- Speaker #0
Bonjour et bienvenue au centre du podcast que ça mène quand on s'aime, celui qui donne la parole aux conjoints d'agriculteurs. Elles sont femmes de céréaliers, d'éleveurs, de viticulteurs, en bio, en conventionnel, en raisonnée. Elles viennent de toute la France. Certaines sont tombées dans l'agriculture toute petite. D'autres la découvrent jour après jour. Elles jonglent entre la ferme, la famille, leur métier, ou portent une force incroyable. Moi c'est Marion, et avec ce podcast, j'espère que certaines d'entre vous se reconnaîtront dans leur travail. trop pauvres, ouvront des conseils, des échos à leur vie, prendront peut-être un peu de recul, ouvront du soutien ou simplement verront une mise en lumière de ce qui se vit souvent dans l'ombre, au cœur des fermes.
- Speaker #1
Ici, c'est de la good vibes, de la sororité, du partage et un vrai souffle de girl power en agriculture. Alors, à votre avis, où ça mène quand on s'aime ?
- Speaker #0
Ce soir, on se retrouve pour un épisode un peu particulier de mon podcast. J'ai réuni 5 filles d'agriculteurs, 5 parcours différents, pour parler de ce lien si fort qu'on entretient avec la terre, même quand on la guette. Être fille d'agriculteur, c'est une identité qui nous marque, parfois qui nous définit, parfois qu'on cherche à dépasser. Bienvenue à toutes et à tous dans Paille et Paillettes, un format d'épisode hors série de mon podcast. Suite à nos échanges, j'avais envie d'aller un peu plus loin que les témoignages individuels, de créer un espace d'échange collectif, une table ronde. où plusieurs voix se répondent, se complètent, parfois se contredisent. L'idée, c'est d'aborder ensemble différents aspects de la vie des femmes dans le monde agricole, à travers leurs regards, leurs expériences, leurs émotions. Ce soir, on commence avec les filles d'agriculteurs, celles qui ont grandi dans une ferme ou à côté, qui en sont peut-être parties ou restées, et qui y reviennent autrement. Et puis, dans les prochains hors-série, on parlera aussi d'amitié en ruralité, de travail en couple sur une exploitation par exemple. Des sujets du quotidien, mais qui raconte beaucoup de ce que c'est aujourd'hui d'être une femme dans ou autour du monde agricole. C'est ça, Paille et Paillettes, un espace pour parler du monde agricole autrement, avec du vrai, du vécu, du sensible et un peu de paillettes aussi. Pour cette première, j'ai ce soir avec moi 5 femmes, 5 parcours très différents, mais elles ont tout un point commun, elles sont toutes filles d'agriculteurs. Camille, d'abord, a 27 ans, elle travaille dans l'immobilier en Dordogne, elle est mariée à un agriculteur laitier en bio. et maman d'un petit bout. Elle a grandi dans une famille de viticulteurs en Gironde. Angélique, 40 ans, vit en Alsace où elle est assistante administrative en freelance. Elle est mariée à un céréalier et maman de deux enfants. Elle a aussi grandi dans une ferme céréalière, dans une famille où les femmes ont toujours eu leur place, même sans statut officiel. Élise, 28 ans, est sage-femme dans la Somme. Elle est fille d'un céréalier, producteur de pommes de terre et betteravier dans l'Aisne. Mathilde, 25 ans, dirige une agence de communication spécialisée en agriculture en Meurthe-et-Moselle. Elle est fille d'éleveur liété et reprendra l'exploitation familiale dans les années à venir. Et puis Mélodie, 34 ans, vit en Ardèche et est mariée à un éleveur de chèvres. Elle est productrice de fromage et de yaourt et maman de cinq enfants. Elle est fille d'un éleveur, Caprin aussi, qui est dans la même commune qu'elle. On peut dire qu'elle est restée fidèle à ses racines, tout en inventant sa propre voie. Leurs parcours sont très différents et c'est ce qui rend la conversation de ce soir si intéressante entre attachement, liberté, transmission et choix de vie. Elles incarnent à L5 une diversité de filles d'agriculteurs d'aujourd'hui. Pour commencer les filles, j'espère que je n'ai pas dit trop de bêtises. Quand vous pensez à votre enfance à la ferme, quelle image, souvenir, odeur vous revient ?
- Speaker #2
Je me rappelle avoir eu une enfance heureuse, rythmée par les travaux dans les vignes, on ne peut pas se mentir. L'odeur du jus de raisin, quelque chose qui me reste dans le nez, c'est vraiment bien particulier.
- Speaker #1
Je rejoins Camille complètement. Avec le rythme de travail, chez moi, ça serait plutôt l'odeur de la chèvrerie, du foin au printemps que je sens encore aujourd'hui, que je n'ai jamais quitté.
- Speaker #0
Je pensais être un peu cliché en parlant d'odeur, mais finalement, on était plutôt dans le bon.
- Speaker #2
Oui, oui, totalement, pas du tout de cliché.
- Speaker #3
Pour moi, c'est vraiment une enfance très heureuse. Franchement, une enfance à la ferme, c'est juste exceptionnel. J'en garde des souvenirs extras, franchement. et puis une odeur moi qui m'a toujours enfin que aujourd'hui encore j'adore C'est le foin fraîchement coupé. Ça, c'est, je crois, la meilleure odeur qui sort.
- Speaker #4
Moi, je n'ai pas de souvenir d'odeur particulière, mais oui, une enfance heureuse. Après, nous, on n'habitait pas sur l'exploitation, donc c'était plutôt le loisir du samedi, du dimanche que d'y être baignée en permanence. Mais oui, j'ai adoré ça. Moi, c'était que du positif étant petite. Là, vous parliez du joie. Qu'est-ce qui était beau ? Et qu'est-ce qui a été plus difficile dans cette enfance à la ferme ?
- Speaker #5
Moi, je dirais, quand tu parlais de souvenirs, moi, j'ai tout de suite pensé, oui, à une enfance heureuse, mais quand même, des difficultés. Effectivement, le fait de travailler, quand même, c'est dur. Même si on est enfant, moi, personnellement, j'ai toujours été mis au charbon, clairement. Et ce qui était vraiment dur, en tout cas, moi, quand j'étais enfant, c'était d'être confrontée à la mort, pour ma part, des vaches, des veaux, etc., de les voir naître. les voir mourir aussi des fois. Ça, ça a été dur, mais en même temps, ça forge aussi le caractère.
- Speaker #2
Moi, pour ma part, les souvenirs vraiment heureux, je rejoins ma tête, c'est d'avoir été quand même mis au charbon. Je me rappelle qu'on faisait cercle et devoir au bout de la grande ligne, mais on allait osciller dans ce qu'on appelle les travaux en verre, préparer pour que la ligne puisse pousser correctement et qu'on puisse vendanger comme il fallait. Et c'est vrai qu'un souvenir un peu malheureux, c'était des fois les contraintes, puisqu'on bénifie sur place. et que mon papa fait de la vente directe, on passe à 80% par ça, c'est des fois des vacances très raccourcies ou alors des vacances en décalé également. Donc même si je sais qu'il faisait comme il pouvait, il y a deux ou trois fois où on s'est dit « Ah, et ça, c'est vrai que ça m'a marqué quand même » .
- Speaker #1
Moi, je rejoins totalement sur les vacances aussi. Tous nos amis partent une semaine entière, ils vont loin, ils font des voyages, etc. etc. Nous, si on arrivait à partir, on est toujours partis, mes parents ont toujours fait en sorte qu'on parte en vacances, mais on partait trois jours. C'était difficile de faire plus. Alors, c'était très bien, on s'éclatait, mais ça reste une contrainte, le travail.
- Speaker #2
Et je pense qu'en tant qu'enfant, ça nous marque parce qu'on voit les copains, comme tu le dis, partir et nous, certes, on arrive à partir, mais peut-être moins souvent et sur des périodes plus courtes,
- Speaker #3
on se rejoint totalement.
- Speaker #0
Est-ce que ça, vous en êtes rendu compte, enfant, ou est-ce qu'avec du recul, dans votre vie adulte à l'heure actuelle ou pour certaines qui sont devenues mamans, on le réalise aussi un peu plus tard quand c'est à notre tour de faire ces choix de vie-là ?
