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Parlons Chansons, avec Viktor Lazlo - Une artiste totale, de la chanson à la littérature. cover
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Parlons Chansons – chanson française, artistes et découvertes musicales

Parlons Chansons, avec Viktor Lazlo - Une artiste totale, de la chanson à la littérature.

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40min |18/04/2025
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Description

Dans cet épisode de Parlons Chansons, j'ai l'honneur de m'entretenir avec la talentueuse Viktor Lazlo, chanteuse, comédienne et autrice, à l'occasion de la sortie de son septième livre, Mon cœur bruyant. Ce podcast musique vous invite à découvrir les coulisses de la carrière d'une artiste qui a su laisser la vie la mener vers son destin et qui a marquer la scène musicale française, depuis "Canoë Rose" jusqu'au sublime "Suds", son 13ème album.


Dans ce nouvel épisode de Parlons Chansons, vous aurez l'occasion d'entendre Viktor nous parler de ses influences musicales, de ses racines, des sujets qui l'habitent en chansons et en littérature, de ses projets, de ses collaborations avec des auteurs et compositeurs : de Boris Bergman à Khalil Chahine, d'Alain Chamfort à Bernard Lavilliers, de Françoise Hardy à Serge Gainsbourg , ainsi que de l'importance cruciale des textes et des mélodies dans la chanson. Viktor nous offre aussi des recommandations musicales précieuses :


Antoine Elie www.youtube.com/@AntoineElieOfficiel


Kerenn Ann www.youtube.com/@kerenannmusic


Bernard Lavilliers en Symphonique https://youtu.be/-xcjq4nPKmQ?si=JjXGVD9qDgpXvenV


Ne manquez pas cette occasion de découvrir son dernier album Suds https://youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_nxmpVZKCKD7sP0_Kaq5nJ58As4kZErPSM&si=X9iBgC4SXeBRJi99


et d'en apprendre davantage sur ses projets littéraires.


Mon coeur Bruyant est disponible aux Editions Grasset


À travers cet épisode, vous comprendrez pourquoi la voix des femmes est si importante dans la chanson française et comment elles contribuent à la diversité et à la richesse de ce domaine.




Merci d'avoir écouté cet épisode.

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Instagram : instagram.com/providence.prod

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Parlons Chansons. Dans chaque épisode, on déroulera la bande-son en français dans le texte de la vie d'une personnalité qui nous parlera de son actu, de ses projets et qui partagera ses derniers coups de cœur, des pépites méconnues de la chanson française qu'elle a envie de mettre à l'honneur. Je suis Ausha Delanoë, auteure, comédienne et chanteuse. Mais ça, vous ne le savez pas, puisque mon podcast n'existait pas avant et que personne n'a eu l'occasion de vous parler de moi. Sauf que maintenant... Ça va changer et j'ai envie de donner cette chance à plein d'artistes. Alors, si la chanson française, ça vous parle, restez avec nous et parlons chansons. Ce n'était pas l'année dernière, ce n'était pas à Marine Bad, c'était il y a quelques jours sur une terrasse parisienne que mon invité m'a fait l'honneur de me recevoir, malgré des pollens cruels qui m'ont forcé à quelques coupes un peu sauvages dans l'entretien. Chanteuse, comédienne, autrice et même chevalier des arts et lettres, je la rencontre à l'occasion de la sortie de son septième livre. Mon cœur bruyant, édité chez Grasset. De Lorient à Paris, de Bruxelles à la Martinique, je suis fière de partager ce voyage en musique avec Victor Laszlo. Déjà, je voulais vous remercier de m'accueillir. C'est très gentil de votre part d'avoir accepté cette invitation. Ce n'est jamais que le troisième épisode de mon podcast, donc je suis toujours flattée quand quelqu'un accepte mon interview. Et je vais commencer direct par la première question que je pose à tous mes invités, qui est... pour vous, ce serait quoi la définition de la variété française ?

  • Speaker #1

    Je déteste le terme de variété. C'est une terminologie qui est fausse, qui est une espèce de tiroir dans lequel on a fourré toutes sortes de choses, de musiques qui n'appartenaient ni au classique, ni au jazz, ni à la country, ni au rock. Et on a fourré tout ce qui restait. C'est une terminologie qui n'existe pas aux Etats-Unis, par exemple. Alors qu'il y a du mainstream aux États-Unis. Il y a aussi ce genre de musique à écoute, plus facile peut-être, avec une musicalité peut-être plus simple, très reconnaissable, avec des mélodies très reconnaissables qui entrent facilement dans les esprits. Donc je pense qu'effectivement la variété c'est... malheureusement un fourre-tout.

  • Speaker #0

    Ce serait quoi le terme idéal alors, si on devait en trouver un ?

  • Speaker #1

    S'il faut absolument adjoindre le terme de français, l'adjectif français, j'aime pas non plus la musique légère, parce que c'est pas... Je cherchais tout à l'heure le nom d'une chanteuse qui a fait de la musique tout sauf légère et qui pourtant appartient à la variété française. Je ne sais pas. Franchement, je ne sais pas quelle terminologie j'emploierais, mais j'aime la chanson française. J'aime tout simplement la chanson française. Et ça permet de juxtaposer tout ce qui est chanson à texte, chanson plus, je ne sais pas moi, plus...

  • Speaker #0

    Populaire ?

  • Speaker #1

    Oui, mais chansons à texte sont souvent populaires. Oui, c'est vrai que ça permet de juxtaposer plusieurs styles en évitant les comparaisons avec tous les autres domaines périphériques. De manière générale, je n'aime pas les catégories.

  • Speaker #0

    Très bien. Donc, effectivement, dans ce podcast, on parle chansons et chansons françaises en particulier. Vous, vous êtes de parents martiniquais et grenadiens. Est-ce que, pour autant, dans votre enfance, on écoutait plutôt des chansons, je dirais, tropicales ou des Amériques ? Ou aussi de la chanson française ?

  • Speaker #1

    Dans ma famille, on écoutait de la musique classique et du jazz. Voilà, c'est tout ce qu'on écoutait. Mon père était un fan de jazz, un fan de musique classique. Ma mère, quand elle l'a rencontrée, aimait évidemment la chanson. Elle aimait beaucoup Harry Belafonte. D'ailleurs, elle a épousé son sosie. Mais elle aimait les chanteurs à la mode à l'époque. Mais voilà, il faut se dire que ce sont des gens qui ont quitté leurs Caraïbes et leurs Antilles natales, et qui sont venus s'installer en France, puis en Belgique. Belgique, Paris, Lorient, Paris, la Belgique, c'est un grand écart. Et je pense que mon père avait toujours rêvé de devenir un musicien. Il a eu très brièvement un violon quand il était petit. Et il a un petit peu fermé la porte aux musiques d'origine, de même que ma mère. Et donc, nous avons été élevés avec de la musique classique. et avec du jazz. Et c'est moi qui suis... Quand je suis entrée à l'école européenne, j'ai fréquenté des jeunes, d'Italiens, des Hollandais, des Allemands, et surtout les Hollandais qui avaient une culture très anglo-saxonne, américaine et anglo-saxonne, et donc j'ai tout de suite été vers des musiques anglo-saxonnes. Et c'est simplement parce que ma sœur se faisait acheter un journal qui s'appelait Mademoiselle âge tendre, et moi aussi, enfin moi c'était Salut les copains. Il y avait un hiatus entre ce que je voyais dans mon Salut les copains et ce que j'écoutais. Je ne connaissais pas les gens que je voyais en photo. C'est fou. Oui, c'est assez bizarre. À l'exception, parce qu'on a eu un transistor, des petits transistors comme ça, on s'endormait avec. À l'exception de deux chanteurs que j'aimais beaucoup quand j'étais toute petite, c'était Vernique Samson. et julien clair qui s'éloigne en portant le tuyau

  • Speaker #0

    C'est des belles références.

  • Speaker #1

    Voilà, ça c'était mes...

  • Speaker #0

    Oui, donc pas trop les yéyés, pas trop justement, pas trop le côté...

  • Speaker #1

    Pas du tout,

  • Speaker #0

    pas du tout. Déjà des chansons relativement à texte et profondes en fait, parce que...

  • Speaker #1

    Pas qui avaient un sens, oui, sans doute. Et puis des belles mélodies.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est clair.

  • Speaker #1

    Mais bien du violon, je suis très très attachée à la mélodie.

  • Speaker #0

    Et à la musique en général, puisque j'ai lu violon, danse...

  • Speaker #1

    Danse, oui, en fait je voulais commencer.

  • Speaker #0

    Donc forcément musique classique ou danse plutôt moderne jazz ?

  • Speaker #1

    Oh vous savez quand on est petit on danse sur le chopin, c'est du piano, on a un répétiteur qui est pianiste, donc c'est essentiellement des chopins, un sens. Mais à l'école européenne... On avait formé un groupe de danseuses avec une amie, mon amie italienne, et là on dansait sur musique sur un temps présent. Ouais, c'était carrément moderne.

  • Speaker #0

    J'ai vu même une comédie musicale à 11 ans.

  • Speaker #1

    C'était ma première apparition scénique. On m'a choisie parce que j'étais à l'époque la seule, avec ma soeur, on était les seules filles de couleur, comme on disait. de l'école européenne et ils avaient monté la comédie musicale Evelyn France qui racontait l'histoire d'une jeune fille de couleur qui était dans un lycée ou dans une école pour blancs à l'époque de l'obtention des droits civiques, de la lutte pour les droits civiques. Et on m'avait demandé d'incarner le rôle-titre et je n'ai qu'un souvenir qui est lié à une photo et à un sentiment. C'est la chanson que je devais chanter toute seule devant le micro et le track évidemment absolument épouvantable, mais peut-être aussi la sensation d'une place, d'un endroit où je me sentais bien, paradoxalement. La scène.

  • Speaker #0

    Et pourtant derrière vous avez fait des études d'archéologie et d'histoire de l'art et vous n'êtes pas restée. resté spontanément dans la musique ?

  • Speaker #1

    Je pense que je n'osais pas, ou je n'y ai pas forcément pensé. J'avais décidé de pratiquer tous les arts quand j'avais 12 ans. Je peignais, je dansais, jouais du violon, j'écrivais déjà, mais je n'avais jamais envisagé que ça puisse devenir un métier à proprement parler. Et du coup,

  • Speaker #0

    vous vous dirigez vers... Quoi plutôt comme métier ? En fait,

  • Speaker #1

    c'est pas moi qui me dirigeais, c'est la vie qui m'a... Parce que je voulais... En fait, j'ai fait le concours... Je sais pas, c'est le concours des arts déco, de la rue d'Ulm. Mais mon amie a disparu, celle chez qui je devais loger, parce que mes parents vivaient en Belgique, a disparu, donc j'ai pas pu faire mes études à Paris. Je suis retournée en Belgique, et là, à Bruxelles, je me suis trouvée... Soit à l'Académie des Beaux-Arts où je me suis inscrite dans le mauvais examen. Donc quand je me suis rendue compte que ce n'était pas ce que j'avais à faire là, je suis partie. Je me suis retrouvée pendant un petit moment dans une école de dessin de mode, de stylisme, mais qui était trop... trop scolaire, j'avais quitté l'école, j'avais mon bac, je n'avais plus envie d'entrer là-dedans. Et en fait, c'est par laisser aller que je me suis retrouvée à l'Université libre de Bruxelles, parce que ma sœur y était, que j'avais plein de copains qui y étaient. Je me suis dit, après tout, je peux étudier l'histoire de l'art, c'est bien, on verra. De toute façon, je savais que je n'en ferais pas un métier.

  • Speaker #0

    Donc c'était plutôt, oui, la vie vous apportait...

  • Speaker #1

    En attendant, en attendant mon destin, on va dire.

  • Speaker #0

    Et le destin, il est arrivé... au moment où vous avez fait un petit peu de mannequinat, où là, ça a commencé à aller vers quelque chose de...

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. J'ai le fait de faire partie d'une agence de mannequins pendant un temps très court, correspondait au moment où j'ai commencé à sortir et à fréquenter un lieu nocturne où j'ai rencontré mon premier producteur. Lou. Lou de Precq, oui.

  • Speaker #0

    Lou de Precq. Et vous avez chanté dans son groupe, Lou and the Hollywood Bananas. C'était votre premier enregistrement, All Look At Me Now, c'est ça ? Ou alors le premier, c'était Backdorman pour le film de...

  • Speaker #1

    C'était mon premier enregistrement. Mais oui, je chantais les chœurs, quoi. Mais je n'ai jamais voulu être une bananase. Ça ne m'intéressait pas. Donc, encore une fois, c'était un... une marche de l'escalier vers ce qui m'attendait, vers ce qui était là pour moi. Je savais qu'il y avait un truc qui allait se passer. Et c'est comme ça que j'ai rencontré Alain Chanfort et qu'il m'a appelé pour me demander de chanter « Bad Omen » .

  • Speaker #0

    Et votre pseudonyme, il est arrivé quand dans cette période-là ?

  • Speaker #1

    Très tôt, avant l'enregistrement de Casanova, Locatmina. Oui, en fait, j'étais chez le producteur et nous regardions le film. Et puis tout à coup, on s'est regardé en se disant, c'est quoi ce nom ? Ce serait rigolo que je m'appelle comme ça. Et puis voilà, c'est sorti comme ça.

  • Speaker #0

    Oui, c'est d'autant plus drôle qu'effectivement, à la base, c'est vraiment le nom du mari d'Ingrid Bergman. Rien que le nom a créé une identité très forte. On ne pouvait pas passer à côté. J'étais petite, moi, quand est sorti Canot et Rose. Et Fleurée des rivières.

  • Speaker #1

    Viens pas boire dans mon verre, tu peux même pleurer des rivières, pleurer des rivières, j'en ai pleuré pour toi naguère.

  • Speaker #0

    avec des textes de Boris Bergman, qui a été un auteur quand même fondamental dans cette époque, où il y avait énormément d'auteurs, de compositeurs. Aujourd'hui, on est plus dans une mode...

  • Speaker #1

    Je suis tombée sur un des meilleurs, si pas le meilleur à l'époque. Oui,

  • Speaker #0

    parce que vous disiez tout à l'heure, vous donnez beaucoup d'importance aux mélodies, mais du coup, je suppose aussi que les textes, ça a un important...

  • Speaker #1

    En fait, Canoe Rose avait écrit un texte anglais qui parlait de « The leaves are floating and measuring down the lake » . Il parlait d'un lac, de tristesse, c'était une chanson mélancolique en anglais. Et donc, j'avais déjà une conscience très aiguë de... Je vous dis, je suis une littéraire, j'ai toujours écrit, toujours lu. On a une grosse bibliothèque à la maison et donc j'ai énormément lu et donc le texte est fondamental.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous pensez justement, puisque maintenant on a, ça fait quelques années maintenant, mais on a beaucoup d'auteurs-compositeurs-interprètes, est-ce que vous pensez que la chanson, en règle générale, a perdu d'avoir des gens qui font tout ? Est-ce que c'était mieux à l'époque où il y avait des auteurs et des compositeurs ?

  • Speaker #1

    Non, non, non, c'est très bien qu'il y ait des auteurs-compositeurs-interprètes, ils chantent ce qu'ils ressentent. Moi, c'est simplement parce que je n'osais pas. Il a fallu que Bernard Lavillier me pousse à écrire en français. J'écrivais en anglais, mais en français.

  • Speaker #0

    Une pudeur ?

  • Speaker #1

    Oui, trop grande pudeur. Et donc, c'est Bernard qui m'a poussé à écrire mes chansons en français.

  • Speaker #0

    Et vous avez commencé à écrire vos textes à partir de quel album à peu près ? Parce que dans le dernier, dont on parlera un petit peu tout à l'heure, c'est entièrement vos textes ?

  • Speaker #1

    Oui. J'ai commencé bien plus tôt.

  • Speaker #0

    « Mes poisons délicieux » en 91 ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y a des chansons sur « Mes poisons délicieux » .

  • Speaker #0

    En plus, vous avez collaboré avec énormément d'auteurs et de compositeurs formidables. On a parlé d'Alain Chanfort tout à l'heure, Serge Gainsbourg, Bernard Lavillier, François Zardy pour Claire Obscur avec Khalil Chahine déjà. Oui.

  • Speaker #1

    Une splendeur.

  • Speaker #0

    Oui. La plus belle de tout votre répertoire.

  • Speaker #1

    Oui, je trouve aussi. C'est vraiment une chanson absolument sublime. Je la chante encore chaque semaine. Claire, obscure, je n'aime rien tant que la venue qui les a de l'humour de sa distance.

  • Speaker #0

    Et vous aimez collaborer avec d'autres auteurs et d'autres compositeurs ou maintenant vous préférez vraiment écrire seuls vos textes ?

  • Speaker #1

    Je trouve que les textes sont assez indigents. Ceux qu'on m'envoie ces derniers temps sont vraiment indigents. Et puis bon, je pense simplement qu'il y a un moment dans la vie où on a besoin d'approfondir des chants qui sont les siens, qui sont de l'ordre de l'intime, et personne d'autre que soi ne peut le faire. En tout cas, peut-être. pas bien, mais en tout cas, de la façon dont on peut l'assumer.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    bien sûr. Et je n'ai pas toujours écrit comme ça, mais c'est vrai que depuis trois albums, depuis deux albums, depuis Debout, depuis Woman, c'est vraiment... J'ai envie de parler de certaines choses et j'en parle. Je ne vais pas demander à quelqu'un de m'écrire une chanson sur... Si, j'ai demandé à... Andine Gaspard de m'écrire une chanson sur les attentats de 2015. Elle m'avait écrit quelque chose de très bon.

  • Speaker #0

    J'ai repéré justement après Mes Poisons Délicieux une petite pause musicale à ce moment-là. ou d'un coup vous en avez profité pour apporter votre talent d'interprète ailleurs, à la télévision, au théâtre, au cinéma ?

  • Speaker #1

    Mes Poisons délicieux, il y a quelques années, quand même, qui sont passées, j'ai beaucoup tourné. J'ai tourné parce qu'on me l'a proposé. Je ne suis pas allée chercher, je ne suis pas allée demander, mais on me l'a proposé. On me l'a proposé assez tôt d'ailleurs. Puis de fil en aiguille, j'ai eu un agent, et des propositions qui tombaient. Et il faut dire qu'à partir de mes Poisons délicieux, le succès déclinait quand même. C'est à partir de là que ça a commencé à décliner pour moi, du point de vue musical.

  • Speaker #0

    Une raison particulière à votre avis ?

  • Speaker #1

    Je pense que justement, si j'avais écrit mes chansons plus tôt, j'aurais peut-être pu éviter ça. Parce que ça partait un peu dans tous les sens. Je crois que j'ai trop longtemps écouté les producteurs, trop longtemps accepté de ne pas faire exactement ce que je voulais. Et j'aurais pas dû. j'aurais pas dû. Mais c'est comme ça, c'est comme ça. Moi, j'en ai pas souffert justement parce que il y avait autre chose. C'était pas une passion. Le tournage de films, c'était pas une passion. Puis à la fin du 20e siècle, il y a eu la proposition d'Emmanuel Schmitt pour jouer dans la pièce dont il avait écrit un rôle pour moi. J'ai fait ça pendant pratiquement un an. Et puis j'ai ressorti des albums. Ça a été beaucoup plus difficile.

  • Speaker #0

    Oui, puis c'est arrivé un peu plus tard, 94, je crois, c'est qui a suivi, donc il y a eu du Habert 3-4 ans sans lire l'album.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas comment dire. Il faut me pousser pour que j'aille en studio. J'aime chanter, j'aime...

  • Speaker #0

    Vous préférez la scène au studio ?

  • Speaker #1

    J'aime la scène, mais le studio...

  • Speaker #0

    Dans tous les interprètes, chacun a vraiment sa phase préférée. Il y en a qui préfèrent le studio, d'autres qui préfèrent la scène.

  • Speaker #1

    Mais moi, je ne suis pas une nana de studio.

  • Speaker #0

    Et quand on ne chante pas, justement, est-ce qu'on écoute quand même beaucoup les autres ?

  • Speaker #1

    Ça fait très, très longtemps que je n'ai... D'abord, je n'ai jamais aimé la radio. J'aime parler à la radio. C'est très paradoxal, encore une fois. J'aime les interviews faites pour la radio. Et j'ai toujours rêvé d'avoir une émission tard le soir où je peux parler aux gens dans leur oreille. J'aime bien l'idée, mais c'est vrai que je ne suis pas quelqu'un qui écoute la radio. En fait, c'est parce que ça me rappelle mes réveils pour aller à l'école. Mon père se faisait réveiller par un réveil radio, un autoradio. Un radio réveil, oui. Un radio réveil. Et c'était un... C'est un cauchemar. Donc la radio, c'est une niette. À partir de Love Story... Ah si, 2001.

