ADDICTION : "Je pouvais boire 6 bouteilles de vin rouge, toute seule, sans problème" - Coline cover
ADDICTION : "Je pouvais boire 6 bouteilles de vin rouge, toute seule, sans problème" - Coline cover
Patients

ADDICTION : "Je pouvais boire 6 bouteilles de vin rouge, toute seule, sans problème" - Coline

ADDICTION : "Je pouvais boire 6 bouteilles de vin rouge, toute seule, sans problème" - Coline

53min |13/06/2024|

856

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Description

Comment affronter le quotidien quand on boit jusqu’à 6 bouteilles de vin par jour ? Comment accepter son addiction pour s’en libérer et célébrer une sobriété joyeuse ?

En France, l'alcool est ancré dans notre culture. Il représente 22 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an… Pourtant, l'alcool, c’est aussi la première cause d'hospitalisation dans notre pays.

Aujourd’hui dans « Patients » on va parler d’un sujet qui touche plus d’1 million de personnes en France : l’addiction à l’alcool.


Pour aller plus loin : 


Vous pouvez suivre Coline sur son compte Instagram : https://www.instagram.com/nuagerosesobriete?igsh=enkzNmRucHJ0Z3lo  


Vous souffrez d’addiction vous souhaitez en parler avec un médecin généraliste ou spécialiste ? 
Nos médecins sont à votre écoute.


*Ce podcast recueille des témoignages personnels qui peuvent heurter votre sensibilité. Nous vous rappelons que ces récits représentent le vécu de nos invités et ne sont pas nécessairement représentatifs de notre point de vue.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ce podcast vous est proposé par la plateforme Livi.

  • Speaker #1

    Bonjour, je m'appelle César Ancel-Ancel. Je suis médecin généraliste et urgentiste. Bienvenue dans Patient, saison 2.

  • Speaker #0

    Colline et l'addiction

  • Speaker #1

    Une bière fraîche en terrasse, un verre de vin au repas, un gin tonic à l'apéritif ou une coupe de champagne pour célébrer. En France, l'alcool est ancré dans notre culture. Il représente 22 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an. Pourtant l'alcool, c'est malheureusement aussi la première cause d'hospitalisation en France. Et on estime que 1 million de personnes souffrent d'addiction à l'alcool. L'addiction est une maladie chronique, complexe et multifactorielle. Caractérisé par les 5 C du professeur Carilla. Perte de contrôle, envie irrépressible de consommer, conséquences physiques ou sociales, compulsion et usage continu. Elle peut s'installer insidieusement, nous éloignant de notre corps et de notre liberté. Alors comment se déclenche une addiction ? En quoi consiste cette perte de contrôle et quelles en sont les conséquences ? Et enfin, comment peut-on s'en sortir ? Aujourd'hui, j'ai la chance d'accueillir Colline, qui va nous raconter son histoire. Bonjour Colline.

  • Speaker #0

    Bonjour César.

  • Speaker #1

    Colline, est-ce qu'on peut se tutoyer ?

  • Speaker #0

    Avec plaisir, oui.

  • Speaker #1

    Comment vas-tu ?

  • Speaker #0

    Super bien, je suis ravie d'être là et de pouvoir échanger sur ce sujet qui me tient à cœur.

  • Speaker #1

    Écoute, moi je suis ravi de te recevoir aussi aujourd'hui dans cet épisode de Patient. Tu vas nous raconter ton histoire face à l'addiction. Est-ce que tu peux te présenter ?

  • Speaker #0

    Alors, je suis Colline, j'ai 38 ans, j'habite à Biarritz et je suis entrepreneur et j'accompagne des dirigeants dans le déploiement de leur vision.

  • Speaker #1

    Alors, effectivement, c'est un épisode un peu particulier. On est à Biarritz, où j'habite aussi. Donc, on va revenir un peu sur Biarritz et sur la place de l'océan dans cet épisode. Avant de commencer, Colline, est-ce que tu peux nous dire ce qu'est l'addiction ?

  • Speaker #0

    Alors, pour moi, l'addiction, c'est un rapport toxique à quelque chose. qui nous enferment et qui nous limitent finalement dans nos libertés et notre libre arbitre.

  • Speaker #1

    Donc toi, concernant l'addiction, tu as rencontré des difficultés avec l'alcool. Est-ce que tu peux nous expliquer à quel moment l'alcool est entré dans ta vie ?

  • Speaker #0

    L'alcool est entré dans ma vie assez tôt, je dirais autour de mes 18 ans. Évidemment, quand on commence à sortir, à passer un cap dans la sociabilisation, Ça va avec la fête, les sorties, donc c'est là que j'ai commencé un petit peu à jouer très tôt avec le feu. Et puis ça s'est accéléré ensuite avec les études supérieures. Voilà, ça fait partie aussi des rituels de la vie étudiante.

  • Speaker #1

    18 ans, finalement, si on regarde les statistiques, c'est assez tard finalement, parce qu'on s'aperçoit qu'il y a beaucoup d'ados qui sont très vite exposés à l'alcool. Avant 18 ans, pas de consommation d'alcool ?

  • Speaker #0

    Si, j'ai... Alors, c'est vrai que finalement, quand j'y repense, il y en a eu tellement que parfois, on ne sait plus trop. En fait, je me rappelle que ma première cuite, je devais avoir 14 ans.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    J'étais à la montagne, on était partis faire du snowboard avec les copines. Et en effet, je me souviens de ce premier épisode avec de la bière qui a hyper mal terminé.

  • Speaker #1

    Cuite, tu veux dire quoi ? Tu as été malade, tu as vomi ?

  • Speaker #0

    Grosse cuite, malade. Oui, malade, parce que j'avais voulu faire un peu la maligne devant des mecs plus âgés. Et oui, oui, j'ai vomi, ça a été terrible. Donc finalement, première cuite, 14 ans, c'est vrai.

  • Speaker #1

    D'accord, mais ensuite, de 14 à 18 ans ? Tu ne buvais pas régulièrement, le week-end ou des choses comme ça ? Non,

  • Speaker #0

    franchement, il y a eu des petites alcoolisations qui sont restées assez légères. Je pense qu'il y a eu vraiment un emballement à partir de mes 18 ans, associé à une rencontre aussi amoureuse de quelqu'un qui était déjà pas mal dans les consommations de produits et d'alcool. Et je pense que là, vraiment, il y a eu un emballement.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu avais comme mode de vie à ce moment-là, justement ? Comment ça se passait ?

  • Speaker #0

    La vie étudiante, elle est rythmée par les cours.

  • Speaker #1

    T'étudies quoi ?

  • Speaker #0

    Alors j'ai commencé avec sciences politiques, après j'ai très vite réorienté sur la communication et le marketing. D'accord. Et puis la fête, elle fait totalement partie de la vie étudiante. Il y a très peu d'étudiants qui restent dans leur coin à étudier et à potasser. En fait, ça fait partie du truc. Et d'ailleurs, j'ai eu des années d'études où je faisais plus la bringue que j'étudiais. Ouais. Pour le dire franchement. Et puis en fait, très vite, j'ai mis en place un système pour nourrir en fait ses besoins de fête, ses envies de sortie.

  • Speaker #1

    C'est quoi le rythme ? J'aimerais bien que les gens qui nous écoutent comprennent un peu. Donc t'étudies, c'est des études quand même assez costaudes. Mais c'est quoi le rythme d'alcoolisation par exemple ?

  • Speaker #0

    Franchement, jusqu'à 25 ans... Je pense que ça reste dans l'acceptable. C'est-à-dire que finalement, je bois comme beaucoup de gens qui m'entourent.

  • Speaker #1

    C'était combien d'alcoolisation par semaine ? Le week-end, tu disais ?

  • Speaker #0

    Franchement, c'est compliqué à dire. Moi, ce dont je me souviens le plus, ce n'est pas forcément le nombre d'épisodes, mais c'est plutôt le volume par épisode. C'est-à-dire que moi, très vite, je suis tombée dans un rapport compulsif. un verre qu'en entraîne un autre et en fait, je ne peux plus m'arrêter.

  • Speaker #1

    D'accord. Ça, tu l'as repéré vite.

  • Speaker #0

    Très vite. Très vite, en fait, je me rends compte que le problème, il n'est pas de ne pas boire tous les jours. Étudiante, j'arrive totalement à faire des semaines sans boire quand il faut que je me concentre et quand il faut que je rattrape tout le boulot que je n'ai pas fait en fin de semestre pour valider mes cours. Mais c'est plutôt quand je commence, je n'arrive pas à m'arrêter. Je suis inarrêtable.

  • Speaker #1

    Donc, tu décris bien la compulsion.

  • Speaker #0

    C'est une compulsion. En fait, je bois un verre, je ne peux pas en boire qu'un. il faut que j'en boive un deuxième, un troisième, un quatrième. Et ça, au fil des années, c'est vraiment le truc qui s'empire de plus en plus.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que la compulsion devient de plus en plus forte et incontrôlable.

  • Speaker #1

    D'accord, donc la perte de contrôle, la compulsion. Et effectivement, tu soulignes ce détail, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui attribuent le fait d'avoir un problème avec l'usage de produits, sachant que s'ils ne consomment pas tous les jours, ils ne pensent pas que c'est problématique, alors que ça peut être problématique même si tu consommes une ou deux fois par semaine finalement.

  • Speaker #0

    Quand j'ai décidé de faire des démarches pour arrêter de boire, je me suis beaucoup confrontée au regard de mon entourage et de certaines personnes autour de moi qui me disaient Non mais ça va, t'es pas alcoolique en fait, tu bois pas le matin quand tu te lèves.

  • Speaker #1

    Ouais, c'est ça.

  • Speaker #0

    Donc on reste encore sur une vision de ce qu'est l'alcoolisme qui est très réductrice finalement par rapport à tous les risques que ça comporte et tous les publics que ça touche. Donc, en fait, non, on peut avoir un problème avec l'alcool, même si on ne boit pas de la vodka en se levant de son lit le matin. Et même si on ne boit pas tous les jours, en fait, du moment que l'alcool, il commence à avoir un impact sur ta vie et que tu n'es plus en plein contrôle de ta consommation, tu as un problème avec l'alcool.

  • Speaker #1

    Donc là, on va parler de l'impact, des conséquences, qui est aussi un critère très important qui définit l'addiction. Toi, quand tu es étudiante, est-ce que... Ces alcoolisations, elles ont un impact ou des conséquences sur tes résultats ?

  • Speaker #0

    À ce moment-là, pas du tout.

  • Speaker #1

    Pas du tout.

  • Speaker #0

    Franchement, j'excelle, je continue à exceller. C'est-à-dire, je m'amuse, je fais la fête, je bois beaucoup, je me construis, je pense, une personnalité autour de ça, avec beaucoup de gens qui m'entourent, cette capacité à fédérer.

  • Speaker #1

    Ah, tu te construis une personnalité.

  • Speaker #0

    Ouais, je pense.

  • Speaker #1

    Il y a des côtés positifs à ce moment-là.

  • Speaker #0

    À ce moment-là, oui. Je suis cette fêtarde qui rassemble chez qui c'est le QG et chez qui on vient faire la bringue, en fait.

  • Speaker #1

    Et chez qui on se marre bien.

  • Speaker #0

    Et chez qui on se marre bien. Parce que la Colline qui boit et qui est étudiante, elle est drôle et puis elle est sans limite. Donc, elle fait des conneries, mais elle nous fait rire. Elle amuse la galerie, quoi. Et en plus, en parallèle de ça, je pense que je ne suis pas trop bête. J'arrive à m'en sortir largement avec les cours, avec une assez grande facilité. Donc... en fait, tout va bien.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu ressens à ce moment-là d'autres conséquences ? On a vu au niveau des interactions sociales, c'est plutôt que du positif. Au niveau de ta santé, au niveau du sommeil, au niveau de ton bien-être, ton moral, tu ressens des conséquences ?

  • Speaker #0

    En fait, pas trop. Pas trop encore à ce moment-là. Je ne ressens pas tous ces signes parce qu'en fait, c'est OK. J'arrive à tout maîtriser à côté, à part les gueules de bois terribles. Je pense que ça, de toute façon... Dès le départ, c'est le pire du pire, quand tu te retrouves au fond de ton lit. en angoisse. Et puis après, je pense qu'il y a aussi des prises de substances qui sont associées et du coup, qui viennent interagir et qui te mettent dans des états vraiment pas cool le lendemain.

  • Speaker #1

    Quelle substance ?

  • Speaker #0

    Moi, très vite à ce moment-là, je goûte un peu à tout. D'accord. Je suis une exploratrice.

  • Speaker #1

    Quoi, cannabis ?

  • Speaker #0

    Alors oui, le cannabis, mais très vite plutôt la coke. Et puis même ecstasy, c'est un peu la drogue.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que ça peut être une soirée typique à cette époque-là ?

  • Speaker #0

    C'est hyper difficile à dire parce que moi, au fur et à mesure du temps, j'ai commencé à vraiment développer une grosse addiction avec le vin. J'étais amoureuse de vin rouge, mais vraiment, je me revois en boîte demander du vin rouge alors qu'il n'y en avait pas, quoi, en fait. Mais je pouvais me descendre des bouteilles toute seule. Je ne sais pas, quand vraiment ça allait loin, je pense que je pouvais faire six bouteilles de vin rouge, toute seule, sans problème.

  • Speaker #1

    Dans la soirée ?

  • Speaker #0

    Dans la soirée.

  • Speaker #1

    Et avec d'autres produits ?

  • Speaker #0

    Avec de la coke. Et la coke, en fait, ça rentre vite dans le truc parce que ça t'aide à tenir l'alcool. Donc, en fait, tu prends de la coke, tu bois encore plus de bouteilles. Et moi, j'étais la survivante.

  • Speaker #1

    Tabac aussi,

  • Speaker #0

    tu vois. Le matin. Oui, clope, évidemment.

  • Speaker #1

    Oui. C'est un classique, l'association alcool, coke, tabac. C'est un classique. Donc, c'était un des classiques de tes soirées, ça.

  • Speaker #0

    Ça, c'est un classique de mes soirées. Ouais, ouais, complètement.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'à ce moment-là, on t'alerte ? Est-ce qu'il y a des gens dans ton entourage ? qui sont entre guillemets clean ou qui se posent des questions là-dessus, qui s'interrogent ?

  • Speaker #0

    Pas trop parce que finalement, je suis entourée de gens qui sont des fêtards et des bringueurs aussi. On va chercher ce qui nous convient. Donc, je suis entourée de gens comme moi. Donc, en fait, ça va. Là où il y a un point de vigilance quand même, c'est que moi, j'ai un papa qui a eu un problème avec l'alcool. D'accord. Donc, je connais le sujet de l'alcool.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'il a eu ? Il a eu quoi comme problème ?

  • Speaker #0

    Il a été alcoolique et en fait, il s'est soigné quand moi, j'étais enfant. Donc, ce n'est pas du tout un sujet tabou dans ma famille. On en a toujours parlé assez librement, avec toujours le point de la vigilance dont mes parents m'ont toujours parlé, en me disant attention. On le sait aujourd'hui, il peut y avoir des facteurs génétiques et des terrains fertiles, on va dire, pour des comportements à risque vis-à-vis des addictions. Donc, sachant que papa a pu connaître cette problématique-là, sois vigilante, fais attention. Donc, il y a quand même toujours une mise en garde, un petit... Venant des parents, attention Colline quand même, quand ils me voient rentrer les week-ends, bringuer ou revenir avec la voiture pleine de vomi, des trucs improbables. Il y a quand même un peu cette mise en garde, mais plutôt du côté familial.

  • Speaker #1

    Mais alors, toi vis-à-vis de ces remarques, comment tu réagissais ? Est-ce que toi, le fait d'avoir eu ce dialogue avec tes parents, est-ce que toi, tu avais de temps en temps une petite voix ? Est-ce que tu considérais ces remarques plus que ce que tu te disais à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    dans cette première phase-là, jusqu'à mes 25 ans, oui, bien sûr, j'ai toujours eu un rapport à moi-même très introspectif. Donc, forcément que j'y pense et qu'au fond de moi, je me dis que ce n'est pas totalement normal. Mais en fait, comme tout est fonctionnel dans ce système-là, franchement, à ce stade-là, je me dis, voilà, je continue.

  • Speaker #1

    Tu expérimentes, en fait.

  • Speaker #0

    J'expérimente, je suis jeune, je me sens vivante. Je suis un peu dans ce rapport aussi très extrême de la sensation. Et... et je me dis voilà je m'éclate et puis en fait c'est ça être vivant c'est aller au bout des limites et jouer avec donc pour l'instant tout fonctionne comme ça à partir de quand tu gères plus ? en fait au delà de ne plus gérer je pense que c'est tellement insidieux que je serais incapable de définir un moment précis de je ne gère plus en fait je pense que c'est un truc qui est hyper important de préciser sur ces addictions là c'est que c'est extrêmement insidieux, sournois et ça s'installe petit à petit dans ta vie Et c'est ça le danger d'ailleurs, c'est que tu as l'impression que tu gères, tu gères, tu gères, tu gères, et puis à un moment, tu réalises qu'en fait, plus rien n'est sous contrôle. La première prise de conscience, elle arrive quand j'ai 25 ans. Je rentre de six mois d'études à Londres. où j'ai évidemment beaucoup bringué. Et à ce moment-là, je suis en couple, déjà depuis pas mal d'années avec quelqu'un, malgré la distance, etc. Et il me propose de passer quelque temps chez lui en revenant de Londres. Et très vite, ça s'emballe, parce qu'on se retrouve à faire la brinque tous les soirs, à boire des coups, à voir les copains, à faire la fête. Et lui, il craque, parce que dans ces moments-là, j'ai plus de limites.

  • Speaker #1

    D'accord. Enfin...

  • Speaker #0

    dans ma personnalité sobre et pure, je suis quelqu'un de très affectueux, qui aime beaucoup être proche des autres et des gens que j'aime. Mais quand je bois, en fait, je deviens extrêmement tactile. Et ça, c'est quelque chose qui le dérange. Parce qu'il est jaloux, parce qu'il n'aime pas ça. Et ça commence à créer des tensions entre nous. Jusqu'au jour où ça pète. Et il me dit, écoute, Colline, en fait, je ne peux plus. Je ne peux plus, il faut que tu fasses quelque chose parce que tes comportements, ils sont trop extrêmes, en fait. Et ça me fait du mal, quoi. Il me ramène chez mes parents. Je me souviens de toute ma vie, on se tape quatre heures de route. Il me ramène chez mes parents, il me pose devant eux. Et il leur dit, voilà, votre fille, elle a un problème, il faut qu'elle se fasse soigner. Et en fait, là, il m'oblige, en fait. Il m'oblige à cette première prise de conscience et il m'oblige à en parler. Donc, j'ai cette première discussion avec mes parents et j'ai 25 ans. Et c'est ce qui me fait voir pour la première fois un addicto et commencer un travail.

  • Speaker #1

    Comment ça se passe, là, alors, après ça ?

  • Speaker #0

    Là, franchement, c'est pas très agréable. Parce qu'en fait, je me retrouve un petit peu obligée. Donc déjà, ça ne me plaît pas trop, parce que moi, je n'aime pas trop qu'on me dise ce qu'il faut que je fasse. Et puis surtout, je me retrouve face à mes parents, à devoir un peu me justifier. Et puis eux, forcément, dans l'inquiétude et connaissant le sujet, ils décident de ne pas me laisser tomber comme ça. Et puis en fait, je pense... un peu pour prouver que je suis capable de gérer, j'accepte d'aller voir un addictologue. Et c'est là que commence, en fait, pour moi, le début de la thérapie. Mais ça, juste pour remettre dans le contexte, c'est dix ans avant de vraiment arrêter de boire pour toujours.

  • Speaker #1

    Comment ça se passe, le premier contact en addictologie ?

  • Speaker #0

    Je le vis assez mal. Déjà, je n'ai pas l'impression d'être à ma place. J'ai 25 ans, je suis dynamique.

  • Speaker #1

    Tu travailles à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    À ce moment-là, je suis sur ma dernière année d'études, donc je ne bosse pas encore. Mais je réussis très bien mes études, j'ai voyagé, je suis très entourée. En fait, j'ai une vie qui coche toutes les cases à ce moment-là, donc en fait, j'ai pas trop l'impression d'être à ma place quand j'arrive à l'hôpital à Paris pour voir un addicto. Je suis reçue dans ce cabinet. Et très vite, en fait, on me parle de traitement, de médicament. Donc là, pareil, je ne comprends pas trop. On fait le point. Finalement, on me met un peu dans des cases en me posant des questions sur ma conso. Enfin, essayer de définir ce que je trouve très difficile. Parce que finalement, quand on n'est pas très conscient encore de son problème, on a du mal à définir combien on boit, comment. Et puis, je sors de là avec une prescription pour un médicament qui, en fait, quand tu consommes, te fait vomir.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Donc en fait, le principe de cette thérapie-là, c'est si tu bois, tu vas être malade. Donc déjà, je n'adhère pas totalement, parce que je me dis que c'est quand même bizarre d'être dans une espèce de punition. Et par ailleurs, l'addicto me dit, voilà, j'aimerais bien que si vous consommez, vous notiez en fait vos consommations. Donc je me retrouve dans un truc où je dois compter le nombre de verres que je bois. Et là, c'est l'angoisse. Et là, c'est l'angoisse parce que je me rends compte que les compter, ça me fait prendre conscience du volume. Et surtout, j'essaie de me limiter. Et là, pour la première fois, je fais face à mon impossibilité de contrôle.

  • Speaker #1

    Ah, OK.

  • Speaker #0

    Et c'est très dur, mais voilà. Donc très vite, je rencontre aussi un médecin psychologue qui travaille dans une association pour l'alcool. Mais pareil, je ne me trouve pas très à ma place. Et finalement, je ne me sens pas hyper prise au sérieux, hyper comprise. J'ai quelqu'un en face de moi qui a l'habitude de recevoir des hommes, beaucoup, d'un certain âge. Et voilà, j'ai encore l'impression que je n'ai rien à foutre là. Que moi, tout va bien dans ma vie. Je ne comprends pas trop.

  • Speaker #1

    Ce médicament, tu vas le prendre ?

  • Speaker #0

    J'ai dû le prendre peut-être deux, trois jours, et puis j'ai vite arrêté de le prendre.

  • Speaker #1

    Et l'agenda des consommations, tu vas tenir ce calendrier ?

  • Speaker #0

    Non, je lâche vite l'affaire aussi. Donc en fait, toute cette première mise en place de thérapie, elle dure, je pense, deux, trois mois. Et puis très vite, je me dis, attends, ça va, tout va bien. Je commence à bosser dans la pub, dans un environnement où tout ça est très présent, la drogue, l'alcool. Donc finalement, pareil, tout vient nourrir mon système. Donc je me dis, attends, tu vois bien que tout ça, finalement, c'est la normalité. Tout le monde le fait. Donc OK, t'es un peu excessive, c'est vrai. Mais ça fait partie de qui tu es. T'es une arrachée, t'es une déglingo. Ça fait aussi partie de la liberté de ton être.

  • Speaker #1

    À partir de ce moment-là, j'imagine que tu n'as plus d'accompagnement ou de suivi en addictologie ou tu maintiens quand même un contact ?

  • Speaker #0

    J'arrête tout. J'arrête tout, je commence à bosser, ça se passe bien, je suis hyper motivée. Je crée ma petite vie sociale à Paris, j'habite à Pigalle. berceau de la fête.

  • Speaker #1

    Et donc, tu reprends les fêtes ?

  • Speaker #0

    Bien sûr. En fait, je n'ai jamais vraiment arrêté. Donc, non, non, je continue. Je vais en club. Je fais des afters sans fin. À midi, le samedi, je ne suis toujours pas couchée. Et en fait, je vis cette vie-là pendant plusieurs années. Et puis, il commence à y avoir de la souffrance. Associée, bien sûr, parce que tu fais des conneries, en fait, quand tu te crées une vie comme ça.

  • Speaker #1

    C'est quoi, les conneries ?

  • Speaker #0

    Je suis dure.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Je suis dure dans mon rapport aux autres, donc je dis des vérités qui font mal.

  • Speaker #1

    Tu te disputes avec des amis ?

  • Speaker #0

    Je me dispute. Il y a des matins, tu te réveilles, tout le monde te fait la gueule, et t'es là, mais qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #1

    Ah oui, tu te souviens pas ?

  • Speaker #0

    Et tu ne te souviens pas hier de ce que tu as fait, de ce que tu nous as dit ? Puis moi, je suis un être très instinctif quand je bois. Donc en fait, il n'y a plus de normes qui existent. La société n'existe plus. Donc je deviens un petit animal plein de pulsions. Donc en fait, je fais n'importe quoi. Je peux aller embrasser le mec d'une copine. Je peux me foutre sur le bar et montrer mes seins à tout le monde. Donc c'est amusant dans une certaine mesure, mais je pense que mes potes, au bout d'un moment, ils commencent à en avoir un peu ras-le-bol, en fait. Parce que ça crée des emmerdes et des problèmes pendant les soirées, tout ça.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu te blesses ? Est-ce que tu finis aux urgences ? Est-ce que tu as des choses comme ça au niveau physique, des accidents ?

  • Speaker #0

    Alors, je finis jamais aux urgences, mais je finis quand même chez les flics une fois.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    qui me suivent parce qu'ils voient que je ne suis pas dans mon état normal et qu'il y a un mec, finalement, qui me colle et il voit qu'il y a un truc pas très clair. D'accord. Évidemment, je me mets dans des situations qui auraient pu être tragiques.

  • Speaker #1

    Et donc, toujours l'alcool avec le vin rouge, toujours l'association éventuelle avec d'autres produits.

  • Speaker #0

    Ouais.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu commençais à ressentir dans la semaine, par exemple, les jours où tu ne consommais pas, des conséquences psychologiques ? sur ton humeur, sur tes émotions ?

  • Speaker #0

    Alors, les redescentes, oui, tu les sens. Déjà, tes week-ends, une fois que tu les as bien fêtés, la fin du week-end, elle se passe au fond du lit, en agonie. Donc ça, c'est un moment qui n'est pas agréable. On essaie d'oublier. Donc, on mange de manière compulsive pour éponger, pour essayer de se redonner un peu d'énergie. Et puis, on regarde des trucs débiles pour s'abrutir le cerveau et ne pas penser à tout ça, en fait. Pas réfléchir. Et puis surtout, il faut vite reprendre des forces parce qu'il va falloir vite que tu répares toutes les conneries que tu as faites pendant le week-end. Et ça, ça demande beaucoup d'énergie de réparer. Et puis en effet, il faut repartir au boulot, en forme et assuré. Donc en fait, tu commences à rentrer dans un système de montagne russe où tu es tout le temps en train de jouer avec les extrêmes.

  • Speaker #1

    En fait, ce cycle-là, il va durer combien de temps avant que tu redécides d'être accompagné ?

  • Speaker #0

    Ce cycle-là, pour moi, il dure cinq ans. Cinq ans, quand même. Même un peu plus, peut-être. Jusqu'à ce que je parte à New York, j'ai une opportunité pour le boulot, je pars à New York, je suis dans un métier qui ne me donne aucune liberté, un métier de service très exigeant dans lequel je bosse 24-24, dans lequel j'ai peu de temps pour moi, et en fait, les seuls moments que j'ai pour moi, j'ai tellement besoin de décompresser que je commence à boire. Et là, je commence à boire beaucoup toute seule.

  • Speaker #1

    Tu faisais quoi, juste, comme activité à New York ?

  • Speaker #0

    J'étais assistante personnelle d'une célébrité.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et donc, comme tu peux l'imaginer, c'est un peu comme on voit dans les films.

  • Speaker #1

    D'accord, oui.

  • Speaker #0

    C'est un métier qui est passionnant, que j'adorais faire parce qu'il m'a apporté des tas de choses. Mais je pense qu'il m'a fait passer un deuxième cap aussi dans mon alcoolisation. Dès que j'avais un peu de temps pour moi, en fait, je buvais. Et je me souviens, à la fin de New York, j'en étais arrivée au point où je ne sortais même plus. les week-ends parce que j'étais crevée. Et en fait, je passais au wine store acheter des bouteilles de vin. Et je rentrais à la maison et je me mettais ma musique. Et en fait, j'avais créé un rituel. Et je buvais mes bouteilles de vin en écoutant ma musique toute seule. Et en fait, pour moi, c'était une bulle de réconfort. C'était un moment où je pouvais enfin me retrouver moi-même, m'apaiser et prendre soin de moi.

  • Speaker #1

    Donc tu buvais seule, en quantité, c'était quoi ?

  • Speaker #0

    Toute seule, trois bouteilles de vin, quatre bouteilles de vin, rouge.

  • Speaker #1

    À temps malade ou non ?

  • Speaker #0

    En fait, mon corps, plus j'avançais, moins je vomissais pas. C'était ça qui était terrible avec le vin à la fin. C'est qu'en fait, mon corps, il tenait le coup. C'est-à-dire que même à un moment, je pouvais rentrer en blackout, ne plus avoir de conscience des choses, mais mon corps tenait le coup.

  • Speaker #1

    D'accord. Mais toi, à ce moment-là ? tu t'aperçois que ça va pas, en fait.

  • Speaker #0

    Moi, je commence à souffrir, là, parce que je me planque quand même des bouteilles. Et puis, en fait, je me dis, attends, là, franchement, pourrir tes week-ends, pour te retrouver toute seule, te mettre la cuite toute seule et puis passer le lendemain au lit, il y a quand même un truc qui tourne par rond, quoi. Donc là, je commence à comprendre quand même qu'il y a un vrai souci. Je finis par rentrer à Paris et je reprends un nouveau boulot. Donc là, avec tout l'engouement qui va avec, quelque chose de plus équilibré, je reprends un peu le pouvoir sur ma vie. Je reprends la place, en fait, avec une vie plus normale.

  • Speaker #1

    Parce que tu t'es aperçue que ça allait trop loin et que tu t'essayes un peu de lever le pied ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    En fait, je me rends compte que j'ai besoin d'avoir un environnement plus rassurant et que cette vie trop exigeante, elle est en train de me flinguer. Donc, c'est à ce moment-là que je rentre. Je cherche un boulot dans la cistanate direction à Paris. Je finis par trouver le bon match. Je suis hyper excitée. Je commence ce nouveau boulot. Et à ce moment-là, du coup, je me relance dans un nouveau projet. Donc, ça va à nouveau. Tu vois, c'est des phases, c'est des vagues en permanence. Donc je me dis, OK, ça va. Comme d'habitude, tu as toujours la sensation que tu vas réussir à trouver le bon point d'équilibre par toi-même et que ça va le faire. Donc je repars dans tout ça, mais finalement, l'alcoolisation, elle est toujours là. Et le système, il continue toujours à se renforcer, à se nourrir. Et puis je pense que ces quatre dernières années... À Paris, j'ai vraiment passé un autre cap. Donc là, les prises de conscience, elles sont de plus en plus fréquentes. Les réactions, elles se multiplient autour de toi, dans l'entourage. Et donc là, je décide de me faire aider. Et je me dis bon, donc je commence déjà par des thérapies alternatives.

  • Speaker #1

    Mais les prises de conscience, c'est quoi précisément ?

