- Speaker #0
Bonjour et bienvenue au sein du podcast où s'amène quand on s'aime, celui qui donne la parole aux conjoints d'agriculteurs. Elles sont femmes de céréaliers, d'éleveurs, de viticulteurs, en bio, en conventionnel, en raisonnée. Elles viennent de toute la France. Certaines sont tombées dans l'agriculture toute petite, d'autres la découvrent jour après jour. Elles jonglent entre la ferme, la famille, leur métier. et portent une force incroyable. Moi, c'est Marion. Et avec ce podcast, j'espère que certaines d'entre vous se reconnaîtront dans leurs propos, trouveront des conseils, des échos à leur vie, prendront peut-être un peu de recul, trouveront du soutien ou simplement verront une mise en lumière de ce qui se vit, souvent dans l'ombre, au cœur des fermes. Ici, c'est de la good vibes, de la sororité, du partage et un vrai souffle de girl power en agriculture. Alors,
- Speaker #1
à votre avis, où ça mène quand on s'aime ? Aujourd'hui, je reçois Alexandra.
- Speaker #0
On vient tout juste de faire connaissance et je suis ravie de partager ce moment avec toi. Pour commencer, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ?
- Speaker #1
Moi, c'est Alexandra. Je suis mariée à Jérôme, mon mari depuis actuellement 7 ans. Et on s'est rencontrés il y a 15 ans. J'ai deux enfants, un de 5 ans. qui s'appelle Amaury, et un tout récent qui s'appelle Auguste, qui a deux mois.
- Speaker #0
Eh bien, félicitations !
- Speaker #1
Moi, je travaille en milieu hospitalier.
- Speaker #0
Ok.
- Speaker #1
Donc, je suis technicienne de laboratoire. Ça fait depuis 2014 que je travaille au CHU. Alors,
- Speaker #0
avant de parler de toi un peu plus en détail, est-ce que tu peux nous décrire un petit peu la ferme de ton mari ? Donc, quelles sont les principales activités, le mode de production, la taille de l'exploitation, ce genre de... Petites informations complémentaires.
- Speaker #1
C'est une ferme, c'est la quatrième génération d'agriculteurs. C'est une agriculture conventionnelle. On a des vaches laitières. On en traît 100 pour l'instant. Principalement au niveau des cultures, on est sur de l'herbe, du maïs, des betteraves. C'est beaucoup pour les vaches fourragées. Là, cette année, mon mari s'est lancé dans le lin. Il a voulu faire quelques hectares de lin. Donc lui, pour l'instant, sur la ferme, il est salarié. Donc, c'est ses parents qui gèrent la ferme, avec sa sœur qui s'est installée en 2019 sur une création de fromagerie à la ferme.
- Speaker #0
Ok, super intéressant.
- Speaker #1
Ils ont 60 hectares en tout, donc ils travaillent en famille. Donc, normalement, il y aura bientôt une installation pour mon mari l'année prochaine, normalement.
- Speaker #0
Ok, super. Maintenant qu'on voit un peu mieux le décor, on va parler un peu plus de toi. D'où viens-tu initialement et as-tu grandi dans un lieu agricole ?
- Speaker #1
Alors, moi je viens près de, on va dire, Foucard, à la campagne. Je ne viens pas de milieu agricole, malgré que ma mère, maman, mère adoptive, on va dire, dans le milieu agricole, elle avait une petite fermette, mais je ne l'ai pas connue, j'étais trop jeune. Par contre, j'ai été élevée par une nourrice qui était agricultrice. Donc au milieu de la ferme, je connaissais un peu. Mais sinon, non, mes parents, ma mère et nounou, et mon père étaient électrifiants. Travaillant en centrale nucléaire surtout. Donc non, le milieu agricole, je ne le connaissais pas du tout. Je l'ai connu en allant à l'école et encore plus quand j'ai connu mon mari.
- Speaker #0
Oui, évidemment, ça marche. Quel a été ton parcours professionnel et quelles études as-tu fait et dans quel but ?