  • Speaker #0

    2001, ah ! J'étais pas trop loin.

  • Speaker #1

    J'ai jeté ma télé.

  • Speaker #0

    Donc plus de télé, plus de radio.

  • Speaker #1

    J'ai toujours lu la presse écrite et j'écoutais des albums que j'achetais ou qu'on m'offrait, que j'allais découvrir, comme ça.

  • Speaker #0

    Et un petit peu quand même de belles découvertes en chansons françaises à cette époque ?

  • Speaker #1

    Non, je sais plus. Si, Art Mango. J'aimais beaucoup Art Mango. C'est drapeau jusqu'au saut, à l'inconnu, elle a roulé un peu minu, son corps de bas, il nous envoie sans dû. On n'entend plus. Ouais, c'est malheureusement, c'est des gens qui s'éteignent comme ça tout doucement, qui continuent à faire des choses, ils font des choses, mais on ne les entend plus. On ne les entend plus. Ils ne sont pas passés en radio. De toute façon, si vous écoutez la radio, vous vous rendez compte, c'est les mêmes titres qui passent en boucle.

  • Speaker #0

    Je crois que ça a toujours été le cas. Mais maintenant, non seulement c'est les mêmes, mais beaucoup se ressemblent.

  • Speaker #1

    C'est peut-être pour ça qu'on a l'impression que c'est toujours le même titre qui passe. Mais ce n'est pas grave et c'est normal. C'est normal qu'il y ait un turnover. C'est normal que les choses changent, qu'on écoute... Surtout... C'est pas comme si moi j'étais pas, je suis pas Johnny Hallyday quoi, j'ai pas marqué mon temps musicalement avec des tubes énormes, j'en ai eu deux en France. C'est normal de disparaître progressivement. On disparaît parce que c'est pas une mort sociale pour autant.

  • Speaker #0

    Ah bah non, clairement, en plus il y a d'autres choses qui se passent, puisque après vous avez commencé à écrire, vous le disiez, vous écrivez depuis très longtemps. Oui, j'imagine, mais...

  • Speaker #1

    C'est en 2000, j'ai pour la première fois proposé un texte à un éditeur qui était grasset. Le texte n'était pas terminé, mais on m'a dit qu'il serait publié si je le terminais. Je suis rentrée chez moi, j'étais très contente, j'ai mis ça dans un placard et j'ai oublié. Ça a duré dix ans. C'est un journaliste qui m'a demandé à le lire. Quand il l'a lu, il m'a dit « c'est terrible, c'est formidable, il faut absolument que tu le… » finiste et donc je n'ai publié qu'en 2010 parce que j'ai mis dix ans à être prête.

  • Speaker #0

    La femme qui pleure, c'est celui-là.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai mis dix ans à être prête à sortir mais...

  • Speaker #0

    Pareil pour une raison de pudeur comme le fait de ne pas écrire vos chansons en français ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est de la pudeur. D'autant plus que pour l'écriture. Alors là, vous mettez vraiment vos tripes sur la table. Alors évidemment, bon le premier c'était... Je me suis servi de la forme romanesque pour raconter des choses qui étaient très personnelles. Et d'ailleurs, en écrivant le dernier, qui est un récit introspectif, je me suis rendu compte qu'il y avait quand même beaucoup, beaucoup de choses. Les gens qui ont lu La femme qui pleure, ils vont me retrouver dans plein de choses que je raconte dans mon cœur bruyant.

  • Speaker #0

    Oui, mais dans La femme qui pleure, vous vous cachiez plus derrière le côté romanesque. C'est plus un prétexte pour... Ce n'était pas un se raconter de façon...

  • Speaker #1

    Je l'ai vécu comme ça. Je l'ai vécu comme ça parce que... Et d'ailleurs, les gens... Je me souviens d'une émission qui se tournait dans un lycée où les élèves avaient tous lu. Et il y en a un qui... Le premier à m'avoir posé une question, qui a levé la main et qui a dit « Bon, moi, j'ai qu'une question pour vous, madame. Comment allez-vous ? » Très inquiet, le garçon. Il l'avait pris parce que c'était en fait une... Et voilà. Donc oui, je commence à publier en 2010.

  • Speaker #0

    Après, il y a eu My Name is Billie Holiday. C'est le deuxième, je me trompe.

  • Speaker #1

    Oui, c'est le deuxième.

  • Speaker #0

    Et lui est devenu une pièce.

  • Speaker #1

    Non, en fait, c'est le contraire. J'avais un texte qui avait été refusé chez Albin Michel. C'était trop glauque d'après eux. Oui, parce que contrairement à ce que tout le monde attendait de moi, je n'écris pas des recettes de cuisine, des recettes de beauté ou des histoires comme ça. J'écris des romans, des histoires assez dures. Ce qui m'intéresse, c'est l'humain dans ce qu'il a de plus indicible. Et donc, ce sont des textes qui ne sont pas forcément très rigolos. Et donc, je me suis vu refuser ce texte-là et je préparais. un spectacle sur Billie Holiday. Et mon éditeur m'a dit, puisque tu travailles sur Billie Holiday, tu ne veux pas écrire une bio en même temps. Je ne veux pas écrire une bio, il y en a déjà cent mille, mais je veux bien écrire un roman avec elle au milieu. Et c'est sorti comme ça. Ça a accompagné le disque et le spectacle.

  • Speaker #0

    Et après, trois femmes en 2015. Là, par contre, c'est Billie Holiday, Sarah Vaughan et Lafitte Girard.

  • Speaker #1

    Voilà, mais c'est vraiment un récital, pas une pièce de théâtre.

  • Speaker #0

    Enfin, ce n'est pas un choix anodin, ces trois femmes-là, quand même.

  • Speaker #1

    C'est parce que j'avais envie de rester dans ce... dans ces territoires, dans ce répertoire qui a été chanté par ces trois femmes.

  • Speaker #0

    Il y a une parenté musicale, c'est évident, même avec vous aussi bien sûr. Et puisqu'on parle de ces femmes-là, et d'artistes féminines effectivement non des moindres, pour revenir dans la chanson, je suis tombée sur une étude, enfin je ne suis pas tombée, je suis allée la chercher, sur une étude du CNM, donc du Centre National de la Musique, sur la place des femmes dans la musique et dans la chanson. L'étude date de 2023. Il y a seulement 17% de femmes leads sur scène. Et plus la salle est grande, plus le pourcentage est petit, bien sûr. 14% en festival, on est les pires élèves d'Europe. Et 29% en radio, dans l'esthétique qu'on appelle variété, mais disons chanson française. Il y en a encore moins dans le rap, on tombe à 10%. Et 17% dans les disques les plus vendus. Est-ce que ça vous inspire une réflexion, justement, sur la place des femmes dans la musique, dans la chanson, et a fortiori des femmes qui ont passé la quarantaine ?

  • Speaker #1

    Ça m'intéresse. Oui, il se promenait, je ne pensais pas. J'ai l'impression qu'il y a eu un pléthore de femmes dans la chanson, dans la musique. Alors, je savais que dans les instrumentistes, dans les grands musiciens de jazz,

  • Speaker #0

    il y a peu de femmes. C'est 10% aussi.

  • Speaker #1

    Il y a très peu de femmes. Ça, je le savais. Mais comme leader, au contraire, je pensais que les femmes étaient des vitrines assez…

  • Speaker #0

    C'est pareil pour les projets aidés par les organisations professionnelles, majoritairement des hommes.

  • Speaker #1

    Ça c'est lamentable. Je pense que les organisations professionnelles devraient se remettre en question et appliquer une forme de parité dans leur choix d'accompagner ou non les artistes. Parce que vous ne me direz pas que c'est parce qu'elles sont mauvaises, ce n'est pas vrai.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'elles sont simplement moins nombreuses parce qu'on ne leur a pas laissé la place ?

  • Speaker #1

    Non, alors... Je pense qu'elles ne sont pas moins nombreuses dans la réalité. Je connais un paquet de nanas qui chantent. Paquet qu'on n'entend pas. Qu'on n'entend pas, qu'ils ne sont pas mis en avant et qu'ils ne sont pas aidés. Je reconnais un paquet. On ne leur fait pas la place en ne les aidant pas. Mais ça, c'est une découverte. Je ne le savais pas. Franchement, moi, j'ai été aidée par la damie. été aidée par la SACEM. Je fais partie d'un groupe que vous connaissez. Et il n'y a que des filles.

  • Speaker #0

    Effectivement, on n'est que des filles. Forcément, on a plus l'impression qu'on est très nombreuses. Mais finalement, on représente 17%. Ça fait peur. Et à fortiori, je pense, quand on a dépassé la quarantaine. Oui,

  • Speaker #1

    alors c'est tombé. Mais ça, c'est pour tout. Sauf dans la littérature.

  • Speaker #0

    on tombe dans un autre domaine, sans jamais revenir sur vos livres, les trois derniers, je ne dis pas de bêtises.

  • Speaker #1

    Les Passagers du ciel, Trafiquants de colère, et Ce qui est pour toi.

  • Speaker #0

    Les trois derniers tournent un petit peu, je vous ai entendu dans une interview dire que vous aviez rongé le même os un peu pendant trois romans, en parlant d'esclavage, et donc de ses racines, qui sont les vôtres aussi dans les îles et les Caraïbes. En parlant parlant maintenant aujourd'hui d'un sujet qui est plus personnel, puisque votre dernier est plus une introspection. Vous pensez que vous avez fait le tour de ce que vous vouliez dire de ses origines ?

  • Speaker #1

    Je ne pense pas que j'ai fait le tour. En vérité, j'ai commencé à écrire le texte qui vient de paraître il y a 4 ans, il y a 5 ans même, fin 2020. Et j'ai fait des allers-retours dans l'hésitation, en me disant non, ça n'intéressera personne, non, c'est nul, non, je ne le fais pas. Et entre temps, j'ai écrit « Ce qui est pour toi, la rivière ne l'emporte pas » . Donc, ce texte-là, il sort maintenant parce que mon éditeur trouvait qu'il fallait le sortir. Mais non, je n'ai clairement pas fini de travailler sur... Je pense que je n'aurais jamais fini de travailler sur l'esclavage parce que c'est quelque chose... Vous savez, moi, j'écris pour ma... pour m'apporter à moi des réponses à des questions que je me pose sur la capacité de l'homme à être d'une fruauté sans nom, d'être capable jusqu'à aujourd'hui de penser que certains êtres humains sont inférieurs à d'autres, méritent moins que d'autres, d'avoir une place dans la société, d'être considérés. Tant qu'il y a des gens qui pensent comme ça, je pense que moi je travaillerai sur ces problématiques-là. Alors le truc c'est que je trouverai peut-être plus d'éditeurs puisqu'on va... Non, non, mais il y a un sérieux recul idéologique, même en France quoi. Tout ce qui se passe dans le monde entier, ça se passe d'une façon plus sous-jacente en France aussi. Il y a des espèces d'auto-censures. qui viennent s'instiller dans ce qui est montré. Cette idée que si on n'en parle pas,

  • Speaker #0

    ça n'a pas existé ?

  • Speaker #1

    Alors ça, non. Ça, je ne pense pas qu'on en soit encore là. Mais regardez le traitement qui est réservé à Fanon, le film. Il ne sort que dans 77 salles en France. Il a été refusé dans des réseaux importants parce que je pense que les gens... Les Français ne sont pas prêts à parler de la colonisation, ils ne sont pas prêts à se retourner sur ce qu'a été la réalité de la colonisation, l'horreur de la colonisation. Et ils ne sont pas prêts à se reconnaître héritiers de ces exactions, de ces vols. Ils en sont encore, en France on en est encore à dire, mais enfin, la colonisation... C'était un bien, on vous a apporté ci, on vous a apporté ça, un lien. En gros, vous en sauriez encore à grimper au cocotier. C'est ce que j'écris dans mon bouquin. On peut aller au-delà parce que le berceau de la civilisation, c'est l'Afrique.

  • Speaker #0

    Bien sûr.

  • Speaker #1

    Donc voilà, c'est un os qui a encore beaucoup de matière.

  • Speaker #0

    Donc vous allez continuer à le ronger.

  • Speaker #1

    C'est peut-être pas tout de suite.

  • Speaker #0

    Et avant ce livre... Donc, il y a eu un 17e album, c'est ça ? Non,

  • Speaker #1

    c'est 13.

  • Speaker #0

    13 ?

  • Speaker #1

    13 albums, pendant seul. Après, il y a des compilations, des participations,

  • Speaker #0

    etc. Ah oui, d'accord. C'est 13. Mais 13, d'accord. Donc, le dernier s'appelle Sud. Oui. Finalement, c'est aussi une façon de se raconter, en fait, d'aller explorer ces musiques-là.

  • Speaker #1

    En fait, simplement, c'est Khalil Shaheen qui a lu Les Passagers du siècle, avec Trafiquant de colère, et qui m'a dit... je veux écrire un album pour toi. Et c'est après, c'est un album qui est sorti de ces textes. Ah, c'est faux ! Les musiques sont sorties de ces textes-là. Donc, sont liées intrinsèquement à ces descentes de bateaux, à ces traversées obligatoires, consenties, etc. Et voilà comment le désir de cet album est né dans le... le chœur de Khalil Shahin. Et bien moi, forcément, après, j'ai travaillé des textes.

  • Speaker #0

    Donc les musiques sont venues d'abord ? Oui,

  • Speaker #1

    les musiques sont toutes venues d'abord. C'était pendant le Covid, ils m'ont envoyé un morceau par-ci, par-là. On a été très, très lentement. On a fait ça tranquillement.

  • Speaker #0

    Mais il se savoure. C'est un bijou, cet album. Les orchestrations sont superbes.

  • Speaker #1

    Les orchestrations sont très belles.

  • Speaker #0

    Sa guitare,

  • Speaker #1

    c'est... Quand on a la chance de l'entendre, parce qu'il joue pas assez, je trouve. Mais bon.

  • Speaker #0

    C'est un très, très, très, très bel album. Moi, j'ai craqué complètement sur Eben. Je trouve que c'est... Moi, c'est ma préférée, je crois.

  • Speaker #1

    Au-delà de mes chagrins d'épeine, il est un aïeux qui m'enchaîne, à l'écume, au vent, à la mer.

  • Speaker #0

    Mais c'est difficile d'avoir une préférée sur l'album parce qu'en fait c'est toute une histoire sans en être une. On sent que c'est très intime comme album.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un album intime.

  • Speaker #0

    J'imagine que vous êtes très concentrée sur la sortie du livre, mais est-ce qu'il y a d'autres projets, et en livres et en chansons, qui mûrissent déjà ?

  • Speaker #1

    Alors, l'autre jour, je fouillais dans mes CD, j'ai des enveloppes avec des CD dedans, et je suis tombée sur six titres que j'avais enregistrés pour Begin the Begin, l'album Begin the Begin, et qui n'ont pas été retenus.

  • Speaker #0

    Des titres en anglais ou en français ?

  • Speaker #1

    En français. Et parmi lesquels, une chanson que je trouvais tellement belle qui avait été écrite par Pierre Palmade. Et en réécoutant ça, je me suis dit « Oh, j'ai envie que ça sorte ce truc. C'est trop joli. » Et je l'ai mis en... Enfin, il est déjà enregistré, mixé et tout. Il y a un arrangement. Et j'ai demandé à un ami vidéaste de tourner des images dessus et il est en train de les monter. Je vais balancer ça. Mais c'est tout, quoi. Je n'ai pas de projet d'entrer en studio demain.

  • Speaker #0

    Ah, mais ça peut ne pas être demain. Mais on n'arrête jamais d'écrire quand on écrit, j'imagine. En littérature non plus, il y a déjà d'autres feuillets qui attendent, j'imagine.

  • Speaker #1

    Oui, il y a des sujets. En fait, j'ai tellement accepté d'écrire pour d'autres... Par exemple, il y a deux livres qui sont prêts à sortir, qui sont déjà écrits. Un pour une collection qui s'appelle « Je me souviens » et l'autre pour une petite collection qui s'appelle « Dix-septième » . Ce sont des petits livres comme ça. Et j'ai accepté d'écrire un deuxième pour cette collection, cette petite collection sur les abeisses. Je ne sais pas quand ça va sortir, mais... Ça m'intéresse tellement d'aller dans des territoires qui ne sont pas forcément les miens par affinité immédiate, mais ça m'intéresse. Le texte que j'ai écrit sur 17ème, c'est partie d'un tableau. C'est se concentrer sur un tableau et raconter quelque chose à propos de ce tableau. Et ça m'intéresse d'aller... d'aller chercher des choses auxquelles je ne pense pas quand j'écris un roman. Donc pour l'instant, j'ai une idée de roman, mais je n'ai pas écrit, il n'y a pas de feuillet près.

  • Speaker #0

    Il y a une curiosité finalement de la musique, la danse, l'écriture, le théâtre, la comédie, la chanson.

  • Speaker #1

    Oui, puis même depuis 6 ans maintenant, l'ingénierie culturelle, parce que le festival que j'ai créé en Martinique, c'est de l'ingénierie culturelle. Et je suis à fond dedans, développée. J'ai développé plein de choses pour la Martinique de ce point de vue-là. Et ça prend un temps fou.

  • Speaker #0

    C'est un festival de littérature.

  • Speaker #1

    Mais j'invite toujours des musiciens. On ne se refait pas. On ne se refait pas.

  • Speaker #0

    Qui s'appelle comment le festival ?

  • Speaker #1

    Le Festival en Pays Rêvé. Waouh !

  • Speaker #0

    Pour finir, je vais vous poser les mêmes questions que celles que je pose à tout le monde, c'est est-ce que vous auriez quelques artistes, un, deux, trois, en chansons françaises que vous auriez découvertes récemment, ou pas forcément récemment d'ailleurs, mais dont vous pensez qu'ils ne sont pas assez mis en lumière et que vous aimeriez nous recommander ?

  • Speaker #1

    Moi j'ai découvert il y a quelques années, mais j'avais bien aimé un artiste français qui s'appelle Antoine Elie. J'avais bien aimé sa chanson La Rose et l'Armure et Nous lier, tout ça.

  • Speaker #2

    Suivant la longue métamorphose qui m'éloigne de mon passé, j'ai croisé une rose qui me... Fais pas avancer Pas qu'elle n'ose pas la chose Mais n'y avait jamais pensé Depuis toujours en tenant la pose Dans les regards des pires recettes

  • Speaker #1

    Elle est très différente Puis il y a des textes J'aimais bien Karen-Anne

  • Speaker #3

    Je sais que mes mains qui ne cherchent d'habitude Que les voir à l'ébène d'un piano de salon Que la peau de mes doigts raccournie et durcit Par des cordes usagées de bronze et de nylon, un fin de mois et de pierre, une folle cavalière qui n'est que passagère.

  • Speaker #1

    Et puis, récemment, je suis allée voir Bernard Lavillier en concert avec le Symphonique. Je suis tombée de ma chaise tellement c'était beau, et depuis, je le réécoute en boucle. Je réécoute Manila Hotel, Betty, On The Road Again, R&B, toutes ces chansons-là qui sont d'une beauté, d'une vibe que je connais. Une chanson que je chante, il y a du sang sur le trottoir.

  • Speaker #4

    Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Je vous en prie. C'était un plaisir. J'emporte de cette jolie rencontre l'idée que parfois, il faut savoir se laisser porter par la vie pour rencontrer son destin. Un destin que je vous invite à explorer en lisant Mon cœur bruyant, aux éditions Grasset, ou en écoutant Sud, son 13e album, dont je laisse le lien dans les notes de l'épisode. Deux œuvres intimes qui dressent le portrait d'une artiste complète, curieuse, passionnée, riche de ses racines et de ses rencontres.

  • Speaker #4

    Merci beaucoup d'avoir écouté cet épisode. S'il vous a plu, faites le découvrir à vos amis en le partageant sur vos réseaux ou laissez-nous une note ou un commentaire sur votre plateforme d'écoute favorite. Et n'oubliez pas de vous abonner pour ne manquer aucun épisode. Vous pouvez aussi vous abonner à notre playlist sur la chaîne YouTube Providence Prod et sur les plateformes d'écoute. Enfin, rejoignez-nous sur le compte Instagram Providence.prod et faites-nous part de vos coups de cœur qui rejoindront peut-être la playlist. Merci beaucoup à Ruben MG pour l'habillage musical de ce podcast. Et puisque la musique, ça se partage, en attendant le prochain épisode,

  • Speaker #1

    parlons chansons.

