissance, donc une production en très forte croissance. Il n'y a pas d'autres facteurs limitants, on a autant de minerais qu'on veut, etc.
- Speaker #2
Donc des revenus en très forte croissance.
- Speaker #0
En 1974 et 1979, le pétrole s'arrête d'augmenter très rapidement, fin des Trente Glorieuses,
- Speaker #2
à cause de ça. Et ça, c'est un phénomène qui est extrêmement peu explicité dans la littérature économique,
- Speaker #0
que les chocs pétroliers ont mis fin aux Trente Glorieuses à cause d'un problème de dérivés sur la production du pétrole, et non pas d'un problème de prix, c'est-à-dire la production du pétrole. plus 8% par an est passé à plus 1% par an avec une population mondiale qui, elle, par contre, continuait à croître plus vite que plus 1% par an.
- Speaker #2
Donc à partir des chocs pétroliers,
- Speaker #0
l'approvisionnement énergétique par personne dans le monde s'est arrêté de croître en première approximation. Donc la machinerie par personne dans le monde s'est arrêtée de croître, enfin s'est mise à croître très lentement, beaucoup plus lentement qu'avant.
- Speaker #1
Et donc,
- Speaker #0
le pouvoir d'achat des gens s'est arrêté de croître très rapidement.
- Speaker #1
Alors,
- Speaker #0
ça a eu plusieurs conséquences.
- Speaker #1
L'état Providence, lui,
- Speaker #0
il a continué à vouloir exister et à vouloir être de plus en plus Providence au même rythme qu'avant. On augmente les gens à l'ancienneté dans la fonction publique, on augmente les retraites, on les indexe sur ceci, on les indexe sur cela. Et apparition dans tous les pays occidentaux d'un déficit... public qui n'a cessé d'enfler depuis à quelques rares exceptions près, apparition d'un endettement qui devait permettre aux entreprises en investissant de compenser les gains de productivité qui n'augmentaient plus aussi vite etc. Donc en fait toutes les disruptions économiques que nous sommes en train de vivre à large échelle aujourd'hui trouvent leur origine dans les pays industrialisés à ce moment là et donc cet événement a été majeur,
- Speaker #1
il a encore aujourd'hui des répercussions majeures et il est extrêmement peu présent dans les esprits. Alors après il a eu des petits frères cet événement de 1974. 2008, c'est le moment où la production de pétrole dit conventionnel passe son pic dans le monde. Alors le pétrole conventionnel c'est ce que les géologues, enfin c'est ce que moi j'appellerais plutôt du pétrole de formation accumulative. Parce que quand le pétrole se forme dans le sous-sol, il se forme de manière diffuse, partout où la matière organique océanique,
- Speaker #0
des restes de plancton et d'algues,
- Speaker #1
ont été enfouies par la tectonique des plaques sous terre. mélangés à du sédiment océanique, et se sont transformés,
- Speaker #0
ces résidus organiques, en pétrole et en gaz. Mais au moment où ils se transforment en pétrole et en gaz, ils le font de façon diffuse, dans le sédiment avec lequel ils étaient mélangés,
- Speaker #1
sous terre. Et pour que le pétrole et le gaz deviennent facilement exploitables,
- Speaker #0
il faut qu'ils migrent hors de cette Ausha où ils se sont formés,
- Speaker #1
et qu'ils aillent s'accumuler dans des roches réservoirs,
- Speaker #0
situées au-dessus, qui sont typiquement des roches poreuses, du calcaire, du grès, du sable parfois,
- Speaker #1
recouvertes d'une couche d'argile,
- Speaker #0
enfin d'une couche imperméable.
- Speaker #1
Alors ces formations accumulatives qu'on appelle des réservoirs conventionnels,
- Speaker #0
dans le jargon pétrolier,
- Speaker #1
la production qui en est issue,
- Speaker #0
qui est le gros de la production de pétrole qu'on utilise aujourd'hui, est passée par un pic en 2008. Il y a un rapport de l'Agence internationale de l'énergie qui l'a dit en 2018, les gens du secteur le savaient avant.