- Speaker #1
Moi, j'ai un parcours un peu atypique aussi. Très jeune, je voulais travailler. Je m'ennuyais un peu, donc je voulais être infirmière. Donc j'ai commencé par faire un BEP. en MFR, en maison familiale et rurale. Là, tout de suite, je suis rentrée un peu dans le milieu rural, agricole, parce que ça détend de l'éducation agricole, en fait. J'ai le ministère de l'Agriculture. Donc, j'ai fait un BEP. Après, j'ai suivi par un bac pro aussi, toujours dans la société pour le service à la personne. C'est là que j'ai rencontré mon mari, d'ailleurs. Et après, j'ai fait un BTS Anabiotics, parce que j'ai passé plusieurs fois le concours infirmière. Malheureusement, il manquait quelques points pour l'avoir. Après, je me suis dirigée vers un BTS Anabiotique, toujours en apprentissage, parce que je voulais toujours travailler dans le milieu professionnel. Le BTS Anabiotique, c'est pour être technicienne de laboratoire, soit en agro, en pharmaceutique, paramédical. Et après, j'ai été embauchée au CHU suite à l'obtention de mon BTS en laboratoire.
- Speaker #0
Ok, ça marche.
- Speaker #1
Et il y a très très peu, il y a un an. J'ai changé complètement. Je ne travaille plus en labo, je travaille en service de soins. Donc, j'ai repassé quelques formations. Je suis praticienne physiologiste. Donc, je travaille auprès des personnes malades.
- Speaker #0
D'accord. Ça, c'était un choix de ta part pour trouver peut-être un peu plus de sens ?
- Speaker #1
Oui. Franchement, le côté soins, patients me manquait en fait. J'en avais marre d'être en labo et de voir mes petits tubes, voir mes petits patients sur des étiquettes et ne pas les voir en vrai. Vraiment, c'était l'avantage du CHU, c'est qu'on a la chance d'avoir un énorme CHU à Rouen, d'avoir plusieurs services et de pouvoir bouger facilement.
- Speaker #0
Ok, ça marche. Tu parles du fait que tu travailles dans un CHU. Est-ce qu'il est loin de l'exploitation ?
- Speaker #1
Il est à 35 kilomètres.
- Speaker #0
Donc ça va encore ?
- Speaker #1
Oui, ça va. C'est juste la route qui est un peu pénible. C'est Rouen, alors c'est les bouchons tous les matins.
- Speaker #0
Ok, je me projette à l'idée. Est-ce que tu aides de temps en temps sur la ferme ? Si oui, comment ? Et sinon, est-ce un choix ?
- Speaker #1
Alors oui, j'aide un peu quand il y a besoin. Alors j'avoue que depuis les enfants, j'aide beaucoup moins. Il faut se le dire, ça demande beaucoup d'investissement. On va dire que c'est moins facile, surtout avec un tout petit. J'aide quand il y a besoin au niveau de la... saison de la paille, surtout pour ramasser la paille. Parce qu'ils ont fait le choix de ne plus faire de blé du tout pour avoir plus de... on va dire d'hectares sur le maïs. Parce qu'au niveau des vaches, il y en a de plus en plus avec la fromagerie. Ils font de l'échange paille-fumier, c'est ce qu'ils s'appellent. Ils récupèrent la paille des agriculteurs qui n'en ont pas besoin. En échange, ils leur donnent leur fumier. Donc, ramassage de paille, il y en a pas mal. Donc, je sais que tu donnes un coup de main parce que ça lui facilite la... La vie aussi, niveau stress, tout ça, je sais qu'il a besoin. On a juste une apprentie. Et puis, les parents de mon mari, il y a juste le père qui conduit les tracteurs. Sinon, sa mère, non, et sa sœur non plus. Donc, moi, je sais que j'aime bien ça. En plus, j'aime bien faire ça. Donc, il n'y a pas de souci. Niveau plein, j'aide.
- Speaker #0
Donc, tu as appris à conduire un tracteur et puis à porter main-forte.
- Speaker #1
C'est ça. Oui, il m'a appris dès les premières semaines de nos rencontres, on va dire. J'ai déjà labouré, déchaumé, préparé la terre avec lui.
- Speaker #0
Trop bien.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Trop sympa.
- Speaker #1
Après, la traite aussi. Après, la traite, je ne fais plus du tout. Avant, on le faisait ensemble, mais c'est vrai qu'avec les enfants, oui, je suis moins à la ferme. Puis, on n'habite pas du tout sur la ferme, donc il y a ça aussi qui change.