Description

Dans cet épisode de Parlons Chansons, j'ai l'honneur de m'entretenir avec la talentueuse Viktor Lazlo, chanteuse, comédienne et autrice, à l'occasion de la sortie de son septième livre, Mon cœur bruyant. Ce podcast musique vous invite à découvrir les coulisses de la carrière d'une artiste qui a su laisser la vie la mener vers son destin et qui a marquer la scène musicale française, depuis "Canoë Rose" jusqu'au sublime "Suds", son 13ème album.


Dans ce nouvel épisode de Parlons Chansons, vous aurez l'occasion d'entendre Viktor nous parler de ses influences musicales, de ses racines, des sujets qui l'habitent en chansons et en littérature, de ses projets, de ses collaborations avec des auteurs et compositeurs : de Boris Bergman à Khalil Chahine, d'Alain Chamfort à Bernard Lavilliers, de Françoise Hardy à Serge Gainsbourg , ainsi que de l'importance cruciale des textes et des mélodies dans la chanson. Viktor nous offre aussi des recommandations musicales précieuses :


Antoine Elie www.youtube.com/@AntoineElieOfficiel


Kerenn Ann www.youtube.com/@kerenannmusic


Bernard Lavilliers en Symphonique https://youtu.be/-xcjq4nPKmQ?si=JjXGVD9qDgpXvenV


Ne manquez pas cette occasion de découvrir son dernier album Suds https://youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_nxmpVZKCKD7sP0_Kaq5nJ58As4kZErPSM&si=X9iBgC4SXeBRJi99


et d'en apprendre davantage sur ses projets littéraires.


Mon coeur Bruyant est disponible aux Editions Grasset


À travers cet épisode, vous comprendrez pourquoi la voix des femmes est si importante dans la chanson française et comment elles contribuent à la diversité et à la richesse de ce domaine.




Merci d'avoir écouté cet épisode.

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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Parlons Chansons. Dans chaque épisode, on déroulera la bande-son en français dans le texte de la vie d'une personnalité qui nous parlera de son actu, de ses projets et qui partagera ses derniers coups de cœur, des pépites méconnues de la chanson française qu'elle a envie de mettre à l'honneur. Je suis Ausha Delanoë, auteure, comédienne et chanteuse. Mais ça, vous ne le savez pas, puisque mon podcast n'existait pas avant et que personne n'a eu l'occasion de vous parler de moi. Sauf que maintenant... Ça va changer et j'ai envie de donner cette chance à plein d'artistes. Alors, si la chanson française, ça vous parle, restez avec nous et parlons chansons. Ce n'était pas l'année dernière, ce n'était pas à Marine Bad, c'était il y a quelques jours sur une terrasse parisienne que mon invité m'a fait l'honneur de me recevoir, malgré des pollens cruels qui m'ont forcé à quelques coupes un peu sauvages dans l'entretien. Chanteuse, comédienne, autrice et même chevalier des arts et lettres, je la rencontre à l'occasion de la sortie de son septième livre. Mon cœur bruyant, édité chez Grasset. De Lorient à Paris, de Bruxelles à la Martinique, je suis fière de partager ce voyage en musique avec Victor Laszlo. Déjà, je voulais vous remercier de m'accueillir. C'est très gentil de votre part d'avoir accepté cette invitation. Ce n'est jamais que le troisième épisode de mon podcast, donc je suis toujours flattée quand quelqu'un accepte mon interview. Et je vais commencer direct par la première question que je pose à tous mes invités, qui est... pour vous, ce serait quoi la définition de la variété française ?

  • Speaker #1

    Je déteste le terme de variété. C'est une terminologie qui est fausse, qui est une espèce de tiroir dans lequel on a fourré toutes sortes de choses, de musiques qui n'appartenaient ni au classique, ni au jazz, ni à la country, ni au rock. Et on a fourré tout ce qui restait. C'est une terminologie qui n'existe pas aux Etats-Unis, par exemple. Alors qu'il y a du mainstream aux États-Unis. Il y a aussi ce genre de musique à écoute, plus facile peut-être, avec une musicalité peut-être plus simple, très reconnaissable, avec des mélodies très reconnaissables qui entrent facilement dans les esprits. Donc je pense qu'effectivement la variété c'est... malheureusement un fourre-tout.

  • Speaker #0

    Ce serait quoi le terme idéal alors, si on devait en trouver un ?

  • Speaker #1

    S'il faut absolument adjoindre le terme de français, l'adjectif français, j'aime pas non plus la musique légère, parce que c'est pas... Je cherchais tout à l'heure le nom d'une chanteuse qui a fait de la musique tout sauf légère et qui pourtant appartient à la variété française. Je ne sais pas. Franchement, je ne sais pas quelle terminologie j'emploierais, mais j'aime la chanson française. J'aime tout simplement la chanson française. Et ça permet de juxtaposer tout ce qui est chanson à texte, chanson plus, je ne sais pas moi, plus...

  • Speaker #0

    Populaire ?

  • Speaker #1

    Oui, mais chansons à texte sont souvent populaires. Oui, c'est vrai que ça permet de juxtaposer plusieurs styles en évitant les comparaisons avec tous les autres domaines périphériques. De manière générale, je n'aime pas les catégories.

  • Speaker #0

    Très bien. Donc, effectivement, dans ce podcast, on parle chansons et chansons françaises en particulier. Vous, vous êtes de parents martiniquais et grenadiens. Est-ce que, pour autant, dans votre enfance, on écoutait plutôt des chansons, je dirais, tropicales ou des Amériques ? Ou aussi de la chanson française ?

  • Speaker #1

    Dans ma famille, on écoutait de la musique classique et du jazz. Voilà, c'est tout ce qu'on écoutait. Mon père était un fan de jazz, un fan de musique classique. Ma mère, quand elle l'a rencontrée, aimait évidemment la chanson. Elle aimait beaucoup Harry Belafonte. D'ailleurs, elle a épousé son sosie. Mais elle aimait les chanteurs à la mode à l'époque. Mais voilà, il faut se dire que ce sont des gens qui ont quitté leurs Caraïbes et leurs Antilles natales, et qui sont venus s'installer en France, puis en Belgique. Belgique, Paris, Lorient, Paris, la Belgique, c'est un grand écart. Et je pense que mon père avait toujours rêvé de devenir un musicien. Il a eu très brièvement un violon quand il était petit. Et il a un petit peu fermé la porte aux musiques d'origine, de même que ma mère. Et donc, nous avons été élevés avec de la musique classique. et avec du jazz. Et c'est moi qui suis... Quand je suis entrée à l'école européenne, j'ai fréquenté des jeunes, d'Italiens, des Hollandais, des Allemands, et surtout les Hollandais qui avaient une culture très anglo-saxonne, américaine et anglo-saxonne, et donc j'ai tout de suite été vers des musiques anglo-saxonnes. Et c'est simplement parce que ma sœur se faisait acheter un journal qui s'appelait Mademoiselle âge tendre, et moi aussi, enfin moi c'était Salut les copains. Il y avait un hiatus entre ce que je voyais dans mon Salut les copains et ce que j'écoutais. Je ne connaissais pas les gens que je voyais en photo. C'est fou. Oui, c'est assez bizarre. À l'exception, parce qu'on a eu un transistor, des petits transistors comme ça, on s'endormait avec. À l'exception de deux chanteurs que j'aimais beaucoup quand j'étais toute petite, c'était Vernique Samson. et julien clair qui s'éloigne en portant le tuyau

  • Speaker #0

    C'est des belles références.

  • Speaker #1

    Voilà, ça c'était mes...

  • Speaker #0

    Oui, donc pas trop les yéyés, pas trop justement, pas trop le côté...

  • Speaker #1

    Pas du tout,

  • Speaker #0

    pas du tout. Déjà des chansons relativement à texte et profondes en fait, parce que...

  • Speaker #1

    Pas qui avaient un sens, oui, sans doute. Et puis des belles mélodies.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est clair.

  • Speaker #1

    Mais bien du violon, je suis très très attachée à la mélodie.

  • Speaker #0

    Et à la musique en général, puisque j'ai lu violon, danse...

  • Speaker #1

    Danse, oui, en fait je voulais commencer.

  • Speaker #0

    Donc forcément musique classique ou danse plutôt moderne jazz ?

  • Speaker #1

    Oh vous savez quand on est petit on danse sur le chopin, c'est du piano, on a un répétiteur qui est pianiste, donc c'est essentiellement des chopins, un sens. Mais à l'école européenne... On avait formé un groupe de danseuses avec une amie, mon amie italienne, et là on dansait sur musique sur un temps présent. Ouais, c'était carrément moderne.

  • Speaker #0

    J'ai vu même une comédie musicale à 11 ans.

  • Speaker #1

    C'était ma première apparition scénique. On m'a choisie parce que j'étais à l'époque la seule, avec ma soeur, on était les seules filles de couleur, comme on disait. de l'école européenne et ils avaient monté la comédie musicale Evelyn France qui racontait l'histoire d'une jeune fille de couleur qui était dans un lycée ou dans une école pour blancs à l'époque de l'obtention des droits civiques, de la lutte pour les droits civiques. Et on m'avait demandé d'incarner le rôle-titre et je n'ai qu'un souvenir qui est lié à une photo et à un sentiment. C'est la chanson que je devais chanter toute seule devant le micro et le track évidemment absolument épouvantable, mais peut-être aussi la sensation d'une place, d'un endroit où je me sentais bien, paradoxalement. La scène.

  • Speaker #0

    Et pourtant derrière vous avez fait des études d'archéologie et d'histoire de l'art et vous n'êtes pas restée. resté spontanément dans la musique ?

  • Speaker #1

    Je pense que je n'osais pas, ou je n'y ai pas forcément pensé. J'avais décidé de pratiquer tous les arts quand j'avais 12 ans. Je peignais, je dansais, jouais du violon, j'écrivais déjà, mais je n'avais jamais envisagé que ça puisse devenir un métier à proprement parler. Et du coup,

  • Speaker #0

    vous vous dirigez vers... Quoi plutôt comme métier ? En fait,

  • Speaker #1

    c'est pas moi qui me dirigeais, c'est la vie qui m'a... Parce que je voulais... En fait, j'ai fait le concours... Je sais pas, c'est le concours des arts déco, de la rue d'Ulm. Mais mon amie a disparu, celle chez qui je devais loger, parce que mes parents vivaient en Belgique, a disparu, donc j'ai pas pu faire mes études à Paris. Je suis retournée en Belgique, et là, à Bruxelles, je me suis trouvée... Soit à l'Académie des Beaux-Arts où je me suis inscrite dans le mauvais examen. Donc quand je me suis rendue compte que ce n'était pas ce que j'avais à faire là, je suis partie. Je me suis retrouvée pendant un petit moment dans une école de dessin de mode, de stylisme, mais qui était trop... trop scolaire, j'avais quitté l'école, j'avais mon bac, je n'avais plus envie d'entrer là-dedans. Et en fait, c'est par laisser aller que je me suis retrouvée à l'Université libre de Bruxelles, parce que ma sœur y était, que j'avais plein de copains qui y étaient. Je me suis dit, après tout, je peux étudier l'histoire de l'art, c'est bien, on verra. De toute façon, je savais que je n'en ferais pas un métier.

  • Speaker #0

    Donc c'était plutôt, oui, la vie vous apportait...

  • Speaker #1

    En attendant, en attendant mon destin, on va dire.

  • Speaker #0

    Et le destin, il est arrivé... au moment où vous avez fait un petit peu de mannequinat, où là, ça a commencé à aller vers quelque chose de...

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. J'ai le fait de faire partie d'une agence de mannequins pendant un temps très court, correspondait au moment où j'ai commencé à sortir et à fréquenter un lieu nocturne où j'ai rencontré mon premier producteur. Lou. Lou de Precq, oui.

  • Speaker #0

    Lou de Precq. Et vous avez chanté dans son groupe, Lou and the Hollywood Bananas. C'était votre premier enregistrement, All Look At Me Now, c'est ça ? Ou alors le premier, c'était Backdorman pour le film de...

  • Speaker #1

    C'était mon premier enregistrement. Mais oui, je chantais les chœurs, quoi. Mais je n'ai jamais voulu être une bananase. Ça ne m'intéressait pas. Donc, encore une fois, c'était un... une marche de l'escalier vers ce qui m'attendait, vers ce qui était là pour moi. Je savais qu'il y avait un truc qui allait se passer. Et c'est comme ça que j'ai rencontré Alain Chanfort et qu'il m'a appelé pour me demander de chanter « Bad Omen » .

  • Speaker #0

    Et votre pseudonyme, il est arrivé quand dans cette période-là ?

  • Speaker #1

    Très tôt, avant l'enregistrement de Casanova, Locatmina. Oui, en fait, j'étais chez le producteur et nous regardions le film. Et puis tout à coup, on s'est regardé en se disant, c'est quoi ce nom ? Ce serait rigolo que je m'appelle comme ça. Et puis voilà, c'est sorti comme ça.

  • Speaker #0

    Oui, c'est d'autant plus drôle qu'effectivement, à la base, c'est vraiment le nom du mari d'Ingrid Bergman. Rien que le nom a créé une identité très forte. On ne pouvait pas passer à côté. J'étais petite, moi, quand est sorti Canot et Rose. Et Fleurée des rivières.

  • Speaker #1

    Viens pas boire dans mon verre, tu peux même pleurer des rivières, pleurer des rivières, j'en ai pleuré pour toi naguère.

  • Speaker #0

    avec des textes de Boris Bergman, qui a été un auteur quand même fondamental dans cette époque, où il y avait énormément d'auteurs, de compositeurs. Aujourd'hui, on est plus dans une mode...

  • Speaker #1

    Je suis tombée sur un des meilleurs, si pas le meilleur à l'époque. Oui,

  • Speaker #0

    parce que vous disiez tout à l'heure, vous donnez beaucoup d'importance aux mélodies, mais du coup, je suppose aussi que les textes, ça a un important...

  • Speaker #1

    En fait, Canoe Rose avait écrit un texte anglais qui parlait de « The leaves are floating and measuring down the lake » . Il parlait d'un lac, de tristesse, c'était une chanson mélancolique en anglais. Et donc, j'avais déjà une conscience très aiguë de... Je vous dis, je suis une littéraire, j'ai toujours écrit, toujours lu. On a une grosse bibliothèque à la maison et donc j'ai énormément lu et donc le texte est fondamental.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous pensez justement, puisque maintenant on a, ça fait quelques années maintenant, mais on a beaucoup d'auteurs-compositeurs-interprètes, est-ce que vous pensez que la chanson, en règle générale, a perdu d'avoir des gens qui font tout ? Est-ce que c'était mieux à l'époque où il y avait des auteurs et des compositeurs ?

  • Speaker #1

    Non, non, non, c'est très bien qu'il y ait des auteurs-compositeurs-interprètes, ils chantent ce qu'ils ressentent. Moi, c'est simplement parce que je n'osais pas. Il a fallu que Bernard Lavillier me pousse à écrire en français. J'écrivais en anglais, mais en français.

  • Speaker #0

    Une pudeur ?

  • Speaker #1

    Oui, trop grande pudeur. Et donc, c'est Bernard qui m'a poussé à écrire mes chansons en français.

  • Speaker #0

    Et vous avez commencé à écrire vos textes à partir de quel album à peu près ? Parce que dans le dernier, dont on parlera un petit peu tout à l'heure, c'est entièrement vos textes ?

  • Speaker #1

    Oui. J'ai commencé bien plus tôt.

  • Speaker #0

    « Mes poisons délicieux » en 91 ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y a des chansons sur « Mes poisons délicieux » .

  • Speaker #0

    En plus, vous avez collaboré avec énormément d'auteurs et de compositeurs formidables. On a parlé d'Alain Chanfort tout à l'heure, Serge Gainsbourg, Bernard Lavillier, François Zardy pour Claire Obscur avec Khalil Chahine déjà. Oui.

  • Speaker #1

    Une splendeur.

  • Speaker #0

    Oui. La plus belle de tout votre répertoire.

  • Speaker #1

    Oui, je trouve aussi. C'est vraiment une chanson absolument sublime. Je la chante encore chaque semaine. Claire, obscure, je n'aime rien tant que la venue qui les a de l'humour de sa distance.

  • Speaker #0

    Et vous aimez collaborer avec d'autres auteurs et d'autres compositeurs ou maintenant vous préférez vraiment écrire seuls vos textes ?

  • Speaker #1

    Je trouve que les textes sont assez indigents. Ceux qu'on m'envoie ces derniers temps sont vraiment indigents. Et puis bon, je pense simplement qu'il y a un moment dans la vie où on a besoin d'approfondir des chants qui sont les siens, qui sont de l'ordre de l'intime, et personne d'autre que soi ne peut le faire. En tout cas, peut-être. pas bien, mais en tout cas, de la façon dont on peut l'assumer.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    bien sûr. Et je n'ai pas toujours écrit comme ça, mais c'est vrai que depuis trois albums, depuis deux albums, depuis Debout, depuis Woman, c'est vraiment... J'ai envie de parler de certaines choses et j'en parle. Je ne vais pas demander à quelqu'un de m'écrire une chanson sur... Si, j'ai demandé à... Andine Gaspard de m'écrire une chanson sur les attentats de 2015. Elle m'avait écrit quelque chose de très bon.

  • Speaker #0

    J'ai repéré justement après Mes Poisons Délicieux une petite pause musicale à ce moment-là. ou d'un coup vous en avez profité pour apporter votre talent d'interprète ailleurs, à la télévision, au théâtre, au cinéma ?

  • Speaker #1

    Mes Poisons délicieux, il y a quelques années, quand même, qui sont passées, j'ai beaucoup tourné. J'ai tourné parce qu'on me l'a proposé. Je ne suis pas allée chercher, je ne suis pas allée demander, mais on me l'a proposé. On me l'a proposé assez tôt d'ailleurs. Puis de fil en aiguille, j'ai eu un agent, et des propositions qui tombaient. Et il faut dire qu'à partir de mes Poisons délicieux, le succès déclinait quand même. C'est à partir de là que ça a commencé à décliner pour moi, du point de vue musical.

  • Speaker #0

    Une raison particulière à votre avis ?

  • Speaker #1

    Je pense que justement, si j'avais écrit mes chansons plus tôt, j'aurais peut-être pu éviter ça. Parce que ça partait un peu dans tous les sens. Je crois que j'ai trop longtemps écouté les producteurs, trop longtemps accepté de ne pas faire exactement ce que je voulais. Et j'aurais pas dû. j'aurais pas dû. Mais c'est comme ça, c'est comme ça. Moi, j'en ai pas souffert justement parce que il y avait autre chose. C'était pas une passion. Le tournage de films, c'était pas une passion. Puis à la fin du 20e siècle, il y a eu la proposition d'Emmanuel Schmitt pour jouer dans la pièce dont il avait écrit un rôle pour moi. J'ai fait ça pendant pratiquement un an. Et puis j'ai ressorti des albums. Ça a été beaucoup plus difficile.

  • Speaker #0

    Oui, puis c'est arrivé un peu plus tard, 94, je crois, c'est qui a suivi, donc il y a eu du Habert 3-4 ans sans lire l'album.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas comment dire. Il faut me pousser pour que j'aille en studio. J'aime chanter, j'aime...

  • Speaker #0

    Vous préférez la scène au studio ?

  • Speaker #1

    J'aime la scène, mais le studio...

  • Speaker #0

    Dans tous les interprètes, chacun a vraiment sa phase préférée. Il y en a qui préfèrent le studio, d'autres qui préfèrent la scène.

  • Speaker #1

    Mais moi, je ne suis pas une nana de studio.

  • Speaker #0

    Et quand on ne chante pas, justement, est-ce qu'on écoute quand même beaucoup les autres ?

  • Speaker #1

    Ça fait très, très longtemps que je n'ai... D'abord, je n'ai jamais aimé la radio. J'aime parler à la radio. C'est très paradoxal, encore une fois. J'aime les interviews faites pour la radio. Et j'ai toujours rêvé d'avoir une émission tard le soir où je peux parler aux gens dans leur oreille. J'aime bien l'idée, mais c'est vrai que je ne suis pas quelqu'un qui écoute la radio. En fait, c'est parce que ça me rappelle mes réveils pour aller à l'école. Mon père se faisait réveiller par un réveil radio, un autoradio. Un radio réveil, oui. Un radio réveil. Et c'était un... C'est un cauchemar. Donc la radio, c'est une niette. À partir de Love Story... Ah si, 2001.