  • Speaker #0

    C'est les amis, déjà l'entourage. Mon incapacité à maintenir des relations amoureuses, parce que forcément, ça crée trop d'emmerdes. Donc, les copains, les amoureux, et puis les amis aussi, qui me disent, voilà, on t'aime, on sait qui tu es, mais en fait, toutes ces phrases et tout ce que ça génère sur nous, ça commence à être extrêmement pesant. Donc là, il y a quand même des gros trucs, des trucs un peu violents, où les potes me disent là, franchement, ça va trop loin. Et puis à moi, comment je me sens vis-à-vis de cette alcoolisation ? C'est-à-dire que je sens bien que je suis en train de mettre mon corps et mon esprit à rude épreuve, et qu'en fait, tout maintenir là, droit, ça commence à devenir assez compliqué. Et en fait, l'état d'épuisement. Tu vois, mental et physique. Je commence à me sentir ultra fatiguée. Mais vraiment crevée, quoi. Parce qu'en fait, à ce moment-là, je suis attachée de direction dans un grand groupe de cosmétiques. J'ai un poste à responsabilité qui est très exposé, avec de la visibilité. Il y a de l'exigence, il faut que j'assure. En plus, j'aime mon boulot, donc j'ai pas envie de faire de la merde. Et à côté de ça, il y a la vie sociale, il y a cette envie de continuer à consommer. Comment je fais pour garder tout le puzzle ? Je passe mes week-ends au lit à récupérer de la cuite de mon vendredi soir. Je commence à avoir des problèmes pour me lever pour aller au boulot le matin. Je commence à manipuler, à mentir, à me justifier. Les amis, c'est pareil, ils commencent à en avoir ras-le-bol, et puis je me mets dans des situations de plus en plus graves. Et ça, ça me fait peur, parce que je me dis, mais en fait, un jour, il va se passer quelque chose de grave, en fait. Tu te réveilles le matin, tu ne sais pas à côté de qui t'es, tu ne connais même pas le nom du mec qui a dormi dans ton lit, tu ne sais plus ce que tu as fait la veille. Je me retrouve à aller faire des prises de sang au labo, parce que finalement, je ne sais pas ce que j'ai fait la veille et si je me suis protégée. En fait, ça commence à être vachement moins drôle. Donc, la colline qui monte ses seins et qui fait rire tout le monde sur le bar, là, on a quand même passé un autre step. Et je me rends bien compte que je mets en danger ma santé, mon corps, mon intégrité. Et puis qu'en fait, ce n'est pas très beau tout ça et que je mérite mieux que ça.

  • Speaker #1

    Donc là, en gros, grosse prise de conscience à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Donc là, oui, ça commence à piquer un peu. Et donc, en effet, je commence à mettre des choses en place, déjà à mon niveau. des thérapies alternatives, un peu de pratique sportive.

  • Speaker #1

    Tu faisais du sport avant ?

  • Speaker #0

    J'ai jamais été une grande sportive, mais ça a toujours été assez présent dans ma vie. Pour avoir grandi, moi, dans les montagnes, en Savoie, dans les Alpes, tu sais, les sports de glisse, le snowboard, l'escalade, tout ce qui est lié à ton environnement, c'est présent. Mais j'ai jamais été une très grande sportive. Mais ça a toujours été là. Mais là, du coup, je me mets au yoga. Je commence à lire pas mal de bouquins, de développement personnel. J'entame un chemin, en fait. Je ne sais pas trop au début ce que je cherche, mais en tout cas, je commence à explorer certains sujets. Et puis, je vais très vite essayer de rencontrer des psychologues pour pouvoir parler de ça.

  • Speaker #1

    Tu ne repars pas vers une prise en charge addicto ?

  • Speaker #0

    Pas du tout.

  • Speaker #1

    Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Parce que cette première expérience de quelques années avant ne me donne pas du tout envie de retourner voir un addicto. Parce que je me dis, non mais super, le mec il va me filer un médoc, qu'il fait vomir, je trouve ça nul. Et du coup, je me dis, je sais pas, j'ai envie d'aborder ça plus sur le prisme de la santé mentale en fait. Comprendre pourquoi je me comporte comme ça, d'où ça vient. Donc vraiment au départ, je me dis, je vais essayer de faire mes petits trucs de mon côté quoi. En abordant le côté psychologie. Donc, je cherche des psychologues. Ça, c'est vraiment un challenge aussi pour moi. Je me rends compte que ce n'est pas facile de trouver la bonne personne. Donc, je me retrouve à rencontrer pas mal de psy avec qui ça ne matche pas. Ou je sors de la séance et je me dis, en fait, non, ça me fait chier.

  • Speaker #1

    Avec qui il n'y a pas d'alliance.

  • Speaker #0

    Avec qui il n'y a pas d'alliance. Et puis, je finis par rencontrer une première psy qui travaille un peu autour des énergies. Donc, tu vois, on est quand même dans la thérapie alternative. J'y crois pas trop, j'y vais un peu à reculons, me la conseille, je me dis moi tous ces trucs, à ce moment-là je suis pas... J'ai toujours eu une forme de spiritualité en moi mais je suis pas très branchée thérapie alternative quoi. Et puis en fait ça marche parce qu'on s'entend bien, je me sens entendue, comprise, je me sens prise au sérieux. Et ça c'est vachement important parce que je pense que c'est la première fois où j'ai vraiment l'impression qu'il y a quelqu'un en face de moi qui ne minimise pas ma souffrance. malgré que j'ai une vie qui roule, un boulot cool, et que finalement, en apparence, ma vie coche les cases. Mais en fait, cette souffrance, elle est là, et elle, elle la voit, elle la comprend. Et au bout d'un moment, elle me dit, écoute, moi, je pense que j'arrive un peu aux limites de là où je peux t'aider. Je suis quand même très inquiète pour toi, parce que je lui parle de plus en plus de mes alcoolisations violentes. Et elle me dit, moi, je peux t'aider sur le côté psy, mais en fait, je pense que là, il faut vraiment que tu ailles voir un médecin. Et donc, elle me parle de ce psychiatre avec qui elle a travaillé dans le cadre médical, dans un hôpital, et elle me dit, écoute, il est vraiment bien, j'ai totale confiance en lui. va le voir et tu verras, mais là, je suis vraiment très inquiète. D'accord. Et c'est là où il y a un switch et où je commence à aller voir ce médecin psychiatre. Et là, ma thérapie et mon chemin prend une nouvelle dimension.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Plus sérieuse. Et du coup, la conscience devient plus forte. Là, je me dis, ah ouais, quand même. En fait, c'est chaud.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    En fait, c'est chaud. Et voilà, ça a été le début du gros travail qui a duré trois ans. qui a été ponctuée, évidemment, d'énormément de rechutes.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Et franchement, c'est pour moi hyper important de dire que les rechutes, ça fait partie du chemin et du travail. Je connais peu de gens autour de moi qui ont réussi à arrêter, à mettre fin à une dépendance comme ça assez rapidement, sans rechuter. Et les rechutes, voilà, elles font partie du boulot, mais les rechutes sont de plus en plus violentes.

  • Speaker #1

    Oui, justement, j'aimerais bien y venir là-dessus. Parce qu'en fait, effectivement, comme tu le dis, c'est hyper important d'en parler. La rechute, elle fait partie quasiment de l'évolution naturelle de la prise en charge. Les gens qui rechutent souvent culpabilisent, et il y en a même qui veulent interrompre le suivi, de honte d'être jugé par le psychiatre ou l'addictologue ou le psychologue. Et donc ça, ça fait partie de l'évolution quasiment naturelle, donc il n'y a aucune raison de culpabiliser. Tu peux les décrire ces rechutes ? Parce que tu dis qu'elles sont violentes. Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Du coup, moi, je commence ce travail avec ce psychiatre qui est génial, fabuleux. Là, pareil, c'est une rencontre. Et je me dis, waouh, incroyable. Il me comprend aussi. On parle beaucoup, on est beaucoup dans l'échange. C'est quelqu'un qui parle pendant les consultations, qui ne fait pas que me regarder. Et en fait, on se pose beaucoup de questions sur... sur des probabilités de pathologies associées. Forcément, quand tu es suivi par un psychiatre, on essaie d'analyser ces changements d'humeur, ces montagnes russes, on essaie de comprendre d'où ça vient pour pouvoir agir sur la cause, sur l'origine du mal.

  • Speaker #1

    Juste pour le dire, le terme, parce que c'est un mot qui peut faire peur, mais ça s'appelle les comorbidités psychiatriques.

  • Speaker #0

    Les comorbidités psychiatriques.

  • Speaker #1

    C'est moche parce qu'il y a le mot mort, morbide, mais en gros, ça peut être de l'anxiété, tout simplement.

  • Speaker #0

    Et bien justement, en faisant ce travail avec lui, je comprends que je suis en fait une meuf extrêmement anxieuse. Et là, t'imagines, j'ai, je sais pas, 32 ans. 32 ans, je découvre que je suis une meuf extrêmement anxieuse. Et en fait, c'est fou parce qu'il y a un truc très révélateur, une espèce de prise de confiance comme ça. Je me dis mais attends, mais pourtant... Et finalement, je déroule tout et je me rends compte que j'ai toujours été anxieuse. Que j'étais une enfant anxieuse, j'en parle à mes parents, ma mère me dit mais tu sais, t'avais du mal à dormir à 6 ans parce que toute la nuit tu cogitais, tu pensais à l'avenir de l'humanité, à pourquoi il y avait des guerres. Et en fait, de comprendre, ça t'aide vachement à avancer. Donc, avec ce médecin, on est beaucoup dans l'échange, on essaie même des traitements, il arrive à me convaincre alors que je ne suis même pas très ouverte aux médicaments. Ce n'est pas trop mon délire, mais on essaye. Franchement, on essaye. On essaye un traitement au baclophène, que je trouve extrêmement lourd parce que c'est un médicament qui n'est à la base pas du tout prévu pour traiter les addictions. Donc, en fait, tu te retrouves à prendre 15 pilules par jour. et c'est censé apaiser tes cravings et tes envies de consommer.

  • Speaker #1

    Tu peux détailler ce que c'est le craving ?

  • Speaker #0

    Le craving, la définition, c'est une envie irrépressible de consommer. Et pour le décrire plus dans les sensations, pour moi, c'est un espèce de feu qui va grandir au niveau de ton plexus, mais qui va être d'une puissance telle que ça va devenir obsédant. Donc, c'est une envie de consommer.

  • Speaker #1

    C'est une vague, en fait. Il y a un professeur d'addictologie qui parle de surfer le craving, justement, quand on est addict.

  • Speaker #0

    C'est ça, apprendre à le gérer et surtout apprendre à l'accueillir pour qu'il passe. Et puis, juste se rassurer, se dire que ça ne va pas durer tout le temps. Ça finit par passer, mais c'est hyper puissant. Et d'ailleurs, après six mois de sobriété, j'ai failli craquer à cause d'un craving. Donc, ce n'est pas facile.

  • Speaker #1

    Le baclophène, donc tu l'essayes ou pas ?

  • Speaker #0

    J'essaye, mais très vite, je laisse tomber parce que je trouve que c'est trop lourd en termes de posologie et de prise. trop de médicaments, trop par jour. Et puis en fait, je n'aime pas l'idée de me mettre des médicaments dans le corps. Mais en tout cas, on essaye plein de choses.

  • Speaker #1

    Et alors, comment ça se passe par la suite ?

  • Speaker #0

    Je commence à me plonger en parallèle de tout ce suivi psychiatrique sur le sujet de l'addiction en lui-même. Comment ça marche d'un point de vue physiologique, neurologique ? En fait, je veux comprendre. Parce que je me rends bien compte que ce n'est plus qu'une question de volonté. Moi, ma volonté, elle est claire. Bien sûr que j'ai envie de m'en sortir, mais je me rends bien compte que malgré... Ma force, ma pugnacité, mon caractère de battante, j'y arrive pas toute seule. Et puis à côté de ça, j'ai besoin aussi de... d'aller chercher une communauté de gens qui ont vécu la même chose que moi. Donc, je me lance dans l'exploration des alcooliques anonymes.

  • Speaker #1

    Ah oui, d'accord.

  • Speaker #0

    Et je fais mes premières réunions d'alcooliques anonymes. Et c'est pour moi une expérience terrible. Ah bon ? Alors que je crois vraiment à ces communautés. En fait, j'encourage vraiment à tester cette solution parce que je pense qu'il y a des gens qui n'ont pas l'opportunité de pouvoir s'exprimer dans leur entourage. Et c'est quand même un endroit safe. où on peut partager son expérience de l'addiction et de la dépendance, et ça aide en fait de pouvoir discuter avec des gens qui comprennent. Mais moi, vraiment, c'est un outil qui ne me correspond pas.

  • Speaker #1

    Toi, ça ne te correspond pas ?

  • Speaker #0

    Ça ne me correspond pas du tout. En fait, je vais aux réunions, je ne me sens encore une fois pas à ma place.

  • Speaker #1

    Ouais, toi, ça ne te correspond pas ?

  • Speaker #0

    Ça ne me correspond pas.

  • Speaker #1

    Même si on le rappelle, et ça aide énormément de personnes, mais toi, avec ta personnalité, ta façon de voir les choses, ça ne te correspond pas, donc en fait, tu ne poursuis pas.

  • Speaker #0

    Je ne poursuis pas, donc au début j'ai mes copines qui m'emmènent le samedi matin, qui m'accompagnent à la réunion pour bien que j'y aille, mais très vite je laisse tomber parce qu'en fait je sors des réunions, je suis plus déprimée que motivée, ça m'est même arrivé je pense de sortir de réunion et d'aller acheter une bouteille de vin. Donc je laisse vite tomber et du coup je me plonge dans la littérature anglo-saxonne. qui touche à ce qu'on appelle les mouvements des sober curious. Et ça, ça commence à vachement m'inspirer. Et là, je découvre plein d'autrices qui écrivent sur l'alcool. Et là, ça y est, enfin, je m'identifie. Je lis des nanas qui ont des vies fonctionnelles. Pareil, qui ont réussi finalement à maintenir une vie plus ou moins normale tout en souffrant énormément de leur dépendance. Et là, pour la première fois, je me retrouve dans ces témoignages-là. Je lis un bouquin qui est vraiment un bouquin des clics, que j'adore, qui s'appelle Le bonheur inattendu de la sobriété qui a été écrit par Catherine Gray, qui est une autrice anglaise. Et en fait, la nana, elle travaillait chez Cosmopolitan à l'époque, dans la mode. C'est une nana jolie, cool, qui réussit dans son boulot, mais qui vraiment tombe dans les affres de l'alcool, et qui finit par se cogner la tête très fort et par décider d'arrêter. Et elle raconte tout ce parcours, mais elle parle surtout de l'après, en fait. Des bienfaits de la sobriété, de ce que ça lui apporte très rapidement. Elle reparle de toutes les premières fois que tu vis quand t'es abstinent, parce qu'en fait, c'est une redécouverte de tous ces premiers moments. Et surtout, elle parle de ça avec vachement d'humour et vachement d'autodérision. Et ça, ça m'éclate, quoi. Je me dis, mais voilà, ça, ça me parle.

  • Speaker #1

    Et donc tu pars dans cette dimension, tu t'empares du sujet, tu deviens actrice de ta prise en charge, et ensuite, qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Et ensuite, j'avance, je continue à faire des rechutes.

  • Speaker #1

    Toujours à Paris ?

  • Speaker #0

    Toujours à Paris, c'est dur, on en parle avec le psy, le chemin est long, il est dur.

  • Speaker #1

    Les montagnes russes ?

  • Speaker #0

    J'ai pas des images ou des souvenirs très clairs de moments, de trucs, mais... je sens qu'avec le boulot, ça commence à être dur.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    En fait, j'ai de plus en plus de mal à me lever la semaine.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Parce que je suis rentrée dans un mode où tous les soirs, j'ai besoin de boire. Ah oui ? Donc, en fait...

  • Speaker #1

    C'est grosse rechute, quand même, là, alors.

  • Speaker #0

    Ouais. Et puis, en fait, je me rends compte parce que je vis avec un mec. Donc, en fait, si tu veux, ça te renvoie forcément ta consommation de manière plus frontale. Parce que quand t'es tout seul le soir, finalement, t'as personne pour te dire... Ouais, oh, calme-toi.

  • Speaker #1

    T'as pas de pression sociale.

  • Speaker #0

    T'as pas la pression. Là, en fait, je me rends compte que j'ai de moins en moins envie de sortir parce que ça me fatigue, que ça me prend beaucoup d'énergie, en fait, cette fête, cet entourage. Donc, je me rends compte que le soir, en fait, après le boulot, j'ai juste envie de rentrer et de boire au calme avec ma petite musique. Et encore une fois, de recréer cette espèce d'espace, de cette petite bulle de bien-être, quoi, avec ma bouteille en tête à tête. Et le problème, c'est que mon mec, il rentre du boulot. J'ai déjà descendu une bouteille.

  • Speaker #1

    Ah oui ?

  • Speaker #0

    Et puis forcément, quand il rentre, Ah bah attends, on va boire l'apéro, donc j'en ouvre une deuxième. On est au début de notre relation, donc pareil, c'est une bonne excuse pour boire un verre ensemble. Et puis il finit par aller se coucher, et puis en fait, j'en ouvre une troisième. Et puis je commence à rentrer dans le mode où je vais me faire vomir avant d'aller me coucher. Parce que je me dis, Demain, t'as une réunion à 9h, il faut que t'assures. Donc en fait, tes trois bouteilles dans ton petit corps de 55 kilos, tu sais que demain, ça va être hyper violent.

  • Speaker #1

    T'as quel âge, là ?

  • Speaker #0

    Là, j'ai 34 ans. 33, 34 ans. Donc tu vois, c'est 10 ans après mon premier acto. Donc là, ça commence à devenir dur. Je suis fatiguée. En fait, vraiment, je me sens acculée. Je sens que je n'y arrive plus. Ça me demande trop d'énergie de maintenir. ce système-là. Et puis, je descends de plus en plus à Biarritz faire des week-ends.

  • Speaker #1

    Ah voilà, nous voilà à Biarritz maintenant.

  • Speaker #0

    C'est juste que j'ai un déclic où je me dis, en fait, si tu ne changes pas ton mode de vie, radicalement, tu ne vas pas pouvoir te sortir de ça. Ce que je veux dire, c'est que je pense qu'à un moment, quand on a une dépendance qui prend autant de place dans notre vie... Alors moi, je suis allée dans quelque chose de très radical, un changement de vie, mais je pense qu'il faut vraiment prendre conscience que finalement, tes modes habituels, ils ont tellement intégré ta consommation que si tu viens pas bousculer ça un moment... tu n'arriveras jamais à t'en sortir vraiment. Et c'est ça dont je prends conscience. Et comme je suis quelqu'un d'assez extrême dans mes prises de décisions, mais ça fait, je m'en rends compte aujourd'hui, partie de moi, et ça n'a rien à voir avec l'alcool, je me dis, voilà, j'ai envie d'opérer ce changement. Donc, je rentre à Paris et je mets tout en place, en fait. Donc, je quitte mon job, je quitte mon mec, je quitte mon appart, parce qu'en fait, je me rends compte que tout ce système-là n'a plus sa place et j'ai envie de vivre autre chose, en fait.

  • Speaker #1

    Tu t'aperçois qu'en fait, ce n'est pas uniquement toi ou l'alcool, mais que c'est l'environnement aussi, c'est ça ?

  • Speaker #0

    En fait, c'est la puissance de l'environnement. L'environnement, je parle beaucoup de nourrir son système. Je pense que c'est un vrai truc d'addict ou de malade mental. En fait, c'est de faire en sorte de construire un monde autour de soi et de modeler son environnement pour venir nourrir son système de dépendance et de maladie. Et je me dis, en fait, si je ne fous pas un gros pied dans la fourmilière, mais je suis foutue, je vais finir par crever. De toute façon, je ne peux plus, j'arrive au bout.

  • Speaker #1

    Donc là, c'est ce que tu fais.

  • Speaker #0

    Donc là, je mets tout en place. Donc ça prend quelques mois forcément, parce que je ne pars pas du jour au lendemain de mon boulot, que je ne quitte pas tout comme ça. Ça prend quelques mois, je mets les choses en place. Je pars un mois en Inde, me faire un voyage reset pour me retrouver avec moi-même. Et d'ailleurs, en Inde, je bois très peu. 3-4 verres, un truc comme ça, en un mois.

  • Speaker #1

    Sans sevrage ?

  • Speaker #0

    Sans sevrage. Donc, je commençais à me dire, c'est possible. Et je rentre chez mes parents, en Savoie, dans les montagnes. Et à ce moment-là, j'ai prévu, 2-3 mois après, d'aller m'installer dans le sud-ouest. C'est clair. D'accord. J'ai trouvé une petite cabane dans le jardin des grands-parents d'une copine pour commencer mon exploration. Et je me dis, j'y vais au printemps quand les beaux jours arrivent. Et là, le confinement arrive. Et là, en fait, je me... Voilà, réaction d'addict. Je vais me confiner chez une copine d'enfance. qui est vigneronne.

  • Speaker #1

    Ah, pas la meilleure idée.

  • Speaker #0

    Il y a toujours la petite voix de l'addiction qui n'est pas loin. Donc, évidemment, ce n'est pas un choix complètement inconscient. Je sais pourquoi je le fais, en fait. Et donc, très vite, ça se passe mal, forcément. Donc, au bout de deux semaines de confinement, ça part en vrille. On s'engueule très fort. Et là, vraiment, je descends chez mes parents en voiture et je suis à deux doigts de mettre un coup de volant. Ah ! Oui.

  • Speaker #1

    Coup de volant, pourquoi ? Pour mettre fin à tes jours ? Ouais. Ah oui ?

  • Speaker #0

    Et là, je me dis, ok, c'est bon, on y est quoi ? C'est maintenant, en fait. T'as plus le choix. Ah oui ? Ouais, vraiment.

  • Speaker #1

    Tu roules et tu te dis, j'en ai marre, je peux mettre fin à tes jours et t'es à deux pas.

  • Speaker #0

    J'en peux plus. C'est l'espèce d'aboutissement de cette fatigue, de ce truc.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Je suis épuisée, je peux plus. Et j'arrive chez mes parents et vraiment, je suis en larmes, je suis hystéro, je suis au bout du Rolls, quoi. Et ils me disent, écoute, ça fait dix ans qu'on ferme notre gueule. On te laisse faire le truc à ton rythme et tout, mais en fait, là, stop. Enfin, tu peux plus continuer comme ça. C'est maintenant. En fait, tu commences une nouvelle vie, t'as tout mis en place. C'est maintenant. Donc, nous, on est là, on va t'aider s'il le faut, mais on peut plus te laisser te détruire comme ça.

  • Speaker #1

    Et donc, comment ça se passe, là, après cet épisode, justement ?

  • Speaker #0

    Comment ça se passe, c'est le confinement à ce moment-là. Je décide d'aller me confiner toute seule dans un petit appart que mes parents, ils ont en ville, en fait, pour me retrouver.

  • Speaker #1

    C'est tes parents qui te conseillent ça ?

  • Speaker #0

    Non, ils me conseillent pas ça. Ils ont... plutôt envie que je reste près d'eux, mais moi, je sens que j'ai besoin de faire le point, en fait. J'ai besoin de vivre cette confrontation à moi-même. Donc, je passe une semaine face à moi-même. Je pleure, toutes les larmes de mon corps. Je me refais tout le film de ma vie et je me dis, mais en fait, t'es une rescapée, quoi. Enfin, t'aurais pu mourir plein de fois, il aurait pu t'arriver des drames, des choses horribles. Et là, vraiment, je sais, je sais au fond de moi que cette fois-ci, c'est la bonne. C'est évident. et j'ai une amie qui me rejoint au bout d'une semaine, une amie d'enfance, et donc là on passe un mois et demi à se créer un monde de sobriété, entre quatre murs, à réinventer le quotidien, à faire du sport, à rigoler, à boire du pastis sans alcool le matin, à chanter La belle vie de Sacha Distel, à se mettre toute nue sur la terrasse pour bronzer, et en fait on retrouve la légèreté de l'adolescence. La légèreté de juste être ensemble, s'amuser, rigoler, discuter, faire d'autres choses. On commande tous les alcools sans alcool qu'on trouve sur Internet. Donc les vins sans alcool, les bières sans alcool, on fait des dégustations et on se marre. Et je suis bien.

  • Speaker #1

    Et ça dure combien de temps ?

  • Speaker #0

    Et ça dure un mois et demi. Et au bout d'un mois et demi... ça y est, je prends la voiture, je cherche le coffre, puis je commence à rouler tout droit vers l'océan.

  • Speaker #1

    Donc, retour vers Biarritz.

  • Speaker #0

    Et là, cette nouvelle vie qui s'ouvre à moi dans une petite cabane, en fait, là, vraiment, je fais de ma sobriété la priorité de ma vie.

  • Speaker #1

    Et donc là, tu es dans un environnement qui te convient ?

  • Speaker #0

    Je suis dans un environnement de rêve, en fait.

  • Speaker #1

    D'accord. Et qu'est-ce que tu fais de tes journées ?

  • Speaker #0

    Je me laisse vivre et je m'écoute, en fait.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et ça... Retrouver ça, c'est juste magique. D'avoir zéro contrainte, j'ai cette chance. J'ai cette chance de pouvoir me permettre de juste m'écouter. Je me lève, je fais un petit yoga, je prends le vélo, je fais mon petit thermo de café, je vais le boire à la plage. Et puis surtout, je commence à me plonger à fond dans le surf.

  • Speaker #1

    D'accord. Et alors le surf ?

  • Speaker #0

    Et le surf, je pense que c'est un peu le palliatif. Je pense que ça devient mon addiction positive. C'est ce qui vient remplacer. très vite, finalement, l'alcool et qui vient me soutenir et être mon pilier. Donc, les premiers mois, je ressens des cravings qui sont quand même assez intenses, assez perturbants, parce qu'en fait, je suis toute seule, je ressens ce truc-là. C'est dur. Tu te dis, waouh, ça fait peur. En fait, ça fait peur parce que je sais que cette fois-ci, c'est la bonne, mais quand même, à tout moment, tu peux craquer. Et du coup, dès que j'ai un craving, c'est simple. Je charge la voiture, je mets la planche et je vais me foutre à l'eau. qu'il pleuve, qu'il y ait du vent, que les vagues soient bonnes, pas bonnes, qu'elles soient grosses, pas grosses.

  • Speaker #1

    Tu vas à l'eau.

  • Speaker #0

    J'y vais. Je comprends que là, je rentre dans une nouvelle phase de ma thérapie et que ce qui va devenir incontournable, c'est prendre soin de mon corps. Et là, c'est une révélation. Je me dis, mais... En fait, pourquoi je n'ai pas compris ça plus tôt ? Me reconnecter à mon corps, en fait, c'est ça qui va me permettre de construire l'après.

  • Speaker #1

    Ça, c'est quelque chose que tu ressens ?

  • Speaker #0

    C'est d'une force. Et en fait, très vite, je retrouve des sensations. À travers la connexion avec l'élément, notamment l'océan, je retrouve des sensations. Et puis le surf me permet de reconnecter vraiment avec chaque partie de mon corps. avec mes membres, mes muscles, de sentir mon corps reprendre vie, être vivant. Parce que je pense que malgré tout, l'alcool te déconnecte complètement de tes sensations, de ta contenance, de ce côté vivant. Je pense que tu es quand même dans une démarche où tu t'anesthésies vachement le corps. Et là, de ressentir les courbatures, les bras qui tirent, tu le sais, en surf. les épaules, les trapèzes, mais d'avoir cette sensation du corps qui souffle, mais qui en même temps se construit dans sa solidité. Mais c'est une révélation, c'est génial. C'est fabuleux.

  • Speaker #1

    Et donc ça, en gros, cette pratique du surf et de contact avec l'océan, ça t'a aidé. Tu sens qu'il y a eu un cap qui a été franchi avec ça ?

  • Speaker #0

    En fait, plus que m'aider, franchement, ça m'a sauvé la vie. Dans ce travail d'abstinence, qui est très difficile parce que, toi en tant que médecin, je ne sais pas ce que tu en penses, mais moi je trouve que finalement la partie sevrage, quand ça fait des années que tu es en train de travailler sur ton addiction et ta dépendance, Bien sûr que c'est dur, mais finalement, une fois que tu as passé ce sevrage physique, ce que je trouve hyper difficile et dont on parle vachement moins, en fait, et c'est dommage, c'est le maintien de cette abstinence. C'est ça qui est difficile, c'est que maintenant, OK, tu as arrêté de boire, mais qu'est-ce que tu fais de ta vie, quoi ? Et en fait, moi, le surf, le rapport à... Allô, cette nouvelle vie dans le sud-ouest, dans un environnement beaucoup plus sain quand même, et très connecté à la nature, il m'a permis de me projeter dans cette nouvelle vie abstinente, sans l'alcool. Moi, à 34 ans, à travers la sobriété, j'ai eu le sentiment vraiment de me révéler, de me découvrir vraiment, de découvrir qui j'étais.

  • Speaker #1

    Et un conseil que tu donnerais aux personnes qui ont un proche ? qui est touché par cette addiction, quel conseil tu donnerais pour aborder le sujet ou pour accompagner les proches de personnes addictes ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est très dur pour l'entourage parce qu'ils subissent au quotidien aussi les conséquences de l'addiction. Donc, des fois, ils sont dans leurs propres émotions, dans la colère et c'est assez justifié finalement. Mais déjà d'une, je leur conseillerais de se renseigner sur les mécanismes de l'addiction parce qu'en fait, de comprendre... qu'il y a un vrai mécanisme physiologique, c'est hyper important pour se libérer de l'injonction de la volonté. De penser que celui qui boit ou celui qui se drogue, c'est qu'en fait, il n'a pas de volonté s'il n'arrive pas à arrêter. Déjà, il faut qu'on sorte de ce préjugé-là. C'est une connerie.

  • Speaker #1

    Maladie, l'addiction, dans le cas.

  • Speaker #0

    Maladie. Et en fait, c'est terrible parce qu'il y a des addicts qui se prennent des trucs dans la gueule parce qu'on leur renvoie en permanence leur incapacité à s'en sortir. Alors que ces gens-là, ils doivent déployer une force exceptionnelle pour dépasser ce truc-là. Donc déjà, c'est comprendre pour mieux accompagner. Faire preuve de bienveillance, de patience, et puis déjà la communication, je pense que c'est déjà bien, parce que je l'ai vu dans les réunions, il y a beaucoup de gens qui n'ont pas la possibilité d'en parler autour d'eux.

  • Speaker #1

    Et puis alors, moi je prêche un peu ma paroisse, mais toi c'est vrai que ça ne s'est pas très bien passé avec les addictologues que tu as vus. Moi je suis formé en addictologie, et c'est vrai que je pense que les choses ont bien évolué dans certaines structures, et c'est vrai que l'addictologie maintenant c'est de plus en plus une prise en charge intégrative, avec effectivement un médecin qui peut être addictologue. Mais normalement, t'es amené aussi à voir des psychologues, parfois des psychiatres, être mis en contact avec le milieu associatif, et puis d'autres corps de métier, notamment sur l'activité physique, etc. Et puis aussi trouver probablement des gens avec qui tu réussis à créer une alliance, j'imagine. C'est un peu ce que tu as décrit avec le psychiatre. Colline, qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour la suite ?

  • Speaker #0

    Non, j'aimerais pouvoir m'investir un peu plus dans tout ce qui touche aux addictions, notamment sur le public féminin, parce que je trouve que c'est un public qui est encore très stigmatisé. Et c'est vrai que quand on parle d'alcool et de femmes, c'est deux mots qui créent un truc assez négatif. Et j'aimerais bien qu'on change le regard là-dessus, parce qu'en fait, une femme qui boit, au fond d'elle, c'est une superwoman. et j'aimerais bien pouvoir développer un peu plus d'action dans ce sens-là, et aider les femmes à reprendre leur pouvoir et à vivre une sobriété heureuse.

  • Speaker #1

    Je suis entièrement aligné avec ça. Écoute, on aurait pu discuter, je pense, pendant trois heures, on a dépassé probablement le temps. Moi, j'aurais pu discuter avec toi aussi de surf pendant très longtemps, parce que c'est un sujet qui me tient vraiment à cœur, et effectivement, le contact avec l'océan et le surf, c'est... C'est un effet assez incroyable. Il y a pas mal de publications scientifiques à ce sujet-là. Après, tout le monde n'a pas la chance de vivre près de l'océan, mais c'est des descriptions scientifiques qui ont été aussi abordées sur d'autres sujets en rapport avec la nature, avec la montagne, avec la forêt. Ils font des bains de forêt au Japon. On a besoin d'être en contact avec la nature parce que finalement, on vient de là. Et bon, voilà. Donc, merci mille fois pour ce témoignage. Et puis, je te souhaite le meilleur pour la suite.

  • Speaker #0

    Merci César.

  • Speaker #1

    Allez, ciao.

  • Speaker #0

    Salut.

  • Speaker #1

    Merci à toutes et à tous de nous avoir suivis. N'hésitez pas à partager cet épisode. J'espère que la parole de Colline vous a autant aidé que moi à comprendre cette pathologie. Je la remercie encore vivement de nous avoir confié son histoire. Pour compléter le témoignage de Colline, nous avons sollicité l'éclairage d'une experte. Découvrez notre échange sur la thérapie bleue la semaine prochaine. Si vous souhaitez aller plus loin, je vous recommande ces associations. L'association Addiction France, la Fédération Addiction ou encore l'association SOS Addiction. On se retrouve dans deux semaines, même jour, même heure, pour entendre une autre histoire de passion. En attendant, je vous dis à très vite et surtout, prenez soin de vous !