- Speaker #0
Oui, vous êtes à combien de temps ?
- Speaker #1
5-6 minutes.
- Speaker #0
D'accord. trouver du travail dans ton domaine donc c'est pas Si compliqué que ça autour de toi ? Tu nous parlais d'une petite trentaine de kilomètres.
- Speaker #1
Oui, alors mon métier fait que je peux travailler un peu dans tout. Dans l'agro, dans l'agriculture, tout ce qui est alimentaire. Donc oui, je peux facilement, il n'y a pas de soucis. C'est l'avantage depuis la Seine-Maritime, on a vraiment côté agriculture assez développé. Tout ce qui est agroalimentaire aussi. Et puis oui, après tout ce qui est... tout ce qui est médical, paramédical, les labos, on en a sur toutes les communes presque. Donc non, il n'y a pas de soucis, moi, de mon côté. Après, là, je suis un des plus gros employeurs de Normandie, je crois, CHU. C'est énorme.
- Speaker #0
C'est bien, au moins, ça fait que tu n'as pas trop de barrières géographiques.
- Speaker #1
Non, sur ça, moi, de mon côté, au niveau professionnel, non, je n'ai pas de barrières. C'est juste, oui, plus fatigant, c'est la route à faire tous les jours.
- Speaker #0
Je comprends bien. Est-ce que tu t'es déjà posé la question, ou tu te la poseras peut-être plus tard, de rejoindre l'exploitation, de quelque manière que ce soit, ou est-ce que tu souhaites garder ton emploi à côté ?
- Speaker #1
Alors, on s'est déjà posé la question, parce que mon mari, je sais qu'il l'aimerait bien, au niveau facilité, avec les enfants, enfin, moyens de garde aussi, parce que ça arrive que quand il y a des rendez-vous, c'est pas toujours évident. Mais moi, personnellement, on a déjà travaillé ensemble, on va dire... Au début de notre relation, je l'aidais presque tous les week-ends et tout. Et non, je ne préférerais pas, parce que pour garder, on va dire, notre...
- Speaker #0
L'équilibre.
- Speaker #1
Un côté professionnel et un côté personnel. Oui, voilà. Parce que je sais que ça clasherait beaucoup, on va dire. On a deux forts caractères, tous les deux. Donc je pense qu'il faudrait vraiment que chacun ait son atelier, on va dire. C'est vraiment genre...
- Speaker #0
Oui, que ce soit bien dissocié.
- Speaker #1
Voilà, bien dit ceci. Mais pour l'instant, non, je préfère. Et puis, j'aime ce que je fais, donc non. Peut-être réduire mon temps un jour et monter un petit atelier. Avant, on parlait de faire du gîte. Ce serait plus tout ce qui est visite à la ferme. Tout ça, je serais plus dans ce milieu-là, on va dire. Mais en gardant quand même un temps à travailler à l'hôpital. Mais non, pas en totalité.
- Speaker #0
Ça se comprend très bien. Avec les échanges que j'ai d'agricultrices qui travaillent avec leurs conjoints, C'est des choses qui peuvent arriver. T'as bien raison d'en avoir conscience. Ce qui est intéressant, c'est que t'es pas fermée non plus. On verra ce que la suite te réservera.
- Speaker #1
Oui, c'est ça, on verra.
- Speaker #0
J'aimerais qu'on parle un peu maintenant de votre vie à deux et de ce que représente le quotidien quand on vit avec un agriculteur. On va parler aussi un peu de ta vie de famille, donc à quatre. Tu te souviens de comment vous vous êtes rencontrés ?
- Speaker #1
Oui, on s'est rencontrés sur les bancs de l'école. Donc, on était en bac tous les deux, notre première année de bac.
- Speaker #0
OK. Quand tu as su qu'il était fils d'agriculteur et qu'il voulait sans doute reprendre la ferme, qu'as-tu ressenti ?
- Speaker #1
Alors, une chose qui est très drôle, il faut vraiment que je le dise. Avec une amie, on s'était toujours dit qu'on n'allait jamais se marier avec un agriculteur. Parce qu'on savait déjà qu'au niveau des contraintes et tout, c'était compliqué. On ne pouvait pas partir en vacances quand on voulait. Et sauf qu'on se retrouve mariées toutes les deux à des agriculteurs. Je n'avais pas trop d'a priori. Je savais que c'était un métier compliqué au niveau horaire, temps. C'était beaucoup... Enfin, sollicité par la météo aussi. Mais c'est vrai que l'âge où on s'est mis ensemble, je ne pensais pas du tout à ça.
