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#46 Philippe Bihouix - Relever le défi des ressources

#46 Philippe Bihouix - Relever le défi des ressources

56min |14/10/2024
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Description

Philippe Bihouix est ingénieur, directeur général du groupe AREP, une filiale de la SNCF.

En France, il est l’un des premiers à s’intéresser à la raréfaction des ressources minérales et à son impact sur la transition énergétique.

Philippe a consacré plusieurs essais à ces questions. Ce mois-ci, il publie avec Vincent Perriot aux éditions Casterman une bande dessinée intitulée “Ressources : un défi pour l’humanité”.

Dans l’entretien à suivre, Philippe s’interroge au sujet des ressources dont notre civilisation technique aura besoin au siècle prochain, revient sur le rôle clé joué par la réfrigération dans le développement d’une économie mondiale et propose pour finir de supprimer le numérique à l’école et éviter que les jeunes générations soient élevées dans le culte d’un progrès technique sans limites.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    I can slightly hear it.

  • Speaker #1

    Nos limites. Un podcast de Thomas Gauthier, produit par Logarith.

  • Speaker #0

    The growing threat of climate change could define the contours of this sense. The world is waking up and change is coming,

  • Speaker #1

    whether you like it or not. Une enquête aborde du vaisseau Terre à la recherche d'un nouveau cap pour l'humanité.

  • Speaker #0

    Nous sommes en train d'atteindre les limites planétaires,

  • Speaker #2

    nous sommes en train de détruire ce qui nous permet de vivre. La modernité, c'est la vitesse. Et c'est vrai que ça va un peu vite.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on ne peut pas se permettre de ne pas s'engager.

  • Speaker #1

    Il faut qu'on soit dans une science de combat. Enseignant-chercheur à EM Lyon Business School, Thomas va à la rencontre de celles et ceux qui explorent le futur et se remémorent l'histoire pour bâtir un monde habitable dès aujourd'hui. À chaque épisode, son invité, curieux du monde à venir, commence par poser une question à l'oracle. Ensuite, tel un archiviste, il nous rapporte un événement méconnu du passé dont les conséquences sont pourtant bien prégnantes dans le monde actuel. Pour conclure, il devient acupuncteur et propose une action clé afin d'aligner les activités humaines sur les limites planétaires. Philippe Biwix est ingénieur, directeur général du groupe Arep, une filiale de la SNCF. En France, il est l'un des premiers à s'intéresser à la raréfaction des ressources minérales et à son impact sur la transition énergétique. Il a consacré plusieurs essais à ces questions. Ce mois-ci, il publie avec Vincent Perriot, aux éditions Casterman, une bande dessinée intitulée Ressources, un défi pour l'humanité Dans l'entretien à suivre… Philippe s'interroge sur les ressources dont notre civilisation technique aura besoin au siècle prochain. Il revient sur le rôle clé joué par la réfrigération dans le développement d'une économie mondiale. Il propose pour finir de supprimer le numérique à l'école et d'éviter que les jeunes générations soient élevées dans le culte d'un progrès technique sans limite.

  • Speaker #2

    Bonjour Philippe.

  • Speaker #0

    Bonjour Thomas.

  • Speaker #2

    Alors ça y est, tu es face à l'oracle ? Tu vas pouvoir lui poser une question, qu'est-ce que tu lui demandes ?

  • Speaker #0

    Alors en fait, j'aurais presque pu me contenter de ne pas avoir d'oracle, une machine à voyager dans le temps m'aurait suffi éventuellement, mais alors du coup je me sers de l'oracle comme machine à voyager, plutôt dans le temps. l'avenir, même si le passé peut être passionnant aussi. Je rêverais de retrouver l'île de Cuba, décrite par Christophe Colomb avec les lucioles qui éclairent la forêt tropicale. Et bon, voilà. Donc on va aller dans le futur. Et moi, je m'intéresse à la question des ressources depuis très longtemps, ce qu'on appelle les ressources non renouvelables, c'est-à-dire essentiellement les métaux, mais pas que, dont les concentrations, les gisements se sont créés au fur et à mesure des âges géologiques. Parfois, on exploite des choses qui sont au-delà du milliard d'années. Ça s'est produit, ça s'est concentré presque une seule fois. En tout cas, c'est souvent des millions, des dizaines de millions, des centaines de millions d'années. Et puis, on va taper dans ce stock, extraire des... choses et les utiliser dans notre dans tout notre système industriel quoi ça fait ça fait tout notre tout notre confort tous les services tout là toute la production est bon ben voilà plein de questions sur la durée de ce stock donc voilà ce que j'ai envie de demander à l'oracle c'est les projettes mois en l'an 2200 et 10 mois quelles ressources utilisent la civilisation humaine sur quelle sur quelle base ça fonctionne comment ça fonctionne est ce qu'il y en a encore assez est ce qu'il ya des choses sur lesquelles on est On est tombé en pénurie, dont on a appris à se passer, et comprendre ce monde-là. Est-ce qu'il y a encore de l'hélium, par exemple, dans l'équivalent des IRM du futur ? Il faut savoir que les aimants qu'il faut refroidir pour faire cette imagerie médicale, c'est ce gaz léger, l'hélium, qui sert aussi dans les dirigeables ou les ballons-sondes ou autres. Et cet hélium, en fait, on l'extrait du gaz naturel. Il se concentre dans certaines poches de gaz naturel. Et quand on le sort, ensuite il fuit, il n'y a rien qui est étanche à l'hélium ou à l'hydrogène, et il part dans l'espace en fait, il est trop léger pour être retenu par la gravité terrestre. Donc est-ce qu'on a encore de l'hélium en l'an 2200, puisqu'on n'exploite plus sans doute de champs gaziers, et comment on fait pour avoir un prix à s'en passer ?

  • Speaker #2

    À travers les questions que tu poses à l'oracle, tu nous rappelles en creux que les ressources non renouvelables sont aujourd'hui, en 2024, absolument partout. Tu prends l'exemple de l'IRM, donc elles sont dans le champ de la santé. Tu t'intéresses aussi aux questions énergétiques, tu t'intéresses au transport, tu t'es intéressé dans un ouvrage récent à la question de la ville. Aujourd'hui, en 2024, à quel point est-ce que cette prise en considération des ressources... non renouvelables est évidente pour toi. À quel point est-ce que celles et ceux qui, dans le champ public ou dans le champ privé, ont une responsabilité vis-à-vis du temps long intègrent un raisonnement étayé, peut-être aussi scientifiquement appuyé, autour des ressources non renouvelables ? Où sont les lieux, les organisations, les cercles où, d'après toi, aujourd'hui, la question des ressources non renouvelables est abordée avec le plus grand sérieux ?

  • Speaker #0

    Quand on regarde un peu l'histoire du débat autour de la question des ressources, finalement, est-ce qu'on va en avoir assez ou est-ce qu'on va manquer ? Ça démarre au XIXe siècle avec le charbon. Dès le début du XIXe siècle, on trouve des débats, y compris à la Chambre des communes, en Angleterre, etc. Et puis, il y a vraiment, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, des lanceurs d'alerte conservationnistes, des gens issus de la biologie de la conservation, qui vont effectivement avoir des écrits, des livres qui ont beaucoup de succès, pour alerter finalement sur le sujet. sur le fait qu'il y a du développement économique, qui fait qu'on consomme de plus en plus par personne, et qu'il y a aussi du développement démographique à l'époque, beaucoup. Et donc la combinaison des deux va nous faire exploser et va nous amener dans des grandes pénuries. Et ce débat-là, il va durer pendant une trentaine d'années, jusque dans les années 70. Ou de part et d'autre, on aura des cornucopiens, donc des gens qui pensent l'abondance, un cornucopien à la corne d'abondance, donc qui sont plutôt dans la logique du progrès technologique qui va permettre d'économiser des ressources ou de repousser la pénurie, comme on l'a toujours fait. Par exemple, on peut dématérialiser certaines choses, dit-il, ou alors on va tout simplement, je ne sais pas, passer du câble de cuivre à la fibre optique, et donc on va consommer moins de cuivre, c'est des exemples comme ça. Et ce... Et puis de l'autre côté, on a plutôt des gens issus des sciences dures qui disent, ben non, il y a quand même des limites. Le débat va complètement disparaître dans les années 80-90 parce qu'il y a finalement une combinaison de plein de choses. Il y a les stocks stratégiques des États-Unis, de l'URSS et d'autres pays qui étaient prévus pour faire la Troisième Guerre mondiale au cas où sont remis sur le marché. Donc ça fait baisser le prix des métaux, le prix des ressources. Il y a la chute de l'URSS. qui va faire qu'il y aura une baisse du PIB dans tout le bloc de l'Est. Et donc ça va aussi baisser la demande. Il y a des progrès technologiques un peu fabuleux qui sont faits aussi sur les méthodes d'exploration des ressources. les méthodes d'exploitation des ressources. On peut penser par exemple au gaz ou au pétrole non conventionnels, qui sont des manières finalement d'avoir créé des nouvelles réserves grâce au progrès technologique. Et donc cette notion de réserve, elle est très très mouvante, et effectivement jusqu'à présent on continue à vivre dans un monde d'abondance. Mais à partir du milieu des années 2000 et de plus en plus dans la décennie 2010, effectivement la question des ressources est revenue d'abord l'ensemble. lancement dans le débat public pour plusieurs raisons. D'abord, il y a des questions autour du pic de pétrole dans les années 2000. Alors, pic de pétrole qui a été passé d'un point de vue conventionnel, mais qui a été repoussé si on intègre les pétroles dits non conventionnels. Il va y avoir la poussée du numérique, la poussée aussi de la transition énergétique basée sur des énergies renouvelables et la mobilité électrique. pour les voitures, mais pas que. Et là, à partir de cette décennie 2010, depuis une quinzaine d'années, on a des grandes agences internationales, donc l'OCDE, le programme des Nations Unies pour l'environnement, la Banque mondiale, nombreuses universités, la Commission européenne, qui ont tous un peu fait leur scénario, on dirait, socio-économique, sur la question du prédévolement des ressources. Et effectivement, il y a une accélération. Il y avait une accélération, déjà, par le business as usual. de l'industrialisation du monde, de l'urbanisation, de la numérisation, et puis se rajoute une couche sur des métaux bien spécifiques, de batteries ou autres, qui fait qu'effectivement la ponction extra-activiste devient de plus en plus importante. Donc il y a vraiment cette réflexion, c'est ajouter à ça la question un peu géopolitique, la question de la souveraineté évidemment, prenons l'exemple de la guerre en Ukraine, la Russie n'est pas... qu'un grand producteur de pétrole, de gaz et de charbon, c'est aussi un grand producteur de nickel, de titane, donc métal de l'aéronautique, de platinoïdes, les questions des terres rares en Chine, d'un certain nombre d'autres métaux, où la Chine ne contrôle pas forcément la production minière, mais contrôle par exemple la métallurgie derrière, c'est le cas du cobalt par exemple. Donc aujourd'hui, la question des ressources est beaucoup plus hype, on va dire, il y a effectivement... si on prend juste l'échelle européenne ou française il y a un suivi des matières premières critiques il y a un plan sur les matières premières critiques au niveau européen qui est un mix de relance minière d'incitations diverses et variées au recyclage et puis de diplomatie des ressources avec des pays autres et puis à l'échelle française il y a eu aussi, il y a une dizaine d'années s'est créé le comité des métaux stratégiques et puis aujourd'hui il y a un observatoire il y a plein de... de choses qui se montent. Maintenant, si on se dit, toute cette effervescence et cette prise de conscience, à quoi elle mène ? Eh bien, pour l'instant, à pas grand-chose, en fait, parce que... Alors, à part, pardon, les questions de relance minière, là, oui, alors avec des oppositions locales ou plus globales qui existent et existeront, en particulier en Europe, mais sur la capacité à essayer de transformer notre système économique pour faire, effectivement, de la sobriété en ressources, soit parce qu'on a besoin d'intégrer moins de ressources dans les objets et les services que nous consommons, soit parce qu'on arriverait à mieux faire durer et ensuite mieux recycler ces objets, mieux les démanteler pour pouvoir récupérer les ressources. Là, on en est extrêmement loin, hélas, et on a même plutôt tendance à détériorer encore le système dans lequel on est parce que les objets qu'on conçoit, qu'on fabrique, sont souvent de plus en plus complexes. C'est évidemment le cas des objets du numérique, avec les 40-45 métaux que va contenir le smartphone type. Je reste un peu imprécis parce que tout ça ce sont des technologies propriétaires, c'est très difficile d'accéder aux données, mais c'est sans problème cet ordre de grandeur. Et sur la soixantaine de métaux que compte le tableau de Mandelayef, le tableau des éléments chimiques, il y en a la moitié qui sont aujourd'hui recyclés à moins de 20%, quasiment zéro. Et pourquoi ? Parce qu'en fait on les intègre dans une multiplication. d'objets différents, d'alliages différents, des milliers d'alliages différents, souvent des quantités très petites, à cause des objets miniaturisés, très intégrés, et donc quand on va arriver en fin de vie, le recyclage est un cauchemar technique, on n'y arrive pas, et surtout on n'arrive pas à injecter toute la main-d'oeuvre, tout le travail humain qui serait éventuellement nécessaire pour correctement démanteler, séparer des choses, démonter, trier, et rendre ensuite une métallurgie compatible. quand on mélange 40 métaux ensemble et qu'on broie et qu'on passe ça au four électrique on arrive déjà à récupérer une dizaine de métaux c'est déjà très très fort, il faut déjà quelques produits chimiques et quelques process industriels divers et variés. Et donc en fait aujourd'hui il n'y a pas vraiment d'appel à la sobriété, on voit bien que cette question elle est taboue pour plein de raisons, parce qu'elle implique des choses sur le PIB, elle implique des choses sur les finances publiques elle implique des choses sur la question de l'emploi, sur la question de la trajectoire économique des entreprises entreprises. Donc l'idée de dire ah bah tiens oui c'est vrai, une voiture de 2 tonnes qui aurait 500 km d'autonomie, une voiture électrique ah bah oui ça va consommer allez 10 fois plus de batterie que une petite voiturette qui ferait 800 900 kg je sais pas et qui aurait 150 ou 200 km d'autonomie c'est grosso modo proportionnel à l'autonomie bien sûr et puis au poids de la voiture à peu de choses près et bien voilà cette 1 On n'est pas en train de faire un virage vers la mobilité électrique, vers un petit produit qui intégrerait moins de métaux et donc serait plus sobre en ressources. Et puis d'ailleurs, cette voiture, pourquoi est-ce qu'elle ne dure pas 30 ans ou 40 ans, comme les avions, les tramways, les bus ? Pourquoi est-ce qu'on la jetterait au bout de 10 ans ? Et puis d'ailleurs, est-ce qu'on ne peut pas les partager ? Toutes ces questions-là, elles sont assez peu abordées. On aborde un peu, comme toujours, plutôt une question technologique, en disant est-ce qu'on peut améliorer quand même justement le recyclage ? Donc il y a des choses, par exemple l'idée des expérimentations sur le fait de lécher les cartes électroniques avec des fluides super critiques, donc à haute pression, haute température, pour venir vraiment lécher, littéralement récupérer le contenu métallique, et puis ensuite, par chimie séparative, on va pouvoir récupérer les métaux. Il y a des choses comme ça, mais franchement aujourd'hui... quand on voit le résultat, l'extraction continue à augmenter de façon exponentielle. Ça va plus vite que le PIB à l'échelle mondiale. On ne dématérialise donc pas, au contraire, on hypermatérialise d'une certaine manière. Puisqu'on a des taux de croissance qui peuvent être 3, 4, 5, 7% par an. Ça fait beaucoup, ça veut dire que ça double selon un pas de temps qui peut être 15 à 30 ans, typiquement. Et donc on ne voit pas du tout d'effet de cette prise de conscience, ou de cette nouvelle prise de conscience du caractère potentiellement fini de ces ressources.

  • Speaker #2

    Alors avec ce que tu viens de développer, j'aimerais te proposer une expérience de pensée qui n'était pas au programme et qui est un petit peu motivée par une... une discussion qu'on a eue en préparation de cet échange. Alors, le contexte, tu as certainement à l'esprit cette espèce d'effondrement écologique à vitesse grand V qui s'est produit sur l'île de Nauru. Ce micro-État qui, dans les années 70, était, je crois, le deuxième pays au monde en termes de PIB par habitant juste derrière l'Arabie saoudite et qui, en fait, en l'espace de quelques décennies à peine, sur fond de frénésie extractive, a été... tout simplement détruit pour toujours ces écosystèmes et détruit toute capacité finalement à accueillir une vie et des habitants, des populations en bonne santé. Dans le domaine de la santé humaine, tu me rappelais que... Avant de mettre un médicament sur le marché, on doit obtenir une autorisation de mise sur le marché. Parce qu'on veut respecter quelque part et on veut protéger la santé humaine. Imaginons un instant que l'on veuille sincèrement respecter et protéger la santé planétaire, la santé des écosystèmes dont on dépend directement ou indirectement. Ça pourrait ressembler à quoi ? Un protocole d'autorisation de mise sur le marché ? de nouvelles technologies, de nouvelles infrastructures. Est-ce qu'on peut utiliser l'analogie avec l'autorisation de mise sur le marché de médicaments ou alors est-ce que cette analogie, comme d'autres, a ses limites ? C'est une expérience de pensée. Qu'est-ce que tu peux nous en dire ?

  • Speaker #0

    C'est pas simple. Alors, petit pied de nez sur l'île de Neuru, c'est vrai que du coup, ils se sont retrouvés dans une situation économique un peu difficile, puisque la rente des phosphates, parce que c'était des phosphates, n'était plus disponible. Et ils se jettent à corps perdu dans toutes les solutions possibles qui vont d'être un paradis fiscal jusqu'à aujourd'hui, accorder des futurs permis d'exploitation de nodules polymétalliques. au fond des océans. Donc en fait, ils reviennent, hélas, sur la question des ressources et tous ces petits états insulaires du Pacifique sont soumis à des envies potentielles de futur multinational de l'extraction des ressources. avec évidemment un impact sur la biodiversité qui sera démultiplié. On maîtrise beaucoup moins l'impact environnemental sous la mer qu'au sol, et c'est pas peu dire. Alors l'autorisation de mise sur le marché, c'est un peu... petit clin d'œil aussi au Cercle de la Donnée qui a publié un rapport récemment sur l'impact du numérique, mais au sens de la santé humaine et de la santé environnementale. Et donc en disant, mais finalement, oui, pourquoi on ne ferait pas une autorisation de mise sur le marché des nouveaux services numériques, finalement, en disant, démontrer que il y a l'impact, que le gain, quelque part le progrès social, etc., le progrès humain que va apporter ce nouveau service numérique sera, compensera d'une certaine manière ou largement l'impact environnemental. Alors évidemment, on en est ultra loin, parce que évidemment aujourd'hui la question ne se pose pas, mais effectivement on peut développer n'importe quel service numérique le plus idiot, alors qu'on n'a pas le droit de mettre n'importe quelle molécule sur le marché, il y a effectivement, et Dieu sait que pourtant il y a déjà des choses sur le marché dont on pourrait discuter la pertinence, évidemment. À quoi ça pourrait ressembler ? En fait, ça pose une affreuse question de l'échelle à laquelle on peut mener la transition. Et moi, je trouve que ce qui est vraiment intéressant, c'est que, évidemment, on a toujours un peu plein de choses dans les milieux écolos. En fait, soit on est dans l'ultra-local parce qu'il peut se passer des choses géniales. Il y a une recyclerie, ressourcerie, je ne sais pas quoi, avec plein d'expérimentations sympas. Mais on voit bien que passer à l'échelle et généraliser ne fonctionne pas forcément. Alors ça n'empêche pas d'avoir... de belles aventures, de belles expérimentations, évidemment, et des beaux échanges humains. Et puis, après, on trouve à l'autre bout du spectre le fait de dire qu'il faut se mettre d'accord dans une économie mondialisée. Si on n'a pas tout le monde qui avance à la même vitesse, eh bien, en fait, ça ne marche pas parce qu'on va se faire casser les reins. avec des réglementations sociales ou environnementales qui vont à plusieurs vitesses. Il y avait eu le fameux exemple des quotas de CO2 à l'échelle européenne, qui touchaient notamment les cimenteries. On avait des cimentiers qui s'installaient dans des pays hors protocole de Kyoto, et qui importaient le clincaire. C'est le produit intermédiaire qui a été cuit, le calcaire et l'argile qui ont été cuits ensemble, et qui contient l'essentiel des émissions de CO2, quelque part. dans le produit cuit. Et donc, évidemment, on ne gagnait rien parce qu'on ne faisait que délocaliser. Et en fait, je pense qu'il y a vraiment différentes échelles sur lesquelles on peut agir, y compris l'échelle peut-être régionale, y compris l'échelle nationale, l'échelle européenne et non pas mondiale, à condition, évidemment, d'avoir les mécanismes de protection aux frontières. C'était un gros mot il y a une dizaine d'années. Aujourd'hui, ce n'est plus du tout un gros mot puisque même la Commission européenne, on va avoir, par exemple, un mécanisme d'ajustement aux frontières sur un certain nombre de grands produits émetteurs comme l'acier. qui va se mettre en place. Aujourd'hui, tout le monde reconnaît que pour mener la transition à différentes échelles, ça peut être intéressant. Alors du coup, cette nouvelle AMM, il faudrait voir l'échelle à laquelle elle peut s'imposer ou pas. On pourrait dire que dans le domaine du numérique, c'est totalement impossible parce que vous vous rendez compte, les gens peuvent mettre leur serveur où ils veulent. Ce n'est pas vrai du tout. Le numérique se maîtrise très bien et un certain nombre de régimes moins démocratiques que les nôtres pratiquent. Je veux dire, aujourd'hui, Google au Vietnam, ils font ce que leur dit le gouvernement vietnamien. Donc en fait, on peut aller assez loin. Et je crois que pendant le confinement en 2020, d'ailleurs, avec l'explosion du trafic Internet qui était généré par le fait que beaucoup de gens travaillaient à la maison, et que c'était nouveau, et que les tuyaux, quelque part, n'étaient pas dimensionnés pour ça, il y a eu les sites Internet pornographiques qui ont été bridés en termes de qualité. de vidéo, je n'ai pas les détails exactement mais j'avais entendu parler de ça, je ne pourrais pas citer la source mais c'est quand même intéressant pour pouvoir permettre qu'il y ait quand même un peu de place pour ceux qui télétravaillaient pour de vrai au delà de la plaisanterie mais c'est pour dire qu'en fait tout ça, ça se discute ça se travaille, ça peut se réaliser rien n'empêcherait par exemple un pays comme la France même la réglementation européenne ne l'empêcherait pas de dire qu'on a un unique réseau d'accès de télécommunication vous savez les... des réseaux 2G, 3G, 4G, 5G qui s'empilent. Aujourd'hui, il y a quatre opérateurs. Eh bien, il y a quatre fois quatre réseaux pour permettre la concurrence. Ça, c'est un espèce d'énorme gâchis de ressources, un gâchis d'électricité, puisque toutes les antennes, elles vont émettre des ondes pour récupérer le signal de votre téléphone, etc. Et dans une industrie de réseaux, vous avez rarement des réseaux qui s'empilent les uns à côté des autres pour organiser la concurrence. Vous n'avez pas quatre réseaux d'eau qui rentrent chez vous pour choisir votre opérateur. Vous n'avez pas quatre câbles électriques. Vous n'avez pas quatre autoroutes parallèles, quatre trains. Par contre, on a quatre réseaux télécoms. On pourrait imaginer un unique réseau d'accès qui serait mutualisé, sur lequel tous les opérateurs pourraient monter de manière indifférenciée, et qui serait concédé par région à différents opérateurs, comme on le fait par exemple dans le cadre de l'eau, au niveau d'intercommunalité ou autre. Donc voilà, c'est un exemple d'échelle où on pourrait faire des actions à l'échelle au niveau national. Et donc cette autorisation sur le marché, la première question que je poserais, faudrait, c'est de dire qu'à l'échelle, on peut la faire ou pas. Et en fonction des cas, sans doute, il y a des échelles qui... L'action ne peut pas être pertinente si on est à un niveau trop petit. Par exemple, imaginons que la France décide de taxer des smartphones pour interdire certains types de smartphones, je ne sais pas. On peut imaginer qu'assez vite se mettra en place. un marché noir, enfin voilà il y a eu le cas sur d'autres produits où il y avait des écarts de TVA, des gens qui jouent là dessus. Par contre vous avez des actions et des systèmes qui sont tout à fait localisés, si vous voulez rouler avec une voiture sur une roue française, il faut avoir un télématrix. réculer, avoir une carte grise, vous ne pouvez pas faire n'importe quoi, vous ne pouvez pas rouler avec un char d'assaut sur une autoroute, donc c'est... Et quand vous allez dans un restaurant, dans de la restauration rapide, finalement, si on leur disait vous avez 24 mois pour vous organiser pour que ça ne soit plus des emballages jetables parce qu'on ne supporte plus ces volumes-là, donc organisez-vous différemment et il y aurait... plein de solutions pour s'organiser différemment, eh bien, finalement, ils ne vont pas se mettre à vous livrer par drone d'Espagne ou de Belgique. Donc, il y a vraiment cet intérêt-là. Donc, moi, l'expérience de pensée que j'aurais envie de mener, c'est de dire, finalement, c'est quoi... Mon rayon d'action possible, d'échelle régionale, donc on parle évidemment de quelque chose qui est réglementaire, qui est normatif, et qui peut prendre comme ça différentes voies. Et puis, évidemment, ça ne présume en rien de l'acceptabilité. mobilité sociale, bien sûr. C'est pas parce que je dis, tiens, ça serait intéressant de faire de la France ou de l'Europe. Alors l'Europe, ça serait dur à cause de l'Allemagne pour l'instant, mais de faire un continent ou un pays champion de la petite voiture électrique de longue durée. au lieu de faire des SUV électriques qui dureront 8 ou 10 ans, eh bien, on pourrait le faire d'un point de vue technique, ça a une pertinence d'un point de vue réglementaire, et en termes de faisabilité, c'est ultra simple, mais il resterait une question d'acceptabilité sociale, avec des gens qui hurleraient à la mesure liberticide, ou les débats sur les familles nombreuses, et que sais-je, comme on l'a déjà, quand il y a quelques timides mesures de... sur le fait de taxer au poids, par exemple, les voitures, très vite, on est dans un débat complexe. Donc, je ne sais pas si ça répond tout à fait à la question.

  • Speaker #2

    En tout cas, ça lui permet de vivre un peu plus, puisque c'était juste une toute première expérience de penser à voir si d'autres vont vouloir la poursuivre. Je te propose maintenant de passer à la deuxième partie. Te voilà désormais archiviste. Est-ce que tu peux nous ramener un événement clé, qui est d'après toi méconnu, voire même inconnu ?