- Speaker #1
Et c'est directement ça à l'origine d'un deuxième coup de massue que nous avons connu dans l'économie,
- Speaker #0
qui s'est appelé la crise des subprimes, la crise financière,
- Speaker #1
et où depuis cette époque... La production d'endettements et de crédits a encore gagné un cran en termes de rythme par rapport à ce qu'elle était avant. Donc, premier choc pétrolier, déjà écart entre les perspectives d'avenir et l'état-providence et ce que la croissance physique pouvait vraiment offrir. 2008, cet écart se creuse.
- Speaker #0
On ne comprend toujours pas que c'est une affaire de pétrole. Toujours pas.
- Speaker #1
Et en Europe, l'approvisionnement énergétique qui était croissant... Alors, il a décru après les chocs pétroliers, mais il s'était remis à croître depuis 1985. Il passe par un maximum et se met à décroître. Et ça explique pourquoi en Europe, depuis 2008, la production industrielle globale stagne et commence à s'éroder. La production de mètres carrés construits dans l'année est passée par un maximum en 2007. Les tonnes chargées dans les camions, qui est pour moi un des thermomètres de l'économie physique, peut-être le plus parlant,
- Speaker #0
parce que ça mesure à la fois ce qu'on produit, ce qu'on consomme,
- Speaker #1
enfin tout objet qu'on utilise en Europe sera passé par une caisse de camions à un moment ou à un autre,
- Speaker #0
à quelques exceptions près. Et donc les tonnes chargées dans les camions se sont mises à baisser depuis 2007, elles sont encore aujourd'hui à un niveau très inférieur à ce qu'elles étaient en 2007, et le pouvoir d'achat des ménages pour l'essentiel des ménages commence à s'éroder. Le revenu disponible des ménages aujourd'hui, pour une bonne partie des ménages français, est inférieur à ce qu'il était en 2007. Il a commencé à baisser de manière continue depuis 2010,
- Speaker #1
avec quelques époques de rémission,
- Speaker #0
mais voilà, globalement. La productivité du travail n'augmente plus autant, parce que la productivité du travail c'est une affaire de machine par personne. Donc si le parc de machine par personne augmente moins vite, voire se contracte, la productivité du travail augmente moins vite, voire se contracte, ce qui est très exactement en train de se passer.
- Speaker #1
Donc en fait, 2008, c'est le deuxième coup de massue, j'ai envie de dire, ou le deuxième élément lié au pétrole,
- Speaker #0
massif et incompris. Et enfin,
- Speaker #1
le troisième élément qui commence, j'ai l'impression,
- Speaker #0
à produire ses effets maintenant,
- Speaker #1
c'est 2018, qui a été le pic tout pétrole dans le monde, c'est-à-dire y compris le pétrole de schiste et les sables bitumineux,
- Speaker #0
en plus du pétrole conventionnel. Ça, c'était 2018.
- Speaker #1
Et depuis 2008,
- Speaker #0
un autre truc qui est à noter, c'est que le degré de mondialisation de l'économie a commencé à baisser. Alors doucetement,
- Speaker #1
si je regarde la valeur des échanges mondiaux...
- Speaker #0
dans le PIB mondial. C'était 25% au début des années 70.
- Speaker #1
C'est monté à 60% en 2008,
- Speaker #0
ce qui était le maximum. Et depuis 2008, ça s'est mis à légèrement baisser. Aujourd'hui, c'est 55% seulement. Alors,
- Speaker #1
c'est encore un peu tôt,
- Speaker #0
parce que moi j'adore les séries longues, il faut attendre un demi-siècle pour en avoir le cœur net. Donc je serai mort quand j'aurai raison.
- Speaker #1
Mais en attendant, pour le moment, il y a quand même un indicateur avancé, qui est cohérent.
- Speaker #0
avec ce qui est attendu, qui est que depuis le pic de pétrole conventionnel, or la marine marchande c'est du pétrole, on a un degré de mondialisation qui s'est mis à légèrement baisser.