- Speaker #3
Moi, je les vois très petit. Moi, je ne suis jamais partie en vacances. Le jour, en week-end, avec mes parents, maintenant, étant femme d'un agriculteur et maman, il était hors de question que je fasse vivre ça à mes enfants parce que moi, clairement, je dois me faire m'entendre. Le mauvais souvenir, on va dire, qu'il me reste, c'est qu'il n'y avait pas de vacances. En fait, c'est parfait. parce qu'il y avait la moitié limitée, parce que pendant les vacances d'être plus sens, c'était la moitié d'une année, et puis parce que les vacances de Pâques, c'était les semis, et puis ainsi de suite, et puis finalement on partait pas. Moi j'ai vraiment très mal vécu, et j'ai tout repris à mon mari, j'ai dit « je te fais bien, tu es roué comme tu veux, tu es à une faite heure ok, mais on partira tous les ans au moins une semaine » . C'est ce qu'on fait depuis seulement 4 ans, parce qu'avant on avait des travaux de la maison et tout. Et vraiment c'est quelque chose que moi je ne débaucherais pas, c'est « faut qu'on parte au moins une semaine » . En général, c'est toujours fin août, on y tient. on en a besoin autant pour nous en tant qu'adultes que pour les enfants. Et c'est vrai qu'au début c'était compliqué parce que lui c'était « non, la vie à la ferme c'est la vie à la dure » . Maintenant c'est plus comme ça. Et j'ai réussi il y a 4-5 ans à lui faire changer d'avis parce que du coup, quand on est partis la première année, sur le chemin du retour, je me souviens de toujours, il a dit « non mais ça il faut qu'on fasse tous les ans » . C'est clair, il faudra qu'on fasse tous les ans. Il en a vu les bénéfices. Oui, le sourire des enfants, la joie des enfants, même s'ils adorent la vie à la ferme, c'est obligé de couper quand même et de voir autre chose.
- Speaker #5
C'est une question de mentalité aussi, je pense. Franchement, tous les parents ne sont pas à l'esprit de partir en vacances. Moi, je n'ai jamais vu mes parents partir ensemble. On est déjà partis en vacances avec ma mère, mais mon père n'était jamais parti réellement en vacances, même un week-end. Et là, pour la première fois cette année, très contente parce que j'ai réussi à les faire partir en vacances. Ils sont partis quatre jours, ce n'est pas grand-chose. Mon père m'a fait confiance pour gérer la ferme, etc. Et ça leur a fait du bien. Et un peu pareil que ton mari Angélique, mon père s'est rendu compte de ce que c'était que de partir en vacances. Et franchement, je pense qu'ils repartiront dans les prochaines années.
- Speaker #0
Trop bien. Trop chouette.
- Speaker #4
Nous, on avait un petit peu le privilège qu'il n'y ait pas d'élevage sur l'exploitation, ce qui laissait quand même plus de possibilités. Alors, on ne partait pas trois semaines l'été non plus, mais c'était toujours une semaine début juillet. C'était incompressible. De temps en temps, rarement, mais de temps en temps, le ski. Mais c'est vrai que, oui, mes parents, ils ont toujours fait en sorte qu'on se dégage un petit peu de temps pour les vacances, sans trop de difficultés.
- Speaker #0
Je pense que c'était important pour ta maman aussi.
- Speaker #4
Oui, ma maman, elle n'est pas du tout, du tout sur l'exploitation. Elle se sent même très peu concernée par ce sujet. Oui, oui, c'était leur projet commun. Je tenais plus à cœur à ma maman, mais même mon papa était content de couper. Il était content de rentrer aussi au bout d'une semaine, mais il était content de couper.
- Speaker #0
Ok, donc on parlait un peu des femmes. Quelle place avaient les filles ou femmes dans les fermes dans lesquelles vous avez grandi ?
- Speaker #2
Alors moi, les femmes, elles ont toujours eu une place assez importante. Dans la ferme, mon arrière-grand-mère a su gérer l'exploitation quand mon arrière-grand-père est parti à la guerre. Parce qu'on était sur la guerre 39-45, c'est ce qu'on appelait une maîtresse femme. Elle dirigeait les ouvriers d'une main de fer. Ma grand-mère en a hérité, elle avait un sacré caractère. Et d'ailleurs, ma grand-mère a travaillé jusqu'à ce que sa maladie l'en empêche. Elle y restait. très longtemps. Ma maman, elle n'est pas du tout viticultrice. Alors, par contre, elle allait aider pendant les vendanges ou même sur de la communication. Et ma sœur, comme moi, suivait le mouvement, clairement. Donc, il y a toujours eu une place pour les femmes. Mon père n'a jamais fait de différence. Je pense qu'on aurait été des garçons, on aurait été traités exactement de la même manière.
- Speaker #0
Et vous, les filles ?
- Speaker #3
Alors, moi, je sais que ma maman, qui était maman au foyer, pour le coup, elle, elle était toujours un peu dans la race. Merci. plutôt mon père, mais à s'effacer aussi. Elle était là, mais elle savait s'effacer quand il fallait. Mais mon père lui demandait souvent son avis sur certains points. Et j'ai vécu ça aussi sur mes plus anciennes générations, c'est-à-dire mes grands-parents. En fait, mes grands-parents maternels étaient également à l'écouteur avec très grosse exploitation. Et mon grand-père était un homme adorable, mais de caractère. Mais pour autant, dès qu'il y avait un petit blocage... quelque chose qui me contrariait, c'était directement chez ma grand-mère, qu'il allait prendre le conseil. Il me tenait, et pourtant, c'était une génération voilà, aujourd'hui, il aurait 100 ans de se dire qu'après-guerre, on demande l'avis à son épouse. C'était pas commun, quoi. Lui, j'ai toujours vu, aussi longtemps que je les ai vus ensemble, il se tournait toujours vers ma grand-mère, mais sans honte, sans se dire, bah non, c'est pas son rôle. Vraiment, il tenait compte de son avis.
- Speaker #0
Ok, ouais, ouais. Trop chouette.
- Speaker #1
Chez moi aussi, ma mère a toujours eu sa place sur l'exploitation, mais simplement sur le côté juridique, en fait, elle a toujours été conjoint collaborateur. Donc, en fait, ses congés maths, tout ça, c'est que dalle. C'est compliqué, quoi. Mais après, elle travaillait normal, elle mène la troupe comme tout le monde, mais elle avait le simple statut de conjoint collaborateur pendant très, très, très longtemps.
- Speaker #0
OK. On parlait donc de papa ou de parents qui travaillaient beaucoup. Est-ce que vous aviez le sentiment d'avoir des parents un peu absents ? Et est-ce que vous en avez un peu souffert ?
- Speaker #5
Moi, franchement, parents absents, pour dire, c'était mon père qui était agriculteur. Ma mère n'était pas agricultrice. Elle avait son travail qui lui prenait aussi du temps à côté. Et par contre, les week-ends, c'était à la ferme. Et nous, honnêtement, quand on était petits avec mon frère, pour voir nos parents, il fallait qu'on aille à la ferme. Je brossais un peu le trait, mais c'était un petit peu ça. Il y a eu des périodes, du coup, où ça a été dur. Mais nous, honnêtement, ça nous a tellement forgés. Ça nous a autonomisés très jeunes. Forcément, ça manque toujours un petit peu pendant l'enfance. En même temps, on a manqué de rien. Juste, nos parents étaient beaucoup occupés. Mais encore une fois, ça forge et ça nous a vraiment apporté beaucoup pour notre vie d'adulte.
- Speaker #2
Moi, absent, non, mais très pris. Parce que si on repart sur l'idée des vacances, mon papa a toujours fait sa comptabilité lui-même. Donc en fait, même quand il était avec nous, il était d'une certaine façon absent. parce que par exemple ou par une semaine aussi. Tous les soirs, il va faire de l'ordinateur. Voilà, donc absent, oui et non. Oui, on en a souffert, je me rappelle, quand même avec ma sœur. Mon papa, pendant six mois de l'année, il n'est pas là. Il va lui-même son vin. dans la France. Donc là, ouais. Là, par contre, j'avoue que moi, j'ai très mal vécu. Et ça a été, ouais, là, compliqué. On n'a pas ce moment-là.
- Speaker #0
Mais c'est ça qui est intéressant, c'est de voir aussi le côté d'un viticulteur auquel on ne s'attend peut-être pas face à un éleveur. Dans une famille d'éleveurs, on sait qu'il y a des contraintes, entre guillemets, c'est peut-être plus connu.
- Speaker #4
super intéressant de le rajouter en tout cas moi j'ai pas eu du tout ce sentiment d'absence Parce que ma maman n'était pas du tout sur l'exploitation, donc pour le coup, elle était très présente. Elle travaillait à 100%, mais elle avait un boulot qui lui permettait de nous gérer, nous trois, après l'école, tout ça. Et puis, mon papa, oui, bien sûr que sur l'exploitation, il y avait des coups de bourre, comme sur toutes les exploitations, mais on se disait que ça allait passer, ça finissait toujours par avoir une fin. et puis si on voulait aller le voir, on était les bienvenus. sur la ferme ou dans les champs. Donc, je n'ai pas eu ce sentiment d'absence. Je n'en ai pas souffert du tout, en tout cas.