  • Speaker #0

    qui a marqué l'histoire et dont les effets se font encore sentir aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas une question facile. On va se voir que j'ai eu le temps de préparer. Parce qu'effectivement, ce n'est pas tout à fait un événement. On va dire que c'est une conjonction d'événements. Moi, je suis assez passionné par la poussée technique. et scientifiques du XIXe siècle. Je suis très impressionné par ce qui se passe aussi en ce moment. Mais voilà, c'est quand même un moment de l'histoire un peu dingue. Et d'ailleurs, il y a des gens qui... Je pense à l'historien des techniques Maurice Domas qui disait, mais finalement, il est décédé. avant le smartphone et avant ChatGPT, de loin, mais ils disaient, prenez la génération qui a vécu entre 1860 et 1920, ce qu'ils ont pris en termes d'évolution technologique, pensons au télégraphe, au au téléphone, à la photo, au cinéma, à l'armement de masse, à la révolution de l'agriculture, la mécanisation, l'arrivée de l'automobile, le développement du train, qui finalement, ouf, par rapport à ce que vit notre propre génération, ou à ce qu'est vécu celle de nos parents, même avec le processeur au silicium ou au germanium, bon, ben voilà, c'est une mignonne accélération. Je trouve que ce moment-là, il est intéressant. Et donc j'ai choisi ce qui se passe dans les années... dans les décennies 1850, plutôt même 1860, avec la mise au point de la réfrigération industrielle. Et souvent en fait, quand on parle de la thermodynamique, donc cette science un peu des machines à feu, disait Sadi Carnot dans les années 1820, avant de décéder très jeune, on pense vraiment à la mise au point et à l'amélioration continue des machines à vapeur. Mais en fait la thermodynamique c'est aussi le réfrigérateur qu'on a à la maison. Alors ça commence pas avec des réfrigérateurs à la maison, ça commence vraiment avec de la réfrigération industrielle. Il faut savoir que... La question du froid, la question de la conservation des aliments, en particulier des aliments carnés, c'est un sujet qui traverse des siècles, pour ne pas dire des millénaires. Et en fait, la solution historique, c'était de transformer... transformer les produits. Donc c'est de saler les viandes, de faire des pâtés, de faire des fromages pour conserver les produits laitiers, etc. Ensuite, il y a un petit peu de... L'autre solution, c'était de ramasser de la glace en hiver. et de la stocker en sous-sol ou dans des grands hangars entourés de paille ou d'un isolant. Et puis du coup, ça permettait de tenir jusqu'à l'été et de garder les aliments au froid. Donc c'était quand même, on va dire, pas très pratique. Alors ça a créé quelques conséquences historiques sympas. C'était sympa, je ne sais pas si elles sont sympas, mais on pourrait dire en exagérant un peu que la découverte de l'Amérique, ou la redécouverte par Christophe Colomb, finalement Colomb était peut-être plutôt parti chercher des épices que chercher de l'or par une route plus large. plus courte. Et pourquoi les épices ? Parce que le poivre et un certain nombre d'épices permettent soit d'avoir une logique un peu antiseptique, donc empêchent un peu les bactéries de se développer, de dégrader ou de rendre la viande non pas juste faisandée, mais vraiment dangereuse à manger. Mais ça permettait aussi de passer un goût un peu faisandé par exemple. Donc voilà, c'est vraiment l'or du Moyen-Âge, ce sont plutôt les épices. Et donc voilà, du coup, il découvre l'Amérique du fait finalement de... de la recherche de poivre, du fait qu'on n'avait pas cette réfrigération. Et donc ce qui va changer avec cette découverte que finalement en faisant une dépression d'un gaz avec peu d'électricité, ça permet de générer du froid, ça va ouvrir un champ un peu incroyable, ça va amplifier la non-limite malthusienne du XIXe siècle. Malthus prévoyait de manière assez logique des grandes famines, enfin en tout cas... le fait que les rendements agricoles allaient plafonner alors que la population continuait à se développer de manière comme une suite géométrique, donc ça allait poser un problème. C'est à la fois lié big et donc le fait qu'on peut fertiliser qui va aider, mais c'est aussi, à partir du dernier quart du XIXe siècle, le fait qu'on va mobiliser pour des populations européennes d'énormes surfaces en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, en Australie, et qu'on va venir réimporter grâce aux premiers... des céréales, mais aussi... aussi, et beaucoup du bœuf congelé, de l'agneau congelé de Nouvelle-Zélande, du bœuf de la Pampa, etc. Et donc ces premiers grands flux vont finalement venir soutenir en protéines la révolution industrielle, ou la deuxième partie de la révolution industrielle, et puis le début des années 1900, puis on pourrait même dire les soldats de la Première Guerre mondiale, même si... il y avait aussi du bœuf en conserve, le fameux corned beef. Mais voilà, c'est un peu ça. Et puis aujourd'hui, ça continue à pousser, puisque finalement, après, il y aura les bananes, les fruits exotiques, je crois, dans les années 20. Alors, on n'est pas dans les trucs congelés, mais on est dans une température qu'on trouve contrôlés. Et puis, aujourd'hui, ça nous poursuit. Pourquoi ? Ce n'est pas juste le fait de pouvoir avoir mis des yaourts au réfrigérateur, mais c'est aussi le fait qu'une partie de la consommation est vraiment liée à ces chaînes de réfrigération très rapides. L'essentiel, par exemple, des fleurs coupées, les roses équatoriennes ou kenyanes qui vont prendre des avions et qui vont passer par Amsterdam et revenir chez votre fleuriste bleue. pour le week-end. en toute saison, s'il vous plaît, c'est la réfrigération. Et puis, on pourrait dire tout le phénomène de métropolisation, même de mégapolisation, la concentration qui a été permise de populations de plus en plus importantes dans des zones qui certes s'étalent un peu, mais sont aussi plus denses que ce que pouvaient être les populations paysannes. Eh bien, c'est aussi la réfrigération qui le permet, puisque finalement, il y a un moment où le pétrole aussi, bien sûr, n'oublions pas le... Le seigneur qui est là. Mais voilà, c'est le fait, à un moment, les zones de chalandise, la chaîne du froid permet aussi évidemment de faire venir des choses de plus en plus loin pour nourrir des populations qui ne pourraient pas se nourrir avec l'interland de la métropole où ils habitent.

  • Speaker #0

    Alors il me semble qu'on peut associer la réfrigération à l'idée d'un moyen, un moyen technique qui permet de dépasser des limites à la fois temporelles et spatiales. Il me semble que ces dépassements-là sont bien souvent dans nos esprits, dans les imaginaires collectifs associés à des images très positives. L'homme apparemment est un être de dépassement, est un être de franchissement, c'est un être qui souhaite avoir le moins possible de terra incognita sur une carte. Il semble même que le progrès tel qu'il a été pensé longtemps soit synonyme de sans cesse repousser les limites de notre ignorance. A contrario, on a à l'esprit, d'après tout ce que tu nous as dit jusqu'ici, qu'il est nécessaire de réaligner quelque part les systèmes et les sociétés humaines avec le système Terre. Est-ce qu'on a aujourd'hui à portée de main, sur étagère ou pas loin de nous, des imaginaires de tempérance, de alignement, de réencastrement qui soient eux aussi positivement chargés ?

  • Speaker #1

    Alors, en fait, on pourrait déjà contester... le fait que l'être humain voilà du point de vue vraiment profondément anthropologique serait câblé quelque part pour partir à la conquête, se développer, consommer toujours plus avec un peu de dopamine et de striatum, et que finalement ça ferait vraiment partie de notre nature profonde. Moi, je suis qu'un ingénieur modeste, donc je ne suis pas anthropologue, sociologue, psychologue, etc., mais il y a des gens qui ont écrit là-dessus, et je conteste un peu cette vision-là. Par exemple, Moi, je pense, par exemple, que quand on voit la... la conquête, quelque part, d'un certain nombre de lieux, de voir que l'Australie et les aborigènes franchissent il y a 70 000 ans le petit endroit où l'eau est trop profonde et donc, voilà, autant l'Indonésie c'était un continuum avec les glaciations, l'eau était 100 mètres plus bas, donc tout va bien, mais il y a des endroits où il fallait prendre la pirogue et passer, quoi. Je veux dire, il y a 70 000 ans, avec le niveau technologique qu'ils avaient, il y avait beaucoup de courage. Moi, je n'arrive pas à m'enlever du fait qu'on partait un peu la saguette dans le dos, quoi, à la la conquête, parce qu'à un moment il y avait une charge possible sur une surface donnée, et puis il y en a qui devaient partir, un peu comme d'ailleurs pendant des siècles et des siècles en France, vous étiez le premier né, vous héritiez du petit lopin de vos parents, et puis le deuxième, le troisième, il fallait qu'ils partent faire marin, avec une durée de vie je crois, une expérience de vie de 24 mois, ou partir dans les colonies, ou je sais pas quoi, il y avait des mécanismes, un peu malthusiens, pour réguler la population. Surtout, il y a la question de l'innovation parce qu'effectivement, on vit dans cette religion de l'innovation dans cette religion de la technique qu'a beaucoup de codes de certains types de religions. Il y a le lieu saint de la Silicon Valley les grands messes qui sont le Consumer Electronics Show ou Vivatech, les oracles bien sûr Elon Musk, Sam Altman qui vont délivrer leurs pensées sur Twitter, enfin sur X pardon et puis ensuite ça va être commenté par... par tout le haut et bas clergé. Voilà, donc les hérétiques, bien sûr, si on conteste le progrès technologique, on est forcément hérétiques. Donc, il y a un peu tous ces codes-là. Et ça, c'est pareil, c'est de dire, bah oui, ça serait inéluctable finalement, la Terre est le berceau de l'humanité, mais on reste pas dans son berceau toute sa vie, n'est-ce pas ? Donc forcément, conquérir l'espace, etc. Et en fait, là-dedans, dans cette fascination de l'innovation, Lewis Mumford, qui est un grand historien et technique états-unien, lui disait, c'est assez intéressant, c'est dans le mythe de la machine, il a écrit ça à la fin des années 60, début des années 70, il disait mais en fait l'être humain n'est pas un innovateur. L'être humain est un formidable imitateur, un coopérateur né. Et en fait c'est presque darwinien. Thèse en quelque sorte, donc il faudrait aller travailler un peu tout ça. Mais l'idée c'est quoi ? C'était de dire que pendant des millénaires ou même des dizaines de millénaires, le nombre d'êtres humains était très limité, des petites hordes de chasseurs-cueilleurs qui devaient se transmettre un fragile capital technique et cognitif, quelque part la connaissance des plantes, des migrations des animaux, etc. Et donc en fait il y avait un attachement, la manière de casser un caillou pour faire à peu près, qui coupe à peu près correctement le quartier de viande, que sais-je. Et en fait ce fragile capital technique, il fallait le maintenir, y compris à travers les glaciations, à travers des migrations, à travers plein de choses. Et que finalement ce qui était le plus important c'était conserver le capital technique plutôt que l'augmenter. dit autrement et d'un point de vue darwinien, si vous cassiez le silex pas tout à fait comme papa ou maman, pour pas genrer le truc, et bien peut-être que vous vous faisiez fracasser le crâne assez vite, ou tout simplement vous étiez chassé de la tribune, Mais toi qu'est-ce que tu nous fais avec ton silex qui n'a pas la même forme ? Et donc du coup il se reproduisait moins vite, et d'un point de vue darwinien ça fait quoi ? Et bien ça fait un être humain qui d'un point de vue anthropologique, et pensez pour ceux qui ont des petits-enfants, ou des petits-frères, des petites-sœurs, comme ils adorent les histoires mille fois répétées, les comptines, toujours les mêmes trucs, les procédures, et hop tout à coup, effectivement, quand il y a quelque chose de nouveau qui arrive, c'est vrai qu'il y a une curiosité ça fait aussi partie de notre câblage et alors là s'il y a un truc qui marche bien sûr, un nouveau silex une nouvelle manière de taper sur le silex, alors là tout le monde y va et on imite très vite, évidemment le marketing utilise ça et donc, voilà, ce que disait M. Ford, c'est finalement, l'être humain la majorité des gens sont des imitateurs et puis il y en a quelques-uns qui n'offrent quoi, donc essayons pas de tous être innovants et formidables etc. Donc ça c'est déjà un premier imaginaire qu'on pourrait venir un petit peu un petit peu challenge J'ai finalement cet imaginaire de l'entrepreneur innovateur formidable, choumpétérien bien sûr, avec la destruction créatrice et ce formidable progrès finalement, avec cette confusion évidemment terrible entre le progrès humain. et si tant est qu'on sache exactement ce que ça veut dire, ou le progrès civilisationnel, et puis le progrès des connaissances scientifiques, et puis l'évolution technique, technologique, et finalement ces trois trucs-là, et bien, avancent évidemment, il y en a deux qui avancent de concert, mais le progrès humain et civilisationnel, celui-là, peut-être se discuterait. Et voilà, y compris la question du bonheur et autres. Donc, quel type d'imaginaire on peut aller chercher ? En fait, on n'a pas, évidemment, alors il y a aujourd'hui beaucoup d'envie sous forme de romans, de pièces de théâtre, de séries, il y a des choses, il y a de la production en cours ou réalisée sur cette idée de dire comment rendre la transition désirable, comment, bah oui, effectivement, peut-être un monde de sobriété, un monde de post-croissance pourrait fonctionner. fonctionner de manière économique, etc. Comment se ferait aussi cette transition ? Là-haut de ceux disaient la cible c'est le chemin, ou le chemin c'est plus important que la cible, donc en fait finalement c'est pas le savoir de dire, ah là là, en 2100 c'est génial, ils vont être bas carbone ou post carbone, et puis ils seront tous heureux, ils seront super, mais qu'est-ce qui se passe entre les deux en fait ? Parce que moi ma vie, je vais pas la vivre en 2100, à moins de réussir à me faire cryogéniser, mais pour l'instant j'ai ni les moyens ni l'envie, et donc il y a un peu de production là-dessus, mais personne n'est vraiment capable de... c'est clair, de définir comment on va faire atterrir ce vaisseau fou qu'est notre système industriel, avec à la fois des poussées, certes très rapides, de technologie qui s'y est là, mais aussi une énorme énergie de tous les macro-systèmes techniques que sont les systèmes de production industrielle. Même si on change le modèle d'une voiture, c'est pour dans dix ans le nouveau modèle. Les infrastructures, portoirs, logistique, etc. Tout ça ne va pas si vite que ça. Les villes elles-mêmes, bien entendu, en visent sur un stock. La ville de 2050, à 90% en Europe, c'est la ville d'aujourd'hui. Même si on fait des smart buildings et des trucs optimisés géniaux, c'est la ville existante qui va falloir travailler. Donc réussir à décrire tout ça et à construire un nouvel imaginaire, on ne l'a pas vraiment. Par contre, ce qu'on a, et ce qu'on peut aller piocher et chercher, c'est le fait que, justement, il y a eu des moments de l'histoire de l'humanité où les valeurs sociétales n'étaient pas celles d'aujourd'hui. Et donc, on prend pour argent comptant, finalement, un peu... même s'il y a déjà des choses bigarrées à l'échelle mondiale, bien entendu, mais si je me cantonne à la civilisation occidentale, on peut aller chercher plein de choses. Donc effectivement, dans l'Antiquité, chez les Grecs, une des quatre vertus cardinales, c'est la tempérance. Les autres étant la justice, etc. Donc, la tempérance, c'est quoi ? C'est la capacité à limiter, quelque part, ses envies ou ses besoins, ou, entre autres, il y a une définition plus large, mais pour, finalement, mieux la mettre en adéquation avec, soit les limites, effectivement, aujourd'hui, on dirait des limites planétaires, soit, tout simplement, même avec les limites physiques possibles de l'époque. Il y a eu des moments de l'histoire où les gens les plus respectés n'étaient pas les gens les plus riches. Aujourd'hui évidemment, si j'ai un milliardaire de la tech qui arrive, tout le monde se couche, et sans doute les médias ont de toute manière quelques retombées aussi. Le modèle économique de la publicité fait que ça doit un peu déformer leur indépendance. Moi j'arrive pas à comprendre comment ils arrivent à sérieusement interviewer Jeff Bezos qui nous explique qu'on aura 1000 milliards. de terriens dans le futur. Ils ne seront pas terriens d'ailleurs, tout à fait, parce qu'ils vivront essentiellement dans des grands torts, des stations orbitales en forme de torts qui tourneront sur elles-mêmes pour recréer la gravité. Et qui présentent ça, mais vraiment, je ne sais pas si c'est sérieux ou pas, et à la fin c'est pour nous vendre le fait qu'il va faire un peu de tourisme spatial, grosso modo. Comment c'est possible, je ne sais pas. Et du coup je perds le fil, pardon, parce que Jeff Bezos parfois m'agace, parmi d'autres. Donc... les plus riches sont quelque part les plus respectés, ou en tout cas du coup ça leur permet de donner leur opinion sur tout. Eh bien, il y a eu des moments, dans les civilisations mélanésiennes, par exemple, ou en Papouasie, eh bien, il y avait des big men qui étaient, les personnes les plus respectées sont celles qui étaient les plus pauvres, en fait. Parce qu'en fait, pour être respecté, il faut distribuer tout ce qu'on a. Il faut former de dons. C'est un peu comme l'évergétisme sous le l'Empire Romain, ou la fin de la République Romaine, où en fait on avait des gens très riches, comme Crassus, Pompée, etc. Ils étaient très riches parce qu'ils avaient un peu piqué dans les caisses, à l'époque c'est vraiment les finances publiques et privées sont très très mélangées, quand on gère une province romaine, c'est vraiment, on le gère comme son compte en banque, mais bon, en tout cas, du coup, pour se faire élire ensuite, alors des trucs pas du tout démocratiques, mais peu importe, mais voilà, il faut payer des aqueducs, il faut payer des fontaines publiques, il faut payer des jeux, voilà, donc... on distribue un petit peu autour de soi pour être respecté si on prend les tribus amérindiennes il y avait certaines tribus amérindiennes, notamment dans l'Ouest on avait le concept du potlatch ce sont des moments rituels, des dîners communs où on se redistribue, on s'échange cette logique un peu du don et du contre-don ça c'est Marcel Moss anthropologue du début du XXe siècle qui parlait de la triple obligation l'obligation de donner, recevoir et rendre. Cette idée de dire que ce qui crée les sociétés humaines, c'est le don finalement. Alors aujourd'hui, c'est pas forcément un don en numéraire, dont je parle, ou en physique, c'est aussi le don de son temps, le don à la communauté, etc. Donc voilà, on voit qu'en fait on peut aller chercher, il y a une multiplicité de choses qui ont été expérimentées, ou en tout cas vécues, elles n'étaient pas vues comme une expérimentation, mais en tout cas aujourd'hui on peut les trouver. trouvés là, et puis surtout il y a énormément d'écrits qui ont été produits notamment pendant tout le XXe siècle, où on peut aller piocher par exemple l'inventivité et la capacité de remise en question du système qui va avoir lieu à la fin des années 60 et dans le cours des années 70. Alors sans doute sur la lancée d'un mix d'un peu de 68 je simplifie ou de guerre du Vietnam, ça dépend où on est, de contestation de la guerre du Vietnam et un poil de communisme. qui se promènent là-dedans, mais surtout un monde de plein emploi encore, un monde d'avant les premiers chocs pétroliers et d'avant le chômage technologique, donc avec le développement des machines dans les usines, permettait peut-être une liberté de pensée plus grande qu'aujourd'hui, où quand même, dans un trajet de vie professionnel, il faut quand même faire bouillir la marmite et peut-être on... on se brille de tous plus les uns les autres et c'est plus difficile peut-être d'être bifurqueur aujourd'hui quand on a 25 ans de remboursement à faire pour sa résidence principale.

  • Speaker #0

    On arrive à la troisième et dernière partie de notre entretien. Tu t'es présenté face à l'oracle, tu viens de jouer le rôle d'archiviste. Maintenant, tu deviens s'il te plaît acupuncteur. Selon toi, quelle serait la décision, quelle serait l'action, quelle serait l'intervention qui pourrait aujourd'hui contribuer de manière significative à la fabrique d'un monde plus habitable ? Tu appuies où dans le système aujourd'hui ? C'est hyper dur comme question parce que j'enfonce une porte ouverte, mais tout ça est très systémique et donc pour mener une transition important du bonheur pour le plus grand nombre, parce qu'il faut que ça soit une transition dans une logique démocratique, tant qu'à faire, il faut vraiment aligner beaucoup de planètes. Une planète, on a vu tout à l'heure, un peu... réglementaires, normatives, donc dépendant plutôt d'une échelle étatique ou supra-étatique. Il faut aligner un système fiscal. Aujourd'hui, les ressources et l'énergie valent pas grand chose, enfin l'énergie un peu plus maintenant. mais les ressources ne valent rien. Elles ne valent que le capital et le travail pour les extraire. Donc, capital mort... Non, travail mort, aurait dit Marx au XIXe siècle, je crois. Deux fois que je parle de communisme et de Marx, tout le monde va croire que j'ai lu, mais non, pas du tout. Donc, le système... fiscale bénéficie en fait aujourd'hui, quand vous êtes une administration, une entreprise que vous pouvez remplacer du travail humain par une machine, en général vous le faites, même si cette machine elle est consommatrice de ressources qui seront perdues de façon inéluctable pour les générations futures, parce que c'est rentable, parce qu'en fait on n'a que quelques milliards d'euros de taxes environnementales et qu'en face on a 450 ou 500 milliards d'euros de contributions sur les salaires qui permettent de payer l'assurance maladie, l'assurance chômage, les retraites. et donc voilà le travail humain est quelque part un peu plus cher donc quand vous voulez mettre quelqu'un à démonter un smartphone ça fonctionne pas parce que il ya que deux euros de matières premières dans un smartphone donc vous n'avez pas payé quelqu'un très très longtemps pour optimiser la récupération de ces matières premières donc il faudrait travailler ça aussi et puis évidemment la question vient d'aborder tout à l'heure la question culturelle la question des valeurs etc Il faudrait réussir à aligner tout ça, tout ça dans un bloc géopolitique mouvant, donc sympa. Donc, une mesure qui vraiment va significativement faire basculer, sans doute faudrait un mix de mesures et d'événements, et je laisse aux générations futures, aux générations présentes déjà, d'essayer de travailler le Tetris et j'y contribuerai à ma petite échelle. Je vais tenter un truc qui est la question du numérique à l'école. Je dénumériserai l'école. Alors il y a des petits débats en ce moment parce que ça y est, la Scandinavie fait un peu... Les pays de Scandinavie font un peu marche arrière et reviennent avec des... à des manuels papier. Ça s'est sorti au printemps, il y a toujours un petit peu à la rentrée scolaire, il y a toujours un peu cette idée de dire alors est-ce qu'on va réussir à ranger les smartphones des collégiens ou pas pour respecter ce qui a été décidé il y a déjà quelques années. En fait, moi j'irais vraiment plus loin que ça, je ferais de l'école une zone refuge face à l'accélération numérique du monde. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas éduquer au numérique. En cours de technologie, je veux bien qu'on dépiaute un ordinateur, qu'on regarde ce qu'il y a dedans et puis qu'on explique un peu quelques bases. Mais je n'éduquerai pas au numérique par le numérique. Or, c'était le pari qui avait été fait jusqu'à présent. L'école a toujours été un peu victime de fascinations technopédagogiques. Moi j'ai fait, dans un de mes ouvrages, je suis remonté au 19e siècle avec la lanterne magique. Edison dans les années 20 expliquait que grâce à ses appareils de projection et au cinématographe, les livres allaient disparaître. Ensuite il y a eu les MOOC. Les premiers MOOC c'était la radio et puis après la télé. Et puis à partir des années 70, il y avait des machines à enseigner, des petits dispositifs électromécaniques. Et puis ensuite ils sont arrivés. les mini-micro-ordinateurs et les tablettes aujourd'hui. Et en fait, évidemment, ça ne marche jamais, puisque ça aussi, tout a été écrit, et on peut aller chercher d'autres choses. Le fait que, finalement, le miracle de la transmission de savoir, c'est la relation enseignant-enseigné, maître-élève, et que, voilà, imaginer une espèce d'utopie où les élèves, sur leur tablette, découvrent le monde avec un prof qui n'en sait pas plus qu'eux, grosso modo, parce qu'il y a Wikipédia et... le savoir mondial, ça ne fonctionne pas trop. Donc déjà, sortir de cette utopie qui fait qu'en fait on dépense de l'argent pour acheter des dispositifs technologiques. Quand vous dépensez de l'argent pour acheter de la technologie, vous avez moins d'argent pour payer des gens. C'est un peu ce qui se passe aussi dans d'autres domaines. À l'hôpital, les robots chirurgiens, dont certains, je ne m'avance pas sur tout, mais dont certains, on pourrait discuter les rapports coûts-bénéfices et le gain par rapport à des actes chirurgicaux problématiques. Cette technologie-là, vous allez payer moins d'infirmières, d'infirmiers, etc., etc. C'est vrai dans l'agriculture. Plus vous numérisez l'agriculture, plus il faut que vous fassiez de la productivité, c'est-à-dire mettre de moins en moins de travail humain pour ça. Donc l'école n'échappe pas à cette logique-là. Donc arrêtez évidemment tout ce qui est recherche sur les financements de startups diverses et variées, parce qu'il y avait cette idée un peu de dire c'est génial, en fait on va financer des startups en France. On va tester tout ça chez nous, puis après, du coup, on va exporter en Corée du Sud nos super logiciels. Bon, franchement, j'y crois quand même qu'à moitié. Mais surtout, réussir, en fait, grâce à cette dénumérisation, grâce à ce signal envoyé. Aujourd'hui, on envoie un signal aux parents de dire, c'est bien le numérique, puisqu'on va mettre vos enfants sur des outils numériques. Donc, au contraire, de dire, non, on prend le contre-pied. On a des cartes murales de géographie, c'est bon la géographie elle évolue pas si vite que ça, ok hélas le niveau de l'océan monte, mais enfin bon ça devrait tenir pour l'année scolaire. Histoire idem, enfin je veux dire, ok on peut faire des histoires très contemporaines. Enfin, quand on est en 6e, en 4e, en 5e, on peut garder des manuels scolaires pendant quelques années quand même, etc. Donc, la connaissance n'est pas victime d'obsolescence aussi vite que ça, ou en tout cas la connaissance de base. Et puis, bah oui, on découvre qu'on apprend mieux à compter avec un boulier à Singapour ou je sais pas quoi, ou en Corée du Sud encore une fois. Donc voilà, dénumériser, freiner, contribuer à freiner cette accélération. Et qui peut aussi, du coup, justement, contribuer à commencer à construire un peu dans les jeunes générations. Mais on espère aussi que ça diffuse sur d'autres générations aussi, évidemment. C'est un peu... ça ne marche jamais, mais... C'est l'idée de dire, comme les enfants à la maternelle, ils apprennent à bien trier dans les bonnes poubelles, comme ça en rentrant chez eux, ils vont apprendre à papa et maman à bien trier. Bon, ça a toujours des résultats pas terribles, donc il faut mieux se concentrer sur les savoirs fondamentaux, écrire, compter, comprendre un texte, etc. Je pense que ça pourrait envoyer un signal sociétal de dire qu'il n'y a pas que le numérique dans la vie des amis. Et puis non, ce n'est pas juste, il faut s'adapter, il est là, c'est chouette et on va créer les citoyens numériques du futur. Moi, la notion de digital natif m'a toujours un peu effaré. Je ne vois pas pourquoi un gamin de 3 ans ou 4 ans serait plus intelligent qu'un papy de 60 devant un outil numérique dont il comprend peut-être vaguement certains usages, mais dont il ne comprend rien en termes de ce qui est... convoqués derrière et des modes de fonctionnement profond, qu'ils soient physiques ou même tout simplement économiques et les logiciels derrière, etc. Donc voilà, ça serait ma contribution. Alors je ne postule pas au poste de ministre de l'éducation nationale. Alors quand on dit ça en fait à la radio, ça veut dire que si tu postules. Mais en fait non, moi là vraiment je ne postule pas du tout. Mais voilà, on pourrait tenter ça.

  • Speaker #1

    Alors, comme tu nous parles de dénumérisation, je vais te parler pendant 1 minute 30 maximum de papier. Dans quelques jours sort ta bande dessinée, ressources. Imagine que tu disposes de 88 secondes pour en parler à une étudiante qui viendrait tout juste d'intégrer un programme dans une école de commerce. Qu'est-ce que tu lui racontes à cette jeune étudiante au sujet de cette bande dessinée ?

  • Speaker #0

    Eh bien... Je lui dirais d'abord qu'elle est la cible parfaite. C'est pas parce qu'elle a fait une école de commerce, c'est pas une école d'ingénieur ou une école d'architecture ou de design. C'est parfait. Le but de la bande dessinée d'abord c'est ça, c'est d'élargir l'audience à des gens qui n'iront pas des essais. environnementaux, parce que voilà, pour plein de questions, pour des questions de temps, des questions d'impétence. Donc c'est vrai qu'aujourd'hui, la bande dessinée et le podcast sont deux vecteurs rois de la transmission peut-être d'idées et ou de savoirs. ensuite que ça sera un bel achat parce qu'après elle peut le prêter, donner, faire circuler dans une logique d'intensification de la matière il ne faut surtout pas le ranger dans une bibliothèque et ne plus l'utiliser mais au contraire faire circuler tout ça si effectivement l'objet lui a plu et ensuite que voilà c'est un plongeon dans l'univers des ressources, voilà cette question de De l'extraction au recyclage ou non, à la dispersion en passant par l'utilisation et comment on pourrait technologiquement aller vers un monde plus durable, à la fois en faisant de la sobriété mais pas que de la sobriété. et austérité, plutôt de la sobriété systémique. Un exemple de la télécommunication qui n'aurait aucun impact sur les utilisateurs finaux est un petit exemple dont on parle d'ailleurs fugacement dans la BD. Et puis, on ne s'est pas arrêté. à la question technologique, même si je suis ingénieur, on a poussé justement sur des questions de quelque part, quelles évolutions justement culturelles, où on a apporté quelques éclairages, et donc voilà, par exemple, le potlatch, qui était pratiqué par les Kwakwaka'wakw, qui s'écrit que avec des K, des W, des A, donc c'est très compliqué, mais ça se prononce Kwakwaka'wakw, et puis voilà, la Grèce antique, etc., Juliette et Roméo, enfin on est un peu parti sur tout ce qui faisait, finalement, qu'on a l'impression d'être plus heureux parce qu'on est des... citoyen consumériste et en fait non, il y a une autre voie.

  • Speaker #1

    Eh bien écoute, je pense qu'on va clore cet entretien sur ces paroles. Grâce à toi, j'imagine que l'on a recréé une forme de concorde entre physique et métaphysique et j'espère que les auditrices et auditeurs auront autant de plaisir à t'écouter que j'ai eu aujourd'hui à... de questionner. Merci Philippe.

  • Speaker #0

    Merci Thomas.

  • Speaker #2

    Merci d'avoir écouté cet épisode de Nos Limites, produit par Logarithme. L'ensemble des épisodes est disponible sur toutes les plateformes et sur le site atelier au singulier desfuture Pour ne rien rater des prochains épisodes, abonnez-vous et n'hésitez pas à en parler autour de vous. A bientôt !