- Speaker #1
Donc j'étais un peu long, mais cet événement qui pour moi est majeur et méconnu de l'histoire industrielle du XXe siècle et du début du XXIe, c'est ces brusques changements de dérivés sur la production de pétrole en volume. Donc les chocs pétroliers,
- Speaker #0
plus 8% par an à plus 1% par an,
- Speaker #1
2008.
- Speaker #0
où je passe d'une croissance annuelle à une décroissance annuelle sur le pétrole conventionnel.
- Speaker #1
Et 2018,
- Speaker #0
dont à mon avis les effets vont mettre un peu de temps à se faire sentir,
- Speaker #1
mais je pense qu'à date est le pic de production tout pétrole.
- Speaker #2
Je vais essayer de réagir à ce que tu viens de dire, pour prolonger peut-être, plutôt que revenir sur des éléments de détail de cette histoire. Il me semble qu'à côté de la... Cette transformation biophysique, finalement, que tu viens de nous rappeler à travers ces trois moments clés, la décennie 70, 2008, 2018, à travers cette transformation biophysique, ce qui me vient à l'esprit, c'est que du côté des imaginaires, du côté des récits qui sont portés par des acteurs économiques ou bien par des acteurs publics, par des dirigeants et des dirigeantes économiques ou publics, les imaginaires, eux, ne semblent pas être passés avec la même acuité à travers les ruptures, les chocs. que tu as évoquées, comme si il était encore possible aujourd'hui d'être dans un espace de confiance, raconté sous forme de narratifs, raconté sous forme de futurs désirables, sans que ces futurs désirables aient vraiment été touchés par le nouveau régime biophysique, certains diraient le nouveau régime climatique aussi, qui pourtant nous entoure. Ça ressemblerait à quoi, nouvelle expérience de pensée si tu es d'accord, des garde-fous qui nous permettraient à nous, société civile, citoyen, de pouvoir... Pour contester peut-être la faisabilité, la viabilité biophysique de discours qui nous engage. Un discours d'entreprise, une stratégie d'entreprise nous engage, une production de véhicules électriques nous engage, une production ou une nouvelle activité minière nous engage. À quoi ressembleraient ces garde-fous selon toi ?
- Speaker #1
Vis ma vie de smicard pendant un an. Alors, je vais être un peu plus précis. Aujourd'hui, une des raisons pour lesquelles les dirigeants politiques et économiques ne se rendent pas compte de ce que je viens d'évoquer, c'est qu'en fait le problème ne les touche pas dans leur chair, donc on en revient à la question des sens. Pourquoi est-ce que ça ne les touche pas dans leur chair ? Parce qu'il y a deux processus qui sont en train de s'appliquer de façon simultanée en ce moment dans les pays occidentaux, qui sont d'une part une contraction du gâteau physique global, et d'autre part un accroissement des inégalités. Et le résultat de ces deux processus à l'œuvre fait que les gens dont on vient de parler, dont nous faisons partie, toi et moi, Spontanément, ce que leur sens leur indique, c'est que chez eux, ça va de mieux en mieux. Parce que les quatre supérieurs gagnent de plus en plus d'argent. Par ailleurs, ils vivent dans des univers dans lesquels leur sens ne leur dit pas ce qui se passe. On est le quatre supérieur ordinaire et le décideur politique ordinaire. Ils sont dans un univers urbain. Ils sont coupés des flux physiques et biologiques prenant place dans l'océan, dans la forêt, dans les surfaces cultivées, dans les mines, etc. Et quand ils ont la chance de voir le flux physique dans la mine,
- Speaker #0
parce que c'est ça leur métier,
- Speaker #1
en même temps, ils ne voient pas celui de la forêt,
- Speaker #0
de l'océan, de machin, etc.
- Speaker #1
Donc, la personne qui aujourd'hui a la conscience de la dépendance au flux physique partout dans le monde, elle est très rare, sauf parce que ça soit son métier au quotidien. Donc, on en retombe à mon cas de figure. C'est pas parce que je suis plus intelligent que tout le monde que moi je m'en rends compte, c'est parce que c'est mon métier au quotidien.
- Speaker #0
J'ai un coup de chance. Ça n'a très bien pu ne pas être le cas.