- Speaker #0
Ok, trop chouette. Alors, certaines d'entre vous vont reprendre l'exploitation, d'autres pas du tout. Est-ce que vous vous sentiez destinée un jour à reprendre ? Et pour certaines, vous ne l'avez pas fait. Ou à l'inverse, certaines d'entre vous ont-elles eu envie très tôt de voir et de travailler ailleurs pour l'avenir ?
- Speaker #3
Alors moi, clairement, j'avais un rêve étant là. plus jeune, c'était d'aller au lycée à l'école. Parce que j'en ai un cousin qui y a été et moi ça me faisait vraiment veiller, d'aller au lycée à l'école. Mais j'étais l'aînée, j'avais un petit frère et on m'a clairement fait comprendre que de toute façon l'exploitation devait en faire à mes petits frères. Gros coup de massue et que de toute façon une fille n'avait pas sa place au lycée à l'école. J'en ai souffert, mais j'en ai souffert. J'en ai voulu à mes parents, longtemps. Je pense que l'intérieur de moi, je le rends ou encore parce que clairement, pour moi, la vie du agricole... prenait que je suis marié avec un agriculteur donc voilà j'ai c'est pour moi c'est presque une revanche mais clairement ça a été très très douloureux pour moi quand un 14 ans et tout le monde qui va pas lui servir c'est pas la plaque d'une fille ok d'accord c'était il y a 25 ans mais j'en ai énormément souffert et comme dit je suis tellement fière aujourd'hui de soutenir mon mari, même si, évidemment, c'est compliqué, c'est pas évident tous les jours. et de me dire, si, maintenant j'ai mes postes dans ce milieu que je convoitais tant et dans lequel je voulais rester.
- Speaker #0
Et alors Camille et Élise, qui toutes les deux font aussi un métier très différent et qui n'est plus du tout dans le milieu agricole.
- Speaker #4
Moi, je ne me suis jamais vraiment trop posé la question parce que j'ai toujours plus ou moins voulu m'orienter vers la sage-famerie. Et puis mon frère était prédestiné de toute façon. à poursuivre sur l'exploitation pour que les jeux aient été faits comme ça. La question ne s'est pas vraiment posée finalement.
- Speaker #2
Moi, j'ai songé reprendre, sauf qu'en fait, c'est un contexte particulier. Mon papa, il est associé avec ses frères. Le contexte est très compliqué entre frangins. Et moi, je ne voulais pas de cette ambiance-là. Donc après, j'avais songé à reprendre une partie, m'installer une partie animalière, parce que moi, j'ai fait des études agricoles. J'ai déménagé en Dordogne par amour. Ça va, c'est devenu mon mari, donc je n'ai pas fait... Je n'ai pas fait de bêtises. Mais par contre, je ne dis pas que d'ici là, je n'y reviendrai pas. Et de toute façon, avant d'être conseillère en limo, j'étais comptable agricole. J'ai toujours un pied, puis même là, plus ou moins, j'ai toujours un pied. Mais j'espère y remettre les deux pieds un jour.
- Speaker #0
Tu reviendrais dans le milieu agricole, mais plus du tout dans la vinification, vraiment sur l'exploitation de ton conjoint ?
- Speaker #2
Non, En Dordogne, il n'y a pas de vigne. Alors, c'est des vignes dans le barge au racois. Nous, on est vraiment dans le nord d'Ordogne, dans la partie Périgord-les-Moisins. Donc là, ce sera soit en laitier, dans ce cas-là, je continuerai avec lui, ou je mettrai ma pâte à moi, puisque j'ai quand même pris les études pour être éleveuse de chevaux. Et j'espère un jour y revenir.
- Speaker #0
Pour celles qui ont des enfants, quelle similitude de vie ou différence faites-vous entre votre enfance et celle que vous offrez à vos enfants ?
- Speaker #1
Je rejoins ce que disait Mathilde tout à l'heure dans le côté la débrouille et qu'on est beaucoup pris. Donc, s'ils veulent nous voir, c'est beaucoup sur la ferme et ils sont très, très autonomes, très, très rapidement. Et même si ça peut paraître être une difficulté par moment, je pense qu'un jour, ils me remercieront, j'espère. Mais voilà, ça forge et ça durcit et c'est que du bon de pouvoir se débrouiller. Mais voilà. par moments culpabilisent un peu. Et puis, c'est... Voilà, c'était comme ça quand c'était nous et c'est comme ça quand c'est eux et il n'y a pas trop, trop le choix.
- Speaker #0
Oui, donc ça se ressemble assez. Oui, complètement. OK. Angélique ?
- Speaker #3
Mais c'est vrai que je trouve que... Oui, ils sont plus débrouillants, ils savent des choses, ils font des choses. Moi, j'ai un autre fils, toujours avec la surveillance du papa. Il amoure, il m'aide à semer. J'ai un autre fils à 8 ans et demi. Il s'est rentré une moissonneuse dans le hangar. Je ne sais même pas comment la démarrer, la moissonneuse. Je me dis, c'est ça, c'est l'école de la vie.
- Speaker #5
C'est ça.
- Speaker #0
J'ai déjà eu cette conversation avec d'autres femmes d'agriculteurs qui me parlaient de leurs enfants. Et elles me disaient qu'ils n'avaient pas du tout la même vision de leur alimentation. Qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce que vous étiez peut-être plus conscient de ce qu'on mange ? Est-ce que votre rapport à l'alimentation était différent de vos copains quand vous étiez plus jeunes ?
- Speaker #2
Carrément, carrément. Et même, je le vois avec ma fille. Sur la viande, elle sait très bien que les génies qu'on voit à côté de la maison, il y en a une qui est pour... finir dans l'assiette. Elle en est totalement consciente, on lui a bien expliqué. Comme on lui a expliqué que c'est pas parce qu'on n'aimait pas nos animaux. On a deux suprémissibles barrières en expliquant qu'on élève justement parce qu'on aime, sinon on ne fait pas. Et après, pour tout ce qui est produits laitiers, c'est différent, mais on lui a quand même expliqué aussi. Ce qui est cool, c'est que du coup, elle en parle aussi à l'école. Parce qu'on commercialise nos produits pour l'école aussi. Et moi, je sais qu'après, mes parents ont toujours été entourés. des agriculteurs ou même des voisins qui ont des propres animaux qu'on abattait, qu'on les mangeait. Et moi, je sais que ça ne m'a jamais perturbée dans le sens où on m'a toujours expliqué le cadre, on ne m'a rien caché. Donc, j'ai reproduit ça. Au moment, ça a l'air de fonctionner.
- Speaker #5
Moi, j'allais dire le gaspillage. On nous a appris très jeune à ne pas gaspiller. Et aussi, en grandissant, on a compris que produire, ça prenait du temps, c'était beaucoup de travail, etc. Donc, c'est venu assez jeune, ça, par exemple.
- Speaker #0
Et au-delà de l'alimentation, comment vous voyiez vos amis quand vous étiez plus petite, être filles d'agriculteurs ? Est-ce que c'était un sujet de moquerie ? Est-ce que c'était un sujet de fierté ? Comment est-ce que vous pourriez nous raconter ça ?
- Speaker #3
Moi, j'ai vu que quand j'étais ado, surtout période collège, on va dire, ça a été très compliqué. Parce que, je suis une bouseuse, c'était clairement ça. Merci à vous. Je ne vais pas dire que c'était juste un harcèlement, mais c'était des maux pris. De toute façon, quand tu as les botopies toute l'année, tu passes les cils, etc. J'étais vraiment la fille de paysan. Voilà, clairement. Je l'ai très mal vécu, parce que clairement, quand tu as 13-14 ans, c'est le genre de chose qui blesse, qui fait mal. Et alors qu'aujourd'hui, j'en suis extrêmement, extrêmement fière. Je le dis toujours à mes enfants, je dis « Soyez fiers ! » Soyez fiers d'avoir un contrat à l'éducateur. C'est un métier dur, c'est un métier qui demande d'avoir une vraie passion. et une vocation. Et j'essaie toujours de comprendre qu'il ne faut pas qu'ils en aient honte. Pas comme moi, parce qu'à l'époque, c'était peut-être tabou, encore une fois, il y a 25 ans. Pour mes enfants, je ne veux absolument pas qu'ils aient le même ressenti que j'ai pu avoir en État.