Description

Philippe Bihouix est ingénieur, directeur général du groupe AREP, une filiale de la SNCF.

En France, il est l’un des premiers à s’intéresser à la raréfaction des ressources minérales et à son impact sur la transition énergétique.

Philippe a consacré plusieurs essais à ces questions. Ce mois-ci, il publie avec Vincent Perriot aux éditions Casterman une bande dessinée intitulée “Ressources : un défi pour l’humanité”.

Dans l’entretien à suivre, Philippe s’interroge au sujet des ressources dont notre civilisation technique aura besoin au siècle prochain, revient sur le rôle clé joué par la réfrigération dans le développement d’une économie mondiale et propose pour finir de supprimer le numérique à l’école et éviter que les jeunes générations soient élevées dans le culte d’un progrès technique sans limites.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    I can slightly hear it.

  • Speaker #1

    Nos limites. Un podcast de Thomas Gauthier, produit par Logarith.

  • Speaker #0

    The growing threat of climate change could define the contours of this sense. The world is waking up and change is coming,

  • Speaker #1

    whether you like it or not. Une enquête aborde du vaisseau Terre à la recherche d'un nouveau cap pour l'humanité.

  • Speaker #0

    Nous sommes en train d'atteindre les limites planétaires,

  • Speaker #2

    nous sommes en train de détruire ce qui nous permet de vivre. La modernité, c'est la vitesse. Et c'est vrai que ça va un peu vite.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on ne peut pas se permettre de ne pas s'engager.

  • Speaker #1

    Il faut qu'on soit dans une science de combat. Enseignant-chercheur à EM Lyon Business School, Thomas va à la rencontre de celles et ceux qui explorent le futur et se remémorent l'histoire pour bâtir un monde habitable dès aujourd'hui. À chaque épisode, son invité, curieux du monde à venir, commence par poser une question à l'oracle. Ensuite, tel un archiviste, il nous rapporte un événement méconnu du passé dont les conséquences sont pourtant bien prégnantes dans le monde actuel. Pour conclure, il devient acupuncteur et propose une action clé afin d'aligner les activités humaines sur les limites planétaires. Philippe Biwix est ingénieur, directeur général du groupe Arep, une filiale de la SNCF. En France, il est l'un des premiers à s'intéresser à la raréfaction des ressources minérales et à son impact sur la transition énergétique. Il a consacré plusieurs essais à ces questions. Ce mois-ci, il publie avec Vincent Perriot, aux éditions Casterman, une bande dessinée intitulée Ressources, un défi pour l'humanité Dans l'entretien à suivre… Philippe s'interroge sur les ressources dont notre civilisation technique aura besoin au siècle prochain. Il revient sur le rôle clé joué par la réfrigération dans le développement d'une économie mondiale. Il propose pour finir de supprimer le numérique à l'école et d'éviter que les jeunes générations soient élevées dans le culte d'un progrès technique sans limite.

  • Speaker #2

    Bonjour Philippe.

  • Speaker #0

    Bonjour Thomas.

  • Speaker #2

    Alors ça y est, tu es face à l'oracle ? Tu vas pouvoir lui poser une question, qu'est-ce que tu lui demandes ?

  • Speaker #0

    Alors en fait, j'aurais presque pu me contenter de ne pas avoir d'oracle, une machine à voyager dans le temps m'aurait suffi éventuellement, mais alors du coup je me sers de l'oracle comme machine à voyager, plutôt dans le temps. l'avenir, même si le passé peut être passionnant aussi. Je rêverais de retrouver l'île de Cuba, décrite par Christophe Colomb avec les lucioles qui éclairent la forêt tropicale. Et bon, voilà. Donc on va aller dans le futur. Et moi, je m'intéresse à la question des ressources depuis très longtemps, ce qu'on appelle les ressources non renouvelables, c'est-à-dire essentiellement les métaux, mais pas que, dont les concentrations, les gisements se sont créés au fur et à mesure des âges géologiques. Parfois, on exploite des choses qui sont au-delà du milliard d'années. Ça s'est produit, ça s'est concentré presque une seule fois. En tout cas, c'est souvent des millions, des dizaines de millions, des centaines de millions d'années. Et puis, on va taper dans ce stock, extraire des... choses et les utiliser dans notre dans tout notre système industriel quoi ça fait ça fait tout notre tout notre confort tous les services tout là toute la production est bon ben voilà plein de questions sur la durée de ce stock donc voilà ce que j'ai envie de demander à l'oracle c'est les projettes mois en l'an 2200 et 10 mois quelles ressources utilisent la civilisation humaine sur quelle sur quelle base ça fonctionne comment ça fonctionne est ce qu'il y en a encore assez est ce qu'il ya des choses sur lesquelles on est On est tombé en pénurie, dont on a appris à se passer, et comprendre ce monde-là. Est-ce qu'il y a encore de l'hélium, par exemple, dans l'équivalent des IRM du futur ? Il faut savoir que les aimants qu'il faut refroidir pour faire cette imagerie médicale, c'est ce gaz léger, l'hélium, qui sert aussi dans les dirigeables ou les ballons-sondes ou autres. Et cet hélium, en fait, on l'extrait du gaz naturel. Il se concentre dans certaines poches de gaz naturel. Et quand on le sort, ensuite il fuit, il n'y a rien qui est étanche à l'hélium ou à l'hydrogène, et il part dans l'espace en fait, il est trop léger pour être retenu par la gravité terrestre. Donc est-ce qu'on a encore de l'hélium en l'an 2200, puisqu'on n'exploite plus sans doute de champs gaziers, et comment on fait pour avoir un prix à s'en passer ?

  • Speaker #2

    À travers les questions que tu poses à l'oracle, tu nous rappelles en creux que les ressources non renouvelables sont aujourd'hui, en 2024, absolument partout. Tu prends l'exemple de l'IRM, donc elles sont dans le champ de la santé. Tu t'intéresses aussi aux questions énergétiques, tu t'intéresses au transport, tu t'es intéressé dans un ouvrage récent à la question de la ville. Aujourd'hui, en 2024, à quel point est-ce que cette prise en considération des ressources... non renouvelables est évidente pour toi. À quel point est-ce que celles et ceux qui, dans le champ public ou dans le champ privé, ont une responsabilité vis-à-vis du temps long intègrent un raisonnement étayé, peut-être aussi scientifiquement appuyé, autour des ressources non renouvelables ? Où sont les lieux, les organisations, les cercles où, d'après toi, aujourd'hui, la question des ressources non renouvelables est abordée avec le plus grand sérieux ?

  • Speaker #0

    Quand on regarde un peu l'histoire du débat autour de la question des ressources, finalement, est-ce qu'on va en avoir assez ou est-ce qu'on va manquer ? Ça démarre au XIXe siècle avec le charbon. Dès le début du XIXe siècle, on trouve des débats, y compris à la Chambre des communes, en Angleterre, etc. Et puis, il y a vraiment, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, des lanceurs d'alerte conservationnistes, des gens issus de la biologie de la conservation, qui vont effectivement avoir des écrits, des livres qui ont beaucoup de succès, pour alerter finalement sur le sujet. sur le fait qu'il y a du développement économique, qui fait qu'on consomme de plus en plus par personne, et qu'il y a aussi du développement démographique à l'époque, beaucoup. Et donc la combinaison des deux va nous faire exploser et va nous amener dans des grandes pénuries. Et ce débat-là, il va durer pendant une trentaine d'années, jusque dans les années 70. Ou de part et d'autre, on aura des cornucopiens, donc des gens qui pensent l'abondance, un cornucopien à la corne d'abondance, donc qui sont plutôt dans la logique du progrès technologique qui va permettre d'économiser des ressources ou de repousser la pénurie, comme on l'a toujours fait. Par exemple, on peut dématérialiser certaines choses, dit-il, ou alors on va tout simplement, je ne sais pas, passer du câble de cuivre à la fibre optique, et donc on va consommer moins de cuivre, c'est des exemples comme ça. Et ce... Et puis de l'autre côté, on a plutôt des gens issus des sciences dures qui disent, ben non, il y a quand même des limites. Le débat va complètement disparaître dans les années 80-90 parce qu'il y a finalement une combinaison de plein de choses. Il y a les stocks stratégiques des États-Unis, de l'URSS et d'autres pays qui étaient prévus pour faire la Troisième Guerre mondiale au cas où sont remis sur le marché. Donc ça fait baisser le prix des métaux, le prix des ressources. Il y a la chute de l'URSS. qui va faire qu'il y aura une baisse du PIB dans tout le bloc de l'Est. Et donc ça va aussi baisser la demande. Il y a des progrès technologiques un peu fabuleux qui sont faits aussi sur les méthodes d'exploration des ressources. les méthodes d'exploitation des ressources. On peut penser par exemple au gaz ou au pétrole non conventionnels, qui sont des manières finalement d'avoir créé des nouvelles réserves grâce au progrès technologique. Et donc cette notion de réserve, elle est très très mouvante, et effectivement jusqu'à présent on continue à vivre dans un monde d'abondance. Mais à partir du milieu des années 2000 et de plus en plus dans la décennie 2010, effectivement la question des ressources est revenue d'abord l'ensemble. lancement dans le débat public pour plusieurs raisons. D'abord, il y a des questions autour du pic de pétrole dans les années 2000. Alors, pic de pétrole qui a été passé d'un point de vue conventionnel, mais qui a été repoussé si on intègre les pétroles dits non conventionnels. Il va y avoir la poussée du numérique, la poussée aussi de la transition énergétique basée sur des énergies renouvelables et la mobilité électrique. pour les voitures, mais pas que. Et là, à partir de cette décennie 2010, depuis une quinzaine d'années, on a des grandes agences internationales, donc l'OCDE, le programme des Nations Unies pour l'environnement, la Banque mondiale, nombreuses universités, la Commission européenne, qui ont tous un peu fait leur scénario, on dirait, socio-économique, sur la question du prédévolement des ressources. Et effectivement, il y a une accélération. Il y avait une accélération, déjà, par le business as usual. de l'industrialisation du monde, de l'urbanisation, de la numérisation, et puis se rajoute une couche sur des métaux bien spécifiques, de batteries ou autres, qui fait qu'effectivement la ponction extra-activiste devient de plus en plus importante. Donc il y a vraiment cette réflexion, c'est ajouter à ça la question un peu géopolitique, la question de la souveraineté évidemment, prenons l'exemple de la guerre en Ukraine, la Russie n'est pas... qu'un grand producteur de pétrole, de gaz et de charbon, c'est aussi un grand producteur de nickel, de titane, donc métal de l'aéronautique, de platinoïdes, les questions des terres rares en Chine, d'un certain nombre d'autres métaux, où la Chine ne contrôle pas forcément la production minière, mais contrôle par exemple la métallurgie derrière, c'est le cas du cobalt par exemple. Donc aujourd'hui, la question des ressources est beaucoup plus hype, on va dire, il y a effectivement... si on prend juste l'échelle européenne ou française il y a un suivi des matières premières critiques il y a un plan sur les matières premières critiques au niveau européen qui est un mix de relance minière d'incitations diverses et variées au recyclage et puis de diplomatie des ressources avec des pays autres et puis à l'échelle française il y a eu aussi, il y a une dizaine d'années s'est créé le comité des métaux stratégiques et puis aujourd'hui il y a un observatoire il y a plein de... de choses qui se montent. Maintenant, si on se dit, toute cette effervescence et cette prise de conscience, à quoi elle mène ? Eh bien, pour l'instant, à pas grand-chose, en fait, parce que... Alors, à part, pardon, les questions de relance minière, là, oui, alors avec des oppositions locales ou plus globales qui existent et existeront, en particulier en Europe, mais sur la capacité à essayer de transformer notre système économique pour faire, effectivement, de la sobriété en ressources, soit parce qu'on a besoin d'intégrer moins de ressources dans les objets et les services que nous consommons, soit parce qu'on arriverait à mieux faire durer et ensuite mieux recycler ces objets, mieux les démanteler pour pouvoir récupérer les ressources. Là, on en est extrêmement loin, hélas, et on a même plutôt tendance à détériorer encore le système dans lequel on est parce que les objets qu'on conçoit, qu'on fabrique, sont souvent de plus en plus complexes. C'est évidemment le cas des objets du numérique, avec les 40-45 métaux que va contenir le smartphone type. Je reste un peu imprécis parce que tout ça ce sont des technologies propriétaires, c'est très difficile d'accéder aux données, mais c'est sans problème cet ordre de grandeur. Et sur la soixantaine de métaux que compte le tableau de Mandelayef, le tableau des éléments chimiques, il y en a la moitié qui sont aujourd'hui recyclés à moins de 20%, quasiment zéro. Et pourquoi ? Parce qu'en fait on les intègre dans une multiplication. d'objets différents, d'alliages différents, des milliers d'alliages différents, souvent des quantités très petites, à cause des objets miniaturisés, très intégrés, et donc quand on va arriver en fin de vie, le recyclage est un cauchemar technique, on n'y arrive pas, et surtout on n'arrive pas à injecter toute la main-d'oeuvre, tout le travail humain qui serait éventuellement nécessaire pour correctement démanteler, séparer des choses, démonter, trier, et rendre ensuite une métallurgie compatible. quand on mélange 40 métaux ensemble et qu'on broie et qu'on passe ça au four électrique on arrive déjà à récupérer une dizaine de métaux c'est déjà très très fort, il faut déjà quelques produits chimiques et quelques process industriels divers et variés. Et donc en fait aujourd'hui il n'y a pas vraiment d'appel à la sobriété, on voit bien que cette question elle est taboue pour plein de raisons, parce qu'elle implique des choses sur le PIB, elle implique des choses sur les finances publiques elle implique des choses sur la question de l'emploi, sur la question de la trajectoire économique des entreprises entreprises. Donc l'idée de dire ah bah tiens oui c'est vrai, une voiture de 2 tonnes qui aurait 500 km d'autonomie, une voiture électrique ah bah oui ça va consommer allez 10 fois plus de batterie que une petite voiturette qui ferait 800 900 kg je sais pas et qui aurait 150 ou 200 km d'autonomie c'est grosso modo proportionnel à l'autonomie bien sûr et puis au poids de la voiture à peu de choses près et bien voilà cette 1 On n'est pas en train de faire un virage vers la mobilité électrique, vers un petit produit qui intégrerait moins de métaux et donc serait plus sobre en ressources. Et puis d'ailleurs, cette voiture, pourquoi est-ce qu'elle ne dure pas 30 ans ou 40 ans, comme les avions, les tramways, les bus ? Pourquoi est-ce qu'on la jetterait au bout de 10 ans ? Et puis d'ailleurs, est-ce qu'on ne peut pas les partager ? Toutes ces questions-là, elles sont assez peu abordées. On aborde un peu, comme toujours, plutôt une question technologique, en disant est-ce qu'on peut améliorer quand même justement le recyclage ? Donc il y a des choses, par exemple l'idée des expérimentations sur le fait de lécher les cartes électroniques avec des fluides super critiques, donc à haute pression, haute température, pour venir vraiment lécher, littéralement récupérer le contenu métallique, et puis ensuite, par chimie séparative, on va pouvoir récupérer les métaux. Il y a des choses comme ça, mais franchement aujourd'hui... quand on voit le résultat, l'extraction continue à augmenter de façon exponentielle. Ça va plus vite que le PIB à l'échelle mondiale. On ne dématérialise donc pas, au contraire, on hypermatérialise d'une certaine manière. Puisqu'on a des taux de croissance qui peuvent être 3, 4, 5, 7% par an. Ça fait beaucoup, ça veut dire que ça double selon un pas de temps qui peut être 15 à 30 ans, typiquement. Et donc on ne voit pas du tout d'effet de cette prise de conscience, ou de cette nouvelle prise de conscience du caractère potentiellement fini de ces ressources.

  • Speaker #2

    Alors avec ce que tu viens de développer, j'aimerais te proposer une expérience de pensée qui n'était pas au programme et qui est un petit peu motivée par une... une discussion qu'on a eue en préparation de cet échange. Alors, le contexte, tu as certainement à l'esprit cette espèce d'effondrement écologique à vitesse grand V qui s'est produit sur l'île de Nauru. Ce micro-État qui, dans les années 70, était, je crois, le deuxième pays au monde en termes de PIB par habitant juste derrière l'Arabie saoudite et qui, en fait, en l'espace de quelques décennies à peine, sur fond de frénésie extractive, a été... tout simplement détruit pour toujours ces écosystèmes et détruit toute capacité finalement à accueillir une vie et des habitants, des populations en bonne santé. Dans le domaine de la santé humaine, tu me rappelais que... Avant de mettre un médicament sur le marché, on doit obtenir une autorisation de mise sur le marché. Parce qu'on veut respecter quelque part et on veut protéger la santé humaine. Imaginons un instant que l'on veuille sincèrement respecter et protéger la santé planétaire, la santé des écosystèmes dont on dépend directement ou indirectement. Ça pourrait ressembler à quoi ? Un protocole d'autorisation de mise sur le marché ? de nouvelles technologies, de nouvelles infrastructures. Est-ce qu'on peut utiliser l'analogie avec l'autorisation de mise sur le marché de médicaments ou alors est-ce que cette analogie, comme d'autres, a ses limites ? C'est une expérience de pensée. Qu'est-ce que tu peux nous en dire ?

  • Speaker #0

    C'est pas simple. Alors, petit pied de nez sur l'île de Neuru, c'est vrai que du coup, ils se sont retrouvés dans une situation économique un peu difficile, puisque la rente des phosphates, parce que c'était des phosphates, n'était plus disponible. Et ils se jettent à corps perdu dans toutes les solutions possibles qui vont d'être un paradis fiscal jusqu'à aujourd'hui, accorder des futurs permis d'exploitation de nodules polymétalliques. au fond des océans. Donc en fait, ils reviennent, hélas, sur la question des ressources et tous ces petits états insulaires du Pacifique sont soumis à des envies potentielles de futur multinational de l'extraction des ressources. avec évidemment un impact sur la biodiversité qui sera démultiplié. On maîtrise beaucoup moins l'impact environnemental sous la mer qu'au sol, et c'est pas peu dire. Alors l'autorisation de mise sur le marché, c'est un peu... petit clin d'œil aussi au Cercle de la Donnée qui a publié un rapport récemment sur l'impact du numérique, mais au sens de la santé humaine et de la santé environnementale. Et donc en disant, mais finalement, oui, pourquoi on ne ferait pas une autorisation de mise sur le marché des nouveaux services numériques, finalement, en disant, démontrer que il y a l'impact, que le gain, quelque part le progrès social, etc., le progrès humain que va apporter ce nouveau service numérique sera, compensera d'une certaine manière ou largement l'impact environnemental. Alors évidemment, on en est ultra loin, parce que évidemment aujourd'hui la question ne se pose pas, mais effectivement on peut développer n'importe quel service numérique le plus idiot, alors qu'on n'a pas le droit de mettre n'importe quelle molécule sur le marché, il y a effectivement, et Dieu sait que pourtant il y a déjà des choses sur le marché dont on pourrait discuter la pertinence, évidemment. À quoi ça pourrait ressembler ? En fait, ça pose une affreuse question de l'échelle à laquelle on peut mener la transition. Et moi, je trouve que ce qui est vraiment intéressant, c'est que, évidemment, on a toujours un peu plein de choses dans les milieux écolos. En fait, soit on est dans l'ultra-local parce qu'il peut se passer des choses géniales. Il y a une recyclerie, ressourcerie, je ne sais pas quoi, avec plein d'expérimentations sympas. Mais on voit bien que passer à l'échelle et généraliser ne fonctionne pas forcément. Alors ça n'empêche pas d'avoir... de belles aventures, de belles expérimentations, évidemment, et des beaux échanges humains. Et puis, après, on trouve à l'autre bout du spectre le fait de dire qu'il faut se mettre d'accord dans une économie mondialisée. Si on n'a pas tout le monde qui avance à la même vitesse, eh bien, en fait, ça ne marche pas parce qu'on va se faire casser les reins. avec des réglementations sociales ou environnementales qui vont à plusieurs vitesses. Il y avait eu le fameux exemple des quotas de CO2 à l'échelle européenne, qui touchaient notamment les cimenteries. On avait des cimentiers qui s'installaient dans des pays hors protocole de Kyoto, et qui importaient le clincaire. C'est le produit intermédiaire qui a été cuit, le calcaire et l'argile qui ont été cuits ensemble, et qui contient l'essentiel des émissions de CO2, quelque part. dans le produit cuit. Et donc, évidemment, on ne gagnait rien parce qu'on ne faisait que délocaliser. Et en fait, je pense qu'il y a vraiment différentes échelles sur lesquelles on peut agir, y compris l'échelle peut-être régionale, y compris l'échelle nationale, l'échelle européenne et non pas mondiale, à condition, évidemment, d'avoir les mécanismes de protection aux frontières. C'était un gros mot il y a une dizaine d'années. Aujourd'hui, ce n'est plus du tout un gros mot puisque même la Commission européenne, on va avoir, par exemple, un mécanisme d'ajustement aux frontières sur un certain nombre de grands produits émetteurs comme l'acier. qui va se mettre en place. Aujourd'hui, tout le monde reconnaît que pour mener la transition à différentes échelles, ça peut être intéressant. Alors du coup, cette nouvelle AMM, il faudrait voir l'échelle à laquelle elle peut s'imposer ou pas. On pourrait dire que dans le domaine du numérique, c'est totalement impossible parce que vous vous rendez compte, les gens peuvent mettre leur serveur où ils veulent. Ce n'est pas vrai du tout. Le numérique se maîtrise très bien et un certain nombre de régimes moins démocratiques que les nôtres pratiquent. Je veux dire, aujourd'hui, Google au Vietnam, ils font ce que leur dit le gouvernement vietnamien. Donc en fait, on peut aller assez loin. Et je crois que pendant le confinement en 2020, d'ailleurs, avec l'explosion du trafic Internet qui était généré par le fait que beaucoup de gens travaillaient à la maison, et que c'était nouveau, et que les tuyaux, quelque part, n'étaient pas dimensionnés pour ça, il y a eu les sites Internet pornographiques qui ont été bridés en termes de qualité. de vidéo, je n'ai pas les détails exactement mais j'avais entendu parler de ça, je ne pourrais pas citer la source mais c'est quand même intéressant pour pouvoir permettre qu'il y ait quand même un peu de place pour ceux qui télétravaillaient pour de vrai au delà de la plaisanterie mais c'est pour dire qu'en fait tout ça, ça se discute ça se travaille, ça peut se réaliser rien n'empêcherait par exemple un pays comme la France même la réglementation européenne ne l'empêcherait pas de dire qu'on a un unique réseau d'accès de télécommunication vous savez les... des réseaux 2G, 3G, 4G, 5G qui s'empilent. Aujourd'hui, il y a quatre opérateurs. Eh bien, il y a quatre fois quatre réseaux pour permettre la concurrence. Ça, c'est un espèce d'énorme gâchis de ressources, un gâchis d'électricité, puisque toutes les antennes, elles vont émettre des ondes pour récupérer le signal de votre téléphone, etc. Et dans une industrie de réseaux, vous avez rarement des réseaux qui s'empilent les uns à côté des autres pour organiser la concurrence. Vous n'avez pas quatre réseaux d'eau qui rentrent chez vous pour choisir votre opérateur. Vous n'avez pas quatre câbles électriques. Vous n'avez pas quatre autoroutes parallèles, quatre trains. Par contre, on a quatre réseaux télécoms. On pourrait imaginer un unique réseau d'accès qui serait mutualisé, sur lequel tous les opérateurs pourraient monter de manière indifférenciée, et qui serait concédé par région à différents opérateurs, comme on le fait par exemple dans le cadre de l'eau, au niveau d'intercommunalité ou autre. Donc voilà, c'est un exemple d'échelle où on pourrait faire des actions à l'échelle au niveau national. Et donc cette autorisation sur le marché, la première question que je poserais, faudrait, c'est de dire qu'à l'échelle, on peut la faire ou pas. Et en fonction des cas, sans doute, il y a des échelles qui... L'action ne peut pas être pertinente si on est à un niveau trop petit. Par exemple, imaginons que la France décide de taxer des smartphones pour interdire certains types de smartphones, je ne sais pas. On peut imaginer qu'assez vite se mettra en place. un marché noir, enfin voilà il y a eu le cas sur d'autres produits où il y avait des écarts de TVA, des gens qui jouent là dessus. Par contre vous avez des actions et des systèmes qui sont tout à fait localisés, si vous voulez rouler avec une voiture sur une roue française, il faut avoir un télématrix. réculer, avoir une carte grise, vous ne pouvez pas faire n'importe quoi, vous ne pouvez pas rouler avec un char d'assaut sur une autoroute, donc c'est... Et quand vous allez dans un restaurant, dans de la restauration rapide, finalement, si on leur disait vous avez 24 mois pour vous organiser pour que ça ne soit plus des emballages jetables parce qu'on ne supporte plus ces volumes-là, donc organisez-vous différemment et il y aurait... plein de solutions pour s'organiser différemment, eh bien, finalement, ils ne vont pas se mettre à vous livrer par drone d'Espagne ou de Belgique. Donc, il y a vraiment cet intérêt-là. Donc, moi, l'expérience de pensée que j'aurais envie de mener, c'est de dire, finalement, c'est quoi... Mon rayon d'action possible, d'échelle régionale, donc on parle évidemment de quelque chose qui est réglementaire, qui est normatif, et qui peut prendre comme ça différentes voies. Et puis, évidemment, ça ne présume en rien de l'acceptabilité. mobilité sociale, bien sûr. C'est pas parce que je dis, tiens, ça serait intéressant de faire de la France ou de l'Europe. Alors l'Europe, ça serait dur à cause de l'Allemagne pour l'instant, mais de faire un continent ou un pays champion de la petite voiture électrique de longue durée. au lieu de faire des SUV électriques qui dureront 8 ou 10 ans, eh bien, on pourrait le faire d'un point de vue technique, ça a une pertinence d'un point de vue réglementaire, et en termes de faisabilité, c'est ultra simple, mais il resterait une question d'acceptabilité sociale, avec des gens qui hurleraient à la mesure liberticide, ou les débats sur les familles nombreuses, et que sais-je, comme on l'a déjà, quand il y a quelques timides mesures de... sur le fait de taxer au poids, par exemple, les voitures, très vite, on est dans un débat complexe. Donc, je ne sais pas si ça répond tout à fait à la question.

  • Speaker #2

    En tout cas, ça lui permet de vivre un peu plus, puisque c'était juste une toute première expérience de penser à voir si d'autres vont vouloir la poursuivre. Je te propose maintenant de passer à la deuxième partie. Te voilà désormais archiviste. Est-ce que tu peux nous ramener un événement clé, qui est d'après toi méconnu, voire même inconnu ?