- Speaker #0
Oui, c'est ça, c'est ce que j'allais demander. Comment est-ce que tu te projetais et quelles ont été tes surprises maintenant, avec un peu de recul, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, du fait de vivre avec un agriculteur ?
- Speaker #1
Oui, c'est vrai que quand on est jeune, on ne pense pas à tout ça. Mais après, c'est plus... Moi, je suis quelqu'un de solitaire. Le fait d'être seule en permanence parce qu'on doit y aller à moisson. Il y a les semis. Au début, ça ne me dérangeait pas, mais j'avoue que là, c'est depuis qu'on a les enfants. C'est vrai que c'est un peu plus compliqué parce qu'ils sont demandeurs aussi, surtout premiers. Ils demandent surtout quand rentre papa, parce qu'il rentre tard. Il faut savoir que monsieur a beaucoup de casquettes. Il n'est pas qu'un agriculteur. Il fait partie d'un syndicat, les Jeunes Agriculteurs, qui lui prend énormément de temps aussi. Il est président des Jeunes Agriculteurs de Seine-Marie-Théâtre. D'accord. Donc c'est vrai qu'il y a beaucoup de réunions le soir aussi en plus. Il prépare les festivals, il va au congrès. Donc il y a beaucoup d'absences. Donc oui, au début, quand j'ai eu mon premier enfant, c'était vrai que c'était un peu compliqué. En plus, il est né en période de juillet, donc en saison de lin, d'arrachage de lin. C'est vrai qu'être seule souvent, c'est vrai que c'est un peu compliqué. Mais alors je suis une personne assez solitaire. donc c'est vrai que je le... on va dire que je... J'ai moins de mal.
- Speaker #0
Ok, je comprends bien. Et si on parle un peu de maternité, tu abordais le sujet. Comment est-ce que tu as vécu l'arrivée des enfants dans des périodes agricoles ? Là, tu parlais du lin. Est-ce que le Auguste est aussi arrivé dans une période ? Il est arrivé il y a deux mois. Est-ce que c'était compliqué ? Est-ce qu'il a pu être un peu plus présent ? Comment est-ce que tu l'as vécu ?
- Speaker #1
Oui, il est arrivé en mai. Donc, c'est vrai que c'était un peu plus calme. Il a pu, chose qu'il n'a pas pu faire à Amaury, mon premier. Il n'a pas pu prendre son congé paternité, clairement. Et là, pour Auguste, oui, il avait pris 15 jours. Il a réussi à poser 15 jours, parce que c'était une période assez calme. Après, ça revient vite. Le mois de juin est arrivé, l'arrachage de lin. Donc là, on est en plein ramassage de paille. Puis, vu que la météo est un peu capricieuse, ça traîne un peu, on va dire. Parce qu'on arrive toujours à partir, on va dire, quelques jours en août. Là, je pense que ça va être un peu plus compliqué. Surtout que moi, je reprends le travail aussi. Mais on va dire que l'arrivée d'Auguste, je l'ai sentie un peu moins seule que celle d'Amoré.
- Speaker #0
Oui, je comprends. Est-ce que c'est uniquement lié à la période agricole ou est-ce que lui, il s'est dit cette fois-ci, j'ai envie d'être un peu plus présent ?
- Speaker #1
Oui, je pense aussi lui, il s'est dit oui. C'est sûr, il avait le temps, donc il l'a pris le temps. Il s'est dit parce que c'est vrai que ça passe vite, il le voit bien. Souvent, il regrette des moments. Il me dit « Oh, t'as fait ça avec les enfants ! » parce que c'est vrai que j'essaie de bouger pas mal aussi, de les occuper. Et quand on va à la piscine ou quand on va dans des parcs, c'est vrai qu'il me dit « Oh, t'as fait ça ! » « Oui, c'est vrai, c'est vrai, je n'étais pas là. » Il le voit bien qu'il loupe aussi des moments. Après, la maurie est plus grande, donc il n'hésite pas à le prendre plus souvent sur la ferme aussi, pour passer des moments père et fils. Et c'est vrai que... Oui, il le ressent aussi. Et puis, les enfants le font comprendre. Amory lui fait comprendre aussi.