  • Speaker #0

    2001, ah ! J'étais pas trop loin.

  • Speaker #1

    J'ai jeté ma télé.

  • Speaker #0

    Donc plus de télé, plus de radio.

  • Speaker #1

    J'ai toujours lu la presse écrite et j'écoutais des albums que j'achetais ou qu'on m'offrait, que j'allais découvrir, comme ça.

  • Speaker #0

    Et un petit peu quand même de belles découvertes en chansons françaises à cette époque ?

  • Speaker #1

    Non, je sais plus. Si, Art Mango. J'aimais beaucoup Art Mango. C'est drapeau jusqu'au saut, à l'inconnu, elle a roulé un peu minu, son corps de bas, il nous envoie sans dû. On n'entend plus. Ouais, c'est malheureusement, c'est des gens qui s'éteignent comme ça tout doucement, qui continuent à faire des choses, ils font des choses, mais on ne les entend plus. On ne les entend plus. Ils ne sont pas passés en radio. De toute façon, si vous écoutez la radio, vous vous rendez compte, c'est les mêmes titres qui passent en boucle.

  • Speaker #0

    Je crois que ça a toujours été le cas. Mais maintenant, non seulement c'est les mêmes, mais beaucoup se ressemblent.

  • Speaker #1

    C'est peut-être pour ça qu'on a l'impression que c'est toujours le même titre qui passe. Mais ce n'est pas grave et c'est normal. C'est normal qu'il y ait un turnover. C'est normal que les choses changent, qu'on écoute... Surtout... C'est pas comme si moi j'étais pas, je suis pas Johnny Hallyday quoi, j'ai pas marqué mon temps musicalement avec des tubes énormes, j'en ai eu deux en France. C'est normal de disparaître progressivement. On disparaît parce que c'est pas une mort sociale pour autant.

  • Speaker #0

    Ah bah non, clairement, en plus il y a d'autres choses qui se passent, puisque après vous avez commencé à écrire, vous le disiez, vous écrivez depuis très longtemps. Oui, j'imagine, mais...

  • Speaker #1

    C'est en 2000, j'ai pour la première fois proposé un texte à un éditeur qui était grasset. Le texte n'était pas terminé, mais on m'a dit qu'il serait publié si je le terminais. Je suis rentrée chez moi, j'étais très contente, j'ai mis ça dans un placard et j'ai oublié. Ça a duré dix ans. C'est un journaliste qui m'a demandé à le lire. Quand il l'a lu, il m'a dit « c'est terrible, c'est formidable, il faut absolument que tu le… » finiste et donc je n'ai publié qu'en 2010 parce que j'ai mis dix ans à être prête.

  • Speaker #0

    La femme qui pleure, c'est celui-là.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai mis dix ans à être prête à sortir mais...

  • Speaker #0

    Pareil pour une raison de pudeur comme le fait de ne pas écrire vos chansons en français ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est de la pudeur. D'autant plus que pour l'écriture. Alors là, vous mettez vraiment vos tripes sur la table. Alors évidemment, bon le premier c'était... Je me suis servi de la forme romanesque pour raconter des choses qui étaient très personnelles. Et d'ailleurs, en écrivant le dernier, qui est un récit introspectif, je me suis rendu compte qu'il y avait quand même beaucoup, beaucoup de choses. Les gens qui ont lu La femme qui pleure, ils vont me retrouver dans plein de choses que je raconte dans mon cœur bruyant.

  • Speaker #0

    Oui, mais dans La femme qui pleure, vous vous cachiez plus derrière le côté romanesque. C'est plus un prétexte pour... Ce n'était pas un se raconter de façon...

  • Speaker #1

    Je l'ai vécu comme ça. Je l'ai vécu comme ça parce que... Et d'ailleurs, les gens... Je me souviens d'une émission qui se tournait dans un lycée où les élèves avaient tous lu. Et il y en a un qui... Le premier à m'avoir posé une question, qui a levé la main et qui a dit « Bon, moi, j'ai qu'une question pour vous, madame. Comment allez-vous ? » Très inquiet, le garçon. Il l'avait pris parce que c'était en fait une... Et voilà. Donc oui, je commence à publier en 2010.

  • Speaker #0

    Après, il y a eu My Name is Billie Holiday. C'est le deuxième, je me trompe.

  • Speaker #1

    Oui, c'est le deuxième.

  • Speaker #0

    Et lui est devenu une pièce.

  • Speaker #1

    Non, en fait, c'est le contraire. J'avais un texte qui avait été refusé chez Albin Michel. C'était trop glauque d'après eux. Oui, parce que contrairement à ce que tout le monde attendait de moi, je n'écris pas des recettes de cuisine, des recettes de beauté ou des histoires comme ça. J'écris des romans, des histoires assez dures. Ce qui m'intéresse, c'est l'humain dans ce qu'il a de plus indicible. Et donc, ce sont des textes qui ne sont pas forcément très rigolos. Et donc, je me suis vu refuser ce texte-là et je préparais. un spectacle sur Billie Holiday. Et mon éditeur m'a dit, puisque tu travailles sur Billie Holiday, tu ne veux pas écrire une bio en même temps. Je ne veux pas écrire une bio, il y en a déjà cent mille, mais je veux bien écrire un roman avec elle au milieu. Et c'est sorti comme ça. Ça a accompagné le disque et le spectacle.

  • Speaker #0

    Et après, trois femmes en 2015. Là, par contre, c'est Billie Holiday, Sarah Vaughan et Lafitte Girard.

  • Speaker #1

    Voilà, mais c'est vraiment un récital, pas une pièce de théâtre.

  • Speaker #0

    Enfin, ce n'est pas un choix anodin, ces trois femmes-là, quand même.

  • Speaker #1

    C'est parce que j'avais envie de rester dans ce... dans ces territoires, dans ce répertoire qui a été chanté par ces trois femmes.

  • Speaker #0

    Il y a une parenté musicale, c'est évident, même avec vous aussi bien sûr. Et puisqu'on parle de ces femmes-là, et d'artistes féminines effectivement non des moindres, pour revenir dans la chanson, je suis tombée sur une étude, enfin je ne suis pas tombée, je suis allée la chercher, sur une étude du CNM, donc du Centre National de la Musique, sur la place des femmes dans la musique et dans la chanson. L'étude date de 2023. Il y a seulement 17% de femmes leads sur scène. Et plus la salle est grande, plus le pourcentage est petit, bien sûr. 14% en festival, on est les pires élèves d'Europe. Et 29% en radio, dans l'esthétique qu'on appelle variété, mais disons chanson française. Il y en a encore moins dans le rap, on tombe à 10%. Et 17% dans les disques les plus vendus. Est-ce que ça vous inspire une réflexion, justement, sur la place des femmes dans la musique, dans la chanson, et a fortiori des femmes qui ont passé la quarantaine ?

  • Speaker #1

    Ça m'intéresse. Oui, il se promenait, je ne pensais pas. J'ai l'impression qu'il y a eu un pléthore de femmes dans la chanson, dans la musique. Alors, je savais que dans les instrumentistes, dans les grands musiciens de jazz,

  • Speaker #0

    il y a peu de femmes. C'est 10% aussi.

  • Speaker #1

    Il y a très peu de femmes. Ça, je le savais. Mais comme leader, au contraire, je pensais que les femmes étaient des vitrines assez…

  • Speaker #0

    C'est pareil pour les projets aidés par les organisations professionnelles, majoritairement des hommes.

  • Speaker #1

    Ça c'est lamentable. Je pense que les organisations professionnelles devraient se remettre en question et appliquer une forme de parité dans leur choix d'accompagner ou non les artistes. Parce que vous ne me direz pas que c'est parce qu'elles sont mauvaises, ce n'est pas vrai.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'elles sont simplement moins nombreuses parce qu'on ne leur a pas laissé la place ?

  • Speaker #1

    Non, alors... Je pense qu'elles ne sont pas moins nombreuses dans la réalité. Je connais un paquet de nanas qui chantent. Paquet qu'on n'entend pas. Qu'on n'entend pas, qu'ils ne sont pas mis en avant et qu'ils ne sont pas aidés. Je reconnais un paquet. On ne leur fait pas la place en ne les aidant pas. Mais ça, c'est une découverte. Je ne le savais pas. Franchement, moi, j'ai été aidée par la damie. été aidée par la SACEM. Je fais partie d'un groupe que vous connaissez. Et il n'y a que des filles.

  • Speaker #0

    Effectivement, on n'est que des filles. Forcément, on a plus l'impression qu'on est très nombreuses. Mais finalement, on représente 17%. Ça fait peur. Et à fortiori, je pense, quand on a dépassé la quarantaine. Oui,

  • Speaker #1

    alors c'est tombé. Mais ça, c'est pour tout. Sauf dans la littérature.

  • Speaker #0

    on tombe dans un autre domaine, sans jamais revenir sur vos livres, les trois derniers, je ne dis pas de bêtises.

  • Speaker #1

    Les Passagers du ciel, Trafiquants de colère, et Ce qui est pour toi.

  • Speaker #0

    Les trois derniers tournent un petit peu, je vous ai entendu dans une interview dire que vous aviez rongé le même os un peu pendant trois romans, en parlant d'esclavage, et donc de ses racines, qui sont les vôtres aussi dans les îles et les Caraïbes. En parlant parlant maintenant aujourd'hui d'un sujet qui est plus personnel, puisque votre dernier est plus une introspection. Vous pensez que vous avez fait le tour de ce que vous vouliez dire de ses origines ?

  • Speaker #1

    Je ne pense pas que j'ai fait le tour. En vérité, j'ai commencé à écrire le texte qui vient de paraître il y a 4 ans, il y a 5 ans même, fin 2020. Et j'ai fait des allers-retours dans l'hésitation, en me disant non, ça n'intéressera personne, non, c'est nul, non, je ne le fais pas. Et entre temps, j'ai écrit « Ce qui est pour toi, la rivière ne l'emporte pas » . Donc, ce texte-là, il sort maintenant parce que mon éditeur trouvait qu'il fallait le sortir. Mais non, je n'ai clairement pas fini de travailler sur... Je pense que je n'aurais jamais fini de travailler sur l'esclavage parce que c'est quelque chose... Vous savez, moi, j'écris pour ma... pour m'apporter à moi des réponses à des questions que je me pose sur la capacité de l'homme à être d'une fruauté sans nom, d'être capable jusqu'à aujourd'hui de penser que certains êtres humains sont inférieurs à d'autres, méritent moins que d'autres, d'avoir une place dans la société, d'être considérés. Tant qu'il y a des gens qui pensent comme ça, je pense que moi je travaillerai sur ces problématiques-là. Alors le truc c'est que je trouverai peut-être plus d'éditeurs puisqu'on va... Non, non, mais il y a un sérieux recul idéologique, même en France quoi. Tout ce qui se passe dans le monde entier, ça se passe d'une façon plus sous-jacente en France aussi. Il y a des espèces d'auto-censures. qui viennent s'instiller dans ce qui est montré. Cette idée que si on n'en parle pas,

  • Speaker #0

    ça n'a pas existé ?

  • Speaker #1

    Alors ça, non. Ça, je ne pense pas qu'on en soit encore là. Mais regardez le traitement qui est réservé à Fanon, le film. Il ne sort que dans 77 salles en France. Il a été refusé dans des réseaux importants parce que je pense que les gens... Les Français ne sont pas prêts à parler de la colonisation, ils ne sont pas prêts à se retourner sur ce qu'a été la réalité de la colonisation, l'horreur de la colonisation. Et ils ne sont pas prêts à se reconnaître héritiers de ces exactions, de ces vols. Ils en sont encore, en France on en est encore à dire, mais enfin, la colonisation... C'était un bien, on vous a apporté ci, on vous a apporté ça, un lien. En gros, vous en sauriez encore à grimper au cocotier. C'est ce que j'écris dans mon bouquin. On peut aller au-delà parce que le berceau de la civilisation, c'est l'Afrique.

  • Speaker #0

    Bien sûr.

  • Speaker #1

    Donc voilà, c'est un os qui a encore beaucoup de matière.

  • Speaker #0

    Donc vous allez continuer à le ronger.

  • Speaker #1

    C'est peut-être pas tout de suite.

  • Speaker #0

    Et avant ce livre... Donc, il y a eu un 17e album, c'est ça ? Non,

  • Speaker #1

    c'est 13.

  • Speaker #0

    13 ?

  • Speaker #1

    13 albums, pendant seul. Après, il y a des compilations, des participations,

  • Speaker #0

    etc. Ah oui, d'accord. C'est 13. Mais 13, d'accord. Donc, le dernier s'appelle Sud. Oui. Finalement, c'est aussi une façon de se raconter, en fait, d'aller explorer ces musiques-là.

  • Speaker #1

    En fait, simplement, c'est Khalil Shaheen qui a lu Les Passagers du siècle, avec Trafiquant de colère, et qui m'a dit... je veux écrire un album pour toi. Et c'est après, c'est un album qui est sorti de ces textes. Ah, c'est faux ! Les musiques sont sorties de ces textes-là. Donc, sont liées intrinsèquement à ces descentes de bateaux, à ces traversées obligatoires, consenties, etc. Et voilà comment le désir de cet album est né dans le... le chœur de Khalil Shahin. Et bien moi, forcément, après, j'ai travaillé des textes.

  • Speaker #0

    Donc les musiques sont venues d'abord ? Oui,

  • Speaker #1

    les musiques sont toutes venues d'abord. C'était pendant le Covid, ils m'ont envoyé un morceau par-ci, par-là. On a été très, très lentement. On a fait ça tranquillement.

  • Speaker #0

    Mais il se savoure. C'est un bijou, cet album. Les orchestrations sont superbes.

  • Speaker #1

    Les orchestrations sont très belles.

  • Speaker #0

    Sa guitare,

  • Speaker #1

    c'est... Quand on a la chance de l'entendre, parce qu'il joue pas assez, je trouve. Mais bon.

  • Speaker #0

    C'est un très, très, très, très bel album. Moi, j'ai craqué complètement sur Eben. Je trouve que c'est... Moi, c'est ma préférée, je crois.

  • Speaker #1

    Au-delà de mes chagrins d'épeine, il est un aïeux qui m'enchaîne, à l'écume, au vent, à la mer.

  • Speaker #0

    Mais c'est difficile d'avoir une préférée sur l'album parce qu'en fait c'est toute une histoire sans en être une. On sent que c'est très intime comme album.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un album intime.

  • Speaker #0

    J'imagine que vous êtes très concentrée sur la sortie du livre, mais est-ce qu'il y a d'autres projets, et en livres et en chansons, qui mûrissent déjà ?

  • Speaker #1

    Alors, l'autre jour, je fouillais dans mes CD, j'ai des enveloppes avec des CD dedans, et je suis tombée sur six titres que j'avais enregistrés pour Begin the Begin, l'album Begin the Begin, et qui n'ont pas été retenus.

  • Speaker #0

    Des titres en anglais ou en français ?

  • Speaker #1

    En français. Et parmi lesquels, une chanson que je trouvais tellement belle qui avait été écrite par Pierre Palmade. Et en réécoutant ça, je me suis dit « Oh, j'ai envie que ça sorte ce truc. C'est trop joli. » Et je l'ai mis en... Enfin, il est déjà enregistré, mixé et tout. Il y a un arrangement. Et j'ai demandé à un ami vidéaste de tourner des images dessus et il est en train de les monter. Je vais balancer ça. Mais c'est tout, quoi. Je n'ai pas de projet d'entrer en studio demain.

  • Speaker #0

    Ah, mais ça peut ne pas être demain. Mais on n'arrête jamais d'écrire quand on écrit, j'imagine. En littérature non plus, il y a déjà d'autres feuillets qui attendent, j'imagine.

  • Speaker #1

    Oui, il y a des sujets. En fait, j'ai tellement accepté d'écrire pour d'autres... Par exemple, il y a deux livres qui sont prêts à sortir, qui sont déjà écrits. Un pour une collection qui s'appelle « Je me souviens » et l'autre pour une petite collection qui s'appelle « Dix-septième » . Ce sont des petits livres comme ça. Et j'ai accepté d'écrire un deuxième pour cette collection, cette petite collection sur les abeisses. Je ne sais pas quand ça va sortir, mais... Ça m'intéresse tellement d'aller dans des territoires qui ne sont pas forcément les miens par affinité immédiate, mais ça m'intéresse. Le texte que j'ai écrit sur 17ème, c'est partie d'un tableau. C'est se concentrer sur un tableau et raconter quelque chose à propos de ce tableau. Et ça m'intéresse d'aller... d'aller chercher des choses auxquelles je ne pense pas quand j'écris un roman. Donc pour l'instant, j'ai une idée de roman, mais je n'ai pas écrit, il n'y a pas de feuillet près.

  • Speaker #0

    Il y a une curiosité finalement de la musique, la danse, l'écriture, le théâtre, la comédie, la chanson.

  • Speaker #1

    Oui, puis même depuis 6 ans maintenant, l'ingénierie culturelle, parce que le festival que j'ai créé en Martinique, c'est de l'ingénierie culturelle. Et je suis à fond dedans, développée. J'ai développé plein de choses pour la Martinique de ce point de vue-là. Et ça prend un temps fou.

  • Speaker #0

    C'est un festival de littérature.

  • Speaker #1

    Mais j'invite toujours des musiciens. On ne se refait pas. On ne se refait pas.

  • Speaker #0

    Qui s'appelle comment le festival ?

  • Speaker #1

    Le Festival en Pays Rêvé. Waouh !

  • Speaker #0

    Pour finir, je vais vous poser les mêmes questions que celles que je pose à tout le monde, c'est est-ce que vous auriez quelques artistes, un, deux, trois, en chansons françaises que vous auriez découvertes récemment, ou pas forcément récemment d'ailleurs, mais dont vous pensez qu'ils ne sont pas assez mis en lumière et que vous aimeriez nous recommander ?

  • Speaker #1

    Moi j'ai découvert il y a quelques années, mais j'avais bien aimé un artiste français qui s'appelle Antoine Elie. J'avais bien aimé sa chanson La Rose et l'Armure et Nous lier, tout ça.

  • Speaker #2

    Suivant la longue métamorphose qui m'éloigne de mon passé, j'ai croisé une rose qui me... Fais pas avancer Pas qu'elle n'ose pas la chose Mais n'y avait jamais pensé Depuis toujours en tenant la pose Dans les regards des pires recettes

  • Speaker #1

    Elle est très différente Puis il y a des textes J'aimais bien Karen-Anne

  • Speaker #3

    Je sais que mes mains qui ne cherchent d'habitude Que les voir à l'ébène d'un piano de salon Que la peau de mes doigts raccournie et durcit Par des cordes usagées de bronze et de nylon, un fin de mois et de pierre, une folle cavalière qui n'est que passagère.

  • Speaker #1

    Et puis, récemment, je suis allée voir Bernard Lavillier en concert avec le Symphonique. Je suis tombée de ma chaise tellement c'était beau, et depuis, je le réécoute en boucle. Je réécoute Manila Hotel, Betty, On The Road Again, R&B, toutes ces chansons-là qui sont d'une beauté, d'une vibe que je connais. Une chanson que je chante, il y a du sang sur le trottoir.

  • Speaker #4

    Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Je vous en prie. C'était un plaisir. J'emporte de cette jolie rencontre l'idée que parfois, il faut savoir se laisser porter par la vie pour rencontrer son destin. Un destin que je vous invite à explorer en lisant Mon cœur bruyant, aux éditions Grasset, ou en écoutant Sud, son 13e album, dont je laisse le lien dans les notes de l'épisode. Deux œuvres intimes qui dressent le portrait d'une artiste complète, curieuse, passionnée, riche de ses racines et de ses rencontres.

  • Speaker #4

    Merci beaucoup d'avoir écouté cet épisode. S'il vous a plu, faites le découvrir à vos amis en le partageant sur vos réseaux ou laissez-nous une note ou un commentaire sur votre plateforme d'écoute favorite. Et n'oubliez pas de vous abonner pour ne manquer aucun épisode. Vous pouvez aussi vous abonner à notre playlist sur la chaîne YouTube Providence Prod et sur les plateformes d'écoute. Enfin, rejoignez-nous sur le compte Instagram Providence.prod et faites-nous part de vos coups de cœur qui rejoindront peut-être la playlist. Merci beaucoup à Ruben MG pour l'habillage musical de ce podcast. Et puisque la musique, ça se partage, en attendant le prochain épisode,

  • Speaker #1

    parlons chansons.