  • Speaker #0

    qui a marqué l'histoire et dont les effets se font encore sentir aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas une question facile. On va se voir que j'ai eu le temps de préparer. Parce qu'effectivement, ce n'est pas tout à fait un événement. On va dire que c'est une conjonction d'événements. Moi, je suis assez passionné par la poussée technique. et scientifiques du XIXe siècle. Je suis très impressionné par ce qui se passe aussi en ce moment. Mais voilà, c'est quand même un moment de l'histoire un peu dingue. Et d'ailleurs, il y a des gens qui... Je pense à l'historien des techniques Maurice Domas qui disait, mais finalement, il est décédé. avant le smartphone et avant ChatGPT, de loin, mais ils disaient, prenez la génération qui a vécu entre 1860 et 1920, ce qu'ils ont pris en termes d'évolution technologique, pensons au télégraphe, au au téléphone, à la photo, au cinéma, à l'armement de masse, à la révolution de l'agriculture, la mécanisation, l'arrivée de l'automobile, le développement du train, qui finalement, ouf, par rapport à ce que vit notre propre génération, ou à ce qu'est vécu celle de nos parents, même avec le processeur au silicium ou au germanium, bon, ben voilà, c'est une mignonne accélération. Je trouve que ce moment-là, il est intéressant. Et donc j'ai choisi ce qui se passe dans les années... dans les décennies 1850, plutôt même 1860, avec la mise au point de la réfrigération industrielle. Et souvent en fait, quand on parle de la thermodynamique, donc cette science un peu des machines à feu, disait Sadi Carnot dans les années 1820, avant de décéder très jeune, on pense vraiment à la mise au point et à l'amélioration continue des machines à vapeur. Mais en fait la thermodynamique c'est aussi le réfrigérateur qu'on a à la maison. Alors ça commence pas avec des réfrigérateurs à la maison, ça commence vraiment avec de la réfrigération industrielle. Il faut savoir que... La question du froid, la question de la conservation des aliments, en particulier des aliments carnés, c'est un sujet qui traverse des siècles, pour ne pas dire des millénaires. Et en fait, la solution historique, c'était de transformer... transformer les produits. Donc c'est de saler les viandes, de faire des pâtés, de faire des fromages pour conserver les produits laitiers, etc. Ensuite, il y a un petit peu de... L'autre solution, c'était de ramasser de la glace en hiver. et de la stocker en sous-sol ou dans des grands hangars entourés de paille ou d'un isolant. Et puis du coup, ça permettait de tenir jusqu'à l'été et de garder les aliments au froid. Donc c'était quand même, on va dire, pas très pratique. Alors ça a créé quelques conséquences historiques sympas. C'était sympa, je ne sais pas si elles sont sympas, mais on pourrait dire en exagérant un peu que la découverte de l'Amérique, ou la redécouverte par Christophe Colomb, finalement Colomb était peut-être plutôt parti chercher des épices que chercher de l'or par une route plus large. plus courte. Et pourquoi les épices ? Parce que le poivre et un certain nombre d'épices permettent soit d'avoir une logique un peu antiseptique, donc empêchent un peu les bactéries de se développer, de dégrader ou de rendre la viande non pas juste faisandée, mais vraiment dangereuse à manger. Mais ça permettait aussi de passer un goût un peu faisandé par exemple. Donc voilà, c'est vraiment l'or du Moyen-Âge, ce sont plutôt les épices. Et donc voilà, du coup, il découvre l'Amérique du fait finalement de... de la recherche de poivre, du fait qu'on n'avait pas cette réfrigération. Et donc ce qui va changer avec cette découverte que finalement en faisant une dépression d'un gaz avec peu d'électricité, ça permet de générer du froid, ça va ouvrir un champ un peu incroyable, ça va amplifier la non-limite malthusienne du XIXe siècle. Malthus prévoyait de manière assez logique des grandes famines, enfin en tout cas... le fait que les rendements agricoles allaient plafonner alors que la population continuait à se développer de manière comme une suite géométrique, donc ça allait poser un problème. C'est à la fois lié big et donc le fait qu'on peut fertiliser qui va aider, mais c'est aussi, à partir du dernier quart du XIXe siècle, le fait qu'on va mobiliser pour des populations européennes d'énormes surfaces en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, en Australie, et qu'on va venir réimporter grâce aux premiers... des céréales, mais aussi... aussi, et beaucoup du bœuf congelé, de l'agneau congelé de Nouvelle-Zélande, du bœuf de la Pampa, etc. Et donc ces premiers grands flux vont finalement venir soutenir en protéines la révolution industrielle, ou la deuxième partie de la révolution industrielle, et puis le début des années 1900, puis on pourrait même dire les soldats de la Première Guerre mondiale, même si... il y avait aussi du bœuf en conserve, le fameux corned beef. Mais voilà, c'est un peu ça. Et puis aujourd'hui, ça continue à pousser, puisque finalement, après, il y aura les bananes, les fruits exotiques, je crois, dans les années 20. Alors, on n'est pas dans les trucs congelés, mais on est dans une température qu'on trouve contrôlés. Et puis, aujourd'hui, ça nous poursuit. Pourquoi ? Ce n'est pas juste le fait de pouvoir avoir mis des yaourts au réfrigérateur, mais c'est aussi le fait qu'une partie de la consommation est vraiment liée à ces chaînes de réfrigération très rapides. L'essentiel, par exemple, des fleurs coupées, les roses équatoriennes ou kenyanes qui vont prendre des avions et qui vont passer par Amsterdam et revenir chez votre fleuriste bleue. pour le week-end. en toute saison, s'il vous plaît, c'est la réfrigération. Et puis, on pourrait dire tout le phénomène de métropolisation, même de mégapolisation, la concentration qui a été permise de populations de plus en plus importantes dans des zones qui certes s'étalent un peu, mais sont aussi plus denses que ce que pouvaient être les populations paysannes. Eh bien, c'est aussi la réfrigération qui le permet, puisque finalement, il y a un moment où le pétrole aussi, bien sûr, n'oublions pas le... Le seigneur qui est là. Mais voilà, c'est le fait, à un moment, les zones de chalandise, la chaîne du froid permet aussi évidemment de faire venir des choses de plus en plus loin pour nourrir des populations qui ne pourraient pas se nourrir avec l'interland de la métropole où ils habitent.

  • Speaker #0

    Alors il me semble qu'on peut associer la réfrigération à l'idée d'un moyen, un moyen technique qui permet de dépasser des limites à la fois temporelles et spatiales. Il me semble que ces dépassements-là sont bien souvent dans nos esprits, dans les imaginaires collectifs associés à des images très positives. L'homme apparemment est un être de dépassement, est un être de franchissement, c'est un être qui souhaite avoir le moins possible de terra incognita sur une carte. Il semble même que le progrès tel qu'il a été pensé longtemps soit synonyme de sans cesse repousser les limites de notre ignorance. A contrario, on a à l'esprit, d'après tout ce que tu nous as dit jusqu'ici, qu'il est nécessaire de réaligner quelque part les systèmes et les sociétés humaines avec le système Terre. Est-ce qu'on a aujourd'hui à portée de main, sur étagère ou pas loin de nous, des imaginaires de tempérance, de alignement, de réencastrement qui soient eux aussi positivement chargés ?

  • Speaker #1

    Alors, en fait, on pourrait déjà contester... le fait que l'être humain voilà du point de vue vraiment profondément anthropologique serait câblé quelque part pour partir à la conquête, se développer, consommer toujours plus avec un peu de dopamine et de striatum, et que finalement ça ferait vraiment partie de notre nature profonde. Moi, je suis qu'un ingénieur modeste, donc je ne suis pas anthropologue, sociologue, psychologue, etc., mais il y a des gens qui ont écrit là-dessus, et je conteste un peu cette vision-là. Par exemple, Moi, je pense, par exemple, que quand on voit la... la conquête, quelque part, d'un certain nombre de lieux, de voir que l'Australie et les aborigènes franchissent il y a 70 000 ans le petit endroit où l'eau est trop profonde et donc, voilà, autant l'Indonésie c'était un continuum avec les glaciations, l'eau était 100 mètres plus bas, donc tout va bien, mais il y a des endroits où il fallait prendre la pirogue et passer, quoi. Je veux dire, il y a 70 000 ans, avec le niveau technologique qu'ils avaient, il y avait beaucoup de courage. Moi, je n'arrive pas à m'enlever du fait qu'on partait un peu la saguette dans le dos, quoi, à la la conquête, parce qu'à un moment il y avait une charge possible sur une surface donnée, et puis il y en a qui devaient partir, un peu comme d'ailleurs pendant des siècles et des siècles en France, vous étiez le premier né, vous héritiez du petit lopin de vos parents, et puis le deuxième, le troisième, il fallait qu'ils partent faire marin, avec une durée de vie je crois, une expérience de vie de 24 mois, ou partir dans les colonies, ou je sais pas quoi, il y avait des mécanismes, un peu malthusiens, pour réguler la population. Surtout, il y a la question de l'innovation parce qu'effectivement, on vit dans cette religion de l'innovation dans cette religion de la technique qu'a beaucoup de codes de certains types de religions. Il y a le lieu saint de la Silicon Valley les grands messes qui sont le Consumer Electronics Show ou Vivatech, les oracles bien sûr Elon Musk, Sam Altman qui vont délivrer leurs pensées sur Twitter, enfin sur X pardon et puis ensuite ça va être commenté par... par tout le haut et bas clergé. Voilà, donc les hérétiques, bien sûr, si on conteste le progrès technologique, on est forcément hérétiques. Donc, il y a un peu tous ces codes-là. Et ça, c'est pareil, c'est de dire, bah oui, ça serait inéluctable finalement, la Terre est le berceau de l'humanité, mais on reste pas dans son berceau toute sa vie, n'est-ce pas ? Donc forcément, conquérir l'espace, etc. Et en fait, là-dedans, dans cette fascination de l'innovation, Lewis Mumford, qui est un grand historien et technique états-unien, lui disait, c'est assez intéressant, c'est dans le mythe de la machine, il a écrit ça à la fin des années 60, début des années 70, il disait mais en fait l'être humain n'est pas un innovateur. L'être humain est un formidable imitateur, un coopérateur né. Et en fait c'est presque darwinien. Thèse en quelque sorte, donc il faudrait aller travailler un peu tout ça. Mais l'idée c'est quoi ? C'était de dire que pendant des millénaires ou même des dizaines de millénaires, le nombre d'êtres humains était très limité, des petites hordes de chasseurs-cueilleurs qui devaient se transmettre un fragile capital technique et cognitif, quelque part la connaissance des plantes, des migrations des animaux, etc. Et donc en fait il y avait un attachement, la manière de casser un caillou pour faire à peu près, qui coupe à peu près correctement le quartier de viande, que sais-je. Et en fait ce fragile capital technique, il fallait le maintenir, y compris à travers les glaciations, à travers des migrations, à travers plein de choses. Et que finalement ce qui était le plus important c'était conserver le capital technique plutôt que l'augmenter. dit autrement et d'un point de vue darwinien, si vous cassiez le silex pas tout à fait comme papa ou maman, pour pas genrer le truc, et bien peut-être que vous vous faisiez fracasser le crâne assez vite, ou tout simplement vous étiez chassé de la tribune, Mais toi qu'est-ce que tu nous fais avec ton silex qui n'a pas la même forme ? Et donc du coup il se reproduisait moins vite, et d'un point de vue darwinien ça fait quoi ? Et bien ça fait un être humain qui d'un point de vue anthropologique, et pensez pour ceux qui ont des petits-enfants, ou des petits-frères, des petites-sœurs, comme ils adorent les histoires mille fois répétées, les comptines, toujours les mêmes trucs, les procédures, et hop tout à coup, effectivement, quand il y a quelque chose de nouveau qui arrive, c'est vrai qu'il y a une curiosité ça fait aussi partie de notre câblage et alors là s'il y a un truc qui marche bien sûr, un nouveau silex une nouvelle manière de taper sur le silex, alors là tout le monde y va et on imite très vite, évidemment le marketing utilise ça et donc, voilà, ce que disait M. Ford, c'est finalement, l'être humain la majorité des gens sont des imitateurs et puis il y en a quelques-uns qui n'offrent quoi, donc essayons pas de tous être innovants et formidables etc. Donc ça c'est déjà un premier imaginaire qu'on pourrait venir un petit peu un petit peu challenge J'ai finalement cet imaginaire de l'entrepreneur innovateur formidable, choumpétérien bien sûr, avec la destruction créatrice et ce formidable progrès finalement, avec cette confusion évidemment terrible entre le progrès humain. et si tant est qu'on sache exactement ce que ça veut dire, ou le progrès civilisationnel, et puis le progrès des connaissances scientifiques, et puis l'évolution technique, technologique, et finalement ces trois trucs-là, et bien, avancent évidemment, il y en a deux qui avancent de concert, mais le progrès humain et civilisationnel, celui-là, peut-être se discuterait. Et voilà, y compris la question du bonheur et autres. Donc, quel type d'imaginaire on peut aller chercher ? En fait, on n'a pas, évidemment, alors il y a aujourd'hui beaucoup d'envie sous forme de romans, de pièces de théâtre, de séries, il y a des choses, il y a de la production en cours ou réalisée sur cette idée de dire comment rendre la transition désirable, comment, bah oui, effectivement, peut-être un monde de sobriété, un monde de post-croissance pourrait fonctionner. fonctionner de manière économique, etc. Comment se ferait aussi cette transition ? Là-haut de ceux disaient la cible c'est le chemin, ou le chemin c'est plus important que la cible, donc en fait finalement c'est pas le savoir de dire, ah là là, en 2100 c'est génial, ils vont être bas carbone ou post carbone, et puis ils seront tous heureux, ils seront super, mais qu'est-ce qui se passe entre les deux en fait ? Parce que moi ma vie, je vais pas la vivre en 2100, à moins de réussir à me faire cryogéniser, mais pour l'instant j'ai ni les moyens ni l'envie, et donc il y a un peu de production là-dessus, mais personne n'est vraiment capable de... c'est clair, de définir comment on va faire atterrir ce vaisseau fou qu'est notre système industriel, avec à la fois des poussées, certes très rapides, de technologie qui s'y est là, mais aussi une énorme énergie de tous les macro-systèmes techniques que sont les systèmes de production industrielle. Même si on change le modèle d'une voiture, c'est pour dans dix ans le nouveau modèle. Les infrastructures, portoirs, logistique, etc. Tout ça ne va pas si vite que ça. Les villes elles-mêmes, bien entendu, en visent sur un stock. La ville de 2050, à 90% en Europe, c'est la ville d'aujourd'hui. Même si on fait des smart buildings et des trucs optimisés géniaux, c'est la ville existante qui va falloir travailler. Donc réussir à décrire tout ça et à construire un nouvel imaginaire, on ne l'a pas vraiment. Par contre, ce qu'on a, et ce qu'on peut aller piocher et chercher, c'est le fait que, justement, il y a eu des moments de l'histoire de l'humanité où les valeurs sociétales n'étaient pas celles d'aujourd'hui. Et donc, on prend pour argent comptant, finalement, un peu... même s'il y a déjà des choses bigarrées à l'échelle mondiale, bien entendu, mais si je me cantonne à la civilisation occidentale, on peut aller chercher plein de choses. Donc effectivement, dans l'Antiquité, chez les Grecs, une des quatre vertus cardinales, c'est la tempérance. Les autres étant la justice, etc. Donc, la tempérance, c'est quoi ? C'est la capacité à limiter, quelque part, ses envies ou ses besoins, ou, entre autres, il y a une définition plus large, mais pour, finalement, mieux la mettre en adéquation avec, soit les limites, effectivement, aujourd'hui, on dirait des limites planétaires, soit, tout simplement, même avec les limites physiques possibles de l'époque. Il y a eu des moments de l'histoire où les gens les plus respectés n'étaient pas les gens les plus riches. Aujourd'hui évidemment, si j'ai un milliardaire de la tech qui arrive, tout le monde se couche, et sans doute les médias ont de toute manière quelques retombées aussi. Le modèle économique de la publicité fait que ça doit un peu déformer leur indépendance. Moi j'arrive pas à comprendre comment ils arrivent à sérieusement interviewer Jeff Bezos qui nous explique qu'on aura 1000 milliards. de terriens dans le futur. Ils ne seront pas terriens d'ailleurs, tout à fait, parce qu'ils vivront essentiellement dans des grands torts, des stations orbitales en forme de torts qui tourneront sur elles-mêmes pour recréer la gravité. Et qui présentent ça, mais vraiment, je ne sais pas si c'est sérieux ou pas, et à la fin c'est pour nous vendre le fait qu'il va faire un peu de tourisme spatial, grosso modo. Comment c'est possible, je ne sais pas. Et du coup je perds le fil, pardon, parce que Jeff Bezos parfois m'agace, parmi d'autres. Donc... les plus riches sont quelque part les plus respectés, ou en tout cas du coup ça leur permet de donner leur opinion sur tout. Eh bien, il y a eu des moments, dans les civilisations mélanésiennes, par exemple, ou en Papouasie, eh bien, il y avait des big men qui étaient, les personnes les plus respectées sont celles qui étaient les plus pauvres, en fait. Parce qu'en fait, pour être respecté, il faut distribuer tout ce qu'on a. Il faut former de dons. C'est un peu comme l'évergétisme sous le l'Empire Romain, ou la fin de la République Romaine, où en fait on avait des gens très riches, comme Crassus, Pompée, etc. Ils étaient très riches parce qu'ils avaient un peu piqué dans les caisses, à l'époque c'est vraiment les finances publiques et privées sont très très mélangées, quand on gère une province romaine, c'est vraiment, on le gère comme son compte en banque, mais bon, en tout cas, du coup, pour se faire élire ensuite, alors des trucs pas du tout démocratiques, mais peu importe, mais voilà, il faut payer des aqueducs, il faut payer des fontaines publiques, il faut payer des jeux, voilà, donc... on distribue un petit peu autour de soi pour être respecté si on prend les tribus amérindiennes il y avait certaines tribus amérindiennes, notamment dans l'Ouest on avait le concept du potlatch ce sont des moments rituels, des dîners communs où on se redistribue, on s'échange cette logique un peu du don et du contre-don ça c'est Marcel Moss anthropologue du début du XXe siècle qui parlait de la triple obligation l'obligation de donner, recevoir et rendre. Cette idée de dire que ce qui crée les sociétés humaines, c'est le don finalement. Alors aujourd'hui, c'est pas forcément un don en numéraire, dont je parle, ou en physique, c'est aussi le don de son temps, le don à la communauté, etc. Donc voilà, on voit qu'en fait on peut aller chercher, il y a une multiplicité de choses qui ont été expérimentées, ou en tout cas vécues, elles n'étaient pas vues comme une expérimentation, mais en tout cas aujourd'hui on peut les trouver. trouvés là, et puis surtout il y a énormément d'écrits qui ont été produits notamment pendant tout le XXe siècle, où on peut aller piocher par exemple l'inventivité et la capacité de remise en question du système qui va avoir lieu à la fin des années 60 et dans le cours des années 70. Alors sans doute sur la lancée d'un mix d'un peu de 68 je simplifie ou de guerre du Vietnam, ça dépend où on est, de contestation de la guerre du Vietnam et un poil de communisme. qui se promènent là-dedans, mais surtout un monde de plein emploi encore, un monde d'avant les premiers chocs pétroliers et d'avant le chômage technologique, donc avec le développement des machines dans les usines, permettait peut-être une liberté de pensée plus grande qu'aujourd'hui, où quand même, dans un trajet de vie professionnel, il faut quand même faire bouillir la marmite et peut-être on... on se brille de tous plus les uns les autres et c'est plus difficile peut-être d'être bifurqueur aujourd'hui quand on a 25 ans de remboursement à faire pour sa résidence principale.

  • Speaker #0

    On arrive à la troisième et dernière partie de notre entretien. Tu t'es présenté face à l'oracle, tu viens de jouer le rôle d'archiviste. Maintenant, tu deviens s'il te plaît acupuncteur. Selon toi, quelle serait la décision, quelle serait l'action, quelle serait l'intervention qui pourrait aujourd'hui contribuer de manière significative à la fabrique d'un monde plus habitable ? Tu appuies où dans le système aujourd'hui ? C'est hyper dur comme question parce que j'enfonce une porte ouverte, mais tout ça est très systémique et donc pour mener une transition important du bonheur pour le plus grand nombre, parce qu'il faut que ça soit une transition dans une logique démocratique, tant qu'à faire, il faut vraiment aligner beaucoup de planètes. Une planète, on a vu tout à l'heure, un peu... réglementaires, normatives, donc dépendant plutôt d'une échelle étatique ou supra-étatique. Il faut aligner un système fiscal. Aujourd'hui, les ressources et l'énergie valent pas grand chose, enfin l'énergie un peu plus maintenant. mais les ressources ne valent rien. Elles ne valent que le capital et le travail pour les extraire. Donc, capital mort... Non, travail mort, aurait dit Marx au XIXe siècle, je crois. Deux fois que je parle de communisme et de Marx, tout le monde va croire que j'ai lu, mais non, pas du tout. Donc, le système... fiscale bénéficie en fait aujourd'hui, quand vous êtes une administration, une entreprise que vous pouvez remplacer du travail humain par une machine, en général vous le faites, même si cette machine elle est consommatrice de ressources qui seront perdues de façon inéluctable pour les générations futures, parce que c'est rentable, parce qu'en fait on n'a que quelques milliards d'euros de taxes environnementales et qu'en face on a 450 ou 500 milliards d'euros de contributions sur les salaires qui permettent de payer l'assurance maladie, l'assurance chômage, les retraites. et donc voilà le travail humain est quelque part un peu plus cher donc quand vous voulez mettre quelqu'un à démonter un smartphone ça fonctionne pas parce que il ya que deux euros de matières premières dans un smartphone donc vous n'avez pas payé quelqu'un très très longtemps pour optimiser la récupération de ces matières premières donc il faudrait travailler ça aussi et puis évidemment la question vient d'aborder tout à l'heure la question culturelle la question des valeurs etc Il faudrait réussir à aligner tout ça, tout ça dans un bloc géopolitique mouvant, donc sympa. Donc, une mesure qui vraiment va significativement faire basculer, sans doute faudrait un mix de mesures et d'événements, et je laisse aux générations futures, aux générations présentes déjà, d'essayer de travailler le Tetris et j'y contribuerai à ma petite échelle. Je vais tenter un truc qui est la question du numérique à l'école. Je dénumériserai l'école. Alors il y a des petits débats en ce moment parce que ça y est, la Scandinavie fait un peu... Les pays de Scandinavie font un peu marche arrière et reviennent avec des... à des manuels papier. Ça s'est sorti au printemps, il y a toujours un petit peu à la rentrée scolaire, il y a toujours un peu cette idée de dire alors est-ce qu'on va réussir à ranger les smartphones des collégiens ou pas pour respecter ce qui a été décidé il y a déjà quelques années. En fait, moi j'irais vraiment plus loin que ça, je ferais de l'école une zone refuge face à l'accélération numérique du monde. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas éduquer au numérique. En cours de technologie, je veux bien qu'on dépiaute un ordinateur, qu'on regarde ce qu'il y a dedans et puis qu'on explique un peu quelques bases. Mais je n'éduquerai pas au numérique par le numérique. Or, c'était le pari qui avait été fait jusqu'à présent. L'école a toujours été un peu victime de fascinations technopédagogiques. Moi j'ai fait, dans un de mes ouvrages, je suis remonté au 19e siècle avec la lanterne magique. Edison dans les années 20 expliquait que grâce à ses appareils de projection et au cinématographe, les livres allaient disparaître. Ensuite il y a eu les MOOC. Les premiers MOOC c'était la radio et puis après la télé. Et puis à partir des années 70, il y avait des machines à enseigner, des petits dispositifs électromécaniques. Et puis ensuite ils sont arrivés. les mini-micro-ordinateurs et les tablettes aujourd'hui. Et en fait, évidemment, ça ne marche jamais, puisque ça aussi, tout a été écrit, et on peut aller chercher d'autres choses. Le fait que, finalement, le miracle de la transmission de savoir, c'est la relation enseignant-enseigné, maître-élève, et que, voilà, imaginer une espèce d'utopie où les élèves, sur leur tablette, découvrent le monde avec un prof qui n'en sait pas plus qu'eux, grosso modo, parce qu'il y a Wikipédia et... le savoir mondial, ça ne fonctionne pas trop. Donc déjà, sortir de cette utopie qui fait qu'en fait on dépense de l'argent pour acheter des dispositifs technologiques. Quand vous dépensez de l'argent pour acheter de la technologie, vous avez moins d'argent pour payer des gens. C'est un peu ce qui se passe aussi dans d'autres domaines. À l'hôpital, les robots chirurgiens, dont certains, je ne m'avance pas sur tout, mais dont certains, on pourrait discuter les rapports coûts-bénéfices et le gain par rapport à des actes chirurgicaux problématiques. Cette technologie-là, vous allez payer moins d'infirmières, d'infirmiers, etc., etc. C'est vrai dans l'agriculture. Plus vous numérisez l'agriculture, plus il faut que vous fassiez de la productivité, c'est-à-dire mettre de moins en moins de travail humain pour ça. Donc l'école n'échappe pas à cette logique-là. Donc arrêtez évidemment tout ce qui est recherche sur les financements de startups diverses et variées, parce qu'il y avait cette idée un peu de dire c'est génial, en fait on va financer des startups en France. On va tester tout ça chez nous, puis après, du coup, on va exporter en Corée du Sud nos super logiciels. Bon, franchement, j'y crois quand même qu'à moitié. Mais surtout, réussir, en fait, grâce à cette dénumérisation, grâce à ce signal envoyé. Aujourd'hui, on envoie un signal aux parents de dire, c'est bien le numérique, puisqu'on va mettre vos enfants sur des outils numériques. Donc, au contraire, de dire, non, on prend le contre-pied. On a des cartes murales de géographie, c'est bon la géographie elle évolue pas si vite que ça, ok hélas le niveau de l'océan monte, mais enfin bon ça devrait tenir pour l'année scolaire. Histoire idem, enfin je veux dire, ok on peut faire des histoires très contemporaines. Enfin, quand on est en 6e, en 4e, en 5e, on peut garder des manuels scolaires pendant quelques années quand même, etc. Donc, la connaissance n'est pas victime d'obsolescence aussi vite que ça, ou en tout cas la connaissance de base. Et puis, bah oui, on découvre qu'on apprend mieux à compter avec un boulier à Singapour ou je sais pas quoi, ou en Corée du Sud encore une fois. Donc voilà, dénumériser, freiner, contribuer à freiner cette accélération. Et qui peut aussi, du coup, justement, contribuer à commencer à construire un peu dans les jeunes générations. Mais on espère aussi que ça diffuse sur d'autres générations aussi, évidemment. C'est un peu... ça ne marche jamais, mais... C'est l'idée de dire, comme les enfants à la maternelle, ils apprennent à bien trier dans les bonnes poubelles, comme ça en rentrant chez eux, ils vont apprendre à papa et maman à bien trier. Bon, ça a toujours des résultats pas terribles, donc il faut mieux se concentrer sur les savoirs fondamentaux, écrire, compter, comprendre un texte, etc. Je pense que ça pourrait envoyer un signal sociétal de dire qu'il n'y a pas que le numérique dans la vie des amis. Et puis non, ce n'est pas juste, il faut s'adapter, il est là, c'est chouette et on va créer les citoyens numériques du futur. Moi, la notion de digital natif m'a toujours un peu effaré. Je ne vois pas pourquoi un gamin de 3 ans ou 4 ans serait plus intelligent qu'un papy de 60 devant un outil numérique dont il comprend peut-être vaguement certains usages, mais dont il ne comprend rien en termes de ce qui est... convoqués derrière et des modes de fonctionnement profond, qu'ils soient physiques ou même tout simplement économiques et les logiciels derrière, etc. Donc voilà, ça serait ma contribution. Alors je ne postule pas au poste de ministre de l'éducation nationale. Alors quand on dit ça en fait à la radio, ça veut dire que si tu postules. Mais en fait non, moi là vraiment je ne postule pas du tout. Mais voilà, on pourrait tenter ça.

  • Speaker #1

    Alors, comme tu nous parles de dénumérisation, je vais te parler pendant 1 minute 30 maximum de papier. Dans quelques jours sort ta bande dessinée, ressources. Imagine que tu disposes de 88 secondes pour en parler à une étudiante qui viendrait tout juste d'intégrer un programme dans une école de commerce. Qu'est-ce que tu lui racontes à cette jeune étudiante au sujet de cette bande dessinée ?

  • Speaker #0

    Eh bien... Je lui dirais d'abord qu'elle est la cible parfaite. C'est pas parce qu'elle a fait une école de commerce, c'est pas une école d'ingénieur ou une école d'architecture ou de design. C'est parfait. Le but de la bande dessinée d'abord c'est ça, c'est d'élargir l'audience à des gens qui n'iront pas des essais. environnementaux, parce que voilà, pour plein de questions, pour des questions de temps, des questions d'impétence. Donc c'est vrai qu'aujourd'hui, la bande dessinée et le podcast sont deux vecteurs rois de la transmission peut-être d'idées et ou de savoirs. ensuite que ça sera un bel achat parce qu'après elle peut le prêter, donner, faire circuler dans une logique d'intensification de la matière il ne faut surtout pas le ranger dans une bibliothèque et ne plus l'utiliser mais au contraire faire circuler tout ça si effectivement l'objet lui a plu et ensuite que voilà c'est un plongeon dans l'univers des ressources, voilà cette question de De l'extraction au recyclage ou non, à la dispersion en passant par l'utilisation et comment on pourrait technologiquement aller vers un monde plus durable, à la fois en faisant de la sobriété mais pas que de la sobriété. et austérité, plutôt de la sobriété systémique. Un exemple de la télécommunication qui n'aurait aucun impact sur les utilisateurs finaux est un petit exemple dont on parle d'ailleurs fugacement dans la BD. Et puis, on ne s'est pas arrêté. à la question technologique, même si je suis ingénieur, on a poussé justement sur des questions de quelque part, quelles évolutions justement culturelles, où on a apporté quelques éclairages, et donc voilà, par exemple, le potlatch, qui était pratiqué par les Kwakwaka'wakw, qui s'écrit que avec des K, des W, des A, donc c'est très compliqué, mais ça se prononce Kwakwaka'wakw, et puis voilà, la Grèce antique, etc., Juliette et Roméo, enfin on est un peu parti sur tout ce qui faisait, finalement, qu'on a l'impression d'être plus heureux parce qu'on est des... citoyen consumériste et en fait non, il y a une autre voie.

  • Speaker #1

    Eh bien écoute, je pense qu'on va clore cet entretien sur ces paroles. Grâce à toi, j'imagine que l'on a recréé une forme de concorde entre physique et métaphysique et j'espère que les auditrices et auditeurs auront autant de plaisir à t'écouter que j'ai eu aujourd'hui à... de questionner. Merci Philippe.

  • Speaker #0

    Merci Thomas.

  • Speaker #2

    Merci d'avoir écouté cet épisode de Nos Limites, produit par Logarithme. L'ensemble des épisodes est disponible sur toutes les plateformes et sur le site atelier au singulier desfuture Pour ne rien rater des prochains épisodes, abonnez-vous et n'hésitez pas à en parler autour de vous. A bientôt !