- Speaker #0
Ah ouais, c'est vrai ?
- Speaker #1
Ah oui, il lui dit souvent, mais pourquoi tu n'es pas là ? Tu vas encore rentrer tard, papa, ce soir ? Il y a souvent ces phrases-là.
- Speaker #0
Ah ouais, c'est intéressant.
- Speaker #1
C'est vrai qu'il est demandeur, oui.
- Speaker #0
Et lui, il s'intéresse aussi à la ferme, au-delà de passer du temps avec son papa. Est-ce que c'est un domaine qui commence déjà à attirer un peu sa curiosité ?
- Speaker #1
Oh oui, oui. Ah oui, la ferme, c'est ancré en lui. Il ne parle que de ferme. Il connaît tout à 5 ans. C'est hallucinant. Il connaît pas mal de choses. Après, c'est vrai qu'il est en plein dedans. Depuis tout petit, il a été à la ferme. Parce qu'avant, je travaillais en jour décalé. J'avais des horaires un peu atypiques. Donc, c'est vrai que je le déposais souvent à la ferme. Et il a été très, très tôt. dans ce milieu. Donc, il sait comment traire une vache, il sait ce que c'est une mammite, il a des mots qu'à 5 ans, tout enfant ne connaît pas, en fait. Et puis, il est mordu de ça. On a les tracteurs à la maison, partout dans sa chambre.
- Speaker #0
C'est des choses qu'on entend aussi assez fréquemment. Je comprends, et je pense que ça me pend au nez dans les prochains mois. Donc vous vivez à côté de la ferme, est-ce que c'est un choix ? Est-ce que c'est une organisation familiale peut-être avec ta belle famille qui est sur l'exploitation ? Je ne sais pas.
- Speaker #1
Alors avant on était en location, donc on voulait être propriétaire. Mais au début on cherchait vraiment au pied de la ferme. Parce qu'on avait même regardé si on pouvait construire sur le terrain agricole, à côté, enfin juste sur la ferme. C'était un peu compliqué, donc on s'est rabattu sur... un peu plus loin, parce que les parents de mon mari, eux, habitent sur la ferme. Il y a une maison sur la ferme, donc eux, ils sont dedans. Mais je pense que quand ils partiront à la retraite, c'est sûr qu'ils vont vouloir partir aussi de la ferme, voire ailleurs. Je pense qu'on va revenir sur la ferme. Au début, moi, je n'étais pas très, très enthousiaste, parce que c'est vrai que la maison de la ferme, il y a du passage. C'était un peu le bureau, on va dire aussi, les commerciaux, tout ça. Là où elle est située, j'avais un peu de mal de me redire, de reprendre la maison de mes beaux-parents aussi. En réfléchissant, c'est vrai, on en revient, les enfants. En réfléchissant avec les enfants, je suis obligée de les lever à 6h du matin pour les faire garder. C'est vrai qu'ils voient moins leur père aussi, puisqu'on est un peu plus loin. Je vais moins sur la ferme et être dans la ferme, habiter sur la ferme, je pense que niveau familial, c'est un grand plus. Il va être plus proche de ses enfants, une meilleure organisation pour nous. Il n'y aura pas besoin de les lever si tôt. Il pourrait les porter après la traite, à l'école. Donc oui, je pense qu'un jour, on sera à Mamène à habiter à la maison de la ferme.
- Speaker #0
C'est super intéressant ton évolution d'état d'esprit par rapport à ça. Et je rebondis aussi sur le fait que tu dises vivre dans la maison où il y avait mes beaux-parents. Parce que ça, c'est un sujet que j'ai très peu abordé avec d'autres femmes d'agriculteurs. Mais moi, ça a été un de mes plus gros freins. de reprendre la maison des grands-parents de Thibaut. J'avais dit, mais moi, je les ai vus, même si c'est que quelques années et que ce ne sont pas mes grands-parents. J'aurais du mal à me projeter dans des murs où j'ai vu des gens à leur place, avec leurs meubles, avec leurs affaires et leur vie.
- Speaker #1
Oui, c'est ça.
- Speaker #0
C'est hyper intéressant de l'entendre, en fait, d'une autre femme. Je te rejoins complètement là-dessus.