  • Speaker #0

    Ce podcast vous a été proposé par la plateforme Levy.

Description

Comment affronter le quotidien quand on boit jusqu’à 6 bouteilles de vin par jour ? Comment accepter son addiction pour s’en libérer et célébrer une sobriété joyeuse ?

En France, l'alcool est ancré dans notre culture. Il représente 22 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an… Pourtant, l'alcool, c’est aussi la première cause d'hospitalisation dans notre pays.

Aujourd’hui dans « Patients » on va parler d’un sujet qui touche plus d’1 million de personnes en France : l’addiction à l’alcool.


Pour aller plus loin : 


Vous pouvez suivre Coline sur son compte Instagram : https://www.instagram.com/nuagerosesobriete?igsh=enkzNmRucHJ0Z3lo  


Vous souffrez d’addiction vous souhaitez en parler avec un médecin généraliste ou spécialiste ? 
Nos médecins sont à votre écoute.


*Ce podcast recueille des témoignages personnels qui peuvent heurter votre sensibilité. Nous vous rappelons que ces récits représentent le vécu de nos invités et ne sont pas nécessairement représentatifs de notre point de vue.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ce podcast vous est proposé par la plateforme Livi.

  • Speaker #1

    Bonjour, je m'appelle César Ancel-Ancel. Je suis médecin généraliste et urgentiste. Bienvenue dans Patient, saison 2.

  • Speaker #0

    Colline et l'addiction

  • Speaker #1

    Une bière fraîche en terrasse, un verre de vin au repas, un gin tonic à l'apéritif ou une coupe de champagne pour célébrer. En France, l'alcool est ancré dans notre culture. Il représente 22 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an. Pourtant l'alcool, c'est malheureusement aussi la première cause d'hospitalisation en France. Et on estime que 1 million de personnes souffrent d'addiction à l'alcool. L'addiction est une maladie chronique, complexe et multifactorielle. Caractérisé par les 5 C du professeur Carilla. Perte de contrôle, envie irrépressible de consommer, conséquences physiques ou sociales, compulsion et usage continu. Elle peut s'installer insidieusement, nous éloignant de notre corps et de notre liberté. Alors comment se déclenche une addiction ? En quoi consiste cette perte de contrôle et quelles en sont les conséquences ? Et enfin, comment peut-on s'en sortir ? Aujourd'hui, j'ai la chance d'accueillir Colline, qui va nous raconter son histoire. Bonjour Colline.

  • Speaker #0

    Bonjour César.

  • Speaker #1

    Colline, est-ce qu'on peut se tutoyer ?

  • Speaker #0

    Avec plaisir, oui.

  • Speaker #1

    Comment vas-tu ?

  • Speaker #0

    Super bien, je suis ravie d'être là et de pouvoir échanger sur ce sujet qui me tient à cœur.

  • Speaker #1

    Écoute, moi je suis ravi de te recevoir aussi aujourd'hui dans cet épisode de Patient. Tu vas nous raconter ton histoire face à l'addiction. Est-ce que tu peux te présenter ?

  • Speaker #0

    Alors, je suis Colline, j'ai 38 ans, j'habite à Biarritz et je suis entrepreneur et j'accompagne des dirigeants dans le déploiement de leur vision.

  • Speaker #1

    Alors, effectivement, c'est un épisode un peu particulier. On est à Biarritz, où j'habite aussi. Donc, on va revenir un peu sur Biarritz et sur la place de l'océan dans cet épisode. Avant de commencer, Colline, est-ce que tu peux nous dire ce qu'est l'addiction ?

  • Speaker #0

    Alors, pour moi, l'addiction, c'est un rapport toxique à quelque chose. qui nous enferment et qui nous limitent finalement dans nos libertés et notre libre arbitre.

  • Speaker #1

    Donc toi, concernant l'addiction, tu as rencontré des difficultés avec l'alcool. Est-ce que tu peux nous expliquer à quel moment l'alcool est entré dans ta vie ?

  • Speaker #0

    L'alcool est entré dans ma vie assez tôt, je dirais autour de mes 18 ans. Évidemment, quand on commence à sortir, à passer un cap dans la sociabilisation, Ça va avec la fête, les sorties, donc c'est là que j'ai commencé un petit peu à jouer très tôt avec le feu. Et puis ça s'est accéléré ensuite avec les études supérieures. Voilà, ça fait partie aussi des rituels de la vie étudiante.

  • Speaker #1

    18 ans, finalement, si on regarde les statistiques, c'est assez tard finalement, parce qu'on s'aperçoit qu'il y a beaucoup d'ados qui sont très vite exposés à l'alcool. Avant 18 ans, pas de consommation d'alcool ?

  • Speaker #0

    Si, j'ai... Alors, c'est vrai que finalement, quand j'y repense, il y en a eu tellement que parfois, on ne sait plus trop. En fait, je me rappelle que ma première cuite, je devais avoir 14 ans.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    J'étais à la montagne, on était partis faire du snowboard avec les copines. Et en effet, je me souviens de ce premier épisode avec de la bière qui a hyper mal terminé.

  • Speaker #1

    Cuite, tu veux dire quoi ? Tu as été malade, tu as vomi ?

  • Speaker #0

    Grosse cuite, malade. Oui, malade, parce que j'avais voulu faire un peu la maligne devant des mecs plus âgés. Et oui, oui, j'ai vomi, ça a été terrible. Donc finalement, première cuite, 14 ans, c'est vrai.

  • Speaker #1

    D'accord, mais ensuite, de 14 à 18 ans ? Tu ne buvais pas régulièrement, le week-end ou des choses comme ça ? Non,

  • Speaker #0

    franchement, il y a eu des petites alcoolisations qui sont restées assez légères. Je pense qu'il y a eu vraiment un emballement à partir de mes 18 ans, associé à une rencontre aussi amoureuse de quelqu'un qui était déjà pas mal dans les consommations de produits et d'alcool. Et je pense que là, vraiment, il y a eu un emballement.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu avais comme mode de vie à ce moment-là, justement ? Comment ça se passait ?

  • Speaker #0

    La vie étudiante, elle est rythmée par les cours.

  • Speaker #1

    T'étudies quoi ?

  • Speaker #0

    Alors j'ai commencé avec sciences politiques, après j'ai très vite réorienté sur la communication et le marketing. D'accord. Et puis la fête, elle fait totalement partie de la vie étudiante. Il y a très peu d'étudiants qui restent dans leur coin à étudier et à potasser. En fait, ça fait partie du truc. Et d'ailleurs, j'ai eu des années d'études où je faisais plus la bringue que j'étudiais. Ouais. Pour le dire franchement. Et puis en fait, très vite, j'ai mis en place un système pour nourrir en fait ses besoins de fête, ses envies de sortie.

  • Speaker #1

    C'est quoi le rythme ? J'aimerais bien que les gens qui nous écoutent comprennent un peu. Donc t'étudies, c'est des études quand même assez costaudes. Mais c'est quoi le rythme d'alcoolisation par exemple ?

  • Speaker #0

    Franchement, jusqu'à 25 ans... Je pense que ça reste dans l'acceptable. C'est-à-dire que finalement, je bois comme beaucoup de gens qui m'entourent.

  • Speaker #1

    C'était combien d'alcoolisation par semaine ? Le week-end, tu disais ?

  • Speaker #0

    Franchement, c'est compliqué à dire. Moi, ce dont je me souviens le plus, ce n'est pas forcément le nombre d'épisodes, mais c'est plutôt le volume par épisode. C'est-à-dire que moi, très vite, je suis tombée dans un rapport compulsif. un verre qu'en entraîne un autre et en fait, je ne peux plus m'arrêter.

  • Speaker #1

    D'accord. Ça, tu l'as repéré vite.

  • Speaker #0

    Très vite. Très vite, en fait, je me rends compte que le problème, il n'est pas de ne pas boire tous les jours. Étudiante, j'arrive totalement à faire des semaines sans boire quand il faut que je me concentre et quand il faut que je rattrape tout le boulot que je n'ai pas fait en fin de semestre pour valider mes cours. Mais c'est plutôt quand je commence, je n'arrive pas à m'arrêter. Je suis inarrêtable.

  • Speaker #1

    Donc, tu décris bien la compulsion.

  • Speaker #0

    C'est une compulsion. En fait, je bois un verre, je ne peux pas en boire qu'un. il faut que j'en boive un deuxième, un troisième, un quatrième. Et ça, au fil des années, c'est vraiment le truc qui s'empire de plus en plus.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que la compulsion devient de plus en plus forte et incontrôlable.

  • Speaker #1

    D'accord, donc la perte de contrôle, la compulsion. Et effectivement, tu soulignes ce détail, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui attribuent le fait d'avoir un problème avec l'usage de produits, sachant que s'ils ne consomment pas tous les jours, ils ne pensent pas que c'est problématique, alors que ça peut être problématique même si tu consommes une ou deux fois par semaine finalement.

  • Speaker #0

    Quand j'ai décidé de faire des démarches pour arrêter de boire, je me suis beaucoup confrontée au regard de mon entourage et de certaines personnes autour de moi qui me disaient Non mais ça va, t'es pas alcoolique en fait, tu bois pas le matin quand tu te lèves.

  • Speaker #1

    Ouais, c'est ça.

  • Speaker #0

    Donc on reste encore sur une vision de ce qu'est l'alcoolisme qui est très réductrice finalement par rapport à tous les risques que ça comporte et tous les publics que ça touche. Donc, en fait, non, on peut avoir un problème avec l'alcool, même si on ne boit pas de la vodka en se levant de son lit le matin. Et même si on ne boit pas tous les jours, en fait, du moment que l'alcool, il commence à avoir un impact sur ta vie et que tu n'es plus en plein contrôle de ta consommation, tu as un problème avec l'alcool.

  • Speaker #1

    Donc là, on va parler de l'impact, des conséquences, qui est aussi un critère très important qui définit l'addiction. Toi, quand tu es étudiante, est-ce que... Ces alcoolisations, elles ont un impact ou des conséquences sur tes résultats ?

  • Speaker #0

    À ce moment-là, pas du tout.

  • Speaker #1

    Pas du tout.

  • Speaker #0

    Franchement, j'excelle, je continue à exceller. C'est-à-dire, je m'amuse, je fais la fête, je bois beaucoup, je me construis, je pense, une personnalité autour de ça, avec beaucoup de gens qui m'entourent, cette capacité à fédérer.

  • Speaker #1

    Ah, tu te construis une personnalité.

  • Speaker #0

    Ouais, je pense.

  • Speaker #1

    Il y a des côtés positifs à ce moment-là.

  • Speaker #0

    À ce moment-là, oui. Je suis cette fêtarde qui rassemble chez qui c'est le QG et chez qui on vient faire la bringue, en fait.

  • Speaker #1

    Et chez qui on se marre bien.

  • Speaker #0

    Et chez qui on se marre bien. Parce que la Colline qui boit et qui est étudiante, elle est drôle et puis elle est sans limite. Donc, elle fait des conneries, mais elle nous fait rire. Elle amuse la galerie, quoi. Et en plus, en parallèle de ça, je pense que je ne suis pas trop bête. J'arrive à m'en sortir largement avec les cours, avec une assez grande facilité. Donc... en fait, tout va bien.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu ressens à ce moment-là d'autres conséquences ? On a vu au niveau des interactions sociales, c'est plutôt que du positif. Au niveau de ta santé, au niveau du sommeil, au niveau de ton bien-être, ton moral, tu ressens des conséquences ?

  • Speaker #0

    En fait, pas trop. Pas trop encore à ce moment-là. Je ne ressens pas tous ces signes parce qu'en fait, c'est OK. J'arrive à tout maîtriser à côté, à part les gueules de bois terribles. Je pense que ça, de toute façon... Dès le départ, c'est le pire du pire, quand tu te retrouves au fond de ton lit. en angoisse. Et puis après, je pense qu'il y a aussi des prises de substances qui sont associées et du coup, qui viennent interagir et qui te mettent dans des états vraiment pas cool le lendemain.

  • Speaker #1

    Quelle substance ?

  • Speaker #0

    Moi, très vite à ce moment-là, je goûte un peu à tout. D'accord. Je suis une exploratrice.

  • Speaker #1

    Quoi, cannabis ?

  • Speaker #0

    Alors oui, le cannabis, mais très vite plutôt la coke. Et puis même ecstasy, c'est un peu la drogue.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que ça peut être une soirée typique à cette époque-là ?

  • Speaker #0

    C'est hyper difficile à dire parce que moi, au fur et à mesure du temps, j'ai commencé à vraiment développer une grosse addiction avec le vin. J'étais amoureuse de vin rouge, mais vraiment, je me revois en boîte demander du vin rouge alors qu'il n'y en avait pas, quoi, en fait. Mais je pouvais me descendre des bouteilles toute seule. Je ne sais pas, quand vraiment ça allait loin, je pense que je pouvais faire six bouteilles de vin rouge, toute seule, sans problème.

  • Speaker #1

    Dans la soirée ?

  • Speaker #0

    Dans la soirée.

  • Speaker #1

    Et avec d'autres produits ?

  • Speaker #0

    Avec de la coke. Et la coke, en fait, ça rentre vite dans le truc parce que ça t'aide à tenir l'alcool. Donc, en fait, tu prends de la coke, tu bois encore plus de bouteilles. Et moi, j'étais la survivante.

  • Speaker #1

    Tabac aussi,

  • Speaker #0

    tu vois. Le matin. Oui, clope, évidemment.

  • Speaker #1

    Oui. C'est un classique, l'association alcool, coke, tabac. C'est un classique. Donc, c'était un des classiques de tes soirées, ça.

  • Speaker #0

    Ça, c'est un classique de mes soirées. Ouais, ouais, complètement.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'à ce moment-là, on t'alerte ? Est-ce qu'il y a des gens dans ton entourage ? qui sont entre guillemets clean ou qui se posent des questions là-dessus, qui s'interrogent ?

  • Speaker #0

    Pas trop parce que finalement, je suis entourée de gens qui sont des fêtards et des bringueurs aussi. On va chercher ce qui nous convient. Donc, je suis entourée de gens comme moi. Donc, en fait, ça va. Là où il y a un point de vigilance quand même, c'est que moi, j'ai un papa qui a eu un problème avec l'alcool. D'accord. Donc, je connais le sujet de l'alcool.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'il a eu ? Il a eu quoi comme problème ?

  • Speaker #0

    Il a été alcoolique et en fait, il s'est soigné quand moi, j'étais enfant. Donc, ce n'est pas du tout un sujet tabou dans ma famille. On en a toujours parlé assez librement, avec toujours le point de la vigilance dont mes parents m'ont toujours parlé, en me disant attention. On le sait aujourd'hui, il peut y avoir des facteurs génétiques et des terrains fertiles, on va dire, pour des comportements à risque vis-à-vis des addictions. Donc, sachant que papa a pu connaître cette problématique-là, sois vigilante, fais attention. Donc, il y a quand même toujours une mise en garde, un petit... Venant des parents, attention Colline quand même, quand ils me voient rentrer les week-ends, bringuer ou revenir avec la voiture pleine de vomi, des trucs improbables. Il y a quand même un peu cette mise en garde, mais plutôt du côté familial.

  • Speaker #1

    Mais alors, toi vis-à-vis de ces remarques, comment tu réagissais ? Est-ce que toi, le fait d'avoir eu ce dialogue avec tes parents, est-ce que toi, tu avais de temps en temps une petite voix ? Est-ce que tu considérais ces remarques plus que ce que tu te disais à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    dans cette première phase-là, jusqu'à mes 25 ans, oui, bien sûr, j'ai toujours eu un rapport à moi-même très introspectif. Donc, forcément que j'y pense et qu'au fond de moi, je me dis que ce n'est pas totalement normal. Mais en fait, comme tout est fonctionnel dans ce système-là, franchement, à ce stade-là, je me dis, voilà, je continue.

  • Speaker #1

    Tu expérimentes, en fait.

  • Speaker #0

    J'expérimente, je suis jeune, je me sens vivante. Je suis un peu dans ce rapport aussi très extrême de la sensation. Et... et je me dis voilà je m'éclate et puis en fait c'est ça être vivant c'est aller au bout des limites et jouer avec donc pour l'instant tout fonctionne comme ça à partir de quand tu gères plus ? en fait au delà de ne plus gérer je pense que c'est tellement insidieux que je serais incapable de définir un moment précis de je ne gère plus en fait je pense que c'est un truc qui est hyper important de préciser sur ces addictions là c'est que c'est extrêmement insidieux, sournois et ça s'installe petit à petit dans ta vie Et c'est ça le danger d'ailleurs, c'est que tu as l'impression que tu gères, tu gères, tu gères, tu gères, et puis à un moment, tu réalises qu'en fait, plus rien n'est sous contrôle. La première prise de conscience, elle arrive quand j'ai 25 ans. Je rentre de six mois d'études à Londres. où j'ai évidemment beaucoup bringué. Et à ce moment-là, je suis en couple, déjà depuis pas mal d'années avec quelqu'un, malgré la distance, etc. Et il me propose de passer quelque temps chez lui en revenant de Londres. Et très vite, ça s'emballe, parce qu'on se retrouve à faire la brinque tous les soirs, à boire des coups, à voir les copains, à faire la fête. Et lui, il craque, parce que dans ces moments-là, j'ai plus de limites.

  • Speaker #1

    D'accord. Enfin...

  • Speaker #0

    dans ma personnalité sobre et pure, je suis quelqu'un de très affectueux, qui aime beaucoup être proche des autres et des gens que j'aime. Mais quand je bois, en fait, je deviens extrêmement tactile. Et ça, c'est quelque chose qui le dérange. Parce qu'il est jaloux, parce qu'il n'aime pas ça. Et ça commence à créer des tensions entre nous. Jusqu'au jour où ça pète. Et il me dit, écoute, Colline, en fait, je ne peux plus. Je ne peux plus, il faut que tu fasses quelque chose parce que tes comportements, ils sont trop extrêmes, en fait. Et ça me fait du mal, quoi. Il me ramène chez mes parents. Je me souviens de toute ma vie, on se tape quatre heures de route. Il me ramène chez mes parents, il me pose devant eux. Et il leur dit, voilà, votre fille, elle a un problème, il faut qu'elle se fasse soigner. Et en fait, là, il m'oblige, en fait. Il m'oblige à cette première prise de conscience et il m'oblige à en parler. Donc, j'ai cette première discussion avec mes parents et j'ai 25 ans. Et c'est ce qui me fait voir pour la première fois un addicto et commencer un travail.

  • Speaker #1

    Comment ça se passe, là, alors, après ça ?

  • Speaker #0

    Là, franchement, c'est pas très agréable. Parce qu'en fait, je me retrouve un petit peu obligée. Donc déjà, ça ne me plaît pas trop, parce que moi, je n'aime pas trop qu'on me dise ce qu'il faut que je fasse. Et puis surtout, je me retrouve face à mes parents, à devoir un peu me justifier. Et puis eux, forcément, dans l'inquiétude et connaissant le sujet, ils décident de ne pas me laisser tomber comme ça. Et puis en fait, je pense... un peu pour prouver que je suis capable de gérer, j'accepte d'aller voir un addictologue. Et c'est là que commence, en fait, pour moi, le début de la thérapie. Mais ça, juste pour remettre dans le contexte, c'est dix ans avant de vraiment arrêter de boire pour toujours.

  • Speaker #1

    Comment ça se passe, le premier contact en addictologie ?

  • Speaker #0

    Je le vis assez mal. Déjà, je n'ai pas l'impression d'être à ma place. J'ai 25 ans, je suis dynamique.

  • Speaker #1

    Tu travailles à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    À ce moment-là, je suis sur ma dernière année d'études, donc je ne bosse pas encore. Mais je réussis très bien mes études, j'ai voyagé, je suis très entourée. En fait, j'ai une vie qui coche toutes les cases à ce moment-là, donc en fait, j'ai pas trop l'impression d'être à ma place quand j'arrive à l'hôpital à Paris pour voir un addicto. Je suis reçue dans ce cabinet. Et très vite, en fait, on me parle de traitement, de médicament. Donc là, pareil, je ne comprends pas trop. On fait le point. Finalement, on me met un peu dans des cases en me posant des questions sur ma conso. Enfin, essayer de définir ce que je trouve très difficile. Parce que finalement, quand on n'est pas très conscient encore de son problème, on a du mal à définir combien on boit, comment. Et puis, je sors de là avec une prescription pour un médicament qui, en fait, quand tu consommes, te fait vomir.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Donc en fait, le principe de cette thérapie-là, c'est si tu bois, tu vas être malade. Donc déjà, je n'adhère pas totalement, parce que je me dis que c'est quand même bizarre d'être dans une espèce de punition. Et par ailleurs, l'addicto me dit, voilà, j'aimerais bien que si vous consommez, vous notiez en fait vos consommations. Donc je me retrouve dans un truc où je dois compter le nombre de verres que je bois. Et là, c'est l'angoisse. Et là, c'est l'angoisse parce que je me rends compte que les compter, ça me fait prendre conscience du volume. Et surtout, j'essaie de me limiter. Et là, pour la première fois, je fais face à mon impossibilité de contrôle.

  • Speaker #1

    Ah, OK.

  • Speaker #0

    Et c'est très dur, mais voilà. Donc très vite, je rencontre aussi un médecin psychologue qui travaille dans une association pour l'alcool. Mais pareil, je ne me trouve pas très à ma place. Et finalement, je ne me sens pas hyper prise au sérieux, hyper comprise. J'ai quelqu'un en face de moi qui a l'habitude de recevoir des hommes, beaucoup, d'un certain âge. Et voilà, j'ai encore l'impression que je n'ai rien à foutre là. Que moi, tout va bien dans ma vie. Je ne comprends pas trop.

  • Speaker #1

    Ce médicament, tu vas le prendre ?

  • Speaker #0

    J'ai dû le prendre peut-être deux, trois jours, et puis j'ai vite arrêté de le prendre.

  • Speaker #1

    Et l'agenda des consommations, tu vas tenir ce calendrier ?

  • Speaker #0

    Non, je lâche vite l'affaire aussi. Donc en fait, toute cette première mise en place de thérapie, elle dure, je pense, deux, trois mois. Et puis très vite, je me dis, attends, ça va, tout va bien. Je commence à bosser dans la pub, dans un environnement où tout ça est très présent, la drogue, l'alcool. Donc finalement, pareil, tout vient nourrir mon système. Donc je me dis, attends, tu vois bien que tout ça, finalement, c'est la normalité. Tout le monde le fait. Donc OK, t'es un peu excessive, c'est vrai. Mais ça fait partie de qui tu es. T'es une arrachée, t'es une déglingo. Ça fait aussi partie de la liberté de ton être.

  • Speaker #1

    À partir de ce moment-là, j'imagine que tu n'as plus d'accompagnement ou de suivi en addictologie ou tu maintiens quand même un contact ?

  • Speaker #0

    J'arrête tout. J'arrête tout, je commence à bosser, ça se passe bien, je suis hyper motivée. Je crée ma petite vie sociale à Paris, j'habite à Pigalle. berceau de la fête.

  • Speaker #1

    Et donc, tu reprends les fêtes ?

  • Speaker #0

    Bien sûr. En fait, je n'ai jamais vraiment arrêté. Donc, non, non, je continue. Je vais en club. Je fais des afters sans fin. À midi, le samedi, je ne suis toujours pas couchée. Et en fait, je vis cette vie-là pendant plusieurs années. Et puis, il commence à y avoir de la souffrance. Associée, bien sûr, parce que tu fais des conneries, en fait, quand tu te crées une vie comme ça.

  • Speaker #1

    C'est quoi, les conneries ?

  • Speaker #0

    Je suis dure.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Je suis dure dans mon rapport aux autres, donc je dis des vérités qui font mal.

  • Speaker #1

    Tu te disputes avec des amis ?

  • Speaker #0

    Je me dispute. Il y a des matins, tu te réveilles, tout le monde te fait la gueule, et t'es là, mais qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #1

    Ah oui, tu te souviens pas ?

  • Speaker #0

    Et tu ne te souviens pas hier de ce que tu as fait, de ce que tu nous as dit ? Puis moi, je suis un être très instinctif quand je bois. Donc en fait, il n'y a plus de normes qui existent. La société n'existe plus. Donc je deviens un petit animal plein de pulsions. Donc en fait, je fais n'importe quoi. Je peux aller embrasser le mec d'une copine. Je peux me foutre sur le bar et montrer mes seins à tout le monde. Donc c'est amusant dans une certaine mesure, mais je pense que mes potes, au bout d'un moment, ils commencent à en avoir un peu ras-le-bol, en fait. Parce que ça crée des emmerdes et des problèmes pendant les soirées, tout ça.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu te blesses ? Est-ce que tu finis aux urgences ? Est-ce que tu as des choses comme ça au niveau physique, des accidents ?

  • Speaker #0

    Alors, je finis jamais aux urgences, mais je finis quand même chez les flics une fois.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    qui me suivent parce qu'ils voient que je ne suis pas dans mon état normal et qu'il y a un mec, finalement, qui me colle et il voit qu'il y a un truc pas très clair. D'accord. Évidemment, je me mets dans des situations qui auraient pu être tragiques.

  • Speaker #1

    Et donc, toujours l'alcool avec le vin rouge, toujours l'association éventuelle avec d'autres produits.

  • Speaker #0

    Ouais.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu commençais à ressentir dans la semaine, par exemple, les jours où tu ne consommais pas, des conséquences psychologiques ? sur ton humeur, sur tes émotions ?

  • Speaker #0

    Alors, les redescentes, oui, tu les sens. Déjà, tes week-ends, une fois que tu les as bien fêtés, la fin du week-end, elle se passe au fond du lit, en agonie. Donc ça, c'est un moment qui n'est pas agréable. On essaie d'oublier. Donc, on mange de manière compulsive pour éponger, pour essayer de se redonner un peu d'énergie. Et puis, on regarde des trucs débiles pour s'abrutir le cerveau et ne pas penser à tout ça, en fait. Pas réfléchir. Et puis surtout, il faut vite reprendre des forces parce qu'il va falloir vite que tu répares toutes les conneries que tu as faites pendant le week-end. Et ça, ça demande beaucoup d'énergie de réparer. Et puis en effet, il faut repartir au boulot, en forme et assuré. Donc en fait, tu commences à rentrer dans un système de montagne russe où tu es tout le temps en train de jouer avec les extrêmes.

  • Speaker #1

    En fait, ce cycle-là, il va durer combien de temps avant que tu redécides d'être accompagné ?

  • Speaker #0

    Ce cycle-là, pour moi, il dure cinq ans. Cinq ans, quand même. Même un peu plus, peut-être. Jusqu'à ce que je parte à New York, j'ai une opportunité pour le boulot, je pars à New York, je suis dans un métier qui ne me donne aucune liberté, un métier de service très exigeant dans lequel je bosse 24-24, dans lequel j'ai peu de temps pour moi, et en fait, les seuls moments que j'ai pour moi, j'ai tellement besoin de décompresser que je commence à boire. Et là, je commence à boire beaucoup toute seule.

  • Speaker #1

    Tu faisais quoi, juste, comme activité à New York ?

  • Speaker #0

    J'étais assistante personnelle d'une célébrité.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et donc, comme tu peux l'imaginer, c'est un peu comme on voit dans les films.

  • Speaker #1

    D'accord, oui.

  • Speaker #0

    C'est un métier qui est passionnant, que j'adorais faire parce qu'il m'a apporté des tas de choses. Mais je pense qu'il m'a fait passer un deuxième cap aussi dans mon alcoolisation. Dès que j'avais un peu de temps pour moi, en fait, je buvais. Et je me souviens, à la fin de New York, j'en étais arrivée au point où je ne sortais même plus. les week-ends parce que j'étais crevée. Et en fait, je passais au wine store acheter des bouteilles de vin. Et je rentrais à la maison et je me mettais ma musique. Et en fait, j'avais créé un rituel. Et je buvais mes bouteilles de vin en écoutant ma musique toute seule. Et en fait, pour moi, c'était une bulle de réconfort. C'était un moment où je pouvais enfin me retrouver moi-même, m'apaiser et prendre soin de moi.

  • Speaker #1

    Donc tu buvais seule, en quantité, c'était quoi ?

  • Speaker #0

    Toute seule, trois bouteilles de vin, quatre bouteilles de vin, rouge.

  • Speaker #1

    À temps malade ou non ?

  • Speaker #0

    En fait, mon corps, plus j'avançais, moins je vomissais pas. C'était ça qui était terrible avec le vin à la fin. C'est qu'en fait, mon corps, il tenait le coup. C'est-à-dire que même à un moment, je pouvais rentrer en blackout, ne plus avoir de conscience des choses, mais mon corps tenait le coup.

  • Speaker #1

    D'accord. Mais toi, à ce moment-là ? tu t'aperçois que ça va pas, en fait.

  • Speaker #0

    Moi, je commence à souffrir, là, parce que je me planque quand même des bouteilles. Et puis, en fait, je me dis, attends, là, franchement, pourrir tes week-ends, pour te retrouver toute seule, te mettre la cuite toute seule et puis passer le lendemain au lit, il y a quand même un truc qui tourne par rond, quoi. Donc là, je commence à comprendre quand même qu'il y a un vrai souci. Je finis par rentrer à Paris et je reprends un nouveau boulot. Donc là, avec tout l'engouement qui va avec, quelque chose de plus équilibré, je reprends un peu le pouvoir sur ma vie. Je reprends la place, en fait, avec une vie plus normale.

  • Speaker #1

    Parce que tu t'es aperçue que ça allait trop loin et que tu t'essayes un peu de lever le pied ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    En fait, je me rends compte que j'ai besoin d'avoir un environnement plus rassurant et que cette vie trop exigeante, elle est en train de me flinguer. Donc, c'est à ce moment-là que je rentre. Je cherche un boulot dans la cistanate direction à Paris. Je finis par trouver le bon match. Je suis hyper excitée. Je commence ce nouveau boulot. Et à ce moment-là, du coup, je me relance dans un nouveau projet. Donc, ça va à nouveau. Tu vois, c'est des phases, c'est des vagues en permanence. Donc je me dis, OK, ça va. Comme d'habitude, tu as toujours la sensation que tu vas réussir à trouver le bon point d'équilibre par toi-même et que ça va le faire. Donc je repars dans tout ça, mais finalement, l'alcoolisation, elle est toujours là. Et le système, il continue toujours à se renforcer, à se nourrir. Et puis je pense que ces quatre dernières années... À Paris, j'ai vraiment passé un autre cap. Donc là, les prises de conscience, elles sont de plus en plus fréquentes. Les réactions, elles se multiplient autour de toi, dans l'entourage. Et donc là, je décide de me faire aider. Et je me dis bon, donc je commence déjà par des thérapies alternatives.

  • Speaker #1

    Mais les prises de conscience, c'est quoi précisément ?

  • Speaker #0

    C'est les amis, déjà l'entourage. Mon incapacité à maintenir des relations amoureuses, parce que forcément, ça crée trop d'emmerdes. Donc, les copains, les amoureux, et puis les amis aussi, qui me disent, voilà, on t'aime, on sait qui tu es, mais en fait, toutes ces phrases et tout ce que ça génère sur nous, ça commence à être extrêmement pesant. Donc là, il y a quand même des gros trucs, des trucs un peu violents, où les potes me disent là, franchement, ça va trop loin. Et puis à moi, comment je me sens vis-à-vis de cette alcoolisation ? C'est-à-dire que je sens bien que je suis en train de mettre mon corps et mon esprit à rude épreuve, et qu'en fait, tout maintenir là, droit, ça commence à devenir assez compliqué. Et en fait, l'état d'épuisement. Tu vois, mental et physique. Je commence à me sentir ultra fatiguée. Mais vraiment crevée, quoi. Parce qu'en fait, à ce moment-là, je suis attachée de direction dans un grand groupe de cosmétiques. J'ai un poste à responsabilité qui est très exposé, avec de la visibilité. Il y a de l'exigence, il faut que j'assure. En plus, j'aime mon boulot, donc j'ai pas envie de faire de la merde. Et à côté de ça, il y a la vie sociale, il y a cette envie de continuer à consommer. Comment je fais pour garder tout le puzzle ? Je passe mes week-ends au lit à récupérer de la cuite de mon vendredi soir. Je commence à avoir des problèmes pour me lever pour aller au boulot le matin. Je commence à manipuler, à mentir, à me justifier. Les amis, c'est pareil, ils commencent à en avoir ras-le-bol, et puis je me mets dans des situations de plus en plus graves. Et ça, ça me fait peur, parce que je me dis, mais en fait, un jour, il va se passer quelque chose de grave, en fait. Tu te réveilles le matin, tu ne sais pas à côté de qui t'es, tu ne connais même pas le nom du mec qui a dormi dans ton lit, tu ne sais plus ce que tu as fait la veille. Je me retrouve à aller faire des prises de sang au labo, parce que finalement, je ne sais pas ce que j'ai fait la veille et si je me suis protégée. En fait, ça commence à être vachement moins drôle. Donc, la colline qui monte ses seins et qui fait rire tout le monde sur le bar, là, on a quand même passé un autre step. Et je me rends bien compte que je mets en danger ma santé, mon corps, mon intégrité. Et puis qu'en fait, ce n'est pas très beau tout ça et que je mérite mieux que ça.