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Description

Philippe Bihouix est ingénieur, directeur général du groupe AREP, une filiale de la SNCF.

En France, il est l’un des premiers à s’intéresser à la raréfaction des ressources minérales et à son impact sur la transition énergétique.

Philippe a consacré plusieurs essais à ces questions. Ce mois-ci, il publie avec Vincent Perriot aux éditions Casterman une bande dessinée intitulée “Ressources : un défi pour l’humanité”.

Dans l’entretien à suivre, Philippe s’interroge au sujet des ressources dont notre civilisation technique aura besoin au siècle prochain, revient sur le rôle clé joué par la réfrigération dans le développement d’une économie mondiale et propose pour finir de supprimer le numérique à l’école et éviter que les jeunes générations soient élevées dans le culte d’un progrès technique sans limites.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    I can slightly hear it.

  • Speaker #1

    Nos limites. Un podcast de Thomas Gauthier, produit par Logarith.

  • Speaker #0

    The growing threat of climate change could define the contours of this sense. The world is waking up and change is coming,

  • Speaker #1

    whether you like it or not. Une enquête aborde du vaisseau Terre à la recherche d'un nouveau cap pour l'humanité.

  • Speaker #0

    Nous sommes en train d'atteindre les limites planétaires,

  • Speaker #2

    nous sommes en train de détruire ce qui nous permet de vivre. La modernité, c'est la vitesse. Et c'est vrai que ça va un peu vite.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on ne peut pas se permettre de ne pas s'engager.

  • Speaker #1

    Il faut qu'on soit dans une science de combat. Enseignant-chercheur à EM Lyon Business School, Thomas va à la rencontre de celles et ceux qui explorent le futur et se remémorent l'histoire pour bâtir un monde habitable dès aujourd'hui. À chaque épisode, son invité, curieux du monde à venir, commence par poser une question à l'oracle. Ensuite, tel un archiviste, il nous rapporte un événement méconnu du passé dont les conséquences sont pourtant bien prégnantes dans le monde actuel. Pour conclure, il devient acupuncteur et propose une action clé afin d'aligner les activités humaines sur les limites planétaires. Philippe Biwix est ingénieur, directeur général du groupe Arep, une filiale de la SNCF. En France, il est l'un des premiers à s'intéresser à la raréfaction des ressources minérales et à son impact sur la transition énergétique. Il a consacré plusieurs essais à ces questions. Ce mois-ci, il publie avec Vincent Perriot, aux éditions Casterman, une bande dessinée intitulée Ressources, un défi pour l'humanité Dans l'entretien à suivre… Philippe s'interroge sur les ressources dont notre civilisation technique aura besoin au siècle prochain. Il revient sur le rôle clé joué par la réfrigération dans le développement d'une économie mondiale. Il propose pour finir de supprimer le numérique à l'école et d'éviter que les jeunes générations soient élevées dans le culte d'un progrès technique sans limite.

  • Speaker #2

    Bonjour Philippe.

  • Speaker #0

    Bonjour Thomas.

  • Speaker #2

    Alors ça y est, tu es face à l'oracle ? Tu vas pouvoir lui poser une question, qu'est-ce que tu lui demandes ?

  • Speaker #0

    Alors en fait, j'aurais presque pu me contenter de ne pas avoir d'oracle, une machine à voyager dans le temps m'aurait suffi éventuellement, mais alors du coup je me sers de l'oracle comme machine à voyager, plutôt dans le temps. l'avenir, même si le passé peut être passionnant aussi. Je rêverais de retrouver l'île de Cuba, décrite par Christophe Colomb avec les lucioles qui éclairent la forêt tropicale. Et bon, voilà. Donc on va aller dans le futur. Et moi, je m'intéresse à la question des ressources depuis très longtemps, ce qu'on appelle les ressources non renouvelables, c'est-à-dire essentiellement les métaux, mais pas que, dont les concentrations, les gisements se sont créés au fur et à mesure des âges géologiques. Parfois, on exploite des choses qui sont au-delà du milliard d'années. Ça s'est produit, ça s'est concentré presque une seule fois. En tout cas, c'est souvent des millions, des dizaines de millions, des centaines de millions d'années. Et puis, on va taper dans ce stock, extraire des... choses et les utiliser dans notre dans tout notre système industriel quoi ça fait ça fait tout notre tout notre confort tous les services tout là toute la production est bon ben voilà plein de questions sur la durée de ce stock donc voilà ce que j'ai envie de demander à l'oracle c'est les projettes mois en l'an 2200 et 10 mois quelles ressources utilisent la civilisation humaine sur quelle sur quelle base ça fonctionne comment ça fonctionne est ce qu'il y en a encore assez est ce qu'il ya des choses sur lesquelles on est On est tombé en pénurie, dont on a appris à se passer, et comprendre ce monde-là. Est-ce qu'il y a encore de l'hélium, par exemple, dans l'équivalent des IRM du futur ? Il faut savoir que les aimants qu'il faut refroidir pour faire cette imagerie médicale, c'est ce gaz léger, l'hélium, qui sert aussi dans les dirigeables ou les ballons-sondes ou autres. Et cet hélium, en fait, on l'extrait du gaz naturel. Il se concentre dans certaines poches de gaz naturel. Et quand on le sort, ensuite il fuit, il n'y a rien qui est étanche à l'hélium ou à l'hydrogène, et il part dans l'espace en fait, il est trop léger pour être retenu par la gravité terrestre. Donc est-ce qu'on a encore de l'hélium en l'an 2200, puisqu'on n'exploite plus sans doute de champs gaziers, et comment on fait pour avoir un prix à s'en passer ?

  • Speaker #2

    À travers les questions que tu poses à l'oracle, tu nous rappelles en creux que les ressources non renouvelables sont aujourd'hui, en 2024, absolument partout. Tu prends l'exemple de l'IRM, donc elles sont dans le champ de la santé. Tu t'intéresses aussi aux questions énergétiques, tu t'intéresses au transport, tu t'es intéressé dans un ouvrage récent à la question de la ville. Aujourd'hui, en 2024, à quel point est-ce que cette prise en considération des ressources... non renouvelables est évidente pour toi. À quel point est-ce que celles et ceux qui, dans le champ public ou dans le champ privé, ont une responsabilité vis-à-vis du temps long intègrent un raisonnement étayé, peut-être aussi scientifiquement appuyé, autour des ressources non renouvelables ? Où sont les lieux, les organisations, les cercles où, d'après toi, aujourd'hui, la question des ressources non renouvelables est abordée avec le plus grand sérieux ?

  • Speaker #0

    Quand on regarde un peu l'histoire du débat autour de la question des ressources, finalement, est-ce qu'on va en avoir assez ou est-ce qu'on va manquer ? Ça démarre au XIXe siècle avec le charbon. Dès le début du XIXe siècle, on trouve des débats, y compris à la Chambre des communes, en Angleterre, etc. Et puis, il y a vraiment, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, des lanceurs d'alerte conservationnistes, des gens issus de la biologie de la conservation, qui vont effectivement avoir des écrits, des livres qui ont beaucoup de succès, pour alerter finalement sur le sujet. sur le fait qu'il y a du développement économique, qui fait qu'on consomme de plus en plus par personne, et qu'il y a aussi du développement démographique à l'époque, beaucoup. Et donc la combinaison des deux va nous faire exploser et va nous amener dans des grandes pénuries. Et ce débat-là, il va durer pendant une trentaine d'années, jusque dans les années 70. Ou de part et d'autre, on aura des cornucopiens, donc des gens qui pensent l'abondance, un cornucopien à la corne d'abondance, donc qui sont plutôt dans la logique du progrès technologique qui va permettre d'économiser des ressources ou de repousser la pénurie, comme on l'a toujours fait. Par exemple, on peut dématérialiser certaines choses, dit-il, ou alors on va tout simplement, je ne sais pas, passer du câble de cuivre à la fibre optique, et donc on va consommer moins de cuivre, c'est des exemples comme ça. Et ce... Et puis de l'autre côté, on a plutôt des gens issus des sciences dures qui disent, ben non, il y a quand même des limites. Le débat va complètement disparaître dans les années 80-90 parce qu'il y a finalement une combinaison de plein de choses. Il y a les stocks stratégiques des États-Unis, de l'URSS et d'autres pays qui étaient prévus pour faire la Troisième Guerre mondiale au cas où sont remis sur le marché. Donc ça fait baisser le prix des métaux, le prix des ressources. Il y a la chute de l'URSS. qui va faire qu'il y aura une baisse du PIB dans tout le bloc de l'Est. Et donc ça va aussi baisser la demande. Il y a des progrès technologiques un peu fabuleux qui sont faits aussi sur les méthodes d'exploration des ressources. les méthodes d'exploitation des ressources. On peut penser par exemple au gaz ou au pétrole non conventionnels, qui sont des manières finalement d'avoir créé des nouvelles réserves grâce au progrès technologique. Et donc cette notion de réserve, elle est très très mouvante, et effectivement jusqu'à présent on continue à vivre dans un monde d'abondance. Mais à partir du milieu des années 2000 et de plus en plus dans la décennie 2010, effectivement la question des ressources est revenue d'abord l'ensemble. lancement dans le débat public pour plusieurs raisons. D'abord, il y a des questions autour du pic de pétrole dans les années 2000. Alors, pic de pétrole qui a été passé d'un point de vue conventionnel, mais qui a été repoussé si on intègre les pétroles dits non conventionnels. Il va y avoir la poussée du numérique, la poussée aussi de la transition énergétique basée sur des énergies renouvelables et la mobilité électrique. pour les voitures, mais pas que. Et là, à partir de cette décennie 2010, depuis une quinzaine d'années, on a des grandes agences internationales, donc l'OCDE, le programme des Nations Unies pour l'environnement, la Banque mondiale, nombreuses universités, la Commission européenne, qui ont tous un peu fait leur scénario, on dirait, socio-économique, sur la question du prédévolement des ressources. Et effectivement, il y a une accélération. Il y avait une accélération, déjà, par le business as usual. de l'industrialisation du monde, de l'urbanisation, de la numérisation, et puis se rajoute une couche sur des métaux bien spécifiques, de batteries ou autres, qui fait qu'effectivement la ponction extra-activiste devient de plus en plus importante. Donc il y a vraiment cette réflexion, c'est ajouter à ça la question un peu géopolitique, la question de la souveraineté évidemment, prenons l'exemple de la guerre en Ukraine, la Russie n'est pas... qu'un grand producteur de pétrole, de gaz et de charbon, c'est aussi un grand producteur de nickel, de titane, donc métal de l'aéronautique, de platinoïdes, les questions des terres rares en Chine, d'un certain nombre d'autres métaux, où la Chine ne contrôle pas forcément la production minière, mais contrôle par exemple la métallurgie derrière, c'est le cas du cobalt par exemple. Donc aujourd'hui, la question des ressources est beaucoup plus hype, on va dire, il y a effectivement... si on prend juste l'échelle européenne ou française il y a un suivi des matières premières critiques il y a un plan sur les matières premières critiques au niveau européen qui est un mix de relance minière d'incitations diverses et variées au recyclage et puis de diplomatie des ressources avec des pays autres et puis à l'échelle française il y a eu aussi, il y a une dizaine d'années s'est créé le comité des métaux stratégiques et puis aujourd'hui il y a un observatoire il y a plein de... de choses qui se montent. Maintenant, si on se dit, toute cette effervescence et cette prise de conscience, à quoi elle mène ? Eh bien, pour l'instant, à pas grand-chose, en fait, parce que... Alors, à part, pardon, les questions de relance minière, là, oui, alors avec des oppositions locales ou plus globales qui existent et existeront, en particulier en Europe, mais sur la capacité à essayer de transformer notre système économique pour faire, effectivement, de la sobriété en ressources, soit parce qu'on a besoin d'intégrer moins de ressources dans les objets et les services que nous consommons, soit parce qu'on arriverait à mieux faire durer et ensuite mieux recycler ces objets, mieux les démanteler pour pouvoir récupérer les ressources. Là, on en est extrêmement loin, hélas, et on a même plutôt tendance à détériorer encore le système dans lequel on est parce que les objets qu'on conçoit, qu'on fabrique, sont souvent de plus en plus complexes. C'est évidemment le cas des objets du numérique, avec les 40-45 métaux que va contenir le smartphone type. Je reste un peu imprécis parce que tout ça ce sont des technologies propriétaires, c'est très difficile d'accéder aux données, mais c'est sans problème cet ordre de grandeur. Et sur la soixantaine de métaux que compte le tableau de Mandelayef, le tableau des éléments chimiques, il y en a la moitié qui sont aujourd'hui recyclés à moins de 20%, quasiment zéro. Et pourquoi ? Parce qu'en fait on les intègre dans une multiplication. d'objets différents, d'alliages différents, des milliers d'alliages différents, souvent des quantités très petites, à cause des objets miniaturisés, très intégrés, et donc quand on va arriver en fin de vie, le recyclage est un cauchemar technique, on n'y arrive pas, et surtout on n'arrive pas à injecter toute la main-d'oeuvre, tout le travail humain qui serait éventuellement nécessaire pour correctement démanteler, séparer des choses, démonter, trier, et rendre ensuite une métallurgie compatible. quand on mélange 40 métaux ensemble et qu'on broie et qu'on passe ça au four électrique on arrive déjà à récupérer une dizaine de métaux c'est déjà très très fort, il faut déjà quelques produits chimiques et quelques process industriels divers et variés. Et donc en fait aujourd'hui il n'y a pas vraiment d'appel à la sobriété, on voit bien que cette question elle est taboue pour plein de raisons, parce qu'elle implique des choses sur le PIB, elle implique des choses sur les finances publiques elle implique des choses sur la question de l'emploi, sur la question de la trajectoire économique des entreprises entreprises. Donc l'idée de dire ah bah tiens oui c'est vrai, une voiture de 2 tonnes qui aurait 500 km d'autonomie, une voiture électrique ah bah oui ça va consommer allez 10 fois plus de batterie que une petite voiturette qui ferait 800 900 kg je sais pas et qui aurait 150 ou 200 km d'autonomie c'est grosso modo proportionnel à l'autonomie bien sûr et puis au poids de la voiture à peu de choses près et bien voilà cette 1 On n'est pas en train de faire un virage vers la mobilité électrique, vers un petit produit qui intégrerait moins de métaux et donc serait plus sobre en ressources. Et puis d'ailleurs, cette voiture, pourquoi est-ce qu'elle ne dure pas 30 ans ou 40 ans, comme les avions, les tramways, les bus ? Pourquoi est-ce qu'on la jetterait au bout de 10 ans ? Et puis d'ailleurs, est-ce qu'on ne peut pas les partager ? Toutes ces questions-là, elles sont assez peu abordées. On aborde un peu, comme toujours, plutôt une question technologique, en disant est-ce qu'on peut améliorer quand même justement le recyclage ? Donc il y a des choses, par exemple l'idée des expérimentations sur le fait de lécher les cartes électroniques avec des fluides super critiques, donc à haute pression, haute température, pour venir vraiment lécher, littéralement récupérer le contenu métallique, et puis ensuite, par chimie séparative, on va pouvoir récupérer les métaux. Il y a des choses comme ça, mais franchement aujourd'hui... quand on voit le résultat, l'extraction continue à augmenter de façon exponentielle. Ça va plus vite que le PIB à l'échelle mondiale. On ne dématérialise donc pas, au contraire, on hypermatérialise d'une certaine manière. Puisqu'on a des taux de croissance qui peuvent être 3, 4, 5, 7% par an. Ça fait beaucoup, ça veut dire que ça double selon un pas de temps qui peut être 15 à 30 ans, typiquement. Et donc on ne voit pas du tout d'effet de cette prise de conscience, ou de cette nouvelle prise de conscience du caractère potentiellement fini de ces ressources.

  • Speaker #2

    Alors avec ce que tu viens de développer, j'aimerais te proposer une expérience de pensée qui n'était pas au programme et qui est un petit peu motivée par une... une discussion qu'on a eue en préparation de cet échange. Alors, le contexte, tu as certainement à l'esprit cette espèce d'effondrement écologique à vitesse grand V qui s'est produit sur l'île de Nauru. Ce micro-État qui, dans les années 70, était, je crois, le deuxième pays au monde en termes de PIB par habitant juste derrière l'Arabie saoudite et qui, en fait, en l'espace de quelques décennies à peine, sur fond de frénésie extractive, a été... tout simplement détruit pour toujours ces écosystèmes et détruit toute capacité finalement à accueillir une vie et des habitants, des populations en bonne santé. Dans le domaine de la santé humaine, tu me rappelais que... Avant de mettre un médicament sur le marché, on doit obtenir une autorisation de mise sur le marché. Parce qu'on veut respecter quelque part et on veut protéger la santé humaine. Imaginons un instant que l'on veuille sincèrement respecter et protéger la santé planétaire, la santé des écosystèmes dont on dépend directement ou indirectement. Ça pourrait ressembler à quoi ? Un protocole d'autorisation de mise sur le marché ? de nouvelles technologies, de nouvelles infrastructures. Est-ce qu'on peut utiliser l'analogie avec l'autorisation de mise sur le marché de médicaments ou alors est-ce que cette analogie, comme d'autres, a ses limites ? C'est une expérience de pensée. Qu'est-ce que tu peux nous en dire ?

  • Speaker #0

    C'est pas simple. Alors, petit pied de nez sur l'île de Neuru, c'est vrai que du coup, ils se sont retrouvés dans une situation économique un peu difficile, puisque la rente des phosphates, parce que c'était des phosphates, n'était plus disponible. Et ils se jettent à corps perdu dans toutes les solutions possibles qui vont d'être un paradis fiscal jusqu'à aujourd'hui, accorder des futurs permis d'exploitation de nodules polymétalliques. au fond des océans. Donc en fait, ils reviennent, hélas, sur la question des ressources et tous ces petits états insulaires du Pacifique sont soumis à des envies potentielles de futur multinational de l'extraction des ressources. avec évidemment un impact sur la biodiversité qui sera démultiplié. On maîtrise beaucoup moins l'impact environnemental sous la mer qu'au sol, et c'est pas peu dire. Alors l'autorisation de mise sur le marché, c'est un peu... petit clin d'œil aussi au Cercle de la Donnée qui a publié un rapport récemment sur l'impact du numérique, mais au sens de la santé humaine et de la santé environnementale. Et donc en disant, mais finalement, oui, pourquoi on ne ferait pas une autorisation de mise sur le marché des nouveaux services numériques, finalement, en disant, démontrer que il y a l'impact, que le gain, quelque part le progrès social, etc., le progrès humain que va apporter ce nouveau service numérique sera, compensera d'une certaine manière ou largement l'impact environnemental. Alors évidemment, on en est ultra loin, parce que évidemment aujourd'hui la question ne se pose pas, mais effectivement on peut développer n'importe quel service numérique le plus idiot, alors qu'on n'a pas le droit de mettre n'importe quelle molécule sur le marché, il y a effectivement, et Dieu sait que pourtant il y a déjà des choses sur le marché dont on pourrait discuter la pertinence, évidemment. À quoi ça pourrait ressembler ? En fait, ça pose une affreuse question de l'échelle à laquelle on peut mener la transition. Et moi, je trouve que ce qui est vraiment intéressant, c'est que, évidemment, on a toujours un peu plein de choses dans les milieux écolos. En fait, soit on est dans l'ultra-local parce qu'il peut se passer des choses géniales. Il y a une recyclerie, ressourcerie, je ne sais pas quoi, avec plein d'expérimentations sympas. Mais on voit bien que passer à l'échelle et généraliser ne fonctionne pas forcément. Alors ça n'empêche pas d'avoir... de belles aventures, de belles expérimentations, évidemment, et des beaux échanges humains. Et puis, après, on trouve à l'autre bout du spectre le fait de dire qu'il faut se mettre d'accord dans une économie mondialisée. Si on n'a pas tout le monde qui avance à la même vitesse, eh bien, en fait, ça ne marche pas parce qu'on va se faire casser les reins. avec des réglementations sociales ou environnementales qui vont à plusieurs vitesses. Il y avait eu le fameux exemple des quotas de CO2 à l'échelle européenne, qui touchaient notamment les cimenteries. On avait des cimentiers qui s'installaient dans des pays hors protocole de Kyoto, et qui importaient le clincaire. C'est le produit intermédiaire qui a été cuit, le calcaire et l'argile qui ont été cuits ensemble, et qui contient l'essentiel des émissions de CO2, quelque part. dans le produit cuit. Et donc, évidemment, on ne gagnait rien parce qu'on ne faisait que délocaliser. Et en fait, je pense qu'il y a vraiment différentes échelles sur lesquelles on peut agir, y compris l'échelle peut-être régionale, y compris l'échelle nationale, l'échelle européenne et non pas mondiale, à condition, évidemment, d'avoir les mécanismes de protection aux frontières. C'était un gros mot il y a une dizaine d'années. Aujourd'hui, ce n'est plus du tout un gros mot puisque même la Commission européenne, on va avoir, par exemple, un mécanisme d'ajustement aux frontières sur un certain nombre de grands produits émetteurs comme l'acier. qui va se mettre en place. Aujourd'hui, tout le monde reconnaît que pour mener la transition à différentes échelles, ça peut être intéressant. Alors du coup, cette nouvelle AMM, il faudrait voir l'échelle à laquelle elle peut s'imposer ou pas. On pourrait dire que dans le domaine du numérique, c'est totalement impossible parce que vous vous rendez compte, les gens peuvent mettre leur serveur où ils veulent. Ce n'est pas vrai du tout. Le numérique se maîtrise très bien et un certain nombre de régimes moins démocratiques que les nôtres pratiquent. Je veux dire, aujourd'hui, Google au Vietnam, ils font ce que leur dit le gouvernement vietnamien. Donc en fait, on peut aller assez loin. Et je crois que pendant le confinement en 2020, d'ailleurs, avec l'explosion du trafic Internet qui était généré par le fait que beaucoup de gens travaillaient à la maison, et que c'était nouveau, et que les tuyaux, quelque part, n'étaient pas dimensionnés pour ça, il y a eu les sites Internet pornographiques qui ont été bridés en termes de qualité. de vidéo, je n'ai pas les détails exactement mais j'avais entendu parler de ça, je ne pourrais pas citer la source mais c'est quand même intéressant pour pouvoir permettre qu'il y ait quand même un peu de place pour ceux qui télétravaillaient pour de vrai au delà de la plaisanterie mais c'est pour dire qu'en fait tout ça, ça se discute ça se travaille, ça peut se réaliser rien n'empêcherait par exemple un pays comme la France même la réglementation européenne ne l'empêcherait pas de dire qu'on a un unique réseau d'accès de télécommunication vous savez les... des réseaux 2G, 3G, 4G, 5G qui s'empilent. Aujourd'hui, il y a quatre opérateurs. Eh bien, il y a quatre fois quatre réseaux pour permettre la concurrence. Ça, c'est un espèce d'énorme gâchis de ressources, un gâchis d'électricité, puisque toutes les antennes, elles vont émettre des ondes pour récupérer le signal de votre téléphone, etc. Et dans une industrie de réseaux, vous avez rarement des réseaux qui s'empilent les uns à côté des autres pour organiser la concurrence. Vous n'avez pas quatre réseaux d'eau qui rentrent chez vous pour choisir votre opérateur. Vous n'avez pas quatre câbles électriques. Vous n'avez pas quatre autoroutes parallèles, quatre trains. Par contre, on a quatre réseaux télécoms. On pourrait imaginer un unique réseau d'accès qui serait mutualisé, sur lequel tous les opérateurs pourraient monter de manière indifférenciée, et qui serait concédé par région à différents opérateurs, comme on le fait par exemple dans le cadre de l'eau, au niveau d'intercommunalité ou autre. Donc voilà, c'est un exemple d'échelle où on pourrait faire des actions à l'échelle au niveau national. Et donc cette autorisation sur le marché, la première question que je poserais, faudrait, c'est de dire qu'à l'échelle, on peut la faire ou pas. Et en fonction des cas, sans doute, il y a des échelles qui... L'action ne peut pas être pertinente si on est à un niveau trop petit. Par exemple, imaginons que la France décide de taxer des smartphones pour interdire certains types de smartphones, je ne sais pas. On peut imaginer qu'assez vite se mettra en place. un marché noir, enfin voilà il y a eu le cas sur d'autres produits où il y avait des écarts de TVA, des gens qui jouent là dessus. Par contre vous avez des actions et des systèmes qui sont tout à fait localisés, si vous voulez rouler avec une voiture sur une roue française, il faut avoir un télématrix. réculer, avoir une carte grise, vous ne pouvez pas faire n'importe quoi, vous ne pouvez pas rouler avec un char d'assaut sur une autoroute, donc c'est... Et quand vous allez dans un restaurant, dans de la restauration rapide, finalement, si on leur disait vous avez 24 mois pour vous organiser pour que ça ne soit plus des emballages jetables parce qu'on ne supporte plus ces volumes-là, donc organisez-vous différemment et il y aurait... plein de solutions pour s'organiser différemment, eh bien, finalement, ils ne vont pas se mettre à vous livrer par drone d'Espagne ou de Belgique. Donc, il y a vraiment cet intérêt-là. Donc, moi, l'expérience de pensée que j'aurais envie de mener, c'est de dire, finalement, c'est quoi... Mon rayon d'action possible, d'échelle régionale, donc on parle évidemment de quelque chose qui est réglementaire, qui est normatif, et qui peut prendre comme ça différentes voies. Et puis, évidemment, ça ne présume en rien de l'acceptabilité. mobilité sociale, bien sûr. C'est pas parce que je dis, tiens, ça serait intéressant de faire de la France ou de l'Europe. Alors l'Europe, ça serait dur à cause de l'Allemagne pour l'instant, mais de faire un continent ou un pays champion de la petite voiture électrique de longue durée. au lieu de faire des SUV électriques qui dureront 8 ou 10 ans, eh bien, on pourrait le faire d'un point de vue technique, ça a une pertinence d'un point de vue réglementaire, et en termes de faisabilité, c'est ultra simple, mais il resterait une question d'acceptabilité sociale, avec des gens qui hurleraient à la mesure liberticide, ou les débats sur les familles nombreuses, et que sais-je, comme on l'a déjà, quand il y a quelques timides mesures de... sur le fait de taxer au poids, par exemple, les voitures, très vite, on est dans un débat complexe. Donc, je ne sais pas si ça répond tout à fait à la question.

  • Speaker #2

    En tout cas, ça lui permet de vivre un peu plus, puisque c'était juste une toute première expérience de penser à voir si d'autres vont vouloir la poursuivre. Je te propose maintenant de passer à la deuxième partie. Te voilà désormais archiviste. Est-ce que tu peux nous ramener un événement clé, qui est d'après toi méconnu, voire même inconnu ?