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Description

Dans cet épisode de Parlons Chansons, j'ai l'honneur de m'entretenir avec la talentueuse Viktor Lazlo, chanteuse, comédienne et autrice, à l'occasion de la sortie de son septième livre, Mon cœur bruyant. Ce podcast musique vous invite à découvrir les coulisses de la carrière d'une artiste qui a su laisser la vie la mener vers son destin et qui a marquer la scène musicale française, depuis "Canoë Rose" jusqu'au sublime "Suds", son 13ème album.


Dans ce nouvel épisode de Parlons Chansons, vous aurez l'occasion d'entendre Viktor nous parler de ses influences musicales, de ses racines, des sujets qui l'habitent en chansons et en littérature, de ses projets, de ses collaborations avec des auteurs et compositeurs : de Boris Bergman à Khalil Chahine, d'Alain Chamfort à Bernard Lavilliers, de Françoise Hardy à Serge Gainsbourg , ainsi que de l'importance cruciale des textes et des mélodies dans la chanson. Viktor nous offre aussi des recommandations musicales précieuses :


Antoine Elie www.youtube.com/@AntoineElieOfficiel


Kerenn Ann www.youtube.com/@kerenannmusic


Bernard Lavilliers en Symphonique https://youtu.be/-xcjq4nPKmQ?si=JjXGVD9qDgpXvenV


Ne manquez pas cette occasion de découvrir son dernier album Suds https://youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_nxmpVZKCKD7sP0_Kaq5nJ58As4kZErPSM&si=X9iBgC4SXeBRJi99


et d'en apprendre davantage sur ses projets littéraires.


Mon coeur Bruyant est disponible aux Editions Grasset


À travers cet épisode, vous comprendrez pourquoi la voix des femmes est si importante dans la chanson française et comment elles contribuent à la diversité et à la richesse de ce domaine.




Merci d'avoir écouté cet épisode.

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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Parlons Chansons. Dans chaque épisode, on déroulera la bande-son en français dans le texte de la vie d'une personnalité qui nous parlera de son actu, de ses projets et qui partagera ses derniers coups de cœur, des pépites méconnues de la chanson française qu'elle a envie de mettre à l'honneur. Je suis Ausha Delanoë, auteure, comédienne et chanteuse. Mais ça, vous ne le savez pas, puisque mon podcast n'existait pas avant et que personne n'a eu l'occasion de vous parler de moi. Sauf que maintenant... Ça va changer et j'ai envie de donner cette chance à plein d'artistes. Alors, si la chanson française, ça vous parle, restez avec nous et parlons chansons. Ce n'était pas l'année dernière, ce n'était pas à Marine Bad, c'était il y a quelques jours sur une terrasse parisienne que mon invité m'a fait l'honneur de me recevoir, malgré des pollens cruels qui m'ont forcé à quelques coupes un peu sauvages dans l'entretien. Chanteuse, comédienne, autrice et même chevalier des arts et lettres, je la rencontre à l'occasion de la sortie de son septième livre. Mon cœur bruyant, édité chez Grasset. De Lorient à Paris, de Bruxelles à la Martinique, je suis fière de partager ce voyage en musique avec Victor Laszlo. Déjà, je voulais vous remercier de m'accueillir. C'est très gentil de votre part d'avoir accepté cette invitation. Ce n'est jamais que le troisième épisode de mon podcast, donc je suis toujours flattée quand quelqu'un accepte mon interview. Et je vais commencer direct par la première question que je pose à tous mes invités, qui est... pour vous, ce serait quoi la définition de la variété française ?

  • Speaker #1

    Je déteste le terme de variété. C'est une terminologie qui est fausse, qui est une espèce de tiroir dans lequel on a fourré toutes sortes de choses, de musiques qui n'appartenaient ni au classique, ni au jazz, ni à la country, ni au rock. Et on a fourré tout ce qui restait. C'est une terminologie qui n'existe pas aux Etats-Unis, par exemple. Alors qu'il y a du mainstream aux États-Unis. Il y a aussi ce genre de musique à écoute, plus facile peut-être, avec une musicalité peut-être plus simple, très reconnaissable, avec des mélodies très reconnaissables qui entrent facilement dans les esprits. Donc je pense qu'effectivement la variété c'est... malheureusement un fourre-tout.

  • Speaker #0

    Ce serait quoi le terme idéal alors, si on devait en trouver un ?

  • Speaker #1

    S'il faut absolument adjoindre le terme de français, l'adjectif français, j'aime pas non plus la musique légère, parce que c'est pas... Je cherchais tout à l'heure le nom d'une chanteuse qui a fait de la musique tout sauf légère et qui pourtant appartient à la variété française. Je ne sais pas. Franchement, je ne sais pas quelle terminologie j'emploierais, mais j'aime la chanson française. J'aime tout simplement la chanson française. Et ça permet de juxtaposer tout ce qui est chanson à texte, chanson plus, je ne sais pas moi, plus...

  • Speaker #0

    Populaire ?

  • Speaker #1

    Oui, mais chansons à texte sont souvent populaires. Oui, c'est vrai que ça permet de juxtaposer plusieurs styles en évitant les comparaisons avec tous les autres domaines périphériques. De manière générale, je n'aime pas les catégories.

  • Speaker #0

    Très bien. Donc, effectivement, dans ce podcast, on parle chansons et chansons françaises en particulier. Vous, vous êtes de parents martiniquais et grenadiens. Est-ce que, pour autant, dans votre enfance, on écoutait plutôt des chansons, je dirais, tropicales ou des Amériques ? Ou aussi de la chanson française ?

  • Speaker #1

    Dans ma famille, on écoutait de la musique classique et du jazz. Voilà, c'est tout ce qu'on écoutait. Mon père était un fan de jazz, un fan de musique classique. Ma mère, quand elle l'a rencontrée, aimait évidemment la chanson. Elle aimait beaucoup Harry Belafonte. D'ailleurs, elle a épousé son sosie. Mais elle aimait les chanteurs à la mode à l'époque. Mais voilà, il faut se dire que ce sont des gens qui ont quitté leurs Caraïbes et leurs Antilles natales, et qui sont venus s'installer en France, puis en Belgique. Belgique, Paris, Lorient, Paris, la Belgique, c'est un grand écart. Et je pense que mon père avait toujours rêvé de devenir un musicien. Il a eu très brièvement un violon quand il était petit. Et il a un petit peu fermé la porte aux musiques d'origine, de même que ma mère. Et donc, nous avons été élevés avec de la musique classique. et avec du jazz. Et c'est moi qui suis... Quand je suis entrée à l'école européenne, j'ai fréquenté des jeunes, d'Italiens, des Hollandais, des Allemands, et surtout les Hollandais qui avaient une culture très anglo-saxonne, américaine et anglo-saxonne, et donc j'ai tout de suite été vers des musiques anglo-saxonnes. Et c'est simplement parce que ma sœur se faisait acheter un journal qui s'appelait Mademoiselle âge tendre, et moi aussi, enfin moi c'était Salut les copains. Il y avait un hiatus entre ce que je voyais dans mon Salut les copains et ce que j'écoutais. Je ne connaissais pas les gens que je voyais en photo. C'est fou. Oui, c'est assez bizarre. À l'exception, parce qu'on a eu un transistor, des petits transistors comme ça, on s'endormait avec. À l'exception de deux chanteurs que j'aimais beaucoup quand j'étais toute petite, c'était Vernique Samson. et julien clair qui s'éloigne en portant le tuyau

  • Speaker #0

    C'est des belles références.

  • Speaker #1

    Voilà, ça c'était mes...

  • Speaker #0

    Oui, donc pas trop les yéyés, pas trop justement, pas trop le côté...

  • Speaker #1

    Pas du tout,

  • Speaker #0

    pas du tout. Déjà des chansons relativement à texte et profondes en fait, parce que...

  • Speaker #1

    Pas qui avaient un sens, oui, sans doute. Et puis des belles mélodies.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est clair.

  • Speaker #1

    Mais bien du violon, je suis très très attachée à la mélodie.

  • Speaker #0

    Et à la musique en général, puisque j'ai lu violon, danse...

  • Speaker #1

    Danse, oui, en fait je voulais commencer.

  • Speaker #0

    Donc forcément musique classique ou danse plutôt moderne jazz ?

  • Speaker #1

    Oh vous savez quand on est petit on danse sur le chopin, c'est du piano, on a un répétiteur qui est pianiste, donc c'est essentiellement des chopins, un sens. Mais à l'école européenne... On avait formé un groupe de danseuses avec une amie, mon amie italienne, et là on dansait sur musique sur un temps présent. Ouais, c'était carrément moderne.

  • Speaker #0

    J'ai vu même une comédie musicale à 11 ans.

  • Speaker #1

    C'était ma première apparition scénique. On m'a choisie parce que j'étais à l'époque la seule, avec ma soeur, on était les seules filles de couleur, comme on disait. de l'école européenne et ils avaient monté la comédie musicale Evelyn France qui racontait l'histoire d'une jeune fille de couleur qui était dans un lycée ou dans une école pour blancs à l'époque de l'obtention des droits civiques, de la lutte pour les droits civiques. Et on m'avait demandé d'incarner le rôle-titre et je n'ai qu'un souvenir qui est lié à une photo et à un sentiment. C'est la chanson que je devais chanter toute seule devant le micro et le track évidemment absolument épouvantable, mais peut-être aussi la sensation d'une place, d'un endroit où je me sentais bien, paradoxalement. La scène.

  • Speaker #0

    Et pourtant derrière vous avez fait des études d'archéologie et d'histoire de l'art et vous n'êtes pas restée. resté spontanément dans la musique ?

  • Speaker #1

    Je pense que je n'osais pas, ou je n'y ai pas forcément pensé. J'avais décidé de pratiquer tous les arts quand j'avais 12 ans. Je peignais, je dansais, jouais du violon, j'écrivais déjà, mais je n'avais jamais envisagé que ça puisse devenir un métier à proprement parler. Et du coup,

  • Speaker #0

    vous vous dirigez vers... Quoi plutôt comme métier ? En fait,

  • Speaker #1

    c'est pas moi qui me dirigeais, c'est la vie qui m'a... Parce que je voulais... En fait, j'ai fait le concours... Je sais pas, c'est le concours des arts déco, de la rue d'Ulm. Mais mon amie a disparu, celle chez qui je devais loger, parce que mes parents vivaient en Belgique, a disparu, donc j'ai pas pu faire mes études à Paris. Je suis retournée en Belgique, et là, à Bruxelles, je me suis trouvée... Soit à l'Académie des Beaux-Arts où je me suis inscrite dans le mauvais examen. Donc quand je me suis rendue compte que ce n'était pas ce que j'avais à faire là, je suis partie. Je me suis retrouvée pendant un petit moment dans une école de dessin de mode, de stylisme, mais qui était trop... trop scolaire, j'avais quitté l'école, j'avais mon bac, je n'avais plus envie d'entrer là-dedans. Et en fait, c'est par laisser aller que je me suis retrouvée à l'Université libre de Bruxelles, parce que ma sœur y était, que j'avais plein de copains qui y étaient. Je me suis dit, après tout, je peux étudier l'histoire de l'art, c'est bien, on verra. De toute façon, je savais que je n'en ferais pas un métier.

  • Speaker #0

    Donc c'était plutôt, oui, la vie vous apportait...

  • Speaker #1

    En attendant, en attendant mon destin, on va dire.

  • Speaker #0

    Et le destin, il est arrivé... au moment où vous avez fait un petit peu de mannequinat, où là, ça a commencé à aller vers quelque chose de...

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. J'ai le fait de faire partie d'une agence de mannequins pendant un temps très court, correspondait au moment où j'ai commencé à sortir et à fréquenter un lieu nocturne où j'ai rencontré mon premier producteur. Lou. Lou de Precq, oui.

  • Speaker #0

    Lou de Precq. Et vous avez chanté dans son groupe, Lou and the Hollywood Bananas. C'était votre premier enregistrement, All Look At Me Now, c'est ça ? Ou alors le premier, c'était Backdorman pour le film de...

  • Speaker #1

    C'était mon premier enregistrement. Mais oui, je chantais les chœurs, quoi. Mais je n'ai jamais voulu être une bananase. Ça ne m'intéressait pas. Donc, encore une fois, c'était un... une marche de l'escalier vers ce qui m'attendait, vers ce qui était là pour moi. Je savais qu'il y avait un truc qui allait se passer. Et c'est comme ça que j'ai rencontré Alain Chanfort et qu'il m'a appelé pour me demander de chanter « Bad Omen » .

  • Speaker #0

    Et votre pseudonyme, il est arrivé quand dans cette période-là ?

  • Speaker #1

    Très tôt, avant l'enregistrement de Casanova, Locatmina. Oui, en fait, j'étais chez le producteur et nous regardions le film. Et puis tout à coup, on s'est regardé en se disant, c'est quoi ce nom ? Ce serait rigolo que je m'appelle comme ça. Et puis voilà, c'est sorti comme ça.

  • Speaker #0

    Oui, c'est d'autant plus drôle qu'effectivement, à la base, c'est vraiment le nom du mari d'Ingrid Bergman. Rien que le nom a créé une identité très forte. On ne pouvait pas passer à côté. J'étais petite, moi, quand est sorti Canot et Rose. Et Fleurée des rivières.

  • Speaker #1

    Viens pas boire dans mon verre, tu peux même pleurer des rivières, pleurer des rivières, j'en ai pleuré pour toi naguère.

  • Speaker #0

    avec des textes de Boris Bergman, qui a été un auteur quand même fondamental dans cette époque, où il y avait énormément d'auteurs, de compositeurs. Aujourd'hui, on est plus dans une mode...

  • Speaker #1

    Je suis tombée sur un des meilleurs, si pas le meilleur à l'époque. Oui,

  • Speaker #0

    parce que vous disiez tout à l'heure, vous donnez beaucoup d'importance aux mélodies, mais du coup, je suppose aussi que les textes, ça a un important...

  • Speaker #1

    En fait, Canoe Rose avait écrit un texte anglais qui parlait de « The leaves are floating and measuring down the lake » . Il parlait d'un lac, de tristesse, c'était une chanson mélancolique en anglais. Et donc, j'avais déjà une conscience très aiguë de... Je vous dis, je suis une littéraire, j'ai toujours écrit, toujours lu. On a une grosse bibliothèque à la maison et donc j'ai énormément lu et donc le texte est fondamental.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous pensez justement, puisque maintenant on a, ça fait quelques années maintenant, mais on a beaucoup d'auteurs-compositeurs-interprètes, est-ce que vous pensez que la chanson, en règle générale, a perdu d'avoir des gens qui font tout ? Est-ce que c'était mieux à l'époque où il y avait des auteurs et des compositeurs ?

  • Speaker #1

    Non, non, non, c'est très bien qu'il y ait des auteurs-compositeurs-interprètes, ils chantent ce qu'ils ressentent. Moi, c'est simplement parce que je n'osais pas. Il a fallu que Bernard Lavillier me pousse à écrire en français. J'écrivais en anglais, mais en français.

  • Speaker #0

    Une pudeur ?

  • Speaker #1

    Oui, trop grande pudeur. Et donc, c'est Bernard qui m'a poussé à écrire mes chansons en français.

  • Speaker #0

    Et vous avez commencé à écrire vos textes à partir de quel album à peu près ? Parce que dans le dernier, dont on parlera un petit peu tout à l'heure, c'est entièrement vos textes ?

  • Speaker #1

    Oui. J'ai commencé bien plus tôt.

  • Speaker #0

    « Mes poisons délicieux » en 91 ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y a des chansons sur « Mes poisons délicieux » .

  • Speaker #0

    En plus, vous avez collaboré avec énormément d'auteurs et de compositeurs formidables. On a parlé d'Alain Chanfort tout à l'heure, Serge Gainsbourg, Bernard Lavillier, François Zardy pour Claire Obscur avec Khalil Chahine déjà. Oui.

  • Speaker #1

    Une splendeur.

  • Speaker #0

    Oui. La plus belle de tout votre répertoire.

  • Speaker #1

    Oui, je trouve aussi. C'est vraiment une chanson absolument sublime. Je la chante encore chaque semaine. Claire, obscure, je n'aime rien tant que la venue qui les a de l'humour de sa distance.

  • Speaker #0

    Et vous aimez collaborer avec d'autres auteurs et d'autres compositeurs ou maintenant vous préférez vraiment écrire seuls vos textes ?

  • Speaker #1

    Je trouve que les textes sont assez indigents. Ceux qu'on m'envoie ces derniers temps sont vraiment indigents. Et puis bon, je pense simplement qu'il y a un moment dans la vie où on a besoin d'approfondir des chants qui sont les siens, qui sont de l'ordre de l'intime, et personne d'autre que soi ne peut le faire. En tout cas, peut-être. pas bien, mais en tout cas, de la façon dont on peut l'assumer.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    bien sûr. Et je n'ai pas toujours écrit comme ça, mais c'est vrai que depuis trois albums, depuis deux albums, depuis Debout, depuis Woman, c'est vraiment... J'ai envie de parler de certaines choses et j'en parle. Je ne vais pas demander à quelqu'un de m'écrire une chanson sur... Si, j'ai demandé à... Andine Gaspard de m'écrire une chanson sur les attentats de 2015. Elle m'avait écrit quelque chose de très bon.

  • Speaker #0

    J'ai repéré justement après Mes Poisons Délicieux une petite pause musicale à ce moment-là. ou d'un coup vous en avez profité pour apporter votre talent d'interprète ailleurs, à la télévision, au théâtre, au cinéma ?

  • Speaker #1

    Mes Poisons délicieux, il y a quelques années, quand même, qui sont passées, j'ai beaucoup tourné. J'ai tourné parce qu'on me l'a proposé. Je ne suis pas allée chercher, je ne suis pas allée demander, mais on me l'a proposé. On me l'a proposé assez tôt d'ailleurs. Puis de fil en aiguille, j'ai eu un agent, et des propositions qui tombaient. Et il faut dire qu'à partir de mes Poisons délicieux, le succès déclinait quand même. C'est à partir de là que ça a commencé à décliner pour moi, du point de vue musical.

  • Speaker #0

    Une raison particulière à votre avis ?

  • Speaker #1

    Je pense que justement, si j'avais écrit mes chansons plus tôt, j'aurais peut-être pu éviter ça. Parce que ça partait un peu dans tous les sens. Je crois que j'ai trop longtemps écouté les producteurs, trop longtemps accepté de ne pas faire exactement ce que je voulais. Et j'aurais pas dû. j'aurais pas dû. Mais c'est comme ça, c'est comme ça. Moi, j'en ai pas souffert justement parce que il y avait autre chose. C'était pas une passion. Le tournage de films, c'était pas une passion. Puis à la fin du 20e siècle, il y a eu la proposition d'Emmanuel Schmitt pour jouer dans la pièce dont il avait écrit un rôle pour moi. J'ai fait ça pendant pratiquement un an. Et puis j'ai ressorti des albums. Ça a été beaucoup plus difficile.

  • Speaker #0

    Oui, puis c'est arrivé un peu plus tard, 94, je crois, c'est qui a suivi, donc il y a eu du Habert 3-4 ans sans lire l'album.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas comment dire. Il faut me pousser pour que j'aille en studio. J'aime chanter, j'aime...

  • Speaker #0

    Vous préférez la scène au studio ?

  • Speaker #1

    J'aime la scène, mais le studio...

  • Speaker #0

    Dans tous les interprètes, chacun a vraiment sa phase préférée. Il y en a qui préfèrent le studio, d'autres qui préfèrent la scène.

  • Speaker #1

    Mais moi, je ne suis pas une nana de studio.

  • Speaker #0

    Et quand on ne chante pas, justement, est-ce qu'on écoute quand même beaucoup les autres ?

  • Speaker #1

    Ça fait très, très longtemps que je n'ai... D'abord, je n'ai jamais aimé la radio. J'aime parler à la radio. C'est très paradoxal, encore une fois. J'aime les interviews faites pour la radio. Et j'ai toujours rêvé d'avoir une émission tard le soir où je peux parler aux gens dans leur oreille. J'aime bien l'idée, mais c'est vrai que je ne suis pas quelqu'un qui écoute la radio. En fait, c'est parce que ça me rappelle mes réveils pour aller à l'école. Mon père se faisait réveiller par un réveil radio, un autoradio. Un radio réveil, oui. Un radio réveil. Et c'était un... C'est un cauchemar. Donc la radio, c'est une niette. À partir de Love Story... Ah si, 2001.