  • Speaker #1

    Donc là, en gros, grosse prise de conscience à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Donc là, oui, ça commence à piquer un peu. Et donc, en effet, je commence à mettre des choses en place, déjà à mon niveau. des thérapies alternatives, un peu de pratique sportive.

  • Speaker #1

    Tu faisais du sport avant ?

  • Speaker #0

    J'ai jamais été une grande sportive, mais ça a toujours été assez présent dans ma vie. Pour avoir grandi, moi, dans les montagnes, en Savoie, dans les Alpes, tu sais, les sports de glisse, le snowboard, l'escalade, tout ce qui est lié à ton environnement, c'est présent. Mais j'ai jamais été une très grande sportive. Mais ça a toujours été là. Mais là, du coup, je me mets au yoga. Je commence à lire pas mal de bouquins, de développement personnel. J'entame un chemin, en fait. Je ne sais pas trop au début ce que je cherche, mais en tout cas, je commence à explorer certains sujets. Et puis, je vais très vite essayer de rencontrer des psychologues pour pouvoir parler de ça.

  • Speaker #1

    Tu ne repars pas vers une prise en charge addicto ?

  • Speaker #0

    Pas du tout.

  • Speaker #1

    Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Parce que cette première expérience de quelques années avant ne me donne pas du tout envie de retourner voir un addicto. Parce que je me dis, non mais super, le mec il va me filer un médoc, qu'il fait vomir, je trouve ça nul. Et du coup, je me dis, je sais pas, j'ai envie d'aborder ça plus sur le prisme de la santé mentale en fait. Comprendre pourquoi je me comporte comme ça, d'où ça vient. Donc vraiment au départ, je me dis, je vais essayer de faire mes petits trucs de mon côté quoi. En abordant le côté psychologie. Donc, je cherche des psychologues. Ça, c'est vraiment un challenge aussi pour moi. Je me rends compte que ce n'est pas facile de trouver la bonne personne. Donc, je me retrouve à rencontrer pas mal de psy avec qui ça ne matche pas. Ou je sors de la séance et je me dis, en fait, non, ça me fait chier.

  • Speaker #1

    Avec qui il n'y a pas d'alliance.

  • Speaker #0

    Avec qui il n'y a pas d'alliance. Et puis, je finis par rencontrer une première psy qui travaille un peu autour des énergies. Donc, tu vois, on est quand même dans la thérapie alternative. J'y crois pas trop, j'y vais un peu à reculons, me la conseille, je me dis moi tous ces trucs, à ce moment-là je suis pas... J'ai toujours eu une forme de spiritualité en moi mais je suis pas très branchée thérapie alternative quoi. Et puis en fait ça marche parce qu'on s'entend bien, je me sens entendue, comprise, je me sens prise au sérieux. Et ça c'est vachement important parce que je pense que c'est la première fois où j'ai vraiment l'impression qu'il y a quelqu'un en face de moi qui ne minimise pas ma souffrance. malgré que j'ai une vie qui roule, un boulot cool, et que finalement, en apparence, ma vie coche les cases. Mais en fait, cette souffrance, elle est là, et elle, elle la voit, elle la comprend. Et au bout d'un moment, elle me dit, écoute, moi, je pense que j'arrive un peu aux limites de là où je peux t'aider. Je suis quand même très inquiète pour toi, parce que je lui parle de plus en plus de mes alcoolisations violentes. Et elle me dit, moi, je peux t'aider sur le côté psy, mais en fait, je pense que là, il faut vraiment que tu ailles voir un médecin. Et donc, elle me parle de ce psychiatre avec qui elle a travaillé dans le cadre médical, dans un hôpital, et elle me dit, écoute, il est vraiment bien, j'ai totale confiance en lui. va le voir et tu verras, mais là, je suis vraiment très inquiète. D'accord. Et c'est là où il y a un switch et où je commence à aller voir ce médecin psychiatre. Et là, ma thérapie et mon chemin prend une nouvelle dimension.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Plus sérieuse. Et du coup, la conscience devient plus forte. Là, je me dis, ah ouais, quand même. En fait, c'est chaud.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    En fait, c'est chaud. Et voilà, ça a été le début du gros travail qui a duré trois ans. qui a été ponctuée, évidemment, d'énormément de rechutes.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Et franchement, c'est pour moi hyper important de dire que les rechutes, ça fait partie du chemin et du travail. Je connais peu de gens autour de moi qui ont réussi à arrêter, à mettre fin à une dépendance comme ça assez rapidement, sans rechuter. Et les rechutes, voilà, elles font partie du boulot, mais les rechutes sont de plus en plus violentes.

  • Speaker #1

    Oui, justement, j'aimerais bien y venir là-dessus. Parce qu'en fait, effectivement, comme tu le dis, c'est hyper important d'en parler. La rechute, elle fait partie quasiment de l'évolution naturelle de la prise en charge. Les gens qui rechutent souvent culpabilisent, et il y en a même qui veulent interrompre le suivi, de honte d'être jugé par le psychiatre ou l'addictologue ou le psychologue. Et donc ça, ça fait partie de l'évolution quasiment naturelle, donc il n'y a aucune raison de culpabiliser. Tu peux les décrire ces rechutes ? Parce que tu dis qu'elles sont violentes. Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Du coup, moi, je commence ce travail avec ce psychiatre qui est génial, fabuleux. Là, pareil, c'est une rencontre. Et je me dis, waouh, incroyable. Il me comprend aussi. On parle beaucoup, on est beaucoup dans l'échange. C'est quelqu'un qui parle pendant les consultations, qui ne fait pas que me regarder. Et en fait, on se pose beaucoup de questions sur... sur des probabilités de pathologies associées. Forcément, quand tu es suivi par un psychiatre, on essaie d'analyser ces changements d'humeur, ces montagnes russes, on essaie de comprendre d'où ça vient pour pouvoir agir sur la cause, sur l'origine du mal.

  • Speaker #1

    Juste pour le dire, le terme, parce que c'est un mot qui peut faire peur, mais ça s'appelle les comorbidités psychiatriques.

  • Speaker #0

    Les comorbidités psychiatriques.

  • Speaker #1

    C'est moche parce qu'il y a le mot mort, morbide, mais en gros, ça peut être de l'anxiété, tout simplement.

  • Speaker #0

    Et bien justement, en faisant ce travail avec lui, je comprends que je suis en fait une meuf extrêmement anxieuse. Et là, t'imagines, j'ai, je sais pas, 32 ans. 32 ans, je découvre que je suis une meuf extrêmement anxieuse. Et en fait, c'est fou parce qu'il y a un truc très révélateur, une espèce de prise de confiance comme ça. Je me dis mais attends, mais pourtant... Et finalement, je déroule tout et je me rends compte que j'ai toujours été anxieuse. Que j'étais une enfant anxieuse, j'en parle à mes parents, ma mère me dit mais tu sais, t'avais du mal à dormir à 6 ans parce que toute la nuit tu cogitais, tu pensais à l'avenir de l'humanité, à pourquoi il y avait des guerres. Et en fait, de comprendre, ça t'aide vachement à avancer. Donc, avec ce médecin, on est beaucoup dans l'échange, on essaie même des traitements, il arrive à me convaincre alors que je ne suis même pas très ouverte aux médicaments. Ce n'est pas trop mon délire, mais on essaye. Franchement, on essaye. On essaye un traitement au baclophène, que je trouve extrêmement lourd parce que c'est un médicament qui n'est à la base pas du tout prévu pour traiter les addictions. Donc, en fait, tu te retrouves à prendre 15 pilules par jour. et c'est censé apaiser tes cravings et tes envies de consommer.

  • Speaker #1

    Tu peux détailler ce que c'est le craving ?

  • Speaker #0

    Le craving, la définition, c'est une envie irrépressible de consommer. Et pour le décrire plus dans les sensations, pour moi, c'est un espèce de feu qui va grandir au niveau de ton plexus, mais qui va être d'une puissance telle que ça va devenir obsédant. Donc, c'est une envie de consommer.

  • Speaker #1

    C'est une vague, en fait. Il y a un professeur d'addictologie qui parle de surfer le craving, justement, quand on est addict.

  • Speaker #0

    C'est ça, apprendre à le gérer et surtout apprendre à l'accueillir pour qu'il passe. Et puis, juste se rassurer, se dire que ça ne va pas durer tout le temps. Ça finit par passer, mais c'est hyper puissant. Et d'ailleurs, après six mois de sobriété, j'ai failli craquer à cause d'un craving. Donc, ce n'est pas facile.

  • Speaker #1

    Le baclophène, donc tu l'essayes ou pas ?

  • Speaker #0

    J'essaye, mais très vite, je laisse tomber parce que je trouve que c'est trop lourd en termes de posologie et de prise. trop de médicaments, trop par jour. Et puis en fait, je n'aime pas l'idée de me mettre des médicaments dans le corps. Mais en tout cas, on essaye plein de choses.

  • Speaker #1

    Et alors, comment ça se passe par la suite ?

  • Speaker #0

    Je commence à me plonger en parallèle de tout ce suivi psychiatrique sur le sujet de l'addiction en lui-même. Comment ça marche d'un point de vue physiologique, neurologique ? En fait, je veux comprendre. Parce que je me rends bien compte que ce n'est plus qu'une question de volonté. Moi, ma volonté, elle est claire. Bien sûr que j'ai envie de m'en sortir, mais je me rends bien compte que malgré... Ma force, ma pugnacité, mon caractère de battante, j'y arrive pas toute seule. Et puis à côté de ça, j'ai besoin aussi de... d'aller chercher une communauté de gens qui ont vécu la même chose que moi. Donc, je me lance dans l'exploration des alcooliques anonymes.

  • Speaker #1

    Ah oui, d'accord.

  • Speaker #0

    Et je fais mes premières réunions d'alcooliques anonymes. Et c'est pour moi une expérience terrible. Ah bon ? Alors que je crois vraiment à ces communautés. En fait, j'encourage vraiment à tester cette solution parce que je pense qu'il y a des gens qui n'ont pas l'opportunité de pouvoir s'exprimer dans leur entourage. Et c'est quand même un endroit safe. où on peut partager son expérience de l'addiction et de la dépendance, et ça aide en fait de pouvoir discuter avec des gens qui comprennent. Mais moi, vraiment, c'est un outil qui ne me correspond pas.

  • Speaker #1

    Toi, ça ne te correspond pas ?

  • Speaker #0

    Ça ne me correspond pas du tout. En fait, je vais aux réunions, je ne me sens encore une fois pas à ma place.

  • Speaker #1

    Ouais, toi, ça ne te correspond pas ?

  • Speaker #0

    Ça ne me correspond pas.

  • Speaker #1

    Même si on le rappelle, et ça aide énormément de personnes, mais toi, avec ta personnalité, ta façon de voir les choses, ça ne te correspond pas, donc en fait, tu ne poursuis pas.

  • Speaker #0

    Je ne poursuis pas, donc au début j'ai mes copines qui m'emmènent le samedi matin, qui m'accompagnent à la réunion pour bien que j'y aille, mais très vite je laisse tomber parce qu'en fait je sors des réunions, je suis plus déprimée que motivée, ça m'est même arrivé je pense de sortir de réunion et d'aller acheter une bouteille de vin. Donc je laisse vite tomber et du coup je me plonge dans la littérature anglo-saxonne. qui touche à ce qu'on appelle les mouvements des sober curious. Et ça, ça commence à vachement m'inspirer. Et là, je découvre plein d'autrices qui écrivent sur l'alcool. Et là, ça y est, enfin, je m'identifie. Je lis des nanas qui ont des vies fonctionnelles. Pareil, qui ont réussi finalement à maintenir une vie plus ou moins normale tout en souffrant énormément de leur dépendance. Et là, pour la première fois, je me retrouve dans ces témoignages-là. Je lis un bouquin qui est vraiment un bouquin des clics, que j'adore, qui s'appelle Le bonheur inattendu de la sobriété qui a été écrit par Catherine Gray, qui est une autrice anglaise. Et en fait, la nana, elle travaillait chez Cosmopolitan à l'époque, dans la mode. C'est une nana jolie, cool, qui réussit dans son boulot, mais qui vraiment tombe dans les affres de l'alcool, et qui finit par se cogner la tête très fort et par décider d'arrêter. Et elle raconte tout ce parcours, mais elle parle surtout de l'après, en fait. Des bienfaits de la sobriété, de ce que ça lui apporte très rapidement. Elle reparle de toutes les premières fois que tu vis quand t'es abstinent, parce qu'en fait, c'est une redécouverte de tous ces premiers moments. Et surtout, elle parle de ça avec vachement d'humour et vachement d'autodérision. Et ça, ça m'éclate, quoi. Je me dis, mais voilà, ça, ça me parle.

  • Speaker #1

    Et donc tu pars dans cette dimension, tu t'empares du sujet, tu deviens actrice de ta prise en charge, et ensuite, qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Et ensuite, j'avance, je continue à faire des rechutes.

  • Speaker #1

    Toujours à Paris ?

  • Speaker #0

    Toujours à Paris, c'est dur, on en parle avec le psy, le chemin est long, il est dur.

  • Speaker #1

    Les montagnes russes ?

  • Speaker #0

    J'ai pas des images ou des souvenirs très clairs de moments, de trucs, mais... je sens qu'avec le boulot, ça commence à être dur.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    En fait, j'ai de plus en plus de mal à me lever la semaine.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Parce que je suis rentrée dans un mode où tous les soirs, j'ai besoin de boire. Ah oui ? Donc, en fait...

  • Speaker #1

    C'est grosse rechute, quand même, là, alors.

  • Speaker #0

    Ouais. Et puis, en fait, je me rends compte parce que je vis avec un mec. Donc, en fait, si tu veux, ça te renvoie forcément ta consommation de manière plus frontale. Parce que quand t'es tout seul le soir, finalement, t'as personne pour te dire... Ouais, oh, calme-toi.

  • Speaker #1

    T'as pas de pression sociale.

  • Speaker #0

    T'as pas la pression. Là, en fait, je me rends compte que j'ai de moins en moins envie de sortir parce que ça me fatigue, que ça me prend beaucoup d'énergie, en fait, cette fête, cet entourage. Donc, je me rends compte que le soir, en fait, après le boulot, j'ai juste envie de rentrer et de boire au calme avec ma petite musique. Et encore une fois, de recréer cette espèce d'espace, de cette petite bulle de bien-être, quoi, avec ma bouteille en tête à tête. Et le problème, c'est que mon mec, il rentre du boulot. J'ai déjà descendu une bouteille.

  • Speaker #1

    Ah oui ?

  • Speaker #0

    Et puis forcément, quand il rentre, Ah bah attends, on va boire l'apéro, donc j'en ouvre une deuxième. On est au début de notre relation, donc pareil, c'est une bonne excuse pour boire un verre ensemble. Et puis il finit par aller se coucher, et puis en fait, j'en ouvre une troisième. Et puis je commence à rentrer dans le mode où je vais me faire vomir avant d'aller me coucher. Parce que je me dis, Demain, t'as une réunion à 9h, il faut que t'assures. Donc en fait, tes trois bouteilles dans ton petit corps de 55 kilos, tu sais que demain, ça va être hyper violent.

  • Speaker #1

    T'as quel âge, là ?

  • Speaker #0

    Là, j'ai 34 ans. 33, 34 ans. Donc tu vois, c'est 10 ans après mon premier acto. Donc là, ça commence à devenir dur. Je suis fatiguée. En fait, vraiment, je me sens acculée. Je sens que je n'y arrive plus. Ça me demande trop d'énergie de maintenir. ce système-là. Et puis, je descends de plus en plus à Biarritz faire des week-ends.

  • Speaker #1

    Ah voilà, nous voilà à Biarritz maintenant.

  • Speaker #0

    C'est juste que j'ai un déclic où je me dis, en fait, si tu ne changes pas ton mode de vie, radicalement, tu ne vas pas pouvoir te sortir de ça. Ce que je veux dire, c'est que je pense qu'à un moment, quand on a une dépendance qui prend autant de place dans notre vie... Alors moi, je suis allée dans quelque chose de très radical, un changement de vie, mais je pense qu'il faut vraiment prendre conscience que finalement, tes modes habituels, ils ont tellement intégré ta consommation que si tu viens pas bousculer ça un moment... tu n'arriveras jamais à t'en sortir vraiment. Et c'est ça dont je prends conscience. Et comme je suis quelqu'un d'assez extrême dans mes prises de décisions, mais ça fait, je m'en rends compte aujourd'hui, partie de moi, et ça n'a rien à voir avec l'alcool, je me dis, voilà, j'ai envie d'opérer ce changement. Donc, je rentre à Paris et je mets tout en place, en fait. Donc, je quitte mon job, je quitte mon mec, je quitte mon appart, parce qu'en fait, je me rends compte que tout ce système-là n'a plus sa place et j'ai envie de vivre autre chose, en fait.

  • Speaker #1

    Tu t'aperçois qu'en fait, ce n'est pas uniquement toi ou l'alcool, mais que c'est l'environnement aussi, c'est ça ?

  • Speaker #0

    En fait, c'est la puissance de l'environnement. L'environnement, je parle beaucoup de nourrir son système. Je pense que c'est un vrai truc d'addict ou de malade mental. En fait, c'est de faire en sorte de construire un monde autour de soi et de modeler son environnement pour venir nourrir son système de dépendance et de maladie. Et je me dis, en fait, si je ne fous pas un gros pied dans la fourmilière, mais je suis foutue, je vais finir par crever. De toute façon, je ne peux plus, j'arrive au bout.

  • Speaker #1

    Donc là, c'est ce que tu fais.

  • Speaker #0

    Donc là, je mets tout en place. Donc ça prend quelques mois forcément, parce que je ne pars pas du jour au lendemain de mon boulot, que je ne quitte pas tout comme ça. Ça prend quelques mois, je mets les choses en place. Je pars un mois en Inde, me faire un voyage reset pour me retrouver avec moi-même. Et d'ailleurs, en Inde, je bois très peu. 3-4 verres, un truc comme ça, en un mois.

  • Speaker #1

    Sans sevrage ?

  • Speaker #0

    Sans sevrage. Donc, je commençais à me dire, c'est possible. Et je rentre chez mes parents, en Savoie, dans les montagnes. Et à ce moment-là, j'ai prévu, 2-3 mois après, d'aller m'installer dans le sud-ouest. C'est clair. D'accord. J'ai trouvé une petite cabane dans le jardin des grands-parents d'une copine pour commencer mon exploration. Et je me dis, j'y vais au printemps quand les beaux jours arrivent. Et là, le confinement arrive. Et là, en fait, je me... Voilà, réaction d'addict. Je vais me confiner chez une copine d'enfance. qui est vigneronne.

  • Speaker #1

    Ah, pas la meilleure idée.

  • Speaker #0

    Il y a toujours la petite voix de l'addiction qui n'est pas loin. Donc, évidemment, ce n'est pas un choix complètement inconscient. Je sais pourquoi je le fais, en fait. Et donc, très vite, ça se passe mal, forcément. Donc, au bout de deux semaines de confinement, ça part en vrille. On s'engueule très fort. Et là, vraiment, je descends chez mes parents en voiture et je suis à deux doigts de mettre un coup de volant. Ah ! Oui.

  • Speaker #1

    Coup de volant, pourquoi ? Pour mettre fin à tes jours ? Ouais. Ah oui ?

  • Speaker #0

    Et là, je me dis, ok, c'est bon, on y est quoi ? C'est maintenant, en fait. T'as plus le choix. Ah oui ? Ouais, vraiment.

  • Speaker #1

    Tu roules et tu te dis, j'en ai marre, je peux mettre fin à tes jours et t'es à deux pas.

  • Speaker #0

    J'en peux plus. C'est l'espèce d'aboutissement de cette fatigue, de ce truc.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Je suis épuisée, je peux plus. Et j'arrive chez mes parents et vraiment, je suis en larmes, je suis hystéro, je suis au bout du Rolls, quoi. Et ils me disent, écoute, ça fait dix ans qu'on ferme notre gueule. On te laisse faire le truc à ton rythme et tout, mais en fait, là, stop. Enfin, tu peux plus continuer comme ça. C'est maintenant. En fait, tu commences une nouvelle vie, t'as tout mis en place. C'est maintenant. Donc, nous, on est là, on va t'aider s'il le faut, mais on peut plus te laisser te détruire comme ça.

  • Speaker #1

    Et donc, comment ça se passe, là, après cet épisode, justement ?

  • Speaker #0

    Comment ça se passe, c'est le confinement à ce moment-là. Je décide d'aller me confiner toute seule dans un petit appart que mes parents, ils ont en ville, en fait, pour me retrouver.

  • Speaker #1

    C'est tes parents qui te conseillent ça ?

  • Speaker #0

    Non, ils me conseillent pas ça. Ils ont... plutôt envie que je reste près d'eux, mais moi, je sens que j'ai besoin de faire le point, en fait. J'ai besoin de vivre cette confrontation à moi-même. Donc, je passe une semaine face à moi-même. Je pleure, toutes les larmes de mon corps. Je me refais tout le film de ma vie et je me dis, mais en fait, t'es une rescapée, quoi. Enfin, t'aurais pu mourir plein de fois, il aurait pu t'arriver des drames, des choses horribles. Et là, vraiment, je sais, je sais au fond de moi que cette fois-ci, c'est la bonne. C'est évident. et j'ai une amie qui me rejoint au bout d'une semaine, une amie d'enfance, et donc là on passe un mois et demi à se créer un monde de sobriété, entre quatre murs, à réinventer le quotidien, à faire du sport, à rigoler, à boire du pastis sans alcool le matin, à chanter La belle vie de Sacha Distel, à se mettre toute nue sur la terrasse pour bronzer, et en fait on retrouve la légèreté de l'adolescence. La légèreté de juste être ensemble, s'amuser, rigoler, discuter, faire d'autres choses. On commande tous les alcools sans alcool qu'on trouve sur Internet. Donc les vins sans alcool, les bières sans alcool, on fait des dégustations et on se marre. Et je suis bien.

  • Speaker #1

    Et ça dure combien de temps ?

  • Speaker #0

    Et ça dure un mois et demi. Et au bout d'un mois et demi... ça y est, je prends la voiture, je cherche le coffre, puis je commence à rouler tout droit vers l'océan.

  • Speaker #1

    Donc, retour vers Biarritz.

  • Speaker #0

    Et là, cette nouvelle vie qui s'ouvre à moi dans une petite cabane, en fait, là, vraiment, je fais de ma sobriété la priorité de ma vie.

  • Speaker #1

    Et donc là, tu es dans un environnement qui te convient ?

  • Speaker #0

    Je suis dans un environnement de rêve, en fait.

  • Speaker #1

    D'accord. Et qu'est-ce que tu fais de tes journées ?

  • Speaker #0

    Je me laisse vivre et je m'écoute, en fait.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et ça... Retrouver ça, c'est juste magique. D'avoir zéro contrainte, j'ai cette chance. J'ai cette chance de pouvoir me permettre de juste m'écouter. Je me lève, je fais un petit yoga, je prends le vélo, je fais mon petit thermo de café, je vais le boire à la plage. Et puis surtout, je commence à me plonger à fond dans le surf.

  • Speaker #1

    D'accord. Et alors le surf ?

  • Speaker #0

    Et le surf, je pense que c'est un peu le palliatif. Je pense que ça devient mon addiction positive. C'est ce qui vient remplacer. très vite, finalement, l'alcool et qui vient me soutenir et être mon pilier. Donc, les premiers mois, je ressens des cravings qui sont quand même assez intenses, assez perturbants, parce qu'en fait, je suis toute seule, je ressens ce truc-là. C'est dur. Tu te dis, waouh, ça fait peur. En fait, ça fait peur parce que je sais que cette fois-ci, c'est la bonne, mais quand même, à tout moment, tu peux craquer. Et du coup, dès que j'ai un craving, c'est simple. Je charge la voiture, je mets la planche et je vais me foutre à l'eau. qu'il pleuve, qu'il y ait du vent, que les vagues soient bonnes, pas bonnes, qu'elles soient grosses, pas grosses.

  • Speaker #1

    Tu vas à l'eau.

  • Speaker #0

    J'y vais. Je comprends que là, je rentre dans une nouvelle phase de ma thérapie et que ce qui va devenir incontournable, c'est prendre soin de mon corps. Et là, c'est une révélation. Je me dis, mais... En fait, pourquoi je n'ai pas compris ça plus tôt ? Me reconnecter à mon corps, en fait, c'est ça qui va me permettre de construire l'après.

  • Speaker #1

    Ça, c'est quelque chose que tu ressens ?

  • Speaker #0

    C'est d'une force. Et en fait, très vite, je retrouve des sensations. À travers la connexion avec l'élément, notamment l'océan, je retrouve des sensations. Et puis le surf me permet de reconnecter vraiment avec chaque partie de mon corps. avec mes membres, mes muscles, de sentir mon corps reprendre vie, être vivant. Parce que je pense que malgré tout, l'alcool te déconnecte complètement de tes sensations, de ta contenance, de ce côté vivant. Je pense que tu es quand même dans une démarche où tu t'anesthésies vachement le corps. Et là, de ressentir les courbatures, les bras qui tirent, tu le sais, en surf. les épaules, les trapèzes, mais d'avoir cette sensation du corps qui souffle, mais qui en même temps se construit dans sa solidité. Mais c'est une révélation, c'est génial. C'est fabuleux.

  • Speaker #1

    Et donc ça, en gros, cette pratique du surf et de contact avec l'océan, ça t'a aidé. Tu sens qu'il y a eu un cap qui a été franchi avec ça ?

  • Speaker #0

    En fait, plus que m'aider, franchement, ça m'a sauvé la vie. Dans ce travail d'abstinence, qui est très difficile parce que, toi en tant que médecin, je ne sais pas ce que tu en penses, mais moi je trouve que finalement la partie sevrage, quand ça fait des années que tu es en train de travailler sur ton addiction et ta dépendance, Bien sûr que c'est dur, mais finalement, une fois que tu as passé ce sevrage physique, ce que je trouve hyper difficile et dont on parle vachement moins, en fait, et c'est dommage, c'est le maintien de cette abstinence. C'est ça qui est difficile, c'est que maintenant, OK, tu as arrêté de boire, mais qu'est-ce que tu fais de ta vie, quoi ? Et en fait, moi, le surf, le rapport à... Allô, cette nouvelle vie dans le sud-ouest, dans un environnement beaucoup plus sain quand même, et très connecté à la nature, il m'a permis de me projeter dans cette nouvelle vie abstinente, sans l'alcool. Moi, à 34 ans, à travers la sobriété, j'ai eu le sentiment vraiment de me révéler, de me découvrir vraiment, de découvrir qui j'étais.

  • Speaker #1

    Et un conseil que tu donnerais aux personnes qui ont un proche ? qui est touché par cette addiction, quel conseil tu donnerais pour aborder le sujet ou pour accompagner les proches de personnes addictes ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est très dur pour l'entourage parce qu'ils subissent au quotidien aussi les conséquences de l'addiction. Donc, des fois, ils sont dans leurs propres émotions, dans la colère et c'est assez justifié finalement. Mais déjà d'une, je leur conseillerais de se renseigner sur les mécanismes de l'addiction parce qu'en fait, de comprendre... qu'il y a un vrai mécanisme physiologique, c'est hyper important pour se libérer de l'injonction de la volonté. De penser que celui qui boit ou celui qui se drogue, c'est qu'en fait, il n'a pas de volonté s'il n'arrive pas à arrêter. Déjà, il faut qu'on sorte de ce préjugé-là. C'est une connerie.

  • Speaker #1

    Maladie, l'addiction, dans le cas.

  • Speaker #0

    Maladie. Et en fait, c'est terrible parce qu'il y a des addicts qui se prennent des trucs dans la gueule parce qu'on leur renvoie en permanence leur incapacité à s'en sortir. Alors que ces gens-là, ils doivent déployer une force exceptionnelle pour dépasser ce truc-là. Donc déjà, c'est comprendre pour mieux accompagner. Faire preuve de bienveillance, de patience, et puis déjà la communication, je pense que c'est déjà bien, parce que je l'ai vu dans les réunions, il y a beaucoup de gens qui n'ont pas la possibilité d'en parler autour d'eux.

  • Speaker #1

    Et puis alors, moi je prêche un peu ma paroisse, mais toi c'est vrai que ça ne s'est pas très bien passé avec les addictologues que tu as vus. Moi je suis formé en addictologie, et c'est vrai que je pense que les choses ont bien évolué dans certaines structures, et c'est vrai que l'addictologie maintenant c'est de plus en plus une prise en charge intégrative, avec effectivement un médecin qui peut être addictologue. Mais normalement, t'es amené aussi à voir des psychologues, parfois des psychiatres, être mis en contact avec le milieu associatif, et puis d'autres corps de métier, notamment sur l'activité physique, etc. Et puis aussi trouver probablement des gens avec qui tu réussis à créer une alliance, j'imagine. C'est un peu ce que tu as décrit avec le psychiatre. Colline, qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour la suite ?

  • Speaker #0

    Non, j'aimerais pouvoir m'investir un peu plus dans tout ce qui touche aux addictions, notamment sur le public féminin, parce que je trouve que c'est un public qui est encore très stigmatisé. Et c'est vrai que quand on parle d'alcool et de femmes, c'est deux mots qui créent un truc assez négatif. Et j'aimerais bien qu'on change le regard là-dessus, parce qu'en fait, une femme qui boit, au fond d'elle, c'est une superwoman. et j'aimerais bien pouvoir développer un peu plus d'action dans ce sens-là, et aider les femmes à reprendre leur pouvoir et à vivre une sobriété heureuse.

  • Speaker #1

    Je suis entièrement aligné avec ça. Écoute, on aurait pu discuter, je pense, pendant trois heures, on a dépassé probablement le temps. Moi, j'aurais pu discuter avec toi aussi de surf pendant très longtemps, parce que c'est un sujet qui me tient vraiment à cœur, et effectivement, le contact avec l'océan et le surf, c'est... C'est un effet assez incroyable. Il y a pas mal de publications scientifiques à ce sujet-là. Après, tout le monde n'a pas la chance de vivre près de l'océan, mais c'est des descriptions scientifiques qui ont été aussi abordées sur d'autres sujets en rapport avec la nature, avec la montagne, avec la forêt. Ils font des bains de forêt au Japon. On a besoin d'être en contact avec la nature parce que finalement, on vient de là. Et bon, voilà. Donc, merci mille fois pour ce témoignage. Et puis, je te souhaite le meilleur pour la suite.

  • Speaker #0

    Merci César.

  • Speaker #1

    Allez, ciao.

  • Speaker #0

    Salut.

  • Speaker #1

    Merci à toutes et à tous de nous avoir suivis. N'hésitez pas à partager cet épisode. J'espère que la parole de Colline vous a autant aidé que moi à comprendre cette pathologie. Je la remercie encore vivement de nous avoir confié son histoire. Pour compléter le témoignage de Colline, nous avons sollicité l'éclairage d'une experte. Découvrez notre échange sur la thérapie bleue la semaine prochaine. Si vous souhaitez aller plus loin, je vous recommande ces associations. L'association Addiction France, la Fédération Addiction ou encore l'association SOS Addiction. On se retrouve dans deux semaines, même jour, même heure, pour entendre une autre histoire de passion. En attendant, je vous dis à très vite et surtout, prenez soin de vous !