- Speaker #1
A contrario, on vit dans un endroit très, très rural. Je n'ai jamais eu ce genre de situation à gérer. En fait, personne ne s'est jamais moqué. Et en fait, on était quand même très, très nombreux à être enfants d'agriculteurs. Moi, je n'ai jamais ressenti de la moquerie ou des réflexions. Mais après, nous, c'était toute petite école primaire, collège, on devait être 300 à tout casser. Donc, vraiment tout petit. Mais il n'y a jamais eu ça. Et je pense qu'on était quand même, pas une majorité, mais quand même une bonne part d'enfants d'agriculteurs.
- Speaker #4
Oui, ça joue beaucoup.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #4
C'est sûr. Moi, je rejoins Mélodie là-dessus. Nous, on était dans une petite école aussi, en ville. On était dans une petite école privée. Et après, on est allé au collège qui était privé aussi, qui n'était pas un gros collège non plus, où on était beaucoup d'enfants d'agriculteurs. Donc, pour le coup, tout ce qui est moquerie, harcèlement, on ne connaissait pas trop.
- Speaker #5
Un peu comme Élise et Mélodie, pas trop de moquerie, mais on m'appelait quand même la paysanne. Je le prenais mal, d'ailleurs. Je pense que... Voilà, je ne sais pas, je le prenais mal parce que c'était vu un peu comme une moquerie, pour ma part. Mais ce n'était pas du tout de harcèlement ou quoi que ce soit. C'était juste une remarque. Et par contre, à contrario, les autres enfants, il y avait aussi d'autres filles d'agriculteurs, mais aucune ne voulait reprendre la ferme. J'étais un peu la seule ovnie qui était persuadée depuis ses huit ans qu'elle voulait devenir agricultrice.
- Speaker #0
OK. Et tu sais pourquoi les autres ne souhaitaient pas ?
- Speaker #5
Eh bien, une fille n'est pas forcément poussée à reprendre une exploitation. Moi, mon père a quand même honnêtement toujours voulu que moi et mon frère, on reprenne la ferme, etc. À la base, il avait misé que sur mon frère et s'est dit, quand même, il aura peut-être besoin d'aide, donc ça serait bien que Mathilde l'aide aussi. On nous a un peu mis dans cette idée-là. Mais c'est pas du tout pour ça que j'ai voulu être agricultrice, c'est parce que moi, je dis toujours que je suis tombée dans le temps qu'elle est quand j'étais petite, que j'ai été prise de passion pour les vaches laitières, pour les céréales, etc. Mais je pense que les autres filles, potentiellement, leurs parents n'avaient même pas en tête qu'elles pouvaient être agricultrices. Du coup, elles-mêmes ne se disaient pas que c'était possible. Et autant mon père me poussait, autant par exemple ma grand-mère qui a été agricultrice, qui a vécu le truc de A à Z, elle me dissuadait et mes tantes aussi d'ailleurs me disaient « Non mais Mathilde, tu sais, c'est un métier qui est dur, surtout pour une fille. » En grandissant, elles ont compris que je ne lâcherais pas l'idée. Elles commencent à comprendre que je reprendrai, d'ailleurs mon frère ne reprendra pas la ferme. Donc je pense que oui, c'est pour ça que mes camarades de collège notamment ne souhaitaient pas forcément reprendre.
- Speaker #0
Et sur ce côté, choix de vie ? professionnelle. Comment ont réagi vos parents pour celles qui ont décidé de quitter ce milieu agricole et d'aller travailler dans un tout autre domaine ? Et aussi pour Mélodie qui dit, je vais faire la même chose mais je vais lancer une transformation, je vais diversifier une ferme qui ressemblait à la tienne. Papa, comment est-ce que vos parents ont réagi à ces choix professionnels ?
- Speaker #1
Je réagis tout de suite. En disant que, moi déjà, j'étais partie en études commerciales et dans la banque. J'ai travaillé dans la banque avant de m'installer. À ce moment-là, mes parents étaient très, très fiers de moi parce que ma mère, elle nous a toujours dissuadé, mes soeurs et moi, de reprendre l'exploitation parce que c'était dur par rapport à la streinte de la traite. Tout ça, ce n'était pas une vie qu'elle voulait pour nous. Et en fait, moi, quand j'ai décidé de revenir, enfin, revenir du coup sur l'exploitation de mon conjoint et pas sur la leur, Ça s'est bien passé, mais j'ai quand même tout un mélange de sensations. Je pense qu'ils ont été un peu déçus parce que je ne l'ai pas fait avec eux. À la fois, ils avaient certainement peur parce qu'ils savent la difficulté du métier. Donc, c'était un peu compliqué. Je sais qu'une personne qui travaillait beaucoup avec mon père m'avait dit « Ah, mais quand tu travaillais à la banque, il était très fier de toi. » Oui, voilà, mais du coup, maintenant, ça serait bien qu'il soit aussi. Et en fait, maintenant, ça fait dix ans que je suis installée et je pense qu'ils sont fiers de moi, mes parents. Mais c'est compliqué. Ils ne voyaient pas ça pour nous, pour mes sœurs non plus. Ils n'avaient pas forcément envie, mais je pense qu'au fond, mon père, il aurait aimé qu'on reprenne. Mais voilà, ça s'est fait comme ça, c'est fait. Je pense qu'aujourd'hui, ils sont quand même contents du projet que j'ai réalisé.
- Speaker #0
Et sur ce même sujet, Mathilde, d'être fille d'un éleveur laitier, est-ce qu'il a eu des craintes ? Est-ce que finalement... Ton installation se fait dans une période où on est quand même un peu plus sûr sur l'avenir par rapport au lait, etc., qu'il y a quelques années. Je sais que dans les témoignages de femmes d'agriculteurs que j'ai faits dans certains épisodes précédents, il y avait Léa qui voulait reprendre la ferme. Son père aurait aimé, mais il ne voulait pas qu'elle s'installe, parce qu'il avait peur pour elle, en fait.
- Speaker #5
Moi, je pense que mon père, il a surtout peur que l'héritage familial parte. Et moi, c'est quelque chose, et mon frère aussi, d'ailleurs. Pour nous, c'est un peu impensable, mais c'est honnêtement pas du tout pour ça que j'ai... Ça fait partie quand même des raisons, on ne va pas se mentir. Je n'ai pas envie que ce soit la raison qui fasse déjà que moi, j'ai envie de m'installer. J'ai appris en grandissant qu'il ne fallait pas faire les choses pour faire plaisir à nos parents ou même à qui que ce soit. Mon père a, oui, peut-être quand même certaines craintes sur mon avenir, sur comment je vais me débrouiller toute seule. Alors, dans les prochaines années, il sera là quand je m'installerai parce qu'il ne va pas laisser le flambeau tout de suite. il continuera à ramener un petit peu son avis, son travail, etc. Je ne le vois pas arrêter du jour au lendemain pour quelqu'un qui n'a pas arrêté de travailler depuis qu'il a commencé. Je pense que ce qui est dur dans l'élevage laitier, c'est quand même la streinte. Moi, honnêtement, tu posais tout à l'heure la question Marion de, est-ce que vos enfants avaient la même vie que vous, vous avez eue ? Moi, je me suis toujours promis, je n'ai pas encore d'enfants, j'en aurai peut-être un jour, j'espère, mais je me suis toujours promis que j'aimerais que mes enfants n'aient pas... pas la vie que j'ai vécue, l'enfance. Alors, je n'ai pas eu du tout une enfance terrible, pas du tout, mais honnêtement, j'ai envie de faire les choses différemment pour mes enfants. Même si j'ai envie d'être productrice laitière, j'ai quand même envie de me dégager du temps. Ça, ça se fait grâce à de l'organisation et aussi à des sacrifices, peut-être maintenant pour après. On va dire que mon idée d'installation, à la base, a beaucoup évolué avec celle qui se fera dans les prochaines années et encore d'ici là, les prochaines années. les prochaines années, je pense que ça va aussi beaucoup évoluer. Mais oui, forcément, mon père a toujours un petit peu… Enfin, on va dire qu'il a toujours quelques craintes.
- Speaker #0
Est-ce que Camille, Élise, Angélique, vous voulez ajouter quelque chose sur le fait que vous, du coup, ce ne soit pas du tout dans le milieu agricole ? Angélique, si on a bien compris, ça leur allait plutôt bien ?
- Speaker #3
Ah oui, ça leur allait plutôt bien. C'est pas moi, mais ça leur allait bien. Après, je pense encore une fois, comme le disaient certaines d'entre vous, Merci. Je pense que c'est plus pour faire peur peut-être aussi de se dire, pardon, on est en exploitation, alors que j'ai quand même une tante qui tient une exploitation encore aujourd'hui, qui la gère très très bien. C'est vrai que j'ai fait un métier en épis. J'apprécie, mais je suis extrêmement heureuse d'être mariée avec un agriculteur. C'est clair. Je ne savais pas qu'il était agriculteur quand je l'ai rencontré. J'ai besoin d'être proche de la terre. Et ça, je pense que mes parents n'ont jamais vraiment compris peut-être.