- Speaker #1
Oui, c'est vrai que c'est compliqué. C'est leur maison, ils ont vécu dedans. Même Jérôme a grandi, ses soeurs ont grandi dedans. Il y a des souvenirs. Et je me dis, c'est vrai que c'est compliqué. Moi, j'arrive, on arrive. En plus, on va un peu tout chambouler. Cette maison, elle va être vraiment notre maison. Donc, il n'y aura plus les commerciaux qui viendront. Jérôme a déjà fait ses plans. Il veut vraiment l'excentrer de la ferme, éviter qu'on passe devant, refaire pas mal de choses. Donc, c'est vrai que ce côté-là, je m'étais dit...
- Speaker #0
Oui, mais c'est vachement bien aussi, parce que vous allez vous l'approprier.
- Speaker #1
Oui, voilà. Et c'est vrai que de mon côté, je me suis dit, peut-être que ma belle-mère, elle va se dire, mince, quand elle va revenir dans cette maison, elle va dire, ils ont tout changé, il n'y a plus rien, il n'y a plus de souvenirs. C'est vrai que c'est compliqué aussi, peut-être pour elle. C'était surtout ça, s'approprier cette maison. Après, on n'y est pas encore, on verra. Mais c'est sûr qu'un jour, on sera sur cette maison.
- Speaker #0
Oui, je comprends. C'est intéressant d'entendre tout ça, puis de vous entendre vous projeter ou retransformer les choses. Ça, c'est, j'allais dire, un peu monnaie courante. souvent il y a quand même un peu de modernisation que ce soit sur la ferme. ou sur l'habitation, mais c'est vrai qu'on en parle un peu moins. Parfois, dans les discours, on entend « ce sera notre tour » , comme si c'était normal.
- Speaker #1
Oui, c'est ça.
- Speaker #0
Je trouve ça super intéressant et je te rejoins complètement là-dessus. Est-ce que tu vivais à la campagne quand tu étais plus petite ? Est-ce que le fait de vivre à la campagne, c'est un souhait de ta part ? Déjà,
- Speaker #1
en travaillant en ville, je ne sais que je ne pourrais jamais vivre en ville. Non, vraiment, la campagne, c'est les grands espaces, c'est le silence aussi. Et non, non, ça serait à refaire. C'est sûr que je resterais sur vivre à la campagne. Il n'y a pas de doute du tout. Je crois qu'on aime trop la nature, on aime trop le silence et les grands espaces.
- Speaker #0
Je comprends. Comment est-ce que vous vous organisez pour garder un équilibre de couple dans ce rythme-là, mais avec le travail à la ferme ?
- Speaker #1
Bien se retrouver beaucoup le week-end. Il n'y a pas de souci. On sort presque tous les week-ends. On se voit tous les week-ends avec notre bande d'amis. Quand il faut, on peut partir aussi en vacances. C'est très important en plus pour mon mari de partir en vacances. La seule chose qu'il ne vous prépare de l'année, c'est les vacances au ski. Ça, c'est primordial pour lui. et une semaine par an. qui ne loupent pas, c'est la semaine au ski, ça, vraiment, il en a besoin. Il est sorti, non ? La semaine, c'est vrai que ça est boulot, boulot à fond. Le week-end, après, en grosse période, oui, il y a moins de sorties, mais c'est vrai qu'on profite quand même assez souvent. On va au restaurant, soit on invite, on se fait inviter, enfin ça, il n'y a pas de soucis. On garde toujours un rythme un peu, on va dire, de jeûne, malgré avec les enfants et tout. On aime bien quand même faire la fête.
- Speaker #0
Et c'est tant mieux, je pense que c'est important aussi d'être bien en train.
- Speaker #1
Oui, c'est ça, avoir une vie.
- Speaker #0
Je suppose qu'avec ton métier et avec les gardes des enfants, l'école, etc., tu as peut-être un peu plus de vacances où tu as nécessité d'en prendre. Est-ce que ça t'arrive de partir parfois seule ou avec eux ?