  • Speaker #0

    Ce podcast vous a été proposé par la plateforme Levy.

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Description

Comment affronter le quotidien quand on boit jusqu’à 6 bouteilles de vin par jour ? Comment accepter son addiction pour s’en libérer et célébrer une sobriété joyeuse ?

En France, l'alcool est ancré dans notre culture. Il représente 22 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an… Pourtant, l'alcool, c’est aussi la première cause d'hospitalisation dans notre pays.

Aujourd’hui dans « Patients » on va parler d’un sujet qui touche plus d’1 million de personnes en France : l’addiction à l’alcool.


Pour aller plus loin : 


Vous pouvez suivre Coline sur son compte Instagram : https://www.instagram.com/nuagerosesobriete?igsh=enkzNmRucHJ0Z3lo  


Vous souffrez d’addiction vous souhaitez en parler avec un médecin généraliste ou spécialiste ? 
Nos médecins sont à votre écoute.


*Ce podcast recueille des témoignages personnels qui peuvent heurter votre sensibilité. Nous vous rappelons que ces récits représentent le vécu de nos invités et ne sont pas nécessairement représentatifs de notre point de vue.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ce podcast vous est proposé par la plateforme Livi.

  • Speaker #1

    Bonjour, je m'appelle César Ancel-Ancel. Je suis médecin généraliste et urgentiste. Bienvenue dans Patient, saison 2.

  • Speaker #0

    Colline et l'addiction

  • Speaker #1

    Une bière fraîche en terrasse, un verre de vin au repas, un gin tonic à l'apéritif ou une coupe de champagne pour célébrer. En France, l'alcool est ancré dans notre culture. Il représente 22 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an. Pourtant l'alcool, c'est malheureusement aussi la première cause d'hospitalisation en France. Et on estime que 1 million de personnes souffrent d'addiction à l'alcool. L'addiction est une maladie chronique, complexe et multifactorielle. Caractérisé par les 5 C du professeur Carilla. Perte de contrôle, envie irrépressible de consommer, conséquences physiques ou sociales, compulsion et usage continu. Elle peut s'installer insidieusement, nous éloignant de notre corps et de notre liberté. Alors comment se déclenche une addiction ? En quoi consiste cette perte de contrôle et quelles en sont les conséquences ? Et enfin, comment peut-on s'en sortir ? Aujourd'hui, j'ai la chance d'accueillir Colline, qui va nous raconter son histoire. Bonjour Colline.

  • Speaker #0

    Bonjour César.

  • Speaker #1

    Colline, est-ce qu'on peut se tutoyer ?

  • Speaker #0

    Avec plaisir, oui.

  • Speaker #1

    Comment vas-tu ?

  • Speaker #0

    Super bien, je suis ravie d'être là et de pouvoir échanger sur ce sujet qui me tient à cœur.

  • Speaker #1

    Écoute, moi je suis ravi de te recevoir aussi aujourd'hui dans cet épisode de Patient. Tu vas nous raconter ton histoire face à l'addiction. Est-ce que tu peux te présenter ?

  • Speaker #0

    Alors, je suis Colline, j'ai 38 ans, j'habite à Biarritz et je suis entrepreneur et j'accompagne des dirigeants dans le déploiement de leur vision.

  • Speaker #1

    Alors, effectivement, c'est un épisode un peu particulier. On est à Biarritz, où j'habite aussi. Donc, on va revenir un peu sur Biarritz et sur la place de l'océan dans cet épisode. Avant de commencer, Colline, est-ce que tu peux nous dire ce qu'est l'addiction ?

  • Speaker #0

    Alors, pour moi, l'addiction, c'est un rapport toxique à quelque chose. qui nous enferment et qui nous limitent finalement dans nos libertés et notre libre arbitre.

  • Speaker #1

    Donc toi, concernant l'addiction, tu as rencontré des difficultés avec l'alcool. Est-ce que tu peux nous expliquer à quel moment l'alcool est entré dans ta vie ?

  • Speaker #0

    L'alcool est entré dans ma vie assez tôt, je dirais autour de mes 18 ans. Évidemment, quand on commence à sortir, à passer un cap dans la sociabilisation, Ça va avec la fête, les sorties, donc c'est là que j'ai commencé un petit peu à jouer très tôt avec le feu. Et puis ça s'est accéléré ensuite avec les études supérieures. Voilà, ça fait partie aussi des rituels de la vie étudiante.

  • Speaker #1

    18 ans, finalement, si on regarde les statistiques, c'est assez tard finalement, parce qu'on s'aperçoit qu'il y a beaucoup d'ados qui sont très vite exposés à l'alcool. Avant 18 ans, pas de consommation d'alcool ?

  • Speaker #0

    Si, j'ai... Alors, c'est vrai que finalement, quand j'y repense, il y en a eu tellement que parfois, on ne sait plus trop. En fait, je me rappelle que ma première cuite, je devais avoir 14 ans.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    J'étais à la montagne, on était partis faire du snowboard avec les copines. Et en effet, je me souviens de ce premier épisode avec de la bière qui a hyper mal terminé.

  • Speaker #1

    Cuite, tu veux dire quoi ? Tu as été malade, tu as vomi ?

  • Speaker #0

    Grosse cuite, malade. Oui, malade, parce que j'avais voulu faire un peu la maligne devant des mecs plus âgés. Et oui, oui, j'ai vomi, ça a été terrible. Donc finalement, première cuite, 14 ans, c'est vrai.

  • Speaker #1

    D'accord, mais ensuite, de 14 à 18 ans ? Tu ne buvais pas régulièrement, le week-end ou des choses comme ça ? Non,

  • Speaker #0

    franchement, il y a eu des petites alcoolisations qui sont restées assez légères. Je pense qu'il y a eu vraiment un emballement à partir de mes 18 ans, associé à une rencontre aussi amoureuse de quelqu'un qui était déjà pas mal dans les consommations de produits et d'alcool. Et je pense que là, vraiment, il y a eu un emballement.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu avais comme mode de vie à ce moment-là, justement ? Comment ça se passait ?

  • Speaker #0

    La vie étudiante, elle est rythmée par les cours.

  • Speaker #1

    T'étudies quoi ?

  • Speaker #0

    Alors j'ai commencé avec sciences politiques, après j'ai très vite réorienté sur la communication et le marketing. D'accord. Et puis la fête, elle fait totalement partie de la vie étudiante. Il y a très peu d'étudiants qui restent dans leur coin à étudier et à potasser. En fait, ça fait partie du truc. Et d'ailleurs, j'ai eu des années d'études où je faisais plus la bringue que j'étudiais. Ouais. Pour le dire franchement. Et puis en fait, très vite, j'ai mis en place un système pour nourrir en fait ses besoins de fête, ses envies de sortie.

  • Speaker #1

    C'est quoi le rythme ? J'aimerais bien que les gens qui nous écoutent comprennent un peu. Donc t'étudies, c'est des études quand même assez costaudes. Mais c'est quoi le rythme d'alcoolisation par exemple ?

  • Speaker #0

    Franchement, jusqu'à 25 ans... Je pense que ça reste dans l'acceptable. C'est-à-dire que finalement, je bois comme beaucoup de gens qui m'entourent.

  • Speaker #1

    C'était combien d'alcoolisation par semaine ? Le week-end, tu disais ?

  • Speaker #0

    Franchement, c'est compliqué à dire. Moi, ce dont je me souviens le plus, ce n'est pas forcément le nombre d'épisodes, mais c'est plutôt le volume par épisode. C'est-à-dire que moi, très vite, je suis tombée dans un rapport compulsif. un verre qu'en entraîne un autre et en fait, je ne peux plus m'arrêter.

  • Speaker #1

    D'accord. Ça, tu l'as repéré vite.

  • Speaker #0

    Très vite. Très vite, en fait, je me rends compte que le problème, il n'est pas de ne pas boire tous les jours. Étudiante, j'arrive totalement à faire des semaines sans boire quand il faut que je me concentre et quand il faut que je rattrape tout le boulot que je n'ai pas fait en fin de semestre pour valider mes cours. Mais c'est plutôt quand je commence, je n'arrive pas à m'arrêter. Je suis inarrêtable.

  • Speaker #1

    Donc, tu décris bien la compulsion.

  • Speaker #0

    C'est une compulsion. En fait, je bois un verre, je ne peux pas en boire qu'un. il faut que j'en boive un deuxième, un troisième, un quatrième. Et ça, au fil des années, c'est vraiment le truc qui s'empire de plus en plus.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que la compulsion devient de plus en plus forte et incontrôlable.

  • Speaker #1

    D'accord, donc la perte de contrôle, la compulsion. Et effectivement, tu soulignes ce détail, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui attribuent le fait d'avoir un problème avec l'usage de produits, sachant que s'ils ne consomment pas tous les jours, ils ne pensent pas que c'est problématique, alors que ça peut être problématique même si tu consommes une ou deux fois par semaine finalement.

  • Speaker #0

    Quand j'ai décidé de faire des démarches pour arrêter de boire, je me suis beaucoup confrontée au regard de mon entourage et de certaines personnes autour de moi qui me disaient Non mais ça va, t'es pas alcoolique en fait, tu bois pas le matin quand tu te lèves.

  • Speaker #1

    Ouais, c'est ça.

  • Speaker #0

    Donc on reste encore sur une vision de ce qu'est l'alcoolisme qui est très réductrice finalement par rapport à tous les risques que ça comporte et tous les publics que ça touche. Donc, en fait, non, on peut avoir un problème avec l'alcool, même si on ne boit pas de la vodka en se levant de son lit le matin. Et même si on ne boit pas tous les jours, en fait, du moment que l'alcool, il commence à avoir un impact sur ta vie et que tu n'es plus en plein contrôle de ta consommation, tu as un problème avec l'alcool.

  • Speaker #1

    Donc là, on va parler de l'impact, des conséquences, qui est aussi un critère très important qui définit l'addiction. Toi, quand tu es étudiante, est-ce que... Ces alcoolisations, elles ont un impact ou des conséquences sur tes résultats ?

  • Speaker #0

    À ce moment-là, pas du tout.

  • Speaker #1

    Pas du tout.

  • Speaker #0

    Franchement, j'excelle, je continue à exceller. C'est-à-dire, je m'amuse, je fais la fête, je bois beaucoup, je me construis, je pense, une personnalité autour de ça, avec beaucoup de gens qui m'entourent, cette capacité à fédérer.

  • Speaker #1

    Ah, tu te construis une personnalité.

  • Speaker #0

    Ouais, je pense.

  • Speaker #1

    Il y a des côtés positifs à ce moment-là.

  • Speaker #0

    À ce moment-là, oui. Je suis cette fêtarde qui rassemble chez qui c'est le QG et chez qui on vient faire la bringue, en fait.

  • Speaker #1

    Et chez qui on se marre bien.

  • Speaker #0

    Et chez qui on se marre bien. Parce que la Colline qui boit et qui est étudiante, elle est drôle et puis elle est sans limite. Donc, elle fait des conneries, mais elle nous fait rire. Elle amuse la galerie, quoi. Et en plus, en parallèle de ça, je pense que je ne suis pas trop bête. J'arrive à m'en sortir largement avec les cours, avec une assez grande facilité. Donc... en fait, tout va bien.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu ressens à ce moment-là d'autres conséquences ? On a vu au niveau des interactions sociales, c'est plutôt que du positif. Au niveau de ta santé, au niveau du sommeil, au niveau de ton bien-être, ton moral, tu ressens des conséquences ?

  • Speaker #0

    En fait, pas trop. Pas trop encore à ce moment-là. Je ne ressens pas tous ces signes parce qu'en fait, c'est OK. J'arrive à tout maîtriser à côté, à part les gueules de bois terribles. Je pense que ça, de toute façon... Dès le départ, c'est le pire du pire, quand tu te retrouves au fond de ton lit. en angoisse. Et puis après, je pense qu'il y a aussi des prises de substances qui sont associées et du coup, qui viennent interagir et qui te mettent dans des états vraiment pas cool le lendemain.

  • Speaker #1

    Quelle substance ?

  • Speaker #0

    Moi, très vite à ce moment-là, je goûte un peu à tout. D'accord. Je suis une exploratrice.

  • Speaker #1

    Quoi, cannabis ?

  • Speaker #0

    Alors oui, le cannabis, mais très vite plutôt la coke. Et puis même ecstasy, c'est un peu la drogue.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que ça peut être une soirée typique à cette époque-là ?

  • Speaker #0

    C'est hyper difficile à dire parce que moi, au fur et à mesure du temps, j'ai commencé à vraiment développer une grosse addiction avec le vin. J'étais amoureuse de vin rouge, mais vraiment, je me revois en boîte demander du vin rouge alors qu'il n'y en avait pas, quoi, en fait. Mais je pouvais me descendre des bouteilles toute seule. Je ne sais pas, quand vraiment ça allait loin, je pense que je pouvais faire six bouteilles de vin rouge, toute seule, sans problème.

  • Speaker #1

    Dans la soirée ?

  • Speaker #0

    Dans la soirée.

  • Speaker #1

    Et avec d'autres produits ?

  • Speaker #0

    Avec de la coke. Et la coke, en fait, ça rentre vite dans le truc parce que ça t'aide à tenir l'alcool. Donc, en fait, tu prends de la coke, tu bois encore plus de bouteilles. Et moi, j'étais la survivante.

  • Speaker #1

    Tabac aussi,

  • Speaker #0

    tu vois. Le matin. Oui, clope, évidemment.

  • Speaker #1

    Oui. C'est un classique, l'association alcool, coke, tabac. C'est un classique. Donc, c'était un des classiques de tes soirées, ça.

  • Speaker #0

    Ça, c'est un classique de mes soirées. Ouais, ouais, complètement.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'à ce moment-là, on t'alerte ? Est-ce qu'il y a des gens dans ton entourage ? qui sont entre guillemets clean ou qui se posent des questions là-dessus, qui s'interrogent ?

  • Speaker #0

    Pas trop parce que finalement, je suis entourée de gens qui sont des fêtards et des bringueurs aussi. On va chercher ce qui nous convient. Donc, je suis entourée de gens comme moi. Donc, en fait, ça va. Là où il y a un point de vigilance quand même, c'est que moi, j'ai un papa qui a eu un problème avec l'alcool. D'accord. Donc, je connais le sujet de l'alcool.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'il a eu ? Il a eu quoi comme problème ?

  • Speaker #0

    Il a été alcoolique et en fait, il s'est soigné quand moi, j'étais enfant. Donc, ce n'est pas du tout un sujet tabou dans ma famille. On en a toujours parlé assez librement, avec toujours le point de la vigilance dont mes parents m'ont toujours parlé, en me disant attention. On le sait aujourd'hui, il peut y avoir des facteurs génétiques et des terrains fertiles, on va dire, pour des comportements à risque vis-à-vis des addictions. Donc, sachant que papa a pu connaître cette problématique-là, sois vigilante, fais attention. Donc, il y a quand même toujours une mise en garde, un petit... Venant des parents, attention Colline quand même, quand ils me voient rentrer les week-ends, bringuer ou revenir avec la voiture pleine de vomi, des trucs improbables. Il y a quand même un peu cette mise en garde, mais plutôt du côté familial.

  • Speaker #1

    Mais alors, toi vis-à-vis de ces remarques, comment tu réagissais ? Est-ce que toi, le fait d'avoir eu ce dialogue avec tes parents, est-ce que toi, tu avais de temps en temps une petite voix ? Est-ce que tu considérais ces remarques plus que ce que tu te disais à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    dans cette première phase-là, jusqu'à mes 25 ans, oui, bien sûr, j'ai toujours eu un rapport à moi-même très introspectif. Donc, forcément que j'y pense et qu'au fond de moi, je me dis que ce n'est pas totalement normal. Mais en fait, comme tout est fonctionnel dans ce système-là, franchement, à ce stade-là, je me dis, voilà, je continue.

  • Speaker #1

    Tu expérimentes, en fait.

  • Speaker #0

    J'expérimente, je suis jeune, je me sens vivante. Je suis un peu dans ce rapport aussi très extrême de la sensation. Et... et je me dis voilà je m'éclate et puis en fait c'est ça être vivant c'est aller au bout des limites et jouer avec donc pour l'instant tout fonctionne comme ça à partir de quand tu gères plus ? en fait au delà de ne plus gérer je pense que c'est tellement insidieux que je serais incapable de définir un moment précis de je ne gère plus en fait je pense que c'est un truc qui est hyper important de préciser sur ces addictions là c'est que c'est extrêmement insidieux, sournois et ça s'installe petit à petit dans ta vie Et c'est ça le danger d'ailleurs, c'est que tu as l'impression que tu gères, tu gères, tu gères, tu gères, et puis à un moment, tu réalises qu'en fait, plus rien n'est sous contrôle. La première prise de conscience, elle arrive quand j'ai 25 ans. Je rentre de six mois d'études à Londres. où j'ai évidemment beaucoup bringué. Et à ce moment-là, je suis en couple, déjà depuis pas mal d'années avec quelqu'un, malgré la distance, etc. Et il me propose de passer quelque temps chez lui en revenant de Londres. Et très vite, ça s'emballe, parce qu'on se retrouve à faire la brinque tous les soirs, à boire des coups, à voir les copains, à faire la fête. Et lui, il craque, parce que dans ces moments-là, j'ai plus de limites.

  • Speaker #1

    D'accord. Enfin...

  • Speaker #0

    dans ma personnalité sobre et pure, je suis quelqu'un de très affectueux, qui aime beaucoup être proche des autres et des gens que j'aime. Mais quand je bois, en fait, je deviens extrêmement tactile. Et ça, c'est quelque chose qui le dérange. Parce qu'il est jaloux, parce qu'il n'aime pas ça. Et ça commence à créer des tensions entre nous. Jusqu'au jour où ça pète. Et il me dit, écoute, Colline, en fait, je ne peux plus. Je ne peux plus, il faut que tu fasses quelque chose parce que tes comportements, ils sont trop extrêmes, en fait. Et ça me fait du mal, quoi. Il me ramène chez mes parents. Je me souviens de toute ma vie, on se tape quatre heures de route. Il me ramène chez mes parents, il me pose devant eux. Et il leur dit, voilà, votre fille, elle a un problème, il faut qu'elle se fasse soigner. Et en fait, là, il m'oblige, en fait. Il m'oblige à cette première prise de conscience et il m'oblige à en parler. Donc, j'ai cette première discussion avec mes parents et j'ai 25 ans. Et c'est ce qui me fait voir pour la première fois un addicto et commencer un travail.

  • Speaker #1

    Comment ça se passe, là, alors, après ça ?

  • Speaker #0

    Là, franchement, c'est pas très agréable. Parce qu'en fait, je me retrouve un petit peu obligée. Donc déjà, ça ne me plaît pas trop, parce que moi, je n'aime pas trop qu'on me dise ce qu'il faut que je fasse. Et puis surtout, je me retrouve face à mes parents, à devoir un peu me justifier. Et puis eux, forcément, dans l'inquiétude et connaissant le sujet, ils décident de ne pas me laisser tomber comme ça. Et puis en fait, je pense... un peu pour prouver que je suis capable de gérer, j'accepte d'aller voir un addictologue. Et c'est là que commence, en fait, pour moi, le début de la thérapie. Mais ça, juste pour remettre dans le contexte, c'est dix ans avant de vraiment arrêter de boire pour toujours.

  • Speaker #1

    Comment ça se passe, le premier contact en addictologie ?

  • Speaker #0

    Je le vis assez mal. Déjà, je n'ai pas l'impression d'être à ma place. J'ai 25 ans, je suis dynamique.

  • Speaker #1

    Tu travailles à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    À ce moment-là, je suis sur ma dernière année d'études, donc je ne bosse pas encore. Mais je réussis très bien mes études, j'ai voyagé, je suis très entourée. En fait, j'ai une vie qui coche toutes les cases à ce moment-là, donc en fait, j'ai pas trop l'impression d'être à ma place quand j'arrive à l'hôpital à Paris pour voir un addicto. Je suis reçue dans ce cabinet. Et très vite, en fait, on me parle de traitement, de médicament. Donc là, pareil, je ne comprends pas trop. On fait le point. Finalement, on me met un peu dans des cases en me posant des questions sur ma conso. Enfin, essayer de définir ce que je trouve très difficile. Parce que finalement, quand on n'est pas très conscient encore de son problème, on a du mal à définir combien on boit, comment. Et puis, je sors de là avec une prescription pour un médicament qui, en fait, quand tu consommes, te fait vomir.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Donc en fait, le principe de cette thérapie-là, c'est si tu bois, tu vas être malade. Donc déjà, je n'adhère pas totalement, parce que je me dis que c'est quand même bizarre d'être dans une espèce de punition. Et par ailleurs, l'addicto me dit, voilà, j'aimerais bien que si vous consommez, vous notiez en fait vos consommations. Donc je me retrouve dans un truc où je dois compter le nombre de verres que je bois. Et là, c'est l'angoisse. Et là, c'est l'angoisse parce que je me rends compte que les compter, ça me fait prendre conscience du volume. Et surtout, j'essaie de me limiter. Et là, pour la première fois, je fais face à mon impossibilité de contrôle.

  • Speaker #1

    Ah, OK.

  • Speaker #0

    Et c'est très dur, mais voilà. Donc très vite, je rencontre aussi un médecin psychologue qui travaille dans une association pour l'alcool. Mais pareil, je ne me trouve pas très à ma place. Et finalement, je ne me sens pas hyper prise au sérieux, hyper comprise. J'ai quelqu'un en face de moi qui a l'habitude de recevoir des hommes, beaucoup, d'un certain âge. Et voilà, j'ai encore l'impression que je n'ai rien à foutre là. Que moi, tout va bien dans ma vie. Je ne comprends pas trop.

  • Speaker #1

    Ce médicament, tu vas le prendre ?

  • Speaker #0

    J'ai dû le prendre peut-être deux, trois jours, et puis j'ai vite arrêté de le prendre.

  • Speaker #1

    Et l'agenda des consommations, tu vas tenir ce calendrier ?

  • Speaker #0

    Non, je lâche vite l'affaire aussi. Donc en fait, toute cette première mise en place de thérapie, elle dure, je pense, deux, trois mois. Et puis très vite, je me dis, attends, ça va, tout va bien. Je commence à bosser dans la pub, dans un environnement où tout ça est très présent, la drogue, l'alcool. Donc finalement, pareil, tout vient nourrir mon système. Donc je me dis, attends, tu vois bien que tout ça, finalement, c'est la normalité. Tout le monde le fait. Donc OK, t'es un peu excessive, c'est vrai. Mais ça fait partie de qui tu es. T'es une arrachée, t'es une déglingo. Ça fait aussi partie de la liberté de ton être.

  • Speaker #1

    À partir de ce moment-là, j'imagine que tu n'as plus d'accompagnement ou de suivi en addictologie ou tu maintiens quand même un contact ?

  • Speaker #0

    J'arrête tout. J'arrête tout, je commence à bosser, ça se passe bien, je suis hyper motivée. Je crée ma petite vie sociale à Paris, j'habite à Pigalle. berceau de la fête.

  • Speaker #1

    Et donc, tu reprends les fêtes ?

  • Speaker #0

    Bien sûr. En fait, je n'ai jamais vraiment arrêté. Donc, non, non, je continue. Je vais en club. Je fais des afters sans fin. À midi, le samedi, je ne suis toujours pas couchée. Et en fait, je vis cette vie-là pendant plusieurs années. Et puis, il commence à y avoir de la souffrance. Associée, bien sûr, parce que tu fais des conneries, en fait, quand tu te crées une vie comme ça.

  • Speaker #1

    C'est quoi, les conneries ?

  • Speaker #0

    Je suis dure.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Je suis dure dans mon rapport aux autres, donc je dis des vérités qui font mal.

  • Speaker #1

    Tu te disputes avec des amis ?

  • Speaker #0

    Je me dispute. Il y a des matins, tu te réveilles, tout le monde te fait la gueule, et t'es là, mais qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #1

    Ah oui, tu te souviens pas ?

  • Speaker #0

    Et tu ne te souviens pas hier de ce que tu as fait, de ce que tu nous as dit ? Puis moi, je suis un être très instinctif quand je bois. Donc en fait, il n'y a plus de normes qui existent. La société n'existe plus. Donc je deviens un petit animal plein de pulsions. Donc en fait, je fais n'importe quoi. Je peux aller embrasser le mec d'une copine. Je peux me foutre sur le bar et montrer mes seins à tout le monde. Donc c'est amusant dans une certaine mesure, mais je pense que mes potes, au bout d'un moment, ils commencent à en avoir un peu ras-le-bol, en fait. Parce que ça crée des emmerdes et des problèmes pendant les soirées, tout ça.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu te blesses ? Est-ce que tu finis aux urgences ? Est-ce que tu as des choses comme ça au niveau physique, des accidents ?

  • Speaker #0

    Alors, je finis jamais aux urgences, mais je finis quand même chez les flics une fois.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    qui me suivent parce qu'ils voient que je ne suis pas dans mon état normal et qu'il y a un mec, finalement, qui me colle et il voit qu'il y a un truc pas très clair. D'accord. Évidemment, je me mets dans des situations qui auraient pu être tragiques.

  • Speaker #1

    Et donc, toujours l'alcool avec le vin rouge, toujours l'association éventuelle avec d'autres produits.

  • Speaker #0

    Ouais.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu commençais à ressentir dans la semaine, par exemple, les jours où tu ne consommais pas, des conséquences psychologiques ? sur ton humeur, sur tes émotions ?

  • Speaker #0

    Alors, les redescentes, oui, tu les sens. Déjà, tes week-ends, une fois que tu les as bien fêtés, la fin du week-end, elle se passe au fond du lit, en agonie. Donc ça, c'est un moment qui n'est pas agréable. On essaie d'oublier. Donc, on mange de manière compulsive pour éponger, pour essayer de se redonner un peu d'énergie. Et puis, on regarde des trucs débiles pour s'abrutir le cerveau et ne pas penser à tout ça, en fait. Pas réfléchir. Et puis surtout, il faut vite reprendre des forces parce qu'il va falloir vite que tu répares toutes les conneries que tu as faites pendant le week-end. Et ça, ça demande beaucoup d'énergie de réparer. Et puis en effet, il faut repartir au boulot, en forme et assuré. Donc en fait, tu commences à rentrer dans un système de montagne russe où tu es tout le temps en train de jouer avec les extrêmes.

  • Speaker #1

    En fait, ce cycle-là, il va durer combien de temps avant que tu redécides d'être accompagné ?

  • Speaker #0

    Ce cycle-là, pour moi, il dure cinq ans. Cinq ans, quand même. Même un peu plus, peut-être. Jusqu'à ce que je parte à New York, j'ai une opportunité pour le boulot, je pars à New York, je suis dans un métier qui ne me donne aucune liberté, un métier de service très exigeant dans lequel je bosse 24-24, dans lequel j'ai peu de temps pour moi, et en fait, les seuls moments que j'ai pour moi, j'ai tellement besoin de décompresser que je commence à boire. Et là, je commence à boire beaucoup toute seule.

  • Speaker #1

    Tu faisais quoi, juste, comme activité à New York ?

  • Speaker #0

    J'étais assistante personnelle d'une célébrité.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et donc, comme tu peux l'imaginer, c'est un peu comme on voit dans les films.

  • Speaker #1

    D'accord, oui.

  • Speaker #0

    C'est un métier qui est passionnant, que j'adorais faire parce qu'il m'a apporté des tas de choses. Mais je pense qu'il m'a fait passer un deuxième cap aussi dans mon alcoolisation. Dès que j'avais un peu de temps pour moi, en fait, je buvais. Et je me souviens, à la fin de New York, j'en étais arrivée au point où je ne sortais même plus. les week-ends parce que j'étais crevée. Et en fait, je passais au wine store acheter des bouteilles de vin. Et je rentrais à la maison et je me mettais ma musique. Et en fait, j'avais créé un rituel. Et je buvais mes bouteilles de vin en écoutant ma musique toute seule. Et en fait, pour moi, c'était une bulle de réconfort. C'était un moment où je pouvais enfin me retrouver moi-même, m'apaiser et prendre soin de moi.

  • Speaker #1

    Donc tu buvais seule, en quantité, c'était quoi ?

  • Speaker #0

    Toute seule, trois bouteilles de vin, quatre bouteilles de vin, rouge.

  • Speaker #1

    À temps malade ou non ?

  • Speaker #0

    En fait, mon corps, plus j'avançais, moins je vomissais pas. C'était ça qui était terrible avec le vin à la fin. C'est qu'en fait, mon corps, il tenait le coup. C'est-à-dire que même à un moment, je pouvais rentrer en blackout, ne plus avoir de conscience des choses, mais mon corps tenait le coup.

  • Speaker #1

    D'accord. Mais toi, à ce moment-là ? tu t'aperçois que ça va pas, en fait.

  • Speaker #0

    Moi, je commence à souffrir, là, parce que je me planque quand même des bouteilles. Et puis, en fait, je me dis, attends, là, franchement, pourrir tes week-ends, pour te retrouver toute seule, te mettre la cuite toute seule et puis passer le lendemain au lit, il y a quand même un truc qui tourne par rond, quoi. Donc là, je commence à comprendre quand même qu'il y a un vrai souci. Je finis par rentrer à Paris et je reprends un nouveau boulot. Donc là, avec tout l'engouement qui va avec, quelque chose de plus équilibré, je reprends un peu le pouvoir sur ma vie. Je reprends la place, en fait, avec une vie plus normale.

  • Speaker #1

    Parce que tu t'es aperçue que ça allait trop loin et que tu t'essayes un peu de lever le pied ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    En fait, je me rends compte que j'ai besoin d'avoir un environnement plus rassurant et que cette vie trop exigeante, elle est en train de me flinguer. Donc, c'est à ce moment-là que je rentre. Je cherche un boulot dans la cistanate direction à Paris. Je finis par trouver le bon match. Je suis hyper excitée. Je commence ce nouveau boulot. Et à ce moment-là, du coup, je me relance dans un nouveau projet. Donc, ça va à nouveau. Tu vois, c'est des phases, c'est des vagues en permanence. Donc je me dis, OK, ça va. Comme d'habitude, tu as toujours la sensation que tu vas réussir à trouver le bon point d'équilibre par toi-même et que ça va le faire. Donc je repars dans tout ça, mais finalement, l'alcoolisation, elle est toujours là. Et le système, il continue toujours à se renforcer, à se nourrir. Et puis je pense que ces quatre dernières années... À Paris, j'ai vraiment passé un autre cap. Donc là, les prises de conscience, elles sont de plus en plus fréquentes. Les réactions, elles se multiplient autour de toi, dans l'entourage. Et donc là, je décide de me faire aider. Et je me dis bon, donc je commence déjà par des thérapies alternatives.

  • Speaker #1

    Mais les prises de conscience, c'est quoi précisément ?

  • Speaker #0

    C'est les amis, déjà l'entourage. Mon incapacité à maintenir des relations amoureuses, parce que forcément, ça crée trop d'emmerdes. Donc, les copains, les amoureux, et puis les amis aussi, qui me disent, voilà, on t'aime, on sait qui tu es, mais en fait, toutes ces phrases et tout ce que ça génère sur nous, ça commence à être extrêmement pesant. Donc là, il y a quand même des gros trucs, des trucs un peu violents, où les potes me disent là, franchement, ça va trop loin. Et puis à moi, comment je me sens vis-à-vis de cette alcoolisation ? C'est-à-dire que je sens bien que je suis en train de mettre mon corps et mon esprit à rude épreuve, et qu'en fait, tout maintenir là, droit, ça commence à devenir assez compliqué. Et en fait, l'état d'épuisement. Tu vois, mental et physique. Je commence à me sentir ultra fatiguée. Mais vraiment crevée, quoi. Parce qu'en fait, à ce moment-là, je suis attachée de direction dans un grand groupe de cosmétiques. J'ai un poste à responsabilité qui est très exposé, avec de la visibilité. Il y a de l'exigence, il faut que j'assure. En plus, j'aime mon boulot, donc j'ai pas envie de faire de la merde. Et à côté de ça, il y a la vie sociale, il y a cette envie de continuer à consommer. Comment je fais pour garder tout le puzzle ? Je passe mes week-ends au lit à récupérer de la cuite de mon vendredi soir. Je commence à avoir des problèmes pour me lever pour aller au boulot le matin. Je commence à manipuler, à mentir, à me justifier. Les amis, c'est pareil, ils commencent à en avoir ras-le-bol, et puis je me mets dans des situations de plus en plus graves. Et ça, ça me fait peur, parce que je me dis, mais en fait, un jour, il va se passer quelque chose de grave, en fait. Tu te réveilles le matin, tu ne sais pas à côté de qui t'es, tu ne connais même pas le nom du mec qui a dormi dans ton lit, tu ne sais plus ce que tu as fait la veille. Je me retrouve à aller faire des prises de sang au labo, parce que finalement, je ne sais pas ce que j'ai fait la veille et si je me suis protégée. En fait, ça commence à être vachement moins drôle. Donc, la colline qui monte ses seins et qui fait rire tout le monde sur le bar, là, on a quand même passé un autre step. Et je me rends bien compte que je mets en danger ma santé, mon corps, mon intégrité. Et puis qu'en fait, ce n'est pas très beau tout ça et que je mérite mieux que ça.