- Speaker #0
Ok, c'est assez clair. Et sur ce côté, justement, être en couple avec un agriculteur, pour celles que ça concerne, et puis pour celles qui ne le sont pas aussi d'ailleurs, Est-ce que c'était... Un choix ? Une coïncidence ? Est-ce que le fait d'être fille d'agriculteur, on se dit, jamais je me mets en couple avec un agriculteur ? Ou au contraire, il est évident que je me mettrais en couple avec un agriculteur, je ne vois pas ma vie autrement qu'avec un agriculteur ? Après, c'est peut-être aussi différent du coup, pour Mathilde, tu nous le diras, mais du fait que tu t'installes toi, t'as peut-être ce regard-là, ou quelqu'un qui ne voulait pas s'installer et qui se dit, je veux cet attachement comme Angélique, de par mon mari peut-être ?
- Speaker #2
Moi, je ne me suis jamais posé la question, en vrai. pour moi il aurait pu être charpentier, ça n'aurait rien changé, je cherchais pas d'agriculteur du tout et de toute façon quand on s'est rencontré, il était encore ouvrier et la question de s'installer est arrivée, on avait déjà la petite et là j'ai fait
- Speaker #0
Il m'a demandé mon avis un petit peu en termes d'organisation. C'était fou, c'était un an. Je ne me voyais pas le bloquer dans son projet. Ça aurait été très égoïste aussi. C'était son envie. Il a eu beaucoup de doutes. Je l'ai bien poussé aux fesses aussi. Parce que je rejoins Eugénie. Moi, je ressens toujours cet appel de la terre. Je pense que ça, c'est quelque chose d'assez ancré dans mes entrailles. Et c'est pour ça que l'idée ne m'abandonne pas non plus. On parlait tout à l'heure de... des parents qui voulaient qu'on s'installe ou pas. Moi, quand je leur ai dit que je partais en études agricoles, ma mère, elle a flippé. Alors, elle n'a pas fait d'histoire ou quoi, mais elle a flippé. Elle m'a dit, mais comment tu vas vivre ma fille ? Avec quel salaire ? Avec quelles conditions ? Ta vie de famille et compagnie ? Mon père a été beaucoup plus discret, dans le sens où, avec mon papa, on a des échanges qui sont relativement toujours très sérieux. On parle du travail, parce que j'ai quand même une influence. sur beaucoup de choses à l'heure actuelle. S'il s'est inquiété, lui, il ne me l'a jamais dit. Et quand j'ai fait « Ah, je sors avec un ouvrier agricole » , moi, je l'ai vu sourire. Il a dû se dire « Hum, l'appel de la terre est là » . Et quand on lui a dit que du coup, Clément s'est installé, que moi, j'étais complètement OK, autant ma maman, à l'heure actuelle, elle doit se dire « Cool, elle a oublié cette idée. » Mon père, je pense qu'il n'a pas oublié lui. Il doit se dire « Oui, oui, tu vas voir dans quelques années » .
- Speaker #1
Donc, tu penses que ça change quelque chose aussi, peut-être de... savoir déjà ce que c'est. Est-ce que ça facilite le choix de faire sa vie avec un agriculteur ?
- Speaker #0
Alors, je dirais oui et non, parce que si on prend l'exemple, par exemple, de l'ancienne conjointe de mon mari, elle était aussi fille d'agriculteur et en tant que juste ouvrier, elle l'a très mal vécu. Et c'est vrai que Clément, quand on s'est mis ensemble, s'est un peu interrogé en se disant « Ah, moi, je lui ai dit, écoute, ça va très bien de toute façon, mais j'ai toujours travaillé dans l'agricole. » Mon père est viticulteur, je sais dans quoi je m'embarque, si ça ne me plaisait pas, on n'entamerait pas du sérieux. Je pense que ça m'a aidé à me préparer aussi, et le fait d'en discuter beaucoup, parce que même quelqu'un qui n'est pas issu du milieu agricole, je pense qu'elle peut se mettre en couple avec un agriculteur, mais avec beaucoup de communication pour dire, écoute, là il y a des impératifs, écoute, en fait c'est comme ça, moi je peux me dégager du temps à ce moment-là, il va falloir qu'on trouve notre roulement.
- Speaker #1
J'ai découvert tout ça, donc c'est aussi tout le sujet et le fruit de cette discussion. Il fallait bien qu'à un moment donné, même si ce soir c'est des filles d'agriculteurs, qu'on parle aussi un peu de ça, bien sûr.
- Speaker #2
Moi, je n'ai pas eu l'appel de la terre du tout, parce que Max, il n'est pas du tout issu du milieu agricole et il ne travaille pas non plus dans le milieu agricole. Je vis quand même la contrainte de ses horaires très intensifs parce qu'il reprend l'entreprise familiale. Donc en fait, c'est pareil, je ne le vois pas beaucoup. Mais par contre, oui, j'ai plaisir à retourner de temps en temps sur l'exploitation, voir mon frère, voir mon papa qui travaille encore. Je ne peux pas dire que ça me manque au quotidien, non. Je n'ai jamais été si proche que ça de la terre. Mais oui, j'ai plaisir à y retourner, même si ma vie a fait que je me suis un petit peu coupée de tout ce milieu-là.
- Speaker #1
Plutôt sur le côté résilience d'une fille d'agriculteur, de se dire « je suis en couple avec quelqu'un qui bosse énormément » . J'accepte plus facilement parce qu'en fait, j'ai vu mon papa tout donner sur son exploitation familiale. Donc, le fait qu'il reprenne quelque chose qui vient de son papa et puis qu'il travaille dans un domaine qui demande beaucoup de travail, peut-être que tu l'acceptes plus facilement parce que t'es fille d'agriculteur.
- Speaker #2
On se conditionne.
- Speaker #1
Ouais, ok.
- Speaker #2
Je ne dis pas que je l'accepte, ce n'est pas évident tous les jours, mais on se conditionne, oui, on fait avec.
- Speaker #3
Et du coup, pour vous répondre sur la partie croustillante qui est la partie amoureuse, Quand on veut devenir agricultrice...
- Speaker #1
Tu n'es pas obligée de tout nous dévoiler, Mathilde, t'inquiète pas.
- Speaker #3
Je ne vais pas tout dévoiler. Moi, c'est un vrai sujet, franchement, qui m'a beaucoup fait réfléchir, etc., sur quel type de personne je veux. Je ne serai pas que agricultrice, parce que même quand je serai agricultrice, je vais cumuler, parce que je vais aussi garder l'agence qui s'appelle Jeune Pouce. Donc, je risque d'être beaucoup occupée et en même temps, moi, je reste persuadée que j'ai déjà beaucoup travaillé, même si je ne suis pas si vieille que ça, et j'ai envie d'avoir une belle vie, honnêtement. Et je suis persuadée qu'on peut être agricultrice, entrepreneuse aussi et avoir du temps libre. Mais effectivement, la personne qui sera avec moi dans ce projet, alors même si elle ne sera pas dans le projet d'un point de vue travail, il va falloir que cette personne accepte que je rentre tard ou que je parte tôt ou qu'il y ait des imprévus. que j'annule au dernier moment, que j'arrive en retard, etc. Donc ça, je pense que c'est hyper important de le souligner. Est-ce que... Ça m'a fait rire, Marion, quand tu nous as envoyé les petites questions en amont, en disant, est-ce que vous êtes en couple avec un agriculteur ? Moi, c'est un peu compliqué, du coup, parce que ça voudrait dire qu'il ne doit vraiment pas être loin de chez moi. Je l'ai déjà été en étant plus jeune, et je vous assure que même en étant avec un agriculteur, il ne comprend pas forcément le fait... peut-être beaucoup occupé. Enfin, c'est qu'une question de mentalité. Donc, moi, je sais que je préfère être avec quelqu'un qui n'est pas forcément issu du milieu pour, en fait, le soir, ne plus parler travail. Si tout le monde commence à parler d'agriculture tout le temps, moi, j'en parle déjà beaucoup. C'est mon métier, c'est mon futur métier aussi en plus. C'est aussi mon loisir. Du coup, un peu, on va dire, entre guillemets, en ce moment. Il y a un moment, il faut aussi parler d'autres choses. Ou alors, ça voudrait dire être avec quelqu'un, certes, dans le milieu agricole ou dans le parc agricole, mais qui a une ouverture d'esprit sur autre chose aussi.