  • Speaker #0

    2001, ah ! J'étais pas trop loin.

  • Speaker #1

    J'ai jeté ma télé.

  • Speaker #0

    Donc plus de télé, plus de radio.

  • Speaker #1

    J'ai toujours lu la presse écrite et j'écoutais des albums que j'achetais ou qu'on m'offrait, que j'allais découvrir, comme ça.

  • Speaker #0

    Et un petit peu quand même de belles découvertes en chansons françaises à cette époque ?

  • Speaker #1

    Non, je sais plus. Si, Art Mango. J'aimais beaucoup Art Mango. C'est drapeau jusqu'au saut, à l'inconnu, elle a roulé un peu minu, son corps de bas, il nous envoie sans dû. On n'entend plus. Ouais, c'est malheureusement, c'est des gens qui s'éteignent comme ça tout doucement, qui continuent à faire des choses, ils font des choses, mais on ne les entend plus. On ne les entend plus. Ils ne sont pas passés en radio. De toute façon, si vous écoutez la radio, vous vous rendez compte, c'est les mêmes titres qui passent en boucle.

  • Speaker #0

    Je crois que ça a toujours été le cas. Mais maintenant, non seulement c'est les mêmes, mais beaucoup se ressemblent.

  • Speaker #1

    C'est peut-être pour ça qu'on a l'impression que c'est toujours le même titre qui passe. Mais ce n'est pas grave et c'est normal. C'est normal qu'il y ait un turnover. C'est normal que les choses changent, qu'on écoute... Surtout... C'est pas comme si moi j'étais pas, je suis pas Johnny Hallyday quoi, j'ai pas marqué mon temps musicalement avec des tubes énormes, j'en ai eu deux en France. C'est normal de disparaître progressivement. On disparaît parce que c'est pas une mort sociale pour autant.

  • Speaker #0

    Ah bah non, clairement, en plus il y a d'autres choses qui se passent, puisque après vous avez commencé à écrire, vous le disiez, vous écrivez depuis très longtemps. Oui, j'imagine, mais...

  • Speaker #1

    C'est en 2000, j'ai pour la première fois proposé un texte à un éditeur qui était grasset. Le texte n'était pas terminé, mais on m'a dit qu'il serait publié si je le terminais. Je suis rentrée chez moi, j'étais très contente, j'ai mis ça dans un placard et j'ai oublié. Ça a duré dix ans. C'est un journaliste qui m'a demandé à le lire. Quand il l'a lu, il m'a dit « c'est terrible, c'est formidable, il faut absolument que tu le… » finiste et donc je n'ai publié qu'en 2010 parce que j'ai mis dix ans à être prête.

  • Speaker #0

    La femme qui pleure, c'est celui-là.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai mis dix ans à être prête à sortir mais...

  • Speaker #0

    Pareil pour une raison de pudeur comme le fait de ne pas écrire vos chansons en français ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est de la pudeur. D'autant plus que pour l'écriture. Alors là, vous mettez vraiment vos tripes sur la table. Alors évidemment, bon le premier c'était... Je me suis servi de la forme romanesque pour raconter des choses qui étaient très personnelles. Et d'ailleurs, en écrivant le dernier, qui est un récit introspectif, je me suis rendu compte qu'il y avait quand même beaucoup, beaucoup de choses. Les gens qui ont lu La femme qui pleure, ils vont me retrouver dans plein de choses que je raconte dans mon cœur bruyant.

  • Speaker #0

    Oui, mais dans La femme qui pleure, vous vous cachiez plus derrière le côté romanesque. C'est plus un prétexte pour... Ce n'était pas un se raconter de façon...

  • Speaker #1

    Je l'ai vécu comme ça. Je l'ai vécu comme ça parce que... Et d'ailleurs, les gens... Je me souviens d'une émission qui se tournait dans un lycée où les élèves avaient tous lu. Et il y en a un qui... Le premier à m'avoir posé une question, qui a levé la main et qui a dit « Bon, moi, j'ai qu'une question pour vous, madame. Comment allez-vous ? » Très inquiet, le garçon. Il l'avait pris parce que c'était en fait une... Et voilà. Donc oui, je commence à publier en 2010.

  • Speaker #0

    Après, il y a eu My Name is Billie Holiday. C'est le deuxième, je me trompe.

  • Speaker #1

    Oui, c'est le deuxième.

  • Speaker #0

    Et lui est devenu une pièce.

  • Speaker #1

    Non, en fait, c'est le contraire. J'avais un texte qui avait été refusé chez Albin Michel. C'était trop glauque d'après eux. Oui, parce que contrairement à ce que tout le monde attendait de moi, je n'écris pas des recettes de cuisine, des recettes de beauté ou des histoires comme ça. J'écris des romans, des histoires assez dures. Ce qui m'intéresse, c'est l'humain dans ce qu'il a de plus indicible. Et donc, ce sont des textes qui ne sont pas forcément très rigolos. Et donc, je me suis vu refuser ce texte-là et je préparais. un spectacle sur Billie Holiday. Et mon éditeur m'a dit, puisque tu travailles sur Billie Holiday, tu ne veux pas écrire une bio en même temps. Je ne veux pas écrire une bio, il y en a déjà cent mille, mais je veux bien écrire un roman avec elle au milieu. Et c'est sorti comme ça. Ça a accompagné le disque et le spectacle.

  • Speaker #0

    Et après, trois femmes en 2015. Là, par contre, c'est Billie Holiday, Sarah Vaughan et Lafitte Girard.

  • Speaker #1

    Voilà, mais c'est vraiment un récital, pas une pièce de théâtre.

  • Speaker #0

    Enfin, ce n'est pas un choix anodin, ces trois femmes-là, quand même.

  • Speaker #1

    C'est parce que j'avais envie de rester dans ce... dans ces territoires, dans ce répertoire qui a été chanté par ces trois femmes.

  • Speaker #0

    Il y a une parenté musicale, c'est évident, même avec vous aussi bien sûr. Et puisqu'on parle de ces femmes-là, et d'artistes féminines effectivement non des moindres, pour revenir dans la chanson, je suis tombée sur une étude, enfin je ne suis pas tombée, je suis allée la chercher, sur une étude du CNM, donc du Centre National de la Musique, sur la place des femmes dans la musique et dans la chanson. L'étude date de 2023. Il y a seulement 17% de femmes leads sur scène. Et plus la salle est grande, plus le pourcentage est petit, bien sûr. 14% en festival, on est les pires élèves d'Europe. Et 29% en radio, dans l'esthétique qu'on appelle variété, mais disons chanson française. Il y en a encore moins dans le rap, on tombe à 10%. Et 17% dans les disques les plus vendus. Est-ce que ça vous inspire une réflexion, justement, sur la place des femmes dans la musique, dans la chanson, et a fortiori des femmes qui ont passé la quarantaine ?

  • Speaker #1

    Ça m'intéresse. Oui, il se promenait, je ne pensais pas. J'ai l'impression qu'il y a eu un pléthore de femmes dans la chanson, dans la musique. Alors, je savais que dans les instrumentistes, dans les grands musiciens de jazz,

  • Speaker #0

    il y a peu de femmes. C'est 10% aussi.

  • Speaker #1

    Il y a très peu de femmes. Ça, je le savais. Mais comme leader, au contraire, je pensais que les femmes étaient des vitrines assez…

  • Speaker #0

    C'est pareil pour les projets aidés par les organisations professionnelles, majoritairement des hommes.

  • Speaker #1

    Ça c'est lamentable. Je pense que les organisations professionnelles devraient se remettre en question et appliquer une forme de parité dans leur choix d'accompagner ou non les artistes. Parce que vous ne me direz pas que c'est parce qu'elles sont mauvaises, ce n'est pas vrai.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'elles sont simplement moins nombreuses parce qu'on ne leur a pas laissé la place ?

  • Speaker #1

    Non, alors... Je pense qu'elles ne sont pas moins nombreuses dans la réalité. Je connais un paquet de nanas qui chantent. Paquet qu'on n'entend pas. Qu'on n'entend pas, qu'ils ne sont pas mis en avant et qu'ils ne sont pas aidés. Je reconnais un paquet. On ne leur fait pas la place en ne les aidant pas. Mais ça, c'est une découverte. Je ne le savais pas. Franchement, moi, j'ai été aidée par la damie. été aidée par la SACEM. Je fais partie d'un groupe que vous connaissez. Et il n'y a que des filles.

  • Speaker #0

    Effectivement, on n'est que des filles. Forcément, on a plus l'impression qu'on est très nombreuses. Mais finalement, on représente 17%. Ça fait peur. Et à fortiori, je pense, quand on a dépassé la quarantaine. Oui,

  • Speaker #1

    alors c'est tombé. Mais ça, c'est pour tout. Sauf dans la littérature.

  • Speaker #0

    on tombe dans un autre domaine, sans jamais revenir sur vos livres, les trois derniers, je ne dis pas de bêtises.

  • Speaker #1

    Les Passagers du ciel, Trafiquants de colère, et Ce qui est pour toi.

  • Speaker #0

    Les trois derniers tournent un petit peu, je vous ai entendu dans une interview dire que vous aviez rongé le même os un peu pendant trois romans, en parlant d'esclavage, et donc de ses racines, qui sont les vôtres aussi dans les îles et les Caraïbes. En parlant parlant maintenant aujourd'hui d'un sujet qui est plus personnel, puisque votre dernier est plus une introspection. Vous pensez que vous avez fait le tour de ce que vous vouliez dire de ses origines ?

  • Speaker #1

    Je ne pense pas que j'ai fait le tour. En vérité, j'ai commencé à écrire le texte qui vient de paraître il y a 4 ans, il y a 5 ans même, fin 2020. Et j'ai fait des allers-retours dans l'hésitation, en me disant non, ça n'intéressera personne, non, c'est nul, non, je ne le fais pas. Et entre temps, j'ai écrit « Ce qui est pour toi, la rivière ne l'emporte pas » . Donc, ce texte-là, il sort maintenant parce que mon éditeur trouvait qu'il fallait le sortir. Mais non, je n'ai clairement pas fini de travailler sur... Je pense que je n'aurais jamais fini de travailler sur l'esclavage parce que c'est quelque chose... Vous savez, moi, j'écris pour ma... pour m'apporter à moi des réponses à des questions que je me pose sur la capacité de l'homme à être d'une fruauté sans nom, d'être capable jusqu'à aujourd'hui de penser que certains êtres humains sont inférieurs à d'autres, méritent moins que d'autres, d'avoir une place dans la société, d'être considérés. Tant qu'il y a des gens qui pensent comme ça, je pense que moi je travaillerai sur ces problématiques-là. Alors le truc c'est que je trouverai peut-être plus d'éditeurs puisqu'on va... Non, non, mais il y a un sérieux recul idéologique, même en France quoi. Tout ce qui se passe dans le monde entier, ça se passe d'une façon plus sous-jacente en France aussi. Il y a des espèces d'auto-censures. qui viennent s'instiller dans ce qui est montré. Cette idée que si on n'en parle pas,

  • Speaker #0

    ça n'a pas existé ?

  • Speaker #1

    Alors ça, non. Ça, je ne pense pas qu'on en soit encore là. Mais regardez le traitement qui est réservé à Fanon, le film. Il ne sort que dans 77 salles en France. Il a été refusé dans des réseaux importants parce que je pense que les gens... Les Français ne sont pas prêts à parler de la colonisation, ils ne sont pas prêts à se retourner sur ce qu'a été la réalité de la colonisation, l'horreur de la colonisation. Et ils ne sont pas prêts à se reconnaître héritiers de ces exactions, de ces vols. Ils en sont encore, en France on en est encore à dire, mais enfin, la colonisation... C'était un bien, on vous a apporté ci, on vous a apporté ça, un lien. En gros, vous en sauriez encore à grimper au cocotier. C'est ce que j'écris dans mon bouquin. On peut aller au-delà parce que le berceau de la civilisation, c'est l'Afrique.

  • Speaker #0

    Bien sûr.

  • Speaker #1

    Donc voilà, c'est un os qui a encore beaucoup de matière.

  • Speaker #0

    Donc vous allez continuer à le ronger.

  • Speaker #1

    C'est peut-être pas tout de suite.

  • Speaker #0

    Et avant ce livre... Donc, il y a eu un 17e album, c'est ça ? Non,

  • Speaker #1

    c'est 13.

  • Speaker #0

    13 ?

  • Speaker #1

    13 albums, pendant seul. Après, il y a des compilations, des participations,

  • Speaker #0

    etc. Ah oui, d'accord. C'est 13. Mais 13, d'accord. Donc, le dernier s'appelle Sud. Oui. Finalement, c'est aussi une façon de se raconter, en fait, d'aller explorer ces musiques-là.

  • Speaker #1

    En fait, simplement, c'est Khalil Shaheen qui a lu Les Passagers du siècle, avec Trafiquant de colère, et qui m'a dit... je veux écrire un album pour toi. Et c'est après, c'est un album qui est sorti de ces textes. Ah, c'est faux ! Les musiques sont sorties de ces textes-là. Donc, sont liées intrinsèquement à ces descentes de bateaux, à ces traversées obligatoires, consenties, etc. Et voilà comment le désir de cet album est né dans le... le chœur de Khalil Shahin. Et bien moi, forcément, après, j'ai travaillé des textes.

  • Speaker #0

    Donc les musiques sont venues d'abord ? Oui,

  • Speaker #1

    les musiques sont toutes venues d'abord. C'était pendant le Covid, ils m'ont envoyé un morceau par-ci, par-là. On a été très, très lentement. On a fait ça tranquillement.

  • Speaker #0

    Mais il se savoure. C'est un bijou, cet album. Les orchestrations sont superbes.

  • Speaker #1

    Les orchestrations sont très belles.

  • Speaker #0

    Sa guitare,

  • Speaker #1

    c'est... Quand on a la chance de l'entendre, parce qu'il joue pas assez, je trouve. Mais bon.

  • Speaker #0

    C'est un très, très, très, très bel album. Moi, j'ai craqué complètement sur Eben. Je trouve que c'est... Moi, c'est ma préférée, je crois.

  • Speaker #1

    Au-delà de mes chagrins d'épeine, il est un aïeux qui m'enchaîne, à l'écume, au vent, à la mer.

  • Speaker #0

    Mais c'est difficile d'avoir une préférée sur l'album parce qu'en fait c'est toute une histoire sans en être une. On sent que c'est très intime comme album.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un album intime.

  • Speaker #0

    J'imagine que vous êtes très concentrée sur la sortie du livre, mais est-ce qu'il y a d'autres projets, et en livres et en chansons, qui mûrissent déjà ?

  • Speaker #1

    Alors, l'autre jour, je fouillais dans mes CD, j'ai des enveloppes avec des CD dedans, et je suis tombée sur six titres que j'avais enregistrés pour Begin the Begin, l'album Begin the Begin, et qui n'ont pas été retenus.

  • Speaker #0

    Des titres en anglais ou en français ?

  • Speaker #1

    En français. Et parmi lesquels, une chanson que je trouvais tellement belle qui avait été écrite par Pierre Palmade. Et en réécoutant ça, je me suis dit « Oh, j'ai envie que ça sorte ce truc. C'est trop joli. » Et je l'ai mis en... Enfin, il est déjà enregistré, mixé et tout. Il y a un arrangement. Et j'ai demandé à un ami vidéaste de tourner des images dessus et il est en train de les monter. Je vais balancer ça. Mais c'est tout, quoi. Je n'ai pas de projet d'entrer en studio demain.

  • Speaker #0

    Ah, mais ça peut ne pas être demain. Mais on n'arrête jamais d'écrire quand on écrit, j'imagine. En littérature non plus, il y a déjà d'autres feuillets qui attendent, j'imagine.

  • Speaker #1

    Oui, il y a des sujets. En fait, j'ai tellement accepté d'écrire pour d'autres... Par exemple, il y a deux livres qui sont prêts à sortir, qui sont déjà écrits. Un pour une collection qui s'appelle « Je me souviens » et l'autre pour une petite collection qui s'appelle « Dix-septième » . Ce sont des petits livres comme ça. Et j'ai accepté d'écrire un deuxième pour cette collection, cette petite collection sur les abeisses. Je ne sais pas quand ça va sortir, mais... Ça m'intéresse tellement d'aller dans des territoires qui ne sont pas forcément les miens par affinité immédiate, mais ça m'intéresse. Le texte que j'ai écrit sur 17ème, c'est partie d'un tableau. C'est se concentrer sur un tableau et raconter quelque chose à propos de ce tableau. Et ça m'intéresse d'aller... d'aller chercher des choses auxquelles je ne pense pas quand j'écris un roman. Donc pour l'instant, j'ai une idée de roman, mais je n'ai pas écrit, il n'y a pas de feuillet près.

  • Speaker #0

    Il y a une curiosité finalement de la musique, la danse, l'écriture, le théâtre, la comédie, la chanson.

  • Speaker #1

    Oui, puis même depuis 6 ans maintenant, l'ingénierie culturelle, parce que le festival que j'ai créé en Martinique, c'est de l'ingénierie culturelle. Et je suis à fond dedans, développée. J'ai développé plein de choses pour la Martinique de ce point de vue-là. Et ça prend un temps fou.

  • Speaker #0

    C'est un festival de littérature.

  • Speaker #1

    Mais j'invite toujours des musiciens. On ne se refait pas. On ne se refait pas.

  • Speaker #0

    Qui s'appelle comment le festival ?

  • Speaker #1

    Le Festival en Pays Rêvé. Waouh !

  • Speaker #0

    Pour finir, je vais vous poser les mêmes questions que celles que je pose à tout le monde, c'est est-ce que vous auriez quelques artistes, un, deux, trois, en chansons françaises que vous auriez découvertes récemment, ou pas forcément récemment d'ailleurs, mais dont vous pensez qu'ils ne sont pas assez mis en lumière et que vous aimeriez nous recommander ?

  • Speaker #1

    Moi j'ai découvert il y a quelques années, mais j'avais bien aimé un artiste français qui s'appelle Antoine Elie. J'avais bien aimé sa chanson La Rose et l'Armure et Nous lier, tout ça.

  • Speaker #2

    Suivant la longue métamorphose qui m'éloigne de mon passé, j'ai croisé une rose qui me... Fais pas avancer Pas qu'elle n'ose pas la chose Mais n'y avait jamais pensé Depuis toujours en tenant la pose Dans les regards des pires recettes

  • Speaker #1

    Elle est très différente Puis il y a des textes J'aimais bien Karen-Anne

  • Speaker #3

    Je sais que mes mains qui ne cherchent d'habitude Que les voir à l'ébène d'un piano de salon Que la peau de mes doigts raccournie et durcit Par des cordes usagées de bronze et de nylon, un fin de mois et de pierre, une folle cavalière qui n'est que passagère.

  • Speaker #1

    Et puis, récemment, je suis allée voir Bernard Lavillier en concert avec le Symphonique. Je suis tombée de ma chaise tellement c'était beau, et depuis, je le réécoute en boucle. Je réécoute Manila Hotel, Betty, On The Road Again, R&B, toutes ces chansons-là qui sont d'une beauté, d'une vibe que je connais. Une chanson que je chante, il y a du sang sur le trottoir.

  • Speaker #4

    Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Je vous en prie. C'était un plaisir. J'emporte de cette jolie rencontre l'idée que parfois, il faut savoir se laisser porter par la vie pour rencontrer son destin. Un destin que je vous invite à explorer en lisant Mon cœur bruyant, aux éditions Grasset, ou en écoutant Sud, son 13e album, dont je laisse le lien dans les notes de l'épisode. Deux œuvres intimes qui dressent le portrait d'une artiste complète, curieuse, passionnée, riche de ses racines et de ses rencontres.

  • Speaker #4

    Merci beaucoup d'avoir écouté cet épisode. S'il vous a plu, faites le découvrir à vos amis en le partageant sur vos réseaux ou laissez-nous une note ou un commentaire sur votre plateforme d'écoute favorite. Et n'oubliez pas de vous abonner pour ne manquer aucun épisode. Vous pouvez aussi vous abonner à notre playlist sur la chaîne YouTube Providence Prod et sur les plateformes d'écoute. Enfin, rejoignez-nous sur le compte Instagram Providence.prod et faites-nous part de vos coups de cœur qui rejoindront peut-être la playlist. Merci beaucoup à Ruben MG pour l'habillage musical de ce podcast. Et puisque la musique, ça se partage, en attendant le prochain épisode,

  • Speaker #1

    parlons chansons.