  • Speaker #1

    Donc là, en gros, grosse prise de conscience à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Donc là, oui, ça commence à piquer un peu. Et donc, en effet, je commence à mettre des choses en place, déjà à mon niveau. des thérapies alternatives, un peu de pratique sportive.

  • Speaker #1

    Tu faisais du sport avant ?

  • Speaker #0

    J'ai jamais été une grande sportive, mais ça a toujours été assez présent dans ma vie. Pour avoir grandi, moi, dans les montagnes, en Savoie, dans les Alpes, tu sais, les sports de glisse, le snowboard, l'escalade, tout ce qui est lié à ton environnement, c'est présent. Mais j'ai jamais été une très grande sportive. Mais ça a toujours été là. Mais là, du coup, je me mets au yoga. Je commence à lire pas mal de bouquins, de développement personnel. J'entame un chemin, en fait. Je ne sais pas trop au début ce que je cherche, mais en tout cas, je commence à explorer certains sujets. Et puis, je vais très vite essayer de rencontrer des psychologues pour pouvoir parler de ça.

  • Speaker #1

    Tu ne repars pas vers une prise en charge addicto ?

  • Speaker #0

    Pas du tout.

  • Speaker #1

    Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Parce que cette première expérience de quelques années avant ne me donne pas du tout envie de retourner voir un addicto. Parce que je me dis, non mais super, le mec il va me filer un médoc, qu'il fait vomir, je trouve ça nul. Et du coup, je me dis, je sais pas, j'ai envie d'aborder ça plus sur le prisme de la santé mentale en fait. Comprendre pourquoi je me comporte comme ça, d'où ça vient. Donc vraiment au départ, je me dis, je vais essayer de faire mes petits trucs de mon côté quoi. En abordant le côté psychologie. Donc, je cherche des psychologues. Ça, c'est vraiment un challenge aussi pour moi. Je me rends compte que ce n'est pas facile de trouver la bonne personne. Donc, je me retrouve à rencontrer pas mal de psy avec qui ça ne matche pas. Ou je sors de la séance et je me dis, en fait, non, ça me fait chier.

  • Speaker #1

    Avec qui il n'y a pas d'alliance.

  • Speaker #0

    Avec qui il n'y a pas d'alliance. Et puis, je finis par rencontrer une première psy qui travaille un peu autour des énergies. Donc, tu vois, on est quand même dans la thérapie alternative. J'y crois pas trop, j'y vais un peu à reculons, me la conseille, je me dis moi tous ces trucs, à ce moment-là je suis pas... J'ai toujours eu une forme de spiritualité en moi mais je suis pas très branchée thérapie alternative quoi. Et puis en fait ça marche parce qu'on s'entend bien, je me sens entendue, comprise, je me sens prise au sérieux. Et ça c'est vachement important parce que je pense que c'est la première fois où j'ai vraiment l'impression qu'il y a quelqu'un en face de moi qui ne minimise pas ma souffrance. malgré que j'ai une vie qui roule, un boulot cool, et que finalement, en apparence, ma vie coche les cases. Mais en fait, cette souffrance, elle est là, et elle, elle la voit, elle la comprend. Et au bout d'un moment, elle me dit, écoute, moi, je pense que j'arrive un peu aux limites de là où je peux t'aider. Je suis quand même très inquiète pour toi, parce que je lui parle de plus en plus de mes alcoolisations violentes. Et elle me dit, moi, je peux t'aider sur le côté psy, mais en fait, je pense que là, il faut vraiment que tu ailles voir un médecin. Et donc, elle me parle de ce psychiatre avec qui elle a travaillé dans le cadre médical, dans un hôpital, et elle me dit, écoute, il est vraiment bien, j'ai totale confiance en lui. va le voir et tu verras, mais là, je suis vraiment très inquiète. D'accord. Et c'est là où il y a un switch et où je commence à aller voir ce médecin psychiatre. Et là, ma thérapie et mon chemin prend une nouvelle dimension.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Plus sérieuse. Et du coup, la conscience devient plus forte. Là, je me dis, ah ouais, quand même. En fait, c'est chaud.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    En fait, c'est chaud. Et voilà, ça a été le début du gros travail qui a duré trois ans. qui a été ponctuée, évidemment, d'énormément de rechutes.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Et franchement, c'est pour moi hyper important de dire que les rechutes, ça fait partie du chemin et du travail. Je connais peu de gens autour de moi qui ont réussi à arrêter, à mettre fin à une dépendance comme ça assez rapidement, sans rechuter. Et les rechutes, voilà, elles font partie du boulot, mais les rechutes sont de plus en plus violentes.

  • Speaker #1

    Oui, justement, j'aimerais bien y venir là-dessus. Parce qu'en fait, effectivement, comme tu le dis, c'est hyper important d'en parler. La rechute, elle fait partie quasiment de l'évolution naturelle de la prise en charge. Les gens qui rechutent souvent culpabilisent, et il y en a même qui veulent interrompre le suivi, de honte d'être jugé par le psychiatre ou l'addictologue ou le psychologue. Et donc ça, ça fait partie de l'évolution quasiment naturelle, donc il n'y a aucune raison de culpabiliser. Tu peux les décrire ces rechutes ? Parce que tu dis qu'elles sont violentes. Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Du coup, moi, je commence ce travail avec ce psychiatre qui est génial, fabuleux. Là, pareil, c'est une rencontre. Et je me dis, waouh, incroyable. Il me comprend aussi. On parle beaucoup, on est beaucoup dans l'échange. C'est quelqu'un qui parle pendant les consultations, qui ne fait pas que me regarder. Et en fait, on se pose beaucoup de questions sur... sur des probabilités de pathologies associées. Forcément, quand tu es suivi par un psychiatre, on essaie d'analyser ces changements d'humeur, ces montagnes russes, on essaie de comprendre d'où ça vient pour pouvoir agir sur la cause, sur l'origine du mal.

  • Speaker #1

    Juste pour le dire, le terme, parce que c'est un mot qui peut faire peur, mais ça s'appelle les comorbidités psychiatriques.

  • Speaker #0

    Les comorbidités psychiatriques.

  • Speaker #1

    C'est moche parce qu'il y a le mot mort, morbide, mais en gros, ça peut être de l'anxiété, tout simplement.

  • Speaker #0

    Et bien justement, en faisant ce travail avec lui, je comprends que je suis en fait une meuf extrêmement anxieuse. Et là, t'imagines, j'ai, je sais pas, 32 ans. 32 ans, je découvre que je suis une meuf extrêmement anxieuse. Et en fait, c'est fou parce qu'il y a un truc très révélateur, une espèce de prise de confiance comme ça. Je me dis mais attends, mais pourtant... Et finalement, je déroule tout et je me rends compte que j'ai toujours été anxieuse. Que j'étais une enfant anxieuse, j'en parle à mes parents, ma mère me dit mais tu sais, t'avais du mal à dormir à 6 ans parce que toute la nuit tu cogitais, tu pensais à l'avenir de l'humanité, à pourquoi il y avait des guerres. Et en fait, de comprendre, ça t'aide vachement à avancer. Donc, avec ce médecin, on est beaucoup dans l'échange, on essaie même des traitements, il arrive à me convaincre alors que je ne suis même pas très ouverte aux médicaments. Ce n'est pas trop mon délire, mais on essaye. Franchement, on essaye. On essaye un traitement au baclophène, que je trouve extrêmement lourd parce que c'est un médicament qui n'est à la base pas du tout prévu pour traiter les addictions. Donc, en fait, tu te retrouves à prendre 15 pilules par jour. et c'est censé apaiser tes cravings et tes envies de consommer.

  • Speaker #1

    Tu peux détailler ce que c'est le craving ?

  • Speaker #0

    Le craving, la définition, c'est une envie irrépressible de consommer. Et pour le décrire plus dans les sensations, pour moi, c'est un espèce de feu qui va grandir au niveau de ton plexus, mais qui va être d'une puissance telle que ça va devenir obsédant. Donc, c'est une envie de consommer.

  • Speaker #1

    C'est une vague, en fait. Il y a un professeur d'addictologie qui parle de surfer le craving, justement, quand on est addict.

  • Speaker #0

    C'est ça, apprendre à le gérer et surtout apprendre à l'accueillir pour qu'il passe. Et puis, juste se rassurer, se dire que ça ne va pas durer tout le temps. Ça finit par passer, mais c'est hyper puissant. Et d'ailleurs, après six mois de sobriété, j'ai failli craquer à cause d'un craving. Donc, ce n'est pas facile.

  • Speaker #1

    Le baclophène, donc tu l'essayes ou pas ?

  • Speaker #0

    J'essaye, mais très vite, je laisse tomber parce que je trouve que c'est trop lourd en termes de posologie et de prise. trop de médicaments, trop par jour. Et puis en fait, je n'aime pas l'idée de me mettre des médicaments dans le corps. Mais en tout cas, on essaye plein de choses.

  • Speaker #1

    Et alors, comment ça se passe par la suite ?

  • Speaker #0

    Je commence à me plonger en parallèle de tout ce suivi psychiatrique sur le sujet de l'addiction en lui-même. Comment ça marche d'un point de vue physiologique, neurologique ? En fait, je veux comprendre. Parce que je me rends bien compte que ce n'est plus qu'une question de volonté. Moi, ma volonté, elle est claire. Bien sûr que j'ai envie de m'en sortir, mais je me rends bien compte que malgré... Ma force, ma pugnacité, mon caractère de battante, j'y arrive pas toute seule. Et puis à côté de ça, j'ai besoin aussi de... d'aller chercher une communauté de gens qui ont vécu la même chose que moi. Donc, je me lance dans l'exploration des alcooliques anonymes.

  • Speaker #1

    Ah oui, d'accord.

  • Speaker #0

    Et je fais mes premières réunions d'alcooliques anonymes. Et c'est pour moi une expérience terrible. Ah bon ? Alors que je crois vraiment à ces communautés. En fait, j'encourage vraiment à tester cette solution parce que je pense qu'il y a des gens qui n'ont pas l'opportunité de pouvoir s'exprimer dans leur entourage. Et c'est quand même un endroit safe. où on peut partager son expérience de l'addiction et de la dépendance, et ça aide en fait de pouvoir discuter avec des gens qui comprennent. Mais moi, vraiment, c'est un outil qui ne me correspond pas.

  • Speaker #1

    Toi, ça ne te correspond pas ?

  • Speaker #0

    Ça ne me correspond pas du tout. En fait, je vais aux réunions, je ne me sens encore une fois pas à ma place.

  • Speaker #1

    Ouais, toi, ça ne te correspond pas ?

  • Speaker #0

    Ça ne me correspond pas.

  • Speaker #1

    Même si on le rappelle, et ça aide énormément de personnes, mais toi, avec ta personnalité, ta façon de voir les choses, ça ne te correspond pas, donc en fait, tu ne poursuis pas.

  • Speaker #0

    Je ne poursuis pas, donc au début j'ai mes copines qui m'emmènent le samedi matin, qui m'accompagnent à la réunion pour bien que j'y aille, mais très vite je laisse tomber parce qu'en fait je sors des réunions, je suis plus déprimée que motivée, ça m'est même arrivé je pense de sortir de réunion et d'aller acheter une bouteille de vin. Donc je laisse vite tomber et du coup je me plonge dans la littérature anglo-saxonne. qui touche à ce qu'on appelle les mouvements des sober curious. Et ça, ça commence à vachement m'inspirer. Et là, je découvre plein d'autrices qui écrivent sur l'alcool. Et là, ça y est, enfin, je m'identifie. Je lis des nanas qui ont des vies fonctionnelles. Pareil, qui ont réussi finalement à maintenir une vie plus ou moins normale tout en souffrant énormément de leur dépendance. Et là, pour la première fois, je me retrouve dans ces témoignages-là. Je lis un bouquin qui est vraiment un bouquin des clics, que j'adore, qui s'appelle Le bonheur inattendu de la sobriété qui a été écrit par Catherine Gray, qui est une autrice anglaise. Et en fait, la nana, elle travaillait chez Cosmopolitan à l'époque, dans la mode. C'est une nana jolie, cool, qui réussit dans son boulot, mais qui vraiment tombe dans les affres de l'alcool, et qui finit par se cogner la tête très fort et par décider d'arrêter. Et elle raconte tout ce parcours, mais elle parle surtout de l'après, en fait. Des bienfaits de la sobriété, de ce que ça lui apporte très rapidement. Elle reparle de toutes les premières fois que tu vis quand t'es abstinent, parce qu'en fait, c'est une redécouverte de tous ces premiers moments. Et surtout, elle parle de ça avec vachement d'humour et vachement d'autodérision. Et ça, ça m'éclate, quoi. Je me dis, mais voilà, ça, ça me parle.

  • Speaker #1

    Et donc tu pars dans cette dimension, tu t'empares du sujet, tu deviens actrice de ta prise en charge, et ensuite, qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Et ensuite, j'avance, je continue à faire des rechutes.

  • Speaker #1

    Toujours à Paris ?

  • Speaker #0

    Toujours à Paris, c'est dur, on en parle avec le psy, le chemin est long, il est dur.

  • Speaker #1

    Les montagnes russes ?

  • Speaker #0

    J'ai pas des images ou des souvenirs très clairs de moments, de trucs, mais... je sens qu'avec le boulot, ça commence à être dur.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    En fait, j'ai de plus en plus de mal à me lever la semaine.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Parce que je suis rentrée dans un mode où tous les soirs, j'ai besoin de boire. Ah oui ? Donc, en fait...

  • Speaker #1

    C'est grosse rechute, quand même, là, alors.

  • Speaker #0

    Ouais. Et puis, en fait, je me rends compte parce que je vis avec un mec. Donc, en fait, si tu veux, ça te renvoie forcément ta consommation de manière plus frontale. Parce que quand t'es tout seul le soir, finalement, t'as personne pour te dire... Ouais, oh, calme-toi.

  • Speaker #1

    T'as pas de pression sociale.

  • Speaker #0

    T'as pas la pression. Là, en fait, je me rends compte que j'ai de moins en moins envie de sortir parce que ça me fatigue, que ça me prend beaucoup d'énergie, en fait, cette fête, cet entourage. Donc, je me rends compte que le soir, en fait, après le boulot, j'ai juste envie de rentrer et de boire au calme avec ma petite musique. Et encore une fois, de recréer cette espèce d'espace, de cette petite bulle de bien-être, quoi, avec ma bouteille en tête à tête. Et le problème, c'est que mon mec, il rentre du boulot. J'ai déjà descendu une bouteille.

  • Speaker #1

    Ah oui ?

  • Speaker #0

    Et puis forcément, quand il rentre, Ah bah attends, on va boire l'apéro, donc j'en ouvre une deuxième. On est au début de notre relation, donc pareil, c'est une bonne excuse pour boire un verre ensemble. Et puis il finit par aller se coucher, et puis en fait, j'en ouvre une troisième. Et puis je commence à rentrer dans le mode où je vais me faire vomir avant d'aller me coucher. Parce que je me dis, Demain, t'as une réunion à 9h, il faut que t'assures. Donc en fait, tes trois bouteilles dans ton petit corps de 55 kilos, tu sais que demain, ça va être hyper violent.

  • Speaker #1

    T'as quel âge, là ?

  • Speaker #0

    Là, j'ai 34 ans. 33, 34 ans. Donc tu vois, c'est 10 ans après mon premier acto. Donc là, ça commence à devenir dur. Je suis fatiguée. En fait, vraiment, je me sens acculée. Je sens que je n'y arrive plus. Ça me demande trop d'énergie de maintenir. ce système-là. Et puis, je descends de plus en plus à Biarritz faire des week-ends.

  • Speaker #1

    Ah voilà, nous voilà à Biarritz maintenant.

  • Speaker #0

    C'est juste que j'ai un déclic où je me dis, en fait, si tu ne changes pas ton mode de vie, radicalement, tu ne vas pas pouvoir te sortir de ça. Ce que je veux dire, c'est que je pense qu'à un moment, quand on a une dépendance qui prend autant de place dans notre vie... Alors moi, je suis allée dans quelque chose de très radical, un changement de vie, mais je pense qu'il faut vraiment prendre conscience que finalement, tes modes habituels, ils ont tellement intégré ta consommation que si tu viens pas bousculer ça un moment... tu n'arriveras jamais à t'en sortir vraiment. Et c'est ça dont je prends conscience. Et comme je suis quelqu'un d'assez extrême dans mes prises de décisions, mais ça fait, je m'en rends compte aujourd'hui, partie de moi, et ça n'a rien à voir avec l'alcool, je me dis, voilà, j'ai envie d'opérer ce changement. Donc, je rentre à Paris et je mets tout en place, en fait. Donc, je quitte mon job, je quitte mon mec, je quitte mon appart, parce qu'en fait, je me rends compte que tout ce système-là n'a plus sa place et j'ai envie de vivre autre chose, en fait.

  • Speaker #1

    Tu t'aperçois qu'en fait, ce n'est pas uniquement toi ou l'alcool, mais que c'est l'environnement aussi, c'est ça ?

  • Speaker #0

    En fait, c'est la puissance de l'environnement. L'environnement, je parle beaucoup de nourrir son système. Je pense que c'est un vrai truc d'addict ou de malade mental. En fait, c'est de faire en sorte de construire un monde autour de soi et de modeler son environnement pour venir nourrir son système de dépendance et de maladie. Et je me dis, en fait, si je ne fous pas un gros pied dans la fourmilière, mais je suis foutue, je vais finir par crever. De toute façon, je ne peux plus, j'arrive au bout.

  • Speaker #1

    Donc là, c'est ce que tu fais.

  • Speaker #0

    Donc là, je mets tout en place. Donc ça prend quelques mois forcément, parce que je ne pars pas du jour au lendemain de mon boulot, que je ne quitte pas tout comme ça. Ça prend quelques mois, je mets les choses en place. Je pars un mois en Inde, me faire un voyage reset pour me retrouver avec moi-même. Et d'ailleurs, en Inde, je bois très peu. 3-4 verres, un truc comme ça, en un mois.

  • Speaker #1

    Sans sevrage ?

  • Speaker #0

    Sans sevrage. Donc, je commençais à me dire, c'est possible. Et je rentre chez mes parents, en Savoie, dans les montagnes. Et à ce moment-là, j'ai prévu, 2-3 mois après, d'aller m'installer dans le sud-ouest. C'est clair. D'accord. J'ai trouvé une petite cabane dans le jardin des grands-parents d'une copine pour commencer mon exploration. Et je me dis, j'y vais au printemps quand les beaux jours arrivent. Et là, le confinement arrive. Et là, en fait, je me... Voilà, réaction d'addict. Je vais me confiner chez une copine d'enfance. qui est vigneronne.

  • Speaker #1

    Ah, pas la meilleure idée.

  • Speaker #0

    Il y a toujours la petite voix de l'addiction qui n'est pas loin. Donc, évidemment, ce n'est pas un choix complètement inconscient. Je sais pourquoi je le fais, en fait. Et donc, très vite, ça se passe mal, forcément. Donc, au bout de deux semaines de confinement, ça part en vrille. On s'engueule très fort. Et là, vraiment, je descends chez mes parents en voiture et je suis à deux doigts de mettre un coup de volant. Ah ! Oui.

  • Speaker #1

    Coup de volant, pourquoi ? Pour mettre fin à tes jours ? Ouais. Ah oui ?

  • Speaker #0

    Et là, je me dis, ok, c'est bon, on y est quoi ? C'est maintenant, en fait. T'as plus le choix. Ah oui ? Ouais, vraiment.

  • Speaker #1

    Tu roules et tu te dis, j'en ai marre, je peux mettre fin à tes jours et t'es à deux pas.

  • Speaker #0

    J'en peux plus. C'est l'espèce d'aboutissement de cette fatigue, de ce truc.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Je suis épuisée, je peux plus. Et j'arrive chez mes parents et vraiment, je suis en larmes, je suis hystéro, je suis au bout du Rolls, quoi. Et ils me disent, écoute, ça fait dix ans qu'on ferme notre gueule. On te laisse faire le truc à ton rythme et tout, mais en fait, là, stop. Enfin, tu peux plus continuer comme ça. C'est maintenant. En fait, tu commences une nouvelle vie, t'as tout mis en place. C'est maintenant. Donc, nous, on est là, on va t'aider s'il le faut, mais on peut plus te laisser te détruire comme ça.

  • Speaker #1

    Et donc, comment ça se passe, là, après cet épisode, justement ?

  • Speaker #0

    Comment ça se passe, c'est le confinement à ce moment-là. Je décide d'aller me confiner toute seule dans un petit appart que mes parents, ils ont en ville, en fait, pour me retrouver.

  • Speaker #1

    C'est tes parents qui te conseillent ça ?

  • Speaker #0

    Non, ils me conseillent pas ça. Ils ont... plutôt envie que je reste près d'eux, mais moi, je sens que j'ai besoin de faire le point, en fait. J'ai besoin de vivre cette confrontation à moi-même. Donc, je passe une semaine face à moi-même. Je pleure, toutes les larmes de mon corps. Je me refais tout le film de ma vie et je me dis, mais en fait, t'es une rescapée, quoi. Enfin, t'aurais pu mourir plein de fois, il aurait pu t'arriver des drames, des choses horribles. Et là, vraiment, je sais, je sais au fond de moi que cette fois-ci, c'est la bonne. C'est évident. et j'ai une amie qui me rejoint au bout d'une semaine, une amie d'enfance, et donc là on passe un mois et demi à se créer un monde de sobriété, entre quatre murs, à réinventer le quotidien, à faire du sport, à rigoler, à boire du pastis sans alcool le matin, à chanter La belle vie de Sacha Distel, à se mettre toute nue sur la terrasse pour bronzer, et en fait on retrouve la légèreté de l'adolescence. La légèreté de juste être ensemble, s'amuser, rigoler, discuter, faire d'autres choses. On commande tous les alcools sans alcool qu'on trouve sur Internet. Donc les vins sans alcool, les bières sans alcool, on fait des dégustations et on se marre. Et je suis bien.

  • Speaker #1

    Et ça dure combien de temps ?

  • Speaker #0

    Et ça dure un mois et demi. Et au bout d'un mois et demi... ça y est, je prends la voiture, je cherche le coffre, puis je commence à rouler tout droit vers l'océan.

  • Speaker #1

    Donc, retour vers Biarritz.

  • Speaker #0

    Et là, cette nouvelle vie qui s'ouvre à moi dans une petite cabane, en fait, là, vraiment, je fais de ma sobriété la priorité de ma vie.

  • Speaker #1

    Et donc là, tu es dans un environnement qui te convient ?

  • Speaker #0

    Je suis dans un environnement de rêve, en fait.

  • Speaker #1

    D'accord. Et qu'est-ce que tu fais de tes journées ?

  • Speaker #0

    Je me laisse vivre et je m'écoute, en fait.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et ça... Retrouver ça, c'est juste magique. D'avoir zéro contrainte, j'ai cette chance. J'ai cette chance de pouvoir me permettre de juste m'écouter. Je me lève, je fais un petit yoga, je prends le vélo, je fais mon petit thermo de café, je vais le boire à la plage. Et puis surtout, je commence à me plonger à fond dans le surf.

  • Speaker #1

    D'accord. Et alors le surf ?

  • Speaker #0

    Et le surf, je pense que c'est un peu le palliatif. Je pense que ça devient mon addiction positive. C'est ce qui vient remplacer. très vite, finalement, l'alcool et qui vient me soutenir et être mon pilier. Donc, les premiers mois, je ressens des cravings qui sont quand même assez intenses, assez perturbants, parce qu'en fait, je suis toute seule, je ressens ce truc-là. C'est dur. Tu te dis, waouh, ça fait peur. En fait, ça fait peur parce que je sais que cette fois-ci, c'est la bonne, mais quand même, à tout moment, tu peux craquer. Et du coup, dès que j'ai un craving, c'est simple. Je charge la voiture, je mets la planche et je vais me foutre à l'eau. qu'il pleuve, qu'il y ait du vent, que les vagues soient bonnes, pas bonnes, qu'elles soient grosses, pas grosses.

  • Speaker #1

    Tu vas à l'eau.

  • Speaker #0

    J'y vais. Je comprends que là, je rentre dans une nouvelle phase de ma thérapie et que ce qui va devenir incontournable, c'est prendre soin de mon corps. Et là, c'est une révélation. Je me dis, mais... En fait, pourquoi je n'ai pas compris ça plus tôt ? Me reconnecter à mon corps, en fait, c'est ça qui va me permettre de construire l'après.

  • Speaker #1

    Ça, c'est quelque chose que tu ressens ?

  • Speaker #0

    C'est d'une force. Et en fait, très vite, je retrouve des sensations. À travers la connexion avec l'élément, notamment l'océan, je retrouve des sensations. Et puis le surf me permet de reconnecter vraiment avec chaque partie de mon corps. avec mes membres, mes muscles, de sentir mon corps reprendre vie, être vivant. Parce que je pense que malgré tout, l'alcool te déconnecte complètement de tes sensations, de ta contenance, de ce côté vivant. Je pense que tu es quand même dans une démarche où tu t'anesthésies vachement le corps. Et là, de ressentir les courbatures, les bras qui tirent, tu le sais, en surf. les épaules, les trapèzes, mais d'avoir cette sensation du corps qui souffle, mais qui en même temps se construit dans sa solidité. Mais c'est une révélation, c'est génial. C'est fabuleux.

  • Speaker #1

    Et donc ça, en gros, cette pratique du surf et de contact avec l'océan, ça t'a aidé. Tu sens qu'il y a eu un cap qui a été franchi avec ça ?

  • Speaker #0

    En fait, plus que m'aider, franchement, ça m'a sauvé la vie. Dans ce travail d'abstinence, qui est très difficile parce que, toi en tant que médecin, je ne sais pas ce que tu en penses, mais moi je trouve que finalement la partie sevrage, quand ça fait des années que tu es en train de travailler sur ton addiction et ta dépendance, Bien sûr que c'est dur, mais finalement, une fois que tu as passé ce sevrage physique, ce que je trouve hyper difficile et dont on parle vachement moins, en fait, et c'est dommage, c'est le maintien de cette abstinence. C'est ça qui est difficile, c'est que maintenant, OK, tu as arrêté de boire, mais qu'est-ce que tu fais de ta vie, quoi ? Et en fait, moi, le surf, le rapport à... Allô, cette nouvelle vie dans le sud-ouest, dans un environnement beaucoup plus sain quand même, et très connecté à la nature, il m'a permis de me projeter dans cette nouvelle vie abstinente, sans l'alcool. Moi, à 34 ans, à travers la sobriété, j'ai eu le sentiment vraiment de me révéler, de me découvrir vraiment, de découvrir qui j'étais.

  • Speaker #1

    Et un conseil que tu donnerais aux personnes qui ont un proche ? qui est touché par cette addiction, quel conseil tu donnerais pour aborder le sujet ou pour accompagner les proches de personnes addictes ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est très dur pour l'entourage parce qu'ils subissent au quotidien aussi les conséquences de l'addiction. Donc, des fois, ils sont dans leurs propres émotions, dans la colère et c'est assez justifié finalement. Mais déjà d'une, je leur conseillerais de se renseigner sur les mécanismes de l'addiction parce qu'en fait, de comprendre... qu'il y a un vrai mécanisme physiologique, c'est hyper important pour se libérer de l'injonction de la volonté. De penser que celui qui boit ou celui qui se drogue, c'est qu'en fait, il n'a pas de volonté s'il n'arrive pas à arrêter. Déjà, il faut qu'on sorte de ce préjugé-là. C'est une connerie.

  • Speaker #1

    Maladie, l'addiction, dans le cas.

  • Speaker #0

    Maladie. Et en fait, c'est terrible parce qu'il y a des addicts qui se prennent des trucs dans la gueule parce qu'on leur renvoie en permanence leur incapacité à s'en sortir. Alors que ces gens-là, ils doivent déployer une force exceptionnelle pour dépasser ce truc-là. Donc déjà, c'est comprendre pour mieux accompagner. Faire preuve de bienveillance, de patience, et puis déjà la communication, je pense que c'est déjà bien, parce que je l'ai vu dans les réunions, il y a beaucoup de gens qui n'ont pas la possibilité d'en parler autour d'eux.

  • Speaker #1

    Et puis alors, moi je prêche un peu ma paroisse, mais toi c'est vrai que ça ne s'est pas très bien passé avec les addictologues que tu as vus. Moi je suis formé en addictologie, et c'est vrai que je pense que les choses ont bien évolué dans certaines structures, et c'est vrai que l'addictologie maintenant c'est de plus en plus une prise en charge intégrative, avec effectivement un médecin qui peut être addictologue. Mais normalement, t'es amené aussi à voir des psychologues, parfois des psychiatres, être mis en contact avec le milieu associatif, et puis d'autres corps de métier, notamment sur l'activité physique, etc. Et puis aussi trouver probablement des gens avec qui tu réussis à créer une alliance, j'imagine. C'est un peu ce que tu as décrit avec le psychiatre. Colline, qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour la suite ?

  • Speaker #0

    Non, j'aimerais pouvoir m'investir un peu plus dans tout ce qui touche aux addictions, notamment sur le public féminin, parce que je trouve que c'est un public qui est encore très stigmatisé. Et c'est vrai que quand on parle d'alcool et de femmes, c'est deux mots qui créent un truc assez négatif. Et j'aimerais bien qu'on change le regard là-dessus, parce qu'en fait, une femme qui boit, au fond d'elle, c'est une superwoman. et j'aimerais bien pouvoir développer un peu plus d'action dans ce sens-là, et aider les femmes à reprendre leur pouvoir et à vivre une sobriété heureuse.

  • Speaker #1

    Je suis entièrement aligné avec ça. Écoute, on aurait pu discuter, je pense, pendant trois heures, on a dépassé probablement le temps. Moi, j'aurais pu discuter avec toi aussi de surf pendant très longtemps, parce que c'est un sujet qui me tient vraiment à cœur, et effectivement, le contact avec l'océan et le surf, c'est... C'est un effet assez incroyable. Il y a pas mal de publications scientifiques à ce sujet-là. Après, tout le monde n'a pas la chance de vivre près de l'océan, mais c'est des descriptions scientifiques qui ont été aussi abordées sur d'autres sujets en rapport avec la nature, avec la montagne, avec la forêt. Ils font des bains de forêt au Japon. On a besoin d'être en contact avec la nature parce que finalement, on vient de là. Et bon, voilà. Donc, merci mille fois pour ce témoignage. Et puis, je te souhaite le meilleur pour la suite.

  • Speaker #0

    Merci César.

  • Speaker #1

    Allez, ciao.

  • Speaker #0

    Salut.

  • Speaker #1

    Merci à toutes et à tous de nous avoir suivis. N'hésitez pas à partager cet épisode. J'espère que la parole de Colline vous a autant aidé que moi à comprendre cette pathologie. Je la remercie encore vivement de nous avoir confié son histoire. Pour compléter le témoignage de Colline, nous avons sollicité l'éclairage d'une experte. Découvrez notre échange sur la thérapie bleue la semaine prochaine. Si vous souhaitez aller plus loin, je vous recommande ces associations. L'association Addiction France, la Fédération Addiction ou encore l'association SOS Addiction. On se retrouve dans deux semaines, même jour, même heure, pour entendre une autre histoire de passion. En attendant, je vous dis à très vite et surtout, prenez soin de vous !