- Speaker #1
C'est super intéressant d'entendre ces paroles-là d'une future agricultrice, parce que moi, c'est aussi des choses que j'ai de mon conjoint, qui me dit que c'est ce que j'aime aussi beaucoup, c'est de te faire découvrir. C'est aussi un peu le côté naïveté, de ne pas être de ce milieu-là et de s'y intéresser, et d'ouvrir sur plein d'autres sujets aussi. Oui, trop chouette. Merci. Mélodie, Angélique, vous aviez peut-être des choses à nous dire sur ce sujet-là ?
- Speaker #4
Moi, je n'avais jamais dit un agriculteur. Du coup, je me suis trompée. Voilà.
- Speaker #5
Moi, je me souviendrai de mon père. J'ai adoré, ma grand-mère me disait, « Mais en fait, toi, tu as un tel plaisir à vivre la vie de la ferme que tu seras forcément avec un agriculteur. » Quand ma grand-mère m'a dit ça, quand elle avait raison, je me suis dit, « Non, mais arrête, mais c'est impossible. » Et quand j'ai rencontré Nicolas, tout de suite, on est plus des amis en commun. Je pensais qu'il était ingénieur, architecte, avocat, enfin je ne sais pas, un truc comme ça. Et puis un jour, j'ai une copine qui me dit « Tu sais ce qu'il fait dans la vie ? » Je dis « Ben non, il est agriculteur. » « Ah bon ? » « Ouais, tu finiras avec un agriculteur. » Et vous vous êtes mariés l'année dernière. Et voilà.
- Speaker #0
Ah moi aussi tu me donnes l'année dernière
- Speaker #5
Donc, je ne le savais pas il y a 12 ans, mais maintenant, je pense que c'était peut-être, je dis toujours, un signe de ma grand-mère. Et souvent, je pensais, je me disais, en fait, elle avait tellement raison. Et pourtant, moi, du haut de mes 13 ans, je ne voulais pas y croire.
- Speaker #1
Et Mélodie, toi, quand tu disais jamais un agriculteur, c'était pour quelles raisons ?
- Speaker #4
Pour tout ce qui était les contraintes. Après, je ne connaissais que l'agriculture élevage. Et je ne voulais pas revivre ça. Et en fait, mon conjoint, c'est quelqu'un que je connais depuis qu'on est tout petit. Et je sais très bien qu'il allait reprendre la ferme de ses parents, tout ça, tout ça. Et c'était hors de question, moi, que je subisse encore les traites tôt le matin, le soir, le Noël, où il faut attendre devant les cadeaux parce qu'il n'a pas fini son boulot. Ça, c'est vraiment le pire souvenir que j'ai à cause de l'élevage. Et je ne voulais pas revivre tout ça. Et voilà où on en est aujourd'hui, quoi. Il y a cinq enfants qui attendent devant les cadeaux.
- Speaker #1
Oui, mais c'est différent parce que tu as mené ton projet. C'est ça qui est vachement chouette, c'est que du coup, vous avez quand même une famille nombreuse et toi, tu as créé ton projet sur l'exploitation, etc.
- Speaker #4
Oui. Ah non, mais je suis très fière d'être revenue. Tu me posais la question il y a 20 ans, je t'aurais dit, jamais un agriculteur.
- Speaker #1
Oui, oui, OK. Vous avez toutes construit votre chemin à votre manière, mais il reste toujours cette question de transmission, de ce qu'on garde, de ce qu'on transforme, de ce qu'on voudrait laisser, nous, à notre tour. qu'est-ce que vous avez gardé dans vos valeurs de cette éducation agricole ?
- Speaker #3
Moi, c'est la niaque. Franchement, mon père, ça me fait rire parce qu'on a un peu le même caractère avec mon père, et j'ai l'impression que je le comprends de plus en plus. C'est quelqu'un de très stressé, de très vif. Bon, il vieillit, mais il est quand même très vif. Il est toujours dans le fait d'avancer, dans la niaque, etc. Et moi, je pense qu'il m'a vraiment inculqué ça. Et ma mère me fait rire parce qu'elle me dit « Mais tu ressembles de plus en plus à ton père. » Donc je ne sais pas toujours comment je dois le prendre, mais je le prends quand même positivement parce que moi, je suis persuadée que c'est grâce à lui que j'ai réussi à me mettre à mon compte, que j'ai eu cette vision-là, etc. Et d'ailleurs, je suis très contente d'avoir été à mon compte avant de reprendre la ferme. Donc moi, c'est vraiment ça que je garderai.
- Speaker #0
Il me fait trop rire, Mathilde, parce que c'est exactement ça. Je me suis reconnue plus que jamais. Ce que tu viens de dire, moi, je pense que c'est ça. C'est ce qui m'a été transmis et que j'aimerais transmettre à ma fille. C'est cette volonté d'avoir toujours la niaque. Et se dire que même si on échoue, on recommence, on continue. La vie, elle ne va pas s'arrêter. Et justement, l'échec fait partie de l'apprentissage et ça va nous permettre de passer outre ça. Totalement d'accord. Comme tu l'as dit, ma mère me fait exactement la même réflexion.
- Speaker #1
Élise, peut-être aussi sur cette notion de travail, non ? Tu as un métier qui est quand même aussi très prenant. Je ne sais pas ce que tu allais nous dire.
- Speaker #2
La passion du métier, c'est la première chose que j'allais dire. Mon père est autant passionné par son exploitation que je le suis par mon métier. Ça, c'est clair et net. Et puis, j'allais dire aussi la débrouillardise. Je trouve que si on se pose une question, il ne va pas nous donner la réponse tout de suite. C'est trop facile. Il va nous pousser à réfléchir, à émettre des hypothèses. Je trouve que notre père, il nous a beaucoup inculqué ça. La débrouillardise, il a de l'or dans les mains, il a su nous transmettre ça. Nous, on a refait les travaux de notre maison quasiment tout seul à 100% l'année dernière. Il nous a beaucoup aidé, mon papa, mais je ne me serais pas lancée dans ce projet-là s'il n'avait pas été en soutien derrière et s'il ne m'avait pas transmis cette fibre d'essayer de faire soi-même et d'y parvenir surtout.
- Speaker #1
Est-ce que vous aviez d'autres choses à nous dire sur ce côté éducation à la ferme ?
- Speaker #5
Moi, je retiens pas sur tout. J'ai toujours vu, alors ça c'était peut-être plutôt mes grands-parents, mais l'entraide à l'éco. Ça, c'est quelque chose qui m'a toujours beaucoup marquée. Même s'il y a aussi des tensions. Clairement, tous les amis ne s'entendent pas. Il y a souvent des tensions sur des parcelles, sur des façons de faire. Enfin voilà, il y en a un qui est dans la mouise, tout le monde est là. Je l'ai vécu, enfin... à travers mon mari il y a 6 ans, tout le village était là. J'ai vu que oui, ça existait encore, ce n'est pas quelque chose qui était vrai pendant les années 50, c'est encore vrai aujourd'hui, et c'est vraiment ce que j'ai envie de transmettre à mes enfants, de me dire, soyez là, pas seulement entre agris, mais pour les autres, rendez service, sans toujours être la bonne part non plus, mais je pense que cette entraîne dans le milieu agricole, c'est quelque chose qui est quand même très puissant.
- Speaker #1
Et tout à l'heure, on parlait de la place des femmes quand vous étiez enfant sur la pierre. Qu'est-ce que vous pensez de la place de la femme à l'heure actuelle, en tant que fille d'agriculteur, femme d'agriculteur ou agricultrice ou future agricultrice ? Qu'est-ce que vous pensez de l'évolution de la vision et de la place de la femme dans le milieu agricole ?
- Speaker #5
Alors moi, pour ma part, comme mon grand-père l'a fait à l'époque, mon mari me demande beaucoup, beaucoup de questions. des conseils oui et non, mais il me demande souvent mon avis sur certains points. Après, il y a l'agriculteur, mais il y a également une entreprise de travaux agricoles, donc ça veut dire moisson, ça veut dire préparation de sol, ça veut dire énormément de chantier pour d'autres agriculteurs. Et souvent, il me pose des questions, et c'est vrai qu'après, moi, je suis très, très impliquée, même si je ne suis pas agricultrice moi-même, mais c'est moi qui gère toute la partie administrative et de l'entreprise, de travaux agricoles et de l'exploitation. Et clairement, forcément, je suis obligée de... sans être agricultrice, je suis dedans quand même. Et voilà, il a cette fierté de dire « Non, non, non, non, c'est pas moi, c'est ma femme, c'est elle qui gère tout. » Donc, je pense que oui, les femmes dans le milieu agricole ont quand même une place qui a évolué. Je ne sais pas, parce que moi, j'ai toujours vu dans ma famille, les femmes avoir leur mot à dire, entre guillemets. Je pense clairement que il y a un commercial, une fois, qui a voulu vendre un tracteur à mon mari pour la petite anecdote. Donc l'affaire était presque signée. Le commercial se tourne vers moi et me demande ce que j'en pense. Donc je lui réponds, voilà, c'est à mon avis décidé. Et là, il me dit, je m'adresse à vous parce que l'affaire est à 50% gagnée si j'ai la femme dans la poche. J'ai trouvé ça flatteur parce que je me suis dit, voilà, on tient compte de la parole des femmes.