  • Speaker #0

    qui a marqué l'histoire et dont les effets se font encore sentir aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas une question facile. On va se voir que j'ai eu le temps de préparer. Parce qu'effectivement, ce n'est pas tout à fait un événement. On va dire que c'est une conjonction d'événements. Moi, je suis assez passionné par la poussée technique. et scientifiques du XIXe siècle. Je suis très impressionné par ce qui se passe aussi en ce moment. Mais voilà, c'est quand même un moment de l'histoire un peu dingue. Et d'ailleurs, il y a des gens qui... Je pense à l'historien des techniques Maurice Domas qui disait, mais finalement, il est décédé. avant le smartphone et avant ChatGPT, de loin, mais ils disaient, prenez la génération qui a vécu entre 1860 et 1920, ce qu'ils ont pris en termes d'évolution technologique, pensons au télégraphe, au au téléphone, à la photo, au cinéma, à l'armement de masse, à la révolution de l'agriculture, la mécanisation, l'arrivée de l'automobile, le développement du train, qui finalement, ouf, par rapport à ce que vit notre propre génération, ou à ce qu'est vécu celle de nos parents, même avec le processeur au silicium ou au germanium, bon, ben voilà, c'est une mignonne accélération. Je trouve que ce moment-là, il est intéressant. Et donc j'ai choisi ce qui se passe dans les années... dans les décennies 1850, plutôt même 1860, avec la mise au point de la réfrigération industrielle. Et souvent en fait, quand on parle de la thermodynamique, donc cette science un peu des machines à feu, disait Sadi Carnot dans les années 1820, avant de décéder très jeune, on pense vraiment à la mise au point et à l'amélioration continue des machines à vapeur. Mais en fait la thermodynamique c'est aussi le réfrigérateur qu'on a à la maison. Alors ça commence pas avec des réfrigérateurs à la maison, ça commence vraiment avec de la réfrigération industrielle. Il faut savoir que... La question du froid, la question de la conservation des aliments, en particulier des aliments carnés, c'est un sujet qui traverse des siècles, pour ne pas dire des millénaires. Et en fait, la solution historique, c'était de transformer... transformer les produits. Donc c'est de saler les viandes, de faire des pâtés, de faire des fromages pour conserver les produits laitiers, etc. Ensuite, il y a un petit peu de... L'autre solution, c'était de ramasser de la glace en hiver. et de la stocker en sous-sol ou dans des grands hangars entourés de paille ou d'un isolant. Et puis du coup, ça permettait de tenir jusqu'à l'été et de garder les aliments au froid. Donc c'était quand même, on va dire, pas très pratique. Alors ça a créé quelques conséquences historiques sympas. C'était sympa, je ne sais pas si elles sont sympas, mais on pourrait dire en exagérant un peu que la découverte de l'Amérique, ou la redécouverte par Christophe Colomb, finalement Colomb était peut-être plutôt parti chercher des épices que chercher de l'or par une route plus large. plus courte. Et pourquoi les épices ? Parce que le poivre et un certain nombre d'épices permettent soit d'avoir une logique un peu antiseptique, donc empêchent un peu les bactéries de se développer, de dégrader ou de rendre la viande non pas juste faisandée, mais vraiment dangereuse à manger. Mais ça permettait aussi de passer un goût un peu faisandé par exemple. Donc voilà, c'est vraiment l'or du Moyen-Âge, ce sont plutôt les épices. Et donc voilà, du coup, il découvre l'Amérique du fait finalement de... de la recherche de poivre, du fait qu'on n'avait pas cette réfrigération. Et donc ce qui va changer avec cette découverte que finalement en faisant une dépression d'un gaz avec peu d'électricité, ça permet de générer du froid, ça va ouvrir un champ un peu incroyable, ça va amplifier la non-limite malthusienne du XIXe siècle. Malthus prévoyait de manière assez logique des grandes famines, enfin en tout cas... le fait que les rendements agricoles allaient plafonner alors que la population continuait à se développer de manière comme une suite géométrique, donc ça allait poser un problème. C'est à la fois lié big et donc le fait qu'on peut fertiliser qui va aider, mais c'est aussi, à partir du dernier quart du XIXe siècle, le fait qu'on va mobiliser pour des populations européennes d'énormes surfaces en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, en Australie, et qu'on va venir réimporter grâce aux premiers... des céréales, mais aussi... aussi, et beaucoup du bœuf congelé, de l'agneau congelé de Nouvelle-Zélande, du bœuf de la Pampa, etc. Et donc ces premiers grands flux vont finalement venir soutenir en protéines la révolution industrielle, ou la deuxième partie de la révolution industrielle, et puis le début des années 1900, puis on pourrait même dire les soldats de la Première Guerre mondiale, même si... il y avait aussi du bœuf en conserve, le fameux corned beef. Mais voilà, c'est un peu ça. Et puis aujourd'hui, ça continue à pousser, puisque finalement, après, il y aura les bananes, les fruits exotiques, je crois, dans les années 20. Alors, on n'est pas dans les trucs congelés, mais on est dans une température qu'on trouve contrôlés. Et puis, aujourd'hui, ça nous poursuit. Pourquoi ? Ce n'est pas juste le fait de pouvoir avoir mis des yaourts au réfrigérateur, mais c'est aussi le fait qu'une partie de la consommation est vraiment liée à ces chaînes de réfrigération très rapides. L'essentiel, par exemple, des fleurs coupées, les roses équatoriennes ou kenyanes qui vont prendre des avions et qui vont passer par Amsterdam et revenir chez votre fleuriste bleue. pour le week-end. en toute saison, s'il vous plaît, c'est la réfrigération. Et puis, on pourrait dire tout le phénomène de métropolisation, même de mégapolisation, la concentration qui a été permise de populations de plus en plus importantes dans des zones qui certes s'étalent un peu, mais sont aussi plus denses que ce que pouvaient être les populations paysannes. Eh bien, c'est aussi la réfrigération qui le permet, puisque finalement, il y a un moment où le pétrole aussi, bien sûr, n'oublions pas le... Le seigneur qui est là. Mais voilà, c'est le fait, à un moment, les zones de chalandise, la chaîne du froid permet aussi évidemment de faire venir des choses de plus en plus loin pour nourrir des populations qui ne pourraient pas se nourrir avec l'interland de la métropole où ils habitent.

  • Speaker #0

    Alors il me semble qu'on peut associer la réfrigération à l'idée d'un moyen, un moyen technique qui permet de dépasser des limites à la fois temporelles et spatiales. Il me semble que ces dépassements-là sont bien souvent dans nos esprits, dans les imaginaires collectifs associés à des images très positives. L'homme apparemment est un être de dépassement, est un être de franchissement, c'est un être qui souhaite avoir le moins possible de terra incognita sur une carte. Il semble même que le progrès tel qu'il a été pensé longtemps soit synonyme de sans cesse repousser les limites de notre ignorance. A contrario, on a à l'esprit, d'après tout ce que tu nous as dit jusqu'ici, qu'il est nécessaire de réaligner quelque part les systèmes et les sociétés humaines avec le système Terre. Est-ce qu'on a aujourd'hui à portée de main, sur étagère ou pas loin de nous, des imaginaires de tempérance, de alignement, de réencastrement qui soient eux aussi positivement chargés ?

  • Speaker #1

    Alors, en fait, on pourrait déjà contester... le fait que l'être humain voilà du point de vue vraiment profondément anthropologique serait câblé quelque part pour partir à la conquête, se développer, consommer toujours plus avec un peu de dopamine et de striatum, et que finalement ça ferait vraiment partie de notre nature profonde. Moi, je suis qu'un ingénieur modeste, donc je ne suis pas anthropologue, sociologue, psychologue, etc., mais il y a des gens qui ont écrit là-dessus, et je conteste un peu cette vision-là. Par exemple, Moi, je pense, par exemple, que quand on voit la... la conquête, quelque part, d'un certain nombre de lieux, de voir que l'Australie et les aborigènes franchissent il y a 70 000 ans le petit endroit où l'eau est trop profonde et donc, voilà, autant l'Indonésie c'était un continuum avec les glaciations, l'eau était 100 mètres plus bas, donc tout va bien, mais il y a des endroits où il fallait prendre la pirogue et passer, quoi. Je veux dire, il y a 70 000 ans, avec le niveau technologique qu'ils avaient, il y avait beaucoup de courage. Moi, je n'arrive pas à m'enlever du fait qu'on partait un peu la saguette dans le dos, quoi, à la la conquête, parce qu'à un moment il y avait une charge possible sur une surface donnée, et puis il y en a qui devaient partir, un peu comme d'ailleurs pendant des siècles et des siècles en France, vous étiez le premier né, vous héritiez du petit lopin de vos parents, et puis le deuxième, le troisième, il fallait qu'ils partent faire marin, avec une durée de vie je crois, une expérience de vie de 24 mois, ou partir dans les colonies, ou je sais pas quoi, il y avait des mécanismes, un peu malthusiens, pour réguler la population. Surtout, il y a la question de l'innovation parce qu'effectivement, on vit dans cette religion de l'innovation dans cette religion de la technique qu'a beaucoup de codes de certains types de religions. Il y a le lieu saint de la Silicon Valley les grands messes qui sont le Consumer Electronics Show ou Vivatech, les oracles bien sûr Elon Musk, Sam Altman qui vont délivrer leurs pensées sur Twitter, enfin sur X pardon et puis ensuite ça va être commenté par... par tout le haut et bas clergé. Voilà, donc les hérétiques, bien sûr, si on conteste le progrès technologique, on est forcément hérétiques. Donc, il y a un peu tous ces codes-là. Et ça, c'est pareil, c'est de dire, bah oui, ça serait inéluctable finalement, la Terre est le berceau de l'humanité, mais on reste pas dans son berceau toute sa vie, n'est-ce pas ? Donc forcément, conquérir l'espace, etc. Et en fait, là-dedans, dans cette fascination de l'innovation, Lewis Mumford, qui est un grand historien et technique états-unien, lui disait, c'est assez intéressant, c'est dans le mythe de la machine, il a écrit ça à la fin des années 60, début des années 70, il disait mais en fait l'être humain n'est pas un innovateur. L'être humain est un formidable imitateur, un coopérateur né. Et en fait c'est presque darwinien. Thèse en quelque sorte, donc il faudrait aller travailler un peu tout ça. Mais l'idée c'est quoi ? C'était de dire que pendant des millénaires ou même des dizaines de millénaires, le nombre d'êtres humains était très limité, des petites hordes de chasseurs-cueilleurs qui devaient se transmettre un fragile capital technique et cognitif, quelque part la connaissance des plantes, des migrations des animaux, etc. Et donc en fait il y avait un attachement, la manière de casser un caillou pour faire à peu près, qui coupe à peu près correctement le quartier de viande, que sais-je. Et en fait ce fragile capital technique, il fallait le maintenir, y compris à travers les glaciations, à travers des migrations, à travers plein de choses. Et que finalement ce qui était le plus important c'était conserver le capital technique plutôt que l'augmenter. dit autrement et d'un point de vue darwinien, si vous cassiez le silex pas tout à fait comme papa ou maman, pour pas genrer le truc, et bien peut-être que vous vous faisiez fracasser le crâne assez vite, ou tout simplement vous étiez chassé de la tribune, Mais toi qu'est-ce que tu nous fais avec ton silex qui n'a pas la même forme ? Et donc du coup il se reproduisait moins vite, et d'un point de vue darwinien ça fait quoi ? Et bien ça fait un être humain qui d'un point de vue anthropologique, et pensez pour ceux qui ont des petits-enfants, ou des petits-frères, des petites-sœurs, comme ils adorent les histoires mille fois répétées, les comptines, toujours les mêmes trucs, les procédures, et hop tout à coup, effectivement, quand il y a quelque chose de nouveau qui arrive, c'est vrai qu'il y a une curiosité ça fait aussi partie de notre câblage et alors là s'il y a un truc qui marche bien sûr, un nouveau silex une nouvelle manière de taper sur le silex, alors là tout le monde y va et on imite très vite, évidemment le marketing utilise ça et donc, voilà, ce que disait M. Ford, c'est finalement, l'être humain la majorité des gens sont des imitateurs et puis il y en a quelques-uns qui n'offrent quoi, donc essayons pas de tous être innovants et formidables etc. Donc ça c'est déjà un premier imaginaire qu'on pourrait venir un petit peu un petit peu challenge J'ai finalement cet imaginaire de l'entrepreneur innovateur formidable, choumpétérien bien sûr, avec la destruction créatrice et ce formidable progrès finalement, avec cette confusion évidemment terrible entre le progrès humain. et si tant est qu'on sache exactement ce que ça veut dire, ou le progrès civilisationnel, et puis le progrès des connaissances scientifiques, et puis l'évolution technique, technologique, et finalement ces trois trucs-là, et bien, avancent évidemment, il y en a deux qui avancent de concert, mais le progrès humain et civilisationnel, celui-là, peut-être se discuterait. Et voilà, y compris la question du bonheur et autres. Donc, quel type d'imaginaire on peut aller chercher ? En fait, on n'a pas, évidemment, alors il y a aujourd'hui beaucoup d'envie sous forme de romans, de pièces de théâtre, de séries, il y a des choses, il y a de la production en cours ou réalisée sur cette idée de dire comment rendre la transition désirable, comment, bah oui, effectivement, peut-être un monde de sobriété, un monde de post-croissance pourrait fonctionner. fonctionner de manière économique, etc. Comment se ferait aussi cette transition ? Là-haut de ceux disaient la cible c'est le chemin, ou le chemin c'est plus important que la cible, donc en fait finalement c'est pas le savoir de dire, ah là là, en 2100 c'est génial, ils vont être bas carbone ou post carbone, et puis ils seront tous heureux, ils seront super, mais qu'est-ce qui se passe entre les deux en fait ? Parce que moi ma vie, je vais pas la vivre en 2100, à moins de réussir à me faire cryogéniser, mais pour l'instant j'ai ni les moyens ni l'envie, et donc il y a un peu de production là-dessus, mais personne n'est vraiment capable de... c'est clair, de définir comment on va faire atterrir ce vaisseau fou qu'est notre système industriel, avec à la fois des poussées, certes très rapides, de technologie qui s'y est là, mais aussi une énorme énergie de tous les macro-systèmes techniques que sont les systèmes de production industrielle. Même si on change le modèle d'une voiture, c'est pour dans dix ans le nouveau modèle. Les infrastructures, portoirs, logistique, etc. Tout ça ne va pas si vite que ça. Les villes elles-mêmes, bien entendu, en visent sur un stock. La ville de 2050, à 90% en Europe, c'est la ville d'aujourd'hui. Même si on fait des smart buildings et des trucs optimisés géniaux, c'est la ville existante qui va falloir travailler. Donc réussir à décrire tout ça et à construire un nouvel imaginaire, on ne l'a pas vraiment. Par contre, ce qu'on a, et ce qu'on peut aller piocher et chercher, c'est le fait que, justement, il y a eu des moments de l'histoire de l'humanité où les valeurs sociétales n'étaient pas celles d'aujourd'hui. Et donc, on prend pour argent comptant, finalement, un peu... même s'il y a déjà des choses bigarrées à l'échelle mondiale, bien entendu, mais si je me cantonne à la civilisation occidentale, on peut aller chercher plein de choses. Donc effectivement, dans l'Antiquité, chez les Grecs, une des quatre vertus cardinales, c'est la tempérance. Les autres étant la justice, etc. Donc, la tempérance, c'est quoi ? C'est la capacité à limiter, quelque part, ses envies ou ses besoins, ou, entre autres, il y a une définition plus large, mais pour, finalement, mieux la mettre en adéquation avec, soit les limites, effectivement, aujourd'hui, on dirait des limites planétaires, soit, tout simplement, même avec les limites physiques possibles de l'époque. Il y a eu des moments de l'histoire où les gens les plus respectés n'étaient pas les gens les plus riches. Aujourd'hui évidemment, si j'ai un milliardaire de la tech qui arrive, tout le monde se couche, et sans doute les médias ont de toute manière quelques retombées aussi. Le modèle économique de la publicité fait que ça doit un peu déformer leur indépendance. Moi j'arrive pas à comprendre comment ils arrivent à sérieusement interviewer Jeff Bezos qui nous explique qu'on aura 1000 milliards. de terriens dans le futur. Ils ne seront pas terriens d'ailleurs, tout à fait, parce qu'ils vivront essentiellement dans des grands torts, des stations orbitales en forme de torts qui tourneront sur elles-mêmes pour recréer la gravité. Et qui présentent ça, mais vraiment, je ne sais pas si c'est sérieux ou pas, et à la fin c'est pour nous vendre le fait qu'il va faire un peu de tourisme spatial, grosso modo. Comment c'est possible, je ne sais pas. Et du coup je perds le fil, pardon, parce que Jeff Bezos parfois m'agace, parmi d'autres. Donc... les plus riches sont quelque part les plus respectés, ou en tout cas du coup ça leur permet de donner leur opinion sur tout. Eh bien, il y a eu des moments, dans les civilisations mélanésiennes, par exemple, ou en Papouasie, eh bien, il y avait des big men qui étaient, les personnes les plus respectées sont celles qui étaient les plus pauvres, en fait. Parce qu'en fait, pour être respecté, il faut distribuer tout ce qu'on a. Il faut former de dons. C'est un peu comme l'évergétisme sous le l'Empire Romain, ou la fin de la République Romaine, où en fait on avait des gens très riches, comme Crassus, Pompée, etc. Ils étaient très riches parce qu'ils avaient un peu piqué dans les caisses, à l'époque c'est vraiment les finances publiques et privées sont très très mélangées, quand on gère une province romaine, c'est vraiment, on le gère comme son compte en banque, mais bon, en tout cas, du coup, pour se faire élire ensuite, alors des trucs pas du tout démocratiques, mais peu importe, mais voilà, il faut payer des aqueducs, il faut payer des fontaines publiques, il faut payer des jeux, voilà, donc... on distribue un petit peu autour de soi pour être respecté si on prend les tribus amérindiennes il y avait certaines tribus amérindiennes, notamment dans l'Ouest on avait le concept du potlatch ce sont des moments rituels, des dîners communs où on se redistribue, on s'échange cette logique un peu du don et du contre-don ça c'est Marcel Moss anthropologue du début du XXe siècle qui parlait de la triple obligation l'obligation de donner, recevoir et rendre. Cette idée de dire que ce qui crée les sociétés humaines, c'est le don finalement. Alors aujourd'hui, c'est pas forcément un don en numéraire, dont je parle, ou en physique, c'est aussi le don de son temps, le don à la communauté, etc. Donc voilà, on voit qu'en fait on peut aller chercher, il y a une multiplicité de choses qui ont été expérimentées, ou en tout cas vécues, elles n'étaient pas vues comme une expérimentation, mais en tout cas aujourd'hui on peut les trouver. trouvés là, et puis surtout il y a énormément d'écrits qui ont été produits notamment pendant tout le XXe siècle, où on peut aller piocher par exemple l'inventivité et la capacité de remise en question du système qui va avoir lieu à la fin des années 60 et dans le cours des années 70. Alors sans doute sur la lancée d'un mix d'un peu de 68 je simplifie ou de guerre du Vietnam, ça dépend où on est, de contestation de la guerre du Vietnam et un poil de communisme. qui se promènent là-dedans, mais surtout un monde de plein emploi encore, un monde d'avant les premiers chocs pétroliers et d'avant le chômage technologique, donc avec le développement des machines dans les usines, permettait peut-être une liberté de pensée plus grande qu'aujourd'hui, où quand même, dans un trajet de vie professionnel, il faut quand même faire bouillir la marmite et peut-être on... on se brille de tous plus les uns les autres et c'est plus difficile peut-être d'être bifurqueur aujourd'hui quand on a 25 ans de remboursement à faire pour sa résidence principale.

  • Speaker #0

    On arrive à la troisième et dernière partie de notre entretien. Tu t'es présenté face à l'oracle, tu viens de jouer le rôle d'archiviste. Maintenant, tu deviens s'il te plaît acupuncteur. Selon toi, quelle serait la décision, quelle serait l'action, quelle serait l'intervention qui pourrait aujourd'hui contribuer de manière significative à la fabrique d'un monde plus habitable ? Tu appuies où dans le système aujourd'hui ? C'est hyper dur comme question parce que j'enfonce une porte ouverte, mais tout ça est très systémique et donc pour mener une transition important du bonheur pour le plus grand nombre, parce qu'il faut que ça soit une transition dans une logique démocratique, tant qu'à faire, il faut vraiment aligner beaucoup de planètes. Une planète, on a vu tout à l'heure, un peu... réglementaires, normatives, donc dépendant plutôt d'une échelle étatique ou supra-étatique. Il faut aligner un système fiscal. Aujourd'hui, les ressources et l'énergie valent pas grand chose, enfin l'énergie un peu plus maintenant. mais les ressources ne valent rien. Elles ne valent que le capital et le travail pour les extraire. Donc, capital mort... Non, travail mort, aurait dit Marx au XIXe siècle, je crois. Deux fois que je parle de communisme et de Marx, tout le monde va croire que j'ai lu, mais non, pas du tout. Donc, le système... fiscale bénéficie en fait aujourd'hui, quand vous êtes une administration, une entreprise que vous pouvez remplacer du travail humain par une machine, en général vous le faites, même si cette machine elle est consommatrice de ressources qui seront perdues de façon inéluctable pour les générations futures, parce que c'est rentable, parce qu'en fait on n'a que quelques milliards d'euros de taxes environnementales et qu'en face on a 450 ou 500 milliards d'euros de contributions sur les salaires qui permettent de payer l'assurance maladie, l'assurance chômage, les retraites. et donc voilà le travail humain est quelque part un peu plus cher donc quand vous voulez mettre quelqu'un à démonter un smartphone ça fonctionne pas parce que il ya que deux euros de matières premières dans un smartphone donc vous n'avez pas payé quelqu'un très très longtemps pour optimiser la récupération de ces matières premières donc il faudrait travailler ça aussi et puis évidemment la question vient d'aborder tout à l'heure la question culturelle la question des valeurs etc Il faudrait réussir à aligner tout ça, tout ça dans un bloc géopolitique mouvant, donc sympa. Donc, une mesure qui vraiment va significativement faire basculer, sans doute faudrait un mix de mesures et d'événements, et je laisse aux générations futures, aux générations présentes déjà, d'essayer de travailler le Tetris et j'y contribuerai à ma petite échelle. Je vais tenter un truc qui est la question du numérique à l'école. Je dénumériserai l'école. Alors il y a des petits débats en ce moment parce que ça y est, la Scandinavie fait un peu... Les pays de Scandinavie font un peu marche arrière et reviennent avec des... à des manuels papier. Ça s'est sorti au printemps, il y a toujours un petit peu à la rentrée scolaire, il y a toujours un peu cette idée de dire alors est-ce qu'on va réussir à ranger les smartphones des collégiens ou pas pour respecter ce qui a été décidé il y a déjà quelques années. En fait, moi j'irais vraiment plus loin que ça, je ferais de l'école une zone refuge face à l'accélération numérique du monde. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas éduquer au numérique. En cours de technologie, je veux bien qu'on dépiaute un ordinateur, qu'on regarde ce qu'il y a dedans et puis qu'on explique un peu quelques bases. Mais je n'éduquerai pas au numérique par le numérique. Or, c'était le pari qui avait été fait jusqu'à présent. L'école a toujours été un peu victime de fascinations technopédagogiques. Moi j'ai fait, dans un de mes ouvrages, je suis remonté au 19e siècle avec la lanterne magique. Edison dans les années 20 expliquait que grâce à ses appareils de projection et au cinématographe, les livres allaient disparaître. Ensuite il y a eu les MOOC. Les premiers MOOC c'était la radio et puis après la télé. Et puis à partir des années 70, il y avait des machines à enseigner, des petits dispositifs électromécaniques. Et puis ensuite ils sont arrivés. les mini-micro-ordinateurs et les tablettes aujourd'hui. Et en fait, évidemment, ça ne marche jamais, puisque ça aussi, tout a été écrit, et on peut aller chercher d'autres choses. Le fait que, finalement, le miracle de la transmission de savoir, c'est la relation enseignant-enseigné, maître-élève, et que, voilà, imaginer une espèce d'utopie où les élèves, sur leur tablette, découvrent le monde avec un prof qui n'en sait pas plus qu'eux, grosso modo, parce qu'il y a Wikipédia et... le savoir mondial, ça ne fonctionne pas trop. Donc déjà, sortir de cette utopie qui fait qu'en fait on dépense de l'argent pour acheter des dispositifs technologiques. Quand vous dépensez de l'argent pour acheter de la technologie, vous avez moins d'argent pour payer des gens. C'est un peu ce qui se passe aussi dans d'autres domaines. À l'hôpital, les robots chirurgiens, dont certains, je ne m'avance pas sur tout, mais dont certains, on pourrait discuter les rapports coûts-bénéfices et le gain par rapport à des actes chirurgicaux problématiques. Cette technologie-là, vous allez payer moins d'infirmières, d'infirmiers, etc., etc. C'est vrai dans l'agriculture. Plus vous numérisez l'agriculture, plus il faut que vous fassiez de la productivité, c'est-à-dire mettre de moins en moins de travail humain pour ça. Donc l'école n'échappe pas à cette logique-là. Donc arrêtez évidemment tout ce qui est recherche sur les financements de startups diverses et variées, parce qu'il y avait cette idée un peu de dire c'est génial, en fait on va financer des startups en France. On va tester tout ça chez nous, puis après, du coup, on va exporter en Corée du Sud nos super logiciels. Bon, franchement, j'y crois quand même qu'à moitié. Mais surtout, réussir, en fait, grâce à cette dénumérisation, grâce à ce signal envoyé. Aujourd'hui, on envoie un signal aux parents de dire, c'est bien le numérique, puisqu'on va mettre vos enfants sur des outils numériques. Donc, au contraire, de dire, non, on prend le contre-pied. On a des cartes murales de géographie, c'est bon la géographie elle évolue pas si vite que ça, ok hélas le niveau de l'océan monte, mais enfin bon ça devrait tenir pour l'année scolaire. Histoire idem, enfin je veux dire, ok on peut faire des histoires très contemporaines. Enfin, quand on est en 6e, en 4e, en 5e, on peut garder des manuels scolaires pendant quelques années quand même, etc. Donc, la connaissance n'est pas victime d'obsolescence aussi vite que ça, ou en tout cas la connaissance de base. Et puis, bah oui, on découvre qu'on apprend mieux à compter avec un boulier à Singapour ou je sais pas quoi, ou en Corée du Sud encore une fois. Donc voilà, dénumériser, freiner, contribuer à freiner cette accélération. Et qui peut aussi, du coup, justement, contribuer à commencer à construire un peu dans les jeunes générations. Mais on espère aussi que ça diffuse sur d'autres générations aussi, évidemment. C'est un peu... ça ne marche jamais, mais... C'est l'idée de dire, comme les enfants à la maternelle, ils apprennent à bien trier dans les bonnes poubelles, comme ça en rentrant chez eux, ils vont apprendre à papa et maman à bien trier. Bon, ça a toujours des résultats pas terribles, donc il faut mieux se concentrer sur les savoirs fondamentaux, écrire, compter, comprendre un texte, etc. Je pense que ça pourrait envoyer un signal sociétal de dire qu'il n'y a pas que le numérique dans la vie des amis. Et puis non, ce n'est pas juste, il faut s'adapter, il est là, c'est chouette et on va créer les citoyens numériques du futur. Moi, la notion de digital natif m'a toujours un peu effaré. Je ne vois pas pourquoi un gamin de 3 ans ou 4 ans serait plus intelligent qu'un papy de 60 devant un outil numérique dont il comprend peut-être vaguement certains usages, mais dont il ne comprend rien en termes de ce qui est... convoqués derrière et des modes de fonctionnement profond, qu'ils soient physiques ou même tout simplement économiques et les logiciels derrière, etc. Donc voilà, ça serait ma contribution. Alors je ne postule pas au poste de ministre de l'éducation nationale. Alors quand on dit ça en fait à la radio, ça veut dire que si tu postules. Mais en fait non, moi là vraiment je ne postule pas du tout. Mais voilà, on pourrait tenter ça.

  • Speaker #1

    Alors, comme tu nous parles de dénumérisation, je vais te parler pendant 1 minute 30 maximum de papier. Dans quelques jours sort ta bande dessinée, ressources. Imagine que tu disposes de 88 secondes pour en parler à une étudiante qui viendrait tout juste d'intégrer un programme dans une école de commerce. Qu'est-ce que tu lui racontes à cette jeune étudiante au sujet de cette bande dessinée ?

  • Speaker #0

    Eh bien... Je lui dirais d'abord qu'elle est la cible parfaite. C'est pas parce qu'elle a fait une école de commerce, c'est pas une école d'ingénieur ou une école d'architecture ou de design. C'est parfait. Le but de la bande dessinée d'abord c'est ça, c'est d'élargir l'audience à des gens qui n'iront pas des essais. environnementaux, parce que voilà, pour plein de questions, pour des questions de temps, des questions d'impétence. Donc c'est vrai qu'aujourd'hui, la bande dessinée et le podcast sont deux vecteurs rois de la transmission peut-être d'idées et ou de savoirs. ensuite que ça sera un bel achat parce qu'après elle peut le prêter, donner, faire circuler dans une logique d'intensification de la matière il ne faut surtout pas le ranger dans une bibliothèque et ne plus l'utiliser mais au contraire faire circuler tout ça si effectivement l'objet lui a plu et ensuite que voilà c'est un plongeon dans l'univers des ressources, voilà cette question de De l'extraction au recyclage ou non, à la dispersion en passant par l'utilisation et comment on pourrait technologiquement aller vers un monde plus durable, à la fois en faisant de la sobriété mais pas que de la sobriété. et austérité, plutôt de la sobriété systémique. Un exemple de la télécommunication qui n'aurait aucun impact sur les utilisateurs finaux est un petit exemple dont on parle d'ailleurs fugacement dans la BD. Et puis, on ne s'est pas arrêté. à la question technologique, même si je suis ingénieur, on a poussé justement sur des questions de quelque part, quelles évolutions justement culturelles, où on a apporté quelques éclairages, et donc voilà, par exemple, le potlatch, qui était pratiqué par les Kwakwaka'wakw, qui s'écrit que avec des K, des W, des A, donc c'est très compliqué, mais ça se prononce Kwakwaka'wakw, et puis voilà, la Grèce antique, etc., Juliette et Roméo, enfin on est un peu parti sur tout ce qui faisait, finalement, qu'on a l'impression d'être plus heureux parce qu'on est des... citoyen consumériste et en fait non, il y a une autre voie.

  • Speaker #1

    Eh bien écoute, je pense qu'on va clore cet entretien sur ces paroles. Grâce à toi, j'imagine que l'on a recréé une forme de concorde entre physique et métaphysique et j'espère que les auditrices et auditeurs auront autant de plaisir à t'écouter que j'ai eu aujourd'hui à... de questionner. Merci Philippe.

  • Speaker #0

    Merci Thomas.

  • Speaker #2

    Merci d'avoir écouté cet épisode de Nos Limites, produit par Logarithme. L'ensemble des épisodes est disponible sur toutes les plateformes et sur le site atelier au singulier desfuture Pour ne rien rater des prochains épisodes, abonnez-vous et n'hésitez pas à en parler autour de vous. A bientôt !