  • Speaker #0

    Ce podcast vous a été proposé par la plateforme Levy.

Description

Comment affronter le quotidien quand on boit jusqu’à 6 bouteilles de vin par jour ? Comment accepter son addiction pour s’en libérer et célébrer une sobriété joyeuse ?

En France, l'alcool est ancré dans notre culture. Il représente 22 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an… Pourtant, l'alcool, c’est aussi la première cause d'hospitalisation dans notre pays.

Aujourd’hui dans « Patients » on va parler d’un sujet qui touche plus d’1 million de personnes en France : l’addiction à l’alcool.


Pour aller plus loin : 


Vous pouvez suivre Coline sur son compte Instagram : https://www.instagram.com/nuagerosesobriete?igsh=enkzNmRucHJ0Z3lo  


Vous souffrez d’addiction vous souhaitez en parler avec un médecin généraliste ou spécialiste ? 
Nos médecins sont à votre écoute.


*Ce podcast recueille des témoignages personnels qui peuvent heurter votre sensibilité. Nous vous rappelons que ces récits représentent le vécu de nos invités et ne sont pas nécessairement représentatifs de notre point de vue.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ce podcast vous est proposé par la plateforme Livi.

  • Speaker #1

    Bonjour, je m'appelle César Ancel-Ancel. Je suis médecin généraliste et urgentiste. Bienvenue dans Patient, saison 2.

  • Speaker #0

    Colline et l'addiction

  • Speaker #1

    Une bière fraîche en terrasse, un verre de vin au repas, un gin tonic à l'apéritif ou une coupe de champagne pour célébrer. En France, l'alcool est ancré dans notre culture. Il représente 22 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an. Pourtant l'alcool, c'est malheureusement aussi la première cause d'hospitalisation en France. Et on estime que 1 million de personnes souffrent d'addiction à l'alcool. L'addiction est une maladie chronique, complexe et multifactorielle. Caractérisé par les 5 C du professeur Carilla. Perte de contrôle, envie irrépressible de consommer, conséquences physiques ou sociales, compulsion et usage continu. Elle peut s'installer insidieusement, nous éloignant de notre corps et de notre liberté. Alors comment se déclenche une addiction ? En quoi consiste cette perte de contrôle et quelles en sont les conséquences ? Et enfin, comment peut-on s'en sortir ? Aujourd'hui, j'ai la chance d'accueillir Colline, qui va nous raconter son histoire. Bonjour Colline.

  • Speaker #0

    Bonjour César.

  • Speaker #1

    Colline, est-ce qu'on peut se tutoyer ?

  • Speaker #0

    Avec plaisir, oui.

  • Speaker #1

    Comment vas-tu ?

  • Speaker #0

    Super bien, je suis ravie d'être là et de pouvoir échanger sur ce sujet qui me tient à cœur.

  • Speaker #1

    Écoute, moi je suis ravi de te recevoir aussi aujourd'hui dans cet épisode de Patient. Tu vas nous raconter ton histoire face à l'addiction. Est-ce que tu peux te présenter ?

  • Speaker #0

    Alors, je suis Colline, j'ai 38 ans, j'habite à Biarritz et je suis entrepreneur et j'accompagne des dirigeants dans le déploiement de leur vision.

  • Speaker #1

    Alors, effectivement, c'est un épisode un peu particulier. On est à Biarritz, où j'habite aussi. Donc, on va revenir un peu sur Biarritz et sur la place de l'océan dans cet épisode. Avant de commencer, Colline, est-ce que tu peux nous dire ce qu'est l'addiction ?

  • Speaker #0

    Alors, pour moi, l'addiction, c'est un rapport toxique à quelque chose. qui nous enferment et qui nous limitent finalement dans nos libertés et notre libre arbitre.

  • Speaker #1

    Donc toi, concernant l'addiction, tu as rencontré des difficultés avec l'alcool. Est-ce que tu peux nous expliquer à quel moment l'alcool est entré dans ta vie ?

  • Speaker #0

    L'alcool est entré dans ma vie assez tôt, je dirais autour de mes 18 ans. Évidemment, quand on commence à sortir, à passer un cap dans la sociabilisation, Ça va avec la fête, les sorties, donc c'est là que j'ai commencé un petit peu à jouer très tôt avec le feu. Et puis ça s'est accéléré ensuite avec les études supérieures. Voilà, ça fait partie aussi des rituels de la vie étudiante.

  • Speaker #1

    18 ans, finalement, si on regarde les statistiques, c'est assez tard finalement, parce qu'on s'aperçoit qu'il y a beaucoup d'ados qui sont très vite exposés à l'alcool. Avant 18 ans, pas de consommation d'alcool ?

  • Speaker #0

    Si, j'ai... Alors, c'est vrai que finalement, quand j'y repense, il y en a eu tellement que parfois, on ne sait plus trop. En fait, je me rappelle que ma première cuite, je devais avoir 14 ans.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    J'étais à la montagne, on était partis faire du snowboard avec les copines. Et en effet, je me souviens de ce premier épisode avec de la bière qui a hyper mal terminé.

  • Speaker #1

    Cuite, tu veux dire quoi ? Tu as été malade, tu as vomi ?

  • Speaker #0

    Grosse cuite, malade. Oui, malade, parce que j'avais voulu faire un peu la maligne devant des mecs plus âgés. Et oui, oui, j'ai vomi, ça a été terrible. Donc finalement, première cuite, 14 ans, c'est vrai.

  • Speaker #1

    D'accord, mais ensuite, de 14 à 18 ans ? Tu ne buvais pas régulièrement, le week-end ou des choses comme ça ? Non,

  • Speaker #0

    franchement, il y a eu des petites alcoolisations qui sont restées assez légères. Je pense qu'il y a eu vraiment un emballement à partir de mes 18 ans, associé à une rencontre aussi amoureuse de quelqu'un qui était déjà pas mal dans les consommations de produits et d'alcool. Et je pense que là, vraiment, il y a eu un emballement.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu avais comme mode de vie à ce moment-là, justement ? Comment ça se passait ?

  • Speaker #0

    La vie étudiante, elle est rythmée par les cours.

  • Speaker #1

    T'étudies quoi ?

  • Speaker #0

    Alors j'ai commencé avec sciences politiques, après j'ai très vite réorienté sur la communication et le marketing. D'accord. Et puis la fête, elle fait totalement partie de la vie étudiante. Il y a très peu d'étudiants qui restent dans leur coin à étudier et à potasser. En fait, ça fait partie du truc. Et d'ailleurs, j'ai eu des années d'études où je faisais plus la bringue que j'étudiais. Ouais. Pour le dire franchement. Et puis en fait, très vite, j'ai mis en place un système pour nourrir en fait ses besoins de fête, ses envies de sortie.

  • Speaker #1

    C'est quoi le rythme ? J'aimerais bien que les gens qui nous écoutent comprennent un peu. Donc t'étudies, c'est des études quand même assez costaudes. Mais c'est quoi le rythme d'alcoolisation par exemple ?

  • Speaker #0

    Franchement, jusqu'à 25 ans... Je pense que ça reste dans l'acceptable. C'est-à-dire que finalement, je bois comme beaucoup de gens qui m'entourent.

  • Speaker #1

    C'était combien d'alcoolisation par semaine ? Le week-end, tu disais ?

  • Speaker #0

    Franchement, c'est compliqué à dire. Moi, ce dont je me souviens le plus, ce n'est pas forcément le nombre d'épisodes, mais c'est plutôt le volume par épisode. C'est-à-dire que moi, très vite, je suis tombée dans un rapport compulsif. un verre qu'en entraîne un autre et en fait, je ne peux plus m'arrêter.

  • Speaker #1

    D'accord. Ça, tu l'as repéré vite.

  • Speaker #0

    Très vite. Très vite, en fait, je me rends compte que le problème, il n'est pas de ne pas boire tous les jours. Étudiante, j'arrive totalement à faire des semaines sans boire quand il faut que je me concentre et quand il faut que je rattrape tout le boulot que je n'ai pas fait en fin de semestre pour valider mes cours. Mais c'est plutôt quand je commence, je n'arrive pas à m'arrêter. Je suis inarrêtable.

  • Speaker #1

    Donc, tu décris bien la compulsion.

  • Speaker #0

    C'est une compulsion. En fait, je bois un verre, je ne peux pas en boire qu'un. il faut que j'en boive un deuxième, un troisième, un quatrième. Et ça, au fil des années, c'est vraiment le truc qui s'empire de plus en plus.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que la compulsion devient de plus en plus forte et incontrôlable.

  • Speaker #1

    D'accord, donc la perte de contrôle, la compulsion. Et effectivement, tu soulignes ce détail, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui attribuent le fait d'avoir un problème avec l'usage de produits, sachant que s'ils ne consomment pas tous les jours, ils ne pensent pas que c'est problématique, alors que ça peut être problématique même si tu consommes une ou deux fois par semaine finalement.

  • Speaker #0

    Quand j'ai décidé de faire des démarches pour arrêter de boire, je me suis beaucoup confrontée au regard de mon entourage et de certaines personnes autour de moi qui me disaient Non mais ça va, t'es pas alcoolique en fait, tu bois pas le matin quand tu te lèves.

  • Speaker #1

    Ouais, c'est ça.

  • Speaker #0

    Donc on reste encore sur une vision de ce qu'est l'alcoolisme qui est très réductrice finalement par rapport à tous les risques que ça comporte et tous les publics que ça touche. Donc, en fait, non, on peut avoir un problème avec l'alcool, même si on ne boit pas de la vodka en se levant de son lit le matin. Et même si on ne boit pas tous les jours, en fait, du moment que l'alcool, il commence à avoir un impact sur ta vie et que tu n'es plus en plein contrôle de ta consommation, tu as un problème avec l'alcool.

  • Speaker #1

    Donc là, on va parler de l'impact, des conséquences, qui est aussi un critère très important qui définit l'addiction. Toi, quand tu es étudiante, est-ce que... Ces alcoolisations, elles ont un impact ou des conséquences sur tes résultats ?

  • Speaker #0

    À ce moment-là, pas du tout.

  • Speaker #1

    Pas du tout.

  • Speaker #0

    Franchement, j'excelle, je continue à exceller. C'est-à-dire, je m'amuse, je fais la fête, je bois beaucoup, je me construis, je pense, une personnalité autour de ça, avec beaucoup de gens qui m'entourent, cette capacité à fédérer.

  • Speaker #1

    Ah, tu te construis une personnalité.

  • Speaker #0

    Ouais, je pense.

  • Speaker #1

    Il y a des côtés positifs à ce moment-là.

  • Speaker #0

    À ce moment-là, oui. Je suis cette fêtarde qui rassemble chez qui c'est le QG et chez qui on vient faire la bringue, en fait.

  • Speaker #1

    Et chez qui on se marre bien.

  • Speaker #0

    Et chez qui on se marre bien. Parce que la Colline qui boit et qui est étudiante, elle est drôle et puis elle est sans limite. Donc, elle fait des conneries, mais elle nous fait rire. Elle amuse la galerie, quoi. Et en plus, en parallèle de ça, je pense que je ne suis pas trop bête. J'arrive à m'en sortir largement avec les cours, avec une assez grande facilité. Donc... en fait, tout va bien.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu ressens à ce moment-là d'autres conséquences ? On a vu au niveau des interactions sociales, c'est plutôt que du positif. Au niveau de ta santé, au niveau du sommeil, au niveau de ton bien-être, ton moral, tu ressens des conséquences ?

  • Speaker #0

    En fait, pas trop. Pas trop encore à ce moment-là. Je ne ressens pas tous ces signes parce qu'en fait, c'est OK. J'arrive à tout maîtriser à côté, à part les gueules de bois terribles. Je pense que ça, de toute façon... Dès le départ, c'est le pire du pire, quand tu te retrouves au fond de ton lit. en angoisse. Et puis après, je pense qu'il y a aussi des prises de substances qui sont associées et du coup, qui viennent interagir et qui te mettent dans des états vraiment pas cool le lendemain.

  • Speaker #1

    Quelle substance ?

  • Speaker #0

    Moi, très vite à ce moment-là, je goûte un peu à tout. D'accord. Je suis une exploratrice.

  • Speaker #1

    Quoi, cannabis ?

  • Speaker #0

    Alors oui, le cannabis, mais très vite plutôt la coke. Et puis même ecstasy, c'est un peu la drogue.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que ça peut être une soirée typique à cette époque-là ?

  • Speaker #0

    C'est hyper difficile à dire parce que moi, au fur et à mesure du temps, j'ai commencé à vraiment développer une grosse addiction avec le vin. J'étais amoureuse de vin rouge, mais vraiment, je me revois en boîte demander du vin rouge alors qu'il n'y en avait pas, quoi, en fait. Mais je pouvais me descendre des bouteilles toute seule. Je ne sais pas, quand vraiment ça allait loin, je pense que je pouvais faire six bouteilles de vin rouge, toute seule, sans problème.

  • Speaker #1

    Dans la soirée ?

  • Speaker #0

    Dans la soirée.

  • Speaker #1

    Et avec d'autres produits ?

  • Speaker #0

    Avec de la coke. Et la coke, en fait, ça rentre vite dans le truc parce que ça t'aide à tenir l'alcool. Donc, en fait, tu prends de la coke, tu bois encore plus de bouteilles. Et moi, j'étais la survivante.

  • Speaker #1

    Tabac aussi,

  • Speaker #0

    tu vois. Le matin. Oui, clope, évidemment.

  • Speaker #1

    Oui. C'est un classique, l'association alcool, coke, tabac. C'est un classique. Donc, c'était un des classiques de tes soirées, ça.

  • Speaker #0

    Ça, c'est un classique de mes soirées. Ouais, ouais, complètement.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'à ce moment-là, on t'alerte ? Est-ce qu'il y a des gens dans ton entourage ? qui sont entre guillemets clean ou qui se posent des questions là-dessus, qui s'interrogent ?

  • Speaker #0

    Pas trop parce que finalement, je suis entourée de gens qui sont des fêtards et des bringueurs aussi. On va chercher ce qui nous convient. Donc, je suis entourée de gens comme moi. Donc, en fait, ça va. Là où il y a un point de vigilance quand même, c'est que moi, j'ai un papa qui a eu un problème avec l'alcool. D'accord. Donc, je connais le sujet de l'alcool.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'il a eu ? Il a eu quoi comme problème ?

  • Speaker #0

    Il a été alcoolique et en fait, il s'est soigné quand moi, j'étais enfant. Donc, ce n'est pas du tout un sujet tabou dans ma famille. On en a toujours parlé assez librement, avec toujours le point de la vigilance dont mes parents m'ont toujours parlé, en me disant attention. On le sait aujourd'hui, il peut y avoir des facteurs génétiques et des terrains fertiles, on va dire, pour des comportements à risque vis-à-vis des addictions. Donc, sachant que papa a pu connaître cette problématique-là, sois vigilante, fais attention. Donc, il y a quand même toujours une mise en garde, un petit... Venant des parents, attention Colline quand même, quand ils me voient rentrer les week-ends, bringuer ou revenir avec la voiture pleine de vomi, des trucs improbables. Il y a quand même un peu cette mise en garde, mais plutôt du côté familial.

  • Speaker #1

    Mais alors, toi vis-à-vis de ces remarques, comment tu réagissais ? Est-ce que toi, le fait d'avoir eu ce dialogue avec tes parents, est-ce que toi, tu avais de temps en temps une petite voix ? Est-ce que tu considérais ces remarques plus que ce que tu te disais à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    dans cette première phase-là, jusqu'à mes 25 ans, oui, bien sûr, j'ai toujours eu un rapport à moi-même très introspectif. Donc, forcément que j'y pense et qu'au fond de moi, je me dis que ce n'est pas totalement normal. Mais en fait, comme tout est fonctionnel dans ce système-là, franchement, à ce stade-là, je me dis, voilà, je continue.

  • Speaker #1

    Tu expérimentes, en fait.

  • Speaker #0

    J'expérimente, je suis jeune, je me sens vivante. Je suis un peu dans ce rapport aussi très extrême de la sensation. Et... et je me dis voilà je m'éclate et puis en fait c'est ça être vivant c'est aller au bout des limites et jouer avec donc pour l'instant tout fonctionne comme ça à partir de quand tu gères plus ? en fait au delà de ne plus gérer je pense que c'est tellement insidieux que je serais incapable de définir un moment précis de je ne gère plus en fait je pense que c'est un truc qui est hyper important de préciser sur ces addictions là c'est que c'est extrêmement insidieux, sournois et ça s'installe petit à petit dans ta vie Et c'est ça le danger d'ailleurs, c'est que tu as l'impression que tu gères, tu gères, tu gères, tu gères, et puis à un moment, tu réalises qu'en fait, plus rien n'est sous contrôle. La première prise de conscience, elle arrive quand j'ai 25 ans. Je rentre de six mois d'études à Londres. où j'ai évidemment beaucoup bringué. Et à ce moment-là, je suis en couple, déjà depuis pas mal d'années avec quelqu'un, malgré la distance, etc. Et il me propose de passer quelque temps chez lui en revenant de Londres. Et très vite, ça s'emballe, parce qu'on se retrouve à faire la brinque tous les soirs, à boire des coups, à voir les copains, à faire la fête. Et lui, il craque, parce que dans ces moments-là, j'ai plus de limites.

  • Speaker #1

    D'accord. Enfin...

  • Speaker #0

    dans ma personnalité sobre et pure, je suis quelqu'un de très affectueux, qui aime beaucoup être proche des autres et des gens que j'aime. Mais quand je bois, en fait, je deviens extrêmement tactile. Et ça, c'est quelque chose qui le dérange. Parce qu'il est jaloux, parce qu'il n'aime pas ça. Et ça commence à créer des tensions entre nous. Jusqu'au jour où ça pète. Et il me dit, écoute, Colline, en fait, je ne peux plus. Je ne peux plus, il faut que tu fasses quelque chose parce que tes comportements, ils sont trop extrêmes, en fait. Et ça me fait du mal, quoi. Il me ramène chez mes parents. Je me souviens de toute ma vie, on se tape quatre heures de route. Il me ramène chez mes parents, il me pose devant eux. Et il leur dit, voilà, votre fille, elle a un problème, il faut qu'elle se fasse soigner. Et en fait, là, il m'oblige, en fait. Il m'oblige à cette première prise de conscience et il m'oblige à en parler. Donc, j'ai cette première discussion avec mes parents et j'ai 25 ans. Et c'est ce qui me fait voir pour la première fois un addicto et commencer un travail.

  • Speaker #1

    Comment ça se passe, là, alors, après ça ?

  • Speaker #0

    Là, franchement, c'est pas très agréable. Parce qu'en fait, je me retrouve un petit peu obligée. Donc déjà, ça ne me plaît pas trop, parce que moi, je n'aime pas trop qu'on me dise ce qu'il faut que je fasse. Et puis surtout, je me retrouve face à mes parents, à devoir un peu me justifier. Et puis eux, forcément, dans l'inquiétude et connaissant le sujet, ils décident de ne pas me laisser tomber comme ça. Et puis en fait, je pense... un peu pour prouver que je suis capable de gérer, j'accepte d'aller voir un addictologue. Et c'est là que commence, en fait, pour moi, le début de la thérapie. Mais ça, juste pour remettre dans le contexte, c'est dix ans avant de vraiment arrêter de boire pour toujours.

  • Speaker #1

    Comment ça se passe, le premier contact en addictologie ?

  • Speaker #0

    Je le vis assez mal. Déjà, je n'ai pas l'impression d'être à ma place. J'ai 25 ans, je suis dynamique.

  • Speaker #1

    Tu travailles à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    À ce moment-là, je suis sur ma dernière année d'études, donc je ne bosse pas encore. Mais je réussis très bien mes études, j'ai voyagé, je suis très entourée. En fait, j'ai une vie qui coche toutes les cases à ce moment-là, donc en fait, j'ai pas trop l'impression d'être à ma place quand j'arrive à l'hôpital à Paris pour voir un addicto. Je suis reçue dans ce cabinet. Et très vite, en fait, on me parle de traitement, de médicament. Donc là, pareil, je ne comprends pas trop. On fait le point. Finalement, on me met un peu dans des cases en me posant des questions sur ma conso. Enfin, essayer de définir ce que je trouve très difficile. Parce que finalement, quand on n'est pas très conscient encore de son problème, on a du mal à définir combien on boit, comment. Et puis, je sors de là avec une prescription pour un médicament qui, en fait, quand tu consommes, te fait vomir.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Donc en fait, le principe de cette thérapie-là, c'est si tu bois, tu vas être malade. Donc déjà, je n'adhère pas totalement, parce que je me dis que c'est quand même bizarre d'être dans une espèce de punition. Et par ailleurs, l'addicto me dit, voilà, j'aimerais bien que si vous consommez, vous notiez en fait vos consommations. Donc je me retrouve dans un truc où je dois compter le nombre de verres que je bois. Et là, c'est l'angoisse. Et là, c'est l'angoisse parce que je me rends compte que les compter, ça me fait prendre conscience du volume. Et surtout, j'essaie de me limiter. Et là, pour la première fois, je fais face à mon impossibilité de contrôle.

  • Speaker #1

    Ah, OK.

  • Speaker #0

    Et c'est très dur, mais voilà. Donc très vite, je rencontre aussi un médecin psychologue qui travaille dans une association pour l'alcool. Mais pareil, je ne me trouve pas très à ma place. Et finalement, je ne me sens pas hyper prise au sérieux, hyper comprise. J'ai quelqu'un en face de moi qui a l'habitude de recevoir des hommes, beaucoup, d'un certain âge. Et voilà, j'ai encore l'impression que je n'ai rien à foutre là. Que moi, tout va bien dans ma vie. Je ne comprends pas trop.

  • Speaker #1

    Ce médicament, tu vas le prendre ?

  • Speaker #0

    J'ai dû le prendre peut-être deux, trois jours, et puis j'ai vite arrêté de le prendre.

  • Speaker #1

    Et l'agenda des consommations, tu vas tenir ce calendrier ?

  • Speaker #0

    Non, je lâche vite l'affaire aussi. Donc en fait, toute cette première mise en place de thérapie, elle dure, je pense, deux, trois mois. Et puis très vite, je me dis, attends, ça va, tout va bien. Je commence à bosser dans la pub, dans un environnement où tout ça est très présent, la drogue, l'alcool. Donc finalement, pareil, tout vient nourrir mon système. Donc je me dis, attends, tu vois bien que tout ça, finalement, c'est la normalité. Tout le monde le fait. Donc OK, t'es un peu excessive, c'est vrai. Mais ça fait partie de qui tu es. T'es une arrachée, t'es une déglingo. Ça fait aussi partie de la liberté de ton être.

  • Speaker #1

    À partir de ce moment-là, j'imagine que tu n'as plus d'accompagnement ou de suivi en addictologie ou tu maintiens quand même un contact ?

  • Speaker #0

    J'arrête tout. J'arrête tout, je commence à bosser, ça se passe bien, je suis hyper motivée. Je crée ma petite vie sociale à Paris, j'habite à Pigalle. berceau de la fête.

  • Speaker #1

    Et donc, tu reprends les fêtes ?

  • Speaker #0

    Bien sûr. En fait, je n'ai jamais vraiment arrêté. Donc, non, non, je continue. Je vais en club. Je fais des afters sans fin. À midi, le samedi, je ne suis toujours pas couchée. Et en fait, je vis cette vie-là pendant plusieurs années. Et puis, il commence à y avoir de la souffrance. Associée, bien sûr, parce que tu fais des conneries, en fait, quand tu te crées une vie comme ça.

  • Speaker #1

    C'est quoi, les conneries ?

  • Speaker #0

    Je suis dure.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Je suis dure dans mon rapport aux autres, donc je dis des vérités qui font mal.

  • Speaker #1

    Tu te disputes avec des amis ?

  • Speaker #0

    Je me dispute. Il y a des matins, tu te réveilles, tout le monde te fait la gueule, et t'es là, mais qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #1

    Ah oui, tu te souviens pas ?

  • Speaker #0

    Et tu ne te souviens pas hier de ce que tu as fait, de ce que tu nous as dit ? Puis moi, je suis un être très instinctif quand je bois. Donc en fait, il n'y a plus de normes qui existent. La société n'existe plus. Donc je deviens un petit animal plein de pulsions. Donc en fait, je fais n'importe quoi. Je peux aller embrasser le mec d'une copine. Je peux me foutre sur le bar et montrer mes seins à tout le monde. Donc c'est amusant dans une certaine mesure, mais je pense que mes potes, au bout d'un moment, ils commencent à en avoir un peu ras-le-bol, en fait. Parce que ça crée des emmerdes et des problèmes pendant les soirées, tout ça.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu te blesses ? Est-ce que tu finis aux urgences ? Est-ce que tu as des choses comme ça au niveau physique, des accidents ?

  • Speaker #0

    Alors, je finis jamais aux urgences, mais je finis quand même chez les flics une fois.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    qui me suivent parce qu'ils voient que je ne suis pas dans mon état normal et qu'il y a un mec, finalement, qui me colle et il voit qu'il y a un truc pas très clair. D'accord. Évidemment, je me mets dans des situations qui auraient pu être tragiques.

  • Speaker #1

    Et donc, toujours l'alcool avec le vin rouge, toujours l'association éventuelle avec d'autres produits.

  • Speaker #0

    Ouais.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu commençais à ressentir dans la semaine, par exemple, les jours où tu ne consommais pas, des conséquences psychologiques ? sur ton humeur, sur tes émotions ?

  • Speaker #0

    Alors, les redescentes, oui, tu les sens. Déjà, tes week-ends, une fois que tu les as bien fêtés, la fin du week-end, elle se passe au fond du lit, en agonie. Donc ça, c'est un moment qui n'est pas agréable. On essaie d'oublier. Donc, on mange de manière compulsive pour éponger, pour essayer de se redonner un peu d'énergie. Et puis, on regarde des trucs débiles pour s'abrutir le cerveau et ne pas penser à tout ça, en fait. Pas réfléchir. Et puis surtout, il faut vite reprendre des forces parce qu'il va falloir vite que tu répares toutes les conneries que tu as faites pendant le week-end. Et ça, ça demande beaucoup d'énergie de réparer. Et puis en effet, il faut repartir au boulot, en forme et assuré. Donc en fait, tu commences à rentrer dans un système de montagne russe où tu es tout le temps en train de jouer avec les extrêmes.

  • Speaker #1

    En fait, ce cycle-là, il va durer combien de temps avant que tu redécides d'être accompagné ?

  • Speaker #0

    Ce cycle-là, pour moi, il dure cinq ans. Cinq ans, quand même. Même un peu plus, peut-être. Jusqu'à ce que je parte à New York, j'ai une opportunité pour le boulot, je pars à New York, je suis dans un métier qui ne me donne aucune liberté, un métier de service très exigeant dans lequel je bosse 24-24, dans lequel j'ai peu de temps pour moi, et en fait, les seuls moments que j'ai pour moi, j'ai tellement besoin de décompresser que je commence à boire. Et là, je commence à boire beaucoup toute seule.

  • Speaker #1

    Tu faisais quoi, juste, comme activité à New York ?

  • Speaker #0

    J'étais assistante personnelle d'une célébrité.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et donc, comme tu peux l'imaginer, c'est un peu comme on voit dans les films.

  • Speaker #1

    D'accord, oui.

  • Speaker #0

    C'est un métier qui est passionnant, que j'adorais faire parce qu'il m'a apporté des tas de choses. Mais je pense qu'il m'a fait passer un deuxième cap aussi dans mon alcoolisation. Dès que j'avais un peu de temps pour moi, en fait, je buvais. Et je me souviens, à la fin de New York, j'en étais arrivée au point où je ne sortais même plus. les week-ends parce que j'étais crevée. Et en fait, je passais au wine store acheter des bouteilles de vin. Et je rentrais à la maison et je me mettais ma musique. Et en fait, j'avais créé un rituel. Et je buvais mes bouteilles de vin en écoutant ma musique toute seule. Et en fait, pour moi, c'était une bulle de réconfort. C'était un moment où je pouvais enfin me retrouver moi-même, m'apaiser et prendre soin de moi.

  • Speaker #1

    Donc tu buvais seule, en quantité, c'était quoi ?

  • Speaker #0

    Toute seule, trois bouteilles de vin, quatre bouteilles de vin, rouge.

  • Speaker #1

    À temps malade ou non ?

  • Speaker #0

    En fait, mon corps, plus j'avançais, moins je vomissais pas. C'était ça qui était terrible avec le vin à la fin. C'est qu'en fait, mon corps, il tenait le coup. C'est-à-dire que même à un moment, je pouvais rentrer en blackout, ne plus avoir de conscience des choses, mais mon corps tenait le coup.

  • Speaker #1

    D'accord. Mais toi, à ce moment-là ? tu t'aperçois que ça va pas, en fait.

  • Speaker #0

    Moi, je commence à souffrir, là, parce que je me planque quand même des bouteilles. Et puis, en fait, je me dis, attends, là, franchement, pourrir tes week-ends, pour te retrouver toute seule, te mettre la cuite toute seule et puis passer le lendemain au lit, il y a quand même un truc qui tourne par rond, quoi. Donc là, je commence à comprendre quand même qu'il y a un vrai souci. Je finis par rentrer à Paris et je reprends un nouveau boulot. Donc là, avec tout l'engouement qui va avec, quelque chose de plus équilibré, je reprends un peu le pouvoir sur ma vie. Je reprends la place, en fait, avec une vie plus normale.

  • Speaker #1

    Parce que tu t'es aperçue que ça allait trop loin et que tu t'essayes un peu de lever le pied ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    En fait, je me rends compte que j'ai besoin d'avoir un environnement plus rassurant et que cette vie trop exigeante, elle est en train de me flinguer. Donc, c'est à ce moment-là que je rentre. Je cherche un boulot dans la cistanate direction à Paris. Je finis par trouver le bon match. Je suis hyper excitée. Je commence ce nouveau boulot. Et à ce moment-là, du coup, je me relance dans un nouveau projet. Donc, ça va à nouveau. Tu vois, c'est des phases, c'est des vagues en permanence. Donc je me dis, OK, ça va. Comme d'habitude, tu as toujours la sensation que tu vas réussir à trouver le bon point d'équilibre par toi-même et que ça va le faire. Donc je repars dans tout ça, mais finalement, l'alcoolisation, elle est toujours là. Et le système, il continue toujours à se renforcer, à se nourrir. Et puis je pense que ces quatre dernières années... À Paris, j'ai vraiment passé un autre cap. Donc là, les prises de conscience, elles sont de plus en plus fréquentes. Les réactions, elles se multiplient autour de toi, dans l'entourage. Et donc là, je décide de me faire aider. Et je me dis bon, donc je commence déjà par des thérapies alternatives.

  • Speaker #1

    Mais les prises de conscience, c'est quoi précisément ?

  • Speaker #0

    C'est les amis, déjà l'entourage. Mon incapacité à maintenir des relations amoureuses, parce que forcément, ça crée trop d'emmerdes. Donc, les copains, les amoureux, et puis les amis aussi, qui me disent, voilà, on t'aime, on sait qui tu es, mais en fait, toutes ces phrases et tout ce que ça génère sur nous, ça commence à être extrêmement pesant. Donc là, il y a quand même des gros trucs, des trucs un peu violents, où les potes me disent là, franchement, ça va trop loin. Et puis à moi, comment je me sens vis-à-vis de cette alcoolisation ? C'est-à-dire que je sens bien que je suis en train de mettre mon corps et mon esprit à rude épreuve, et qu'en fait, tout maintenir là, droit, ça commence à devenir assez compliqué. Et en fait, l'état d'épuisement. Tu vois, mental et physique. Je commence à me sentir ultra fatiguée. Mais vraiment crevée, quoi. Parce qu'en fait, à ce moment-là, je suis attachée de direction dans un grand groupe de cosmétiques. J'ai un poste à responsabilité qui est très exposé, avec de la visibilité. Il y a de l'exigence, il faut que j'assure. En plus, j'aime mon boulot, donc j'ai pas envie de faire de la merde. Et à côté de ça, il y a la vie sociale, il y a cette envie de continuer à consommer. Comment je fais pour garder tout le puzzle ? Je passe mes week-ends au lit à récupérer de la cuite de mon vendredi soir. Je commence à avoir des problèmes pour me lever pour aller au boulot le matin. Je commence à manipuler, à mentir, à me justifier. Les amis, c'est pareil, ils commencent à en avoir ras-le-bol, et puis je me mets dans des situations de plus en plus graves. Et ça, ça me fait peur, parce que je me dis, mais en fait, un jour, il va se passer quelque chose de grave, en fait. Tu te réveilles le matin, tu ne sais pas à côté de qui t'es, tu ne connais même pas le nom du mec qui a dormi dans ton lit, tu ne sais plus ce que tu as fait la veille. Je me retrouve à aller faire des prises de sang au labo, parce que finalement, je ne sais pas ce que j'ai fait la veille et si je me suis protégée. En fait, ça commence à être vachement moins drôle. Donc, la colline qui monte ses seins et qui fait rire tout le monde sur le bar, là, on a quand même passé un autre step. Et je me rends bien compte que je mets en danger ma santé, mon corps, mon intégrité. Et puis qu'en fait, ce n'est pas très beau tout ça et que je mérite mieux que ça.