- Speaker #2
On voit de plus en plus de femmes sur les tracteurs qui conduisent des gros engins. Moi, quand j'étais plus jeune, de temps en temps, je conduisais une benne à la moisson, admettons. C'était de plus en plus monnaie courante, clairement.
- Speaker #4
Oui, moi, je rebondis là-dessus. Nous, on a une salariée qui a toujours fait le travail, enfin tous les travaux, le soin aux animaux, le tracteur, la mécanique, elle fait tout. Et c'est une fille, et on a pris une apprentie cette année. Et c'est pareil, elle a attaqué en septembre et elle est dans les champs, dans les tracteurs. Et elle a tout juste 18 ans et elle est hyper à l'aise.
- Speaker #3
Moi, je trouve que l'image sur les femmes, elle a changé. Déjà, quelle différence ça fait, honnêtement, d'être une fille dans une ferme ? On ne va pas se mentir, c'est la force physique. Mais du coup, il faut qu'on soit beaucoup plus smart et intelligente. Moi, combien de fois il y a une porte que je n'arrive pas à ouvrir parce qu'elle est lourde ou quelque chose que je n'arrive pas à porter, etc., etc., je me dis toujours, si je n'y arrive pas, c'est qu'il faut changer de méthode. En fait, on y arrive et je pense que moi, le ressenti que j'en ai, c'est que les agriculteurs hommes ont clairement une bonne image des agricultrices ou des personnes qui sont dans le domaine agricole. Ils l'acceptent et même certains agriculteurs hommes, il faut le savoir, préfèrent avoir des salariés femmes parce qu'elles sont plus patientes, notamment dans l'élevage, ou même plus douces pour la conduite d'engins aussi d'ailleurs, sur la route, etc. Elles font plus attention. Et par contre, moi, ce que j'ai toujours ressenti, c'est que quand j'arrive à un lieu complètement hors agricole et que je dis que je vais devenir agricultrice, on me fait toujours des gros yeux en disant « Ah bon, toi, tu veux devenir agricultrice ? Pourtant, tu es une femme, pourtant, tu es féminine, pourtant, voilà. » Et je trouve que, sincèrement, l'image dans l'agriculture sur la femme a changé. Mais hors contexte agricole, il y a encore du travail à faire.
- Speaker #1
Oui, mais c'est vachement intéressant ce que tu dis, parce qu'en plus c'est un peu Tu vois, j'avais une nana qui me disait le contraire, quoi. Elle a déjà eu des refus d'être salariée parce que c'était une fille. Et il lui a dit. Il y en a aussi,
- Speaker #3
bien sûr.
- Speaker #1
Mais donc, prendre un regard différent, c'est super enthousiasmant, en tout cas.
- Speaker #0
Non, mais moi, je rebondis, en fait, sur tout ce que vous avez dit, d'un point de vue interne à l'agricole. Moi, je ne me suis jamais sentie exclue. Au contraire, on m'a toujours dit, il y a toujours eu des femmes. Alors, évidemment, pas reconnues, vraiment, conjointes collaboratrices. Et encore, des fois, c'était même pas ça. et la vie des femmes avait toujours été importante et je rejoins ma tilde moi c'est surtout sur les autres corps de métier on m'a dit une femme c'est pas agriculteur en fait ça c'est pas gérer une entreprise alors les gars si on sait gérer un foyer on sait gérer une entreprise faut arrêter là aussi mon ancien patron chez qui j'étais avant de partir en Dordogne donc qui était un viticulteur aussi m'avait dit comme ça une fois il fait moi je préfère 100 000 fois avoir des filles parce que vous êtes Merci. plus consciencieuse dans votre tâche. Et c'est vrai que moi, je l'ai remarqué, alors là, tous les viticulteurs hommes vont me détester, mais les femmes, je dis la vraie, on taille mieux. On taille mieux parce qu'on fait attention, on n'y va pas comme des bourrins. Et en plus, je ne sais pas si c'est le fait de vouloir bien faire pour montrer aussi que nous, on en est capable, mais je pense qu'on se met plus la pression que certains gars.
- Speaker #3
Malheureusement, moi, je me suis toujours dit qu'il fallait prouver deux fois plus en étant une femme. Peu importe le domaine, d'ailleurs.
- Speaker #1
On parlait de ce rapport à la terre, tu l'avais pas mal abordé aussi, alors que tu n'y es plus directement liée à l'heure actuelle. Pour celles qui ont des enfants ou qui en auront, évidemment, n'hésitez pas à prendre également la parole sur ce sujet. Est-ce que vous aimeriez qu'ils reprennent l'exploitation à leur tour ? Quelle est votre vision de la transmission ?
- Speaker #4
Moi, je garderai la réponse que je t'avais donnée dans le témoignage, dans le podcast qu'on a enregistré toutes les deux. Ils font ce qu'ils veulent, libres à eux de faire ce qu'ils veulent. Il n'y a aucune pression là-dessus. On sera certainement très fiers s'ils reprennent et certainement très fiers s'ils font un autre métier.
- Speaker #0
Moi, je te rejoins totalement. Elle fera bien ce qu'elle veut. Là, à l'heure actuelle, elle a trois ans et demi. Elle a le temps de vouloir devenir princesse, astronaute, agricultrice, vétérinaire. Voilà. Là, on sait que les vaches, ça lui plaît. Si elle veut y aller, mais qu'elle y aille. Même si, je ne sais pas, un jour, elle veut... d'avoir l'idée de jouer de la harpe et de rentrer au conservatoire, on la soutiendra de la même façon, il n'y a pas de raison. Ce que j'aimerais par contre pour nos enfants, c'est que les transmissions soient tellement puissantes. On aura bossé toute notre vie, nous, pour avoir ça. Et franchement, c'est ce que je souhaite pour tous ceux qui veulent reprendre, que ce soit des enfants d'agriculteurs ou pas, parce que des fois, on peut faire des portages hors contexte agricole et aimer la personne qui va reprendre, c'est OK aussi. je pense que Moi, j'ai su développer des affinités avec mes maîtres de stage. J'aurais voulu reprendre si les enfants ne reprenaient pas. Je pense que ça ne leur aurait pas posé problème. Et j'espère que si mes enfants ne veulent pas reprendre, qu'on trouve une personne avec qui on tisse un lien. Ce ne sera pas de la famille, mais presque, et qu'on puisse les accompagner au mieux dans la transition. Parce que ça restera une personne qu'on aura appréciée de cœur. Et quand c'est comme ça, je pense qu'on est content que ce soit repris par des gens. qu'on a su découvrir au fur et à mesure.
- Speaker #5
Je rejoins ce que mon bébé et Camille disaient, ils feront bien ce qu'ils veulent, de toute façon on sera fiers d'eux. Mais je sais et je pense que mon fils de haute c'est 8 ans et demi, déjà il est complètement piqué. L'agriculture c'est la vie, l'école ça sert à rien. Sauf que ça il faut encore qu'il l'apprenne, parce qu'être agri aujourd'hui c'est pas comme il y a 50 ans, encore une fois. Alors oui ce sera une fierté s'il reprend clairement, mais ce sera tout autant une fierté s'il fera autre chose. Après, je pense que comme disait Camille, si c'est une personne de laquelle on est très proche qui reprend, c'est tout aussi important. Mais voilà, moi, ma fille, elle me dit souvent « je ne veux pas être agricultrice, mais je vais peut-être laisser un pied dedans, je ne sais pas trop ce que je vais faire » . Je lui dis d'accord. Mais mon fils, lui, clairement, c'est agriculteur, c'est non négociable, il veut déjà réserver sa place au lycée agricole. Enfin voilà, alors peut-être qu'il y en a déjà plein qui ont envie de changer. Et quand on le voit, je crois pas.