- Speaker #1
Donc, on ne s'en rend pas compte. Et alors, pour s'en rendre compte, il faut être... placé dans une situation dans laquelle on s'en rend compte. Alors, on s'en rend compte de la décrue économique quand on a du mal à joindre les deux bouts. C'est pour ça que je disais en rigolant,
- Speaker #0
enfin c'est pas en rigolant, je reste, vis ma vie de smicard.
- Speaker #1
Et on s'en rend compte quand on est placé dans un contexte dans lequel le contexte biophysique, on le sent en direct. Donc on a à travailler un flux physique qui s'épuise, je sais pas,
- Speaker #0
donc on est pêcheur, il n'y a plus de poissons, enfin voilà.
- Speaker #1
Quand on est confronté au quotidien,
- Speaker #0
quand on est ostréiculteur et que l'eau est trop chaude et qu'il y a trop de bestioles et qu'il y a trop de pollution et que je ne sais pas quoi, voilà. Donc, vie ma vie d'ostréiculteur smicard.
- Speaker #1
Je ne vois pas tellement comment on pourrait. Et du reste,
- Speaker #0
j'en reviens à ce qui n'est pas du tout une expérience de pensée. Quand j'étais étudiant, il y avait un stage ouvrier. que les bonnes filles et les bons fils de bourgeois que nous étions cherchaient tous, sauf exception à carotter, parce qu'on trouvait que ce n'était pas drôle. Justement, c'était ça la valeur de l'expérience, c'est que ce n'était pas drôle. Enfin, pas drôle,
- Speaker #1
c'était un autre monde.
- Speaker #0
Et en fait, moi, avec le recul du temps, entre le service militaire et le stage ouvrier, ça a été des périodes courtes,
- Speaker #1
mais extrêmement utiles,
- Speaker #0
où j'ai été confronté à un univers qui n'était pas du tout le mien, ça m'a fait le plus grand bien. Peut-être que, je ne sais pas, un des antidotes, c'est un stage ouvrier annuel.
- Speaker #1
des dirigeants,
- Speaker #0
peut-être que ça leur ferait le plus grand bien.
- Speaker #2
Alors, te voilà pour la troisième et dernière partie de l'entretien. Acupuncteur, selon toi, quelle décision, quelle action, quelle intervention pourrait aujourd'hui contribuer significativement à la fabrique d'un monde habitable ?
- Speaker #1
Tripatouiller le code génétique humain ? Alors, l'une des raisons pour lesquelles le monde aujourd'hui a du mal à rester habitable,
- Speaker #0
ou plus exactement se dégrade,
- Speaker #1
c'est le nombre et la pression par personne. Donc la question de l'acupuncture, c'est comment est-ce qu'on agit sur le nombre et comment est-ce qu'on agit sur la pression par personne. Et là, quand j'ai dit tripatouiller le code génétique humain, je pense que je suis assez sérieux.
- Speaker #0
Alors, on va essayer de faire sans,
- Speaker #1
mais parce que on n'est pas encore sortis partout dans le monde de cette espèce de réflexe biologique d'avoir la descendance la plus nombreuse possible parce que pendant très longtemps, ça a été un facteur de protection personnelle pour sa propre existence, sa propre survie, son propre confort,
- Speaker #0
son matériel. Et la pression par personne est malheureusement le résultat pour moi de caractéristiques biologiques de notre espèce,
- Speaker #1
qui est que nous sommes,
- Speaker #0
comme beaucoup d'animaux, paresseux et accumulatifs, et comme tous les animaux sociaux, désireux de progresser dans le groupe. Alors je vais revenir sur ces trois caractéristiques.
- Speaker #1
Nous sommes paresseux parce qu'à peu près tous les animaux cherchent à économiser leur énergie pour le moment où ça sera un facteur de survie. Parce que les conditions sont hostiles, parce qu'il faudra échapper à un prédateur, parce qu'il faudra courir derrière une proie. Donc en gros, le phoque, il fait de la graisse parce qu'il fait froid, donc il accumule. Il garde son énergie le plus possible pour échapper à l'ours blanc au moment où l'ours blanc lui court derrière.