  • Speaker #1

    Donc là, en gros, grosse prise de conscience à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Donc là, oui, ça commence à piquer un peu. Et donc, en effet, je commence à mettre des choses en place, déjà à mon niveau. des thérapies alternatives, un peu de pratique sportive.

  • Speaker #1

    Tu faisais du sport avant ?

  • Speaker #0

    J'ai jamais été une grande sportive, mais ça a toujours été assez présent dans ma vie. Pour avoir grandi, moi, dans les montagnes, en Savoie, dans les Alpes, tu sais, les sports de glisse, le snowboard, l'escalade, tout ce qui est lié à ton environnement, c'est présent. Mais j'ai jamais été une très grande sportive. Mais ça a toujours été là. Mais là, du coup, je me mets au yoga. Je commence à lire pas mal de bouquins, de développement personnel. J'entame un chemin, en fait. Je ne sais pas trop au début ce que je cherche, mais en tout cas, je commence à explorer certains sujets. Et puis, je vais très vite essayer de rencontrer des psychologues pour pouvoir parler de ça.

  • Speaker #1

    Tu ne repars pas vers une prise en charge addicto ?

  • Speaker #0

    Pas du tout.

  • Speaker #1

    Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Parce que cette première expérience de quelques années avant ne me donne pas du tout envie de retourner voir un addicto. Parce que je me dis, non mais super, le mec il va me filer un médoc, qu'il fait vomir, je trouve ça nul. Et du coup, je me dis, je sais pas, j'ai envie d'aborder ça plus sur le prisme de la santé mentale en fait. Comprendre pourquoi je me comporte comme ça, d'où ça vient. Donc vraiment au départ, je me dis, je vais essayer de faire mes petits trucs de mon côté quoi. En abordant le côté psychologie. Donc, je cherche des psychologues. Ça, c'est vraiment un challenge aussi pour moi. Je me rends compte que ce n'est pas facile de trouver la bonne personne. Donc, je me retrouve à rencontrer pas mal de psy avec qui ça ne matche pas. Ou je sors de la séance et je me dis, en fait, non, ça me fait chier.

  • Speaker #1

    Avec qui il n'y a pas d'alliance.

  • Speaker #0

    Avec qui il n'y a pas d'alliance. Et puis, je finis par rencontrer une première psy qui travaille un peu autour des énergies. Donc, tu vois, on est quand même dans la thérapie alternative. J'y crois pas trop, j'y vais un peu à reculons, me la conseille, je me dis moi tous ces trucs, à ce moment-là je suis pas... J'ai toujours eu une forme de spiritualité en moi mais je suis pas très branchée thérapie alternative quoi. Et puis en fait ça marche parce qu'on s'entend bien, je me sens entendue, comprise, je me sens prise au sérieux. Et ça c'est vachement important parce que je pense que c'est la première fois où j'ai vraiment l'impression qu'il y a quelqu'un en face de moi qui ne minimise pas ma souffrance. malgré que j'ai une vie qui roule, un boulot cool, et que finalement, en apparence, ma vie coche les cases. Mais en fait, cette souffrance, elle est là, et elle, elle la voit, elle la comprend. Et au bout d'un moment, elle me dit, écoute, moi, je pense que j'arrive un peu aux limites de là où je peux t'aider. Je suis quand même très inquiète pour toi, parce que je lui parle de plus en plus de mes alcoolisations violentes. Et elle me dit, moi, je peux t'aider sur le côté psy, mais en fait, je pense que là, il faut vraiment que tu ailles voir un médecin. Et donc, elle me parle de ce psychiatre avec qui elle a travaillé dans le cadre médical, dans un hôpital, et elle me dit, écoute, il est vraiment bien, j'ai totale confiance en lui. va le voir et tu verras, mais là, je suis vraiment très inquiète. D'accord. Et c'est là où il y a un switch et où je commence à aller voir ce médecin psychiatre. Et là, ma thérapie et mon chemin prend une nouvelle dimension.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Plus sérieuse. Et du coup, la conscience devient plus forte. Là, je me dis, ah ouais, quand même. En fait, c'est chaud.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    En fait, c'est chaud. Et voilà, ça a été le début du gros travail qui a duré trois ans. qui a été ponctuée, évidemment, d'énormément de rechutes.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Et franchement, c'est pour moi hyper important de dire que les rechutes, ça fait partie du chemin et du travail. Je connais peu de gens autour de moi qui ont réussi à arrêter, à mettre fin à une dépendance comme ça assez rapidement, sans rechuter. Et les rechutes, voilà, elles font partie du boulot, mais les rechutes sont de plus en plus violentes.

  • Speaker #1

    Oui, justement, j'aimerais bien y venir là-dessus. Parce qu'en fait, effectivement, comme tu le dis, c'est hyper important d'en parler. La rechute, elle fait partie quasiment de l'évolution naturelle de la prise en charge. Les gens qui rechutent souvent culpabilisent, et il y en a même qui veulent interrompre le suivi, de honte d'être jugé par le psychiatre ou l'addictologue ou le psychologue. Et donc ça, ça fait partie de l'évolution quasiment naturelle, donc il n'y a aucune raison de culpabiliser. Tu peux les décrire ces rechutes ? Parce que tu dis qu'elles sont violentes. Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Du coup, moi, je commence ce travail avec ce psychiatre qui est génial, fabuleux. Là, pareil, c'est une rencontre. Et je me dis, waouh, incroyable. Il me comprend aussi. On parle beaucoup, on est beaucoup dans l'échange. C'est quelqu'un qui parle pendant les consultations, qui ne fait pas que me regarder. Et en fait, on se pose beaucoup de questions sur... sur des probabilités de pathologies associées. Forcément, quand tu es suivi par un psychiatre, on essaie d'analyser ces changements d'humeur, ces montagnes russes, on essaie de comprendre d'où ça vient pour pouvoir agir sur la cause, sur l'origine du mal.

  • Speaker #1

    Juste pour le dire, le terme, parce que c'est un mot qui peut faire peur, mais ça s'appelle les comorbidités psychiatriques.

  • Speaker #0

    Les comorbidités psychiatriques.

  • Speaker #1

    C'est moche parce qu'il y a le mot mort, morbide, mais en gros, ça peut être de l'anxiété, tout simplement.

  • Speaker #0

    Et bien justement, en faisant ce travail avec lui, je comprends que je suis en fait une meuf extrêmement anxieuse. Et là, t'imagines, j'ai, je sais pas, 32 ans. 32 ans, je découvre que je suis une meuf extrêmement anxieuse. Et en fait, c'est fou parce qu'il y a un truc très révélateur, une espèce de prise de confiance comme ça. Je me dis mais attends, mais pourtant... Et finalement, je déroule tout et je me rends compte que j'ai toujours été anxieuse. Que j'étais une enfant anxieuse, j'en parle à mes parents, ma mère me dit mais tu sais, t'avais du mal à dormir à 6 ans parce que toute la nuit tu cogitais, tu pensais à l'avenir de l'humanité, à pourquoi il y avait des guerres. Et en fait, de comprendre, ça t'aide vachement à avancer. Donc, avec ce médecin, on est beaucoup dans l'échange, on essaie même des traitements, il arrive à me convaincre alors que je ne suis même pas très ouverte aux médicaments. Ce n'est pas trop mon délire, mais on essaye. Franchement, on essaye. On essaye un traitement au baclophène, que je trouve extrêmement lourd parce que c'est un médicament qui n'est à la base pas du tout prévu pour traiter les addictions. Donc, en fait, tu te retrouves à prendre 15 pilules par jour. et c'est censé apaiser tes cravings et tes envies de consommer.

  • Speaker #1

    Tu peux détailler ce que c'est le craving ?

  • Speaker #0

    Le craving, la définition, c'est une envie irrépressible de consommer. Et pour le décrire plus dans les sensations, pour moi, c'est un espèce de feu qui va grandir au niveau de ton plexus, mais qui va être d'une puissance telle que ça va devenir obsédant. Donc, c'est une envie de consommer.

  • Speaker #1

    C'est une vague, en fait. Il y a un professeur d'addictologie qui parle de surfer le craving, justement, quand on est addict.

  • Speaker #0

    C'est ça, apprendre à le gérer et surtout apprendre à l'accueillir pour qu'il passe. Et puis, juste se rassurer, se dire que ça ne va pas durer tout le temps. Ça finit par passer, mais c'est hyper puissant. Et d'ailleurs, après six mois de sobriété, j'ai failli craquer à cause d'un craving. Donc, ce n'est pas facile.

  • Speaker #1

    Le baclophène, donc tu l'essayes ou pas ?

  • Speaker #0

    J'essaye, mais très vite, je laisse tomber parce que je trouve que c'est trop lourd en termes de posologie et de prise. trop de médicaments, trop par jour. Et puis en fait, je n'aime pas l'idée de me mettre des médicaments dans le corps. Mais en tout cas, on essaye plein de choses.

  • Speaker #1

    Et alors, comment ça se passe par la suite ?

  • Speaker #0

    Je commence à me plonger en parallèle de tout ce suivi psychiatrique sur le sujet de l'addiction en lui-même. Comment ça marche d'un point de vue physiologique, neurologique ? En fait, je veux comprendre. Parce que je me rends bien compte que ce n'est plus qu'une question de volonté. Moi, ma volonté, elle est claire. Bien sûr que j'ai envie de m'en sortir, mais je me rends bien compte que malgré... Ma force, ma pugnacité, mon caractère de battante, j'y arrive pas toute seule. Et puis à côté de ça, j'ai besoin aussi de... d'aller chercher une communauté de gens qui ont vécu la même chose que moi. Donc, je me lance dans l'exploration des alcooliques anonymes.

  • Speaker #1

    Ah oui, d'accord.

  • Speaker #0

    Et je fais mes premières réunions d'alcooliques anonymes. Et c'est pour moi une expérience terrible. Ah bon ? Alors que je crois vraiment à ces communautés. En fait, j'encourage vraiment à tester cette solution parce que je pense qu'il y a des gens qui n'ont pas l'opportunité de pouvoir s'exprimer dans leur entourage. Et c'est quand même un endroit safe. où on peut partager son expérience de l'addiction et de la dépendance, et ça aide en fait de pouvoir discuter avec des gens qui comprennent. Mais moi, vraiment, c'est un outil qui ne me correspond pas.

  • Speaker #1

    Toi, ça ne te correspond pas ?

  • Speaker #0

    Ça ne me correspond pas du tout. En fait, je vais aux réunions, je ne me sens encore une fois pas à ma place.

  • Speaker #1

    Ouais, toi, ça ne te correspond pas ?

  • Speaker #0

    Ça ne me correspond pas.

  • Speaker #1

    Même si on le rappelle, et ça aide énormément de personnes, mais toi, avec ta personnalité, ta façon de voir les choses, ça ne te correspond pas, donc en fait, tu ne poursuis pas.

  • Speaker #0

    Je ne poursuis pas, donc au début j'ai mes copines qui m'emmènent le samedi matin, qui m'accompagnent à la réunion pour bien que j'y aille, mais très vite je laisse tomber parce qu'en fait je sors des réunions, je suis plus déprimée que motivée, ça m'est même arrivé je pense de sortir de réunion et d'aller acheter une bouteille de vin. Donc je laisse vite tomber et du coup je me plonge dans la littérature anglo-saxonne. qui touche à ce qu'on appelle les mouvements des sober curious. Et ça, ça commence à vachement m'inspirer. Et là, je découvre plein d'autrices qui écrivent sur l'alcool. Et là, ça y est, enfin, je m'identifie. Je lis des nanas qui ont des vies fonctionnelles. Pareil, qui ont réussi finalement à maintenir une vie plus ou moins normale tout en souffrant énormément de leur dépendance. Et là, pour la première fois, je me retrouve dans ces témoignages-là. Je lis un bouquin qui est vraiment un bouquin des clics, que j'adore, qui s'appelle Le bonheur inattendu de la sobriété qui a été écrit par Catherine Gray, qui est une autrice anglaise. Et en fait, la nana, elle travaillait chez Cosmopolitan à l'époque, dans la mode. C'est une nana jolie, cool, qui réussit dans son boulot, mais qui vraiment tombe dans les affres de l'alcool, et qui finit par se cogner la tête très fort et par décider d'arrêter. Et elle raconte tout ce parcours, mais elle parle surtout de l'après, en fait. Des bienfaits de la sobriété, de ce que ça lui apporte très rapidement. Elle reparle de toutes les premières fois que tu vis quand t'es abstinent, parce qu'en fait, c'est une redécouverte de tous ces premiers moments. Et surtout, elle parle de ça avec vachement d'humour et vachement d'autodérision. Et ça, ça m'éclate, quoi. Je me dis, mais voilà, ça, ça me parle.

  • Speaker #1

    Et donc tu pars dans cette dimension, tu t'empares du sujet, tu deviens actrice de ta prise en charge, et ensuite, qu'est-ce qui se passe ?

  • Speaker #0

    Et ensuite, j'avance, je continue à faire des rechutes.

  • Speaker #1

    Toujours à Paris ?

  • Speaker #0

    Toujours à Paris, c'est dur, on en parle avec le psy, le chemin est long, il est dur.

  • Speaker #1

    Les montagnes russes ?

  • Speaker #0

    J'ai pas des images ou des souvenirs très clairs de moments, de trucs, mais... je sens qu'avec le boulot, ça commence à être dur.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    En fait, j'ai de plus en plus de mal à me lever la semaine.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Parce que je suis rentrée dans un mode où tous les soirs, j'ai besoin de boire. Ah oui ? Donc, en fait...

  • Speaker #1

    C'est grosse rechute, quand même, là, alors.

  • Speaker #0

    Ouais. Et puis, en fait, je me rends compte parce que je vis avec un mec. Donc, en fait, si tu veux, ça te renvoie forcément ta consommation de manière plus frontale. Parce que quand t'es tout seul le soir, finalement, t'as personne pour te dire... Ouais, oh, calme-toi.

  • Speaker #1

    T'as pas de pression sociale.

  • Speaker #0

    T'as pas la pression. Là, en fait, je me rends compte que j'ai de moins en moins envie de sortir parce que ça me fatigue, que ça me prend beaucoup d'énergie, en fait, cette fête, cet entourage. Donc, je me rends compte que le soir, en fait, après le boulot, j'ai juste envie de rentrer et de boire au calme avec ma petite musique. Et encore une fois, de recréer cette espèce d'espace, de cette petite bulle de bien-être, quoi, avec ma bouteille en tête à tête. Et le problème, c'est que mon mec, il rentre du boulot. J'ai déjà descendu une bouteille.

  • Speaker #1

    Ah oui ?

  • Speaker #0

    Et puis forcément, quand il rentre, Ah bah attends, on va boire l'apéro, donc j'en ouvre une deuxième. On est au début de notre relation, donc pareil, c'est une bonne excuse pour boire un verre ensemble. Et puis il finit par aller se coucher, et puis en fait, j'en ouvre une troisième. Et puis je commence à rentrer dans le mode où je vais me faire vomir avant d'aller me coucher. Parce que je me dis, Demain, t'as une réunion à 9h, il faut que t'assures. Donc en fait, tes trois bouteilles dans ton petit corps de 55 kilos, tu sais que demain, ça va être hyper violent.

  • Speaker #1

    T'as quel âge, là ?

  • Speaker #0

    Là, j'ai 34 ans. 33, 34 ans. Donc tu vois, c'est 10 ans après mon premier acto. Donc là, ça commence à devenir dur. Je suis fatiguée. En fait, vraiment, je me sens acculée. Je sens que je n'y arrive plus. Ça me demande trop d'énergie de maintenir. ce système-là. Et puis, je descends de plus en plus à Biarritz faire des week-ends.

  • Speaker #1

    Ah voilà, nous voilà à Biarritz maintenant.

  • Speaker #0

    C'est juste que j'ai un déclic où je me dis, en fait, si tu ne changes pas ton mode de vie, radicalement, tu ne vas pas pouvoir te sortir de ça. Ce que je veux dire, c'est que je pense qu'à un moment, quand on a une dépendance qui prend autant de place dans notre vie... Alors moi, je suis allée dans quelque chose de très radical, un changement de vie, mais je pense qu'il faut vraiment prendre conscience que finalement, tes modes habituels, ils ont tellement intégré ta consommation que si tu viens pas bousculer ça un moment... tu n'arriveras jamais à t'en sortir vraiment. Et c'est ça dont je prends conscience. Et comme je suis quelqu'un d'assez extrême dans mes prises de décisions, mais ça fait, je m'en rends compte aujourd'hui, partie de moi, et ça n'a rien à voir avec l'alcool, je me dis, voilà, j'ai envie d'opérer ce changement. Donc, je rentre à Paris et je mets tout en place, en fait. Donc, je quitte mon job, je quitte mon mec, je quitte mon appart, parce qu'en fait, je me rends compte que tout ce système-là n'a plus sa place et j'ai envie de vivre autre chose, en fait.

  • Speaker #1

    Tu t'aperçois qu'en fait, ce n'est pas uniquement toi ou l'alcool, mais que c'est l'environnement aussi, c'est ça ?

  • Speaker #0

    En fait, c'est la puissance de l'environnement. L'environnement, je parle beaucoup de nourrir son système. Je pense que c'est un vrai truc d'addict ou de malade mental. En fait, c'est de faire en sorte de construire un monde autour de soi et de modeler son environnement pour venir nourrir son système de dépendance et de maladie. Et je me dis, en fait, si je ne fous pas un gros pied dans la fourmilière, mais je suis foutue, je vais finir par crever. De toute façon, je ne peux plus, j'arrive au bout.

  • Speaker #1

    Donc là, c'est ce que tu fais.

  • Speaker #0

    Donc là, je mets tout en place. Donc ça prend quelques mois forcément, parce que je ne pars pas du jour au lendemain de mon boulot, que je ne quitte pas tout comme ça. Ça prend quelques mois, je mets les choses en place. Je pars un mois en Inde, me faire un voyage reset pour me retrouver avec moi-même. Et d'ailleurs, en Inde, je bois très peu. 3-4 verres, un truc comme ça, en un mois.

  • Speaker #1

    Sans sevrage ?

  • Speaker #0

    Sans sevrage. Donc, je commençais à me dire, c'est possible. Et je rentre chez mes parents, en Savoie, dans les montagnes. Et à ce moment-là, j'ai prévu, 2-3 mois après, d'aller m'installer dans le sud-ouest. C'est clair. D'accord. J'ai trouvé une petite cabane dans le jardin des grands-parents d'une copine pour commencer mon exploration. Et je me dis, j'y vais au printemps quand les beaux jours arrivent. Et là, le confinement arrive. Et là, en fait, je me... Voilà, réaction d'addict. Je vais me confiner chez une copine d'enfance. qui est vigneronne.

  • Speaker #1

    Ah, pas la meilleure idée.

  • Speaker #0

    Il y a toujours la petite voix de l'addiction qui n'est pas loin. Donc, évidemment, ce n'est pas un choix complètement inconscient. Je sais pourquoi je le fais, en fait. Et donc, très vite, ça se passe mal, forcément. Donc, au bout de deux semaines de confinement, ça part en vrille. On s'engueule très fort. Et là, vraiment, je descends chez mes parents en voiture et je suis à deux doigts de mettre un coup de volant. Ah ! Oui.

  • Speaker #1

    Coup de volant, pourquoi ? Pour mettre fin à tes jours ? Ouais. Ah oui ?

  • Speaker #0

    Et là, je me dis, ok, c'est bon, on y est quoi ? C'est maintenant, en fait. T'as plus le choix. Ah oui ? Ouais, vraiment.

  • Speaker #1

    Tu roules et tu te dis, j'en ai marre, je peux mettre fin à tes jours et t'es à deux pas.

  • Speaker #0

    J'en peux plus. C'est l'espèce d'aboutissement de cette fatigue, de ce truc.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Je suis épuisée, je peux plus. Et j'arrive chez mes parents et vraiment, je suis en larmes, je suis hystéro, je suis au bout du Rolls, quoi. Et ils me disent, écoute, ça fait dix ans qu'on ferme notre gueule. On te laisse faire le truc à ton rythme et tout, mais en fait, là, stop. Enfin, tu peux plus continuer comme ça. C'est maintenant. En fait, tu commences une nouvelle vie, t'as tout mis en place. C'est maintenant. Donc, nous, on est là, on va t'aider s'il le faut, mais on peut plus te laisser te détruire comme ça.

  • Speaker #1

    Et donc, comment ça se passe, là, après cet épisode, justement ?

  • Speaker #0

    Comment ça se passe, c'est le confinement à ce moment-là. Je décide d'aller me confiner toute seule dans un petit appart que mes parents, ils ont en ville, en fait, pour me retrouver.

  • Speaker #1

    C'est tes parents qui te conseillent ça ?

  • Speaker #0

    Non, ils me conseillent pas ça. Ils ont... plutôt envie que je reste près d'eux, mais moi, je sens que j'ai besoin de faire le point, en fait. J'ai besoin de vivre cette confrontation à moi-même. Donc, je passe une semaine face à moi-même. Je pleure, toutes les larmes de mon corps. Je me refais tout le film de ma vie et je me dis, mais en fait, t'es une rescapée, quoi. Enfin, t'aurais pu mourir plein de fois, il aurait pu t'arriver des drames, des choses horribles. Et là, vraiment, je sais, je sais au fond de moi que cette fois-ci, c'est la bonne. C'est évident. et j'ai une amie qui me rejoint au bout d'une semaine, une amie d'enfance, et donc là on passe un mois et demi à se créer un monde de sobriété, entre quatre murs, à réinventer le quotidien, à faire du sport, à rigoler, à boire du pastis sans alcool le matin, à chanter La belle vie de Sacha Distel, à se mettre toute nue sur la terrasse pour bronzer, et en fait on retrouve la légèreté de l'adolescence. La légèreté de juste être ensemble, s'amuser, rigoler, discuter, faire d'autres choses. On commande tous les alcools sans alcool qu'on trouve sur Internet. Donc les vins sans alcool, les bières sans alcool, on fait des dégustations et on se marre. Et je suis bien.

  • Speaker #1

    Et ça dure combien de temps ?

  • Speaker #0

    Et ça dure un mois et demi. Et au bout d'un mois et demi... ça y est, je prends la voiture, je cherche le coffre, puis je commence à rouler tout droit vers l'océan.

  • Speaker #1

    Donc, retour vers Biarritz.

  • Speaker #0

    Et là, cette nouvelle vie qui s'ouvre à moi dans une petite cabane, en fait, là, vraiment, je fais de ma sobriété la priorité de ma vie.

  • Speaker #1

    Et donc là, tu es dans un environnement qui te convient ?

  • Speaker #0

    Je suis dans un environnement de rêve, en fait.

  • Speaker #1

    D'accord. Et qu'est-ce que tu fais de tes journées ?

  • Speaker #0

    Je me laisse vivre et je m'écoute, en fait.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et ça... Retrouver ça, c'est juste magique. D'avoir zéro contrainte, j'ai cette chance. J'ai cette chance de pouvoir me permettre de juste m'écouter. Je me lève, je fais un petit yoga, je prends le vélo, je fais mon petit thermo de café, je vais le boire à la plage. Et puis surtout, je commence à me plonger à fond dans le surf.

  • Speaker #1

    D'accord. Et alors le surf ?

  • Speaker #0

    Et le surf, je pense que c'est un peu le palliatif. Je pense que ça devient mon addiction positive. C'est ce qui vient remplacer. très vite, finalement, l'alcool et qui vient me soutenir et être mon pilier. Donc, les premiers mois, je ressens des cravings qui sont quand même assez intenses, assez perturbants, parce qu'en fait, je suis toute seule, je ressens ce truc-là. C'est dur. Tu te dis, waouh, ça fait peur. En fait, ça fait peur parce que je sais que cette fois-ci, c'est la bonne, mais quand même, à tout moment, tu peux craquer. Et du coup, dès que j'ai un craving, c'est simple. Je charge la voiture, je mets la planche et je vais me foutre à l'eau. qu'il pleuve, qu'il y ait du vent, que les vagues soient bonnes, pas bonnes, qu'elles soient grosses, pas grosses.

  • Speaker #1

    Tu vas à l'eau.

  • Speaker #0

    J'y vais. Je comprends que là, je rentre dans une nouvelle phase de ma thérapie et que ce qui va devenir incontournable, c'est prendre soin de mon corps. Et là, c'est une révélation. Je me dis, mais... En fait, pourquoi je n'ai pas compris ça plus tôt ? Me reconnecter à mon corps, en fait, c'est ça qui va me permettre de construire l'après.

  • Speaker #1

    Ça, c'est quelque chose que tu ressens ?

  • Speaker #0

    C'est d'une force. Et en fait, très vite, je retrouve des sensations. À travers la connexion avec l'élément, notamment l'océan, je retrouve des sensations. Et puis le surf me permet de reconnecter vraiment avec chaque partie de mon corps. avec mes membres, mes muscles, de sentir mon corps reprendre vie, être vivant. Parce que je pense que malgré tout, l'alcool te déconnecte complètement de tes sensations, de ta contenance, de ce côté vivant. Je pense que tu es quand même dans une démarche où tu t'anesthésies vachement le corps. Et là, de ressentir les courbatures, les bras qui tirent, tu le sais, en surf. les épaules, les trapèzes, mais d'avoir cette sensation du corps qui souffle, mais qui en même temps se construit dans sa solidité. Mais c'est une révélation, c'est génial. C'est fabuleux.

  • Speaker #1

    Et donc ça, en gros, cette pratique du surf et de contact avec l'océan, ça t'a aidé. Tu sens qu'il y a eu un cap qui a été franchi avec ça ?

  • Speaker #0

    En fait, plus que m'aider, franchement, ça m'a sauvé la vie. Dans ce travail d'abstinence, qui est très difficile parce que, toi en tant que médecin, je ne sais pas ce que tu en penses, mais moi je trouve que finalement la partie sevrage, quand ça fait des années que tu es en train de travailler sur ton addiction et ta dépendance, Bien sûr que c'est dur, mais finalement, une fois que tu as passé ce sevrage physique, ce que je trouve hyper difficile et dont on parle vachement moins, en fait, et c'est dommage, c'est le maintien de cette abstinence. C'est ça qui est difficile, c'est que maintenant, OK, tu as arrêté de boire, mais qu'est-ce que tu fais de ta vie, quoi ? Et en fait, moi, le surf, le rapport à... Allô, cette nouvelle vie dans le sud-ouest, dans un environnement beaucoup plus sain quand même, et très connecté à la nature, il m'a permis de me projeter dans cette nouvelle vie abstinente, sans l'alcool. Moi, à 34 ans, à travers la sobriété, j'ai eu le sentiment vraiment de me révéler, de me découvrir vraiment, de découvrir qui j'étais.

  • Speaker #1

    Et un conseil que tu donnerais aux personnes qui ont un proche ? qui est touché par cette addiction, quel conseil tu donnerais pour aborder le sujet ou pour accompagner les proches de personnes addictes ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est très dur pour l'entourage parce qu'ils subissent au quotidien aussi les conséquences de l'addiction. Donc, des fois, ils sont dans leurs propres émotions, dans la colère et c'est assez justifié finalement. Mais déjà d'une, je leur conseillerais de se renseigner sur les mécanismes de l'addiction parce qu'en fait, de comprendre... qu'il y a un vrai mécanisme physiologique, c'est hyper important pour se libérer de l'injonction de la volonté. De penser que celui qui boit ou celui qui se drogue, c'est qu'en fait, il n'a pas de volonté s'il n'arrive pas à arrêter. Déjà, il faut qu'on sorte de ce préjugé-là. C'est une connerie.

  • Speaker #1

    Maladie, l'addiction, dans le cas.

  • Speaker #0

    Maladie. Et en fait, c'est terrible parce qu'il y a des addicts qui se prennent des trucs dans la gueule parce qu'on leur renvoie en permanence leur incapacité à s'en sortir. Alors que ces gens-là, ils doivent déployer une force exceptionnelle pour dépasser ce truc-là. Donc déjà, c'est comprendre pour mieux accompagner. Faire preuve de bienveillance, de patience, et puis déjà la communication, je pense que c'est déjà bien, parce que je l'ai vu dans les réunions, il y a beaucoup de gens qui n'ont pas la possibilité d'en parler autour d'eux.

  • Speaker #1

    Et puis alors, moi je prêche un peu ma paroisse, mais toi c'est vrai que ça ne s'est pas très bien passé avec les addictologues que tu as vus. Moi je suis formé en addictologie, et c'est vrai que je pense que les choses ont bien évolué dans certaines structures, et c'est vrai que l'addictologie maintenant c'est de plus en plus une prise en charge intégrative, avec effectivement un médecin qui peut être addictologue. Mais normalement, t'es amené aussi à voir des psychologues, parfois des psychiatres, être mis en contact avec le milieu associatif, et puis d'autres corps de métier, notamment sur l'activité physique, etc. Et puis aussi trouver probablement des gens avec qui tu réussis à créer une alliance, j'imagine. C'est un peu ce que tu as décrit avec le psychiatre. Colline, qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour la suite ?

  • Speaker #0

    Non, j'aimerais pouvoir m'investir un peu plus dans tout ce qui touche aux addictions, notamment sur le public féminin, parce que je trouve que c'est un public qui est encore très stigmatisé. Et c'est vrai que quand on parle d'alcool et de femmes, c'est deux mots qui créent un truc assez négatif. Et j'aimerais bien qu'on change le regard là-dessus, parce qu'en fait, une femme qui boit, au fond d'elle, c'est une superwoman. et j'aimerais bien pouvoir développer un peu plus d'action dans ce sens-là, et aider les femmes à reprendre leur pouvoir et à vivre une sobriété heureuse.

  • Speaker #1

    Je suis entièrement aligné avec ça. Écoute, on aurait pu discuter, je pense, pendant trois heures, on a dépassé probablement le temps. Moi, j'aurais pu discuter avec toi aussi de surf pendant très longtemps, parce que c'est un sujet qui me tient vraiment à cœur, et effectivement, le contact avec l'océan et le surf, c'est... C'est un effet assez incroyable. Il y a pas mal de publications scientifiques à ce sujet-là. Après, tout le monde n'a pas la chance de vivre près de l'océan, mais c'est des descriptions scientifiques qui ont été aussi abordées sur d'autres sujets en rapport avec la nature, avec la montagne, avec la forêt. Ils font des bains de forêt au Japon. On a besoin d'être en contact avec la nature parce que finalement, on vient de là. Et bon, voilà. Donc, merci mille fois pour ce témoignage. Et puis, je te souhaite le meilleur pour la suite.

  • Speaker #0

    Merci César.

  • Speaker #1

    Allez, ciao.

  • Speaker #0

    Salut.

  • Speaker #1

    Merci à toutes et à tous de nous avoir suivis. N'hésitez pas à partager cet épisode. J'espère que la parole de Colline vous a autant aidé que moi à comprendre cette pathologie. Je la remercie encore vivement de nous avoir confié son histoire. Pour compléter le témoignage de Colline, nous avons sollicité l'éclairage d'une experte. Découvrez notre échange sur la thérapie bleue la semaine prochaine. Si vous souhaitez aller plus loin, je vous recommande ces associations. L'association Addiction France, la Fédération Addiction ou encore l'association SOS Addiction. On se retrouve dans deux semaines, même jour, même heure, pour entendre une autre histoire de passion. En attendant, je vous dis à très vite et surtout, prenez soin de vous !

  • Speaker #0

    Ce podcast vous a été proposé par la plateforme Levy.

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