- Speaker #3
Moi, j'ai trop aimé ce qu'elle a dit, Camille, effectivement. Moi, j'ai un peu la même... En fait, je trouve que c'est un peu tôt, parce que je n'ai pas d'enfants, je ne suis pas encore installée. Mais je me suis toujours dit que jamais je forcerais mes enfants à... faire quoi que ce soit. Il ne faut pas projeter notre vie sur des enfants, ça c'est mon avis général. Le plus important, c'est qu'ils soient heureux. C'est cliché de dire ça, mais moi c'est mon but de vie. Donc j'espère que mes enfants seront heureux aussi. Et par contre, oui, ça fait toujours mal au cœur de voir la ferme partir. Et je trouve que c'est une très bonne idée de se dire potentiellement, effectivement, faire une transmission avec quelqu'un qu'on apprécie réellement, l'aider, l'accompagner. Et puis, tout bêtement, quand on sera dans nos vieux jours, on pourra quand même passer sur la ferme, etc. Il y a la famille et puis il y a aussi des personnes qui deviennent des membres à part entière de la famille.
- Speaker #1
Et je pense que ça, c'est aussi un changement de mentalité global. De toute façon, ça n'est pas que lié au monde agricole, mais de se dire qu'ils ne seront pas contraints de faire tel ou tel métier, même si sur le regard agricole, il y a aussi peut-être le fait de connaître les contraintes. et les joies du métier à l'avance et donc être beaucoup plus lucide sur ça, même si c'est un métier qui change et qui évolue très vite aussi. Alors du coup, vous représentez toutes les facettes de ce qu'est aujourd'hui le monde agricole, multiple, féminin, complexe, passionné. Si on regarde vers l'avenir, si vous pouviez adresser un message aux jeunes filles qui grandissent aujourd'hui dans une ferme, qu'est-ce que vous leur diriez ?
- Speaker #0
De faire leur place. Il n'y a aucun... honte à être une fille à l'heure actuelle et clairement de ne pas lâcher l'affaire. Si elles ont envie d'y aller, qu'elles y aillent. Il y a plein de gens qui vont leur dire « Oh, mais tu n'y arriveras pas. » Ne les écoutez pas, ils ne sont pas à votre place. Ils ne savent pas de quoi vous êtes capable. Foncez, foncez, échouez, puis relevez-vous et refoncez parce que dans tous les cas, vous serez forcément fiers d'avoir fait ce que vous avez fait. Vaut mieux avoir quelques échecs et réussir que regretter toute sa vie.
- Speaker #4
On ne peut plus rien dire après.
- Speaker #5
Moi, je dirais qu'une femme et une fille qui voudraient faire sa place, elle a tout autant de possibilités et de droits que le père canardier. Il n'a pas de raison. Moi, je dis souvent, j'ai ma tante qui est à l'âge de 16 ans, qui fait l'exploitation familiale. Mon grand-père, il a absolument un fils, il a eu cinq filles. Il s'est dit, c'est fichu, je vais devoir vendre une exploite. en fait, une demi-tente à repli, et du haut de ses 65 ans, elle gère encore son exploitation. Et elle n'a eu besoin de personne, parce que, malheureusement, elle est restée célibataire toute sa vie, mais elle dit toujours, je l'ai fait à la force de mes bras, à la force de mon mental, et j'y suis arrivée. Donc, si moi, j'y suis arrivée, il y en a d'autres qui y arrivent non, et ce n'est pas parce qu'on est une femme qu'on ne peut pas, et que surtout, personne n'a le droit de vous dire que non, vous n'y arriverez pas.
- Speaker #1
Mais tu vois, moi qui ne suis pas du tout du milieu agricole, Merci. C'est quelque chose que je me dis aussi plus tard, j'ai une fille et un petit garçon juste derrière. Je me dis, j'ai hâte de voir ce que vont me dire les gens, ce qu'ils vont me dire alors, ils reprennent ou pas, et de casser un peu ce côté-là. J'en rigolais déjà, en fait, quand j'avais que Clarence, où je disais, eh bien voilà, la future patronne de la ferme. J'ai déjà fait cette blague-là tout au début et tout, mais j'ai hâte de voir, en fait, les regards qu'il y aura là-dessus et si vraiment il y aura des personnes qui me diront ça ou si, en fait, il n'y aura même plus besoin de casser. ces clichés-là, parce que ça se sera fait aussi avec le changement de mentalité, l'ouverture d'esprit sur ça, qui, moi, je trouve, se voit et vraiment se ressent, en tout cas, au quotidien, là-dessus. Mais j'ai hâte de voir, en tout cas. Peut-être que mon côté un peu provoque aussi, mais j'ai hâte de voir ce que ça donnera, oui.
- Speaker #3
En fait, c'est ça, c'est qu'il ne faut pas se mettre à la place qu'on nous donne. Il faut prendre celle qu'on a envie de prendre. Et c'est totalement ça. Enfin, comme je disais... Mon père, je pense qu'il avait un peu plus misé sur mon frère au préalable. Et en fait, il s'est rendu compte que ça serait sûrement moi qui reprendrais plus tard. Mais les autres, c'est pareil. Et même dans les tics de langage, dans les habitudes de langage qu'on peut avoir, dire « Ah bah, est-ce qu'il a un fils ? » Est-ce qu'il a un fils dans ce qui signifie « Est-ce qu'il y aura quelqu'un qui reprendra derrière ? » Et moi, à chaque fois, je reprends mon père ou même d'autres personnes et je dis « Mais attends, une fille peut aussi reprendre. » Voilà, et c'est vrai que ça, c'est important.
- Speaker #1
Pour conclure cet échange tout ensemble, je vous propose un dernier petit tour de table final. Pourriez-vous chacune me donner un mot, une image ou une émotion qui résume votre lien à l'agriculture aujourd'hui ?
- Speaker #3
La fierté pour moi.
- Speaker #0
Moi, ce sera l'amour. L'amour de tout, l'amour de mes parents. Même si on n'a pas eu des moments faciles, mon papa avait des contraintes. Ce que je retiens, c'est clairement l'amour, déjà du foyer, l'amour de la terre et l'amour... Du coup, avec mon mari qui est agriculteur et ma fille, pour moi, c'est vraiment une continuité. C'est l'amour, le lien avec tout ça.
- Speaker #4
La passion pour moi.
- Speaker #5
Moi, je ne vais pas être très originale, mais je vais dire comme il dit, parce que c'est vraiment une fierté. Moi, je suis fière de dire que oui, j'ai besoin d'entendre le bruit d'un tracteur tous les jours. Oui, j'ai besoin d'aller voir les vaches de mon voisin tous les jours. Parce que oui, c'est une fierté et je pense que l'agriculture a encore de beaux jours devant elle et on ne peut qu'être fière de faire partie de ce milieu-là.
- Speaker #3
Moi, je voulais dire comme Mélodie, je voulais dire passion. Et je me suis dit, je suis sûre qu'il y en aura une qui va dire passion. Et donc du coup, en même temps, j'ai réfléchi plutôt à ambition. Moi, ce qui m'a mis dans l'agriculture, c'est la passion. Mais je pense qu'il faut quand même être terre à terre et en fait, on le voit de plus en plus. Les personnes qui s'installent sur des exploitations agricoles, ce sont des chefs d'entreprise. Ils sont terre à terre sur les chiffres, etc. On ne peut pas être bénévole, honnêtement. Ce n'est pas viable sur le long terme, ni vivable. Et du coup, oui, moi, je dirais ambition, parce que je pense que l'agriculture a de beaux jours devant elle, ou en tout cas, la nouvelle génération qui arrive, et même les personnes actuelles. En fait, il y a tellement de choses qui ont changé que, ouais, ambition, ça me parle bien.
- Speaker #1
Trop chouette. Merci à toutes pour vos voix et vos histoires. Ce soir, on a vu qu'être fille d'agriculteur, c'est une histoire de vie, de choix et surtout de lien. Ce soir, on a ouvert la série Paille et Paillettes avec un premier épisode consacré aux filles d'agriculteurs. Cette table ronde, c'est aussi l'esprit du podcast, donner la parole à celles qu'on entend peu, mais qui font vivre à leur manière le monde agricole. Et puis Paille et Paillettes, ce n'est qu'un début. Je vous prépare plein d'autres tables rondes sur différents thèmes dans les prochains hors-série. Merci à vous qui nous écoutez. N'hésitez pas à découvrir les épisodes de témoignages de femmes d'agriculteurs et à suivre le projet du podcast sur les réseaux sociaux. A bientôt ! Et pour suivre l'aventure au quotidien, retrouvez-moi sur les réseaux sociaux et surtout sur Instagram où je suis très active. N'hésitez pas à vous abonner, liker, partager. C'est grâce à vous que ce projet prend forme et qu'il peut continuer à grandir. Et mesdames, si vous avez envie de raconter votre histoire, rejoignez-moi dans un prochain épisode. A bientôt !