- Speaker #0
Et il garde son énergie le plus possible pour le moment où il a besoin de courir derrière les poissons pour être capable de se nourrir. Et puis le reste du temps, surtout, il ne fait pas de dépenses d'énergie inutiles.
- Speaker #1
Donc nous sommes fondamentalement paresseux,
- Speaker #0
comme tous les animaux.
- Speaker #1
Et donc... plus on peut en avoir en se fatiguant peu et plus on le fait. Or, il se trouve que les machines,
- Speaker #0
c'est-à-dire les convertisseurs externes d'énergie,
- Speaker #1
sont un exosquelette très confortable pour en avoir le plus possible en se fatiguant le moins possible.
- Speaker #0
On a quand même beaucoup plus de vaisselle en ayant des fours à verre et des laminoires qu'en faisant ça avec nos petits bras musclés.
- Speaker #1
etc.
- Speaker #0
Donc on se déplace beaucoup plus vite en étant le cul dans une voiture qu'en étant obligé de marcher, et on se fatigue moins, enfin bref.
- Speaker #1
Donc on se... et c'est pour ça qu'on devient,
- Speaker #0
comme disent les Américains, des couch potatoes, vautrer devant la télé à bouffer des snacks, c'est biologique, on se fatigue pas. Alors, il y a quelques cas de figure dans lesquels on se fatigue quand même, par exemple les sportifs, c'est parce qu'il y a un autre élément qui va venir nous motiver à faire ça, et c'est peut-être là qu'elle salue, qui est le fait qu'on est des animaux sociaux attachés aux signes de statut, mais j'y viendrai tout à fait à la fin.
- Speaker #1
Le deuxième élément, c'est qu'on est accumulatif. Alors pourquoi est-ce qu'on est accumulatif ?
- Speaker #0
On est accumulatif pour la même raison que le phoque, parce qu'il faut faire des réserves pour passer le moment où il n'y aura rien à bouffer.
- Speaker #1
Et en particulier,
- Speaker #0
ma théorie, c'est qu'au moyen de latitude, et en fait c'est une théorie que j'emprunte un peu à Jared Diamond quelque part,
- Speaker #1
C'est qu'au moyen de l'attitude,
- Speaker #0
il faut passer l'hiver, et pour passer l'hiver, il faut accumuler pendant l'été.
- Speaker #1
Depuis qu'il y a des sociétés organisées au moyen de l'attitude, le fait d'accumuler est une vertu. Et du reste,
- Speaker #0
un exemple que je cite souvent dans la fable de la cigale et de la fourmi, l'insecte qui a le brôle, c'est l'insecte accumulatif, c'est-à-dire la fourmi. La cigale qui va faire la zazou, ce n'est pas bien vu dans cette histoire.
- Speaker #1
Donc on est paresseux, on est accumulatif. Et enfin, nous sommes des animaux sociaux vivant en groupe. Et tous les animaux sociaux vivant en groupe sont attachés ou tentent de monter dans la hiérarchie.
- Speaker #0
Ils font tous ça, c'est une pulsion primaire, parce que comme ça on peut avoir plus facilement accès à la reproduction et disséminer ses gènes, plus facilement accès à la nourriture, plus facilement accès aux services rendus par les autres, qui viennent vous épouiller la tête et je ne sais pas quoi.
- Speaker #1
Donc voilà,
- Speaker #0
on est attaché au signe de statut parce qu'on est des animaux sociaux. Si on était tous des loups solitaires, très...
- Speaker #1
Donc, il faut qu'on ait des éléments de valorisation personnelle. qui nous pousse à avoir plus que le nécessaire.
- Speaker #0
Tous les financiers qui vont sortir des écoles de management, en fait,
- Speaker #1
ils sont mus par ça.
- Speaker #0
Ils sont mus par le fait qu'ils veulent avoir plus que le nécessaire parce qu'ils pensent que c'est utile pour leur confort personnel, que comme ça, ils seront mieux considérés dans le groupe, etc.