Description

Philippe Bihouix est ingénieur, directeur général du groupe AREP, une filiale de la SNCF.

En France, il est l’un des premiers à s’intéresser à la raréfaction des ressources minérales et à son impact sur la transition énergétique.

Philippe a consacré plusieurs essais à ces questions. Ce mois-ci, il publie avec Vincent Perriot aux éditions Casterman une bande dessinée intitulée “Ressources : un défi pour l’humanité”.

Dans l’entretien à suivre, Philippe s’interroge au sujet des ressources dont notre civilisation technique aura besoin au siècle prochain, revient sur le rôle clé joué par la réfrigération dans le développement d’une économie mondiale et propose pour finir de supprimer le numérique à l’école et éviter que les jeunes générations soient élevées dans le culte d’un progrès technique sans limites.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    I can slightly hear it.

  • Speaker #1

    Nos limites. Un podcast de Thomas Gauthier, produit par Logarith.

  • Speaker #0

    The growing threat of climate change could define the contours of this sense. The world is waking up and change is coming,

  • Speaker #1

    whether you like it or not. Une enquête aborde du vaisseau Terre à la recherche d'un nouveau cap pour l'humanité.

  • Speaker #0

    Nous sommes en train d'atteindre les limites planétaires,

  • Speaker #2

    nous sommes en train de détruire ce qui nous permet de vivre. La modernité, c'est la vitesse. Et c'est vrai que ça va un peu vite.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on ne peut pas se permettre de ne pas s'engager.

  • Speaker #1

    Il faut qu'on soit dans une science de combat. Enseignant-chercheur à EM Lyon Business School, Thomas va à la rencontre de celles et ceux qui explorent le futur et se remémorent l'histoire pour bâtir un monde habitable dès aujourd'hui. À chaque épisode, son invité, curieux du monde à venir, commence par poser une question à l'oracle. Ensuite, tel un archiviste, il nous rapporte un événement méconnu du passé dont les conséquences sont pourtant bien prégnantes dans le monde actuel. Pour conclure, il devient acupuncteur et propose une action clé afin d'aligner les activités humaines sur les limites planétaires. Philippe Biwix est ingénieur, directeur général du groupe Arep, une filiale de la SNCF. En France, il est l'un des premiers à s'intéresser à la raréfaction des ressources minérales et à son impact sur la transition énergétique. Il a consacré plusieurs essais à ces questions. Ce mois-ci, il publie avec Vincent Perriot, aux éditions Casterman, une bande dessinée intitulée Ressources, un défi pour l'humanité Dans l'entretien à suivre… Philippe s'interroge sur les ressources dont notre civilisation technique aura besoin au siècle prochain. Il revient sur le rôle clé joué par la réfrigération dans le développement d'une économie mondiale. Il propose pour finir de supprimer le numérique à l'école et d'éviter que les jeunes générations soient élevées dans le culte d'un progrès technique sans limite.

  • Speaker #2

    Bonjour Philippe.

  • Speaker #0

    Bonjour Thomas.

  • Speaker #2

    Alors ça y est, tu es face à l'oracle ? Tu vas pouvoir lui poser une question, qu'est-ce que tu lui demandes ?

  • Speaker #0

    Alors en fait, j'aurais presque pu me contenter de ne pas avoir d'oracle, une machine à voyager dans le temps m'aurait suffi éventuellement, mais alors du coup je me sers de l'oracle comme machine à voyager, plutôt dans le temps. l'avenir, même si le passé peut être passionnant aussi. Je rêverais de retrouver l'île de Cuba, décrite par Christophe Colomb avec les lucioles qui éclairent la forêt tropicale. Et bon, voilà. Donc on va aller dans le futur. Et moi, je m'intéresse à la question des ressources depuis très longtemps, ce qu'on appelle les ressources non renouvelables, c'est-à-dire essentiellement les métaux, mais pas que, dont les concentrations, les gisements se sont créés au fur et à mesure des âges géologiques. Parfois, on exploite des choses qui sont au-delà du milliard d'années. Ça s'est produit, ça s'est concentré presque une seule fois. En tout cas, c'est souvent des millions, des dizaines de millions, des centaines de millions d'années. Et puis, on va taper dans ce stock, extraire des... choses et les utiliser dans notre dans tout notre système industriel quoi ça fait ça fait tout notre tout notre confort tous les services tout là toute la production est bon ben voilà plein de questions sur la durée de ce stock donc voilà ce que j'ai envie de demander à l'oracle c'est les projettes mois en l'an 2200 et 10 mois quelles ressources utilisent la civilisation humaine sur quelle sur quelle base ça fonctionne comment ça fonctionne est ce qu'il y en a encore assez est ce qu'il ya des choses sur lesquelles on est On est tombé en pénurie, dont on a appris à se passer, et comprendre ce monde-là. Est-ce qu'il y a encore de l'hélium, par exemple, dans l'équivalent des IRM du futur ? Il faut savoir que les aimants qu'il faut refroidir pour faire cette imagerie médicale, c'est ce gaz léger, l'hélium, qui sert aussi dans les dirigeables ou les ballons-sondes ou autres. Et cet hélium, en fait, on l'extrait du gaz naturel. Il se concentre dans certaines poches de gaz naturel. Et quand on le sort, ensuite il fuit, il n'y a rien qui est étanche à l'hélium ou à l'hydrogène, et il part dans l'espace en fait, il est trop léger pour être retenu par la gravité terrestre. Donc est-ce qu'on a encore de l'hélium en l'an 2200, puisqu'on n'exploite plus sans doute de champs gaziers, et comment on fait pour avoir un prix à s'en passer ?

  • Speaker #2

    À travers les questions que tu poses à l'oracle, tu nous rappelles en creux que les ressources non renouvelables sont aujourd'hui, en 2024, absolument partout. Tu prends l'exemple de l'IRM, donc elles sont dans le champ de la santé. Tu t'intéresses aussi aux questions énergétiques, tu t'intéresses au transport, tu t'es intéressé dans un ouvrage récent à la question de la ville. Aujourd'hui, en 2024, à quel point est-ce que cette prise en considération des ressources... non renouvelables est évidente pour toi. À quel point est-ce que celles et ceux qui, dans le champ public ou dans le champ privé, ont une responsabilité vis-à-vis du temps long intègrent un raisonnement étayé, peut-être aussi scientifiquement appuyé, autour des ressources non renouvelables ? Où sont les lieux, les organisations, les cercles où, d'après toi, aujourd'hui, la question des ressources non renouvelables est abordée avec le plus grand sérieux ?

  • Speaker #0

    Quand on regarde un peu l'histoire du débat autour de la question des ressources, finalement, est-ce qu'on va en avoir assez ou est-ce qu'on va manquer ? Ça démarre au XIXe siècle avec le charbon. Dès le début du XIXe siècle, on trouve des débats, y compris à la Chambre des communes, en Angleterre, etc. Et puis, il y a vraiment, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, des lanceurs d'alerte conservationnistes, des gens issus de la biologie de la conservation, qui vont effectivement avoir des écrits, des livres qui ont beaucoup de succès, pour alerter finalement sur le sujet. sur le fait qu'il y a du développement économique, qui fait qu'on consomme de plus en plus par personne, et qu'il y a aussi du développement démographique à l'époque, beaucoup. Et donc la combinaison des deux va nous faire exploser et va nous amener dans des grandes pénuries. Et ce débat-là, il va durer pendant une trentaine d'années, jusque dans les années 70. Ou de part et d'autre, on aura des cornucopiens, donc des gens qui pensent l'abondance, un cornucopien à la corne d'abondance, donc qui sont plutôt dans la logique du progrès technologique qui va permettre d'économiser des ressources ou de repousser la pénurie, comme on l'a toujours fait. Par exemple, on peut dématérialiser certaines choses, dit-il, ou alors on va tout simplement, je ne sais pas, passer du câble de cuivre à la fibre optique, et donc on va consommer moins de cuivre, c'est des exemples comme ça. Et ce... Et puis de l'autre côté, on a plutôt des gens issus des sciences dures qui disent, ben non, il y a quand même des limites. Le débat va complètement disparaître dans les années 80-90 parce qu'il y a finalement une combinaison de plein de choses. Il y a les stocks stratégiques des États-Unis, de l'URSS et d'autres pays qui étaient prévus pour faire la Troisième Guerre mondiale au cas où sont remis sur le marché. Donc ça fait baisser le prix des métaux, le prix des ressources. Il y a la chute de l'URSS. qui va faire qu'il y aura une baisse du PIB dans tout le bloc de l'Est. Et donc ça va aussi baisser la demande. Il y a des progrès technologiques un peu fabuleux qui sont faits aussi sur les méthodes d'exploration des ressources. les méthodes d'exploitation des ressources. On peut penser par exemple au gaz ou au pétrole non conventionnels, qui sont des manières finalement d'avoir créé des nouvelles réserves grâce au progrès technologique. Et donc cette notion de réserve, elle est très très mouvante, et effectivement jusqu'à présent on continue à vivre dans un monde d'abondance. Mais à partir du milieu des années 2000 et de plus en plus dans la décennie 2010, effectivement la question des ressources est revenue d'abord l'ensemble. lancement dans le débat public pour plusieurs raisons. D'abord, il y a des questions autour du pic de pétrole dans les années 2000. Alors, pic de pétrole qui a été passé d'un point de vue conventionnel, mais qui a été repoussé si on intègre les pétroles dits non conventionnels. Il va y avoir la poussée du numérique, la poussée aussi de la transition énergétique basée sur des énergies renouvelables et la mobilité électrique. pour les voitures, mais pas que. Et là, à partir de cette décennie 2010, depuis une quinzaine d'années, on a des grandes agences internationales, donc l'OCDE, le programme des Nations Unies pour l'environnement, la Banque mondiale, nombreuses universités, la Commission européenne, qui ont tous un peu fait leur scénario, on dirait, socio-économique, sur la question du prédévolement des ressources. Et effectivement, il y a une accélération. Il y avait une accélération, déjà, par le business as usual. de l'industrialisation du monde, de l'urbanisation, de la numérisation, et puis se rajoute une couche sur des métaux bien spécifiques, de batteries ou autres, qui fait qu'effectivement la ponction extra-activiste devient de plus en plus importante. Donc il y a vraiment cette réflexion, c'est ajouter à ça la question un peu géopolitique, la question de la souveraineté évidemment, prenons l'exemple de la guerre en Ukraine, la Russie n'est pas... qu'un grand producteur de pétrole, de gaz et de charbon, c'est aussi un grand producteur de nickel, de titane, donc métal de l'aéronautique, de platinoïdes, les questions des terres rares en Chine, d'un certain nombre d'autres métaux, où la Chine ne contrôle pas forcément la production minière, mais contrôle par exemple la métallurgie derrière, c'est le cas du cobalt par exemple. Donc aujourd'hui, la question des ressources est beaucoup plus hype, on va dire, il y a effectivement... si on prend juste l'échelle européenne ou française il y a un suivi des matières premières critiques il y a un plan sur les matières premières critiques au niveau européen qui est un mix de relance minière d'incitations diverses et variées au recyclage et puis de diplomatie des ressources avec des pays autres et puis à l'échelle française il y a eu aussi, il y a une dizaine d'années s'est créé le comité des métaux stratégiques et puis aujourd'hui il y a un observatoire il y a plein de... de choses qui se montent. Maintenant, si on se dit, toute cette effervescence et cette prise de conscience, à quoi elle mène ? Eh bien, pour l'instant, à pas grand-chose, en fait, parce que... Alors, à part, pardon, les questions de relance minière, là, oui, alors avec des oppositions locales ou plus globales qui existent et existeront, en particulier en Europe, mais sur la capacité à essayer de transformer notre système économique pour faire, effectivement, de la sobriété en ressources, soit parce qu'on a besoin d'intégrer moins de ressources dans les objets et les services que nous consommons, soit parce qu'on arriverait à mieux faire durer et ensuite mieux recycler ces objets, mieux les démanteler pour pouvoir récupérer les ressources. Là, on en est extrêmement loin, hélas, et on a même plutôt tendance à détériorer encore le système dans lequel on est parce que les objets qu'on conçoit, qu'on fabrique, sont souvent de plus en plus complexes. C'est évidemment le cas des objets du numérique, avec les 40-45 métaux que va contenir le smartphone type. Je reste un peu imprécis parce que tout ça ce sont des technologies propriétaires, c'est très difficile d'accéder aux données, mais c'est sans problème cet ordre de grandeur. Et sur la soixantaine de métaux que compte le tableau de Mandelayef, le tableau des éléments chimiques, il y en a la moitié qui sont aujourd'hui recyclés à moins de 20%, quasiment zéro. Et pourquoi ? Parce qu'en fait on les intègre dans une multiplication. d'objets différents, d'alliages différents, des milliers d'alliages différents, souvent des quantités très petites, à cause des objets miniaturisés, très intégrés, et donc quand on va arriver en fin de vie, le recyclage est un cauchemar technique, on n'y arrive pas, et surtout on n'arrive pas à injecter toute la main-d'oeuvre, tout le travail humain qui serait éventuellement nécessaire pour correctement démanteler, séparer des choses, démonter, trier, et rendre ensuite une métallurgie compatible. quand on mélange 40 métaux ensemble et qu'on broie et qu'on passe ça au four électrique on arrive déjà à récupérer une dizaine de métaux c'est déjà très très fort, il faut déjà quelques produits chimiques et quelques process industriels divers et variés. Et donc en fait aujourd'hui il n'y a pas vraiment d'appel à la sobriété, on voit bien que cette question elle est taboue pour plein de raisons, parce qu'elle implique des choses sur le PIB, elle implique des choses sur les finances publiques elle implique des choses sur la question de l'emploi, sur la question de la trajectoire économique des entreprises entreprises. Donc l'idée de dire ah bah tiens oui c'est vrai, une voiture de 2 tonnes qui aurait 500 km d'autonomie, une voiture électrique ah bah oui ça va consommer allez 10 fois plus de batterie que une petite voiturette qui ferait 800 900 kg je sais pas et qui aurait 150 ou 200 km d'autonomie c'est grosso modo proportionnel à l'autonomie bien sûr et puis au poids de la voiture à peu de choses près et bien voilà cette 1 On n'est pas en train de faire un virage vers la mobilité électrique, vers un petit produit qui intégrerait moins de métaux et donc serait plus sobre en ressources. Et puis d'ailleurs, cette voiture, pourquoi est-ce qu'elle ne dure pas 30 ans ou 40 ans, comme les avions, les tramways, les bus ? Pourquoi est-ce qu'on la jetterait au bout de 10 ans ? Et puis d'ailleurs, est-ce qu'on ne peut pas les partager ? Toutes ces questions-là, elles sont assez peu abordées. On aborde un peu, comme toujours, plutôt une question technologique, en disant est-ce qu'on peut améliorer quand même justement le recyclage ? Donc il y a des choses, par exemple l'idée des expérimentations sur le fait de lécher les cartes électroniques avec des fluides super critiques, donc à haute pression, haute température, pour venir vraiment lécher, littéralement récupérer le contenu métallique, et puis ensuite, par chimie séparative, on va pouvoir récupérer les métaux. Il y a des choses comme ça, mais franchement aujourd'hui... quand on voit le résultat, l'extraction continue à augmenter de façon exponentielle. Ça va plus vite que le PIB à l'échelle mondiale. On ne dématérialise donc pas, au contraire, on hypermatérialise d'une certaine manière. Puisqu'on a des taux de croissance qui peuvent être 3, 4, 5, 7% par an. Ça fait beaucoup, ça veut dire que ça double selon un pas de temps qui peut être 15 à 30 ans, typiquement. Et donc on ne voit pas du tout d'effet de cette prise de conscience, ou de cette nouvelle prise de conscience du caractère potentiellement fini de ces ressources.

  • Speaker #2

    Alors avec ce que tu viens de développer, j'aimerais te proposer une expérience de pensée qui n'était pas au programme et qui est un petit peu motivée par une... une discussion qu'on a eue en préparation de cet échange. Alors, le contexte, tu as certainement à l'esprit cette espèce d'effondrement écologique à vitesse grand V qui s'est produit sur l'île de Nauru. Ce micro-État qui, dans les années 70, était, je crois, le deuxième pays au monde en termes de PIB par habitant juste derrière l'Arabie saoudite et qui, en fait, en l'espace de quelques décennies à peine, sur fond de frénésie extractive, a été... tout simplement détruit pour toujours ces écosystèmes et détruit toute capacité finalement à accueillir une vie et des habitants, des populations en bonne santé. Dans le domaine de la santé humaine, tu me rappelais que... Avant de mettre un médicament sur le marché, on doit obtenir une autorisation de mise sur le marché. Parce qu'on veut respecter quelque part et on veut protéger la santé humaine. Imaginons un instant que l'on veuille sincèrement respecter et protéger la santé planétaire, la santé des écosystèmes dont on dépend directement ou indirectement. Ça pourrait ressembler à quoi ? Un protocole d'autorisation de mise sur le marché ? de nouvelles technologies, de nouvelles infrastructures. Est-ce qu'on peut utiliser l'analogie avec l'autorisation de mise sur le marché de médicaments ou alors est-ce que cette analogie, comme d'autres, a ses limites ? C'est une expérience de pensée. Qu'est-ce que tu peux nous en dire ?

  • Speaker #0

    C'est pas simple. Alors, petit pied de nez sur l'île de Neuru, c'est vrai que du coup, ils se sont retrouvés dans une situation économique un peu difficile, puisque la rente des phosphates, parce que c'était des phosphates, n'était plus disponible. Et ils se jettent à corps perdu dans toutes les solutions possibles qui vont d'être un paradis fiscal jusqu'à aujourd'hui, accorder des futurs permis d'exploitation de nodules polymétalliques. au fond des océans. Donc en fait, ils reviennent, hélas, sur la question des ressources et tous ces petits états insulaires du Pacifique sont soumis à des envies potentielles de futur multinational de l'extraction des ressources. avec évidemment un impact sur la biodiversité qui sera démultiplié. On maîtrise beaucoup moins l'impact environnemental sous la mer qu'au sol, et c'est pas peu dire. Alors l'autorisation de mise sur le marché, c'est un peu... petit clin d'œil aussi au Cercle de la Donnée qui a publié un rapport récemment sur l'impact du numérique, mais au sens de la santé humaine et de la santé environnementale. Et donc en disant, mais finalement, oui, pourquoi on ne ferait pas une autorisation de mise sur le marché des nouveaux services numériques, finalement, en disant, démontrer que il y a l'impact, que le gain, quelque part le progrès social, etc., le progrès humain que va apporter ce nouveau service numérique sera, compensera d'une certaine manière ou largement l'impact environnemental. Alors évidemment, on en est ultra loin, parce que évidemment aujourd'hui la question ne se pose pas, mais effectivement on peut développer n'importe quel service numérique le plus idiot, alors qu'on n'a pas le droit de mettre n'importe quelle molécule sur le marché, il y a effectivement, et Dieu sait que pourtant il y a déjà des choses sur le marché dont on pourrait discuter la pertinence, évidemment. À quoi ça pourrait ressembler ? En fait, ça pose une affreuse question de l'échelle à laquelle on peut mener la transition. Et moi, je trouve que ce qui est vraiment intéressant, c'est que, évidemment, on a toujours un peu plein de choses dans les milieux écolos. En fait, soit on est dans l'ultra-local parce qu'il peut se passer des choses géniales. Il y a une recyclerie, ressourcerie, je ne sais pas quoi, avec plein d'expérimentations sympas. Mais on voit bien que passer à l'échelle et généraliser ne fonctionne pas forcément. Alors ça n'empêche pas d'avoir... de belles aventures, de belles expérimentations, évidemment, et des beaux échanges humains. Et puis, après, on trouve à l'autre bout du spectre le fait de dire qu'il faut se mettre d'accord dans une économie mondialisée. Si on n'a pas tout le monde qui avance à la même vitesse, eh bien, en fait, ça ne marche pas parce qu'on va se faire casser les reins. avec des réglementations sociales ou environnementales qui vont à plusieurs vitesses. Il y avait eu le fameux exemple des quotas de CO2 à l'échelle européenne, qui touchaient notamment les cimenteries. On avait des cimentiers qui s'installaient dans des pays hors protocole de Kyoto, et qui importaient le clincaire. C'est le produit intermédiaire qui a été cuit, le calcaire et l'argile qui ont été cuits ensemble, et qui contient l'essentiel des émissions de CO2, quelque part. dans le produit cuit. Et donc, évidemment, on ne gagnait rien parce qu'on ne faisait que délocaliser. Et en fait, je pense qu'il y a vraiment différentes échelles sur lesquelles on peut agir, y compris l'échelle peut-être régionale, y compris l'échelle nationale, l'échelle européenne et non pas mondiale, à condition, évidemment, d'avoir les mécanismes de protection aux frontières. C'était un gros mot il y a une dizaine d'années. Aujourd'hui, ce n'est plus du tout un gros mot puisque même la Commission européenne, on va avoir, par exemple, un mécanisme d'ajustement aux frontières sur un certain nombre de grands produits émetteurs comme l'acier. qui va se mettre en place. Aujourd'hui, tout le monde reconnaît que pour mener la transition à différentes échelles, ça peut être intéressant. Alors du coup, cette nouvelle AMM, il faudrait voir l'échelle à laquelle elle peut s'imposer ou pas. On pourrait dire que dans le domaine du numérique, c'est totalement impossible parce que vous vous rendez compte, les gens peuvent mettre leur serveur où ils veulent. Ce n'est pas vrai du tout. Le numérique se maîtrise très bien et un certain nombre de régimes moins démocratiques que les nôtres pratiquent. Je veux dire, aujourd'hui, Google au Vietnam, ils font ce que leur dit le gouvernement vietnamien. Donc en fait, on peut aller assez loin. Et je crois que pendant le confinement en 2020, d'ailleurs, avec l'explosion du trafic Internet qui était généré par le fait que beaucoup de gens travaillaient à la maison, et que c'était nouveau, et que les tuyaux, quelque part, n'étaient pas dimensionnés pour ça, il y a eu les sites Internet pornographiques qui ont été bridés en termes de qualité. de vidéo, je n'ai pas les détails exactement mais j'avais entendu parler de ça, je ne pourrais pas citer la source mais c'est quand même intéressant pour pouvoir permettre qu'il y ait quand même un peu de place pour ceux qui télétravaillaient pour de vrai au delà de la plaisanterie mais c'est pour dire qu'en fait tout ça, ça se discute ça se travaille, ça peut se réaliser rien n'empêcherait par exemple un pays comme la France même la réglementation européenne ne l'empêcherait pas de dire qu'on a un unique réseau d'accès de télécommunication vous savez les... des réseaux 2G, 3G, 4G, 5G qui s'empilent. Aujourd'hui, il y a quatre opérateurs. Eh bien, il y a quatre fois quatre réseaux pour permettre la concurrence. Ça, c'est un espèce d'énorme gâchis de ressources, un gâchis d'électricité, puisque toutes les antennes, elles vont émettre des ondes pour récupérer le signal de votre téléphone, etc. Et dans une industrie de réseaux, vous avez rarement des réseaux qui s'empilent les uns à côté des autres pour organiser la concurrence. Vous n'avez pas quatre réseaux d'eau qui rentrent chez vous pour choisir votre opérateur. Vous n'avez pas quatre câbles électriques. Vous n'avez pas quatre autoroutes parallèles, quatre trains. Par contre, on a quatre réseaux télécoms. On pourrait imaginer un unique réseau d'accès qui serait mutualisé, sur lequel tous les opérateurs pourraient monter de manière indifférenciée, et qui serait concédé par région à différents opérateurs, comme on le fait par exemple dans le cadre de l'eau, au niveau d'intercommunalité ou autre. Donc voilà, c'est un exemple d'échelle où on pourrait faire des actions à l'échelle au niveau national. Et donc cette autorisation sur le marché, la première question que je poserais, faudrait, c'est de dire qu'à l'échelle, on peut la faire ou pas. Et en fonction des cas, sans doute, il y a des échelles qui... L'action ne peut pas être pertinente si on est à un niveau trop petit. Par exemple, imaginons que la France décide de taxer des smartphones pour interdire certains types de smartphones, je ne sais pas. On peut imaginer qu'assez vite se mettra en place. un marché noir, enfin voilà il y a eu le cas sur d'autres produits où il y avait des écarts de TVA, des gens qui jouent là dessus. Par contre vous avez des actions et des systèmes qui sont tout à fait localisés, si vous voulez rouler avec une voiture sur une roue française, il faut avoir un télématrix. réculer, avoir une carte grise, vous ne pouvez pas faire n'importe quoi, vous ne pouvez pas rouler avec un char d'assaut sur une autoroute, donc c'est... Et quand vous allez dans un restaurant, dans de la restauration rapide, finalement, si on leur disait vous avez 24 mois pour vous organiser pour que ça ne soit plus des emballages jetables parce qu'on ne supporte plus ces volumes-là, donc organisez-vous différemment et il y aurait... plein de solutions pour s'organiser différemment, eh bien, finalement, ils ne vont pas se mettre à vous livrer par drone d'Espagne ou de Belgique. Donc, il y a vraiment cet intérêt-là. Donc, moi, l'expérience de pensée que j'aurais envie de mener, c'est de dire, finalement, c'est quoi... Mon rayon d'action possible, d'échelle régionale, donc on parle évidemment de quelque chose qui est réglementaire, qui est normatif, et qui peut prendre comme ça différentes voies. Et puis, évidemment, ça ne présume en rien de l'acceptabilité. mobilité sociale, bien sûr. C'est pas parce que je dis, tiens, ça serait intéressant de faire de la France ou de l'Europe. Alors l'Europe, ça serait dur à cause de l'Allemagne pour l'instant, mais de faire un continent ou un pays champion de la petite voiture électrique de longue durée. au lieu de faire des SUV électriques qui dureront 8 ou 10 ans, eh bien, on pourrait le faire d'un point de vue technique, ça a une pertinence d'un point de vue réglementaire, et en termes de faisabilité, c'est ultra simple, mais il resterait une question d'acceptabilité sociale, avec des gens qui hurleraient à la mesure liberticide, ou les débats sur les familles nombreuses, et que sais-je, comme on l'a déjà, quand il y a quelques timides mesures de... sur le fait de taxer au poids, par exemple, les voitures, très vite, on est dans un débat complexe. Donc, je ne sais pas si ça répond tout à fait à la question.

  • Speaker #2

    En tout cas, ça lui permet de vivre un peu plus, puisque c'était juste une toute première expérience de penser à voir si d'autres vont vouloir la poursuivre. Je te propose maintenant de passer à la deuxième partie. Te voilà désormais archiviste. Est-ce que tu peux nous ramener un événement clé, qui est d'après toi méconnu, voire même inconnu ?