Description

Dans cet épisode de Parlons Chansons, j'ai l'honneur de m'entretenir avec la talentueuse Viktor Lazlo, chanteuse, comédienne et autrice, à l'occasion de la sortie de son septième livre, Mon cœur bruyant. Ce podcast musique vous invite à découvrir les coulisses de la carrière d'une artiste qui a su laisser la vie la mener vers son destin et qui a marquer la scène musicale française, depuis "Canoë Rose" jusqu'au sublime "Suds", son 13ème album.


Dans ce nouvel épisode de Parlons Chansons, vous aurez l'occasion d'entendre Viktor nous parler de ses influences musicales, de ses racines, des sujets qui l'habitent en chansons et en littérature, de ses projets, de ses collaborations avec des auteurs et compositeurs : de Boris Bergman à Khalil Chahine, d'Alain Chamfort à Bernard Lavilliers, de Françoise Hardy à Serge Gainsbourg , ainsi que de l'importance cruciale des textes et des mélodies dans la chanson. Viktor nous offre aussi des recommandations musicales précieuses :


Antoine Elie www.youtube.com/@AntoineElieOfficiel


Kerenn Ann www.youtube.com/@kerenannmusic


Bernard Lavilliers en Symphonique https://youtu.be/-xcjq4nPKmQ?si=JjXGVD9qDgpXvenV


Ne manquez pas cette occasion de découvrir son dernier album Suds https://youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_nxmpVZKCKD7sP0_Kaq5nJ58As4kZErPSM&si=X9iBgC4SXeBRJi99


et d'en apprendre davantage sur ses projets littéraires.


Mon coeur Bruyant est disponible aux Editions Grasset


À travers cet épisode, vous comprendrez pourquoi la voix des femmes est si importante dans la chanson française et comment elles contribuent à la diversité et à la richesse de ce domaine.




Merci d'avoir écouté cet épisode.

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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Parlons Chansons. Dans chaque épisode, on déroulera la bande-son en français dans le texte de la vie d'une personnalité qui nous parlera de son actu, de ses projets et qui partagera ses derniers coups de cœur, des pépites méconnues de la chanson française qu'elle a envie de mettre à l'honneur. Je suis Ausha Delanoë, auteure, comédienne et chanteuse. Mais ça, vous ne le savez pas, puisque mon podcast n'existait pas avant et que personne n'a eu l'occasion de vous parler de moi. Sauf que maintenant... Ça va changer et j'ai envie de donner cette chance à plein d'artistes. Alors, si la chanson française, ça vous parle, restez avec nous et parlons chansons. Ce n'était pas l'année dernière, ce n'était pas à Marine Bad, c'était il y a quelques jours sur une terrasse parisienne que mon invité m'a fait l'honneur de me recevoir, malgré des pollens cruels qui m'ont forcé à quelques coupes un peu sauvages dans l'entretien. Chanteuse, comédienne, autrice et même chevalier des arts et lettres, je la rencontre à l'occasion de la sortie de son septième livre. Mon cœur bruyant, édité chez Grasset. De Lorient à Paris, de Bruxelles à la Martinique, je suis fière de partager ce voyage en musique avec Victor Laszlo. Déjà, je voulais vous remercier de m'accueillir. C'est très gentil de votre part d'avoir accepté cette invitation. Ce n'est jamais que le troisième épisode de mon podcast, donc je suis toujours flattée quand quelqu'un accepte mon interview. Et je vais commencer direct par la première question que je pose à tous mes invités, qui est... pour vous, ce serait quoi la définition de la variété française ?

  • Speaker #1

    Je déteste le terme de variété. C'est une terminologie qui est fausse, qui est une espèce de tiroir dans lequel on a fourré toutes sortes de choses, de musiques qui n'appartenaient ni au classique, ni au jazz, ni à la country, ni au rock. Et on a fourré tout ce qui restait. C'est une terminologie qui n'existe pas aux Etats-Unis, par exemple. Alors qu'il y a du mainstream aux États-Unis. Il y a aussi ce genre de musique à écoute, plus facile peut-être, avec une musicalité peut-être plus simple, très reconnaissable, avec des mélodies très reconnaissables qui entrent facilement dans les esprits. Donc je pense qu'effectivement la variété c'est... malheureusement un fourre-tout.

  • Speaker #0

    Ce serait quoi le terme idéal alors, si on devait en trouver un ?

  • Speaker #1

    S'il faut absolument adjoindre le terme de français, l'adjectif français, j'aime pas non plus la musique légère, parce que c'est pas... Je cherchais tout à l'heure le nom d'une chanteuse qui a fait de la musique tout sauf légère et qui pourtant appartient à la variété française. Je ne sais pas. Franchement, je ne sais pas quelle terminologie j'emploierais, mais j'aime la chanson française. J'aime tout simplement la chanson française. Et ça permet de juxtaposer tout ce qui est chanson à texte, chanson plus, je ne sais pas moi, plus...

  • Speaker #0

    Populaire ?

  • Speaker #1

    Oui, mais chansons à texte sont souvent populaires. Oui, c'est vrai que ça permet de juxtaposer plusieurs styles en évitant les comparaisons avec tous les autres domaines périphériques. De manière générale, je n'aime pas les catégories.

  • Speaker #0

    Très bien. Donc, effectivement, dans ce podcast, on parle chansons et chansons françaises en particulier. Vous, vous êtes de parents martiniquais et grenadiens. Est-ce que, pour autant, dans votre enfance, on écoutait plutôt des chansons, je dirais, tropicales ou des Amériques ? Ou aussi de la chanson française ?

  • Speaker #1

    Dans ma famille, on écoutait de la musique classique et du jazz. Voilà, c'est tout ce qu'on écoutait. Mon père était un fan de jazz, un fan de musique classique. Ma mère, quand elle l'a rencontrée, aimait évidemment la chanson. Elle aimait beaucoup Harry Belafonte. D'ailleurs, elle a épousé son sosie. Mais elle aimait les chanteurs à la mode à l'époque. Mais voilà, il faut se dire que ce sont des gens qui ont quitté leurs Caraïbes et leurs Antilles natales, et qui sont venus s'installer en France, puis en Belgique. Belgique, Paris, Lorient, Paris, la Belgique, c'est un grand écart. Et je pense que mon père avait toujours rêvé de devenir un musicien. Il a eu très brièvement un violon quand il était petit. Et il a un petit peu fermé la porte aux musiques d'origine, de même que ma mère. Et donc, nous avons été élevés avec de la musique classique. et avec du jazz. Et c'est moi qui suis... Quand je suis entrée à l'école européenne, j'ai fréquenté des jeunes, d'Italiens, des Hollandais, des Allemands, et surtout les Hollandais qui avaient une culture très anglo-saxonne, américaine et anglo-saxonne, et donc j'ai tout de suite été vers des musiques anglo-saxonnes. Et c'est simplement parce que ma sœur se faisait acheter un journal qui s'appelait Mademoiselle âge tendre, et moi aussi, enfin moi c'était Salut les copains. Il y avait un hiatus entre ce que je voyais dans mon Salut les copains et ce que j'écoutais. Je ne connaissais pas les gens que je voyais en photo. C'est fou. Oui, c'est assez bizarre. À l'exception, parce qu'on a eu un transistor, des petits transistors comme ça, on s'endormait avec. À l'exception de deux chanteurs que j'aimais beaucoup quand j'étais toute petite, c'était Vernique Samson. et julien clair qui s'éloigne en portant le tuyau

  • Speaker #0

    C'est des belles références.

  • Speaker #1

    Voilà, ça c'était mes...

  • Speaker #0

    Oui, donc pas trop les yéyés, pas trop justement, pas trop le côté...

  • Speaker #1

    Pas du tout,

  • Speaker #0

    pas du tout. Déjà des chansons relativement à texte et profondes en fait, parce que...

  • Speaker #1

    Pas qui avaient un sens, oui, sans doute. Et puis des belles mélodies.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est clair.

  • Speaker #1

    Mais bien du violon, je suis très très attachée à la mélodie.

  • Speaker #0

    Et à la musique en général, puisque j'ai lu violon, danse...

  • Speaker #1

    Danse, oui, en fait je voulais commencer.

  • Speaker #0

    Donc forcément musique classique ou danse plutôt moderne jazz ?

  • Speaker #1

    Oh vous savez quand on est petit on danse sur le chopin, c'est du piano, on a un répétiteur qui est pianiste, donc c'est essentiellement des chopins, un sens. Mais à l'école européenne... On avait formé un groupe de danseuses avec une amie, mon amie italienne, et là on dansait sur musique sur un temps présent. Ouais, c'était carrément moderne.

  • Speaker #0

    J'ai vu même une comédie musicale à 11 ans.

  • Speaker #1

    C'était ma première apparition scénique. On m'a choisie parce que j'étais à l'époque la seule, avec ma soeur, on était les seules filles de couleur, comme on disait. de l'école européenne et ils avaient monté la comédie musicale Evelyn France qui racontait l'histoire d'une jeune fille de couleur qui était dans un lycée ou dans une école pour blancs à l'époque de l'obtention des droits civiques, de la lutte pour les droits civiques. Et on m'avait demandé d'incarner le rôle-titre et je n'ai qu'un souvenir qui est lié à une photo et à un sentiment. C'est la chanson que je devais chanter toute seule devant le micro et le track évidemment absolument épouvantable, mais peut-être aussi la sensation d'une place, d'un endroit où je me sentais bien, paradoxalement. La scène.

  • Speaker #0

    Et pourtant derrière vous avez fait des études d'archéologie et d'histoire de l'art et vous n'êtes pas restée. resté spontanément dans la musique ?

  • Speaker #1

    Je pense que je n'osais pas, ou je n'y ai pas forcément pensé. J'avais décidé de pratiquer tous les arts quand j'avais 12 ans. Je peignais, je dansais, jouais du violon, j'écrivais déjà, mais je n'avais jamais envisagé que ça puisse devenir un métier à proprement parler. Et du coup,

  • Speaker #0

    vous vous dirigez vers... Quoi plutôt comme métier ? En fait,

  • Speaker #1

    c'est pas moi qui me dirigeais, c'est la vie qui m'a... Parce que je voulais... En fait, j'ai fait le concours... Je sais pas, c'est le concours des arts déco, de la rue d'Ulm. Mais mon amie a disparu, celle chez qui je devais loger, parce que mes parents vivaient en Belgique, a disparu, donc j'ai pas pu faire mes études à Paris. Je suis retournée en Belgique, et là, à Bruxelles, je me suis trouvée... Soit à l'Académie des Beaux-Arts où je me suis inscrite dans le mauvais examen. Donc quand je me suis rendue compte que ce n'était pas ce que j'avais à faire là, je suis partie. Je me suis retrouvée pendant un petit moment dans une école de dessin de mode, de stylisme, mais qui était trop... trop scolaire, j'avais quitté l'école, j'avais mon bac, je n'avais plus envie d'entrer là-dedans. Et en fait, c'est par laisser aller que je me suis retrouvée à l'Université libre de Bruxelles, parce que ma sœur y était, que j'avais plein de copains qui y étaient. Je me suis dit, après tout, je peux étudier l'histoire de l'art, c'est bien, on verra. De toute façon, je savais que je n'en ferais pas un métier.

  • Speaker #0

    Donc c'était plutôt, oui, la vie vous apportait...

  • Speaker #1

    En attendant, en attendant mon destin, on va dire.

  • Speaker #0

    Et le destin, il est arrivé... au moment où vous avez fait un petit peu de mannequinat, où là, ça a commencé à aller vers quelque chose de...

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. J'ai le fait de faire partie d'une agence de mannequins pendant un temps très court, correspondait au moment où j'ai commencé à sortir et à fréquenter un lieu nocturne où j'ai rencontré mon premier producteur. Lou. Lou de Precq, oui.

  • Speaker #0

    Lou de Precq. Et vous avez chanté dans son groupe, Lou and the Hollywood Bananas. C'était votre premier enregistrement, All Look At Me Now, c'est ça ? Ou alors le premier, c'était Backdorman pour le film de...

  • Speaker #1

    C'était mon premier enregistrement. Mais oui, je chantais les chœurs, quoi. Mais je n'ai jamais voulu être une bananase. Ça ne m'intéressait pas. Donc, encore une fois, c'était un... une marche de l'escalier vers ce qui m'attendait, vers ce qui était là pour moi. Je savais qu'il y avait un truc qui allait se passer. Et c'est comme ça que j'ai rencontré Alain Chanfort et qu'il m'a appelé pour me demander de chanter « Bad Omen » .

  • Speaker #0

    Et votre pseudonyme, il est arrivé quand dans cette période-là ?

  • Speaker #1

    Très tôt, avant l'enregistrement de Casanova, Locatmina. Oui, en fait, j'étais chez le producteur et nous regardions le film. Et puis tout à coup, on s'est regardé en se disant, c'est quoi ce nom ? Ce serait rigolo que je m'appelle comme ça. Et puis voilà, c'est sorti comme ça.

  • Speaker #0

    Oui, c'est d'autant plus drôle qu'effectivement, à la base, c'est vraiment le nom du mari d'Ingrid Bergman. Rien que le nom a créé une identité très forte. On ne pouvait pas passer à côté. J'étais petite, moi, quand est sorti Canot et Rose. Et Fleurée des rivières.

  • Speaker #1

    Viens pas boire dans mon verre, tu peux même pleurer des rivières, pleurer des rivières, j'en ai pleuré pour toi naguère.

  • Speaker #0

    avec des textes de Boris Bergman, qui a été un auteur quand même fondamental dans cette époque, où il y avait énormément d'auteurs, de compositeurs. Aujourd'hui, on est plus dans une mode...

  • Speaker #1

    Je suis tombée sur un des meilleurs, si pas le meilleur à l'époque. Oui,

  • Speaker #0

    parce que vous disiez tout à l'heure, vous donnez beaucoup d'importance aux mélodies, mais du coup, je suppose aussi que les textes, ça a un important...

  • Speaker #1

    En fait, Canoe Rose avait écrit un texte anglais qui parlait de « The leaves are floating and measuring down the lake » . Il parlait d'un lac, de tristesse, c'était une chanson mélancolique en anglais. Et donc, j'avais déjà une conscience très aiguë de... Je vous dis, je suis une littéraire, j'ai toujours écrit, toujours lu. On a une grosse bibliothèque à la maison et donc j'ai énormément lu et donc le texte est fondamental.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous pensez justement, puisque maintenant on a, ça fait quelques années maintenant, mais on a beaucoup d'auteurs-compositeurs-interprètes, est-ce que vous pensez que la chanson, en règle générale, a perdu d'avoir des gens qui font tout ? Est-ce que c'était mieux à l'époque où il y avait des auteurs et des compositeurs ?

  • Speaker #1

    Non, non, non, c'est très bien qu'il y ait des auteurs-compositeurs-interprètes, ils chantent ce qu'ils ressentent. Moi, c'est simplement parce que je n'osais pas. Il a fallu que Bernard Lavillier me pousse à écrire en français. J'écrivais en anglais, mais en français.

  • Speaker #0

    Une pudeur ?

  • Speaker #1

    Oui, trop grande pudeur. Et donc, c'est Bernard qui m'a poussé à écrire mes chansons en français.

  • Speaker #0

    Et vous avez commencé à écrire vos textes à partir de quel album à peu près ? Parce que dans le dernier, dont on parlera un petit peu tout à l'heure, c'est entièrement vos textes ?

  • Speaker #1

    Oui. J'ai commencé bien plus tôt.

  • Speaker #0

    « Mes poisons délicieux » en 91 ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y a des chansons sur « Mes poisons délicieux » .

  • Speaker #0

    En plus, vous avez collaboré avec énormément d'auteurs et de compositeurs formidables. On a parlé d'Alain Chanfort tout à l'heure, Serge Gainsbourg, Bernard Lavillier, François Zardy pour Claire Obscur avec Khalil Chahine déjà. Oui.

  • Speaker #1

    Une splendeur.

  • Speaker #0

    Oui. La plus belle de tout votre répertoire.

  • Speaker #1

    Oui, je trouve aussi. C'est vraiment une chanson absolument sublime. Je la chante encore chaque semaine. Claire, obscure, je n'aime rien tant que la venue qui les a de l'humour de sa distance.

  • Speaker #0

    Et vous aimez collaborer avec d'autres auteurs et d'autres compositeurs ou maintenant vous préférez vraiment écrire seuls vos textes ?

  • Speaker #1

    Je trouve que les textes sont assez indigents. Ceux qu'on m'envoie ces derniers temps sont vraiment indigents. Et puis bon, je pense simplement qu'il y a un moment dans la vie où on a besoin d'approfondir des chants qui sont les siens, qui sont de l'ordre de l'intime, et personne d'autre que soi ne peut le faire. En tout cas, peut-être. pas bien, mais en tout cas, de la façon dont on peut l'assumer.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    bien sûr. Et je n'ai pas toujours écrit comme ça, mais c'est vrai que depuis trois albums, depuis deux albums, depuis Debout, depuis Woman, c'est vraiment... J'ai envie de parler de certaines choses et j'en parle. Je ne vais pas demander à quelqu'un de m'écrire une chanson sur... Si, j'ai demandé à... Andine Gaspard de m'écrire une chanson sur les attentats de 2015. Elle m'avait écrit quelque chose de très bon.

  • Speaker #0

    J'ai repéré justement après Mes Poisons Délicieux une petite pause musicale à ce moment-là. ou d'un coup vous en avez profité pour apporter votre talent d'interprète ailleurs, à la télévision, au théâtre, au cinéma ?

  • Speaker #1

    Mes Poisons délicieux, il y a quelques années, quand même, qui sont passées, j'ai beaucoup tourné. J'ai tourné parce qu'on me l'a proposé. Je ne suis pas allée chercher, je ne suis pas allée demander, mais on me l'a proposé. On me l'a proposé assez tôt d'ailleurs. Puis de fil en aiguille, j'ai eu un agent, et des propositions qui tombaient. Et il faut dire qu'à partir de mes Poisons délicieux, le succès déclinait quand même. C'est à partir de là que ça a commencé à décliner pour moi, du point de vue musical.

  • Speaker #0

    Une raison particulière à votre avis ?

  • Speaker #1

    Je pense que justement, si j'avais écrit mes chansons plus tôt, j'aurais peut-être pu éviter ça. Parce que ça partait un peu dans tous les sens. Je crois que j'ai trop longtemps écouté les producteurs, trop longtemps accepté de ne pas faire exactement ce que je voulais. Et j'aurais pas dû. j'aurais pas dû. Mais c'est comme ça, c'est comme ça. Moi, j'en ai pas souffert justement parce que il y avait autre chose. C'était pas une passion. Le tournage de films, c'était pas une passion. Puis à la fin du 20e siècle, il y a eu la proposition d'Emmanuel Schmitt pour jouer dans la pièce dont il avait écrit un rôle pour moi. J'ai fait ça pendant pratiquement un an. Et puis j'ai ressorti des albums. Ça a été beaucoup plus difficile.

  • Speaker #0

    Oui, puis c'est arrivé un peu plus tard, 94, je crois, c'est qui a suivi, donc il y a eu du Habert 3-4 ans sans lire l'album.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas comment dire. Il faut me pousser pour que j'aille en studio. J'aime chanter, j'aime...

  • Speaker #0

    Vous préférez la scène au studio ?

  • Speaker #1

    J'aime la scène, mais le studio...

  • Speaker #0

    Dans tous les interprètes, chacun a vraiment sa phase préférée. Il y en a qui préfèrent le studio, d'autres qui préfèrent la scène.

  • Speaker #1

    Mais moi, je ne suis pas une nana de studio.

  • Speaker #0

    Et quand on ne chante pas, justement, est-ce qu'on écoute quand même beaucoup les autres ?

  • Speaker #1

    Ça fait très, très longtemps que je n'ai... D'abord, je n'ai jamais aimé la radio. J'aime parler à la radio. C'est très paradoxal, encore une fois. J'aime les interviews faites pour la radio. Et j'ai toujours rêvé d'avoir une émission tard le soir où je peux parler aux gens dans leur oreille. J'aime bien l'idée, mais c'est vrai que je ne suis pas quelqu'un qui écoute la radio. En fait, c'est parce que ça me rappelle mes réveils pour aller à l'école. Mon père se faisait réveiller par un réveil radio, un autoradio. Un radio réveil, oui. Un radio réveil. Et c'était un... C'est un cauchemar. Donc la radio, c'est une niette. À partir de Love Story... Ah si, 2001.