- Speaker #1
Et donc, ces trois caractéristiques nous poussent à en avoir jamais assez. En vouloir toujours plus. Toujours,
- Speaker #0
toujours, toujours. Un de mes associés fait souvent la blague suivante, qui est de dire, le salaire minimum, quel que soit mon niveau de revenu, c'est ce que je gagne plus 10%.
- Speaker #1
Et c'est pas faux. C'est pas faux, parce que si à un moment, on en avait assez, quel sens ça aurait d'avoir 300 milliards plutôt que d'en avoir 150 ? Mais non, parce que d'avoir 300 milliards,
- Speaker #0
c'est important pour sa position dans le groupe. Et donc, M. Arnault est intéressé à être devant M. Bezos plutôt que derrière. Ce n'est pas une affaire de survie, ce n'est même pas une affaire de vie, ce n'est même pas une affaire de niveau de vie. Je diviserais le patrimoine de Bernard Arnault par 100, qu'il aurait toujours le même train de vie. Ça ne changerait strictement rien.
- Speaker #1
Mais par contre,
- Speaker #0
l'élément statut social dans cette histoire est un élément suffisamment puissant. pour le conduire à vouloir multiplier son patrimoine par 100. C'est bien la preuve que c'est puissant. Alors là, j'ai pris l'exemple de quelqu'un de connu pour que tout le monde comprenne, mais je n'ai strictement rien contre lui. Enfin, en tout cas, pas d'action chez lui, il n'a rien fait à titre personnel, je ne suis pas en train d'exprimer un ressentiment.
- Speaker #1
C'est juste pour bien faire comprendre. Et donc,
- Speaker #0
cette affaire-là est valable.
- Speaker #1
Et donc, le smicard français qui vit considérablement mieux que le Tanzanien moyen, Pour autant,
- Speaker #0
il n'est pas du tout prêt à abandonner une partie de ce qu'il a au profit du Tanzanien. Et il veut vivre comme vit le cadre moyen français qui lui-même veut vivre comme moi. Et moi, je veux vivre.
- Speaker #1
C'est une course sans fin. Et donc, si j'étais l'acupuncteur, j'essaierais de trouver l'alchimie, l'équation, le subtil équilibre, le déclencheur, l'interrupteur, je ne sais pas comment je dois dire, qui fait qu'on va arriver à mettre... dans le seul élément qui soit à notre disposition, qui puisse combattre les deux autres, c'est-à-dire les éléments de statut, l'envie de faire ce qu'il faut pour que notre société puisse collectivement, notre société humaine de quelques milliards d'individus, puisse collectivement tenir dans la boîte, en ne se plaignant pas trop de ses conditions d'existence. C'est ça que j'essaierais de trouver.
- Speaker #0
J'ai bien conscience que c'est plus vite dit que fait.
- Speaker #1
Mais c'est dans cette direction que j'essaierais de travailler.
- Speaker #2
Est-ce que la... La spiritualité, la métaphysique a un rôle à jouer dans cette voie peut-être à ouvrir. Ce qui me vient à l'esprit en t'écoutant, c'est que tu nous as décrit en long, en large et en travers le nouveau régime physique, dans lequel on est les uns et les autres, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, parti pris, parti lié. Je me réfère un instant au stoïcien qui aimait à dire qu'il faut savoir combiner physique et métaphysique. Est-ce qu'on est aujourd'hui... traversée par une métaphysique, par des métaphysiques qui se sont déjà hissées au nouveau régime physique ou est-ce que finalement on continue d'avoir une métaphysique dominante qui est un train derrière finalement le nouveau régime physique ?
- Speaker #0
Alors je ne suis pas sûr d'avoir envie de rejoindre la communauté demain matin et j'ai bien conscience du fait que en disant ça je prends quelques risques.
- Speaker #1
Question Colibé. Mais enfin,
- Speaker #0
la bonne question c'est pourquoi est-ce que les amiches ont envie de vivre comme ils vivent ?