- Speaker #1
Oui, c'est vrai qu'on doit prendre plus de vacances avec les enfants. Avant, c'est vrai qu'il n'y avait pas besoin. Pour l'instant, je ne me suis jamais posée la question de partir seule avec eux deux. Mais c'est vrai que j'ai autour de moi plusieurs copines qui sont avec des agriculteurs, qui le font. Et c'est vrai que c'est quelque chose peut-être que je vais mettre en place. Parce que là, cette année, par exemple, on n'est pas du tout partis. J'ai Amaury qui m'a demandé, mon premier, qu'il aimerait bien partir à la plage. Quand il voit passer des choses à la télé, les paysages et tout, il me dit « Mais pourquoi on ne va pas là-bas, maman ? » Et c'est vrai que vu qu'on est très dépendants, on va dire d'eux au niveau de la météo, on ne peut pas partir quand on veut. Peut-être que dans les prochaines années, je n'hésiterai pas à partir qu'avec mes fils.
- Speaker #0
Ok, vous n'êtes pas du tout fermée à ça ?
- Speaker #1
Non, ben non. Après, c'est monsieur aussi s'il est d'accord. Parce que c'est vrai que pour lui... Il aime bien partir aussi avec ses enfants, avec nous. Ses poupées aussi un peu de la ferme. Donc c'est vrai qu'on n'arrive pas à caler de jour, mais souvent on part novembre, octobre. Souvent nos vacances d'été, c'est ça, novembre, octobre.
- Speaker #0
Ok, on peut en décaler bien sûr.
- Speaker #1
Oui,
- Speaker #0
évidemment. Il ne faut pas non plus que lui culpabilise de se dire qu'il part sans moi, je vais au testa.
- Speaker #1
Je ne veux pas le faire culpabiliser non plus, c'est ça aussi.
- Speaker #0
Tu parlais tout à l'heure de ta belle famille. Elle est géographiquement proche du fait de cette ferme. Et en plus, là, ils travaillent encore avec ton mari. Quels sont tes liens avec eux ?
- Speaker #1
Des bons liens, il n'y a pas de souci. Ma belle-mère m'aide souvent pour garder les enfants. Elle ne dit jamais non. Après, c'est facile à la ferme. C'est vrai qu'il y a de quoi les occuper. Et puis, j'ai ma belle-sœur qui est aussi sur la ferme. Donc, on sait de quoi, s'il y a besoin de faire garder les enfants l'une et l'autre. Après, ils sont entre cousins. Donc, c'est vrai que c'est plus facile pour les faire garder. J'ai des très, très bons liens avec eux. De toute façon, oui, il faut. Parce que c'est vrai qu'on est souvent en train de céder ou en lien ensemble.
- Speaker #0
Ok, je comprends bien. Et tu parlais tout à l'heure de vos amis. Est-ce que dans votre cercle proche, que ce soit amis ou famille, c'est beaucoup des gens ou qui sont dans le milieu agricole, ou vous avez quand même d'autres « amis » qui ne sont pas du tout dans ce milieu. Est-ce que c'est important pour toi ou pas spécialement et ça te va aussi très bien comme ça ?
- Speaker #1
Je réfléchis, mais non, je crois que j'ai tout le monde dans le milieu agricole. J'ai des copines qui n'étaient pas dans le milieu agricole comme moi, qui se sont mis avec des agriculteurs et qui se trouvent que nos maris se connaissaient. Oui, ils sont tous dans le milieu agricole. On va dire ceux qui ne sont pas dans le milieu agricole, ça va être mes collègues.
- Speaker #0
Bien sûr. Et ça ne te gêne pas spécialement ou au contraire, ils comprennent aussi vos problématiques ? Le fait peut-être d'annuler des dîners en dernière minute pour les animer, pour des choses comme ça ?
- Speaker #1
Oui, ils comprennent plus. Non, ça ne me dérange pas du tout. On se soutient entre filles aussi. Quand on a besoin de lâcher un peu, je sais qu'elles comprennent en fait, elles savent ce que c'est. Donc c'est vrai que c'est plus facile d'en parler à quelqu'un qui comprend ce qu'il vit, la même chose que toi. que quelqu'un qui est complètement dehors de ça et qui ne comprend pas.
- Speaker #0
Et c'est tout le sujet du podcast,
- Speaker #1
d'ailleurs.