  • Speaker #0

    2001, ah ! J'étais pas trop loin.

  • Speaker #1

    J'ai jeté ma télé.

  • Speaker #0

    Donc plus de télé, plus de radio.

  • Speaker #1

    J'ai toujours lu la presse écrite et j'écoutais des albums que j'achetais ou qu'on m'offrait, que j'allais découvrir, comme ça.

  • Speaker #0

    Et un petit peu quand même de belles découvertes en chansons françaises à cette époque ?

  • Speaker #1

    Non, je sais plus. Si, Art Mango. J'aimais beaucoup Art Mango. C'est drapeau jusqu'au saut, à l'inconnu, elle a roulé un peu minu, son corps de bas, il nous envoie sans dû. On n'entend plus. Ouais, c'est malheureusement, c'est des gens qui s'éteignent comme ça tout doucement, qui continuent à faire des choses, ils font des choses, mais on ne les entend plus. On ne les entend plus. Ils ne sont pas passés en radio. De toute façon, si vous écoutez la radio, vous vous rendez compte, c'est les mêmes titres qui passent en boucle.

  • Speaker #0

    Je crois que ça a toujours été le cas. Mais maintenant, non seulement c'est les mêmes, mais beaucoup se ressemblent.

  • Speaker #1

    C'est peut-être pour ça qu'on a l'impression que c'est toujours le même titre qui passe. Mais ce n'est pas grave et c'est normal. C'est normal qu'il y ait un turnover. C'est normal que les choses changent, qu'on écoute... Surtout... C'est pas comme si moi j'étais pas, je suis pas Johnny Hallyday quoi, j'ai pas marqué mon temps musicalement avec des tubes énormes, j'en ai eu deux en France. C'est normal de disparaître progressivement. On disparaît parce que c'est pas une mort sociale pour autant.

  • Speaker #0

    Ah bah non, clairement, en plus il y a d'autres choses qui se passent, puisque après vous avez commencé à écrire, vous le disiez, vous écrivez depuis très longtemps. Oui, j'imagine, mais...

  • Speaker #1

    C'est en 2000, j'ai pour la première fois proposé un texte à un éditeur qui était grasset. Le texte n'était pas terminé, mais on m'a dit qu'il serait publié si je le terminais. Je suis rentrée chez moi, j'étais très contente, j'ai mis ça dans un placard et j'ai oublié. Ça a duré dix ans. C'est un journaliste qui m'a demandé à le lire. Quand il l'a lu, il m'a dit « c'est terrible, c'est formidable, il faut absolument que tu le… » finiste et donc je n'ai publié qu'en 2010 parce que j'ai mis dix ans à être prête.

  • Speaker #0

    La femme qui pleure, c'est celui-là.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai mis dix ans à être prête à sortir mais...

  • Speaker #0

    Pareil pour une raison de pudeur comme le fait de ne pas écrire vos chansons en français ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est de la pudeur. D'autant plus que pour l'écriture. Alors là, vous mettez vraiment vos tripes sur la table. Alors évidemment, bon le premier c'était... Je me suis servi de la forme romanesque pour raconter des choses qui étaient très personnelles. Et d'ailleurs, en écrivant le dernier, qui est un récit introspectif, je me suis rendu compte qu'il y avait quand même beaucoup, beaucoup de choses. Les gens qui ont lu La femme qui pleure, ils vont me retrouver dans plein de choses que je raconte dans mon cœur bruyant.

  • Speaker #0

    Oui, mais dans La femme qui pleure, vous vous cachiez plus derrière le côté romanesque. C'est plus un prétexte pour... Ce n'était pas un se raconter de façon...

  • Speaker #1

    Je l'ai vécu comme ça. Je l'ai vécu comme ça parce que... Et d'ailleurs, les gens... Je me souviens d'une émission qui se tournait dans un lycée où les élèves avaient tous lu. Et il y en a un qui... Le premier à m'avoir posé une question, qui a levé la main et qui a dit « Bon, moi, j'ai qu'une question pour vous, madame. Comment allez-vous ? » Très inquiet, le garçon. Il l'avait pris parce que c'était en fait une... Et voilà. Donc oui, je commence à publier en 2010.

  • Speaker #0

    Après, il y a eu My Name is Billie Holiday. C'est le deuxième, je me trompe.

  • Speaker #1

    Oui, c'est le deuxième.

  • Speaker #0

    Et lui est devenu une pièce.

  • Speaker #1

    Non, en fait, c'est le contraire. J'avais un texte qui avait été refusé chez Albin Michel. C'était trop glauque d'après eux. Oui, parce que contrairement à ce que tout le monde attendait de moi, je n'écris pas des recettes de cuisine, des recettes de beauté ou des histoires comme ça. J'écris des romans, des histoires assez dures. Ce qui m'intéresse, c'est l'humain dans ce qu'il a de plus indicible. Et donc, ce sont des textes qui ne sont pas forcément très rigolos. Et donc, je me suis vu refuser ce texte-là et je préparais. un spectacle sur Billie Holiday. Et mon éditeur m'a dit, puisque tu travailles sur Billie Holiday, tu ne veux pas écrire une bio en même temps. Je ne veux pas écrire une bio, il y en a déjà cent mille, mais je veux bien écrire un roman avec elle au milieu. Et c'est sorti comme ça. Ça a accompagné le disque et le spectacle.

  • Speaker #0

    Et après, trois femmes en 2015. Là, par contre, c'est Billie Holiday, Sarah Vaughan et Lafitte Girard.

  • Speaker #1

    Voilà, mais c'est vraiment un récital, pas une pièce de théâtre.

  • Speaker #0

    Enfin, ce n'est pas un choix anodin, ces trois femmes-là, quand même.

  • Speaker #1

    C'est parce que j'avais envie de rester dans ce... dans ces territoires, dans ce répertoire qui a été chanté par ces trois femmes.

  • Speaker #0

    Il y a une parenté musicale, c'est évident, même avec vous aussi bien sûr. Et puisqu'on parle de ces femmes-là, et d'artistes féminines effectivement non des moindres, pour revenir dans la chanson, je suis tombée sur une étude, enfin je ne suis pas tombée, je suis allée la chercher, sur une étude du CNM, donc du Centre National de la Musique, sur la place des femmes dans la musique et dans la chanson. L'étude date de 2023. Il y a seulement 17% de femmes leads sur scène. Et plus la salle est grande, plus le pourcentage est petit, bien sûr. 14% en festival, on est les pires élèves d'Europe. Et 29% en radio, dans l'esthétique qu'on appelle variété, mais disons chanson française. Il y en a encore moins dans le rap, on tombe à 10%. Et 17% dans les disques les plus vendus. Est-ce que ça vous inspire une réflexion, justement, sur la place des femmes dans la musique, dans la chanson, et a fortiori des femmes qui ont passé la quarantaine ?

  • Speaker #1

    Ça m'intéresse. Oui, il se promenait, je ne pensais pas. J'ai l'impression qu'il y a eu un pléthore de femmes dans la chanson, dans la musique. Alors, je savais que dans les instrumentistes, dans les grands musiciens de jazz,

  • Speaker #0

    il y a peu de femmes. C'est 10% aussi.

  • Speaker #1

    Il y a très peu de femmes. Ça, je le savais. Mais comme leader, au contraire, je pensais que les femmes étaient des vitrines assez…

  • Speaker #0

    C'est pareil pour les projets aidés par les organisations professionnelles, majoritairement des hommes.

  • Speaker #1

    Ça c'est lamentable. Je pense que les organisations professionnelles devraient se remettre en question et appliquer une forme de parité dans leur choix d'accompagner ou non les artistes. Parce que vous ne me direz pas que c'est parce qu'elles sont mauvaises, ce n'est pas vrai.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'elles sont simplement moins nombreuses parce qu'on ne leur a pas laissé la place ?

  • Speaker #1

    Non, alors... Je pense qu'elles ne sont pas moins nombreuses dans la réalité. Je connais un paquet de nanas qui chantent. Paquet qu'on n'entend pas. Qu'on n'entend pas, qu'ils ne sont pas mis en avant et qu'ils ne sont pas aidés. Je reconnais un paquet. On ne leur fait pas la place en ne les aidant pas. Mais ça, c'est une découverte. Je ne le savais pas. Franchement, moi, j'ai été aidée par la damie. été aidée par la SACEM. Je fais partie d'un groupe que vous connaissez. Et il n'y a que des filles.

  • Speaker #0

    Effectivement, on n'est que des filles. Forcément, on a plus l'impression qu'on est très nombreuses. Mais finalement, on représente 17%. Ça fait peur. Et à fortiori, je pense, quand on a dépassé la quarantaine. Oui,

  • Speaker #1

    alors c'est tombé. Mais ça, c'est pour tout. Sauf dans la littérature.

  • Speaker #0

    on tombe dans un autre domaine, sans jamais revenir sur vos livres, les trois derniers, je ne dis pas de bêtises.

  • Speaker #1

    Les Passagers du ciel, Trafiquants de colère, et Ce qui est pour toi.

  • Speaker #0

    Les trois derniers tournent un petit peu, je vous ai entendu dans une interview dire que vous aviez rongé le même os un peu pendant trois romans, en parlant d'esclavage, et donc de ses racines, qui sont les vôtres aussi dans les îles et les Caraïbes. En parlant parlant maintenant aujourd'hui d'un sujet qui est plus personnel, puisque votre dernier est plus une introspection. Vous pensez que vous avez fait le tour de ce que vous vouliez dire de ses origines ?

  • Speaker #1

    Je ne pense pas que j'ai fait le tour. En vérité, j'ai commencé à écrire le texte qui vient de paraître il y a 4 ans, il y a 5 ans même, fin 2020. Et j'ai fait des allers-retours dans l'hésitation, en me disant non, ça n'intéressera personne, non, c'est nul, non, je ne le fais pas. Et entre temps, j'ai écrit « Ce qui est pour toi, la rivière ne l'emporte pas » . Donc, ce texte-là, il sort maintenant parce que mon éditeur trouvait qu'il fallait le sortir. Mais non, je n'ai clairement pas fini de travailler sur... Je pense que je n'aurais jamais fini de travailler sur l'esclavage parce que c'est quelque chose... Vous savez, moi, j'écris pour ma... pour m'apporter à moi des réponses à des questions que je me pose sur la capacité de l'homme à être d'une fruauté sans nom, d'être capable jusqu'à aujourd'hui de penser que certains êtres humains sont inférieurs à d'autres, méritent moins que d'autres, d'avoir une place dans la société, d'être considérés. Tant qu'il y a des gens qui pensent comme ça, je pense que moi je travaillerai sur ces problématiques-là. Alors le truc c'est que je trouverai peut-être plus d'éditeurs puisqu'on va... Non, non, mais il y a un sérieux recul idéologique, même en France quoi. Tout ce qui se passe dans le monde entier, ça se passe d'une façon plus sous-jacente en France aussi. Il y a des espèces d'auto-censures. qui viennent s'instiller dans ce qui est montré. Cette idée que si on n'en parle pas,

  • Speaker #0

    ça n'a pas existé ?

  • Speaker #1

    Alors ça, non. Ça, je ne pense pas qu'on en soit encore là. Mais regardez le traitement qui est réservé à Fanon, le film. Il ne sort que dans 77 salles en France. Il a été refusé dans des réseaux importants parce que je pense que les gens... Les Français ne sont pas prêts à parler de la colonisation, ils ne sont pas prêts à se retourner sur ce qu'a été la réalité de la colonisation, l'horreur de la colonisation. Et ils ne sont pas prêts à se reconnaître héritiers de ces exactions, de ces vols. Ils en sont encore, en France on en est encore à dire, mais enfin, la colonisation... C'était un bien, on vous a apporté ci, on vous a apporté ça, un lien. En gros, vous en sauriez encore à grimper au cocotier. C'est ce que j'écris dans mon bouquin. On peut aller au-delà parce que le berceau de la civilisation, c'est l'Afrique.

  • Speaker #0

    Bien sûr.

  • Speaker #1

    Donc voilà, c'est un os qui a encore beaucoup de matière.

  • Speaker #0

    Donc vous allez continuer à le ronger.

  • Speaker #1

    C'est peut-être pas tout de suite.

  • Speaker #0

    Et avant ce livre... Donc, il y a eu un 17e album, c'est ça ? Non,

  • Speaker #1

    c'est 13.

  • Speaker #0

    13 ?

  • Speaker #1

    13 albums, pendant seul. Après, il y a des compilations, des participations,

  • Speaker #0

    etc. Ah oui, d'accord. C'est 13. Mais 13, d'accord. Donc, le dernier s'appelle Sud. Oui. Finalement, c'est aussi une façon de se raconter, en fait, d'aller explorer ces musiques-là.

  • Speaker #1

    En fait, simplement, c'est Khalil Shaheen qui a lu Les Passagers du siècle, avec Trafiquant de colère, et qui m'a dit... je veux écrire un album pour toi. Et c'est après, c'est un album qui est sorti de ces textes. Ah, c'est faux ! Les musiques sont sorties de ces textes-là. Donc, sont liées intrinsèquement à ces descentes de bateaux, à ces traversées obligatoires, consenties, etc. Et voilà comment le désir de cet album est né dans le... le chœur de Khalil Shahin. Et bien moi, forcément, après, j'ai travaillé des textes.

  • Speaker #0

    Donc les musiques sont venues d'abord ? Oui,

  • Speaker #1

    les musiques sont toutes venues d'abord. C'était pendant le Covid, ils m'ont envoyé un morceau par-ci, par-là. On a été très, très lentement. On a fait ça tranquillement.

  • Speaker #0

    Mais il se savoure. C'est un bijou, cet album. Les orchestrations sont superbes.

  • Speaker #1

    Les orchestrations sont très belles.

  • Speaker #0

    Sa guitare,

  • Speaker #1

    c'est... Quand on a la chance de l'entendre, parce qu'il joue pas assez, je trouve. Mais bon.

  • Speaker #0

    C'est un très, très, très, très bel album. Moi, j'ai craqué complètement sur Eben. Je trouve que c'est... Moi, c'est ma préférée, je crois.

  • Speaker #1

    Au-delà de mes chagrins d'épeine, il est un aïeux qui m'enchaîne, à l'écume, au vent, à la mer.

  • Speaker #0

    Mais c'est difficile d'avoir une préférée sur l'album parce qu'en fait c'est toute une histoire sans en être une. On sent que c'est très intime comme album.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un album intime.

  • Speaker #0

    J'imagine que vous êtes très concentrée sur la sortie du livre, mais est-ce qu'il y a d'autres projets, et en livres et en chansons, qui mûrissent déjà ?

  • Speaker #1

    Alors, l'autre jour, je fouillais dans mes CD, j'ai des enveloppes avec des CD dedans, et je suis tombée sur six titres que j'avais enregistrés pour Begin the Begin, l'album Begin the Begin, et qui n'ont pas été retenus.

  • Speaker #0

    Des titres en anglais ou en français ?

  • Speaker #1

    En français. Et parmi lesquels, une chanson que je trouvais tellement belle qui avait été écrite par Pierre Palmade. Et en réécoutant ça, je me suis dit « Oh, j'ai envie que ça sorte ce truc. C'est trop joli. » Et je l'ai mis en... Enfin, il est déjà enregistré, mixé et tout. Il y a un arrangement. Et j'ai demandé à un ami vidéaste de tourner des images dessus et il est en train de les monter. Je vais balancer ça. Mais c'est tout, quoi. Je n'ai pas de projet d'entrer en studio demain.

  • Speaker #0

    Ah, mais ça peut ne pas être demain. Mais on n'arrête jamais d'écrire quand on écrit, j'imagine. En littérature non plus, il y a déjà d'autres feuillets qui attendent, j'imagine.

  • Speaker #1

    Oui, il y a des sujets. En fait, j'ai tellement accepté d'écrire pour d'autres... Par exemple, il y a deux livres qui sont prêts à sortir, qui sont déjà écrits. Un pour une collection qui s'appelle « Je me souviens » et l'autre pour une petite collection qui s'appelle « Dix-septième » . Ce sont des petits livres comme ça. Et j'ai accepté d'écrire un deuxième pour cette collection, cette petite collection sur les abeisses. Je ne sais pas quand ça va sortir, mais... Ça m'intéresse tellement d'aller dans des territoires qui ne sont pas forcément les miens par affinité immédiate, mais ça m'intéresse. Le texte que j'ai écrit sur 17ème, c'est partie d'un tableau. C'est se concentrer sur un tableau et raconter quelque chose à propos de ce tableau. Et ça m'intéresse d'aller... d'aller chercher des choses auxquelles je ne pense pas quand j'écris un roman. Donc pour l'instant, j'ai une idée de roman, mais je n'ai pas écrit, il n'y a pas de feuillet près.

  • Speaker #0

    Il y a une curiosité finalement de la musique, la danse, l'écriture, le théâtre, la comédie, la chanson.

  • Speaker #1

    Oui, puis même depuis 6 ans maintenant, l'ingénierie culturelle, parce que le festival que j'ai créé en Martinique, c'est de l'ingénierie culturelle. Et je suis à fond dedans, développée. J'ai développé plein de choses pour la Martinique de ce point de vue-là. Et ça prend un temps fou.

  • Speaker #0

    C'est un festival de littérature.

  • Speaker #1

    Mais j'invite toujours des musiciens. On ne se refait pas. On ne se refait pas.

  • Speaker #0

    Qui s'appelle comment le festival ?

  • Speaker #1

    Le Festival en Pays Rêvé. Waouh !

  • Speaker #0

    Pour finir, je vais vous poser les mêmes questions que celles que je pose à tout le monde, c'est est-ce que vous auriez quelques artistes, un, deux, trois, en chansons françaises que vous auriez découvertes récemment, ou pas forcément récemment d'ailleurs, mais dont vous pensez qu'ils ne sont pas assez mis en lumière et que vous aimeriez nous recommander ?

  • Speaker #1

    Moi j'ai découvert il y a quelques années, mais j'avais bien aimé un artiste français qui s'appelle Antoine Elie. J'avais bien aimé sa chanson La Rose et l'Armure et Nous lier, tout ça.

  • Speaker #2

    Suivant la longue métamorphose qui m'éloigne de mon passé, j'ai croisé une rose qui me... Fais pas avancer Pas qu'elle n'ose pas la chose Mais n'y avait jamais pensé Depuis toujours en tenant la pose Dans les regards des pires recettes

  • Speaker #1

    Elle est très différente Puis il y a des textes J'aimais bien Karen-Anne

  • Speaker #3

    Je sais que mes mains qui ne cherchent d'habitude Que les voir à l'ébène d'un piano de salon Que la peau de mes doigts raccournie et durcit Par des cordes usagées de bronze et de nylon, un fin de mois et de pierre, une folle cavalière qui n'est que passagère.

  • Speaker #1

    Et puis, récemment, je suis allée voir Bernard Lavillier en concert avec le Symphonique. Je suis tombée de ma chaise tellement c'était beau, et depuis, je le réécoute en boucle. Je réécoute Manila Hotel, Betty, On The Road Again, R&B, toutes ces chansons-là qui sont d'une beauté, d'une vibe que je connais. Une chanson que je chante, il y a du sang sur le trottoir.

  • Speaker #4

    Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Je vous en prie. C'était un plaisir. J'emporte de cette jolie rencontre l'idée que parfois, il faut savoir se laisser porter par la vie pour rencontrer son destin. Un destin que je vous invite à explorer en lisant Mon cœur bruyant, aux éditions Grasset, ou en écoutant Sud, son 13e album, dont je laisse le lien dans les notes de l'épisode. Deux œuvres intimes qui dressent le portrait d'une artiste complète, curieuse, passionnée, riche de ses racines et de ses rencontres.

  • Speaker #4

    Merci beaucoup d'avoir écouté cet épisode. S'il vous a plu, faites le découvrir à vos amis en le partageant sur vos réseaux ou laissez-nous une note ou un commentaire sur votre plateforme d'écoute favorite. Et n'oubliez pas de vous abonner pour ne manquer aucun épisode. Vous pouvez aussi vous abonner à notre playlist sur la chaîne YouTube Providence Prod et sur les plateformes d'écoute. Enfin, rejoignez-nous sur le compte Instagram Providence.prod et faites-nous part de vos coups de cœur qui rejoindront peut-être la playlist. Merci beaucoup à Ruben MG pour l'habillage musical de ce podcast. Et puisque la musique, ça se partage, en attendant le prochain épisode,

  • Speaker #1

    parlons chansons.

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