- Speaker #1
Sachant que,
- Speaker #0
si mes informations sont correctes, chaque jeune amiche, on lui donne la possibilité de ne pas rester. On lui dit, t'as un an, tu fais le tour du monde, tu sors, tu vas voir, tu bouffes des McDo à outrance et tu conduis des grosses bagnoles, et puis au bout d'un an tu te poses la question, est-ce que t'as envie de rester ou est-ce que t'as pas envie de rester ? Il y en a un certain nombre qui ont envie de rester.
- Speaker #1
Donc la bonne question,
- Speaker #0
c'est qu'est-ce qui les motive ces gens-là ? Une fois, j'ai bien conscience qu'en disant ça, particulièrement avec les déclarations récentes de notre cher président, je prends quelques risques,
- Speaker #1
mais c'est pour bien me faire comprendre. Je pense qu'il faut aller, il faut comprendre qu'est-ce qui fait qu'il y a des gens qui ont envie. de se contenter de ce qu'ils ont sans aller chercher 25 fois plus. Je pense que la solution, elle est de ce côté-là. Alors, j'ai bien conscience qu'en parlant de spiritualité, en fait,
- Speaker #0
on va parler de religion, on va parler de morale, enfin, on va parler de ce genre de choses. Avec la religion et la morale, on n'est pas très loin de l'inquisition et de l'excommunication et de l'excommunion, pardon,
- Speaker #1
et des choses de cette...
- Speaker #0
de cette nature.
- Speaker #1
Donc il y a un subtil équilibre à trouver entre la tolérance et la norme.
- Speaker #0
La tolérance étant précisément d'accepter que les gens ne soient pas dans la norme.
- Speaker #1
Et donc... Et je n'ai pas la réponse.
- Speaker #0
Je ne suis pas en train de dire qu'il n'y a qu'à faut qu'on, j'en sais rien.
- Speaker #1
Par contre, je pense qu'il y a des choses à explorer de ce côté-là, à voir qu'est-ce qu'on peut proposer, sur quoi on peut travailler, j'ai envie de dire. C'est évident pour moi qu'une partie de la solution sera du côté des valeurs.
- Speaker #0
Alors, valeurs, on est toujours dans ce registre-là, c'est la spiritualité.
- Speaker #1
Et qu'est-ce qu'on fait des gens qui ne partagent pas les valeurs ?
- Speaker #0
On les laisse quand même vivre comme ils veulent, on les met en tôle, on les crucifie, qu'est-ce qu'on fait ? Je n'ai pas du tout la réponse à cette question, je ne suis pas très favorable à ce qu'on les crucifie, mais je veux dire par là,
- Speaker #1
c'est un débat difficile.
- Speaker #0
On le voit bien, par exemple ce débat est omniprésent dans le débat sur l'immigration. Alors, entre Rocard qui disait on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ce qui n'a pas provoqué de tollé, et des gens qui disent on ne peut pas accueillir ces gens-là parce qu'ils ne partagent pas nos valeurs qu'est-ce qu'on fait ? Enfin, je veux dire, qui a tort, qui a raison ? Est-ce qu'il y a une manière apaisée de gérer ça ? Ou est-ce que c'est nécessairement la foire d'empoigne ? Enfin, bon, bref.
- Speaker #1
Mais on va tomber de ce côté-là.
- Speaker #0
On va tomber sur le côté de, au fond, qu'est-ce qui fait qu'on fait société ? et comment est-ce qu'on arrive à marier correctement la cohésion et la tolérance. C'est pas simple.
- Speaker #1
Mais la solution est de ce côté-là. C'est-à-dire qu'on ait envie, au titre de valeur,
- Speaker #0
de ne pas transgresser et de respecter des limites physiques qu'on considère comme légitimes et supportables.
- Speaker #2
On s'est beaucoup parlé de limites pendant cet entretien. L'entretien, lui aussi, a sa limite. Merci Jean-Marc.
- Speaker #0
Merci.
- Speaker #3
Merci d'avoir écouté cet épisode de Nos Limites, produit par Logarithme. L'ensemble des épisodes est disponible sur toutes les plateformes et sur le site atelier-desfuture-au-pluriel.org. Pour ne rien rater des prochains épisodes, abonnez-vous et n'hésitez pas à en parler autour de vous. A bientôt !