  • Speaker #0

    qui a marqué l'histoire et dont les effets se font encore sentir aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas une question facile. On va se voir que j'ai eu le temps de préparer. Parce qu'effectivement, ce n'est pas tout à fait un événement. On va dire que c'est une conjonction d'événements. Moi, je suis assez passionné par la poussée technique. et scientifiques du XIXe siècle. Je suis très impressionné par ce qui se passe aussi en ce moment. Mais voilà, c'est quand même un moment de l'histoire un peu dingue. Et d'ailleurs, il y a des gens qui... Je pense à l'historien des techniques Maurice Domas qui disait, mais finalement, il est décédé. avant le smartphone et avant ChatGPT, de loin, mais ils disaient, prenez la génération qui a vécu entre 1860 et 1920, ce qu'ils ont pris en termes d'évolution technologique, pensons au télégraphe, au au téléphone, à la photo, au cinéma, à l'armement de masse, à la révolution de l'agriculture, la mécanisation, l'arrivée de l'automobile, le développement du train, qui finalement, ouf, par rapport à ce que vit notre propre génération, ou à ce qu'est vécu celle de nos parents, même avec le processeur au silicium ou au germanium, bon, ben voilà, c'est une mignonne accélération. Je trouve que ce moment-là, il est intéressant. Et donc j'ai choisi ce qui se passe dans les années... dans les décennies 1850, plutôt même 1860, avec la mise au point de la réfrigération industrielle. Et souvent en fait, quand on parle de la thermodynamique, donc cette science un peu des machines à feu, disait Sadi Carnot dans les années 1820, avant de décéder très jeune, on pense vraiment à la mise au point et à l'amélioration continue des machines à vapeur. Mais en fait la thermodynamique c'est aussi le réfrigérateur qu'on a à la maison. Alors ça commence pas avec des réfrigérateurs à la maison, ça commence vraiment avec de la réfrigération industrielle. Il faut savoir que... La question du froid, la question de la conservation des aliments, en particulier des aliments carnés, c'est un sujet qui traverse des siècles, pour ne pas dire des millénaires. Et en fait, la solution historique, c'était de transformer... transformer les produits. Donc c'est de saler les viandes, de faire des pâtés, de faire des fromages pour conserver les produits laitiers, etc. Ensuite, il y a un petit peu de... L'autre solution, c'était de ramasser de la glace en hiver. et de la stocker en sous-sol ou dans des grands hangars entourés de paille ou d'un isolant. Et puis du coup, ça permettait de tenir jusqu'à l'été et de garder les aliments au froid. Donc c'était quand même, on va dire, pas très pratique. Alors ça a créé quelques conséquences historiques sympas. C'était sympa, je ne sais pas si elles sont sympas, mais on pourrait dire en exagérant un peu que la découverte de l'Amérique, ou la redécouverte par Christophe Colomb, finalement Colomb était peut-être plutôt parti chercher des épices que chercher de l'or par une route plus large. plus courte. Et pourquoi les épices ? Parce que le poivre et un certain nombre d'épices permettent soit d'avoir une logique un peu antiseptique, donc empêchent un peu les bactéries de se développer, de dégrader ou de rendre la viande non pas juste faisandée, mais vraiment dangereuse à manger. Mais ça permettait aussi de passer un goût un peu faisandé par exemple. Donc voilà, c'est vraiment l'or du Moyen-Âge, ce sont plutôt les épices. Et donc voilà, du coup, il découvre l'Amérique du fait finalement de... de la recherche de poivre, du fait qu'on n'avait pas cette réfrigération. Et donc ce qui va changer avec cette découverte que finalement en faisant une dépression d'un gaz avec peu d'électricité, ça permet de générer du froid, ça va ouvrir un champ un peu incroyable, ça va amplifier la non-limite malthusienne du XIXe siècle. Malthus prévoyait de manière assez logique des grandes famines, enfin en tout cas... le fait que les rendements agricoles allaient plafonner alors que la population continuait à se développer de manière comme une suite géométrique, donc ça allait poser un problème. C'est à la fois lié big et donc le fait qu'on peut fertiliser qui va aider, mais c'est aussi, à partir du dernier quart du XIXe siècle, le fait qu'on va mobiliser pour des populations européennes d'énormes surfaces en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, en Australie, et qu'on va venir réimporter grâce aux premiers... des céréales, mais aussi... aussi, et beaucoup du bœuf congelé, de l'agneau congelé de Nouvelle-Zélande, du bœuf de la Pampa, etc. Et donc ces premiers grands flux vont finalement venir soutenir en protéines la révolution industrielle, ou la deuxième partie de la révolution industrielle, et puis le début des années 1900, puis on pourrait même dire les soldats de la Première Guerre mondiale, même si... il y avait aussi du bœuf en conserve, le fameux corned beef. Mais voilà, c'est un peu ça. Et puis aujourd'hui, ça continue à pousser, puisque finalement, après, il y aura les bananes, les fruits exotiques, je crois, dans les années 20. Alors, on n'est pas dans les trucs congelés, mais on est dans une température qu'on trouve contrôlés. Et puis, aujourd'hui, ça nous poursuit. Pourquoi ? Ce n'est pas juste le fait de pouvoir avoir mis des yaourts au réfrigérateur, mais c'est aussi le fait qu'une partie de la consommation est vraiment liée à ces chaînes de réfrigération très rapides. L'essentiel, par exemple, des fleurs coupées, les roses équatoriennes ou kenyanes qui vont prendre des avions et qui vont passer par Amsterdam et revenir chez votre fleuriste bleue. pour le week-end. en toute saison, s'il vous plaît, c'est la réfrigération. Et puis, on pourrait dire tout le phénomène de métropolisation, même de mégapolisation, la concentration qui a été permise de populations de plus en plus importantes dans des zones qui certes s'étalent un peu, mais sont aussi plus denses que ce que pouvaient être les populations paysannes. Eh bien, c'est aussi la réfrigération qui le permet, puisque finalement, il y a un moment où le pétrole aussi, bien sûr, n'oublions pas le... Le seigneur qui est là. Mais voilà, c'est le fait, à un moment, les zones de chalandise, la chaîne du froid permet aussi évidemment de faire venir des choses de plus en plus loin pour nourrir des populations qui ne pourraient pas se nourrir avec l'interland de la métropole où ils habitent.

  • Speaker #0

    Alors il me semble qu'on peut associer la réfrigération à l'idée d'un moyen, un moyen technique qui permet de dépasser des limites à la fois temporelles et spatiales. Il me semble que ces dépassements-là sont bien souvent dans nos esprits, dans les imaginaires collectifs associés à des images très positives. L'homme apparemment est un être de dépassement, est un être de franchissement, c'est un être qui souhaite avoir le moins possible de terra incognita sur une carte. Il semble même que le progrès tel qu'il a été pensé longtemps soit synonyme de sans cesse repousser les limites de notre ignorance. A contrario, on a à l'esprit, d'après tout ce que tu nous as dit jusqu'ici, qu'il est nécessaire de réaligner quelque part les systèmes et les sociétés humaines avec le système Terre. Est-ce qu'on a aujourd'hui à portée de main, sur étagère ou pas loin de nous, des imaginaires de tempérance, de alignement, de réencastrement qui soient eux aussi positivement chargés ?

  • Speaker #1

    Alors, en fait, on pourrait déjà contester... le fait que l'être humain voilà du point de vue vraiment profondément anthropologique serait câblé quelque part pour partir à la conquête, se développer, consommer toujours plus avec un peu de dopamine et de striatum, et que finalement ça ferait vraiment partie de notre nature profonde. Moi, je suis qu'un ingénieur modeste, donc je ne suis pas anthropologue, sociologue, psychologue, etc., mais il y a des gens qui ont écrit là-dessus, et je conteste un peu cette vision-là. Par exemple, Moi, je pense, par exemple, que quand on voit la... la conquête, quelque part, d'un certain nombre de lieux, de voir que l'Australie et les aborigènes franchissent il y a 70 000 ans le petit endroit où l'eau est trop profonde et donc, voilà, autant l'Indonésie c'était un continuum avec les glaciations, l'eau était 100 mètres plus bas, donc tout va bien, mais il y a des endroits où il fallait prendre la pirogue et passer, quoi. Je veux dire, il y a 70 000 ans, avec le niveau technologique qu'ils avaient, il y avait beaucoup de courage. Moi, je n'arrive pas à m'enlever du fait qu'on partait un peu la saguette dans le dos, quoi, à la la conquête, parce qu'à un moment il y avait une charge possible sur une surface donnée, et puis il y en a qui devaient partir, un peu comme d'ailleurs pendant des siècles et des siècles en France, vous étiez le premier né, vous héritiez du petit lopin de vos parents, et puis le deuxième, le troisième, il fallait qu'ils partent faire marin, avec une durée de vie je crois, une expérience de vie de 24 mois, ou partir dans les colonies, ou je sais pas quoi, il y avait des mécanismes, un peu malthusiens, pour réguler la population. Surtout, il y a la question de l'innovation parce qu'effectivement, on vit dans cette religion de l'innovation dans cette religion de la technique qu'a beaucoup de codes de certains types de religions. Il y a le lieu saint de la Silicon Valley les grands messes qui sont le Consumer Electronics Show ou Vivatech, les oracles bien sûr Elon Musk, Sam Altman qui vont délivrer leurs pensées sur Twitter, enfin sur X pardon et puis ensuite ça va être commenté par... par tout le haut et bas clergé. Voilà, donc les hérétiques, bien sûr, si on conteste le progrès technologique, on est forcément hérétiques. Donc, il y a un peu tous ces codes-là. Et ça, c'est pareil, c'est de dire, bah oui, ça serait inéluctable finalement, la Terre est le berceau de l'humanité, mais on reste pas dans son berceau toute sa vie, n'est-ce pas ? Donc forcément, conquérir l'espace, etc. Et en fait, là-dedans, dans cette fascination de l'innovation, Lewis Mumford, qui est un grand historien et technique états-unien, lui disait, c'est assez intéressant, c'est dans le mythe de la machine, il a écrit ça à la fin des années 60, début des années 70, il disait mais en fait l'être humain n'est pas un innovateur. L'être humain est un formidable imitateur, un coopérateur né. Et en fait c'est presque darwinien. Thèse en quelque sorte, donc il faudrait aller travailler un peu tout ça. Mais l'idée c'est quoi ? C'était de dire que pendant des millénaires ou même des dizaines de millénaires, le nombre d'êtres humains était très limité, des petites hordes de chasseurs-cueilleurs qui devaient se transmettre un fragile capital technique et cognitif, quelque part la connaissance des plantes, des migrations des animaux, etc. Et donc en fait il y avait un attachement, la manière de casser un caillou pour faire à peu près, qui coupe à peu près correctement le quartier de viande, que sais-je. Et en fait ce fragile capital technique, il fallait le maintenir, y compris à travers les glaciations, à travers des migrations, à travers plein de choses. Et que finalement ce qui était le plus important c'était conserver le capital technique plutôt que l'augmenter. dit autrement et d'un point de vue darwinien, si vous cassiez le silex pas tout à fait comme papa ou maman, pour pas genrer le truc, et bien peut-être que vous vous faisiez fracasser le crâne assez vite, ou tout simplement vous étiez chassé de la tribune, Mais toi qu'est-ce que tu nous fais avec ton silex qui n'a pas la même forme ? Et donc du coup il se reproduisait moins vite, et d'un point de vue darwinien ça fait quoi ? Et bien ça fait un être humain qui d'un point de vue anthropologique, et pensez pour ceux qui ont des petits-enfants, ou des petits-frères, des petites-sœurs, comme ils adorent les histoires mille fois répétées, les comptines, toujours les mêmes trucs, les procédures, et hop tout à coup, effectivement, quand il y a quelque chose de nouveau qui arrive, c'est vrai qu'il y a une curiosité ça fait aussi partie de notre câblage et alors là s'il y a un truc qui marche bien sûr, un nouveau silex une nouvelle manière de taper sur le silex, alors là tout le monde y va et on imite très vite, évidemment le marketing utilise ça et donc, voilà, ce que disait M. Ford, c'est finalement, l'être humain la majorité des gens sont des imitateurs et puis il y en a quelques-uns qui n'offrent quoi, donc essayons pas de tous être innovants et formidables etc. Donc ça c'est déjà un premier imaginaire qu'on pourrait venir un petit peu un petit peu challenge J'ai finalement cet imaginaire de l'entrepreneur innovateur formidable, choumpétérien bien sûr, avec la destruction créatrice et ce formidable progrès finalement, avec cette confusion évidemment terrible entre le progrès humain. et si tant est qu'on sache exactement ce que ça veut dire, ou le progrès civilisationnel, et puis le progrès des connaissances scientifiques, et puis l'évolution technique, technologique, et finalement ces trois trucs-là, et bien, avancent évidemment, il y en a deux qui avancent de concert, mais le progrès humain et civilisationnel, celui-là, peut-être se discuterait. Et voilà, y compris la question du bonheur et autres. Donc, quel type d'imaginaire on peut aller chercher ? En fait, on n'a pas, évidemment, alors il y a aujourd'hui beaucoup d'envie sous forme de romans, de pièces de théâtre, de séries, il y a des choses, il y a de la production en cours ou réalisée sur cette idée de dire comment rendre la transition désirable, comment, bah oui, effectivement, peut-être un monde de sobriété, un monde de post-croissance pourrait fonctionner. fonctionner de manière économique, etc. Comment se ferait aussi cette transition ? Là-haut de ceux disaient la cible c'est le chemin, ou le chemin c'est plus important que la cible, donc en fait finalement c'est pas le savoir de dire, ah là là, en 2100 c'est génial, ils vont être bas carbone ou post carbone, et puis ils seront tous heureux, ils seront super, mais qu'est-ce qui se passe entre les deux en fait ? Parce que moi ma vie, je vais pas la vivre en 2100, à moins de réussir à me faire cryogéniser, mais pour l'instant j'ai ni les moyens ni l'envie, et donc il y a un peu de production là-dessus, mais personne n'est vraiment capable de... c'est clair, de définir comment on va faire atterrir ce vaisseau fou qu'est notre système industriel, avec à la fois des poussées, certes très rapides, de technologie qui s'y est là, mais aussi une énorme énergie de tous les macro-systèmes techniques que sont les systèmes de production industrielle. Même si on change le modèle d'une voiture, c'est pour dans dix ans le nouveau modèle. Les infrastructures, portoirs, logistique, etc. Tout ça ne va pas si vite que ça. Les villes elles-mêmes, bien entendu, en visent sur un stock. La ville de 2050, à 90% en Europe, c'est la ville d'aujourd'hui. Même si on fait des smart buildings et des trucs optimisés géniaux, c'est la ville existante qui va falloir travailler. Donc réussir à décrire tout ça et à construire un nouvel imaginaire, on ne l'a pas vraiment. Par contre, ce qu'on a, et ce qu'on peut aller piocher et chercher, c'est le fait que, justement, il y a eu des moments de l'histoire de l'humanité où les valeurs sociétales n'étaient pas celles d'aujourd'hui. Et donc, on prend pour argent comptant, finalement, un peu... même s'il y a déjà des choses bigarrées à l'échelle mondiale, bien entendu, mais si je me cantonne à la civilisation occidentale, on peut aller chercher plein de choses. Donc effectivement, dans l'Antiquité, chez les Grecs, une des quatre vertus cardinales, c'est la tempérance. Les autres étant la justice, etc. Donc, la tempérance, c'est quoi ? C'est la capacité à limiter, quelque part, ses envies ou ses besoins, ou, entre autres, il y a une définition plus large, mais pour, finalement, mieux la mettre en adéquation avec, soit les limites, effectivement, aujourd'hui, on dirait des limites planétaires, soit, tout simplement, même avec les limites physiques possibles de l'époque. Il y a eu des moments de l'histoire où les gens les plus respectés n'étaient pas les gens les plus riches. Aujourd'hui évidemment, si j'ai un milliardaire de la tech qui arrive, tout le monde se couche, et sans doute les médias ont de toute manière quelques retombées aussi. Le modèle économique de la publicité fait que ça doit un peu déformer leur indépendance. Moi j'arrive pas à comprendre comment ils arrivent à sérieusement interviewer Jeff Bezos qui nous explique qu'on aura 1000 milliards. de terriens dans le futur. Ils ne seront pas terriens d'ailleurs, tout à fait, parce qu'ils vivront essentiellement dans des grands torts, des stations orbitales en forme de torts qui tourneront sur elles-mêmes pour recréer la gravité. Et qui présentent ça, mais vraiment, je ne sais pas si c'est sérieux ou pas, et à la fin c'est pour nous vendre le fait qu'il va faire un peu de tourisme spatial, grosso modo. Comment c'est possible, je ne sais pas. Et du coup je perds le fil, pardon, parce que Jeff Bezos parfois m'agace, parmi d'autres. Donc... les plus riches sont quelque part les plus respectés, ou en tout cas du coup ça leur permet de donner leur opinion sur tout. Eh bien, il y a eu des moments, dans les civilisations mélanésiennes, par exemple, ou en Papouasie, eh bien, il y avait des big men qui étaient, les personnes les plus respectées sont celles qui étaient les plus pauvres, en fait. Parce qu'en fait, pour être respecté, il faut distribuer tout ce qu'on a. Il faut former de dons. C'est un peu comme l'évergétisme sous le l'Empire Romain, ou la fin de la République Romaine, où en fait on avait des gens très riches, comme Crassus, Pompée, etc. Ils étaient très riches parce qu'ils avaient un peu piqué dans les caisses, à l'époque c'est vraiment les finances publiques et privées sont très très mélangées, quand on gère une province romaine, c'est vraiment, on le gère comme son compte en banque, mais bon, en tout cas, du coup, pour se faire élire ensuite, alors des trucs pas du tout démocratiques, mais peu importe, mais voilà, il faut payer des aqueducs, il faut payer des fontaines publiques, il faut payer des jeux, voilà, donc... on distribue un petit peu autour de soi pour être respecté si on prend les tribus amérindiennes il y avait certaines tribus amérindiennes, notamment dans l'Ouest on avait le concept du potlatch ce sont des moments rituels, des dîners communs où on se redistribue, on s'échange cette logique un peu du don et du contre-don ça c'est Marcel Moss anthropologue du début du XXe siècle qui parlait de la triple obligation l'obligation de donner, recevoir et rendre. Cette idée de dire que ce qui crée les sociétés humaines, c'est le don finalement. Alors aujourd'hui, c'est pas forcément un don en numéraire, dont je parle, ou en physique, c'est aussi le don de son temps, le don à la communauté, etc. Donc voilà, on voit qu'en fait on peut aller chercher, il y a une multiplicité de choses qui ont été expérimentées, ou en tout cas vécues, elles n'étaient pas vues comme une expérimentation, mais en tout cas aujourd'hui on peut les trouver. trouvés là, et puis surtout il y a énormément d'écrits qui ont été produits notamment pendant tout le XXe siècle, où on peut aller piocher par exemple l'inventivité et la capacité de remise en question du système qui va avoir lieu à la fin des années 60 et dans le cours des années 70. Alors sans doute sur la lancée d'un mix d'un peu de 68 je simplifie ou de guerre du Vietnam, ça dépend où on est, de contestation de la guerre du Vietnam et un poil de communisme. qui se promènent là-dedans, mais surtout un monde de plein emploi encore, un monde d'avant les premiers chocs pétroliers et d'avant le chômage technologique, donc avec le développement des machines dans les usines, permettait peut-être une liberté de pensée plus grande qu'aujourd'hui, où quand même, dans un trajet de vie professionnel, il faut quand même faire bouillir la marmite et peut-être on... on se brille de tous plus les uns les autres et c'est plus difficile peut-être d'être bifurqueur aujourd'hui quand on a 25 ans de remboursement à faire pour sa résidence principale.

  • Speaker #0

    On arrive à la troisième et dernière partie de notre entretien. Tu t'es présenté face à l'oracle, tu viens de jouer le rôle d'archiviste. Maintenant, tu deviens s'il te plaît acupuncteur. Selon toi, quelle serait la décision, quelle serait l'action, quelle serait l'intervention qui pourrait aujourd'hui contribuer de manière significative à la fabrique d'un monde plus habitable ? Tu appuies où dans le système aujourd'hui ? C'est hyper dur comme question parce que j'enfonce une porte ouverte, mais tout ça est très systémique et donc pour mener une transition important du bonheur pour le plus grand nombre, parce qu'il faut que ça soit une transition dans une logique démocratique, tant qu'à faire, il faut vraiment aligner beaucoup de planètes. Une planète, on a vu tout à l'heure, un peu... réglementaires, normatives, donc dépendant plutôt d'une échelle étatique ou supra-étatique. Il faut aligner un système fiscal. Aujourd'hui, les ressources et l'énergie valent pas grand chose, enfin l'énergie un peu plus maintenant. mais les ressources ne valent rien. Elles ne valent que le capital et le travail pour les extraire. Donc, capital mort... Non, travail mort, aurait dit Marx au XIXe siècle, je crois. Deux fois que je parle de communisme et de Marx, tout le monde va croire que j'ai lu, mais non, pas du tout. Donc, le système... fiscale bénéficie en fait aujourd'hui, quand vous êtes une administration, une entreprise que vous pouvez remplacer du travail humain par une machine, en général vous le faites, même si cette machine elle est consommatrice de ressources qui seront perdues de façon inéluctable pour les générations futures, parce que c'est rentable, parce qu'en fait on n'a que quelques milliards d'euros de taxes environnementales et qu'en face on a 450 ou 500 milliards d'euros de contributions sur les salaires qui permettent de payer l'assurance maladie, l'assurance chômage, les retraites. et donc voilà le travail humain est quelque part un peu plus cher donc quand vous voulez mettre quelqu'un à démonter un smartphone ça fonctionne pas parce que il ya que deux euros de matières premières dans un smartphone donc vous n'avez pas payé quelqu'un très très longtemps pour optimiser la récupération de ces matières premières donc il faudrait travailler ça aussi et puis évidemment la question vient d'aborder tout à l'heure la question culturelle la question des valeurs etc Il faudrait réussir à aligner tout ça, tout ça dans un bloc géopolitique mouvant, donc sympa. Donc, une mesure qui vraiment va significativement faire basculer, sans doute faudrait un mix de mesures et d'événements, et je laisse aux générations futures, aux générations présentes déjà, d'essayer de travailler le Tetris et j'y contribuerai à ma petite échelle. Je vais tenter un truc qui est la question du numérique à l'école. Je dénumériserai l'école. Alors il y a des petits débats en ce moment parce que ça y est, la Scandinavie fait un peu... Les pays de Scandinavie font un peu marche arrière et reviennent avec des... à des manuels papier. Ça s'est sorti au printemps, il y a toujours un petit peu à la rentrée scolaire, il y a toujours un peu cette idée de dire alors est-ce qu'on va réussir à ranger les smartphones des collégiens ou pas pour respecter ce qui a été décidé il y a déjà quelques années. En fait, moi j'irais vraiment plus loin que ça, je ferais de l'école une zone refuge face à l'accélération numérique du monde. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas éduquer au numérique. En cours de technologie, je veux bien qu'on dépiaute un ordinateur, qu'on regarde ce qu'il y a dedans et puis qu'on explique un peu quelques bases. Mais je n'éduquerai pas au numérique par le numérique. Or, c'était le pari qui avait été fait jusqu'à présent. L'école a toujours été un peu victime de fascinations technopédagogiques. Moi j'ai fait, dans un de mes ouvrages, je suis remonté au 19e siècle avec la lanterne magique. Edison dans les années 20 expliquait que grâce à ses appareils de projection et au cinématographe, les livres allaient disparaître. Ensuite il y a eu les MOOC. Les premiers MOOC c'était la radio et puis après la télé. Et puis à partir des années 70, il y avait des machines à enseigner, des petits dispositifs électromécaniques. Et puis ensuite ils sont arrivés. les mini-micro-ordinateurs et les tablettes aujourd'hui. Et en fait, évidemment, ça ne marche jamais, puisque ça aussi, tout a été écrit, et on peut aller chercher d'autres choses. Le fait que, finalement, le miracle de la transmission de savoir, c'est la relation enseignant-enseigné, maître-élève, et que, voilà, imaginer une espèce d'utopie où les élèves, sur leur tablette, découvrent le monde avec un prof qui n'en sait pas plus qu'eux, grosso modo, parce qu'il y a Wikipédia et... le savoir mondial, ça ne fonctionne pas trop. Donc déjà, sortir de cette utopie qui fait qu'en fait on dépense de l'argent pour acheter des dispositifs technologiques. Quand vous dépensez de l'argent pour acheter de la technologie, vous avez moins d'argent pour payer des gens. C'est un peu ce qui se passe aussi dans d'autres domaines. À l'hôpital, les robots chirurgiens, dont certains, je ne m'avance pas sur tout, mais dont certains, on pourrait discuter les rapports coûts-bénéfices et le gain par rapport à des actes chirurgicaux problématiques. Cette technologie-là, vous allez payer moins d'infirmières, d'infirmiers, etc., etc. C'est vrai dans l'agriculture. Plus vous numérisez l'agriculture, plus il faut que vous fassiez de la productivité, c'est-à-dire mettre de moins en moins de travail humain pour ça. Donc l'école n'échappe pas à cette logique-là. Donc arrêtez évidemment tout ce qui est recherche sur les financements de startups diverses et variées, parce qu'il y avait cette idée un peu de dire c'est génial, en fait on va financer des startups en France. On va tester tout ça chez nous, puis après, du coup, on va exporter en Corée du Sud nos super logiciels. Bon, franchement, j'y crois quand même qu'à moitié. Mais surtout, réussir, en fait, grâce à cette dénumérisation, grâce à ce signal envoyé. Aujourd'hui, on envoie un signal aux parents de dire, c'est bien le numérique, puisqu'on va mettre vos enfants sur des outils numériques. Donc, au contraire, de dire, non, on prend le contre-pied. On a des cartes murales de géographie, c'est bon la géographie elle évolue pas si vite que ça, ok hélas le niveau de l'océan monte, mais enfin bon ça devrait tenir pour l'année scolaire. Histoire idem, enfin je veux dire, ok on peut faire des histoires très contemporaines. Enfin, quand on est en 6e, en 4e, en 5e, on peut garder des manuels scolaires pendant quelques années quand même, etc. Donc, la connaissance n'est pas victime d'obsolescence aussi vite que ça, ou en tout cas la connaissance de base. Et puis, bah oui, on découvre qu'on apprend mieux à compter avec un boulier à Singapour ou je sais pas quoi, ou en Corée du Sud encore une fois. Donc voilà, dénumériser, freiner, contribuer à freiner cette accélération. Et qui peut aussi, du coup, justement, contribuer à commencer à construire un peu dans les jeunes générations. Mais on espère aussi que ça diffuse sur d'autres générations aussi, évidemment. C'est un peu... ça ne marche jamais, mais... C'est l'idée de dire, comme les enfants à la maternelle, ils apprennent à bien trier dans les bonnes poubelles, comme ça en rentrant chez eux, ils vont apprendre à papa et maman à bien trier. Bon, ça a toujours des résultats pas terribles, donc il faut mieux se concentrer sur les savoirs fondamentaux, écrire, compter, comprendre un texte, etc. Je pense que ça pourrait envoyer un signal sociétal de dire qu'il n'y a pas que le numérique dans la vie des amis. Et puis non, ce n'est pas juste, il faut s'adapter, il est là, c'est chouette et on va créer les citoyens numériques du futur. Moi, la notion de digital natif m'a toujours un peu effaré. Je ne vois pas pourquoi un gamin de 3 ans ou 4 ans serait plus intelligent qu'un papy de 60 devant un outil numérique dont il comprend peut-être vaguement certains usages, mais dont il ne comprend rien en termes de ce qui est... convoqués derrière et des modes de fonctionnement profond, qu'ils soient physiques ou même tout simplement économiques et les logiciels derrière, etc. Donc voilà, ça serait ma contribution. Alors je ne postule pas au poste de ministre de l'éducation nationale. Alors quand on dit ça en fait à la radio, ça veut dire que si tu postules. Mais en fait non, moi là vraiment je ne postule pas du tout. Mais voilà, on pourrait tenter ça.

  • Speaker #1

    Alors, comme tu nous parles de dénumérisation, je vais te parler pendant 1 minute 30 maximum de papier. Dans quelques jours sort ta bande dessinée, ressources. Imagine que tu disposes de 88 secondes pour en parler à une étudiante qui viendrait tout juste d'intégrer un programme dans une école de commerce. Qu'est-ce que tu lui racontes à cette jeune étudiante au sujet de cette bande dessinée ?

  • Speaker #0

    Eh bien... Je lui dirais d'abord qu'elle est la cible parfaite. C'est pas parce qu'elle a fait une école de commerce, c'est pas une école d'ingénieur ou une école d'architecture ou de design. C'est parfait. Le but de la bande dessinée d'abord c'est ça, c'est d'élargir l'audience à des gens qui n'iront pas des essais. environnementaux, parce que voilà, pour plein de questions, pour des questions de temps, des questions d'impétence. Donc c'est vrai qu'aujourd'hui, la bande dessinée et le podcast sont deux vecteurs rois de la transmission peut-être d'idées et ou de savoirs. ensuite que ça sera un bel achat parce qu'après elle peut le prêter, donner, faire circuler dans une logique d'intensification de la matière il ne faut surtout pas le ranger dans une bibliothèque et ne plus l'utiliser mais au contraire faire circuler tout ça si effectivement l'objet lui a plu et ensuite que voilà c'est un plongeon dans l'univers des ressources, voilà cette question de De l'extraction au recyclage ou non, à la dispersion en passant par l'utilisation et comment on pourrait technologiquement aller vers un monde plus durable, à la fois en faisant de la sobriété mais pas que de la sobriété. et austérité, plutôt de la sobriété systémique. Un exemple de la télécommunication qui n'aurait aucun impact sur les utilisateurs finaux est un petit exemple dont on parle d'ailleurs fugacement dans la BD. Et puis, on ne s'est pas arrêté. à la question technologique, même si je suis ingénieur, on a poussé justement sur des questions de quelque part, quelles évolutions justement culturelles, où on a apporté quelques éclairages, et donc voilà, par exemple, le potlatch, qui était pratiqué par les Kwakwaka'wakw, qui s'écrit que avec des K, des W, des A, donc c'est très compliqué, mais ça se prononce Kwakwaka'wakw, et puis voilà, la Grèce antique, etc., Juliette et Roméo, enfin on est un peu parti sur tout ce qui faisait, finalement, qu'on a l'impression d'être plus heureux parce qu'on est des... citoyen consumériste et en fait non, il y a une autre voie.

  • Speaker #1

    Eh bien écoute, je pense qu'on va clore cet entretien sur ces paroles. Grâce à toi, j'imagine que l'on a recréé une forme de concorde entre physique et métaphysique et j'espère que les auditrices et auditeurs auront autant de plaisir à t'écouter que j'ai eu aujourd'hui à... de questionner. Merci Philippe.

  • Speaker #0

    Merci Thomas.

  • Speaker #2

    Merci d'avoir écouté cet épisode de Nos Limites, produit par Logarithme. L'ensemble des épisodes est disponible sur toutes les plateformes et sur le site atelier au singulier desfuture Pour ne rien rater des prochains épisodes, abonnez-vous et n'hésitez pas à en parler autour de vous. A bientôt !

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