- Speaker #0
Pouvoir échanger entre nous. On se rejoint sur tellement de sujets et je trouve que c'est important pour se comprendre, pour se soutenir et pour pouvoir oser en parler, en fait, tout simplement. Avec du recul, qu'est-ce qui chaque jour te fait te sentir bien dans cette vie-là ? Est-ce qu'il y a une fierté ou une satisfaction particulière à vivre à côté d'un agriculteur ?
- Speaker #1
Oui, ce qu'apporte la ferme, surtout pour les enfants, c'est un milieu tellement enrichissant. Et ce qui est très important, c'est qu'ils savent ce qu'ils mangent, ce qu'ils ont dans leur assiette. Ils savent d'où ça vient, ils savent que la vache, c'est la viande rouge. Moi, je sais qu'à Mori, quand on va à la boucherie, il sait reconnaître... toute la viande, ça, il n'y a pas de souci. Il sait pourquoi papa, il travaille dur, c'est pour faire à manger aux Français. Tout ce milieu-là, c'est très important pour moi.
- Speaker #0
C'est hyper poignant, je trouve, comme anecdote et c'est super valorisant. C'est vrai qu'on en parle assez peu de ce regard-là qu'a l'enfant sur son assiette. Je trouve ça hyper intéressant. Je suis un peu scotché, je ne m'attendais pas du tout à ce genre de réponse, mais je trouve ça trop bien.
- Speaker #1
Quand il est rentré à l'école, c'est ça qui nous a scotché. Parce qu'il nous a dit que des enfants, ils ne savaient pas ce qu'était dans leur assiette. Et c'est lui, c'est Amaury. On a eu un mot de la maîtresse qui nous a dit, Amaury, il sait qu'on tue une vache pour la manger, un cochon. Oui, c'est la vie. C'est exactement ça. Il sait très bien. Même au niveau de la mort, c'est plus facile à lui faire comprendre quand quelqu'un est décédé. Parce que c'est vrai qu'à la ferme, les vaches qui sont malades ou quoi, qui ne vont pas bien et qu'on est obligé qu'elles partent au carisseur parce qu'elles sont mortes, tout ça, il le voit. Et c'est vrai que c'est plus facile pour lui, puis pour nous, de lui expliquer.
- Speaker #0
Oui, ce n'est pas le même rapport. Il y a une certaine maturité sur certains sujets. Non, voilà,
- Speaker #1
c'est différent. Je trouve que ça les rend un peu plus matures sur certains sujets. On va dire plus réalistes aussi. Même les légumes, tout ça, il sait très bien. Faire la différence entre une courgette et un concombre. Il sait très bien que le blé sert à faire les pâtes, la farine, les gâteaux. Il y a tout cet apport que je trouve hyper intéressant. Parce qu'il y a beaucoup d'enfants qui ne savent pas manger des moments dans leur assiette. Clairement, il y a ça aussi. Parce que soit les parents ou Span forcément leur disent « Oui, c'est un animal mort que tu manges. » C'est vrai qu'on essaye de les mettre des moments dans une sphère, alors que pas du tout, ils sont capables de comprendre.
- Speaker #0
Ok, super. Est-ce qu'il y a quelque chose que tu aimerais dire à d'autres qui ont une conjointe d'agriculteurs ?
- Speaker #1
Il ne faut pas avoir peur. Ça peut être dur des moments, mais que ça va être passager. Ils ont des périodes plus creuses, mais je trouve que c'est que du bonheur. C'est l'air, c'est la campagne, c'est la vie. Oui, c'est sûr qu'il y a des contraintes, mais il faut en prendre partie. Il faut prendre le meilleur des contraintes, on va dire.
- Speaker #0
C'est une super conclusion à cet échange. Merci beaucoup Alexandra.
- Speaker #1
Merci.
- Speaker #0
C'est la fin de notre échange. Merci de l'avoir écouté jusqu'au bout. Si cet épisode vous a plu, je vous invite à découvrir tous les autres. Vous pouvez également noter le podcast sur votre plateforme d'écoute préférée. Et pour suivre l'aventure au quotidien, retrouvez-moi sur les réseaux sociaux et surtout sur Instagram où je suis très active. N'hésitez pas à vous abonner, liker, partager. C'est grâce à vous que ce projet prend forme et qu'il peut continuer à grandir. Mesdames, si vous avez envie de raconter votre histoire, rejoignez-moi dans un prochain épisode. A bientôt !